Passer au contenu
;

FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 013 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 24 février 2014

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Français]

    Bonjour à tous et à toutes et bienvenue à la 13e séance du Comité permanent de la condition féminine. La réunion se terminera exceptionnellement à 17 h 15 afin de permettre au sous-comité de se réunir pendant 15 minutes. Aujourd'hui, nous accueillons trois groupes de témoins. Nous pourrons donc planifier le reste de l'étude en terminant aujourd'hui à 17 h 15.
    De plus, le Budget supplémentaire des dépenses (C) a été envoyé aux membres du comité le 13 février dernier. Le comité peut étudier ce budget et en faire rapport ou sera réputé avoir fait rapport des crédits du Budget supplémentaire des dépenses (C) au plus tard le 7 mars.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins. Nous recevons aujourd'hui la Dre Wendy Spettigue, qui représente l'Académie canadienne de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. Nous accueillons aussi la Dre Lisa Votta-Bleeker, adjointe à la chef de la direction et directrice de la Direction générale de la science, ainsi que le Dr Giorgio A. Tasca, titulaire de la chaire de recherche en psychothérapie de l'Université d'Ottawa et de l'hôpital d'Ottawa. Ils représentent tous deux la Société canadienne de psychologie. Nous entendrons aussi, par l'entremise de la vidéoconférence, Mme Elizabeth Phoenix, infirmière praticienne de la Fédération canadienne des infirmières et infirmiers en santé mentale, à qui j'aimerais également souhaiter la bienvenue.
    Chaque groupe de témoins disposera de 10 minutes pour faire une présentation.
    Je cède d'abord la parole à la Dre Spettigue.

[Traduction]

