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Bonjour et bienvenue à la 55
e séance du Comité permanent de la condition féminine. Nous continuons aujourd'hui notre étude sur les femmes dans les métiers spécialisés et en sciences, en technologie, en génie et en mathématiques.
Nous poursuivons également notre projet pilote des « comités sans papier ». Comme vous pouvez le constater, la présidente ne donne pas l'exemple, étant donné qu'elle utilise encore des documents qui sont en format papier. Toutefois, quelques membres du comité, dont M. Barlow, sont déjà prêts à participer à cette nouvelle initiative. Bravo!
Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui des membres de la
[Traduction]
Society for Canadian Women in Science and Technology, Mmes Danniele Livengood et Sandra Eix. Nous accueillons également Mmes Suzanne Winterflood et Marjorie Marchinko, du Centre for Education and Work.
[Français]
Nous accueillons également Mme Kate McInturff, qui représente le Centre canadien de politiques alternatives.
[Traduction]
Et enfin, Mmes Natalie Linklater et Rim Khazall, du groupe Women in Science and Engineering, de l'Université Carleton.
Soyez toutes les bienvenues.
Chaque groupe disposera de 10 minutes pour la présentation de son exposé, après quoi nous passerons aux questions des membres du comité.
Nous allons commencer par la Society for Canadian Women in Science and Technology. Vous avez 10 minutes.
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Merci, madame la présidente.
Je m'appelle Danniele Livengood et je suis accompagnée de Sandra Eix. Nous représentons la Society for Canadian Women in Science and Technology, communément appelée la SCWIST.
Depuis plus de 30 ans, la SCWIST soutient et défend la cause des femmes dans les domaines des sciences, de la technologie, du génie et des mathématiques. Au fil du temps, nous avons vu de nombreuses améliorations dans la représentation des femmes dans ces domaines traditionnellement masculins. Parmi tous les étudiants inscrits aux programmes de STGM, on compte maintenant 39 % de femmes, et seulement cette année, un nombre record de femmes se sont inscrites aux programmes d'ingénierie de l'Université de la Colombie-Britannique. À l'échelle de la faculté, il y a 35 % de femmes en sciences de la vie, et 15 % en sciences physiques, sciences informatiques, ingénierie et mathématiques.
Nous pourrions être tentées de nous féliciter et de nous dire que même si les femmes n'ont pas complètement atteint une représentation équitable dans les domaines des STGM, nous avons au moins mis en oeuvre une partie importante de la solution: encourager et soutenir les jeunes femmes qui s'inscrivent aux programmes de STGM. Toutefois, lorsqu'on y regarde de plus près, on constate qu'il reste du travail à faire. Par exemple, selon Statistique Canada, comparativement aux hommes, les femmes diplômées en STGM sont plus susceptibles d'être sans emploi ou d'occuper un poste ne nécessitant pas de diplôme. Les données américaines de 2011 indiquent que parmi l'effectif non universitaire, seulement 26 % des employés en STGM étaient des femmes, et pourtant, nous savons qu'en général, les femmes représentent 48 % de la main-d'oeuvre.
Fait plus important, il y a une absence alarmante de femmes aux postes de direction, tant en recherche universitaire que dans l'industrie. Les statistiques de 2013-2014 indiquent que les femmes détiennent seulement 15 % des postes de professeur titulaire en sciences et seulement 8 % en ingénierie, comparativement à 31 % en sciences humaines. De plus, seulement 3,3 % des 25 principaux titulaires d'une subvention du CRSNG, selon le montant de la subvention, sont des femmes.
La situation est comparable à l'extérieur du milieu universitaire. De très grandes entreprises de technologie — Facebook, LinkedIn et Google — présentent des statistiques prometteuses sur le plan de la diversité; par exemple, les femmes représentent 35 % de leur effectif, mais en fait, elles représentent seulement 15 à 17 % de leurs employés techniques, et seulement 20 à 25 % des cadres supérieurs.
Tant que nous n'aurons pas bien compris les forces historiques et culturelles qui empêchent les femmes d'accéder aux postes de direction des STGM et que nous n'aurons pas contré leurs effets, nous n'aurons résolu qu'une partie du problème.
Au XXIe siècle, les défis auxquels sont confrontés le Canada et le monde ne sont pas simples; pour les relever, nous devrons changer notre manière de penser. Conscients de ce fait, les systèmes d'éducation du Canada mettent dorénavant l'accent sur la créativité, l'innovation, la communication, la collaboration, la résolution de problèmes et la pensée critique. Que nous nous penchions sur les changements climatiques, les nouvelles maladies, la gestion d'une économie de l'information ou l'alimentation d'une population croissante, nous devons penser autrement.
Les dirigeants qui s'éloignent de l'archétype historique peuvent proposer des solutions novatrices pour résoudre des problèmes complexes et interreliés. Plus de 20 années de recherche nous apprennent que la diversité des genres est la clé de ce type d'innovation. Des études réalisées par le Conference Board du Canada dans le domaine de la gouvernance établissent un lien entre la diversité des genres et non seulement la satisfaction des employés, mais aussi l'amélioration de la gouvernance, l'innovation et les avantages économiques pour les sociétés. Des études publiées dans le Journal of Business Ethics ont révélé que la présence d'au moins 30 % de femmes à un conseil d'administration réduit la « pensée groupale », alors que les administratrices améliorent la capacité d'une société de régler des questions stratégiques complexes.
Ce que nous pouvons comprendre de ces études, c'est que l'absence de femmes aux postes de direction des STGM ne constitue pas simplement un problème pour les femmes ambitieuses; c'est aussi un facteur qui limite les succès des chercheurs et des sociétés du Canada. Autrement dit, les STGM ont besoin de femmes aux postes de direction.
Les femmes qui travaillent dans le domaine des STGM constatent que de nombreux obstacles nuisent à leur réussite. Ce sont parfois l'infrastructure et les systèmes qui les empêchent d'avancer; certains obstacles sont liés à la culture organisationnelle et d'autres, aux attitudes à l'égard des compétences des femmes dans ces domaines. Au fil du temps, les femmes fortes et leurs partisans, soutenus par le droit et les politiques publiques, ont réduit petit à petit une partie de ces obstacles.
