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Bonjour et bienvenue à la 23
e séance du Comité permanent de la condition féminine. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur le leadership économique et la prospérité des Canadiennes.
Je veux informer les membres du comité que l'une des témoins dont la comparution était prévue pour aujourd'hui a gentiment accepté que son témoignage soit reporté à lundi prochain. Il s'agit de Mme Clare Beckton, de l'Université Carleton.
Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux deux témoins qui vont participer à cette séance par l'entremise de la vidéoconférence, soit Mme Christine Day, qui est chef de la direction à Luvo Inc., et Mme Heather Kennedy, qui est vice-présidente des Relations gouvernementales à Suncor Énergie Inc.
Je vous remercie beaucoup de votre patience.
Nous allons commencer par Mme Day, qui dispose de 10 minutes pour faire sa présentation.
Comme vous le savez sans doute, j'ai occupé les fonctions de chef de la direction de Lululemon; j'aimerais donc commencer par vous parler du travail que j'y ai accompli.
Étant donné qu'il y avait une vaste gamme de sujets dont nous pouvions discuter, j'ai pensé vous parler d'abord de ce qui était le plus important pour moi, soit la création d'une entreprise axée sur la famille, où nous mettrions en place des pratiques exemplaires pour nous assurer de donner la priorité à la prospérité et au leadership des femmes, ainsi qu'à la famille. J'aimerais vous parler de certaines de ces pratiques et je répondrai ensuite à vos questions sur tout autre sujet.
À Lululemon, nous avons notamment tenu compte de la hausse du coefficient de Gini, soit l'écart de salaire entre le travailleur le mieux payé et le travailleur le moins payé dans une entreprise. Le salaire d'un PDG est maintenant 500 fois plus élevé que celui du travailleur moyen. Nous avons donc décidé d'adopter des pratiques inhabituelles de rémunération pour changer cela.
Tous nos employés qui gagnaient moins de 85 000 $ par année avaient droit à une augmentation salariale pouvant aller jusqu'à 16 %, et nous limitions celle de nos cadres supérieurs à 3 %, dans le but de consacrer plus d'argent à nos travailleurs intermédiaires et débutants, afin qu'ils puissent payer des frais de garde, s'acheter une maison, rembourser leurs dettes d'études et consommer davantage dans leur vie quotidienne, ce qui contribue à faire tourner l'industrie et l'économie. C'est ce que nous pensions.
Le salaire de base que nous versions à tous les employés était de 15 $ l'heure, ou de 12 $ en plus de la commission. Comme je l'ai indiqué, notre objectif était d'accroître les niveaux de revenus des employés aux premières étapes de leur carrière et de réduire la richesse créée aux échelons supérieurs de l'entreprise.
La tenue de réunions uniquement entre 9 heures et 16 heures est une autre pratique axée sur la famille que nous avons mise en place et qui était, selon moi, très importante pour assurer la prospérité des femmes et des familles. Cela permettait aux gens d'aller chercher leurs enfants à l'heure à la garderie. La principale raison pour laquelle les parents perdent leur accès à une garderie, c'est qu'ils vont chercher leurs enfants en retard. Nous avons créé des politiques axées sur la famille qui répondaient aux vrais besoins des parents qui travaillent. Ces politiques étaient très importantes pour les mères seules, notamment.
Lorsque des parents devaient travailler à la maison, ou durant les congés de maladie, nous utilisions également la technologie GoToMeeting ou FaceTime pour leur permettre d'avoir accès à leur environnement de travail.
Nous avons aussi créé un accès au transport; c'est l'autre raison pour laquelle les gens étaient en retard ou ne pouvaient se rendre au travail, en particulier dans nos magasins. Pour notre entreprise, il était essentiel de répondre aux vrais besoins des familles et de permettre aux femmes de garder leur travail.
Il y a une autre chose qui était très importante pour nous, au niveau de la direction: avoir un conseil d'administration et une équipe de gestion représentant bien les femmes. Nous avons donc pris un engagement à cet égard et nous l'avons respecté. Mon équipe de direction était composée à 80 % de femmes, et notre objectif était de 50 %. La moitié des membres de notre conseil d'administration étaient des femmes. Pour nous, c'était très important, non seulement pour que les femmes aient des modèles, mais aussi pour que les hommes aient des modèles de dirigeantes. Je pense que ce sont des statistiques très importantes.