    Merci de l'honneur qui m'est offert de témoigner devant vous au nom de l'Académie canadienne de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent ainsi que des cliniciens qui traitent les troubles alimentaires des jeunes.
    Comme vous le savez, les troubles de l'alimentation sont des maladies dévastatrices. Les recherches laissent entendre qu'il faut de deux à sept ans pour se remettre d'un trouble alimentaire et que seuls 50 % des patients s'en remettent complètement. Les troubles de l'alimentation accusent le plus haut taux de mortalité de toutes les maladies psychiatriques, à cause des complications médicales et du suicide. Pour diverses raisons, les troubles alimentaires et les facteurs de risque de développer ces troubles sont en hausse.
    Je vais commencer par situer le contexte social.
    Les taux d'insatisfaction corporelle des femmes excèdent les 87 %. À l'heure actuelle, 70 % des femmes suivent un régime pour perdre du poids. Dans un sondage réalisé en Amérique du Nord, la majorité des femmes à qui trois souhaits sont offerts désirent avant tout maigrir. Aux États-Unis, 10 millions de femmes souffrent de troubles alimentaires, soit plus que le nombre de femmes atteintes du cancer du sein. J'aimerais disposer de données équivalentes au Canada. Nous avons besoin d'un registre national des troubles de l'alimentation. Nous ne connaissons pas le nombre de Canadiens qui souffrent de ces troubles, les délais d'attente moyens pour recevoir un traitement ou le pourcentage de patients qui reçoivent des traitements.
    Voici d'autres statistiques. Parmi les filles de 11 à 15 ans, 45 % indiquent qu'elles doivent perdre du poids, et 61 % des élèves des 1re et 2e années du secondaire cherchent à maigrir. À Edmonton, des chercheurs ont constaté chez 700 élèves de 5e, 6e et 7e années que plus de 15 % se purgent ou font trop d'exercice physique, que 16 % sont atteints de frénésie alimentaire et que 19 % ne mangent qu'un repas par jour ou moins.
    C'est un problème grave. Selon une étude, les adolescentes de 14 et 15 ans qui suivent des régimes stricts courent 18 fois plus de risque de développer un trouble alimentaire avant six mois et près de 20 % plus de risque avant un an que celles qui ne suivent pas de régimes.
    Non seulement les troubles alimentaires sont en hausse, mais la maladie mentale chez les jeunes en général augmente au Canada et en Amérique du Nord. Dans une même année, un Canadien sur cinq éprouve un problème de santé mentale. Jusqu'à 70 % des jeunes adultes qui souffrent de tels problèmes soulignent que les symptômes ont commencé durant l'enfance.
    Les maladies mentales graves et invalidantes connaissent une hausse fulgurante aux États-Unis. En 2011, Marcia Angell a signalé qu'il y avait 35 fois plus de troubles mentaux chez les enfants en 2007 par rapport à 1987. Ce sont des chiffres alarmants.
    En 1998, le Dr Martin Seligman, qui était alors président de l'American Psychological Association, a présenté les résultats de ses recherches, que voici:
Il y a maintenant de 10 à 20 fois plus de dépression que 50 ans auparavant. C'est un problème qui affecte les jeunes de nos jours. Il y a 30 ans, la dépression se déclarait en moyenne pour la première fois à 29,5 ans, tandis que c'est maintenant entre 14 et 15 ans.
    Ces statistiques sont précieuses, parce qu'en tant que psychiatrique de l'enfant et de l'adolescent, je dois mettre en contexte les troubles alimentaires, qui sont étroitement liés aux autres maladies mentales, surtout la dépression et l'anxiété.
    Les jeunes qui sont heureux ne développent pas de troubles alimentaires. Ces troubles se développent si le jeune se sent inadéquat, comme s'il ne méritait pas d'occuper la place qui lui revient dans ce monde, au propre comme au figuré. Les troubles de l'alimentation surviennent si la jeune fille ressent de la peur, de la tristesse, de l'inquiétude, de la culpabilité, de la colère ou du stress ou si elle se sent indigne au point que la privation de nourriture semble la meilleure façon de composer avec ces sentiments intolérables et de s'aider à se sentir digne. Les troubles alimentaires sont donc une forme d'autotraitement qui ressemble à la toxicomanie ou à l'alcoolisme. La seule différence, c'est que le jeune est dépendant à la frénésie alimentaire, à la purge ou à la perte de poids affichée sur la balance.
    Malheureusement, un effet secondaire du manque de nutrition est l'obsession accrue. Donc, ce qui peut commencer comme un régime amaigrissant peut devenir hors de contrôle et se transformer en une maladie semblable au trouble obsessionnel-compulsif. La patiente se dit qu'elle mange trop et prend trop de poids. Pour diminuer l'intensité de ces obsessions, les symptômes comme la privation, la purge et l'exercice physique apparaissent.
(1535)
     La faim extrême qui en découle peut ensuite mener à la frénésie alimentaire, quoique souvent, les enfants continuent simplement de se priver et de perdre du poids.
    Comme vous pouvez l'imaginer, les troubles alimentaires sont étroitement liés aux autres maladies mentales, comme l'anxiété, la dépression, le trouble obsessionnel-compulsif et la toxicomanie. Tout comme ces maladies, les troubles alimentaires deviennent de plus en plus répandus. Mais d'autres facteurs sont aussi liés à l'augmentation des troubles de l'alimentation, comme l'anxiété accrue causée par les aliments consommés, l'épidémie d'obésité, l'accent accru qui est mis sur l'apparence, la culture de la célébrité ainsi que la vaste industrie des régimes amaigrissants. Tous ces facteurs amènent de plus en plus de jeunes femmes à se remettre en question et à se sentir insatisfaites de leur apparence.
    Alors que les maladies mentales et les troubles alimentaires sont en augmentation, les ressources et le peu de cliniciens qui traitent ces troubles ne suffisent pas à la demande. Il n'y a presque aucun médecin de famille formé pour traiter les troubles de l'alimentation. En général, les organismes communautaires qui traitent la maladie mentale manquent de temps ou de fonds pour la formation et sont surchargés par le nombre de patients qu'ils doivent accueillir. Il y a un manque criant de psychiatres partout au pays, surtout pour les enfants et les adolescents. Très peu d'entre nous ont reçu une formation spécialisée sur le traitement des troubles alimentaires chez les jeunes.
    Donc, que pouvons-nous améliorer? Examinons les divers niveaux d'intervention, en commençant par la prévention.
    En fait, les efforts visant à prévenir l'obésité ont augmenté les cas de troubles alimentaires. C'est fâchant d'entendre à répétition que les troubles alimentaires des jeunes filles ont été déclenchés par un cours sur la santé, un projet scolaire, un enseignant, un entraîneur ou leurs médecins de famille. Nous devons mener d'autres recherches sur les causes, les facteurs de risque et la façon de prévenir les troubles alimentaires et l'obésité, sans par le fait même provoquer une augmentation de ces troubles.
    Nous devons diffuser un message qui s'adresse à tous et qui prône l'équilibre, la modération, l'acceptation de sa taille et une image corporelle saine. Nous n'en savons pas encore assez sur la prévention des troubles de l'alimentation. L'enseignement sur ces troubles dans les écoles n'aide pas, il augmente au contraire le nombre de cas. Pourtant, nous n'avons pas apporté de changements. Ces cours font toujours partie du programme. C'est une lourde tâche.
    Il faut aussi améliorer la formation des médecins de famille et des étudiants en médecine et les conscientiser non seulement aux troubles alimentaires, mais aussi aux dangers des régimes. Un poids insuffisant n'est pas plus sain qu'un excès de poids. Nous devons traiter l'obésité sans causer de troubles de l'alimentation.
    La formation des médecins de famille doit leur permettre de diagnostiquer les troubles alimentaires et de parler aux filles de nutrition, d'image corporelle ainsi que des pensées, des pulsions et des symptômes qui sont liés aux troubles alimentaires.
    Davantage d'infirmières formées en santé mentale doivent aller dans les écoles secondaires pour aider les jeunes qui souffrent de dépression, d'anxiété et de troubles de l'alimentation.
    Il faut former plus de conseillers communautaires spécialisés en santé pour conseiller les étudiants qui souffrent de dépression, d'anxiété et de troubles alimentaires et qui s'automutilent.
    Concernant les soins secondaires, les médecins et les infirmières des petits hôpitaux communautaires ne comprennent pas les troubles alimentaires et se butent à l'obstination des adolescentes qui souffrent d'anorexie mentale grave et qui refusent de se nourrir. Ils ont recours à des approches comportementales qui consistent souvent à tenir les parents à l'écart, tandis que les filles restent seules au lit toute la journée jusqu'à ce qu'elles acceptent de coopérer. C'est insensé, car c'est la maladie qui contrôle la patiente plutôt que l'inverse.
    J'entends des histoires épouvantables de jeunes filles à l'urgence qui accusent un poids dangereusement faible, mais qui reçoivent leur congé parce que leur analyse sanguine est normale. Les médecins doivent comprendre que leur poids seul les place dans la catégorie des personnes instables, même si leur corps compense la privation.
    J'entends parler de médecins de famille qui rassurent les mères préoccupées à cause de leurs adolescentes qui s'entraînent de façon obsessive, dont le pouls est faible et qui n'ont plus de menstruations. Ces médecins disent que c'est simplement parce qu'elles sont des athlètes de haut niveau.
(1540)
    Mes collègues en psychiatrie de l'enfant disent souvent qu'ils ne sont pas confrontés à des cas de troubles alimentaires. Ils n'arrivent pas à comprendre qu'une adolescente qui a un poids insuffisant refuse de manger, parce qu'elle se trouve grosse. Il faut les aider à comprendre que c'est semblable au trouble obsessionnel-compulsif, qui amène la personne à nettoyer sa maison ou à se laver les mains sans cesse. Le problème, ce n'est pas la propreté de la maison ou des mains, mais l'intensité des obsessions et des compulsions.
    Bien des cliniciens jugent trop difficile de traiter une maladie qui compromet à l'extrême la santé physique et mentale de la jeune fille, qui la rend colérique et déprimée. Cette fille ne veut pas d'aide, car elle a très peur de gagner du poids. En général, elle résiste au traitement et demande beaucoup de temps et de soins spécialisés. Le clinicien doit se sentir à l'aise de travailler avec ces patientes, mais aussi avec leurs familles. Il y a une grave pénurie de psychiatres de l'enfant dans la plupart des collectivités. Rares sont ceux qui peuvent consacrer assez de temps aux patientes ou aux parents et aux familles désemparés et épuisés.
    Docteure Spettigue, merci beaucoup de votre témoignage. Je sais que vous n'avez pas terminé. J'indique donc aux députés que votre témoignage complet sera traduit et leur sera remis.
    J'espère que vous pourrez compléter votre témoignage durant la période de questions.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre la Société canadienne de psychologie pendant 10 minutes.
    Merci de nous avoir invités aujourd'hui. La Société canadienne de psychologie est l'association nationale de psychologie au Canada. Les quelque 18 000 psychologues au pays forment le principal groupe de fournisseurs de soins de santé mentale au Canada.
    Les soins dispensés par les psychologues se fondent sur des données scientifiques en matière d'efficacité clinique et de coûts. Nos traitements et nos programmes font l'objet d'évaluations et portent sur un large éventail de troubles mentaux et comportementaux, dont les troubles alimentaires.
    Les troubles alimentaires se caractérisent par un grave problème de comportement lié à l'alimentation, à l'image corporelle et à l'estime de soi, qui commence en général à l'adolescence ou au début de l'âge adulte. Les garçons, les hommes, les filles et les femmes peuvent tous être affectés par les troubles alimentaires, mais ce problème concerne en général 10 fois plus de femmes que d'hommes.
    Deux des troubles alimentaires les plus fréquents sont l'anorexie mentale, qui se définit par le refus de maintenir un poids normal en suivant un régime strict, et la boulimie mentale, qui amène la personne à manger trop avant de se purger, souvent en se faisant vomir. La frénésie alimentaire est moins connue, mais constitue le trouble alimentaire le plus répandu. La personne mange trop, sans se purger.
    La prévalence à vie de l'anorexie mentale s'élève à environ 0,9 % dans la population. C'est de 1,5 à 2 % pour la boulimie mentale et 3,5 % pour la frénésie alimentaire. Toutefois, la prévalence des troubles alimentaires est la plus élevée chez les adolescentes et les jeunes femmes.
    Comme la Dre Spettigue l'a indiqué, il n'y a pas de registre au Canada, mais nous estimons d'après ces pourcentages que de 450 000 à 500 000 Canadiennes éprouvent un trouble alimentaire au cours de leur vie. Les taux de prévalence pourraient augmenter dans les prochaines années, entre autres à cause de facteurs sociaux, mais aussi parce que les critères de diagnostic des troubles alimentaires ont changé. Nous comprenons enfin que des niveaux moins extrêmes de troubles alimentaires peuvent nuire à la santé et au fonctionnement.
    Je répète que les troubles alimentaires ont un effet dévastateur sur les personnes et leurs familles. Ces troubles surviennent souvent en même temps que d'autres troubles mentaux débilitants, comme la dépression et l'anxiété. La qualité de vie, le travail, les études, la famille et le fonctionnement social pâtissent tous grandement des troubles alimentaires. Par rapport à tous les autres troubles mentaux, l'anxiété est associée au taux de mortalité le plus élevé.
    Les interventions psychologiques sont axées sur les meilleures données scientifiques pour traiter les troubles de l'alimentation. La plupart des directives internationales demandent d'appliquer ces traitements en priorité pour les troubles alimentaires. Il est possible de fournir ces traitements aux patientes non hospitalisées qui représentent des cas moins graves. Cependant, il faut donner des soins spécialisés aux patientes atteintes de troubles graves, dont la vie est menacée, qui suivent un programme de jour et qui sont hospitalisées.
    Pour connaître du succès, le traitement des troubles alimentaires doit s'appuyer sur un plan exhaustif qui comprend le suivi continu des symptômes et la stabilisation de l'état nutritionnel, des interventions psychologiques mettant à profit la thérapie cognitivo-comportementale, la psychothérapie et la thérapie familiale, ainsi que la médication dans certains cas.
    En général, les personnes qui souffrent de troubles alimentaires vont d'abord se tourner vers les soins primaires pour obtenir de l'aide. C'est pourquoi il est essentiel que les médecins de famille reçoivent une formation sur la gravité des symptômes de ces troubles et puissent les diagnostiquer et établir si une patiente a besoin de soins spécialisés.
(1545)
    Madame la présidente, l'un des plus grands défis pour les Canadiens qui ont besoin de soins de santé mentale, c'est l'accès aux services. Seul le tiers des personnes qui auraient besoin de soins de santé mentale reçoivent l'aide nécessaire. Nous avons des traitements psychologiques qui fonctionnent et des experts formés pour les offrir, mais comme ces services ne sont pas financés par les régimes d'assurance-maladie provinciaux et que les régimes d'assurance privés offrent fréquemment une couverture insuffisante pour offrir un service significatif, les Canadiens n'ont souvent pas accès aux services dont ils auraient besoin.
    On estime que la maladie mentale coûte 51 milliards de dollars par année au Canada. En réaction à la stratégie nationale du Canada en matière de santé mentale qui réclame un accès élargi à des services de psychothérapie fondés sur des données probantes et offerts par des professionnels qualifiés, la Société canadienne de psychologie a commandé un rapport pour étudier des pistes de solution. Notre association a pour position que les évaluations et les traitements psychologiques pour tous les problèmes de santé mentale, y compris les troubles de l'alimentation, sont des services de santé de base essentiels. Je précise que plusieurs des modèles recommandés dans notre rapport sont particulièrement pertinents, tout spécialement pour les troubles de l'alimentation.
    Premièrement, il faut intégrer des psychologues aux équipes de soins de santé primaires au Canada. Selon les estimations, on évalue que de 30 à 60 % des consultations chez les médecins de famille et dans les cliniques de soins primaires sont liées de près ou de loin à un problème de santé mentale. Si l'adolescent ou le jeune adulte qui souffre d'un trouble de l'alimentation pouvait rencontrer un psychologue lorsqu'il se présente à une clinique de soins de santé primaires, il aurait accès au bon type de soins, au bon endroit, au bon moment.
    Les patients souffrant de troubles de l'alimentation sont souvent ambivalents quant à leur volonté d'obtenir de l'aide, si bien qu'un médecin de famille peut facilement ne pas voir leurs symptômes. Si un spécialiste de la santé mentale comme un psychologue était présent lors des consultations de première ligne, un plus grand nombre de cas serait détecté. De plus, les filles et les femmes qui souffrent de faibles symptômes de troubles de l'alimentation pourraient être confiées aux soins d'un spécialiste en pratique privée. Le fardeau des centres de soins tertiaires s'en trouverait réduit, et les médecins de famille auraient des spécialistes à qui renvoyer un patient souffrant d'un trouble de l'alimentation.
    Deuxièmement, il faut inclure ou garder des psychologues au sein des équipes de soins spécialisés dans les établissements de soins secondaires et tertiaires pour soigner les troubles de santé physique et mentale. À cause des compressions budgétaires imposées aux centres de soins secondaires et tertiaires ces dernières années, les patients souffrant de troubles de l'alimentation ont plus difficilement accès à des services psychologiques et autres. Compte tenu de l'incidence et de la prévalence des troubles mentaux, particulièrement des troubles de l'alimentation, il faut maintenir et même augmenter le niveau de ressources en santé mentale accordé aux institutions de santé financées par le secteur public.
    Troisièmement, nous recommanderions un financement soutenu aux centres d'aide et de ressources communautaires qui ont pour mission d'aider les personnes qui se rétablissent d'un trouble de l'alimentation. Ces centres ne reçoivent que peu ou pas de financement public en ce moment, et leur succès dépend d'une panoplie de services et de professionnels de la santé.
    Enfin, le Canada doit bonifier sa couverture d'assurance privée et inciter les employeurs à financer les services psychologiques. Le meilleur retour sur l'investissement en santé mentale s'observe lorsque des services et des ressources sont offerts aux enfants et aux jeunes. La plupart des troubles de santé mentale commencent avant l'âge adulte, c'est particulièrement vrai pour les troubles de l'alimentation. Les enfants, les jeunes et les familles ont besoin d'un accès élargi aux soins psychologiques dont ils ont besoin, que ce soit dans un établissement de santé, dans un centre de soins primaires ou dans un centre communautaire.
    L'ASCP s'est donné comme mandat, depuis la publication de son rapport en 2013, d'intervenir auprès de ceux qui financent les soins de santé, ainsi qu'auprès des organisations qui offrent les services, afin de créer la parité dans l'offre de soins de santé mentale et physique aux citoyens de tout le Canada
    Merci.
(1550)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre Mme Phoenix pendant 10 minutes.
     Je participe aujourd'hui à ces consultations à titre d'infirmière praticienne en soins tertiaires forte de 22 ans d'expérience en santé mentale. J'ai eu l'occasion, pendant ma carrière, de participer à la création de programmes en santé mentale gériatrique, en troubles de l'humeur chez l'adulte et en anxiété. Pendant neuf ans, j'ai été infirmière praticienne en santé mentale pédiatrique, et j'ai exercé dans le domaine des troubles de l'alimentation chez l'adulte pendant deux ans. En cours de route, j'ai eu l'occasion d'observer et d'influencer la mise en place de traitements de santé mentale fondés sur des preuves. J'ai très à coeur de défendre le droit de tous les patients en santé mentale et de leur famille de recevoir les soins les plus appropriés possible et de la plus grande qualité. Je suis donc persuadée que des recherches de qualité et les traitements fondés sur des preuves devraient guider la pratique. La qualité passe par des programmes de formation et une diffusion des connaissances efficaces. Les décideurs et les législateurs devraient d'ailleurs se fonder sur ces recherches pour élaborer leurs programmes.