Les comportements sociaux qui déterminaient quelles personnes pouvaient et devaient participer aux programmes de STGM ont énormément évolué. Il est désormais reconnu qu'il n'existe aucun lien direct entre le genre et les aptitudes mathématiques ou scientifiques.
Les lois en matière de droits de la personne interdisent les pratiques d'embauche discriminatoires. Si nous voulons éliminer les derniers obstacles, nous devons changer notre façon de penser et entreprendre une certaine réflexion.
La plupart des gens ne sont pas conscients des préjugés implicites qui les amènent à faire de petites suppositions sans même s'en rendre compte. C'est un obstacle important à l'avancement des femmes dans les STGM, puisque même les enseignants, les conseillers en orientation, les professeurs et les gestionnaires d'embauche les mieux intentionnés ont des partis pris implicites. Pour illustrer les effets des préjugés implicites sur l'avancement des femmes à des postes de direction, on a présenté, dans le cadre d'une étude, un CV à plusieurs professeurs de sciences et on leur a demandé d'évaluer le candidat pour un poste de directeur de laboratoire. Le candidat masculin s'est vu offrir un salaire 12 % plus élevé et plus de mentorat; il a aussi été jugé plus compétent et employable que la candidate féminine, même si tout ce qui distinguait les deux CV était le nom inscrit au début du document.
Une utilisation régulière et répétée d'outils comme le test de Harvard sur le parti pris implicite peut aider les éducateurs, les gestionnaires et les professionnels des RH à prendre conscience de leurs partis pris et à les éliminer. La première étape, c'est d'en prendre conscience.
L'importance des modèles pour encourager les femmes lorsqu'elles arrivent dans des secteurs non traditionnels est largement reconnue et est la raison d'être de nombreux programmes fructueux, comme les programmes Make Possible et MS Infinity de la SCWIST, ainsi que Parlons sciences et Scientists and Innovators in the Schools.
Toutefois, lorsqu'on souligne dans les médias le travail des femmes dans les STGM, les articles reflètent souvent les stéréotypes véhiculés au sein de la société. Les tests critiques des médias, comme le test de Bechdel pour les films, peuvent aider à détecter les préjugés fondés sur le sexe, que nous sommes tellement habitués de voir. Un test analogue, le test de Finkbeiner, sert à dénoncer la représentation des femmes du domaine des STGM qui définit leurs succès en fonction de leur genre. Pour réussir ce test, les articles qui traitent d'une femme qui travaille dans le domaine des STGM ne doivent pas mentionner, entre autres critères, le fait qu'elle est une femme, l'emploi de son conjoint, les dispositions relatives à la garde de ses enfants, ni si elle est la première femme à... Il peut sembler normal et même louable de mentionner ces choses dans un article sur une femme qui réussit bien dans ce domaine, mais nous devons nous demander si nous les mentionnerions s'il s'agissait d'un homme dans le même domaine. Même s'il faut que davantage de femmes du domaine des STGM soient représentées dans les médias, il est essentiel de tenir compte de l'image que l'on projette d'elles.
Comme vous le voyez, la représentation des femmes en STGM est encore insuffisante en ce qui concerne les postes de direction. Cela doit changer, car le Canada a besoin de plus de modèles diversifiés de leadership pour relever les défis du XXIe siècle. Afin d'aller de l'avant, nous devons continuer de soutenir les pratiques exemplaires qui ont fait progresser les femmes en STGM jusqu'à maintenant, et éliminer les nombreux autres obstacles subtils, comme les préjugés implicites dans les médias.
Premièrement, nous ne pouvons pas cesser de soutenir les initiatives auxquelles nous avons travaillé si fort jusqu'à maintenant, notamment les réseaux de soutien et de promotion SCWIST, DAWEG, WWEST; le programme de chaires du CRSNG pour les femmes en sciences et en génie; les programmes de mentorat pour les filles et les jeunes femmes, comme le programme MS Infinity de la SCWIST; notre soirée double-x de réseautage; et les occasions de renforcement des compétences, comme les programmes Immigrating Women in Science et Ladies Learning Code de la SCWIST, ainsi que ses camps scientifiques et technologiques pour filles.
Deuxièmement, nous devons investir dans les systèmes afin d'aider les professionnels des RH et les éducateurs à comprendre et à vaincre leurs préjugés. Ainsi, les préjugés systématiques et inconscients à l'égard des femmes en STGM ne seront plus des obstacles. Grâce à des ateliers destinés aux professionnels et aux universitaires et à la mise en commun des pratiques exemplaires pour combattre les préjugés, la situation pourrait grandement changer.
Parmi les initiatives prometteuses à ce chapitre figurent la série d'ateliers de WinSETT, l'atelier d'intégration des RH du programme Make Possible, et la boîte à outils des RH sur la diversité, élaborée par Digital Nova Scotia.
Troisièmement, nous devons reconnaître le travail des organisations qui sont des modèles de diversité et raconter comment cela leur a été profitable. Par exemple, nous savons que les entreprises du palmarès Fortune 500 qui comptent le plus de femmes dans leur conseil d'administration font beaucoup mieux que les entreprises qui en comptent moins. Il sera plus facile de motiver le changement dans les institutions et les sociétés bien établies lorsque l'analyse de rentabilisation de la diversité sera largement comprise.
Enfin, nous devons travailler à bâtir, relier et intégrer les réseaux existants de mentorat et de soutien par les pairs pour les femmes dans le domaine des STGM. Nous devons encourager les initiatives qui permettent de réunir les organisations aux vues semblables pour l'atteinte d'objectifs communs. Par exemple, le congrès Creating Connections, tenu dans la région métropolitaine de Vancouver, permet aux étudiants en STGM des universités et des collèges de rencontrer des organisations qui appuient les femmes dans le domaine des STGM afin de discuter tous ensemble de perfectionnement personnel et professionnel, de réseautage et d'inspiration.
Les femmes dans le domaine des STGM et leurs alliés ont encore beaucoup de travail à faire pour doter le Canada du leadership nécessaire en STGM pour le XXIe siècle et au-delà. Les progrès que nous avons réalisés jusqu'ici nous permettent d'être optimistes et justifient un soutien accru afin que nous puissions relever les défis à venir.
