INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY, SCIENCE AND TECHNOLOGY
COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 8 mai 2001
La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité commence l'examen statutaire de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.
Nous avons le très grand plaisir de recevoir aujourd'hui comme témoins les représentants de l'Association du Barreau canadien. Il s'agit de M. Simon Potter, second vice-président, et de Mme Tamra Thomson, directrice, Législation et réforme du droit.
Tout le monde devrait avoir un exemplaire du mémoire.
Nous cédons maintenant la parole à Mme Thomson et à M. Potter pour leur déclaration préliminaire.
Mme Tamra L. Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): Merci, madame la présidente. L'Association du Barreau canadien est très heureuse de participer à l'examen statutaire entrepris par le comité de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.
L'Association du Barreau canadien est un organisme national qui représente plus de 36 000 juristes au Canada. L'Association s'est fixé comme objectifs prioritaires l'amélioration du droit et de l'administration de la justice. C'est dans cette optique que nous formulons nos commentaires aujourd'hui.
Je suis accompagnée de M. Simon Potter, second vice-président de l'ABC, et je vais le laisser vous présenter nos remarques tirées du mémoire que vous avez sous les yeux.
M. Simon V. Potter (second vice-président, Association du Barreau canadien): Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs. Je suis très heureux, bien entendu, de comparaître devant votre comité et de vous offrir notre aide si modeste soit- elle pour votre examen parlementaire d'une loi qui, je crois qu'il est juste de le dire, s'est avérée importante au fil des ans.
[Français]
Je ferai mes remarques essentiellement en anglais, mais je suis naturellement prêt à recevoir des questions en langue française ou en langue anglaise.
[Traduction]
Je ne me propose pas de lire mot à mot notre mémoire écrit, que vous avez sous les yeux, mais je tiens à attirer votre attention sur certaines choses, en particulier la seule recommandation que formule l'ABC.
Une des principales observations que nous faisons dans notre document préparé, c'est qu'en rétrospective, si l'on regarde cette loi, force nous est de conclure qu'elle a eu un certain nombre d'effets bénéfiques. Elle a donné naissance, à mon avis, à une industrie du lobbying à Washington qui est plus professionnelle, plus mature, plus fiable et plus efficace qu'avant l'adoption de cette loi.
L'Association du Barreau canadien a comparu à d'autres occasions devant des comités parlementaires pour parler des lois sur l'enregistrement des lobbyistes. Nous l'avons fait à deux reprises et avons formulé la même recommandation aux deux occasions. C'est une recommandation qui n'a pas été acceptée jusqu'à présent. C'est une recommandation que nous sommes venus réitérer ici.
La recommandation figure dans une section qui commence à la page 5 et se termine à la page 7 de la version anglaise. Le texte de la recommandation lui-même
[Français]
apparaît à la page 7 dans la version française.
[Traduction]
Cela concerne la question de la confidentialité des relations entre l'avocat et le client.
L'ABC a recommandé à deux reprises que des mesures soient prises pour éviter tout éventuel conflit d'intérêts entre les exigences de divulgation imposées par la loi et l'obligation de confidentialité que l'avocat doit à sa clientèle. Le privilège du secret professionnel constitue un principe fondamental au Canada, et également la base sur laquelle se fondent plusieurs droits de la personne que notre Charte des droits et libertés a fini par enchâsser, mais qui avaient été reconnus et appliqués bien longtemps avant la Charte.
Nous ne sommes pas venus ici recommander que les avocats et avocates soient exemptés de l'application de la loi. Nous ne l'avons jamais fait et nous ne le faisons pas maintenant. En fait, nous sommes convaincus que les avocats qui exercent des activités de lobbying sont tenus d'observer toutes les obligations imposées aux lobbyistes. Nous estimons cependant que la loi doit faire état des situations où les avocats, agissant comme lobbyistes, font face au dilemme entre d'une part la divulgation exigée et, d'autre part, leurs obligations professionnelles en matière de confidentialité.
• 1540
Nous recommandons de modifier la loi afin de préciser
clairement que, en cas de conflit, l'obligation de l'avocat à ne
pas communiquer certains renseignements doit prévaloir sur les
exigences générales de la divulgation.
À cet égard, j'aimerais faire une parenthèse à partir de mon expérience personnelle. Je me suis moi-même inscrit comme lobbyiste à diverses occasions, et je n'ai pas eu à faire face au conflit. Je crois qu'il ne se posera que très peu fréquemment, mais on peut facilement imaginer des situations où des avocats pourraient être placés devant le dilemme. Le cas échéant, je crois que la loi devrait confirmer aux avocats que leur obligation fondamentale consiste à protéger le secret professionnel, comme l'exige le serment qu'ils ont prêté.
Notre recommandation est très simple. Nous recommandons d'ajouter un paragraphe après le paragraphe 2 de l'article 4 de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Au paragraphe, qui se lit maintenant en partie
-
(2) La Loi ne s'applique pas dans les cas suivants
nous ajouterions
-
c) présentation à un titulaire d'une charge publique, oralement ou
par écrit, d'observations au nom d'une personne ou d'une
organisation lorsque la loi oblige au respect de la
confidentialité.
Il s'agira en l'occurrence de la loi provinciale. Les lois provinciales et les Barreaux provinciaux dictent l'étendue des responsabilités des avocats en matière de confidentialité et en matière de règles déontologiques. Un avocat consulterait cette loi pour savoir si la confidentialité est exigée.
Nous sommes d'avis qu'on ne peut vraiment ni sérieusement s'opposer à ce changement à la loi. Il s'agit d'un changement fondé sur des principes qui sont tout à fait fondamentaux dans notre système juridique dans tout le Canada.
[Français]
Dans notre soumission écrite, nous avons fait allusion à plusieurs autres suggestions qui ont été faites au fil des ans ou des derniers mois, concernant des modifications possibles à la loi. Nous les avons examinées brièvement et nous arrivons généralement à la conclusion que la loi semble fonctionner. La loi semble avoir l'effet voulu depuis son adoption, il y a maintenant plusieurs années. De façon générale, nous ne voyons pas la nécessité des changements qui sont énumérés aux pages 7, 8 et suivantes de la soumission écrite.
[Traduction]
Pour terminer, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que nous vivons maintenant à une époque qui, avec Internet et l'accès électronique à l'information, est très différente de celle où nous vivions quand cette loi a été adoptée. Le public a un accès rapide et facile à des centaines de milliers de pages d'information et de moyens électroniques pour facilement trier cette information et séparer le bon grain de l'ivraie.
Je pense, madame la présidente, que c'est un fait que votre comité doit garder à l'esprit dans son examen parlementaire. Le contexte technologique n'est plus ce qu'il était et, à mon avis, il permet à la loi de protéger le public encore mieux qu'auparavant et que ces dix dernières années.