    Comment y arriver? Tout commence par la collecte d'information sur les recherches et la consultation d'experts, un peu comme vous êtes en train de le faire aujourd'hui, et un engagement doit s'en suivre afin de viser l'excellence dans les traitements auxquels ont droit tous nos patients et leurs familles.
    Mes prochaines observations s'articulent autour de trois demandes formulées par d'autres témoins consultés avant moi.
    Les médecins de famille et les infirmières praticiennes sont bien positionnés en tant que fournisseurs de soins primaires pour repérer et diagnostiquer les troubles de l'alimentation. Il est impératif d'enseigner les nouveaux critères de diagnostic du DSM-5 publié en mai 2013 dans les programmes d'éducation, comme dans les milieux de travail, aux professionnels déjà en fonction. Je souligne particulièrement que l'importance que les fournisseurs de soins primaires accordent au poids et aux analyses de sang apparemment normales est l'un des obstacles actuels au renvoi rapide de personnes souffrant de troubles de l'alimentation à des spécialistes. Quand le poids et les analyses de sang d'une personne sont dans les limites de la normalité, les professionnels, les patients comme leurs familles peuvent facilement croire que la personne se porte encore bien. Le DSM-5 ne recommande plus les anciens critères stricts liés au poids et à l'aménorrhée, soit l'interruption du cycle menstruel, comme mesure diagnostique.
    Les médecins et les infirmières praticiennes doivent donc mieux comprendre et communiquer aux patients que même si leurs analyses sanguines semblent normales, leurs réserves de certains éléments dans le sang sont excessivement basses et témoignent d'une malnutrition. Une personne peut donc avoir faussement l'air en santé et de poids normal. Ses pensées et ses émotions au sujet de son corps et de son poids ainsi que sa relation malsaine avec les aliments sont donc plus évocatrices de détresse clinique. J'ai vu dans ma pratique énormément de patients qui affichaient un poids normal et des valeurs sanguines normales.
     Je pense à une jeune de 18 ans que j'ai cotraitée l'année dernière avec notre équipe médicale en clinique interne, qui correspondait bien à cette description...
(1555)
    Madame Phoenix, pourriez-vous ralentir le débit un petit peu pour que les interprètes puissent vous suivre, s'il vous plaît?
    Mme Elizabeth Phoenix: Bien sûr. Je pensais seulement au temps.
    La présidente: Je vous remercie beaucoup de votre collaboration.
    D'accord.
    J'ai vu dans ma pratique énormément de patients qui affichaient un poids normal et des valeurs sanguines normales. Je pense à une jeune de 18 ans que j'ai cotraitée l'année dernière avec notre équipe médicale en clinique interne, qui correspondait bien à cette description. Elle avait pourtant des symptômes extrêmes deux mois avant d'être hospitalisée, elle s'empiffrait puis se faisait vomir jusqu'à huit fois par jour. Du coup, elle était extrêmement mal nourrie. Cependant, son poids était stable et ses valeurs sanguines, normales.
    Pendant son hospitalisation, elle a contracté la coqueluche; elle a développé le syndrome de Stevens-Johnson, une forme d'éruption cutanée systémique potentiellement mortelle, et il a fallu à deux reprises la mettre en état précédant l'arrêt parce qu'elle se trouvait en détresse respiratoire aiguë de l'adulte. L'équipe médicale traitante s'est progressivement rendu compte qu'elle était immunodéprimée et à risque en raison de ses symptômes de troubles de l'alimentation, même si, sur papier, son poids et ses analyses sanguines semblaient assez normaux.
    J'aimerais vous donner une idée de ce dont elle avait l'air deux semaines après son admission à l'hôpital. Elle était enflée, oedémateuse, de la tête aux pieds; elle était couverte de lésions de la tête aux pieds; elle était en isolement complet (jaquette, gants, lunettes, masques), et les visiteurs qui venaient la voir à l'hôpital avaient du mal à la reconnaître. C'est vous dire à quel point elle n'allait pas bien.
    La décision d'intégrer 30 infirmières praticiennes à la structure d'équipe des programmes de traitement des troubles de l'alimentation en Ontario était audacieuse, mais combien nécessaire. Les infirmières praticiennes, grâce à leur formation et à la vaste étendue de leur pratique, sont bien placées pour faire des évaluations efficaces et en profondeur et offrir des traitements adéquats pour répondre aux besoins de santé complexes physiques et mentaux des personnes souffrant de troubles de l'alimentation.
    Cependant, les programmes de formation qu'elles reçoivent, tout comme ceux des médecins, ne semblent pas prévoir suffisamment de temps pour l'apprentissage de techniques de dépistage et de diagnostic des personnes ayant besoin de services spécialisés. Il faut continuer d'améliorer la formation offerte aux infirmières praticiennes qui travaillent avec cette population complexe, et les autres provinces devraient s'inspirer de ce modèle.
    L'Association des infirmières et des infirmiers de l'Ontario offre déjà des bourses cliniques avancées et pourrait offrir de la formation dans le cadre de ce programme. Celui-ci permet de jumeler des infirmières praticiennes d'expérience avec des novices afin de favoriser le partage des connaissances par la pratique et le mentorat. Toutes les provinces ont déjà des associations professionnelles d'infirmières qui permettraient d'utiliser ce modèle.
    Il suffirait de concevoir puis de suivre un programme afin de diffuser partout les mêmes pratiques fondées sur des données probantes. Ce programme serait extrêmement bénéfique, en combinaison avec une formation plus approfondie dans les programmes de médecine et des possibilités de formation clinique.
    En plus d'améliorer la formation offerte sur les troubles de l'alimentation, il serait important de commencer par adopter des directives canadiennes à l'intention des médecins, des infirmières et des infirmières praticiennes en soins de santé primaires. Les directives sont un outil fiable pour aider les fournisseurs de soins de santé primaires à offrir des soins médicaux de la même qualité partout, fondés sur des données probantes, à tous leurs patients, depuis des dizaines d'années. Elles sont devenues essentielles à la pratique fondée sur des données probantes en soins de santé primaires et pourraient assurer une qualité plus uniforme dans les examens, la détection précoce et le renvoi des patients à des traitements spécialisés pour traiter les troubles de l'alimentation.
    Les décisions entourant la pratique doivent se fonder sur de bonnes données. Comment obtenir de bonnes données? Comme d'autres témoins l'ont expliqué avant moi, le registre national réclamé par d'autres cliniciens avant moi constituerait un bon moyen de mieux comprendre l'étendue des troubles de l'alimentation dans chaque province. Nous devrions recueillir des données pour suivre l'incidence et la prévalence des troubles de l'alimentation, les temps d'attente pour l'évaluation et le traitement ainsi que les résultats obtenus des divers services offerts. Il faudrait également noter combien de personnes abandonnent le traitement et évaluer l'état de bien-être qu'atteignent les personnes qui reçoivent le traitement. Est-ce qu'elles rechutent? Est-ce qu'elles réussissent à atteindre une qualité de vie qui en fait des membres actifs de la société?
    Le suivi à l'échelle fédérale des résultats de traitement nous permettrait de véritablement savoir si nous réussissons à traiter les troubles de l'alimentation. Ces données nous aideraient également à mieux évaluer l'effet de nos programmes de formation et de nos efforts pour améliorer l'accès à des soins de qualité.
(1600)
    J'aimerais que tout le monde s'imagine le scénario qui suit. Deux médicaments existent pour une terrible maladie. Le premier est connu depuis longtemps et fonctionne pour 15 % de la population. L'autre est plus nouveau, et il faut suivre une formation spéciale pour pouvoir l'administrer adéquatement. Il fonctionne pour environ 45 % de la population.
    Vous, les membres de ce comité, seriez-vous d'accord avec les arguments qui suivent pour justifier qu'on continue d'utiliser le premier médicament? Un, j'aimerais beaucoup apprendre à administrer le nouveau médicament, mais je n'ai pas le temps d'apprendre la nouvelle technique. Deux, je ne vis pas dans un grand centre, et personne ici ne peut m'enseigner la nouvelle technique. Trois, je ne partage pas la philosophie associée au nouveau médicament. Lequel de ces arguments pèserait plus lourd que le devoir d'utiliser les meilleures pratiques connues et d'offrir les meilleurs soins possible? Lequel de ces arguments pourrait atténuer l'indignation des 30 % de patients dont la situation se serait améliorée s'ils avaient reçu le nouveau traitement?
    Je serais portée à croire qu'aucun de ces arguments n'est acceptable, mais on les entend souvent pour expliquer le non-recours à des pratiques fondées sur des données probantes dans le traitement des troubles de l'alimentation. Comme mes collègues l'ont expliqué, il existe des pratiques fondées sur des données probantes pour traiter les troubles de l'alimentation, et il importe de souligner que tous les traitements des troubles de l'alimentation n'ont pas la même efficacité.
    Par exemple, Poulsen et ses collègues ont effectué un essai comparatif randomisé afin de comparer la thérapie cognitivo-comportementale, la TCC, à la psychothérapie psychoanalytique pour traiter les personnes souffrant de boulimie. La psychothérapie psychoanalytique durait environ trois fois plus longtemps. À la fin du traitement, seuls 15 % des personnes de ce groupe n'avaient plus de frénésies alimentaires, comparativement à 44 % des personnes qui avaient suivi une TCC.
    Des cliniciens de Calgary ont été sondés pour expliquer leurs méthodes de traitement habituelles des troubles de l'alimentation. Les chercheurs ont constaté que sur les 52 cliniciens participant à l'étude, 32,7 % utilisaient la CTT, contre 1,9 %, dont la thérapie interpersonnelle ou TIP était le principal outil de traitement. Veuillez également noter que 86,5 % et 53,8 % des cliniciens ont également déclaré utiliser respectivement la TCC et la TIP souvent ou toujours, bien qu'on ne sache pas si les traitements offerts par ces cliniciens respectaient les principes de traitement étudiés.
    Une autre étude plus récente porte sur les membres d'associations internationales consacrées aux troubles de l'alimentation. On pourrait donc s'attendre à ce que la proportion des répondants offrant des traitements fondés sur des données probantes soit plus élevée. Sur les 402 participants sondés, entre 35 et 44 % utilisaient exclusivement des méthodes fondées sur des données probantes pour traiter les personnes atteintes de divers troubles de l'alimentation.
    Ces conclusions nous portent encore une fois à constater que beaucoup de thérapeutes n'offrent pas des traitements fondés sur des données probantes conformément aux recommandations qu'on trouve dans les manuels de traitement. Toutes ces statistiques nous portent à croire que les traitements offerts aux patients comptent, mais qu'en ce moment, les pratiques fondées sur des données probantes ne sont pas utilisées universellement. De plus, beaucoup de programmes de traitement ne prévoient pas prioritairement l'évaluation longitudinale du programme qui nous permettrait d'examiner son efficacité réelle.
    Je crois que pour utiliser le plus efficacement possible notre budget en santé, nous devons nous doter d'une stratégie nationale afin de favoriser les traitements fondés sur des données probantes pour les patients souffrant de troubles de l'alimentation, puisque nos efforts actuels ne nous permettent pas d'offrir le traitement le plus efficace possible aux patients. Dans cette optique, il serait important de songer à créer une chaire de recherche nationale sur les traitements des troubles de l'alimentation fondés sur des données empiriques. Il serait ensuite important de créer un centre d'excellence pour le traitement des troubles de l'alimentation, dont les pratiques exemplaires fondées sur des données probantes pour le traitement en clinique interne ou externe ou les soins de jour serviraient de modèle pour d'autres programmes au Canada et qui pourraient également servir de milieu de formation.
    Merci beaucoup.
(1605)
    Merci infiniment.
    Nous allons maintenant entendre Mme Truppe, qui dispose de sept minutes.
    Madame la présidente, j'aimerais remercier nos témoins, en personne comme par vidéoconférence, de partager leur savoir-faire avec nous. C'est très apprécié. Nous avons toujours hâte d'entendre les témoins et d'en apprendre davantage sur les troubles de l'alimentation.
    Je vais m'adresser d'abord à Mme Phoenix, puis si le temps me le permet, j'aurai quelques questions pour chacun d'entre vous.
    Les infirmières praticiennes et les infirmières en santé mentale reçoivent-elles de la formation sur les troubles de l'alimentation dans le cadre de leur programme? Vous avez dit que 30 infirmières vont être intégrées aux équipes. Qu'en est-il des autres? Qu'en est-il des autres professionnels? Est-ce qu'ils reçoivent une formation quelconque sur les troubles de l'alimentation?
    Vous parlez d'abord des infirmières autorisées.
    C'est juste.
    Il y a actuellement un volet santé mentale dans le programme de premier cycle de l'Ontario. Il peut y avoir une ou deux séances sur les troubles de l'alimentation dans ce programme. C'est très peu.
    Est-ce qu'on enseigne aux étudiants à surveiller les signaux d'alarme de troubles de l'alimentation?
    Vous parlez de dépistage? Oui. Cela fait partie des cours, mais encore une fois, le sujet est abordé très brièvement, et il est vraiment difficile d'évaluer comment cela se traduit dans la pratique clinique. J'ai mentionné les directives utilisées par la RNAO, qui sont particulièrement efficaces en Ontario pour faire connaître les méthodes d'évaluation et de dépistage précoce d'autres maladies chroniques comme l'asthme ou le diabète. Ce serait un très bon modèle à suivre pour traiter les troubles de l'alimentation, et il serait bon pour les médecins en soins de santé primaires aussi.
    Y a-t-il d'autres pratiques exemplaires que vous aimeriez mentionner pendant que vous êtes ici? Y a-t-il d'autres très bons exemples qu'il vaudrait la peine de partager avec d'autres personnes ou d'autres provinces, selon vous?
    Dans le contexte particulier des troubles de l'alimentation? Parce qu'il y a beaucoup de lignes directrices qui existent et qui sont diffusées en Ontario. Je pense que les plus percutantes en ce moment sont celles du programme de lutte contre le tabagisme, qui est vraiment fantastique. La RNAO a soigneusement élaboré et étoffé son modèle au cours des 15 dernières années, et il a fait ses preuves.
    Très brièvement, pouvez-vous nous décrire le modèle de la lutte contre le tabagisme dont vous nous parlez?
    J'ai moi-même participé à ce programme, qui existe depuis une dizaine d'années à peine en Ontario. Ce que je veux surtout dire, c'est que les lignes directrices publiées par l'Association des infirmières sont efficaces. Les lignes directrices sont un autre outil très efficace pour guider les médecins en soins de santé primaires en matière d'évaluation et de dépistage précoce, des éléments essentiels. Les troubles de l'alimentation passent très souvent inaperçus, de sorte que les fournisseurs de soins de santé primaires ne prennent pas ces patients en charge.
    Merci. J'ai entendu plusieurs témoins nous dire que ces patients étaient souvent mal diagnostiqués ou qu'ils passaient inaperçus, ce qui engendre des problèmes encore plus graves.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à la Dre Spettigue.
    Vous avez mentionné au début de votre exposé que le rétablissement pouvait prendre de deux à sept ans et que ce n'était pas tous les patients qui réussissaient à s'en sortir. Pouvez-vous nous décrire un peu le genre de traitements qui favorisent le rétablissement pendant ces deux à sept ans?
    Je dois souligner que les statistiques que j'ai citées datent un peu et qu'elles portent sur les jeunes adultes, qu'elles viennent d'une étude sur les adultes. Nous pensons que la situation commence à s'améliorer chez les jeunes et les enfants qui souffrent de troubles de l'alimentation depuis qu'on reconnaît la nécessité de mettre les familles à contribution.
    Vous avez probablement entendu parler d'une nouvelle tendance fort prometteuse à la thérapie basée sur la famille, qu'on appelle aussi la thérapie familiale de Maudsley et qui a maintenant été assez étudiée pour qu'on reconnaisse son efficacité chez les jeunes et qu'on la considère comme le traitement recommandé pour les troubles de l'alimentation de type restrictif chez l'adolescent. Le plus merveilleux, c'est que ce type de thérapie est efficace, mais qu'elle ne coûte pas très cher comparativement à une hospitalisation. C'est un traitement offert en clinique externe.
    Le problème, au CHEO, c'est que notre programme de traitement en clinique interne et notre programme de jour sont financés, mais que nous n'avons jamais obtenu de financement pour un programme en clinique externe. Le traitement recommandé est la thérapie familiale en clinique externe. La difficulté, c'est que nous n'avons pas de thérapeutes en clinique externe, mais si nous nous contentons de traiter les patients médicalement instables à l'hôpital et que nous leur donnons leur congé, leur état ne s'améliore pas. Il n'y a pas de ressources communautaires pour cela. Notre équipe s'est donc mise à suivre ces patients. Les résultats du programme sont très positifs, tellement que nous sommes aux prises avec une liste d'attente d'un an et que nous avons dû fermer notre programme pour essayer de trouver des solutions.
(1610)
     Merci.
    À votre avis, pourquoi est-il plus efficace d'intervenir auprès des familles qu'auprès des patientes directement? La participation de la famille semble être une bonne approche. Qu'est-ce qui explique cela?
     C'est une question facile, et je vous avertis, je pourrais vous en parler très longtemps.
     Imaginez un patient qui souffre d'un trouble obsessionnel compulsif grave et qui a une peur excessive des microbes. Il croit que ses mains sont recouvertes de microbes, et la seule façon de se débarrasser de son anxiété, c'est de se laver les mains à répétition. Le soulagement n'étant que temporaire, le patient est à nouveau hanté par des pensées irrationnelles du genre : « Il reste des microbes sur tes mains. Tu ne les as pas tous enlevés. Ils vont s'incruster en toi et te rendre malade, voire te faire mourir. » Le patient ne peut tolérer l'agitation, et pour se calmer, il va se laver les mains. Un traitement individuel serait comme d'essayer d'amener la personne à ne pas choisir de se laver les mains. Même si elle est motivée à le faire, elle ne sera probablement pas capable de surmonter ce sentiment de besoin intense.
     Il est en de même pour l'anorexie mentale chez les jeunes filles. Ces personnes sont hantées par des pensées obsessives qui sont la source d’une grande anxiété. Elles sont obsédées à l'idée de trop manger et de prendre du poids. Elles se sentent donc obligées de se limiter ou d'éliminer ce qu'elles ont mangé, de quelque façon que ce soit. On ne peut tout simplement pas leur dire d'arrêter d'agir de la sorte. Tout d'abord, elles ne sont pas motivées à le faire parce qu'elles ont peur de prendre du poids. Ensuite, même si elles étaient motivées, elles ne pourraient tolérer l'anxiété générée par cette obsession. Nous confions donc leur réalimentation à leurs parents dont le travail est de prévenir les symptômes.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Madame Sellah, vous disposez de sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Tout d'abord, j'aimerais remercier nos témoins ici présents ainsi que ceux qui comparaissent par vidéoconférence. Je suis heureuse d'entendre notamment leurs suggestions pour améliorer le diagnostic ou encore le plan de traitement des personnes qui souffrent de troubles alimentaires.
    Ma première question s'adresse aux représentants de la Société canadienne de psychologie.
    Je ne cache rien du tout: je suis une professionnelle de la santé et je sais que la méthode la plus utilisée est l'approche cognitivo-comportementale. C'est l'approche psychologique qui est utilisée, la plupart du temps, pour traiter ce genre de troubles. J'ai vu qu'un de vos dépliants paru en 2012 parlait de cette approche. Dans quelle mesure cette approche s'avère-t-elle une réussite?
    Ma question s'adresse à la Dre Lisa Votta-Bleeker ou au Dr Giorgio A. Tasca.