Merci.
Je m'appelle Suzanne Winterflood et je suis directrice exécutive du Centre for Education and Work. Je suis accompagnée de ma collègue Marjorie Marchinko, spécialiste principale de l'apprentissage des adultes.
Le Centre for Education and Work est un organisme sans but lucratif. Nous avons des partenariats dans l'industrie, en éducation et au gouvernement et nous mettons au point, en collaboration avec l'Université de Winnipeg, des outils d'apprentissage numériques qui sont adaptés et utiles dans la vie de tous les jours. Nous nous consacrons surtout au perfectionnement de la main-d'oeuvre dans l'industrie.
Pour notre projet, nous avons reçu du financement de Condition féminine Canada. Nous avons effectué de la recherche. Nous avons mis au point un site Web offrant des ressources en ligne destinées aux femmes qui pratiquent un métier non traditionnel et aux employeurs. Le projet porte principalement sur les moyens de favoriser le recrutement et le maintien en poste des femmes qui pratiquent un métier non traditionnel, particulièrement dans le secteur de la fabrication.
Pourquoi le secteur de la fabrication? Ni les employeurs ni les femmes du secteur de la fabrication ne disposent de ressources au Manitoba. Par exemple, les femmes employées par un fabricant sont plus susceptibles d'occuper un emploi dans l'administration, aux ressources humaines ou dans les services de finition. Elles travaillent rarement, voire jamais, comme opératrices de machinerie lourde.
Un participant à un groupe de discussion a dit avoir vu, en 30 ans, seulement deux femmes qui ont travaillé à la salle des machines, et elles n'y sont pas restées bien longtemps. Il a ajouté qu'il faut être une femme hors du commun pour s'intégrer à un milieu dominé par les hommes.
« Il est incompréhensible que nous n'ayons pas davantage de femmes dans le secteur. » C'est ce qu'a déclaré le représentant de l'Association des manufacturiers et des exportateurs du Canada.
Les taux de participation sont faibles. Même si ces données ne font état que des métiers spécialisés, les femmes sont aussi peu nombreuses dans les métiers non spécialisés. Nous disposons de beaucoup de données sur la nécessité de favoriser et de soutenir la participation des femmes à des métiers non traditionnels. Comme on l'indique ici, on comptait 128 femmes sur 5 053 participants aux programmes d'apprentissage de métiers au Manitoba, et le taux de participation se situait à 2,5 %. C'est extrêmement faible.
Nous avons fait des recherches pendant des années, effectué une évaluation des besoins, mené un examen de la documentation et décelé un certain nombre de problèmes, ainsi que des pratiques prometteuses. En raison du nombre insuffisant de réponses de la part des femmes qui travaillent dans les industries de la fabrication — nous l'avons mentionné dans notre évaluation des risques, au début du projet —, nous avons décidé d'étendre la portée de la recherche aux métiers des autres secteurs, par exemple aux opératrices de machinerie lourde, mécaniciennes de camions et de véhicules de transport, charpentières, peintres et techniciennes en électricité. Mais comme vous le verrez, il y en a très peu dans la fabrication, ce qui est révélateur.
Qu'avons-nous appris? D'après ce que nous avons entendu dans nos groupes de discussion, les conclusions des participantes étaient comparables à celles des autres études. Malgré les efforts accomplis au chapitre de la sensibilisation et de la planification de carrière, il faut clairement en faire davantage. Il faut également accroître les activités de sensibilisation postsecondaires. Plusieurs participantes ont affirmé avoir d'abord tenté de suivre le parcours traditionnel: elles sont allées à l'université, puis ont occupé un emploi acceptable selon leur culture et leur famille. Ce n'est qu'après avoir gagné en maturité et avoir été moins influencées par leurs pairs et leur famille qu'elles se sont mises à explorer d'autres avenues, qu'elles jugeaient plus adaptées à leurs compétences et à leurs intérêts, et qu'elles ont envisagé de pratiquer un métier non traditionnel.
Il y a des obstacles au recrutement. Tous les employeurs interrogés ont affirmé que peu de femmes posaient leur candidature, et la plupart d'entre eux n'avaient pas conscience du contenu sexiste de leurs descriptions de travail. Les participantes aux groupes de discussion ont déclaré vouloir voir de vraies femmes dans le matériel promotionnel, et non des mannequins trop maquillées. Les participantes ont aussi dit qu'on leur posait encore des questions, en entrevue, qu'on ne posait pas aux candidats masculins; des préjugés sexistes sont donc encore véhiculés dans les entrevues, dans les questions et dans les descriptions de travail.
En ce qui concerne le maintien en poste, des problèmes persistent sur le plan des aménagements de base, des vestiaires, des toilettes, de l'équipement de protection conçu seulement pour les hommes, et des photos inappropriées au travail. Je n'ose pas en dire plus.
Par exemple, une participante au groupe de discussion a raconté: « J'ai utilisé la toilette du restaurant, située à l'étage, et le contremaître a appelé mon patron pour lui dire que je me croyais spéciale parce que je n'utilisais pas celle du site de construction. Mais elle n'avait ni porte, ni siège de toilette ».
Après les réunions d'équipe, on demandait parfois aux femmes de nettoyer la pièce, de faire le thé, ou on s'attendait à ce qu'elles le fassent. Les participantes ont dit qu'elles souhaitaient être traitées équitablement, sans traitement de faveur, et simplement être respectées pour leur travail. L'une d'elles a indiqué: « Ils vous enlèvent toutes les chances de réussir, et c'est valorisant quand on y parvient quand même ».
D'autres femmes ont parlé notamment de l'absence d'information ou de connaissances sur les normes d'emploi et de la crainte de partir en congé de maternité, de peur de perdre leur emploi ou de ne pas être rappelées. Nous avons constaté un manque de programmes de mentorat. Le soutien et l'acceptation varient d'un milieu de travail à un autre. Les femmes doivent trouver l'emploi qui leur convient et ne pas craindre de quitter un emploi qui ne leur convient pas. Le manque de possibilités de travail à temps partiel ou de régimes de travail souples est un autre problème qui a été soulevé.