C'étaient là les propositions du Barreau canadien. Nous croyons que l'amendement que nous proposons est simple, mais son importance l'emporte grandement sur sa simplicité, et il devrait être incorporé à la loi.
Merci.
La présidente: Merci.
[Français]
Monsieur Brien, s'il vous plaît.
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Merci pour votre présentation.
Comme vous ne demandez qu'une seule modification, votre mémoire a le mérite d'être très clair et très direct. J'aimerais toutefois que vous me donniez un exemple théorique où ces deux objectifs sont en conflit, c'est-à-dire celui de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et celui d'autres lois qui requièrent la protection de la confidentialité. Une telle illustration m'aiderait à comprendre un peu mieux le bien-fondé de cette recommandation.
M. Simon Potter: Oui, certainement, monsieur Brien. Les exemples me viennent facilement à l'esprit, mais j'aimerais préciser que je ne parle pas d'un exemple concret. Je ne veux rien dévoiler à l'égard d'exemples concrets, ni dans ma vie d'avocat ni dans celle d'autres avocats. Cependant, on peut facilement comprendre que des avocats soient embauchés dans le but d'obtenir des modifications législatives, des modifications réglementaires ou des modifications de politiques, d'approches ou de pratiques gouvernementales, et que ces changements puissent être pertinents pour un client, par exemple dans un contexte pénal ou de responsabilité, de réputation personnelle, où le fait de parler de ce client, de ses besoins ou de ses inquiétudes peut alerter des autorités.
Cela aurait pour effet de mettre l'avocat dans la situation de recommander à son client de ne pas l'embaucher, mais d'embaucher un autre avocat ou un autre lobbyiste, de ne pas avoir le représentant de son choix même si c'est lui qu'il préfère, même si le droit à un avocat de son choix est consacré par la Charte, de crainte que l'avocat doive, dans une situation donnée, divulguer des choses qu'il a promis de garder confidentielles. Ce genre de situation se conçoit très facilement. Celui qui souffrira dans cette situation sera le client qui, lui, a le droit d'avoir le représentant de son choix.
M. Pierre Brien: Je ne vois pas d'où vient l'obligation de divulguer des renseignements sur le client. Le fait de vous enregistrer pour dire que vous faites du lobbying au ministère de la Justice sur un sujet particulier, par exemple sur des modifications au Code criminel, alors que vous vous occupez en parallèle d'une situation ou d'une compagnie touchée par les mêmes dispositions du Code criminel, ne vous obligerait pas à dévoiler des liens ou des choses particulières à l'égard de votre client.
M. Simon Potter: Avec respect, monsieur le député, je ne suis pas d'accord. Je peux facilement envisager une situation où je plaiderais devant un tribunal qu'une loi a telle signification, mais où, pour obtenir plus de certitude pour l'avenir de mon client, je doive faire du lobbying afin que la loi soit modifiée et devienne plus claire. Le nom de mon client serait alors dévoilé et le tribunal, l'adversaire ou les ennemis de mon client tireraient comme conclusion que je viens d'avouer que la loi n'a pas cette signification. C'est là une situation qui se conçoit très facilement. Dans les domaines pénal, fiscal et des droits matrimoniaux, les conséquences peuvent être très graves.
M. Pierre Brien: Mais une cloison ne devrait-elle pas exister entre cette activité d'influence et la pratique de la défense d'un citoyen, par exemple? Seriez-vous à l'aise de jouer ces deux rôles en même temps?
M. Simon Potter: Oui, je serais à l'aise pour représenter mon client qui a deux problèmes: un problème actuel qui est devant un tribunal, et un problème à plus long terme peut-être, qui dépend de l'interprétation d'une loi. Le client a le droit d'être représenté efficacement pour ces deux problèmes, et pourquoi pas par moi? Je ne vois pas le problème. Je ne vois pas non plus la nécessité de cloisonner. Je ne vois pas que cela me met en conflit ou en situation dangereuse avec qui que ce soit. Mon obligation principale serait envers le client et concernerait le service, la représentation et les conseils voulus dans les circonstances.
M. Pierre Brien: Votre première préoccupation serait le bien-être de votre client.
M. Simon Potter: Absolument.
M. Pierre Brien: D'accord. Voici un dernier point. En ce qui concerne la partie concernant les obligations imposées aux fonctionnaires, vous semblez dire qu'il ne serait pas nécessairement opportun de divulguer davantage d'information parce que cela pourrait dissuader le fonctionnaire de se mettre à la disposition des citoyens qui demandent un accès à la fonction publique.
• 1550
Mais n'y a-t-il pas une différence à faire entre
différents fonctionnaires, entre un sous-ministre et
un responsable d'une politique ou un fonctionnaire
qui est là pour l'accès au public? Il y a différents
rôles dans la fonction publique et des rôles de
différentes natures. Les décideurs ou ceux qui définissent
et conçoivent des politiques pourraient faire l'objet
d'un encadrement différent
de celui des autres fonctionnaires.
M. Simon Potter: Il est sûr que, dans la fonction publique, les fonctionnaires de différents niveaux jouent des rôles différents. Il est sûr aussi que les décideurs décident et reçoivent des conseils qui peuvent venir d'autres fonctionnaires.
Cependant, il me semble que le principe vaut sur toute la ligne. L'Association du Barreau canadien n'est pas la seule à vous faire cette recommandation. En revoyant les transcriptions, j'ai vu que M. Brian Grainger, de Grainger and Associates, et Linda Gervais, de Bell, disaient récemment la même chose, c'est-à-dire qu'il serait dangereux d'annoncer aux fonctionnaires qu'à chaque fois qu'ils reçoivent un téléphone ou une visite, leur nom va paraître dans une liste publique quelque part.
Il me semble que le but de la loi est atteint lorsque le public peut savoir que telle organisation est représentée par telle personne, qu'elle fait des représentations à tel ministère sur tel sujet. Si on veut en savoir davantage, on peut aller demander au ministère ce qui s'est fait exactement. Mais de là à dire qu'il faut avoir un registre public dévoilant les noms pour chaque rencontre, il me semble que c'est courir le risque de faire mal à un processus qui est nécessaire et qui semble bien fonctionner.
J'ajouterais que le résultat d'une telle mesure serait une inondation de renseignements. Je sais que dans les cinq ou six dossiers de lobbying auxquels j'ai travaillé, j'ai dû parler à un grand nombre de fonctionnaires, à tous les niveaux. S'il avait fallu faire une divulgation à chaque fois que je téléphonais, beaucoup, beaucoup de renseignements auraient inondé le membre du public qui voulait savoir ce qui se faisait.
Alors, en faisant le poids et le contrepoids de tout cela, l'Association du Barreau canadien vient à la conclusion, tout comme les deux autres que je viens de mentionner, que ce n'est pas nécessaire.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Potter.
Monsieur Alcock, s'il vous plaît.
M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Merci, monsieur Potter.