[Traduction]

     Dans quelle mesure cela est-il efficace pour traiter les troubles de l'alimentation? La thérapie cognitivo-comportementale est l'approche la plus documentée. Il existe d'autres traitements plus ou moins efficaces, mais qui n'ont pas fait l'objet d'autant de recherches. D'après ce que j'ai lu, je dirais qu'environ la moitié des patientes atteintes de boulimie se portaient mieux grâce à une thérapie cognitivo-comportementale ou à un autre traitement fondé sur des données probantes. Chez les patientes souffrant d'anorexie mentale, ce taux se situe probablement autour de 25 ou 30 %.
     Les traitements fondés sur des données probantes sont tout de même bons, mais pas fantastiques; il faut donc effectuer davantage de recherche pour trouver des moyens de venir en aide à ces patientes.
(1615)

[Français]

    Je vous remercie de votre réponse. Justement, cela m'amène à ma prochaine question.
    On nous a raconté beaucoup de choses depuis le début de notre étude sur les troubles alimentaires. Notamment, j'ai appris qu'il y avait une discrimination dans les soins de santé à apporter aux gens atteints de troubles alimentaires, par rapport aux soins généraux. Je sais que votre société émet des directives concernant la discrimination des soins en psychologie. J'aimerais savoir si vous avez des lignes directrices expressément pour le traitement des personnes atteintes de troubles alimentaires.

[Traduction]

     Des lignes directrices précises pour...?
    Oui.
     Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris la question.
     Notre philosophie, à la Société canadienne de psychologie, est que tout le monde devrait avoir accès à des services psychologiques, peu importe le trouble de santé mentale dont ils souffrent. Nous voulons le bon fournisseur au bon moment, quel que soit le diagnostic.
     Je ne sais pas si cela répond à votre question.
     Je sais que vous avez ce genre de lignes directrices.

[Français]

    Je parle de l'approche psychologique de façon générale. Cependant, avez-vous des lignes directrices qui traitent expressément de la discrimination possible à l'endroit des patients souffrant de troubles de l'alimentation?

[Traduction]

     Pas à ma connaissance. Oui, nous avons des lignes directrices qui régissent la pratique, mais aucune qui ne se rapporte précisément aux troubles de l'alimentation.

[Français]

    Donc, cela fait aussi partie des lacunes qui existent dans le système pour soigner ce genre de personnes.
    Je vous remercie.

[Traduction]

     Si vous me le permettez, j'aimerais préciser qu'il existe des lignes directrices sur le traitement des troubles alimentaires chez les jeunes filles et les adolescentes. Ce sont des lignes directrices américaines; j'ai d'ailleurs participé à leur élaboration, et nous sommes en train d'essayer d'établir des lignes directrices canadiennes.

[Français]

    Si je comprends bien, ces lignes directrices n'existent pas encore chez nous.

[Traduction]

     Ce ne sont pas des lignes directrices canadiennes.

[Français]

    Je vous remercie de votre intervention, Dre Spettigue.
    Je sais que dans un livre que vous avez écrit, il y a un chapitre intitulé Pharmacotherapy for eating disorders in children and adolescents. Dans ce chapitre, vous avez mis l'accent sur les traitements médicaux en ce qui a trait aux désordres alimentaires. Selon vous, la meilleure solution pour lutter ou réduire les troubles alimentaires passeraient par les médicaments. Est-ce bien cela?

[Traduction]

    Non, je privilégie sans aucun doute les traitements fondés sur des données probantes pour traiter les troubles de l'alimentation, mais encore faut-il disposer de suffisamment de données probantes. À l'heure actuelle, par exemple, aucune preuve n'a été faite qu'un médicament en particulier était efficace pour traiter l'anorexie mentale chez les jeunes filles et les adolescentes. Cela dit, comme je l'ai mentionné plus tôt, il existe un lien très étroit entre les troubles de l'alimentation, la dépression et l'anxiété, et certains médicaments peuvent aider à traiter la dépression et l'anxiété, bien qu'ils ne soient pas efficaces chez les patientes ayant un faible poids. Nous leur disons que la nourriture est le premier médicament qu'elles doivent prendre. Une fois qu'elles ont commencé à se réalimenter, nous pouvons nous attaquer à la dépression et à l'anxiété.
    C'est comme la patiente, dont Mme Phoenix a parlé plus tôt, qui a été admise à l'hôpital parce qu'elle était très malade. Je me spécialise dans le traitement des adolescentes qui sont très instables sur le plan médical et qui doivent être hospitalisés au CHEO. Lorsque nous prenons ces jeunes filles en charge, nous cherchons désespérément des moyens de les calmer lorsqu'elles deviennent très agitées ou qu'elles résistent à toute forme de traitement ou de nourriture. Elles peuvent même aller jusqu'à tenter de se suicider ou s'enfuir. Nous sommes parfois si désespérés que nous n'avons d'autre choix que de leur donner des médicaments qui semblent être efficaces du point de vue clinique pour calmer leur agitation. Je suis en train de mener une étude sur un médicament qui a été étudié à l'Hôpital général d'Ottawa et qui s'est révélé efficace chez les adultes, mais c'est un processus qui nécessite du temps et de l'argent, et nous n'avons pas suffisamment de financement pour étudier les troubles de l'alimentation chez les femmes et les jeunes filles.
(1620)