Parmi les pratiques prometteuses que nous avons relevées — et certains employeurs participent déjà à ces activités —, mentionnons: la collaboration entre les employeurs et les divisions scolaires afin d'informer les enseignants, les parents et les étudiants sur les carrières qui transcendent le sexisme; l'inclusion des femmes pour le matériel publicitaire et promotionnel; la présentation d'exposés par des femmes qui pratiquent un métier non traditionnel à l'occasion de salons de l'emploi, dans les écoles, etc.; et les programmes d'initiation à l'emploi pour les femmes ayant des perspectives différentes.
Certaines femmes estimaient ces pratiques utiles, alors que d'autres trouvaient que les programmes axés sur les femmes relevaient de la condescendance. Certaines ont mentionné qu'il n'existait aucun programme pour inciter les hommes à devenir infirmier, même quand il y avait une pénurie de personnel infirmier.
Il y a eu une franche progression dans les entreprises. Les femmes ont accès à une formation en milieu de travail ou à d'autres formations. Parmi les éléments qui sont ressortis durant la recherche, soulignons la nécessité de mettre en place des politiques sur le respect en milieu de travail, de détecter les préjugés sexistes chez les personnes responsables des entrevues ou des décisions de recrutement, d'offrir un service de garde en milieu de travail et des régimes de travail souples.
À la lumière des résultats de la recherche, nous élaborons des ressources. Nous avons deux sites Web. Dans le portail des femmes du site Web, les participantes aux groupes de discussion ont insisté sur l'importance d'entrer en contact avec d'autres femmes. Il s'agissait là d'un élément essentiel au succès du site Web. Elles voulaient mieux connaître les métiers, les côtés positifs et les défis potentiels, obtenir de l'information sur les droits — normes d'emploi, congé de maternité —, et voulaient également avoir accès à un groupe de soutien en ligne, à des études de cas interactives ou à des situations vécues par les femmes en milieu de travail et à la manière de les gérer, et avoir accès à des mentors. Voilà quelques-uns des éléments qu'elles veulent voir sur leur site Web.
Il y aura un portail des employeurs. Il est difficile de joindre les employeurs. Tous les employeurs interrogés jusqu'à maintenant se sont dit intéressés à améliorer le recrutement et le maintien en poste des femmes qui pratiquent un métier non traditionnel. Certains d'entre eux, surtout ceux qui ont de petites entreprises, ont déclaré qu'ils aimeraient obtenir du soutien en ce sens. Nous envisageons d'élaborer des outils permettant d'évaluer si le milieu de travail est non sexiste; de fournir des astuces sur les façons d'améliorer l'équité en milieu de travail, notamment à l'aide de la trousse de mentorat en ligne; et d'offrir des conseils sur la façon de diriger un groupe de discussion composé de femmes dans une entreprise.
Je vous remercie du temps que vous m'avez consacré. Si vous avez des questions, nous nous ferons un plaisir d'y répondre.
Un dernier point à retenir: un changement s'opère, mais lentement. Il faut du temps pour changer les mentalités.
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie de nous avoir invités aujourd’hui à venir vous parler.
Je m’appelle Kate Mclnturff, et je suis chercheuse principale au Centre canadien de politiques alternatives.
Vous avez déjà entendu que les femmes sont vraiment sous-représentées dans la majorité des domaines des STGM et des métiers spécialisés. J’aimerais prendre le temps aujourd’hui de vous expliquer pourquoi c’est le cas et de vous donner des exemples de types de politiques publiques nécessaires pour accroître le nombre de femmes dans ces milieux et nous attaquer aux problèmes les plus pressants.
Les Canadiens et les Canadiennes travaillent dans différents domaines, ne travaillent pas le même nombre d’heures et gagnent des salaires différents. Les femmes sont trois fois plus susceptibles que les hommes d’avoir un travail à temps partiel, et deux fois plus susceptibles de gagner le salaire minimum. Qui plus est, les femmes sont susceptibles, en quasi-totalité, d’être moins bien rémunérées que les hommes pour leur travail.
Ce n’est pas inhabituel que les hommes et les femmes aient tendance à travailler dans des domaines différents. Le Canada est un assez bon exemple de la ségrégation de la population active dans les pays de l’OCDE. Le problème, c’est qu’il y a des femmes qui veulent travailler dans des milieux non traditionnels et qu’elles sont repoussées et qu’elles doivent surmonter des obstacles infranchissables pour atteindre leurs buts. Le problème, c’est que les femmes qui réussissent à occuper des emplois à prédominance masculine sont moins bien rémunérées que leurs homologues masculins, comme nous venons tout juste de l’entendre, et doivent composer avec divers obstacles comme un environnement de travail hostile. Le problème, c’est que nous sous-estimons le travail des femmes tant dans les domaines à prédominance masculine que dans les domaines à prédominance féminine.
Les femmes veulent travailler dans les métiers spécialisés. Il y a une décennie, les jeunes femmes de moins de 30 ans représentaient 13 % des nouvelles inscriptions dans les programmes de formation pour les métiers spécialisés; 10 ans plus tard, elles représentent 18 % des nouvelles inscriptions. Il s’agit d’une hausse de 5 %. Par contre, le pourcentage de jeunes femmes dans le même groupe d’âge qui terminent ces programmes a seulement augmenté de 1 %. Cela laisse sous-entendre qu’une proportion considérable de ces nouvelles participantes aux programmes doivent déjà surmonter des obstacles au cours de leur formation avant même d’entrer sur le marché du travail.
J’ai rencontré certaines de ces femmes. Lorsque j’enseignais à l’Université d’Ottawa, elles étaient dans mes classes, et elles m’ont raconté des histoires très semblables. Elles avaient été inspirées par un enseignant à l’école secondaire, un mentor ou un parent, elles se sont inscrites à des programmes de formation pour apprendre un métier et elles avaient des attentes élevées. Elles voulaient devenir la prochaine Mike Holmes, mais elles ont découvert un milieu où elles étaient constamment victimes de discrimination, de sexisme et d’exclusion.
Les femmes qui réussissent à compléter leur formation et à exercer des métiers spécialisés continuent de devoir composer avec des obstacles fondés sur le sexe. Des initiatives en vue d’accroître le nombre de femmes dans le secteur minier canadien en sont un bon exemple.