Comme vous le savez, le salaire des femmes représente 77 % du salaire des hommes; nous avons créé une garantie pour qu'elles touchent le même salaire que les hommes. Nous estimions que grâce à notre stratégie visant à ce que le conseil d'administration et notre équipe de direction soient formés de 50 % de femmes et grâce à la réduction de l'écart salarial entre les hommes et les femmes, nous devenions également une entreprise modèle. En conséquence, nous sommes devenus l'un des détaillants de vêtements les plus rentables dans le monde. Je crois que nos pratiques en matière d'égalité des femmes et l'augmentation du revenu de nos employés intermédiaires ont joué un rôle essentiel pour dynamiser l'entreprise.
Nous avons également accéléré le perfectionnement, qui repose sur la formation. Nous avons créé des postes liés à un bassin de talents et nous avons effectué une rotation parmi les femmes occupant ces postes favorisant le leadership et le perfectionnement accéléré, en particulier pour les femmes ayant pris un congé de maternité. Nous avons effectué une rotation parmi les femmes dans ces programmes de perfectionnement accéléré afin qu'elles puissent mettre à jour leurs compétences professionnelles, ce qu'elles n'avaient pu faire durant cette année-là.
Cela nous a permis d'améliorer notre bassin de talents et d'accorder des promotions aux femmes au même rythme qu'aux hommes.
Voilà seulement quelques-unes des initiatives dont je voulais vous parler. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Je suis très heureuse de me joindre à vous aujourd'hui pour vous parler de mes expériences personnelles à titre de dirigeante canadienne. Je me permets cependant de faire deux petites mises au point.
Premièrement, ma rémunération n'a jamais été inférieure à celle des hommes avec qui j'ai travaillé. Deuxièmement, je n'ai jamais obtenu un poste uniquement parce que je suis une femme.
Par contre, il y a eu des situations de harcèlement et des occasions ratées, je me suis demandé chaque jour ce que mes enfants étaient en train de faire et j'ai découvert qu'en situation de prise de décision, tous n'apprécient pas la diversité au même degré. Toutefois, ces expériences ont été occultées par un excellent soutien, une ouverture à l'égard du leadership que j'ai pu apporter et la fierté d'avoir contribué à ma modeste façon à l'avancement de la cause des femmes de carrière.
J'ai aussi connu quelques premières. En voici deux exemples. Dans une entreprise, j'ai été la première employée professionnelle à avoir besoin d'un congé de maternité. J'ai été la première femme superviseure ou gestionnaire de plusieurs employés à de nombreuses occasions. Je suis ingénieure métallurgiste de formation et j'ai obtenu mon diplôme de l'Université Queen's il y a 34 ans. Aujourd'hui, je fais partie des 17 % de femmes ingénieures.
J'ai commencé ma carrière dans l'exploitation minière dans le nord de l'Ontario, puis dans l'exploitation minière du charbon dans le sud de la Colombie-Britannique, où j'ai occupé mon premier poste en gestion. Par la suite, je suis entrée au service de Suncor, à Fort McMurray, dans le secteur des sables pétrolifères. J'ai assumé des fonctions liées à l'exploitation, aux grands projets et aux ressources humaines, et je m'occupe actuellement des relations gouvernementales.
Durant trois ans, j'ai aussi occupé les fonctions de sous-ministre adjointe pour le gouvernement de l'Alberta et j'ai collaboré avec 16 ministères pour élaborer une politique de mise en valeur des sables pétrolifères.
Je trouve tout aussi important de consacrer du temps à l'action bénévole, comme le font la moitié des Canadiens. J'ai été membre du conseil d'administration de sept associations sans but lucratif et j'ai aussi agi comme bénévole pour de nombreuses autres.
Même si les 17 % dont j'ai parlé tout à l'heure peuvent sembler peu, le nombre des femmes ingénieures de ma génération a triplé; il est passé de 8,5 % à 23 % actuellement. En outre, pour cette même génération, le plafond de verre a monté de deux à quatre échelons de hiérarchie de gestion dans les grandes sociétés comme celle pour laquelle je travaille actuellement. Le fait que j’utilise l’expression « plafond de verre » confirme qu'il en existe encore un. Je tiens à être claire sur ce point: la diversité et les chances d'avancement augmentent considérablement pour les femmes dans le secteur des ressources; les obstacles systémiques sont moins nombreux, mais il en reste tout de même.