[Français]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Young, vous avez la parole. Vous disposez de sept minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Je tiens également à remercier tous les témoins pour le temps qu'ils nous consacrent aujourd'hui. Vos propos sont très intéressants et utiles.
    Madame Spettigue, quel est le niveau minimal de traitement que devraient recevoir les femmes et les jeunes filles aux prises avec des troubles de l'alimentation au Canada?
    Cela dépend de la gravité de leur état car, évidemment, je ne voudrais pas hospitaliser une patiente qui souffre d'un trouble léger, pas plus que je ne voudrais empêcher une patiente qui est très malade et instable d'être admise à l'hôpital. Par conséquent, tout dépend du niveau d'intervention requis, et il est important que ce niveau corresponde à la gravité de la maladie.
    Le CHEO, à Ottawa, offrait un programme spécialisé de traitement des troubles de l'alimentation. Nous étions tellement submergés par le nombre excessif de cas que nous avons dû y mettre fin et seulement retenir les patientes très malades qui nécessitaient une hospitalisation. Cela veut dire que les patientes souffrant d'un trouble de l'alimentation léger, modéré, ou même modérément grave, dans la région d'Ottawa, n'ont reçu aucun soin spécialisé au cours des 20 derniers mois, ce qui est totalement atroce.
    J'aimerais que vous nous parliez davantage des composantes de ces soins aux divers niveaux, selon la gravité de la maladie. Cela nous serait très utile. Merci.
    On a évidemment besoin d'un traitement psychologique, d'un traitement médical et d'un traitement nutritionnel, et tous les trois doivent être combinés. Pour la plupart des patientes, on recommande des consultations externes, c'est-à-dire qu'elles sont suivies par un médecin et, lorsque c'est possible, on leur propose une intervention nutritionnelle, bien que ce ne soit pas absolument nécessaire. Ce qui est le plus important, c'est la thérapie familiale. Le problème, c'est qu'il y a très peu de gens au Canada qui sont formés et capables d'offrir cette thérapie familiale pour les adolescentes souffrant de troubles alimentaires.
    Quel est le pourcentage d'adolescentes aux prises avec des troubles de l'alimentation qui reçoivent les soins dont elles ont besoin?
    Si on regarde l'ensemble du pays, je dirais que c'est moins de 1 %.
    Merci.
    Madame Votta-Bleeker, avez-vous quelque chose à ajouter au sujet des composantes du traitement?
    Non, je crois qu'elle a tout dit.
    Merci beaucoup.
    Madame Spettigue, est-ce que la thérapie cognitivo-comportementale est le traitement le plus efficace chez les femmes et les jeunes filles qui souffrent de troubles de l'alimentation?
    Sachez que le traitement n'est pas le même pour les femmes et les adolescentes; donc oui, pour les adultes, c'est l'intervention la plus efficace, mais pour les jeunes filles, nous recommandons une thérapie familiale.
    Merci.
    À quelles difficultés les personnes à la recherche d’un traitement contre les troubles de l’alimentation se heurtent-elles? Lorsqu'une jeune femme se rend compte ou se fait dire par un proche ou un médecin qu'elle souffre d'un trouble alimentaire, à quelles difficultés est-elle confrontée?
    Premièrement — et encore une fois, je parle ici des troubles de l'alimentation chez les adolescentes —, les personnes qui souffrent d'anorexie seront très réticentes à se faire soigner parce qu'elles sont terrifiées à l'idée de prendre du poids. Peu importe à quel point elles souffrent, elles ne décideront pas de leur plein gré d'aller chercher de l'aide. Ce sont habituellement leurs parents qui sont désemparés qui les traînent de force chez le médecin.
    Merci.
    Dans votre domaine de travail, qu'est-ce qui semble être le plus important facteur d'apparition des troubles de l'alimentation? Nous avons beaucoup entendu parler des différents facteurs à l'origine de ces troubles. Selon vous, quels sont les plus importants?
    C'est très difficile de répondre à cette question, parce que les troubles de l'alimentation souffrent d'un grand manque de recherche. Nous devons à tout prix mener davantage de recherches afin de mieux comprendre les causes. J'ai mes opinions personnelles, mais je n'ai pas de faits précis à vous donner.
    D'accord. C'est très utile. Cela m'amène à ma prochaine question.
    Pourriez-vous nous en dire davantage sur les lacunes qui doivent être comblées dans la littérature scientifique afin de mieux répondre aux besoins des patientes? Si vous deviez repartir de zéro pour ce qui est de la recherche, quels volets devraient être traités en priorité?
    Il y a tellement de lacunes qu'il est difficile de savoir par où commencer. Je déplore un énorme manque de recherche dans le domaine. Nous ne comprenons pas les causes des troubles de l'alimentation; nous ne savons pas comment les prévenir ni comment diffuser les traitements les plus efficaces. Nous ne savons pas non plus comment traiter les patientes qui ne répondent pas bien à la thérapie familiale, ce qui représente 30 % des adolescentes. Il y a d'énormes lacunes à ce chapitre.
(1625)
    Diriez-vous que les jeunes filles et les femmes souffrant de troubles de l'alimentation font l'objet de discrimination par rapport aux patients qui souffrent d'autres maladies en ce qui a trait à l'accès aux traitements?
    Oui, à bien des égards. Voudriez-vous que j'en parle?
    Oui, je vous en prie. Merci.
    Par exemple, dans les facultés de médecine et en résidence, il y a visiblement un manque de formation et de compréhension à l'égard des troubles de l'alimentation. Comme Mme Phoenix l'a dit pour les infirmières praticiennes, dans le cas des médecins, il y a peut-être un cours obligatoire sur les symptômes de l'anorexie mentale et ce genre de chose, mais on ne passe pas beaucoup de temps à comprendre ou à approfondir les souffrances de ces patientes ni le type d'aide dont elles ont besoin. Chose certaine, les médecins de famille sont débordés et n'ont pas le temps d'en apprendre davantage sur ces maladies.
    Le Dr Blake Woodside nous a dit que pratiquement tous les hôpitaux du Canada comportent une clinique de traitement du cancer de la prostate s'adressant aux hommes d'âge moyen, alors qu'à bien des endroits, aucun traitement n'est accessible pour les jeunes filles.
    On ne retrouve aucun programme multidisciplinaire de traitement des troubles de l'alimentation chez les adolescentes en Saskatchewan, à l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick ou dans le Nord. Il en existe seulement en Colombie-Britannique, en Nouvelle-Écosse, au Québec et à Terre-Neuve.
    Merci.
    Nous savons à quel point l'image de la femme que projettent les médias, les films et la télévision a une incidence sur la façon dont les jeunes filles se perçoivent. Selon vous, y a-t-il quelque chose que nous pourrions faire à cet égard?
    Oui, mais cela va me prendre beaucoup de temps. C'est une question très difficile.
    Vous avez une minute pour le faire.
    Je pense que nous devons lancer une vaste campagne afin d'éliminer toute cette anxiété qui entoure l'alimentation et la nutrition et d'aider les adolescentes, particulièrement les jeunes filles. Il y en a de plus en plus qui souffrent de troubles de l'alimentation, et ce phénomène s'explique par le fait que bon nombre d'entre elles sont très consciencieuses, perfectionnistes et anxieuses et veulent à tout prix éviter de consommer de mauvais aliments.
     Beaucoup d'entre elles se rendent malades au point où elles doivent être hospitalisées. Elles ne mangent que des légumes tellement elles sont sensibilisées aux dangers d'une mauvaise alimentation, c'est-à-dire des aliments à haute teneur en gras, en sodium et en sucre.
     Nous devons en quelque sorte créer un climat plus propice à la modération et à l'équilibre qui s'applique à tout le monde. Nous devons également trouver des moyens de nous attaquer à l'obésité sans toutefois entraîner des troubles alimentaires. Avec tout ce qu'on entend au sujet des régimes et de la nécessité de bien s'alimenter, on crée une certaine peur chez les jeunes filles qui finissent à l'hôpital parce qu'elles sont terrifiées à l'idée de manger et de prendre du poids.
    Il y a aussi l'atmosphère toxique qui règne dans nos écoles secondaires partout au Canada et toute l'importance qu'on accorde à l'apparence. Je ne veux pas m'étendre là-dessus, mais vous avez sans doute entendu parler de l'application Iphone « Belle ou moche », à partir de laquelle on peut publier des photos de jeunes filles et les évaluer. Il y a aussi l'oreiller de Kate Moss qu'on peut commander sur Internet pour 16 $ et sur lequel est inscrit le slogan: « Il n'y a rien de mieux que de se sentir maigre ». On retrouve toutes sortes de choses sur Internet...  

[Français]

    Ce sont des messages très...

[Traduction]

     ... qui sont à l'origine des troubles de l'alimentation.

[Français]

    Merci beaucoup encore une fois, Dre Spettigue.
    Madame Duncan, vous disposez de sept minutes.

[Traduction]

     Merci, madame la présidente, et merci à vous tous. Nous sommes très reconnaissants de l'expertise, du temps et des efforts que vous nous consacrez aujourd'hui.
     Je vais tout d'abord m'adresser à la Dre Spettigue, et je pense que votre histoire devrait devenir une importante étude de cas dans le cadre de notre rapport. En vue de formuler des recommandations, pourriez-vous nous décrire le plus précisément possible ce qui est arrivé à votre clinique? J'aimerais que vous nous parliez du nombre de personnes que vous avez traitées, du manque de financement et de ressources au sein de la communauté ainsi que de la liste d'attente d'un an. Que s'est-il produit au juste?
     C'est gentil de votre part; je vous remercie.
    J'ai été la directrice du programme de psychiatrie pendant 14 ans au CHEO. Il y a deux ans, nous avions une liste d'attente d'un an, ce qui est complètement inacceptable, compte tenu des graves complications médicales et psychologiques liées aux troubles de l'alimentation chez les adolescentes.
    Étant donné qu'une telle attente est inconcevable lorsqu'il s'agit d'enfants malades, nous avons tout simplement décidé de fermer la clinique, en désespoir de cause, et tous les cas ont été renvoyés aux pauvres médecins de famille.
    Nous avons entrepris ce que nous appelons un « examen de rationalisation » pour voir ce qu'il fallait supprimer afin d'être plus efficients. À l'avenir, nous ne traiterons plus les personnes qui souffrent d'un trouble de l'alimentation de niveau léger à modéré, même s'il n'y a pas personne d'autre au sein de la communauté qui les prendra en charge. Même s'il faut deux ans à ces enfants pour se rétablir, nous réduirons la durée du traitement à neuf mois.
    Nous avons dû abolir tous les groupes de thérapie de notre programme interne pour permettre à nos thérapeutes d'offrir des consultations familiales externes, étant donné que nous n'avions pas d'équipe externe.
(1630)
    Madame Spettigue, combien d'enfants ont-ils été touchés par la fermeture de la clinique et la liste d'attente d'un an?
    C'est difficile à dire, étant donné que je ne les ai pas vus, mais je dirais autour de 200.
    Deux cents enfants. Je suis tellement désolée.
     Si vous pouviez faire une recommandation précise au comité, qu'est-ce qui aurait pu empêcher cela? Qu'est-ce que vous recommanderiez?
    Nous avons évidemment besoin de financement. Je sais que c'est difficile parce qu'il y a beaucoup de domaines dans le milieu de la santé qui manquent de fonds, mais c'est assurément un problème dans le traitement des troubles de l'alimentation.
    C'est donc une question de financement.
    Vous avez énuméré les provinces qui n'ont pas de programme multidisciplinaire de traitement des troubles de l'alimentation chez les adolescentes. Que recommanderiez-vous au comité?
    Nous avons besoin d'aide à tous les niveaux. Nous avons certainement besoin d'équipes multidisciplinaires spécialisées comme celle du CHEO. Ces équipes doivent être plus grandes et plus nombreuses afin de pouvoir offrir davantage de services. N'empêche qu'il est essentiel que des services soient offerts au sein la communauté. Comme je l'ai dit, si nous ne prenons en charge que les cas les plus graves, qui s'occupera de tous les autres?
    Merci. Je vais m'en occuper. C'est vraiment lié à l'intervention de la Dre Votta-Bleeker.
    Vous avez mentionné à quel point les réductions budgétaires dans les établissements de soins secondaires et tertiaires avaient entraîné des répercussions sur les troubles de l'alimentation. Pourriez-vous brièvement les décrire et formuler ensuite une recommandation?
    En fait, je demanderai au Dr Tasca de parler des réductions budgétaires dans quelques instants. Toutefois, je peux certainement affirmer qu'en ce qui nous concerne, nous sommes ici, nous sommes spécialisés dans l'évaluation, le diagnostic et les traitements. Nous pouvons aider dans les recherches sur les efforts qu'il reste à fournir. Nous sommes des spécialistes de la méthode scientifique; cela fait partie de la formation des psychologues. Nous sommes également cliniciens, et nous pouvons donc contribuer à l'évaluation, aux traitements, au diagnostic, à la consultation, aux efforts de sensibilisation, à la prestation des services et à l'évaluation du programme.
    Nous voulons simplement être intégrés aux équipes principales, et ensuite être financés à ce titre.
    Devrions-nous donc recommander que les psychologues soient considérés comme étant un service de soins de santé de base qui font partie d'une équipe multidisciplinaire?
    Absolument.
    C'est une recommandation que vous souhaitez que le comité formule.
    Oui, absolument.
    Merci.
    Docteur Tasca, en ce qui concerne les réductions budgétaires dans les établissements de soins secondaires et tertiaires et leurs répercussions sur les troubles de l'alimentation...
    Je travaille au centre de soins tertiaires du programme sur les troubles de l'alimentation de l'hôpital d'Ottawa depuis 17 ans.
    Nous avons eu des réductions budgétaires pendant cette période. Nous avons perdu un poste d'ergothérapeute il y a quelques années, un poste d'infirmière en pratique avancée et un demi-poste de psychologue. Les compressions budgétaires nous font mourir à petit feu, car le financement diminue toujours un peu plus à chaque budget.
    Le budget de l'hôpital n'a pas augmenté ces trois dernières années, et nous ne pensons pas qu'il va augmenter dans les prochaines années. Cela signifie en fait une réduction budgétaire de 3 %, car c'est l'augmentation minimale des coûts des soins de santé dans un hôpital. Je m'attends donc à ce que notre programme sur les troubles de l'alimentation subisse encore des compressions cette année, et probablement l'an prochain.
    Cela signifie que nous offrons moins de services et que notre programme pour les malades externes est beaucoup plus petit que nous l'avions espéré. Notre service de jour fond à vue d'oeil — pardonnez mon jeu de mots — et, à mon avis, le programme pour les patients hospitalisés est assez rudimentaire.
    Nous ne traitons pas la frénésie alimentaire. Pourtant, la frénésie alimentaire est le trouble alimentaire le plus répandu parmi les adultes...
    Dans ce cas, pourquoi ne le traitez-vous pas?
    Nous n'avons pas les ressources nécessaires.
    Que recommandez-vous donc au comité?
    On devrait financer des programmes de traitement pour la frénésie alimentaire. J'ai dirigé trois essais cliniques financés par les Instituts de recherche en santé du Canada et la Fondation ontarienne de la santé mentale. Il s'agit d'essais financés par la recherche, c'est-à-dire des essais en psychothérapie pour la frénésie alimentaire.
    Dès que nous annonçons que nous ferons des essais cliniques pour la frénésie alimentaire, nous sommes submergés de réponses. Nous ne dépensons rien en publicité pour ces essais, car il y a juste trop de personnes qui ont besoin d'un traitement.
    C'est donc une recommandation précise que je formulerais.
(1635)
    Merci.
    La dernière chose dont j'aimerais parler, et nous avons souvent entendu cette recommandation, c'est de la possibilité de créer un registre national. Madame Phoenix, vous en avez parlé.
    J'aimerais que vous établissiez tous la liste des éléments que devrait contenir un registre national et que vous la remettiez au comité. S'il y a des choses que vous n'avez pas été en mesure de dire aujourd'hui, vous pouvez nous envoyer des documents supplémentaires.
    Qu'aimeriez-vous retrouver dans un registre national?
    Je voudrais certainement une base de données centralisée. J'aimerais pouvoir suivre les progrès des patients qui souffrent d'un trouble de l'alimentation et avoir accès aux données les concernant. Je crois aussi que nous avons besoin de lignes directrices distinctes en ce qui concerne la pratique. Il faut mener davantage d'études sur les traitements efficaces et diffuser les résultats, et compiler les résultats obtenus par les patients qui ont été traités pour des troubles de l'alimentation.
    Merci.
    Madame Phoenix, avez-vous une brève réponse à la question de Mme Duncan?
    Oui.
    Mon dernier commentaire concernait une recommandation visant la création d'une chaire de recherche sur les troubles de l'alimentation et un centre d'excellence pour les troubles de l'alimentation au Canada.
    Je crois qu'il s'agirait de la première étape pour faciliter la mise sur pied d'un système de suivi et d'un registre national, et pour superviser une grande partie des lacunes et des éléments dont nos témoins ont parlé aujourd'hui. Nous avons encore beaucoup à faire pour être à jour dans les recherches sur les traitements, pour comprendre l'étiologie de façon plus efficace, pour vraiment suivre nos patients qui reçoivent un traitement, pour concevoir un continuum de soins complets — des patients traités à l'externe aux services plus intensifs — et pour trouver la meilleure façon de servir la population du pays, de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve.
    Merci beaucoup.
    Madame O'Neil Gordon, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'aimerais remercier les témoins de comparaître aujourd'hui. Nous vous sommes certainement reconnaissants de nous accorder votre temps. Il est très important que nous en apprenions toujours plus sur ce trouble. Notre étude nous enseigne beaucoup de choses, et nous accordons certainement une grande valeur à chaque jour que nous lui consacrons.
    Docteure Spettigue, nous sommes certainement conscients que les parents et la famille jouent un rôle extrêmement important dans tout ceci. Toutefois, selon mon expérience, je trouve que les parents jouent parfois un rôle très difficile et qu'ils peuvent aller jusqu'à tenter de cacher ces troubles. J'aimerais savoir si on leur offre des services de consultation pour les aider à parvenir à accepter ce trouble, et j'aimerais comprendre la façon dont vous travaillez avec eux.
    Chaque patient du programme sur les troubles de l'alimentation du CHEO a accès à des services de thérapie familiale. Cela signifie qu'il y a un thérapeute qui s'occupe surtout des parents, qui travaille très étroitement avec eux pour les sensibiliser et pour les rendre conscients de la gravité de la maladie de leur enfant et de la nécessité d'une intervention intensive, et pour essayer de leur donner les moyens de prendre le contrôle de l'alimentation de leur enfant pour éviter que les symptômes se développent. Étant donné qu'il s'agit d'une combinaison d'un trouble obsessif-compulsif et d'une dépendance dans le cadre de laquelle le patient est forcé de développer des symptômes, nous voulons vraiment que les parents soient responsables d'empêcher ces symptômes de se manifester.
    Toutefois, comme vous l'avez laissé entendre, c'est tout d'abord beaucoup plus facile à dire qu'à faire, et deuxièmement, pour différentes raisons, toutes les familles n'ont pas les ressources nécessaires pour y arriver. Les parents peuvent souffrir d'un trouble de santé mentale, ou il pourrait s'agir d'un parent célibataire qui ne peut pas s'absenter du travail, ou autre chose. C'est l'un de nos problèmes. Dans les meilleurs des cas, environ 70 % d'entre eux répondent au programme de traitement familial, et cela peut prendre plus d'un an. Mais que faisons-nous avec les autres 30 %? Nous n'avons même pas les recherches qui pourraient nous indiquer les démarches à entreprendre avec eux.
    J'ai découvert, en raison de mes liens avec une famille en particulier, que même les frères et les soeurs avaient beaucoup de difficulté à gérer cela. Sont-ils également visés?
(1640)
    Oui, et ils devraient l'être. Je suis d'accord.
    Ils ont donc également accès à la thérapie.
    Oui.
    Terry a en quelque sorte déjà posé cette question, mais j'ai remarqué dernièrement, dans un catalogue, qu'il semblait y avoir un peu plus d'annonces de maillots de bain qui présentaient des personnes un peu plus enveloppées. Je crois que cela correspond un peu à mes réflexions, et je pense que c'était très bien.
    Voulez-vous dire qu'il y avait davantage de modèles aux proportions normales?
    Mme Tilly O'Neil Gordon: Oui.
    Dre Wendy Spettigue: Je suis d'accord. Je crois que c'est excellent.
    Je crois qu'il s'agit également d'un moyen de... Les médias nous montrent toujours une taille parfaite, et nous devons les aider à cesser cette pratique et à se concentrer davantage sur les « tailles normales », comme on pourrait les appeler.
    Je crois que c'est un point extrêmement important. Les mannequins et les célébrités typiques ont un IMC entre 16 et 17, alors que l'IMC moyen pour les jeunes femmes en santé est d'environ 21.
    Y a-t-il des tentatives pour les aider à changer cette histoire étrange qu'ils racontent sans cesse dans les médias?
    Est-ce que les médias font partie du problème? Oui. C'est là où il faut vraiment concentrer les efforts de prévention pour changer les normes sociales...
    Nous parlons dans ce cas des attitudes qui circulent dans notre société à l'égard du poids corporel et, comme vous l'avez dit, à l'égard de la perfection et de la beauté. Nous ne voulons pas que nos filles grandissent avec l'objectif d'atteindre un IMC malsain. Nous voulons tenter de changer les choses, afin que les femmes et les filles soient acceptées lorsqu'elles ont un poids normal.
    Cela dit, ceux d'entre nous qui font partie des équipes qui traitent les troubles de l'alimentation sont complètement dépassés par le nombre de patients qui nous sont envoyés. J'ai toujours l'impression que je me noie. Je fais un nombre incalculable d'heures supplémentaires, comme toutes les autres personnes qui travaillent dans le même domaine. Nous n'avons plus de temps à consacrer aux efforts de prévention.
    Il vous reste 30 secondes, si vous les voulez.
    Je connais une personne qui... mais elle va très bien. Y a-t-il des chances que cela revienne la hanter dans quelques années et lui cause une autre forme de troubles de l'alimentation?
    Il s'agit certainement d'une maladie qui peut entraîner une rechute, souvent pendant une période de stress...
    Connaissez-vous le taux de rechute? Est-il d'environ 30 %?
    Environ 30 %, oui.
    Cette femme travaille elle-même dans un service psychiatrique. Je pense souvent qu'elle a beaucoup à offrir en raison de ce qu'elle a subi, mais je n'aime vraiment pas penser qu'elle pourrait avoir une rechute et retourner où elle était.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Madame Freeman, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.