Les femmes représentent actuellement 20 % des employés dans les secteurs minier, pétrolier et gazier au Canada. Ce pourcentage demeure inchangé depuis 2006 en dépit d’initiatives pour soutenir la participation des femmes dans ces milieux et de vastes politiques économiques qui ont essayé d’appuyer la croissance dans ces secteurs. Pourquoi? Des rapports par des femmes dans le secteur minier ont permis de cerner certains obstacles avec lesquels les femmes doivent composer dans cette industrie. C’est l’environnement de travail hostile qui domine cette liste. Ensuite vient le manque de mentors et de femmes qui occupent des postes de cadres supérieurs. Enfin, il y a le manque de services de garde et de pratiques de travail souples.
À l’instar des femmes dans d’autres métiers spécialisés, les femmes dans les secteurs minier, pétrolier et gazier sont également victimes d’une grande discrimination quant à leur salaire. L’écart salarial dans les secteurs pétrolier et gazier au Canada est l’un des plus importants dans notre population active; les femmes gagnent 65 ¢ pour chaque dollar gagné par les hommes pour un emploi à temps plein toute l’année. Les femmes qui travaillent dans le milieu de la construction s’en sortent un peu mieux; elles gagnent 72 ¢ pour chaque dollar gagné par les hommes. Les électriciennes et les plombières gagnent respectivement 79 et 82 ¢ pour chaque dollar gagné par leurs homologues masculins pour un emploi à temps plein toute l’année.
Compte tenu d’une telle discrimination, il n’est pas surprenant que la majorité des femmes qui exercent des métiers spécialisés se concentrent dans des milieux à prédominance féminine comme la restauration et les soins esthétiques et de beauté. Les hommes qui complètent des programmes enregistrés d’apprentissage sont concentrés dans des programmes pour devenir plombiers, électriciens, mécaniciens et charpentiers. Bref, même dans les métiers spécialisés, nous constatons très clairement une ségrégation fondée sur le genre.
Les salaires de ces divers métiers spécialisés sont également très différents; les secteurs à prédominance masculine offrent une rémunération deux fois plus élevée que les secteurs à prédominance féminine dans les métiers spécialisés. Voici un exemple. Le salaire annuel moyen est de 29 000 $ pour un chef ou un cuisinier à temps plein et de 22 000 $ pour un coiffeur styliste. Comparons ces salaires au salaire annuel moyen d’un plombier à temps plein, soit 55 000 $, ou d’un électricien, soit 60 000 $.
Pourquoi? Les domaines de la cuisine et de la coiffure sont encore perçus comme des milieux de femmes, et nous accordons moins de valeur au travail des femmes qu’au travail des hommes.
La sous-estimation persistante et endémique du travail des femmes est un problème. J’avance que c’est actuellement le problème le plus criant pour les femmes dans la population active.
Un salaire annuel de 22 000 $ ne permet pas de répondre aux besoins fondamentaux d’une famille; c’est loin d’être suffisant. Statistique Canada a déterminé que le panier de consommation moyen est plutôt d’environ 35 000 $ par année. Une femme qui a de la difficulté à payer la nourriture et le loyer ne peut pas se permettre d’attendre que les attitudes changent d’elles-mêmes. Elle ne peut pas s’en remettre au karma. Il faut que cela change maintenant, et c’est possible. Selon les nombreuses données probantes provenant de partout au Canada et des autres pays de l’OCDE, l’écart salarial peut être réduit, et le travail des femmes peut être perçu à sa juste valeur.
Les travaux sur la réduction de l’écart salarial sont concluants. Voici les mécanismes pour y arriver.
Il y a d’abord les politiques qui tiennent compte des besoins des familles. Le nombre d’heures que les femmes consacrent aux tâches ménagères et aux soins n’a pas diminué depuis 20 ans, mais leur nombre d’heures rémunérées a augmenté. Actuellement, les femmes consacrent chaque jour 3,9 heures non payées aux soins, comparativement à 4,2 heures il y a 20 ans, sauf que maintenant la majorité des femmes travaillent toute la journée en plus en plus de consacrer 4 heures aux soins.
C’est le double du nombre d’heures que les hommes au Canada consacrent aux tâches ménagères et aux soins. À moins d’augmenter le nombre d’heures dans une journée, cela impose une limite absolue à la capacité des femmes de travailler plus d’heures et de viser des emplois plus exigeants qui demandent de travailler plus tard et de faire des heures supplémentaires. Les femmes sont cinq fois plus susceptibles de prendre congé pour s’occuper d’un membre de la famille. Compte tenu de cette réalité, s’il n’y a pas de politiques concernant les congés pour raisons familiales ou les congés de maladie, les femmes sont encore plus marginalisées dans la population active, et leurs possibilités d’avoir une promotion et un meilleur salaire diminuent.
La deuxième solution vise les services de garde. Dans les milieux où il y a des services de garde abordables et facilement accessibles, la participation des femmes dans la population active augmente; l’écart salarial se réduit; et les taux de promotion augmentent également.
Par exemple, au Québec, la participation des femmes dans la population active est plus élevée que dans les autres provinces. Le Québec a le deuxième plus faible écart salarial au pays, tout juste derrière l’Île-du-Prince-Édouard. Le taux d’emploi des femmes au Québec est demeuré stable durant la récession, alors qu’il a diminué dans les autres provinces. Je crois que cela fait valoir un argument économique important. Cela démontre que, si nous offrons des services de garde accessibles, cela a un effet stabilisateur sur le taux d’emploi des femmes, et c’est d’autant plus important lorsque nous constatons des reculs dans des secteurs à prédominance masculine, comme l’industrie pétrolière et la construction. Si nos femmes occupent des emplois stables, cela signifie que les familles ont les reins plus solides pour passer au travers d’un ralentissement économique.
Troisièmement, il faut des organismes de réglementation et de détermination des salaires. Dans tous les groupes d’âge, tous les emplois et tous les niveaux de scolarité, l’écart salarial pour les femmes est plus petit dans le secteur public que dans le secteur privé. C’est le résultat des mécanismes de réglementation et de détermination des salaires qui exigent que les employeurs prêtent attention aux salaires et aux promotions et interviennent lorsqu’ils constatent des écarts, parce que nous ne pouvons pas corriger un problème dont nous ignorons l’existence.