Vous avez parlé de votre préoccupation au sujet de la confidentialité des relations entre l'avocat et le client. Vous avez dit avoir soulevé le même point deux fois auparavant lors des examens de cette loi. De toute évidence, chaque fois, votre avis n'a pas été suivi; le changement n'a pas été apporté.
Pourriez-vous nous en exposer rapidement les raisons?
M. Simon Potter: Bien franchement, nous ne le savons pas, monsieur Alcock. Nous ne savons tout simplement pas pourquoi il n'a pas été accepté.
À la lecture des délibérations de cette époque et d'après les commentaires ayant entourés ces audiences, je déduis que certaines personnes se demandaient si l'on ne cherchait tout simplement pas à conclure une sorte d'arrangement préférentiel pour les avocats. C'est pourquoi j'ai tenu à faire valoir que ce n'était pas ce qui était recherché. Tout ce que nous voulons, c'est une reconnaissance appropriée d'une obligation professionnelle, statutaire, légale et exécutoire qui s'applique aux avocats.
M. Reg Alcock: Je ne suis pas avocat. J'avais compris que le secret professionnel existait pour permettre à des accusés de parler librement avec leur avocat, et d'aller jusqu'à dire s'ils avaient commis un crime ou non. C'était pour permettre une telle conversation avec leur avocat. J'imagine que cela existe également pour certains genres de renseignements commerciaux qui pourraient être détenus par l'avocat.
Le secret professionnel vise-t-il toute communication avec le client?
M. Simon Potter: Non, mais toute communication permettant d'obtenir un avis juridique d'un avocat, ou une représentation juridique par l'avocat.
M. Reg Alcock: Pour les questions tant commerciales que criminelles?
M. Simon Potter: Oui. Je ne peux divulguer ce que j'apprends de mon client que s'il m'en donne instruction. Même si une loi m'ordonne de divulguer ces renseignements, je suis tenu de ne pas le faire.
M. Reg Alcock: Mais votre client pourrait vous permettre de les divulguer dans le contexte de vos activités de lobbying. Il pourrait en fait vous libérer, ou signer une entente vous libérant, pour vous permettre de le faire.
M. Simon Potter: Le client aurait le choix entre perdre le privilège de confidentialité pour permettre à l'avocat de continuer à faire le lobbying ou engager quelqu'un d'autre et reprendre depuis le début, apprendre tous les faits, les ramifications juridiques, le déroulement des événements, et peut-être devoir engager quelqu'un qui ne peut donner ce que la loi reconnaît comme étant un droit fondamental, le droit de garder ce genre d'information confidentielle.
M. Reg Alcock: Eh bien, la divulgation de certains types de renseignements est également protégée par des lois fédérales. Il existe une protection, par exemple, si vous rencontrez des fonctionnaires concernant des articles brevetables ou des renseignements commerciaux qui seraient protégés sous d'autres formes.
M. Simon Potter: Vous avez tout à fait raison, et tout ce que nous proposons c'est que sous cette forme également, ce soit protégé.
Nous proposons que dans cette loi, comme dans bien d'autres, on reconnaisse le fait qu'il arrive parfois que les lobbyistes soient des avocats, et que parfois—et je n'ai aucune idée de la fréquence des cas—l'avocat fera face à un dilemme. Dans certaines situations, la simple identité du client—le fait que j'aie été engagé par quelqu'un—peut être tenue confidentielle.
Je ne peux, au pied levé, répondre à la question de M. Brien quant à la façon dont cela s'applique ici. Tout ce que nous disons—c'est une proposition très simple et anodine—c'est que la loi doit reconnaître que, dans le cas du dilemme, dans le cas du choix, l'avocat devrait savoir que sa première obligation consiste à protéger cette confidentialité.
M. Reg Alcock: Merci.
La présidente: Merci, monsieur Alcock.
Monsieur Lastewka, s'il vous plaît.
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Oui. Je m'excuse de revenir à ce qu'a dit M. Brien, mais j'essaie de comprendre l'exemple.
De la façon dont je le lis, vous recommandez que tout avocat puisse maintenant se servir de cet article comme d'un paravent pour continuer à faire du lobbying. Est-ce juste?
M. Simon Potter: Sauf votre respect, monsieur Lastewka, je ne l'exprimerais pas de cette façon. Il ne s'agit pas de se servir de l'article comme d'un paravent; cela concerne l'obligation de confidentialité de l'avocat. Si vous avez lu nos mémoires écrits, vous aurez constaté que nous ne proposons pas que l'avocat puisse s'en servir comme d'un paravent; nous proposons simplement que l'avocat indique que l'obligation de confidentialité et de protection de la confidentialité l'empêche de divulguer la pièce d'information une telle qui fait partie d'une longue liste de documents devant être divulgués.
M. Walt Lastewka: D'accord. Je ne comprends pas parce qu'il faudrait que vous me donniez un exemple de cas où cela s'appliquerait.
M. Simon Potter: Je vais reprendre l'exemple que j'ai donné à M. Brien.
La présidente: Monsieur Potter, je pense que c'est là le problème; votre exemple était que vous ne pouviez nous donner un exemple, et je pense que nous tous...
M. Simon Potter: Eh bien, j'en ai donné.
La présidente: Mais vous avez dit que vous ne pouviez pas vraiment nous donner un exemple concret sans devoir dévoiler les noms des clients. Il vaudrait probablement mieux donner un exemple hypothétique.
M. Simon Potter: Je pense que c'est exactement ce que j'ai fait avec M. Brien, sauf votre respect.
La présidente: Essayez encore.
M. Simon Potter: Je vais répéter cet exemple hypothétique.
Je peux m'imaginer devant un tribunal faisant valoir qu'une loi particulière—disons une loi fiscale—signifie ceci plutôt que cela. Je représente quelqu'un qui a une très grande responsabilité en jeu, dépendant si c'est ceci ou cela que signifie cette loi, et la loi est ambiguë. En même temps, je fais du lobbying pour obtenir qu'une précision législative soit apportée à cette loi.
Ce pourrait être très nuisible pour mon client dans cette affaire s'il était connu que le client cherche en fait à obtenir que ce changement législatif soit apporté de façon permanente; pas pour changer la loi pour cette affaire—parce que la loi pour cette affaire sera la loi pour cette autre affaire—mais pour obtenir un changement législatif pour préciser les choses à l'avenir. Cela pourrait être interprété comme un aveu que la loi signifie vraiment cela plutôt que ceci. Je peux imaginer que cela nuirait à mon client. Cela pourrait signifier que mon client est privé de son droit, comme citoyen, de demander ce genre de changement législatif. Je crois que ça ne va pas. C'est pourquoi intervient la notion de confidentialité. C'est pour permettre aux citoyens d'accomplir ce qu'ils doivent faire pour exercer leurs droits, sans nécessairement renoncer à d'autres droits pour y arriver.
M. Walt Lastewka: Quand vous défendez votre cause au tribunal, c'est une chose. Quand vous traitez avec des fonctionnaires ou des représentants élus et que vous êtes rémunéré pour faire apporter une modification à la loi, n'est-ce pas une autre affaire? Les deux situations sont différentes.
M. Simon Potter: Ce sont en effet deux situations différentes mais dans l'exemple que je donnais, la deuxième situation aurait une incidence sur la première. Même si les situations sont différentes cette incidence existerait.
Faisons une analogie. Imaginons une situation de droit familial où il y a une dispute, par exemple au sujet de la garde d'un enfant. Quelqu'un voudra peut-être exercer des pressions pour faire modifier loi ou une politique ou un règlement régissant la façon dont la pension alimentaire est calculée, et cette personne plaide en fait au tribunal au même moment. Elle se trouve privée du droit de faire du lobbying, si elle va en fait avoir accès à des renseignements qui lui font vraiment croire que la loi est ambiguë à tel point qu'elle ne l'avantage pas dans la cause qu'elle défend actuellement au tribunal.
Je ne dis pas que ce sont des cas qui vont se produire souvent. En fait, c'est l'inverse. Je dis également, en réponse à la question de la présidente que nous ne pouvons citer que des cas hypothétiques parce que, lorsque ces dilemmes se présentent, soit que les avocats ne s'inscrivent pas, ou qu'ils réfèrent leur client à un autre avocat pour préserver le droit du client de présenter des instances aux titulaires de charges publiques. En pareil cas, l'avocat devrait savoir qu'il peut continuer à faire du lobbying tant qu'il ne se trouve pas en situation de conflit d'intérêts, tant qu'il n'y a pas de raison déontologique qui s'y oppose, tout en protégeant le privilège de confidentialité et la divulgation, comme nous le disons à la page 7 de notre mémoire, à savoir qu'en présence de ce dilemme, l'avocat a opté pour le respect du privilège exigé par la loi.
M. Walt Lastewka: Mon problème c'est que, lorsqu'on exerce des pressions en vue d'apporter une modification à une politique, à un règlement ou à une loi ultérieure, je ne crois pas que le temps soit un facteur parce qu'il faut procéder à une foule de formalités avant qu'une loi ou un règlement soit adopté. Mais lorsqu'on est au tribunal, confronté à une situation comme celle que vous avez exposée, le facteur temps joue.
M. Simon Potter: Pour les deux, le facteur temps peut être critique. Je dirais respectueusement que parfois un règlement peut-être modifié très rapidement. Dès l'instant où je me mets en rapport avec le titulaire d'une charge publique, je dois m'inscrire en tant que lobbyiste dans une période très limitée, sans quoi je suis coupable d'une infraction. Donc le facteur temps joue, en l'occurrence.
Prenons l'exemple que j'ai donné au sujet d'une modification à la législation fiscale. L'argument des lobbyistes pourrait être le suivant: «Parlementaires, vous voulez modifier la loi pour préciser que c'était bien X et non Y que vous visiez dans cet alinéa en particulier de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il serait très important, dans la cause que je défends actuellement, que l'on précise bien d'une façon quelconque, dans le hansard ou dans les déclarations relatives à l'étude d'impact de la réglementation, qu'on ne vise pas à apporter un changement de fond. Il s'agit simplement d'une précision à la loi.» Je peux facilement imaginer les pressions que j'aurais à exercer pour préciser la chose afin que personne dans la cause que je défends actuellement, ne s'imagine qu'un changement véritable a été apporté. Si j'échoue dans mon lobbying, cela va faire du tort à la cause que je défends. Je serai aux prises avec le dilemme d'avoir soit à révéler l'intérêt qu'a mon client à ce changement à la loi ou à référer ce dernier à un autre avocat.
M. Walt Lastewka: Si vous voulez cet amendement c'est parce que les avocats décident maintenant de ne pas accomplir des fonctions de lobbyiste lorsqu'ils entrevoient la possibilité d'un conflit d'intérêts. Voilà votre argument.
M. Simon Potter: Ou bien ils s'abstiennent ou ils réfèrent leurs clients à un autre avocat, à grands frais pour ce dernier, ou ils font des démarches mais ils ne s'inscrivent pas comme lobbyistes. Et j'ignore laquelle des situations ils vont choisir parce que ces problèmes naturellement, quand ils se présentent ne font pas l'objet d'une grande diffusion—on n'en parle certes pas à l'Association du Barreau canadien qui n'est pas chargée de policer l'application du Code de déontologie par les avocats. Ces derniers peuvent en discuter entre eux pour obtenir des avis sur la décision à prendre, mais cela se passe en confidence. Ce n'est donc pas un domaine où nous pouvons vous donner des chiffres relatifs à la fréquence de ces problèmes ou au choix exact de la solution adoptée. Tout ce que nous pouvons nous dire c'est que cela doit se produire parfois et il suffirait d'une simple modification à la loi pour préciser que celle-ci ne vise pas à forcer les avocats à violer le secret professionnel auquel ils sont tenus.
Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci, monsieur Lastewka.
Avant de passer à M. Brien, j'ai bien du mal avec cette recommandation. Vous dites que la loi exige la confidentialité et, l'une des choses qu'exige la loi, selon le Code de déontologie, c'est que l'on ne révèle pas l'identité de votre client. Donc, dans chaque cas, l'avocat pourrait invoquer l'argument qu'il ne peut pas inscrire le nom de son client chaque fois. Je sais que vous parler de cas extrêmes, mais le fait est que la façon dont le libellé est rédigé, vous ne devez pas révéler le nom de vos clients, jamais, à personne—c'est ce que dit le code de déontologie.
M. Simon Potter: Le code de déontologie dit que la simple identité du client peut être confidentielle et ne devrait pas être révélée. Cependant, dans toute ma carrière j'ai probablement eu 10 000 clients et jamais la divulgation de l'identité de mon client a posé un problème. C'est un fait connu publiquement qu'ils étaient tous mes clients. Je ne me suis jamais trouvé dans une situation où un client voulait que cette information demeure secrète parce que sa divulgation lui ferait du tort. Ce n'est pas un problème qui va se présenter chaque fois qu'un avocat représente un client.
La présidente: Monsieur Potter, en toute déférence, vous venez essentiellement d'exprimer votre accord avec moi disant en fait que c'est ce que dit le code de déontologie. Ayant exercé le droit avant d'être députée, j'ai en fait adopté le point de vue contraire. Je n'ai jamais révélé les noms de mes clients; je n'ai jamais dit pour le compte de qui j'agissais ni pour quelle raison j'agissais en leur nom. C'est une question dont je ne discute avec personne. Il ne faisait aucun doute à mes yeux que, tant qu'ils ne révélaient pas que j'étais leur avocate, ce n'était pas à moi de révéler qu'ils étaient mes clients. C'est fort simple.
Nous avons eu comme témoins des gens qui représentaient un grand nombre de clients en vertu de la Loi sur l'enregistrement des loyalistes, dont certains étaient des avocats. Si vous dites que vous ne devriez pas divulguer le nom de votre client, et que les avocats devraient avoir ce privilège spécial, c'est que c'est en réalité à mon avis, de pouvoir faire du lobbying au nom de quelqu'un, alors peut-être devraient-ils s'abstenir de faire du lobbying.
M. Simon Potter: Il est incontestable que si le client ne veut pas donner à l'avocat le droit de divulguer son nom, en pareil cas l'avocat, en vertu de la loi actuelle, ne devrait pas faire de lobbying. C'est bien évident.
La présidente: Mais je...
M. Simon Potter: Je regrette de vous interrompre. Je veux simplement terminer ma réponse. Dans la plupart des cas, le client ne voit absolument aucun mal à révéler son identité, et par conséquent l'obligation liée à la confidentialité disparaît. Dans toutes les causes que j'ai défendues, le client était parfaitement d'accord pour que son nom soit mentionné. Notre proposition a trait au cas où cela ferait du tort au client de divulguer son identité ou telle information sur ce qui se passe, alors que le client ne peut pas se résoudre à renoncer à cette obligation de privilège. En pareil cas, l'avocat devrait-il référer le client à un collègue? L'avocat devrait-il absolument refuser de représenter ce client? Voilà qui à mon avis soulève d'autres obligations déontologiques pour des avocats comme vous et moi. Un avocat a une obligation déontologique de ne pas simplement abandonner un client.
• 1610
Il est bien possible que l'obligation de présenter des
instances au Parlement fait partie intégrante d'un mandat global.
Nous disons simplement que dans les cas très rares où un client
n'arrive pas à renoncer au privilège de confidentialité concernant
des informations qui sont normalement divulguées, l'avocat devrait
pouvoir continuer à agir en tant que lobbyiste. Outre l'information
qu'il est tenu de garder secrète, il devrait pouvoir divulguer le
fait qu'il a été confronté à ce dilemme mais qu'il a bel et bien
contacté telle ou telle personne dans un ministère, mettons.
La présidente: Monsieur Potter, j'essaie de comprendre votre cas mais à vrai dire c'est un dilemme auquel on s'expose chaque jour lorsqu'on exerce le droit et lorsqu'un nouveau client contacte votre étude et qu'un autre avocat représente la partie opposée dans l'affaire.
Donc, lorsque je lis cet article, j'envisage la situation absurde qui pourrait découler de cette proposition, vous pourriez être au tribunal à représenter votre client dans une affaire et vous voulez cette prérogative pour pouvoir protéger son identité si vous faites du lobbying dans une affaire différente. En protégeant son identité, n'est-il pas possible que vous vous trouviez vous-même en situation de conflit avec votre propre étude et avec quelqu'un faisant du lobbying pour l'autre partie parce qu'on ne sait pas que vous le faites?
M. Simon Potter: Je révèle l'identité de tous mes clients à ma propre étude. Tous les cabinets d'avocats le font. Ils tiennent des registres justement pour cette raison, soit d'éviter tout conflit.
Dans la vaste majorité des cas, les avocats ne seront pas tenus au secret professionnel même en ce qui concerne l'identité du client. Cela peut se produire dans certains cas. Je ne peux pas vous citer d'exemples précis parce qu'on n'en parle pas. Il se produira des cas où les avocats devront affronter des dilemmes à savoir qu'un client ne peut pas se résoudre à renoncer au privilège concernant son identité, ce qui se passe dans 99,9 p. 100 des cas, et d'autre part l'obligation de divulgation à laquelle il est tenu en vertu de cette loi.
La présidente: Monsieur Potter, je ne veux pas vous interrompre mais précisons un peu les choses. Si je veux obtenir qu'on apporte une modification et que l'on adopte cette recommandation dans son libellé actuel, parce qu'il n'est pas question de causer un tort quelconque en l'occurrence, ce que j'ai à faire alors c'est de m'adresser à un avocat pour me faire représenter, pour qu'il fasse du lobbying pour mon compte et je lui recommande de «ne pas révéler mon nom parce que je ne veux pas qu'il soit connu». Les avocats savent mieux faire du lobbying que M. Untel qui n'est pas avocat ou Mme Unetelle, qui eux doivent divulguer le nom de leurs clients parce qu'ils ne sont pas avocats. Vous êtes donc en train de créer une inégalité dans la loi proprement dite.
Étant donné le libellé de cette recommandation, il n'est pas question du tort que cela pourrait causer. On dit: «lorsque la loi oblige au respect de la confidentialité.» Vous et moi admettons que le code de déontologie oblige déjà au respect de la confidentialité, donc quiconque...
M. Simon Potter: À moins qu'on y renonce.
La présidente: Cela cadrerait avec cette notion de telle sorte que tout le monde pourrait s'en prévaloir indéfiniment.
J'essaie simplement de comprendre comment, d'après vous, cette recommandation répond en réalité aux circonstances que vous avez décrites. À mon sens cette recommandation est très vaste et elle permettrait aux avocats d'invoquer le secret professionnel que d'après vous vous ne réclamez pas. Vous allez vous trouver dans une situation où, si je dispose de plus d'informations et je sais que si je retiens les services d'un avocat pour faire du lobbying pour mon compte, il n'a pas à divulguer mon identité... Par contre si j'engage quelqu'un d'autre il devra la révéler.
Vous n'avez à enregistrer que certaines choses. Ce n'est pas comme si vous deviez enregistrer tous leurs intérêts et le reste. En vertu de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, vous n'êtes tenu d'enregistrer que des renseignements très élémentaires.
M. Simon Potter: Madame la présidente, un client qui s'adresse à un avocat pour qu'il s'adonne à des activités de lobbying, n'est pas là pour solliciter un avis juridique ou pour se faire représenter devant les tribunaux. Par conséquent, la question du secret professionnel ne se pose probablement pas. Ce n'est pas que je sois tenu au secret professionnel quand quelqu'un me prie, à titre d'avocat, de livrer un paquet quelque part.
Si ma seule mission est de venir faire des démarches auprès des titulaires de charges publiques à Ottawa, l'interdiction de divulguer l'identité du client à mon avis ne se pose pas en l'occurrence. Elle ne se présente que dans de rares cas où il y a un chevauchement d'intérêts mettant en cause une multitude de raisons différentes pour lesquelles le client s'adresse à l'avocat, et la question du tort se pose.
• 1615
Même si on apporte cette modification, la vaste majorité des
avocats qui s'adonnent à des activités de lobbying continueront à
faire ce qu'ils font actuellement, soit de divulguer toute
l'information qu'ils possèdent, comme je l'ai fait dans chaque cas
de lobbying. Je ne me suis jamais senti obligé de garder secret le
nom de mon client. Ce dilemme se présenterait seulement dans le cas
très rare d'un chevauchement de mandats, où il faudrait donner un
conseil juridique ou représenter un client devant les tribunaux et
aussi que le client ne renonce pas au privilège de confidentialité.
Notre proposition ne concerne qu'un très faible pourcentage de cas, lorsqu'on retient les services d'un avocat pour faire du lobbying. Nous voulons simplement que les avocats ne soient pas désavantagés par rapport à d'autres personnes qui font ce genre de travail. Et les clients doivent comprendre qu'ils ne peuvent pas utiliser les services de leur avocat à cause du dilemme qui confronte ces derniers: de s'acquitter de ces deux obligations, dans ce cas l'avocat doit se désister.
Je dirais que c'est souvent dans l'intérêt du client, ainsi que dans l'intérêt des décideurs du Parlement, que les renseignements qui parviennent aux députés et aux fonctionnaires proviennent d'une personne qui sait vraiment ce qui se passe. Le client ne devrait pas avoir à engager quelqu'un d'autre, à payer deux fois et à devoir se familiariser à nouveau avec toute la procédure. Notre proposition reconnaît simplement un principe fondamental qui crée un dilemme dans un très faible pourcentage de cas.
La présidente: Je crois que maintenant je vois exactement ce dont vous parlez, et je ne suis pas sûre d'être d'accord. Vous êtes en train de dire que si on n'est pas satisfait de la loi—mettons une loi fiscale—et qu'on estime qu'elle devrait être modifiée, on la conteste au tribunal. Mais vous allez tout de même continuer à vaquer à vos occupations pendant que vous contestez cette loi. Vous voulez que cette loi fiscale soit modifiée parce qu'à votre avis elle est erronée, mais vous voulez pouvoir continuer à faire ce que vous faites.
Par conséquent, vous allez faire du lobbying—mais vous ne voulez pas que tout le monde le sache, parce que vous plaidez au tribunal en même temps. Vous allez même utiliser le même avocat qui vous défend au tribunal pour qu'il lutte en faveur d'une modification à la loi. De cette façon, vous serez protégé.
Je ne vois aucune conséquence négative pour le client du fait que nous ne savons pas qui veut essayer de faire modifier la loi. Je crois qu'il fera valoir les mêmes arguments au tribunal à savoir que la loi n'est pas juste—et qui sait, le tribunal sera peut-être d'accord avec lui.
Je comprends que vous pensiez que cela puisse faire du tort à votre cause, mais d'après moi les juges ne s'abaissent pas à ces considérations. Ils ne vont pas voir ce que dit la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, et ils ne passent pas de temps sur l'Internet pour voir qui fait du lobbying pour qui. Selon moi, cela n'influe vraiment les juges lorsqu'ils rendent leurs décisions.
Je vois très bien ce que vous voulez dire, mais j'ai beaucoup de mal à l'accepter et à partager votre avis. Je continuerai à m'inspirer de ce qui s'est produit par le passé et nous ferons de la recherche. Pour le moment, je vais permettre aux autres membres du comité de poser des questions.
Monsieur Brien, avez-vous d'autres questions?
M. Simon Potter: Madame la présidente, me permettez-vous de formuler un avis sur ce que vous venez de dire. Bien entendu, c'est un point de vue dont nous tiendrons compte nous-mêmes et nous essaierons de vous donner de meilleurs exemples.
Mais dans la situation hypothétique que j'ai présentée, l'avocat ne va pas invoquer l'argument—tant dans ses activités de lobbying qu'au tribunal—que la loi est insatisfaisante et doit être modifiée. Dans la situation que j'ai relatée, l'avocat avait reconnu que la loi était ambiguë et avait demandé qu'on la modifie aux fins de précision tout en faisant valoir par ailleurs au tribunal que c'était à lui de préciser le sens de la loi.
Je veux qu'on sache bien à quoi s'en tenir là-dessus parce qu'il m'a semblé que j'avais peut-être mal expliqué ma situation hypothétique.
La présidente: Merci, monsieur Potter.
Monsieur Brien.
[Français]
M. Pierre Brien: Il me semble que votre double rôle vous amène à transmettre deux messages différents. Vous dites à la cour que la loi est claire et qu'elle devrait être interprétée de telle façon, mais vous nous dites qu'elle n'est pas claire et que nous devrions la changer.
Il me semble que dans un des deux cas, vous ne dites pas vraiment ce que vous pensez.
M. Simon Potter: Non, monsieur Brien. Il est très facile de dire cela. Ce sont des choses qui arrivent tout le temps. En fait, nous nous présentons devant des tribunaux parce qu'il y a divergence d'opinion sur l'interprétation d'une loi. Alors, le simple fait de devoir...
M. Pierre Brien: Je m'excuse de vous interrompre, mais quand la même personne plaide deux points de vue différents...
M. Simon Potter: Il ne s'agit pas de deux points de vue différents. Dans l'exemple que j'ai donné, on dit d'abord à la cour que la loi est ambiguë et qu'elle devrait être interprétée de telle ou telle façon. On dit ensuite au comité, de façon tout à fait cohérente, que la loi devrait être changée pour éliminer l'ambiguïté. Mais nous craignons en même temps que l'on croie que nous préconisons un changement uniquement à cause des intérêts de notre client, ou que le juge ait l'impression que nous acceptons que la loi dise une chose, mais que nous voulons la modifier. Je pense que les deux positions sont tout à fait cohérentes.
M. Pierre Brien: Vous avez donc peur de causer du tort à votre client. Je peux me tromper, car je ne suis pas avocat, mais on parle de litiges qui doivent être importants. Si je pratiquais, j'aurais la prudence élémentaire de demander à quelqu'un d'autre de ma firme de faire le lobbying, s'il fallait en faire, dans une telle situation. J'aurais tendance, par prudence, à faire faire les représentations par quelqu'un d'autre, pour éviter la situation dont vous parlez. Je ne demanderais pas à être protégé par la loi ou exempté d'une loi. Je suis convaincu que les clients dans une telle situation ont généralement de bons moyens, et il doit être assez rare que vous travailliez en isolé là-dessus. De toute façon...
M. Simon Potter: Vous avez raison, monsieur Brien, il est rare dans un bureau comme le mien, qui est assez grand, de travailler en isolé. Cependant, le fait de donner un mandat de lobbying à mon associé ne règle pas le problème. Le problème s'applique à toute mon étude et pas seulement à moi. Il faudrait que je donne le dossier entièrement à un autre consultant, soit à un avocat ou à un non-avocat, ce qui entraînerait des coûts supplémentaires pour mon client et lui causerait l'ennui de travailler avec quelqu'un qui ne connaît pas bien le problème et avec qui il n'a pas établi de relation de confiance.
De plus, il n'est pas exact, monsieur Brien, de dire que nos clients qui doivent à la fois s'adresser à la cour et faire des représentations auprès du gouvernement sont toujours des clients qui ont les moyens de se payer deux bureaux d'avocats pour séparer le problème en deux. Très souvent, le client doit payer de sa propre poche et n'a pas les moyens de payer en double. Vous mettez le doigt sur la raison pour laquelle nous sommes ici. Dans une situation où il pourrait être question de sa pension alimentaire ou de la garde de ses enfants, il serait injuste que cette personne doive nécessairement engager deux firmes d'avocats.
M. Pierre Brien: Je n'ai pas l'impression qu'il est question de cas comme ceux-là. Je doute fort qu'un individu qui vit une situation de conflit pour une pension alimentaire fasse du lobbying. En tout cas, si son insatisfaction est telle qu'il engage quelqu'un pour faire du lobbying pour faire modifier la loi, des sommes très importantes doivent être en jeu pour que quelqu'un aille jusque-là.
J'aimerais mieux comprendre quelque chose. Vous avez dit que cet article n'exempterait pas seulement vous, mais votre étude au complet.
M. Simon Potter: Non, j'ai dit que le fait de confier le dossier à mon associé ne réglerait pas le problème. Je ne peux pas résoudre le problème de cette façon. Le problème s'appliquerait à tout mon bureau.
M. Pierre Brien: Et qu'en est-il de l'exemption? Vous dites que si même si vous confiiez le dossier à un de vos collègues, la relation de confidentialité entre l'avocat et le client ne serait pas plus protégée si votre collègue devait s'enregistrer pour faire du lobbying sur le même sujet.
M. Simon Potter: L'exemption dont nous parlons ici vaudrait pour le seul dossier de lobbying, que le client soit représenté par moi ou par mon associé. Cela serait uniquement pour le dossier où il y a un conflit entre les deux obligations professionnelles.
J'aimerais revenir, si vous me le permettez, monsieur Brien, à cette question. Est-ce que ce sont des clients fortunés qui ont ces problèmes? Je pense que la solution que nous envisageons n'est pas nécessaire pour les clients fortunés. Les clients fortunés, de grandes sociétés par exemple, viennent me voir. Si je leur dis qu'il y a obligation de divulguer des renseignements, normalement ils disent tout de suite oui, parce que tout est public pour eux. Mais s'il y a un problème, ils disent alors qu'ils sont fortunés et qu'ils vont engager un autre bureau pour accomplir la deuxième tâche. Il n'y a pas de problème.
La solution suggérée est pour les clients moins fortunés, car ce n'est pas vrai que les clients moins fortunés ne font pas de lobbying. Ils demandent des changements aux barèmes qui sont fixés, par exemple, pour les pensions alimentaires, ou des changements pour certains règlements fiscaux. Les individus demandent des changements et parlent aux fonctionnaires pour obtenir, si possible, un traitement équitable de leur cas et ils engagent des avocats pour le faire.
Nous sommes d'avis que ces clients ne devraient pas être pénalisés en devant changer d'avocat et engager quelqu'un avec qui ils n'ont pas de relation de confiance. Il faudrait tout simplement prévoir dans la loi des situations où le conflit, le dilemme dont je parle, existera. Dans de tels cas, qu'on divulgue le dilemme. Il me semble que c'est une solution rapide et simple à un problème qui relève d'une situation assez fondamentale.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Potter, je m'efforce de comprendre en l'occurrence. Si vous plaidez au tribunal et si vous voulez aussi faire du lobbying, vous n'allez pas vous enregistrer du tout, parce que, en pareil cas, la loi ne s'appliquerait pas à vous. Est-ce exact?
M. Simon Potter: Ce n'est pas cela. Ce n'est pas ce que nous avons dit dans notre déclaration, madame la présidente, et ce n'est pas ce que j'ai dit.
La présidente: J'essaie de simplifier ce cas hypothétique. Lorsque vous dites que la loi ne s'applique pas, que voulez-vous dire par là? À ce que je comprends, vous n'avez pas besoin de vous enregistrer si la loi ne s'applique pas.
M. Simon Potter: Elle ne s'applique pas lorsque la confidentialité est exigée par la loi. Dans la liste de renseignements donnée, il me semble que seulement certains éléments de l'information sont confidentiels.
La présidente: J'essaie d'éclaircir quelque chose pour bien comprendre. L'idée générale, c'est que vous avez ce conflit parce que votre client est en procès, et vous voulez aussi faire du lobbying pour lui. Ce que je veux savoir, c'est si vous faites l'enregistrement avec ou sans le nom de votre client. C'est oui ou c'est non?
M. Simon Potter: Je dirais que je ferais l'enregistrement en supprimant ces renseignements seulement, que mes obligations professionnelles m'interdisent de divulguer.
La présidente: C'est-à-dire l'identité de votre client.
M. Simon Potter: Ce pourrait être l'identité de mon client.
La présidente: Mais revenons à la réalité. La dernière fois que j'ai vérifié, tous les documents judiciaires étaient des documents publics. Alors quiconque suit la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt pourrait vérifier que M. Potter représente untel ou untel, et M. Potter fait aussi du lobbying—je me demande s'il y a un lien quelconque?
Je ne vois pas comment cela empêche de révéler qui est votre client, même si nous étions d'accord que vous supprimiez cette information. Les documents judiciaires sont des documents publics—nous le savons tous les deux. Les documents judiciaires disent qui est l'avocat, qui est le client; tout y est. J'ai déjà fait du droit fiscal, et les noms de mes clients n'étaient pas un secret. Ils figuraient dans les documents publics, et les clients n'obtenaient pas d'exemption spéciale parce qu'ils étaient à la Cour canadienne de l'impôt.
Si je faisais du lobbying en même temps et que je disais ne pas pouvoir divulguer cette information parce qu'il se pourrait que je doive la retirer—et bien, tout ce qu'il y aurait à faire, ce serait de vérifier les dossiers de la Cour canadienne de l'impôt pour savoir ce qui se passe.
M. Simon Potter: Je crois qu'il y a deux réponses à cela. Premièrement, c'est une chose que de pouvoir dire que l'avocat untel, qui fait du lobbying ici, se trouve comme par hasard à avoir M. ou Mme untel comme client; nous supposerons donc que le lobbying est réellement l'oeuvre de M. ou Mme untel. Je ne crois pas que ce lien soit nécessairement justifié. Il se pourrait très bien que je représente un client devant le tribunal, mais j'ai des centaines de clients. Quant à déduire immédiatement que ce client est derrière mes activités de lobbying, je ne pense pas que ce soit nécessairement justifié.
• 1630
La deuxième réponse est que le privilège n'apparaît pas
seulement dans le cas de la représentation devant un tribunal. Il
se pourrait que je fournisse des conseils juridiques à mon client
relativement à un différend contractuel, une dispute avec un
conjoint ou un problème de garde des enfants, et ce pourrait être
préjudiciable à mon client. Dans cette négociation, ou ce différend
ou cette médiation, cela pourrait nuire à mon client que son
identité ou son problème soit l'affaire du public.