[Traduction]

    Je ne suis pas un membre régulier du comité, et je possède donc moins d'information que les membres réguliers, mais je trouve très fascinant de vous écouter aujourd'hui. Je vais donc poursuivre l'effort de mes collègues qui ont déjà posé quelques questions, afin d'approfondir le sujet un peu plus pour obtenir un portrait complet et exact de la situation.
    Je ne sais pas si vous voulez continuer, docteure Spettigue — est-ce que je prononce votre nom correctement? Vous aviez commencé à décrire la situation préoccupante dans les écoles secondaires en raison, essentiellement, de l'image à laquelle les filles essaient de ressembler, des médias, des attitudes liées à la normalisation, etc. Que voyez-vous d'autre là-bas? Dans quels autres milieux retrouve-t-on ces enjeux? En tant que législateurs, que pouvons-nous faire pour aider nos filles à être plus indépendantes?
    C'est une excellente question, et elle est certainement en lien avec la dernière question qui a été posée.
    Je dirais qu'il s'agit d'une atmosphère toxique, si je me fonde sur les descriptions que m'ont données toutes les adolescentes que je traite lorsqu'elles parlent des groupes de filles qui ne mangent pas au dîner, qu'elles ne mangent tout simplement pas, et parfois, il n'y a même pas d'endroit pour dîner. Elles parlent également des commentaires que les garçons font sur les filles, et de l'attention démesurée accordée à l'apparence et au poids.
    [Conformément à une motion adoptée le 5 mars 2014, un passage du présent témoignage a été supprimé du compte rendu. Voir le Procès-verbal pour le 5 mars 2014]
(1645)
    Wow. Je suppose que mes années d'école secondaire ne sont pas assez loin derrière moi. Je me souviens de cette époque.
    Des voix: Oh, oh!
    Mme Mylène Freeman: Je sais, tout le monde se moque toujours de moi.
    Mais c'est vrai, et c'est une atmosphère très toxique. En tant que féministe, je ne crois pas que les filles devraient avoir à s'inquiéter de leur image et du fait qu'elle ne correspond pas à des normes malsaines. Je vais tout de même vous pousser encore un peu plus. Que pouvons-nous faire à cet égard?
    La meilleure personne pour répondre à cette question serait la Dre Gail McVey. Vous en avez peut-être déjà entendu parler. Elle est spécialisée dans la prévention des troubles de l'alimentation et elle tente de modifier le milieu scolaire, mais il y a d'énormes obstacles. Nous devons modifier le programme d'études afin que les enseignants n'enseignent plus les troubles de l'alimentation en décrivant l'anorexie mentale d'une certaine façon, car selon quelques études, les filles se disent que c'est une bonne idée. Nous devons enseigner des compétences médiatiques. Nous devons enseigner l'estime de soi et la façon de prendre soin de soi. Nous devons donner aux filles les moyens d'être autonomes. Nous devons également modifier les attitudes des garçons, des adolescents, et peut-être les rassembler pour qu'ils discutent entre eux. Nous devons effectuer plus de recherches dans tous ces domaines et essayer de découvrir les méthodes qui sont efficaces et celles qui ne le sont pas, et c'est le type de recherches pour lesquelles se spécialise la Dre Gail McVey. Elle est la seule personne au Canada à faire cela.
    D'accord.
    Il est évident qu'il y a un manque d'information. À quelle fréquence les partenaires — ou plutôt les intervenants qui exercent leurs activités dans différents domaines — travaillent-ils ensemble et mettent-ils en commun leurs connaissances? Quelles sont les lacunes à cet égard?
    L'Ontario est probablement un bon modèle pour les autres provinces, en raison du travail de Gail McVey dans le cadre du programme communautaire ontarien de sensibilisation à l'égard des troubles de l'alimentation, et en raison du réseau qu'elle a créé pour relier tous les programmes sur les troubles de l'alimentation de la province. Dans ce contexte, notre équipe tente de diriger une initiative visant à établir une base de données partagée parmi les programmes pédiatriques sur les troubles de l'alimentation en Ontario, même si, encore une fois, nous n'avons pas obtenu de financement, mais de toute façon...
    Mais cela concerne seulement l'Ontario. Je recommanderais vivement qu'on utilise le même modèle et qu'on l'applique dans les autres provinces, même s'il faut reconnaître que les autres provinces n'ont pas vraiment un grand nombre de programmes à réunir.