Les ingénieurs et les électriciens ne vivent pas en vase clos. Ils vivent et travaillent dans la même société que tout le monde. Si nous voulons que les femmes occupent de tels emplois, nous devons adopter des mesures proactives qui uniformiseront les règles du jeu pour toutes les femmes au Canada, peu importe l’endroit où elles choisissent de travailler.
Merci.
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Certaines de nos initiatives dans les écoles secondaires... Nous nous intéressons aussi aux élèves du secondaire. Encore une fois, nous constatons qu'il y a un recul et, en fait, un manque de renseignements sur ce qu'est un ingénieur et ce que fait un scientifique. Nous avons des initiatives au niveau secondaire — Discover WISE Women in Research —, qui ont été conçues et mises en oeuvre par le groupe Carleton University Women in Science and Engineering, seul organisme à les avoir mises en oeuvre jusqu'ici. Ces initiatives visent à faire connaître les étudiantes et les enseignantes des cycles supérieurs de la région d'Ottawa, et pas seulement de l'Université Carleton; nous prenons toutes celles qui veulent bien se présenter.
Cette activité permet aux étudiantes de se faire une idée de ce qu'est la vie de chercheuse et d'ingénieure — ce qu'elles font au quotidien —, toujours en mettant l'accent sur la façon dont leurs activités parviennent à transformer le monde de façon tangible. Les filles et les femmes sont attirées par les vrais problèmes et les vraies solutions auxquelles elles peuvent contribuer concrètement.
Après avoir assisté à ces exposés s'apparentant aux « TED Talks », les participantes prennent part à une activité sociale axée sur le mentorat où elles pourront interagir avec des étudiantes de cycles supérieurs et de 1er cycle qui font partie de la famille WISE. L'activité cherche à attirer leur attention sur l'existence d'un mentorat par les pairs, d'un soutien social et de personnes susceptibles de leur servir de modèle. Nous répondons à toutes les questions, des plus simples, comme « Quel est le degré de difficulté de la première année en calcul infinitésimal? », aux plus complexes, comme « Que dois-je faire pour devenir ingénieure en aérospatiale? ». Nous veillons à faire en sorte que ces filles aient tout ce dont elles ont besoin pour faire un choix.
Pour ces programmes, nous sollicitons l'apport des enseignants et des conseillers en orientation. Ils sont extrêmement importants, non seulement pour les prises de décision — à savoir où ces filles iront étudier —, mais aussi pour aider les filles à mettre leurs aptitudes à profit — « Le calcul infinitésimal de première année est tout à fait à votre portée, ce n'est pas la mer à boire, ne vous inquiétez pas ». Les enseignants et les conseillers en orientation ont une grande influence. Nous tentons de cibler les personnes qui ont de l'influence dans la vie de ces filles en espérant qu'elles les influencent d'une certaine manière. Cette question ne se limite pas aux femmes, c'est un enjeu social.
En ce qui concerne le soutien de notre campus aux femmes dans les domaines des STGM, j'ai déjà mentionné que Carleton organise des séances d'accueil ainsi que des activités de réseautage. Nous avons aussi un programme de mentorat, qui attire à la fois les étudiantes de 1er cycle et celles des cycles supérieurs. Les mentors sont des étudiantes de cycles supérieurs et des professionnelles du milieu. Autant que possible, nous essayons d'attirer des personnes de l'ensemble de la ville d'Ottawa.
En dernier lieu, nous avons un fonds pour colloques qui connaît tout un succès depuis les deux dernières années et qui nous tient très à coeur. Dans un premier temps, l'organisation offre de l'argent pour aider à financer des colloques. Mais cela n'est pas tout. Nous encourageons les filles à assister à ces événements et nous leur envoyons un bulletin hebdomadaire qui parle des différents colloques qui se déroulent au Canada et ailleurs dans le monde. Nous tenons à consolider la confiance que ces filles ont dans leurs aptitudes à montrer leurs talents, certes, mais aussi à interagir avec leurs collègues, ce qui leur permettra d'accroître leur visibilité en science et en technologie.
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Je vous remercie de me poser cette question.
Le chiffre de 0,65 $ est pour l'industrie pétrolière et gazière. Comme je l'ai dit, les choses sont différentes dans le domaine de la construction et en ingénierie. Elles sont différentes, mais l'écart existe quand même. Il est de l'ordre de 20 à 30 % de moins pour celles qui travaillent à temps plein à longueur d'année.
En ce qui concerne les données dont nous disposons, il faut savoir que nous en avons de très bonnes sur ce que les gens gagnent. Ces chiffres peuvent en outre être ventilés par professions. En les combinant aux données de l’Enquête nationale auprès des ménages, il est également possible de les répartir par groupes d'âge et niveaux de scolarité. Or, les données indiquent qu'il s'agit d'une dynamique très tenace, tant dans les industries à prédominance masculine que dans les industries à prédominance féminine. L'écart est présent entre les hommes et les femmes dans ces deux types d'industries, il l'est dans tous les domaines. Nous le voyons dans des industries où les hommes et les femmes sont représentés à peu près également, comme dans le commerce. L'écart salarial est toujours là.
Beaucoup de facteurs sont responsables de cette situation. L'une des raisons les mieux documentées concerne la perception fort répandue tant chez les hommes que chez les femmes, tant chez les employeurs que chez les employés, selon laquelle la réalité du travail non rémunéré des femmes fait en sorte qu'elles seraient moins en mesure de faire un travail s'accompagnant de chances d'avancement. Ainsi, comme l'a souligné une autre présentatrice, l'employeur verra dès le premier jour d'embauche à placer la femme dans un poste avec moins de responsabilités et donc, dans un emploi à salaire moindre. Je comprends l'argument selon lequel les femmes devraient foncer, mais les données indiquent que l'écart de salaire existe dès que vous passez la porte d'un nouvel emploi. Ensuite, l'écart s'accentue. Il s'accentue en raison de choses comme le congé de maternité et, là encore, cela n'est pas seulement attribuable au présumé abandon de la part des femmes. L'accentuation est le fait d'employeurs souvent très bien intentionnés qui choisissent de ne pas offrir de chances d'avancement aux femmes qui ont de jeunes enfants et de les éliminer d'office des éventuels concours.