J'aimerais faire quelques observations à cet égard. Peu d'hommes, apparemment environ 5 %, sont qualifiés d'agressifs au travail, alors qu'on dit souvent d'une femme qu'elle est trop agressive. Je l'ai moi-même entendu à de nombreuses reprises durant ma carrière d'une trentaine d'années. J'ai récemment entendu une façon intéressante de formuler les choses: les hommes sont des patrons, les femmes sont autoritaires. Ce qui est bien, c'est que nous pouvons changer la situation en admettant ce fait. La prochaine fois que vous entendrez quelqu'un dire qu'une femme ou une petite fille est autoritaire, allez lui dire que cette petite fille n'est pas autoritaire, mais qu'elle démontre des aptitudes à diriger.
Je n'ai jamais rencontré un homme à qui on a demandé comment il arrivait à tout faire, mais quelle femme ne s'est pas fait poser cette question? La prochaine fois que vous aurez le besoin irrésistible de poser cette question, demandez plutôt: « Comment vous débrouillez-vous avec le travail multitâche? ».
Une main-d'oeuvre diversifiée augmente le bassin de candidats au pays à un moment où on s'aperçoit qu'il faudra des dizaines de milliers de travailleurs de plus dans le secteur des ressources. Si l'on détermine les besoins en main-d'oeuvre et on ajoute la possibilité d'embaucher des femmes, on obtiendra un portrait clair de la situation, et cela nous amènera à réussir. Le marché du travail a besoin de femmes, et les femmes ont besoin du marché du travail. La vraie question est de savoir si nous pouvons nous permettre de ne pas faire appel à toute la main-d'oeuvre, et la réponse est non. Pourquoi ne pas optimiser la main-d'oeuvre en créant des perspectives pour les femmes en gestion? Accroître la présence des femmes dans les postes de direction nous incite à envisager les défis et les occasions dans une foule de perspectives et d'élargir l'ensemble de nos compétences afin d'ajouter de la valeur pour les actionnaires.
Mais vous n'avez pas à me croire sur parole. De nombreuses études révèlent que les entreprises qui comptent plus de femmes dans les postes de direction et les conseils d'administration obtiennent de meilleurs résultats que celles qui en comptent moins. Je dirais que la personne qui a présenté son exposé avant moi l'a très bien démontré. Je n'affirme pas que la diversité doit l'emporter sur les besoins en matière d'expertise, mais plutôt que la diversité combinée à l'expertise est importante.
Comment est-ce que je contribue personnellement? Je suis un modèle; je sais parfaitement que les gestes que je pose au travail, où les femmes représentent seulement 25 % des employés, et comme bénévole ont de l'importance pour les jeunes femmes et contribuent à créer un espace pour qu'elles soient prises en considération si des occasions se présentent. Je suis un mentor; je trouverai toujours du temps pour discuter avec les femmes afin de les aider et de les conseiller du mieux que je peux. J'aide à mettre sur pied et à diriger des initiatives destinées à attirer les femmes et à les maintenir en poste à Suncor. Je tiens compte de la diversité au moment de l'embauche et des promotions. En tant que gestionnaire, je crée un cadre sûr pour permettre des conditions de travail souples selon les politiques de mon entreprise.
Qu’est-ce que je considère comme des occasions systémiques? Tirer profit de notre élan actuel.
Actuellement, le nombre de candidatures pour des postes techniques dans le secteur est faible. Il est clair que pour les femmes, le secteur pétrolier et gazier n'est pas le premier choix de carrière. Suscitons de l'intérêt.
Comprendre les contraintes. Les recherches, les études et les preuves à ce sujet ne manquent pas.
Prendre des mesures stratégiques le cas échéant et fournir des outils de soutien. Par exemple, il n'est pas difficile d'adapter l'embauche selon la situation, et les résultats peuvent être très positifs.
Analyser les CV sous un nouveau jour. Adapter les entrevues et les questions pour tenir compte de la diversité des candidates afin qu'elles soient à l'aise, ce qui augmentera leurs chances de réussite pour décrocher l'emploi.
Encourager le monde à considérer les femmes comme des dirigeantes et non des femmes dirigeantes. Il est inacceptable que les médias fassent état de la première femme présidente ou de la première femme premier ministre.
Mettre sur pied des programmes qui favorisent la réussite. Ceux que nous préférons à Suncor sont issus de Women Building Futures; il y a aussi des programmes internes.
Pour le gouvernement, je dirais que de nombreuses entreprises et le secteur de l’éducation se consacrent déjà avec succès à des initiatives à ce chapitre. Le gouvernement peut-il fournir une aide financière? Peut-il les aider à mettre en place le réseau nécessaire pour favoriser davantage la réussite? Le gouvernement tient-il lui-même compte de la diversité dans ses nominations? Dans ce domaine, il est très important de prêcher par l'exemple, que ce soit personnellement pour quelqu'un comme moi ou pour le Canada.
Je vais m'arrêter là-dessus et je répondrai avec plaisir à vos questions.
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Je pense que la principale chose — et je vais commencer par parler de Lululemon et des pratiques que j'ai transmises à Luvo —, c'est que dès le premier jour, nous avons enseigné le leadership dans le cadre de notre programme. Nous avons enseigné trois niveaux de leadership à toutes les personnes embauchées par Lululemon.
Le premier portait sur soi-même, l'autogestion et la relation avec les autres, la gestion de son rendement. Ces éléments étaient tous considérés comme du leadership personnel.
Il y avait ensuite le leadership des autres, et pas seulement des personnes qui relevaient de vous. Il s'agissait en fait des relations avec les pairs et de la façon d'être un chef de file dans une organisation, dans de multiples fonctions et divisions, et de mener des projets en vue de mettre les femmes en situation.
Dans notre cours de leadership, nous faisions participer 20 femmes chefs de file au potentiel prometteur, ainsi que des hommes. Le but était de les faire travailler ensemble. Puis, nous leur donnions des projets ou des initiatives stratégiques de notre plan et nous les faisions travailler en collaboration sur le plan interfonctionnel. Cela leur donnait de la visibilité, ce qui est important pour les femmes chefs de file. Cela leur donnait de la confiance. De plus, dans ces cours, elles avaient toutes un mentor du personnel de gestion et elles suivaient un cours de leadership à l'externe lorsqu'elles participaient à ce programme, qui était offert huit mois par année. Un nouveau groupe était sélectionné tous les huit mois.
Notre dernier niveau de leadership était la direction d'organisations, où nous enseignions la stratégie et les fonctions, et la façon de mettre en place la vision future et la capacité d'une organisation.
Le développement du leadership était une compétence essentielle à Lululemon, et ce sont les principes que je veux établir à Luvo également.
Je dois commencer un peu différemment. Je dois enseigner l'anglais langue seconde, par exemple, afin de réduire les obstacles à la formation dans mon usine de fabrication, où nous avons embauché de nombreux immigrants.
Je pense qu'il s'agit de reconnaître de quoi est constituée sa main-d'oeuvre, la base avec laquelle on commence, et d'élaborer des programmes de leadership. Par exemple, dans l'usine de fabrication, nous prenons les femmes les plus compétentes dans leur travail et nous leur confions la responsabilité d'une ligne. Nous leur montrons tout de suite des principes de base de la méthode de production allégée. Nous les laissons déjà encadrer des employés et acquérir des compétences en leadership. Aussitôt qu'elles démontrent des aptitudes, nous leur faisons suivre un programme de formation. Elles prennent ensuite des initiatives d'autoperfectionnement, et cela leur donne des possibilités de promotion.
Je pense que j'y suis arrivée un peu par accident. J'ai étudié l'ingénierie et je n'avais pas réalisé, en 1976, qu'il n'y avait pas beaucoup de femmes ingénieures. Pour tout dire, quand on est une jeune femme de 17 ans dans une classe de 3 femmes et de 50 hommes, ce n'est pas si mal. Je dois dire que j'ai simplement eu de la chance en cours de route. On obtient son premier emploi et on se rend compte qu'on est une personne talentueuse et compétente. Il y a parfois des moments un peu inquiétants, mais on continue d'avancer et on se fie à ses valeurs personnelles.
Ensuite, heureusement pour moi, nous avons à Suncor, comme à Lululemon, d'excellents programmes de formation et nous mettons nous aussi l'accent sur le leadership chez les femmes. Grâce à notre planification de la relève, nous prenons le temps de trouver des femmes chefs de file et de leur offrir des possibilités. C'est une chance que mon premier rôle en tant que vice-présidente ait été lié aux relations avec les intervenants, ce qui n'est pas mon domaine, comme vous pouvez l'imaginer. Il s'agit simplement de trouver un bon mentor et conseiller en cours de route et de profiter de toutes les occasions qui se présentent.
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Je vous remercie beaucoup, madame Day et madame Kennedy, d'être avec nous aujourd'hui et de nous faire part non seulement de vos pratiques de travail, mais aussi de vos expériences personnelles. Cela nous aide assurément à façonner le travail que nous accomplissons ici.
On parle beaucoup du leadership et de favoriser le leadership, ce qui est manifestement essentiel pour que les femmes gravissent les échelons des organisations. Les femmes aspirent à occuper des emplois qui ne sont pas considérés traditionnellement comme des « emplois de femme ». Or, il est clair que certains obstacles structurels auxquels sont confrontées les femmes les empêchent d'occuper certains emplois ou, bien honnêtement, de sortir de la maison pour aller travailler.
Madame Day, vous avez fait allusion à certaines des initiatives prises par votre compagnie pour faciliter la vie des familles et des femmes ayant des enfants.
J'aimerais que vous répondiez toutes les deux à la question suivante. Dans quelle mesure l'accès à des services de garde abordables est-il important pour la prospérité et la sécurité économiques des Canadiennes?
Nous pouvons commencer par vous, madame Day.
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Je suis tout à fait d'accord avec Mme Day.
À Suncor, nous suivons deux modèles. Le premier est situé à notre siège social, à Calgary, où nous mettons à la disposition de nos employés locaux un service de garde appelé le Pumpkin Patch. Nous avons adopté une approche différente, comme vous pouvez l'imaginer, dans bon nombre de nos sites éloignés à Fort McMurray ou plus loin encore. Nous avons choisi de fournir des fonds et un soutien aux fournisseurs de services de garde du secteur privé, mais nous reconnaissons l'importance de ce genre de sécurité.
Dans notre établissement de Fort McMurray, ouvert 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, nous offrons également beaucoup d'options aux travailleurs de quarts. Par exemple, si vous êtes un travailleur de quarts et que votre conjoint l'est aussi, nous vous permettrons de choisir de travailler durant le même quart de travail, durant un quart complètement différent ou quelque chose entre les deux, afin que vous puissiez mieux adapter votre horaire en fonction des services de garde. C'est une solution extrêmement utile à notre usine d'exploitation de sables bitumineux.
Madame Kennedy, vous avez parlé des défis auxquels sont confrontés les gens qui travaillent dans les régions nordiques et isolées. D'ailleurs, je représente le nord du Manitoba, où de nombreuses personnes travaillent dans le secteur de l'exploitation des ressources, en particulier dans l'industrie minière, et où la garde des enfants est un enjeu de taille. Évidemment, cela a une incidence disproportionnée sur les femmes et, dans bien des cas, elles cessent complètement de travailler.
Je voudrais vous parler d'un élément qui est entièrement lié aux femmes dans les métiers et à la garde des enfants. En 2010, le Comité de la condition féminine a effectué une étude sur les femmes qui occupent des emplois non traditionnels. Malheureusement, le gouvernement n'a pas donné suite à la majorité des recommandations qui ont été formulées dans le rapport, y compris celle-ci:
Le comité recommande qu'en consultation avec les provinces et les territoires, le gouvernement fédéral finance un programme abordable et coordonné à l'échelle nationale d'apprentissage et de garde des jeunes enfants dans les provinces et territoires où il n'en existe pas déjà un, et qu'il accorde le même niveau de financement pour les programmes d'apprentissage et de garde des jeunes enfants déjà administrés par une province ou un territoire.
Compte tenu des besoins qui existent dans les régions nordiques et isolées et du fait qu'on ne trouve pas partout des sociétés qui sont disposées à prendre de tels engagements ou à faire le genre de développement économique qui permettrait de tels engagements, selon vous — et vous pourriez répondre toutes les deux, étant donné que cela ne touche pas seulement les régions nordiques —, le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer? Le secteur public peut-il jouer un rôle en créant un programme national de garde d'enfants qui permettrait d'augmenter le nombre de femmes en affaires, dans les métiers et dans toutes sortes d'emplois, peu importe où elles vivent au pays?
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Je suis tout à fait d’accord avec le fait que nous devons essayer de trouver des options en matière de financement. Je crois que les entreprises auraient grandement avantage à participer à la résolution de ces problèmes qui ont un effet réel sur la main-d'oeuvre active et sur le temps que les personnes peuvent y rester. Nous avons l’exemple de cette employée qui s’est mariée avec quelqu’un qui a déménagé dans une région éloignée de la Colombie-Britannique.
Nous l’avons carrément laissée travailler à la maison, et nous l’avons fait circuler sur un iPad, en prenant soin de la faire participer à nos réunions. Elle a pu continuer à travailler. Elle le faisait à partir de chez elle, depuis cette région éloignée. Je crois que les entreprises et le gouvernement fédéral peuvent trouver des solutions beaucoup plus originales en cherchant à l’extérieur du moule. Il y a maintenant tellement d'outils pour faciliter le travail à domicile.
En ce qui concerne les garderies, je crois que de nombreuses options distinctes se présentent à nous. Je pense que les écoles sont une option enviable, pour peu que nous soyons prêts à subventionner davantage les services avant et après l’école. Je crois en outre que cela nous donnera une occasion de nourrir les enfants qui ne se font peut-être pas donner à manger ailleurs.
J'estime que la participation des entreprises au financement de ces programmes, que ce soit par le biais des impôts ou d’autres dispositions, est un élément névralgique de la résolution de la crise familiale qui, selon moi, est sur le point d’éclater.
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Je me ferai une joie de commencer.
Je pense que la peur numéro un pour la plupart des gens est encore de parler en public. C'est l'une des choses que nous enseignons très tôt dans notre cours sur le leadership. Nous l'avons fait à Lululemon et je suis présentement en train de préparer la première de ces formations pour mes équipes qui sont ici, chez Luvo. Je pense que c'est une aptitude très importante et un élément essentiel du leadership: apprendre à se présenter, à se vendre et à vendre des idées.
Le deuxième point faible qui nuit aux femmes de carrière est le manque de confiance lorsque vient le temps d'assumer des rôles de direction. Je veux ici parler de postes comme chef des opérations, directrice des ventes ou cadre pour les services organisationnels par opposition aux postes d'employés. Alors, tôt dans votre carrière — notamment dans le commerce de détail —, recherchez les gens qui seront en mesure de diriger un magasin, et accordez une grande importance au leadership et aux talents qu'il faut pour diriger des personnes. Validez l'expérience des visiteurs, mettez des équipes sur pied, faites votre marketing et cherchez à acquérir ce type d'expérience générale en matière de direction.
Pour devenir une présidente-directrice générale, le plus gros obstacle pour la plupart des gens est le fait qu'il vous faut 15 ans d'expérience dans les opérations. Or, les femmes se retrouvent souvent dans des postes d'employé. C'est plus confortable. Vous êtes une conseillère. Vous n'êtes pas sur la première ligne. Vous n'êtes pas celle que l'on charge de prendre des décisions.
Il est tellement important d'intervenir et d'acquérir très tôt de l'expérience sur la ligne de feu, notamment pour les femmes, ainsi que la formation connexe. Il faut nourrir sa confiance en soi pour être en mesure de prendre les décisions qui s'imposent et d'exercer, dans les faits, le rôle d'une directrice. Pour beaucoup de femmes, cette perspective est très apeurante et très intimidante.
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Merci d'avoir soulevé cette question.
D'une façon ou d'une autre, nous subissons toutes les jugements d'autrui. Cela me fait penser à la présidente-directrice générale de Google — c'est vous, madame Kennedy, qui avez parlé des congés de maternité — qui a été la première cadre à prendre un congé de maternité. Je crois qu'il s'agit de Google. Elle n'a pris qu'un tout petit congé — un choix très personnel, selon moi —, mais les médias l'ont quand même vertement critiquée. Voilà le genre de facteurs dont les femmes doivent tenir compte, alors que les hommes n'ont pas à le faire.
Merci d'avoir mentionné la peur de parler en public. Je crois que dans la plupart des rôles de direction, pour les hommes comme pour les femmes, il y a toujours une certaine part d'allocutions ou d'exposés publics. En tant que politiciennes et politiciens, cela fait assurément partie de notre quotidien.
Selon moi, l'autre chose que les femmes doivent faire — et pour laquelle il faut parfois les épauler —, c'est qu'elles doivent développer et étendre leurs réseaux. Je sais cela parce que j'ai commencé si tôt en politique, à titre bénévole. Au fil des ans, j'ai pu développer un réseau d'amis, de partisans et de bénévoles qui sont éventuellement devenus des bénévoles de campagne et des donateurs.
Comment les femmes d'autres secteurs, comme celui des affaires, arrivent-elles à développer leurs propres réseaux?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Comme suite aux propos de Heather Kennedy, je dois avouer que mon parcours pour arriver où j'en suis a été plutôt aisé. Je n'ai jamais eu à faire face au moindre de ces obstacles du fait que je suis une femme.
Quels sont les obstacles qui attendent les femmes qui, comme vous en tant qu'ingénieure, se lancent dans des professions non traditionnelles? Je n'ai pas eu à surmonter d'obstacles, car je ne crois pas que les femmes qui vont en médecine en rencontrent beaucoup, que ce soit à l'université ou ailleurs. Pour ce qui est des propos de l'autre témoin, j'ai constaté qu'en médecine, on vous juge effectivement en fonction de la qualité de votre travail. En ce qui concerne les métiers non traditionnels — pas seulement les professions, mais bien les métiers — quels sont les problèmes qui, selon les principales intéressées, se posent à leur avancement?
Si vous êtes une femme forte qui ne manque pas de confiance en elle-même, vous pourrez ouvrir grand la porte, entrer et déclarer: « Me voilà! » Mais pour les autres femmes qui n'ont pas cette confiance, la chose n'est pas aussi simple. Elles ne savent pas comment faire. Maintenant, si vous êtes dans une entreprise comme Luvo, vous recevrez assurément cette sorte d'encadrement et la formation qu'il faut pour réussir. Mais avant de se rendre là, comment les femmes qui exercent des métiers et des professions non traditionnels arrivent-elles à ouvrir grand la porte et à avoir toute cette confiance?
Quels sont les problèmes que vous avez constatés?
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L'un des premiers obstacles à surmonter arrive en fait au moment où vous souhaitez postuler un emploi. Il est immédiatement question de la présentation d'un curriculum vitae. Dans le secteur des ressources, du moins, au début, vous pouviez vous attendre à ce que votre curriculum vitae soit examiné par un homme, lequel se serait efforcé d'y trouver une expérience clairement pertinente pour lui, très axée sur les mines et ce genre de choses.
L'un des obstacles les plus difficiles à surmonter est de faire en sorte que votre curriculum vitae soit lu et de décrocher une entrevue. Il se peut que l'entrevue se fasse devant un groupe d'experts — comme cela a été mon cas, avec sept messieurs, tous très bien intentionnés, qui ont tenté de me cuisiner au sujet de mes capacités et de mes compétences. Un tel scénario peut intimider. Cela peut constituer un obstacle. Vous pouvez comprendre ce qui vous ferait hésiter à postuler.
Dans le secteur des ressources, l'autre obstacle est la réputation que peut avoir le travail proprement dit: les longues heures, le dur labeur et les sites en régions éloignées. Bien souvent, les femmes se demanderont si les efforts en valent le coup. L'industrie doit s'efforcer de montrer les occasions qui sont offertes et tous les avantages connexes, et insister sur la grande flexibilité des emplois.
Je serais portée à croire que le dernier obstacle n'en est plus un. L'expérience que j'ai maintenant m'indique que les personnes qui sont hautement qualifiées et qui font preuve de professionnalisme dans leur travail seront appréciées. En génie, c'est une transformation qui s'est opérée au cours de la présente génération, et c'est un changement qui fait plaisir à voir.
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En fait, j'ai quelques notes à ce sujet.
Un entrepreneur, c'est quelqu'un qui résout des problèmes. Les entrepreneurs ont une idée du marché. Ils pourraient enseigner aux jeunes filles, en bas âge, comment résoudre des problèmes et trouver des idées et les commercialiser. Il y a de très bons modèles d'affaires qui se développent, comme eBay et Etsy, où les gens peuvent vendre les produits artisanaux qu'ils fabriquent. Même les jeunes filles fabriquent des produits artisanaux, comme les bracelets et des articles tissés.
On pourrait organiser des projets de classes ou des ateliers, pendant ou après les heures d'école, pour apprendre aux filles comment fabriquer de simples produits artisanaux et les commercialiser sur une plate-forme comme Etsy. Ces activités pourraient être dirigées par un entrepreneur local qui coordonnerait avec elles la fabrication et la commercialisation de leurs produits pour les initier, dès leur jeune âge, à l'économie, et leur apprendre comment vendre leurs produits, rejoindre leur clientèle et créer des modèles d'affaires. Ce serait des compétences importantes à acquérir.
Il peut paraître étrange de faire le lien avec l'entrepreneuriat, mais je crois que les programmes de sport sont très importants, car ils aident les jeunes à développer leur leadership et à avoir confiance en leurs habiletés physiques. Selon moi, la participation des filles et des jeunes filles à des activités sportives et des programmes de sport où elles peuvent trouver des idées et développer leur leadership est un élément très important dans le développement d'un esprit d'entreprise. Cela diffère des enseignements transmis dans le milieu familial, notamment dans les autres cultures où on apprend aux jeunes à être au service des autres au lieu d'être des chefs de file.
Plus on donnera l'occasion aux filles d'être des chefs de file, d'être autonomes et de commercialiser leurs propres idées, plus elles seront nombreuses à choisir l'entrepreneuriat comme carrière.
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Vous soulevez un très bon point au sujet des femmes dans les métiers. Il s'agit vraiment d'une occasion manquée jusqu'à maintenant.
Je crois que la meilleure façon serait d'aborder les métiers dans les écoles secondaires. Selon les recherches, c'est à l'adolescence, au premier cycle du secondaire, que les jeunes femmes commencent à prendre leurs distances par rapport aux sciences et qu'elles découvrent le côté plus pratique du travail. Les programmes et politiques qui permettent la diversité de l'enseignement à cet âge, notamment en ce qui concerne les métiers, sont très importants. Il est extrêmement utile d'offrir aux jeunes femmes des cours incluant, par exemple, une semaine de formation dans un atelier de soudure ou un atelier automobile.
La journée Invitons nos jeunes à l'école est une très bonne initiative, mais elle n'est pas très populaire pour le moment. C'est malheureux, car il est essentiel de permettre aux jeunes femmes de voir à quel point il peut être agréable de travailler comme soudeuse ou tuyauteuse ou dans un métier de l'électricité.
Je crois qu'il est absolument essentiel pour les jeunes filles du secondaire d'avoir des modèles à imiter. Il faut identifier les femmes de métier qui peuvent aller dans les écoles pour parler aux jeunes filles et les inviter dans leurs ateliers. C'est très important.
C'est un plaisir de vous accueillir toutes les deux.
Madame Day, je ne vous connais pas encore, mais je vous remercie d'avoir accepté notre invitation.
Madame Kennedy, merci beaucoup d'être venue. Nous nous sommes rencontrées à Calgary et je sais que vous avez beaucoup d'expertise à partager.
J'aimerais revenir sur un point que vous avez soulevé plus tôt, soit que les femmes ont amélioré le climat de travail dans le secteur des ressources. Je crois que les gens seraient surpris d'entendre cela. Il s'agit, en partie, d'une question de confiance, car, selon ce que j'ai entendu, un des obstacles pour les femmes, c'est qu'elles n'ont peut-être pas confiance en leur capacité de faire le travail et de bien le faire. Mais, vous semblez dire qu'elles peuvent améliorer le climat de travail. Pourriez-vous me donner des détails à ce sujet? Comment les femmes peuvent-elles améliorer le climat de travail dans un secteur à prédominance masculine, comme le secteur des ressources?
Mon temps est presque écoulé, mais je crois que j'ai le temps pour une dernière question.
Si je me fie à ce que vous avez dit toutes les deux, vous êtes des chefs de file très pragmatiques. Vous êtes certainement compétitives, mais ce n'est pas la première chose qu'on remarque chez vous. Vous semblez être des personnes très directes avec une aptitude pour la résolution de problèmes.
Je me demande comment on pourrait aider nos filles à acquérir ces compétences. Certains disent: « Donnez-leur un coffre à outils; initiez-les à l'art de parler en public. » Mais si vous pouviez dire une chose… Je vais poser ma question à Mme Day, car Mme Kennedy a déjà eu l'occasion de s'exprimer.
Madame Day, j'ignore si vous avez des enfants ou si vous avez une fille, mais si oui, quels conseils lui donneriez-vous?