[Français]

    Merci beaucoup.
    J'aimerais vous rappeler que Mme Phoenix témoigne par vidéoconférence. Il ne faudrait pas oublier de lui poser quelques questions, si possible.
    Madame Ambler, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    J'aimerais remercier les témoins d'être ici aujourd'hui
    Docteur Tasca, en ce qui concerne la recherche, à quel point la communauté universitaire s'intéresse-t-elle à l'étude des troubles de l'alimentation?
    En fait, il y a un groupe de chercheurs sur les troubles de l'alimentation très actif au Canada. Ce qui est intéressant au sujet de ce groupe, c'est que ses membres me ressemblent beaucoup, c'est-à-dire que ce sont des cliniciens qui effectuent des recherches dans des centres de soins tertiaires. Il y a un groupe à Ottawa, et c'est notre groupe. Il y a un groupe au CHEO. Il y a le groupe SickKids, le groupe Toronto General, le groupe Douglas et le groupe St. Paul's à Vancouver. Je pense que c'est intéressant, car ces groupes effectuent leurs recherches dans des centres de soins tertiaires, et non dans des universités.
    Ce sont des chercheurs.
    Oui. Je ne sais pas si c'est le cas aux États-Unis ou si c'est unique au Canada.
    Le savez-vous?
    Je crois qu'ils sont tout de même liés aux centres et aux programmes.
    Donc la situation est unique, mais ce qui est bien, c'est que les personnes qui effectuent les recherches sont celles qui sont également le plus près des programmes de traitement.
(1650)
    C'est exact, et il y a donc des bons et des mauvais côtés. Selon vous, est-ce l'une des raisons pour lesquelles les chercheurs effectuent surtout des recherches appliquées, car il n'y a pas beaucoup d'occasions de recherche pure?
    Il n'y a pas beaucoup de financement pour faire des recherches sur les troubles de l'alimentation au Canada, c'est tout. Il est donc très difficile pour un jeune chercheur dans une université de tenter de lancer sa carrière en effectuant des recherches sur les troubles de l'alimentation. Je ne suis pas certain que je le recommanderais, car c'est trop difficile.
    D'accord.
    Ma prochaine question s'adresse à vous ou à la Dre Votta-Bleeker. Les professionnels, selon vous, mettent-ils suffisamment en commun leurs connaissances, leurs données et les pratiques prometteuses? Sinon, que pourrait-on faire pour augmenter la mise en commun des connaissances?
    Je pense que l'un des aspects clés, du moins dans le secteur de la recherche en psychologie, qu'elle ait lieu dans un contexte universitaire ou en milieu clinique par un scientifique, c'est l'application des connaissances. Donc, que ce soit fait par l'intermédiaire de conférences, de publications scientifiques, de fiches d'information ou de dépliants, il y a certainement un effort.
    Pouvons-nous en faire plus? Tout à fait. Je dirais que je ne suis pas certaine que cette application des connaissances doit se faire entre nous, mais elle doit atteindre les divers groupes cibles. On a parlé des écoles, des étudiants, des médias. La communication est bonne. Nous devons nous améliorer sur le plan de la transmission des connaissances scientifiques aux profanes, aux parents, à quiconque peut utiliser cette information à bon escient.
    Merci.
    Permettez-moi de passer à la Dre Spettigue. Vous avez parlé des traitements pharmacologiques. Deux traitements distincts ont été mentionnés. L'un d'eux avait un taux d'efficacité de 45 %. Je sais que c'est une vaste question, mais quel genre de traitement pharmacologique existe-t-il pour les personnes qui souffrent d'un trouble de l'alimentation? Quelle est la réglementation applicable en vertu de la Loi sur les aliments et drogues? J'ai été un peu choquée d'apprendre — et j'en ai pris note — que les médicaments contre la dépression ne fonctionnent pas pour l'anorexie. Je ne le savais pas. Vous pourriez me donner des explications ce sujet.
    D'accord. Il n'existe aucun médicament pour le traitement de l'anorexie mentale, du moins pas encore. Comme je l'ai indiqué, une étude réalisée à l'Hôpital général d'Ottawa a permis de découvrir qu'un antipsychotique aidait certaines femmes qui le prenaient pour traiter l'anorexie mentale.
    L'olanzapine?
    Oui. J'essaie d'étudier l'olanzapine pour le traitement de l'anorexie mentale chez les jeunes depuis 2001. C'est l'un de mes principaux échecs, car j'y ai consacré énormément de temps et d'argent et je n'arrive pas à trouver assez de sujets pour l'étude. Cela tient partiellement du fait que si le parent donne son accord, l'adolescente refuse, et vice versa. Il est difficile d'obtenir le consentement de tous pour la participation à une étude de recherche sur un médicament lorsque l'on ne sait pas précisément quels seront les effets sur l'enfant. Les parents s'inquiètent de voir leur enfant servir de cobaye; il est donc très difficile de trouver des participants.
    Connaissez-vous déjà certains des effets secondaires?
    Le principal effet secondaire est la prise de poids; voilà pourquoi nous utilisons le médicament et un sédatif. Or, la liste est longue. Si vous faites une recherche pour chacun des médicaments dans un livre de pharmacologie, vous verrez des tonnes et des tonnes d'effets secondaires. Lorsque les parents voient cela, ils ne veulent pas que leur enfant prenne le médicament. C'est donc très difficile à étudier. Nous ne savons tout simplement pas si c'est utile ou non.
    Voulez-vous que j'aborde la question de la dépression?

[Français]

    Pas pour l'instant, mais je vous remercie. Peut-être pourrions-nous passer à d'autres questions.
    Madame Crockatt, vous disposez de cinq minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    J'aimerais partager mon temps de parole avec M. Leung. Si vous pouviez m'aviser lorsque je serai rendue à trois minutes, ce serait formidable.
    Dre Spettigue, je reviens à vous, car je ne suis pas certaine d'avoir compris la réponse au sujet du traitement recommandé pour la thérapie familiale en consultation externe. J'aimerais simplement que vous nous parliez davantage des raisons pour lesquelles vous croyez que cela fonctionne. Il semblerait aussi que ce soit un traitement plus rentable que la consultation en établissement. Selon votre expérience, pourquoi estimez-vous que la thérapie familiale soit la meilleure voie à suivre?
    Pour plusieurs raisons. Premièrement, dans le passé, en psychiatrie, on blâmait fréquemment les parents et surtout les mères. La bonne nouvelle, c'est que cela change au fil du temps, ce qui était nécessaire. On blâmait les parents pour l'autisme, la schizophrénie, les troubles de l'alimentation, qui sortent des choses dont les parents ne sont pas responsables. Nous savons maintenant qu'il est possible d'être un très bon parent — ce que sont la plupart des gens, bien entendu — et d'avoir tout de même avoir un enfant qui a un trouble de l'alimentation très grave comme l'anorexie mentale. Il faut reconnaître que les parents constituent le meilleur appui qu'un enfant malade puisse avoir. Je travaille auprès de familles et de parents les plus formidables au monde.
    L'autre aspect, comme je l'ai indiqué auparavant, c'est que les jeunes sont forcés de développer des symptômes. Je dirais que l'anorexie mentale est la combinaison d'une phobie grave, d'un délire, d'une dépendance et d'une forme de trouble obsessionnel-compulsif. On ne peut pas s'attendre à ce que les enfants choisissent simplement de manger et de prendre du poids alors qu'ils ont si peur et qu'ils sont si malades. Nous devons donc nous en remettre aux parents et leur faire clairement comprendre qu'il s'agit de leur responsabilité. Je compare souvent cela à un enfant qui souffre de diabète et qui a une phobie grave des aiguilles, mais qui doit recevoir son insuline. Il revient alors aux parents de trouver une façon de le faire et ils réussissent admirablement bien.
(1655)
    Merci.
    Je pense que c'est une précision vraiment importante.
    Vous avez parlé du problème réel du message véhiculé dans notre société au sujet des risques d'obésité, un message auquel les jeunes répondent de façon désastreuse. Je tenais simplement à vous féliciter, parce que je pense que vous nous avez donné une solution pour une campagne de publicité lorsque vous avez indiqué qu'un poids faible corporel est aussi dangereux qu'un surplus de poids.
    Absolument.
    Je vois très bien comment cela pourrait devenir le slogan d'une campagne visant à transmettre ce message. Je tenais donc à vous remercier de cette idée.
    J'aimerais simplement...
    Permettez-moi d'ajouter que l'on clame qu'un IMC de 18,5 à 25 représente un poids santé, tandis qu'on ne souligne pas que ce n'est pas tout le monde qui est en santé avec un IMC de 18,5. L'indice de masse corporelle doit correspondre à votre corps. Pour certaines de mes patientes, un IMC de 23 est parfaitement sain.
    Vous avez deux minutes.
    D'accord.
    Je voulais poser une question à Mme Elizabeth Phoenix, mais comme je partage mon temps de parole, je vais céder la parole à M. Leung.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais aborder la question d'un angle différent, en fonction d'une dimension multiculturelle. Le Canada est de plus en plus un pays d'immigrants et de diversité. Peut-on établir une corrélation entre ce trouble de l'alimentation et une origine nationale ou culturelle précise, comme pour la prévalence de l'hypertension chez les Noirs, de l'hépatome chez les personnes originaires d'Asie de l'Est et du diabète de type 2 chez les personnes originaires d'Asie du Sud? Voyez-vous cette diversité canadienne en milieu clinique? Cela découle-t-il du contexte culturel canadien, où l'alimentation des jeunes est plus dangereuse en raison de sa teneur plus élevée en sucres, en sodium et en lipides?
    Dans le débat qui fait rage, il me semble y avoir beaucoup de soins actifs, une caractéristique de la pratique médicale en Amérique du Nord. Ne serait-il pas mieux d'utiliser les fonds consacrés à la santé selon une approche descendante axée sur l'éducation pour régler ce problème? N'importe qui peut répondre.
    Au sujet du deuxième point, je répondrais: absolument. Voilà ce qui était si terrible, au cours des 20 derniers mois, dans le fait que notre équipe ne pouvait accepter les patients qui lui étaient renvoyés, à l'exception de ceux qui devaient être hospitalisés. Nous étions débordés; ils étaient si nombreux et personne ne traitait les cas de troubles de l'alimentation légers, modérés et modérément graves. Or, la recherche démontre qu'une intervention plus précoce améliore le pronostic. Nous devrions donc faire tout le contraire de ce que nous faisons actuellement et traiter les jeunes plus tôt.
    Madame Phoenix, je vous demanderais alors de répondre brièvement à la première partie de question au sujet de la diversité des patients. Pourriez-vous parler de la diversité culturelle des patients que vous avez rencontrés ou nous donner des exemples, pendant 30 secondes, peut-être?
(1700)
    Notre programme est un programme nouvellement financé mis en oeuvre à London. Nous observons une diversité culturelle parmi les participants aux programmes et aussi une représentation équivalente des hommes sur le plan statistique.
    Peut-on affirmer que le fait de voir actuellement tous ces gens aux prises avec un trouble de l'alimentation est lié à la société occidentale? Nous savons qu'il existe des cultures où les taux de troubles de l'alimentation des pays d'origine sont plus faibles qu'en Amérique du Nord, mais ils existent tout de même. Encore une fois, nous avons toujours de la difficulté à saisir les chiffres et à interpréter les données de façon précise parce que les chiffres varient beaucoup.
    Le Dr Tasca a peut-être ces chiffres à portée de main, je ne sais pas.
    Les avez-vous?
    Je n'ai pas de chiffres précis, mais je suis au courant de recherches comparatives sur les cultures avant et après l'avènement de la télévision et d'Internet. Ces études révèlent que l'obésité et les troubles de l'alimentation ont grimpé en flèche après l'avènement de ces médias.
    Si vous avez des documents, des liens ou des articles qui pourraient être complémentaires aux réponses, veuillez les envoyer à la greffière.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant Mme Duncan, pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Encore une fois, Docteure Spettigue, vous voudrez peut-être rédiger une étude de cas à inclure dans ce rapport, parce que je pense que c'est important.
     J'ai deux questions, cette fois.
    Docteure Spettigue, la première question s'adresse à vous, et les gens de la Société canadienne de psychologie voudront peut-être y répondre aussi. Elle porte sur le travail de la Dre Gail McVey sur la création d'un réseau ontarien de formation des médecins. Nous devons sensibiliser les jeunes étudiants en médecine avant qu'ils ne deviennent médecins. Cet enjeu devrait être étudié en faculté de médecine. Pourriez-vous nous parler du modèle ontarien? Encore une fois, cela pourrait être traité dans un mémoire qui serait présenté plus tard...
    Vous voulez donc que je décrive le modèle ontarien?
    Oui, s'il vous plaît, pour que je puisse poser ma deuxième question.
    Le modèle est simple: tous les programmes provinciaux sont intégrés dans un réseau où la communication est constante. Nous partageons des données et des informations. Nous nous réunissons au moins une fois par année. Ainsi, nous tenons régulièrement des conférences qui servent à l'échange de données, mais aussi à essayer d'harmoniser les programmes. Nous organisons des téléconférences mensuelles au cours desquelles nous parlons des traitements que nous offrons afin d'en assurer l'uniformité.
    La Dre McVey a regroupé les responsables de programmes de pédiatrie pour des journées de réflexion pour assurer l'uniformité des programmes. Il en a été ainsi pour les programmes pour adultes. Elle a insisté sur l'évaluation des programmes et sur la prévention. Elle a demandé au gouvernement d'inclure les IP dans les programmes. Il y avait beaucoup de choses.
    Le gouvernement fédéral contribue-t-il au financement pour appuyer ce réseau, ou est-ce financé par l'Ontario?
    Cela a changé au fil du temps.
    Pouvez-vous répondre à cette question?
    Je pense que c'est financé par le ministère de la Santé.
    Il s'agit du ministère de la Santé de l'Ontario.
    C'est l'Ontario; très bien.
    Quelqu'un pourrait sensibiliser...
    Mais c'est de compétence provinciale.
    Merci.
    Aussi, pour ce qui est de la formation des médecins...
    C'est une question difficile. Le problème, c'est que les médecins sont tous le fils ou la fille de ceux qui, parmi nous, ont grandi avec ces mêmes attitudes, comme tout le monde. Donc, ces médecins verraient aussi une mince et jolie jeune femme ayant un IMC de 18 et se diraient qu'elle est très bien ainsi. Or, son IMC santé serait peut-être de 23, et ils ne pourraient pas reconnaître les dangers...
    Donc, il s'agit de former les médecins du réseau.
    Ils ont besoin de cours sur les valeurs de consigne, sur les dangers d'avoir un poids en deçà du poids santé, sur la régularité du cycle menstruel et sur des choses du genre, sur lesquelles ils n'ont pas de connaissances.
    Le comité a vraiment besoin d'un mémoire sur ce modèle ainsi que les recommandations précises pour le mettre en oeuvre.
    Pour offrir de la formation sur les troubles de l'alimentation. Merci.
    Merci.
    Docteur Tasca, au début — si je ne me trompe pas —, vous avez dit que seulement le tiers des personnes qui ont besoin de soins en santé mentale les reçoivent. Vous avez laissé entendre que c'était lié aux régimes provinciaux et privés. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Quelle recommandation feriez-vous au comité?
(1705)
    Docteure Votta-Bleeker, vous pourriez répondre à cette question.
    Certainement.
    Nous avons fait appel à plusieurs économistes pour préparer notre rapport, ce qui nous a permis d'étudier les choses du point de vue du secteur privé et des employeurs. Si je ne prends que les employeurs à titre d'exemple, il faut savoir que les employeurs canadiens pourraient s'attendre à récupérer de 6 à 7 milliards de dollars en portant attention à la prévention, à la détection précoce et au traitement des problèmes de santé mentale. Les congés de maladie et les congés liés au stress représentent des coûts de plus de 20 milliards de dollars. La prévention précoce est donc essentielle. S'il est possible de l'intégrer dans les régimes d'assurance, que ce soit les régimes des employeurs ou d'autres, voilà où vous obtiendrez le meilleur rendement du capital investi.
    D'accord. Vous avez formulé une autre recommandation au comité, soit que les psychologues devraient faire partie de l'équipe de soins primaires. Est-ce exact? Voulez-vous en dire plus à ce sujet?
    Je pense que vous nous avez tous entendu dire, et cela inclut Mme Phoenix, que l'approche multidisciplinaire est certainement la méthode la plus complète pour lutter contre un trouble comme...
    Cela devrait être une recommandation...
    Absolument, et c'est multidisciplinaire. Nous avons tout un rôle à jouer à cet égard, parce que cela englobe la nutrition, l'éducation, l'orientation familiale, l'intervention psychologique et les médicaments.
    La recommandation inclut-elle tout ce dont vous avez parlé? Il s'agit de l'équipe multidisciplinaire, y compris tout ce que vous venez de mentionner.
    Oui.
    Permettez-moi d'ajouter que lorsque nous parlons du fait que la grande majorité des jeunes filles qui ont un trouble de l'alimentation ont besoin de consulter en soins ambulatoires — et il y a un manque à cet égard —, le problème, c'est que le seul traitement en consultation externe qui leur est offert, ce sont des psychologues en pratique privée, dont les services sont très coûteux. Il faut offrir aux familles un financement à cet égard.
    Donc, votre recommandation, c'est...?
    L'accès gratuit aux psychologues pour le traitement des troubles de l'alimentation, c'est certain.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Autrement dit, les soins psychologiques devraient faire partie des services de santé de base.