Les données sont là. La dynamique est très claire. La bonne nouvelle, c'est que nous avons aussi de bonnes données sur les façons de redresser la situation, ces possibilités de solution dont j'ai parlé plus tôt.
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Je vous remercie de votre question.
Si l'on examine l'emploi des femmes et les écarts qui existent à l'échelle nationale dans les niveaux d'emploi et de rémunération, on constate que le Québec se débrouille très bien. Je pense qu'il y a quelques raisons pour lesquelles les écarts sont plus faibles — et, en fait, l'écart dans le taux d'emploi est également plus mince au Québec —, et elles sont liées à la mise en oeuvre d'une foule de politiques familiales. Les données provenant non seulement du modèle québécois, mais aussi d'un certain nombre d'études portant sur des pays d'Europe qui ont des programmes du même genre le confirment.
J'ai parlé un peu de la garde des enfants. Les données indiquent clairement que, lorsque les services de garderie sont à la fois disponibles et abordables, la participation des femmes à la main-d'oeuvre féminine augmente, et l'écart salarial s'amenuise. Par conséquent, la sécurité d'emploi des femmes s'accroît, tout comme la sécurité économique des femmes et de leur famille.
En raison du modèle des services de garde du Québec à 7 $ par jour, ces services ne sont pas aussi disponibles qu'ils pourraient l'être — il y a encore des pénuries de places —, mais il est certain que ce sont de loin les services de garde les plus abordables du Canada.
L'autre avantage que le Québec offre et qui pourrait être étendu à l'ensemble du Canada, c'est non seulement une politique de congés de maternité plus généreuse et dont le seuil d'heures travaillées est plus faible, mais aussi un politique de congés de paternité ciblée. Cet aspect est particulièrement important. Ce qu'on observe au Québec, c'est que, comme un congé particulier a été attribué uniquement aux nouveaux pères, 75 % d'entre eux en tirent parti et s'absentent 5,6 semaines en moyenne. Dans le reste du Canada, le pourcentage de pères s'élève à 25 %, et ces pères prennent deux semaines de congé en moyenne. Le congé de paternité dure exactement cinq semaines. Par conséquent, on observe clairement un effet causal.
L'effet domino de ces politiques est particulièrement important lorsqu'on parle de l'accès au travail des femmes et des genres de biais officieux qui les écartent des promotions et de l'accès à ces domaines. Le programme de congés de paternité est relativement nouveau, mais je peux dire que j'ai examiné la part de congés de maladie que les hommes prennent pour des obligations familiales, et que j'ai constaté qu'elle avait augmenté depuis le lancement de la politique de congés de paternité. Cela semble indiquer qu'en raison de la mise en oeuvre de ces politiques familiales, un changement est en train de survenir dans la répartition du travail non rémunéré entre les hommes et les femmes, et cela est incroyablement important.
Nous parlions de la promotion des femmes en milieu universitaire. Des études menées au Canada et aux États-Unis montrent que, lorsque les femmes qui travaillent dans les universités ont des enfants — j'ai été l'une de ces femmes et, par conséquent, je ressens cela au plus profond de mon coeur — leurs taux de rémunération et de promotion régressent. Lorsque les hommes des milieux universitaires ont des enfants, ils grimpent dans la hiérarchie. Il est clair que des attitudes interviennent dans ces cas-là, des attitudes qui indiquent que, lorsque les femmes ont des enfants, elles deviennent moins fiables, moins sérieuses et moins déterminées. Lorsque les hommes ont des enfants, nous disons qu'ils sont très responsables et résolus et que nous devrions les rémunérer et les promouvoir davantage.
En ayant ces politiques en place, on règle les questions très pragmatiques liées à la façon dont les femmes équilibrent leurs journées, et on contribue en même temps à modifier la relation entre les parents. Ces politiques répartissent le fardeau du travail non rémunéré, et cela entraînera un énorme changement dans les milieux de travail.
Je vous remercie beaucoup. Vous avez toutes ajouté quelque chose de vraiment spécial.
Vous voyez les personnes ici présentes opiner du bonnet, car nous avons vécu bon nombre de ces expériences. En fait, je trouve que l'étude est très inspirante. Bien des personnes ici ont été confrontées à bon nombre de ces difficultés, mais les choses avancent. Avec toutes les discussions que nous tenons tous les ans et toutes les études que nous menons, il semble que cela prend de plus en plus d'importance. Les nouvelles sont quelque peu meilleures.
Suzanne, pendant que vous parliez, je pensais au fait qu'en Alberta, les femmes n'ont pas autant de difficulté à accéder à des métiers spécialisés et à des emplois de niveau supérieur compte tenu de la grave pénurie. Bien que la culture masculine domine, s'il n'y a pas de femmes qui conduisent les énormes camions à Fort McMurray...
Soit dit en passant, elles conduisent maintenant de loin la majorité des camions. Je crois que la proportion dépasse 80 %. Le dossier de conduite des femmes est également bien meilleur que celui des hommes.
Des voix: Oh, oh!
Mme Joan Crockatt: Elles sont beaucoup en demande; autrement, les entreprises embauchent des gens dont la langue ou l'origine culturelle sont différentes, ce qui peut rendre l'intégration difficile. Elles sont les bienvenues dans le milieu de travail, en fait.
Une chose que nous voyons, c'est que dans mon domaine par exemple, soit dans l'industrie de la presse, nous avions beaucoup de mal à intégrer des femmes dans le domaine de l'édition jusqu'à ce que le tirage net commence à baisser et qu'on commence à avoir un bon suivi. On a constaté que les femmes étaient de grandes consommatrices, et que les annonceurs voulaient mettre des publicités qui leur étaient destinées dans le journal. Tout à coup, d'énormes efforts ont été déployés pour intégrer des femmes.
Vous travaillez toutes dans des domaines scientifiques. Votre travail se fonde sur des faits. On nous a dit que la présence de femmes fait accroître les bénéfices des conseils d'administration, voire peut-être même les ventes. J'aimerais savoir si quelqu'un a de nouvelles recherches à cet égard.
Vous savez, je pense qu'il est de loin préférable de faire valoir l'argument moral selon lequel la présence des femmes dans le milieu de travail se traduira par de meilleurs résultats que d'essayer de forcer leur entrée — il faut le faire parce qu'il en est ainsi.
Ma question s'adresse à vous toutes, mais voulez-vous commencer, Suzanne?
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Certainement. Nous recevons des fonds de Condition féminine Canada pour — et il est absurde que je n'aie pas les chiffres exacts sous la main — un programme de trois ans, je crois. Ce sont des fonds importants. Nous sommes en train de créer un réseau de mentorat. Il comporte deux volets. Le premier consiste à créer un site constitué de quelques éléments de type Linkedln et Facebook et de beaucoup « d'amour de la SCWIST », comme je le décris moi-même. C'est un réseau auquel les hommes et les femmes peuvent s'inscrire pour avoir des conversations sur les compétences.
Nous sommes partis de l'idée d'établir des liens entre des mentors et des apprentis. Nous nous sommes rendu compte qu'en fait, ce n'était pas ce que les gens voulaient. Ils voulaient être à la fois mentors et apprentis. Ils ne voulaient pas d'un réseau dans lequel on communique de sages conseils de façon unidirectionnelle. Ils voulaient partager leurs compétences. Le site Web, makepossible.ca, constitue une occasion pour les gens de s'inscrire, de choisir leurs compétences — les compétences qu'ils ont ou qu'ils veulent acquérir — et d'établir des liens avec d'autres personnes et de discuter des compétences qu'ils veulent partager. Je suis peu objective, mais je pense que c'est un bon outil. Il est déjà utilisé par beaucoup de personnes, compte tenu du fait que la version Beta n'existe que depuis les derniers mois seulement. C'est un tout nouveau site Web. Nous avons beaucoup travaillé au départ pour essayer de savoir ce que les gens voulaient avoir qui n'existait pas déjà et nous avons remis en question nos hypothèses de départ — comme la relation mentor-apprenti —, soit ce que nous pensions nécessaire.
Je crois que c'est une autre chose qui nous a quelque peu surpris. L'autre partie du financement est utilisée pour la tenue d'un certain nombre d'ateliers en personne et de séries d'ateliers du genre. Nous tiendrons bientôt un atelier sur l'inclusion des RH pour parler des professionnels des RH, des moyens de lutter contre les préjugés, des idées de grande qualité que le centre WinSeTT a portées à notre attention. Parce que nous sommes capables de donner ce type de miniconférence ou d'ateliers en personne, c'est en fait une façon d'accroître les capacités au chapitre du mentorat, des discussions sur les femmes qui sont dans divers domaines ou la représentation des femmes dans divers domaines, je dirais, en général. L'autre volet, ce sont donc les activités en personne.
Compte tenu du nombre de programmes de mentorat qui existent et du nombre d'étudiantes inscrites dans des programmes de sciences et de technologies — il y en a beaucoup — de la longueur du programme et de son contenu, le financement nous a permis de collaborer avec d'autres groupes et de vraiment déterminer quels sont ces partenariats. WWEST, « West coast women in engineering, science and technology », la présidence locale du CRSNG pour les femmes en science et en génie... Nous avons pu mobiliser tous ces groupes et collaborer à des projets. Les documents que j'ai ici ont été produits en collaboration avec WWEST. Les ateliers ont été créés en collaboration avec les gens du centre WinSETT. Les programmes de la SCWIST ont été intégrés au site Make Possible. Nous tenons une soirée de réseautage, une énorme soirée, pour les étudiantes de premier cycle, et c'est intégré au réseau également. C'est ce que le financement nous permet de faire: de l'intégration à l'échelle locale. Ce serait formidable si nous pouvions le faire à une plus grande échelle. Je crois que nous serions en mesure de mieux communiquer les pratiques exemplaires.
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Je suis pour les investissements dans l'infrastructure et je suis toujours heureuse de voir qu'on investit davantage dans l'infrastructure et les transports publics, dont les femmes ont grandement besoin dans nos grandes villes.
En ce qui concerne la création d'emplois, il faut reconnaître que les dépenses dans l'infrastructure vont favoriser la création d'emplois dans des professions dominées par les hommes. Donc, si on crée des emplois dans le domaine de la construction cette année — et 20 % des travailleurs sont des femmes dans ce domaine —, alors ces nouveaux emplois vont surtout profiter aux hommes, et c'est très bien aussi. Cependant, c'est d'un investissement parallèle dont nous aurions besoin pour créer de l'emploi dans des industries occupées par les femmes, où l'écart salarial est moins important et où le salaire est plus élevé.
Par exemple, si on investit de grosses sommes dans l'infrastructure et les ressources dans le secteur manufacturier, comme cela a été le cas en Alberta, entre autres, il faut prévoir un investissement parallèle, à plus petite échelle, dans la santé et l'éducation, car ce sont des secteurs qui dénombrent beaucoup de femmes et où l'écart salarial est moins important. Ce n'est pas que les femmes ne travaillent pas là-bas, c'est seulement qu'elles travaillent dans l'industrie des services et du tourisme d'accueil, où les salaires sont beaucoup moins élevés et où les postes sont plus souvent temporaires, alors elles n'ont pas la même stabilité économique.
Je voulais revenir rapidement sur la hausse des prêts étudiants, ce qui est fantastique, bien sûr, mais je crois qu'il convient de signaler qu'avec l'écart salarial, les faits démontrent que les femmes prennent plus de temps à rembourser leurs prêts étudiants. Cela signifie donc qu'elles paient plus d'intérêts cumulatifs. Essentiellement, l'écart salarial signifie que les femmes qui contractent des prêts paient une taxe d'études supplémentaire, car elles mettent plus de temps à les rembourser.
Les prêts sont excellents. Je ne dirais jamais rien contre cela. C'est merveilleux. Mais je dirais qu'il serait également utile d'offrir des subventions et des bourses ciblant les femmes, car elles ne s'accompagnent pas de la même taxe que les prêts au bout du compte, encore en raison de l'écart salarial. Il est en effet plus difficile de rembourser un prêt avec un salaire de 60 000 $ qu'avec un salaire de 89 000 $.