C'est pourquoi je pense que cette solution que nous proposons... s'il faut l'ajuster de façon à ce que ce soit clairement certains éléments particuliers d'information qui sont confidentiels, protégés contre la divulgation, l'Association du Barreau canadien n'y verrait aucun inconvénient, madame la présidente. En fait, nous avons essayé de montrer clairement que ce que nous voulons, ce n'est pas obtenir une exemption pour les avocats. Ce n'est pas cela. Ce que nous voulons, c'est que les avocats s'enregistrent comme lobbyistes lorsqu'ils font du lobbying, mais dans la situation où survient ce dilemme à cause d'une double obligation, nous voudrions que l'obligation de confidentialité ait préséance.
Nous avons dit à la page 7 de notre mémoire que la situation peut facilement être contournée en exigeant des avocats qui refusent de divulguer une information pour des raisons déontologiques qu'ils indiquent les motifs justifiant la non- divulgation. Le registre dirait qu'untel, avocat, comparaît, mais cet avocat ne serait pas tenu de fournir tous les renseignements exigés par la loi.
La présidente: Je pense, monsieur Potter, que nous risquons d'ouvrir la porte à d'autres problèmes que le comité ne peut même pas s'imaginer. Je trouve que la façon dont c'est formulé est très générale. Il me semble qu'une hypothèse ne fait que mener à d'autres hypothèses.
M. Simon Potter: Oui.
La présidente: Comme vous l'avez dit, vous pouvez conseiller un client sur des questions de garde ou d'accès qui pourraient être préjudiciables, mais il pourrait très bien se permettre de vous engager pour faire du lobbying en son nom. Je ne connais pas beaucoup de mères ou de pères célibataires qui ont perdu leur procès et qui peuvent se permettre d'engager quelqu'un pour faire du lobbying pour eux. Nous créons donc, en plus, de créer l'iniquité.
Ce sont des facteurs dont nous devons tenir compte lorsque nous modifions les lois. Nous devons trouver le moyen d'examiner la situation sous tous ses angles, voir toutes ses facettes et toutes ses ramifications.
J'aimerais trouver une espèce de solution à ce que vous proposez, s'il y a réellement un conflit. Je ne suis toujours pas convaincu qu'il y a un problème, que votre client subisse un préjudice. Par contre, j'essaie de comprendre. S'il y a préjudice, comment l'empêcher sans en créer une multitude d'autres. C'est quelque chose que ne prévoient pas vos recommandations—pas d'après ce que je lis. Peut-être suis-je trop naïve dans mon interprétation, mais c'est notre travail, de lire les textes de la façon dont les lirait un citoyen moyen, parce que ce sera interprété par de nombreux tribunaux.
M. Simon Potter: Oui. Je pense que toutes les préoccupations que vous soulevez sont parfaitement valables. Bien entendu, vous devez penser à ces aspects. Et peut-être qu'à la fin des délibérations de votre comité, vous arriverez à la conclusion que la formulation que nous avons proposée—qui me semble appropriée, n'est pas la solution au problème. Nous aurons atteint notre but en ayant porté un problème à votre attention, une situation qui ne survient pas dans tous les cas—loin de là—mais qui survient parfois et qui, d'ailleurs, arrive même à des clients qui ne sont pas de grandes sociétés ou qui ne sont pas riches. Cela peut arriver.
Dans cette situation, il doit y avoir une espèce de reconnaissance dans cette loi, comme dans d'autres lois, que dans le conflit entre les obligations de la loi et les obligations de non-divulgation de l'avocat, la règle déontologique a préséance. L'avocat devrait néanmoins révéler qu'en raison de ces règles déontologiques, tel élément d'information n'a pas pu être dévoilé. C'est tout ce que nous demandons. S'il y a un meilleur moyen de le formuler, nous serions très heureux de collaborer avec qui il faut pour y parvenir.
La présidente: Pouvez-vous me dire si des situations semblables à la situation hypothétique dont nous avons parlé plus tôt ont été portées à l'attention du registraire? Est-ce que cela a été signalé au registraire comme un problème, au sujet de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes?
Je suis présidente de ce comité depuis quatre ans et je sais que cet examen se poursuit depuis juillet, et pourtant, personne n'en a parlé. Personne ne m'a écrit en quatre ans; personne ne m'a envoyé une lettre en tant que présidente du comité. Je ne sais pas ce qu'il en est des autres membres, mais moi, personne ne m'en a jamais parlé.
• 1635
Alors je vous demande, est-ce que la question a déjà été
soulevée auprès du registraire de la Loi sur l'enregistrement des
lobbyistes, pour qu'il sache que ce pourrait être un problème?
M. Simon Potter: Je pense que c'est au registraire qu'il faudrait poser cette question. Je ne saurais pas comment y répondre. Je ne suis au courant d'aucun...
La présidente: Est-ce que l'Association du Barreau canadien, depuis le dernier examen, a porté d'autres questions à son attention, ou...?
M. Simon Potter: Non, mais ce n'est rien de surprenant, madame la présidente. Nous ne sommes pas le dépositaire de ce genre de questions. Les conseillers déontologiques des barreaux peuvent recevoir cette information, mais dans la plus grande confidentialité. Ils ne seraient pas autorisés à divulguer des renseignements de ce genre. Nous parlons d'un problème dont nous connaissons l'existence, mais nous sommes incapables de vous dire son ampleur ou sa fréquence. Tous ce que nous disons—je ne voudrais pas que notre position soit exagérée—, c'est que la loi devrait reconnaître que, lorsque cette situation survient, quand elle survient, l'avocat a une obligation suprême qui a préséance sur toutes les autres. Si la situation survient et que l'avocat répond à cette obligation plutôt qu'à celle que prévoit cette loi, l'avocat doit révéler l'information. Il se pourrait qu'une simple divulgation comme celle-là amène les avocats à transmettre les dossiers de lobbying à quelqu'un d'autre.
Tout ce que nous disons, c'est que cette loi ne reconnaît même pas qu'il existe des situations où les avocats sont confrontés à ce dilemme déontologique, et nous disons qu'elle devrait le reconnaître.
La présidente: Nous vous remercions de l'avoir signalé à notre attention; vous avez donné à notre attaché de recherche du travail à faire. Merci d'avoir pris le temps de venir nous parler et d'avoir modifié votre programme pour cela.
Nous allons maintenant lever la séance. Il n'y a pas de réunion demain; nous nous revoyons jeudi matin. À 9 heures, nous parlerons du budget des dépenses. Les ministres Thibault et Normand viendront nous parler du budget jeudi matin, une heure chacun.
Une voix: Est-ce qu'on leur a très clairement indiqué le temps dont ils disposent pour leurs observations préliminaires?
La présidente: Elles ne dureront pas plus de 10 minutes. Ce sera pour la première heure, puis nous aurons les questions.
Une voix: Le greffier les en a informés?
La présidente: Le greffier s'en assurera. Nous leur dirons maintenant qu'ils ont sept minutes.
La séance est levée.