[Français]

    Merci beaucoup. C'est très utile.
    Madame Truppe, vous avez la parole pour sept minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Je vais partager mon temps avec ma collègue, Mme Crockatt, car elle n'a eu que quelques minutes au dernier tour.
    Ma première question s'adresse à la Dre Spettigue. Nous avons parlé tout à l'heure, vers la fin de mon intervention, des thérapies de groupe ou familiales par rapport aux thérapies individuelles. Vous avez ensuite mentionné que vous échangez des données dans le cadre des conférences organisées partout au Canada, si je ne me trompe pas. J'aimerais savoir de quel type de données il s'agit. Avez-vous découvert quelque chose qui pourrait servir de pratique exemplaire pour d'autres professionnels de la santé? Vous organisez, semble-t-il, des conférences téléphoniques et des colloques; ces entretiens doivent sûrement révéler de bonnes pratiques adoptées par d'autres intervenants, ici ou à l'étranger. Avez-vous tiré une leçon qui mérite d'être communiquée à d'autres?
    Je ne sais trop par où commencer, mais voici une des choses que nous avons faites lors de notre conférence téléphonique mensuelle. Nous avons mis en commun tous les programmes pédiatriques en milieu hospitalier. Or, si les éléments de preuve portent sur la thérapie familiale en clinique externe destinée aux jeunes souffrant de graves troubles de l'alimentation, mais qui sont stables sur le plan médical, alors que faire avec nos programmes en milieu hospitalier? Devons-nous tout simplement assurer des services de stabilisation médicale ou devons-nous offrir une thérapie de groupe? La thérapie de groupe est-elle efficace? Faute de recherche, nous n'avions pas les réponses à ces questions.
    Toujours est-il que nous avons décidé d'adopter un modèle où les patients restent hospitalisés moins longtemps. Notre programme ne comporte plus de thérapie de groupe. Nous nous contentons de laisser les parents rester au chevet du malade. Les patients obtiennent leur congé plus rapidement afin de suivre une thérapie familiale en clinique externe. Cette approche était fondée sur une décision provinciale: on allait tous adopter ce modèle, plutôt que les séjours prolongés où il faut suivre beaucoup de séances de thérapie de groupe à l'hôpital.
    C'est bien, merci beaucoup.
    Ma prochaine question s'adresse au Dr Tasca. Je ne crois pas avoir entendu quoi que ce soit à ce sujet jusqu'ici, alors j'espère que vous n'en avez pas déjà parlé. Au cours des séances précédentes, beaucoup de témoins nous ont dit que souvent, les seules fois où l'on procède à des examens, c'est lorsque l'état des patients ou des personnes se détériore tellement qu'il faut les hospitaliser. Voici donc ma question: offrez-vous une sorte de programme en clinique externe ou en hôpital de jour aux personnes dont la vie n'est pas encore menacée? Elles viennent peut-être de s'embarquer dans cette voie. Je ne suis pas sûre, mais y a-t-il quelque chose qu'on pourrait faire avant que l'état de ces personnes se détériore au point qu'il faut les hospitaliser?
    Notre centre offre des soins tertiaires. C'est donc dire que les médecins de famille nous renvoient des cas. Lorsque les patients viennent nous consulter, la gravité de leurs troubles est déjà modérée. Notre programme compte un volet de traitement en clinique externe. Nous recevons entre 150 et 200 nouveaux cas d'adultes chaque année. Nous en faisons le tri pour déterminer le niveau de soins nécessaires: des soins en établissement, en hôpital de jour ou en clinique externe.
    Nous offrons des soins en clinique externe à certaines personnes souffrant de troubles de l'alimentation légers à modérés, mais c'est assez rare. Nous accordons la priorité aux cas les plus graves, qui exigent plus de soins. Nous consacrons beaucoup plus de ressources à notre programme en établissement et dans un hôpital de jour qu'à notre programme en clinique externe. C'est la dure réalité actuelle.
(1710)
    C'est ainsi que cela fonctionne.
    Oui.
    Merci.
    Avant de céder la parole, j'ai une dernière question à poser, et elle s'adresse à Mme Phoenix.
    D'après vous, quel est le plus grand obstacle au traitement des troubles de l'alimentation, si vous deviez en choisir un seul?
    Rien qu'un, vraiment...?
     J'ai essayé d'intervenir tout à l'heure pour dire que, selon moi, les gens savent pertinemment bien que, de façon optimale, les soins doivent être offerts par une équipe multidisciplinaire pour traiter des conditions complexes sur le plan médical, mental, psychologique et émotionnel, sans oublier les services de soutien dont ont besoin la famille et le conjoint. Tous ces éléments font partie d'un tout. Il faut donc un continuum de soins.
    Je pense que vos questions mettent en évidence l'autre aspect du problème, à savoir qu'un continuum de soins ne doit pas se limiter aux programmes en milieu hospitalier. À mon avis, notre programme à London, dans le sud-ouest de l'Ontario, est un bon exemple d'un nouveau modèle de financement. Ainsi, nous offrons un programme en clinique externe, en hôpital de jour et en résidence, parallèlement à un programme de suivi très exhaustif. Voilà le modèle, du début à la fin. En effet, vous avez raison: ce ne sont pas les plus malades des malades qui ont besoin de traitement. Ce sont les personnes qui ont des symptômes légers à modérés qui ont vraiment besoin d'une consultation, parce que nous savons, d'après les preuves, que les gens qui sont traités le plus tôt possible s'en tirent mieux et évitent l'apparition de symptômes graves.
    Merci.
    Je cède maintenant la parole à Mme Crockatt.
    Merci beaucoup.
    Je voulais revenir à vous, docteur Tasca, afin d'obtenir des précisions sur un point que vous avez soulevé. Vous avez parlé de compressions budgétaires. J'aimerais savoir si vous parliez des compressions budgétaires à l'échelle provinciale ou fédérale. Vous savez sans doute que le gouvernement fédéral a accordé une augmentation de 6 % à toutes les provinces pour les soins de santé.
    Je parle du provincial. Techniquement...
    Alors, de quelle province s'agit-il? Vous pourriez peut-être préciser ce point.
    Eh bien, on sait très bien que l'Ontario n'a pas augmenté son financement pour les hôpitaux au cours des dernières années et qu'il ne le fera probablement pas non plus au cours des prochaines années. Cela ressemble à une compression budgétaire, parce que les coûts des soins de santé augmentent de 3 à 6 % chaque année. Cela signifie qu'il y aura des compressions de 3 à 6 %.
    Merci. Je voulais simplement obtenir cette précision. Vous faisiez donc allusion à l'Ontario.
    Oui.
    Je pourrais peut-être poser la question que j'allais adresser à Mme Phoenix tout à l'heure. Je voulais parler un peu de la façon dont certains patients paraissent avoir un poids santé, alors que ce n'est pas le cas. Nous en avons discuté un peu ici, mais il me semble que le diagnostic est probablement un des principaux éléments. Pourriez-vous parler un peu plus de votre expérience relativement à la façon dont vous établissez le diagnostic des troubles de l'alimentation? Par ailleurs, d'autres témoins nous ont dit que ce sont souvent les dentistes qui en font le diagnostic. Pourriez-vous nous dire quelques mots à ce sujet?
    Volontiers.
    Je crois que personne ici présent affirme qu'il incombe aux médecins de famille de poser le diagnostic. Ce qui serait vraiment efficace, c'est qu'on adopte une méthode et une approche très uniformes partout au pays pour dépister et identifier les personnes qui sont à risque.
    Dans le domaine de la santé mentale, nous formulons un diagnostic en écoutant les gens parler de leurs pensées et de leurs sentiments pour déterminer à quel point leurs troubles nuisent à leur vie quotidienne, que ce soit au travail, à l'école, dans les relations familiales ou dans d'autres domaines de responsabilité. Quand les gens voient une personne qui souffre d'un éventuel trouble de l'alimentation, ils sont très distraits par les apparences. Il faut vraiment que cela cesse. Nous devons écouter les gens parler de leurs symptômes, de leurs émotions, de leurs angoisses et de leurs pensées.
    La Dre Spettigue a expliqué aujourd'hui, avec beaucoup d'éloquence, comment ces personnes ont des comportements obsessifs et comment elles sont assaillies par de fortes pulsions à l'origine de leurs malaises. Voilà comment nous établissons un diagnostic précis dans le domaine de la santé mentale, et cela s'applique aussi aux troubles de l'alimentation. Oui, le poids et d'autres paramètres entrent en ligne de compte, mais ne nous laissons pas distraire par eux.
(1715)

[Français]

    Merci beaucoup, madame Crockatt.
    Je remercie les témoins d'être venus nous rencontrer.
    Je vous remercie également, madame Phoenix, d'avoir témoigné par vidéoconférence. Vous nous avez grandement éclairés dans le cadre de l'étude sur les troubles alimentaires.
    Nous allons terminer la séance afin de permettre au sous-comité de se réunir. Merci beaucoup.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU