JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 31 octobre 2001
Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Je déclare ouverte cette 38e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
Nous examinons aujourd'hui le projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et d'autres lois, et édictant des mesures à l'égard de l'enregistrement des organismes de bienfaisance, en vue de combattre le terrorisme.
Nous accueillons parmi nous plusieurs éminents témoins et nous allons les entendre sous peu. Cela m'ennuie de faire subir à nos invités choisis un peu de travail interne du comité, mais, comme je vous l'ai fait savoir hier, chers collègues, lorsque le Commissaire à l'information a comparu devant le comité, il a, pour aller plus vite, sauté par-dessus certaines parties de son texte préparé. Il nous demande d'autoriser l'inclusion, dans son témoignage, du texte tout entier. Je présume que les membres du comité n'y voient pas d'objection. M. Toews est ravi à l'idée que nous fassions cela, alors je suppose que c'est le cas de tout le monde. Nous sommes donc tous d'accord pour dire que ce n'est pas un problème.
La deuxième question concerne la demande que nous prolongions d'encore deux semaines l'examen du projet de loi C-15B. Les chefs de tous les partis représentés à la Chambre ont convenu de prolonger le délai en vue du dépôt du rapport sur le rapport du projet de loi C-15B le vendredi 6 décembre. Si cela vous convient à tous, nous procéderons sur cette base.
M. Stephen Owen (Vancouver Quadra, Lib.): Mais le 6 décembre tombe un vendredi, monsieur le président.
Le président: Eh bien, je suis certain que c'est le 6 décembre, que ce soit ou non un vendredi. C'était un calendrier du Nouveau-Brunswick. Excusez-moi, Stephen, c'est le jeudi 6 décembre.
Nous allons maintenant passer à notre panel. Je m'excuse de ce léger retard. Telle est la nature du travail des comités.
Nos témoins d'aujourd'hui sont le Barreau du Québec, l'Association du Barreau canadien, la Criminal Lawyers' Association, le Conseil canadien des avocats de la défense, ainsi que le professeur Joe Elliot Magnet, professeur en droit à l'Université d'Ottawa, qui comparaît à titre personnel.
Étant donné que j'ai déjà pris cinq minutes de leur temps, nous allons passer immédiatement au Barreau du Québec. Vous pourriez peut-être vous présenter à nous.
[Français]
Me Francis Gervais (bâtonnier, Barreau du Québec): Merci, monsieur le président. Thank you very much.
Je m'appelle Francis Gervais et je suis bâtonnier du Barreau du Québec. Je suis accompagné cet après-midi de Me Gilles Ouimet, de notre comité en droit criminel. J'ai également avec moi aujourd'hui, de notre service de recherche et de législation, Me Carole Brosseau, qui est présente dans la salle et qui pourrait nous aider et si jamais il y avait des questions techniques avec lesquelles on aurait de la difficulté.
Nous sommes conscients que le projet de loi qui a été déposé a été rédigé dans une période assez courte, ce qui a nécessité beaucoup de travail de la plupart des législateurs. Vous comprendrez que pour nous, également, la préparation d'une réponse sous forme de mémoire a pris du temps. Nous nous excusons de ce que notre texte définitif n'est pas encore prêt, mais il le sera dans quelques heures. Nous avons eu l'occasion de le retravailler et il sera déposé incessamment, si ce n'est dans les heures qui suivent.
Vous me permettrez de vous présenter brièvement le Barreau du Québec. Le Barreau du Québec est un ordre professionnel qui est régi par des dispositions législatives particulières, dont la mission première, en vertu de la loi, est la protection du public. À cet effet, il a l'obligation de voir à la discipline de la profession, à l'aspect de la déontologie, ainsi qu'à la vérification de la compétence de ses membres et des personnes qui veulent s'y joindre.
D'autre part, le Barreau du Québec, dans le cadre de sa mission générale de protection du public, s'est donné également des missions secondaires, dont celle de servir d'intermédiaire, lors de la présentation de nouvelles lois, pour formuler des commentaires. À cet effet, le Barreau du Québec, comme institution essentielle à la protection des valeurs d'une société démocratique comme la nôtre, cherche notamment à promouvoir l'équilibre entre les droits et libertés individuels des citoyens et, évidemment, les pouvoirs de l'État.
Étant donné l'importance des dispositions qui sont dans le projet de loi, nous avons dû recourir à plusieurs de nos membres, à l'intérieur de plusieurs comités, et nous avons pu bénéficier d'expertises importantes.
Notre mémoire, tout comme notre présentation de ce matin, est basé sur deux éléments: premièrement, des commentaires généraux sur la loi, que je me permettrai de vous transmettre et, deuxièmement, des commentaires plus spécifiques relativement à certaines dispositions.
[Traduction]
Le président: Les interprètes demandent que vous ralentissiez un petit peu. Ils ont du mal à suivre le rythme.
M. Francis Gervais: D'accord. J'essaierai de m'en tenir à mes dix minutes. Je faisais mon possible.
Une voix: Que vos dix minutes soient plus lentes.
M. Francis Gervais: Très bien. Non, ce seront dix minutes québécoises. Nous sommes rapides. De toutes façons, je n'en étais encore qu'aux préliminaires.
[Français]
Pour la partie principale, nous allons faire quelques commentaires généraux sur le texte de la loi. Me Ouimet prendra ensuite la parole pour faire des commentaires plus spécifiques.
Évidemment, lorsque le texte de loi a été déposé, j'ai pris connaissance du communiqué de la ministre, qui nous disait que le train de mesures comportait aussi des vérifications et des examens pour garantir la conformité avec le cadre juridique du Canada, y compris la Charte canadienne des droits et libertés. Cela nous rejoint dans notre présentation, lorsqu'on vous dit qu'on est à la recherche de l'équilibre.
Nous avons pris connaissance des quatre objectifs qui ont été mis de l'avant par la ministre dans la présentation du texte de loi. Évidemment, c'est un texte qui, sans porter le titre de texte de loi omnibus, y ressemble étrangement parce que de nombreuses lois sont affectées par des modifications. Évidemment, ces lois doivent être modifiées par rapport aux événements du 11 septembre, qu'on a tous vécus.
• 1540
Il est évident pour nous que les
événements du 11 septembre nécessitaient une réaction.
Nous avons eu une réaction de la part du gouvernement.
D'autre part, il faut également que
cette réaction ne fasse pas en
sorte que les valeurs fondamentales de notre société
soient complètement mises de côté par un texte
législatif qui vient intervenir dans des circonstances
bien particulières.
On parle de recherche
d'équilibre, et vous comprendrez que c'est le cadre
dans lequel nous venons faire nos recommandations.
De façon globale, dans un premier temps, en prenant connaissance du communiqué de la ministre, j'ai pris connaissance du fait qu'on introduisait pour la première fois dans le système pénal l'intervention des juges de la Cour fédérale.
Je donnerai tout à l'heure à mes collègues l'occasion de faire des commentaires plus approfondis, mais on se pose une question. Pourquoi, dans le cadre d'une activité si particulière, désire-t-on introduire des gens qui n'ont pas d'expérience en matière criminelle, alors que nous avons déjà un système de droit criminel canadien qui fonctionne bien?
En ce qui concerne la modification à la Loi sur la défense nationale—mes collègues y reviendront et ce sera dans notre mémoire—, on est étonnés lorsqu'on constate que c'est le ministre de la Défense nationale qui sera appelé à autoriser l'interception de communications.
Voici le commentaire qui nous vient rapidement à l'esprit. Comment peut-on contrôler l'exécutif qui se donne en même temps le pouvoir d'autoriser l'interception de communications et le pouvoir de procéder à cette interception de communications, alors que notre système de droit criminel a des mécanismes par lesquels ces autorisations s'accordent et qu'il y a quand même une révision ou une intervention du judiciaire, qu'on a toujours considéré comme étant un arbitre neutre dans ces problèmes?
On doit également se poser des questions sur l'ordonnance de comparution qui, je pense, est une matière nouvelle dans notre législation ou dans notre droit.
On doit également se poser des questions sur l'arrestation préventive. Vous verrez tout à l'heure pourquoi je fais un lien entre cela et nos commentaires généraux.
Je dois vous dire qu'on est également surpris quant au pouvoir qui serait donné au procureur général de bloquer l'accès à certaines informations par le dépôt d'un certificat.
Tout récemment, il y a à peine 10 jours, la Cour d'appel du Québec, dans l'affaire Miranda, rappelait qu'on devait à l'occasion mettre de côté le secret professionnel, parce que si l'information est de nature telle qu'elle est susceptible de mener à l'acquittement d'un individu, on doit mettre de côté ce principe.
Or, on se trouve devant une situation où, par exemple, le procureur général pourrait bloquer une information qui serait capitale à la défense d'un individu, alors que le projet de loi ne prévoit aucun mécanisme d'intervention judiciaire pour faire bénéficier un individu de la possibilité de faire lever ce blocage.
De tout cela découle notre commentaire général principal. Oui, le gouvernement a réagi, mais nous croyons que dans ce cas-ci, la réaction à un problème bien particulier aurait dû se faire dans le cadre d'une loi particulière. Je m'explique.
On introduit dans le Code criminel des notions telles que l'ordonnance de comparution, l'assignation pour comparution, l'arrestation préventive et la détention préventive. Ce sont des notions nouvelles. On nous explique que ces notions sont nécessaires ou obligatoires dans le cadre d'un problème bien particulier, celui du terrorisme.
Je pense que cet argument même fait en sorte qu'on doit bénéficier d'une loi bien particulière. Je m'explique. Notre crainte, comme vous le verrez à la lecture de notre mémoire, c'est qu'une fois introduite, une notion temporaire, pour un programme bien particulier, ne vienne contaminer—pardonnez-moi l'expression—l'application du droit criminel.
Je ne suis pas un spécialiste en droit criminel, mais je regardais les dispositions de la loi. On nous parle d'une possibilité de détention préventive lorsqu'il y a des soupçons, lorsqu'on soupçonne qu'une personne a pu commettre certains gestes.
Il y a 30 ans, le mot «soupçon» n'apparaissait pas dans le Code criminel canadien. Il y a une vingtaine d'années, lorsqu'on s'est rendu compte qu'on avait un fléau social en matière de conduite avec facultés affaiblies ou en état d'ébriété, on a permis au policier sur la route d'arrêter un individu et de lui faire subir un alcootest sur-le-champ, lorsqu'il avait des soupçons. Mais on nous avait dit que c'était temporaire et que c'était pour régler un fléau social qui était temporaire. Vingt-cinq ans plus tard, on se retrouve encore avec les mêmes dispositions, et on commence à retrouver de plus en plus le mot «soupçon» dans la plupart des lois qui sont proposées.
Si on veut bien cadrer une loi en disant qu'elle servira à régler un problème particulier et qu'on veut éviter que, par les règles d'interprétation normales et par l'évolution normale du droit, ces notions ne viennent s'appliquer dans tout notre droit criminel, l'ensemble des dispositions qui sont mises dans le projet de loi doivent faire l'objet d'une loi bien spécifique. C'est notre premier commentaire général.
• 1545
On nous a parlé d'une possibilité de
révision du texte de loi après une période de trois
ans. Je pense que c'est un minimum.
Mais, dans la perspective de
notre argumentation concernant une loi incorporée au
Code criminel, cette période de trois ans est, quant à
nous, trop longue. Le mal de l'interprétation par
référence, si on peut appeler cela
ainsi, ou de
l'utilisation de ces notions dans le Code criminel
sera fait à ce moment-là, selon nous.
Nous soumettons également, dans nos commentaires généraux, qu'outre la question de la loi distincte, il y a aussi le fait qu'il y a souvent des anomalies importantes entre les libellés des versions anglaise et française. On comprend que les délais ont peut-être fait en sorte qu'il y a des difficultés. Il y a également des anomalies ou des défauts d'harmonisation importants avec des lois qui sont actuellement à l'étude ou qui ont été adoptées tout récemment. On connaît tous le principe d'interprétation devant les tribunaux. Lorsqu'on arrive avec des termes différents, le premier élément qu'on donne ou qu'un tribunal va retenir, c'est que si le législateur a voulu utiliser des termes différents, c'est parce qu'il avait une idée derrière la tête et qu'il voulait faire une modification.
Donc, dans ces commentaires généraux, nous demandons également au gouvernement de revoir de façon particulière la rédaction française dans sa traduction et l'harmonisation avec les autres textes de loi.
Ce sont les commentaires généraux que j'avais à présenter. Je vais maintenant céder la parole à Me Ouimet, qui va vous faire des commentaires plus particuliers relativement à certaines dispositions du projet de loi.
Me Gilles Ouimet (membre du comité du droit criminel, Barreau du Québec): Merci, monsieur le bâtonnier.
Évidemment, j'invite les membres du comité à poser des questions par la suite quant à l'idée du Barreau du Québec d'avoir une loi distincte.
Il faut comprendre de cette proposition du Barreau qu'il s'agit simplement d'un moyen exceptionnel pour régler un problème exceptionnel. Si les modifications à des lois sont adoptées—et Dieu sait combien de lois sont modifiées par le projet de loi C-36—, on va incorporer dans des lois, notamment dans le Code criminel, des dispositions particulières. L'idée d'un projet de loi qui contienne toutes les dispositions nécessaires pour s'attaquer au problème exceptionnel du terrorisme est d'avoir une loi distincte des lois d'application générale.
En ce qui concerne les commentaires plus spécifiques portant sur les diverses dispositions...
[Traduction]
Le président: J'aimerais tout simplement porter à votre attention le fait que nous en sommes déjà presque à dix minutes. L'idée était que le premier...
M. Gilles Ouimet: Très bien.
Le président: Alors je vous demanderai d'être bref. Nous aurons ensuite la période des questions.
M. Gilles Ouimet: Très bien. L'une de nos principales préoccupations était la définition de
[Français]
«activité terroriste»,
[Traduction]
activité terroriste. En ce qui nous concerne, cela pose un grave problème, car la définition est beaucoup trop vague ou trop large, surtout à cause de la notion de sécurité économique. Il se pose deux problèmes fondamentaux, et je vais très rapidement en traiter.
La définition d'activité terroriste à l'alinéa 83.01(1)b) englobe la sécurité économique. C'est là un gros problème en ce qui nous concerne.
L'autre gros problème est
[Français]
la disposition qui vise à restreindre la portée de
[Traduction]
l'activité terroriste,
[Français]
qui limite la contestation aux activités licites,
[Traduction]
licite. C'est un problème parce que
[Français]
les moyens de pression et les grèves illégales
[Traduction]
seront couverts par la définition telle qu'elle existe à l'heure actuelle. C'est là un gros problème.
Pour ce qui est du détail, des dispositions spécifiques font défaut dans les trois articles qui posent le plus problème, soit les articles 83.28, 83.29 et 83.30, où il est question de détention préventive et de mandat d'arrestation.
[Français]
Il manque des mécanismes qui permettraient de restreindre la portée de l'atteinte à la liberté.
[Traduction]
Je ne parle pas de l'aspect fondamental de l'intégration de cela au Code criminel.
[Français]
Me Gervais a parlé très brièvement de ce que je vais dire. Le Barreau considère qu'on devrait permettre une juridiction concurrente de la Cour supérieure, notamment au niveau du blocage des biens des entités ou des groupes terroristes.
Étant donné que l'heure semble poser problème, je vais m'arrêter là. Si vous avez des questions, nous pourrons y revenir plus tard.
Le président: Vous aurez amplement l'occasion d'intégrer vos réponses dans la discussion, qu'on vous pose ou non les bonnes questions. Cela s'est déjà vu ici.
Passons maintenant à la Criminal Lawyers' Association, ici représentée par Michael Lomer.
M. Michael Lomer (trésorier, Criminal Lawyers' Association): Merci beaucoup d'avoir invité la Criminal Lawyers' Association à se prononcer—de façon critique, je l'espère—sur ce projet de loi très important et fort difficile.
Samedi dernier, la Criminal Lawyers' Association a tenu son assemblée générale annuelle. Chaque année lors de l'assemblée générale annuelle nous décernons un prix appelé la médaille Martin, ainsi nommée pour honorer le juge Arthur Martin, qui n'est plus. C'est lui qui en a été le premier récipiendaire. Se sont également vu décerner cette médaille l'ancien juge en chef Antonio Lamer et l'ancien juge en chef de l'Ontario Charles Dubin. Cette année, c'est Edward Greenspan qui s'est vu décerner la médaille.
Il a prononcé un discours d'acceptation et il y a justement évoqué ce sur quoi porte le projet de loi dont vous êtes saisis. Je ne pourrais pas mieux dire les choses que lui, alors je vous demande votre indulgence car je vais vous lire des extraits de son discours.
Le président: Tant et aussi longtemps que cela ne dépasse pas les cinq minutes.
M. Michael Lomer: J'ai l'horloge devant moi.
Il a dit que dans la guerre entre idéologies concurrentes, nous savons que la démocratie l'emportera sur le nazisme, le communisme, toutes les formes de fascisme et maintenant le terrorisme—islamiste ou autre—car nous avons raison. Nous savons que l'esprit de liberté ne pourra gagner que si nous pratiquons ce que nous prêchons et si le pays vit ce qu'il prône. Nous savons que le Canada et les États-Unis sont les plus grandes expériences en matière de liberté que le monde ait jamais connues, et nous savons que l'histoire apprend que les sérieuses menaces à la liberté surgissent souvent en situation d'urgence, lorsque les droits constitutionnels semblent être trop extravagants pour résister.
Il a dit qu'il n'est nul besoin de nous rappeler que lorsque notre nation permet à des libertés fondamentales d'être sacrifiées au nom d'une urgence réelle ou perçue, l'on finit invariablement par le regretter. Nous comprenons qu'il serait en effet ironique que notre pays, au nom de la défense nationale, sanctionne la subversion des libertés qui font que la défense de notre nation en vaut la peine. Nous savons que nous frustrerons nos propres fins si nous adoptons les techniques du totalitarisme pour des affaires de sécurité. Nous comprenons que si nous croyons vraiment dans la démocratie, il nous faut avoir une foi suffisante pour lutter pour sa préservation avec les outils de la liberté. Il nous faut nous rappeler qu'il importe de résister à une course folle vers l'élimination des droits de la personne fondamentaux.
Il a dit que nous savons que dans la lutte mondiale contre le terrorisme, ce serait un tragique paradoxe si nous abandonnions une quelconque partie de notre patrimoine au nom d'un effort visant à balayer la menace terroriste, car cela supposerait faire à nous-mêmes de l'intérieur ce que nous craignons le plus venant de l'extérieur.
La ministre de la Justice, Anne McLellan, dit que l'équilibre s'est déplacé de la protection des libertés individuelles vers la protection des droits collectifs. Elle dit que les défenseurs des libertés civiles sont naïfs. Ce qu'elle entend par cette critique est que notre spectre est étroit et que nos horizons sont limités lorsque nous discutons de problèmes de libertés individuelles alors que notre liberté collective est en péril. Sauf tout le respect qu'on lui doit, elle a tort.
Comme l'a dit Edmund Burke en 1777, «Le vrai danger surgit lorsque la liberté est grugée par bouts, et pour des expédients». Notre avenir même dépend de la protection par nous de ces libertés. Il est incroyable que dans la défense de la liberté nous puissions même envisager, dans le projet de loi C-36, la détention d'une personne qui n'est pas accusée d'un crime, permettant à la police de faire des arrestations préventives.
Il est inconcevable, dans la défense de la liberté, d'envisager d'obliger des témoins à comparaître lors d'investigations. Nous reconnaissons que le droit au silence est plus que le simple droit de refuser de répondre à des questions incriminantes. Nous savons que le droit au silence ne peut pas être balayé, lorsqu'il s'agit du dernier bastion face à un gouvernement toujours plus omnipotent. La protection contre ce genre d'attaques est la condition sine qua non du maintien de la dignité essentielle de l'individu.
• 1555
La liberté de l'individu, comme nous le savons depuis le début
de notre nation, ne sera plus si l'on en arrive à une situation
dans laquelle l'État peut confronter un suspect avec une
condamnation s'il confesse sa culpabilité, avec une accusation de
parjure s'il nie, et avec outrage s'il garde le silence.
Nous savons que la liberté est notre plus précieux trésor. Tout comme dans la recherche de la vérité, l'ultime en matière de liberté est toujours à l'horizon, tout juste hors de notre portée. Ce qu'il faut c'est ne pas la perdre ni en perdre une quelconque partie, mais plutôt en arracher de plus en plus selon ce que nous sommes en mesure d'assimiler. Nous ne gardons jamais le silence lorsque la loi nie l'humanité ou la dignité humaine à autrui. Ce sont nous qui levons nos voix, nos poings et nos consciences et ce sont nous qui rageons contre l'injustice.
Permettez que je mentionne brièvement certains des éléments les plus irritants—si je peux utiliser ce terme—de ce projet de loi. Il me faut commencer par la définition d'infraction de terrorisme. Ce que je vais vous dire est très simple et très personnel. J'ai passé deux jours à essayer de comprendre, en lisant la définition, ce qu'est une infraction de terrorisme, mais je n'y suis pas arrivé. C'est opaque. Il n'est pas digne de la Chambre qu'elle adopte de telles lois.
Si vous lisez le texte et si vous essayez de comprendre ce qu'est une infraction de terrorisme, la première moitié de la définition—pas la deuxième, qui offre au moins un semblant de quelque chose que je peux comprendre—renvoie à toutes les infractions de l'article 7. Je n'en reviens pas que vous souhaitiez faire intervenir une partie du Code criminel qui traite de l'application extra-juridictionnelle du droit pénal, ce dans des circonstances dans lesquelles vous essayez de déterminer quels sont les délits. C'est ainsi qu'il est difficile de comprendre quels délits constitueraient selon vous des infractions de terrorisme. Dites-le tout simplement.
Si vous voulez parler de détournement, alors dites détournement, mais ne renvoyez pas à un article qui parle de détournement dans un contexte extraterritorial. De quoi voulez-vous parler exactement? Est-ce du détournement en tant que tel? Est-ce du détournement extraterritorial? Vos définitions sont difficiles, c'est le moins que l'on puisse dire.
Autre chose encore: vous définissez une «infraction de terrorisme» comme étant «un acte criminel—visé par la présente loi ou par une autre loi fédérale—commis au profit». Cela amène la question suivante: si votre criminel bas de gamme commet un délit qui peut être considéré comme un acte criminel—et n'oubliez pas qu'un «vol de moins de» peut être considéré comme un acte criminel—et si l'acte est commis au profit d'un groupe ou d'une activité terroriste sans que ne le sache ce criminel bas de gamme bon marché, est-il pour autant un terroriste? Est-ce ce que vous visez ici?
Allez-vous vraiment ramasser les pauvres dupes, les criminels bas de gamme, et les appeler terroristes parce qu'il se trouve qu'il existe un vague lien, sans ce qu'il faudrait en règle générale, soit une preuve d'un degré de connaissance suffisant pour que l'acte commis par cette personne soit considéré comme une infraction de terrorisme? J'espère que cela signifie que vous ne comptez pas faire cela, mais d'après ce que je lis—et j'espère que la version française est plus claire que la version anglaise—ce ne semble pas être le cas pour l'instant.
Si vous prenez votre définition de facilitation, c'est la même chose. Pouvez-vous vous imaginer des circonstances dans lesquelles la personne ne saurait pas qu'il y a une cellule terroriste, mais ferait néanmoins quelque chose pour faciliter ces activités?
L'article 37 était autrefois un tout petit article de la Loi sur la preuve au Canada. Il semble maintenant qu'avec tout ce que vous y mettez ici, il va être encore plus volumineux que la Loi sur la preuve. C'est comme s'il y avait eu une initiative législative d'un genre ou d'un autre avant le 11 septembre, et que tout d'un coup cela nous tombe dessus.
Je n'ai vu l'article 37 invoqué qu'une seule fois. Un avocat de la Couronne s'était levé et avait déclaré que je ne pouvais pas interroger un témoin de la police au sujet de l'endroit où se trouvait un agent lorsqu'il a dit avoir vu une transaction de drogue. Cela semble quelque peu absurde comme première étape. Il est clair que si la personne ne se trouvait pas dans un endroit d'où elle pouvait voir, alors son témoignage est suspect. Or, l'on s'en sert dans les cas où l'on dit qu'il y a une fin plus louable à défendre, qu'ils protègent leur position de surveillance avantageuse ou autre chose du genre.
• 1600
En ce qui concerne l'article 37, en Ontario, nous avons une
affaire qu'on appelle je pense, l'affaire Richards—je pourrais
vérifier cela pour vous—qui offre une procédure très simple et
directe et qui est très facile à appliquer. Nous n'avons pas de
limite de dix jours pour les demandes faites à la Cour supérieure.
Vous allez entraver et faire dérailler toutes sortes de procès avec
une telle disposition si vous la gardez telle quelle. Mais, parlant
d'un point de vue d'intérêt direct non éclairé, cela ne bénéficiera
pas forcément à l'État; cela pourrait bénéficier à l'accusé, et ce
injustement, en faisant tout d'un coup dérailler une enquête
préliminaire pour passer tout de suite à la Cour supérieure. Comme
je le disais, il suffit de regarder l'affaire Richards.
Vous pourriez faire beaucoup mieux pour que cet article fonctionne et couvre ce que vous voulez couvrir en matière de protection de renseignements. Pour ce qui est de l'affaire Richards, pour que tout le monde comprenne bien, l'idée est d'obtenir d'abord une décision du juge devant lequel vous comparaissez, et qui connaît donc le contexte. Le juge saura si le fait de poser des questions au sujet de l'emplacement du policier au moment où il a observé la transaction visant des stupéfiants est une chose qui relève ou non de la sécurité nationale, pour éviter que cela ne fasse dérailler tout le procès.
Il y a beaucoup d'autres choses, mais je pense que mes dix minutes sont écoulées.
Le président: Merci beaucoup.
M. Trudell, du Conseil canadien des avocats de la défense.
M. William M. Trudell (président, Conseil canadien des avocats de la défense): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je suis très reconnaissant d'avoir été réinvité à venir comparaître devant vous au nom du Conseil canadien des avocats de la défense au sujet de ce projet de loi très important.
Nous avons préparé un mémoire. Il a été remis au comité, mais il n'a pas encore été déposé étant donné que nous n'avons pas été en mesure de le faire traduire, mais j'ose espérer qu'il vous aidera néanmoins dans vos délibérations.
Les temps extraordinaires exigent des mesures extraordinaires, mais également une vigilance extraordinaire et j'irai jusqu'à dire que ce projet de loi est l'un des plus importants que le comité examinera de notre vivant. Nous comptons sur vous pour être aussi prudents, aussi attentifs et aussi lents que possible.
Il y a dans le projet de loi de nombreux articles dont d'autres pourront vous parler éloquemment, et au sujet desquels nous pourrions vous aider si nous avions eu davantage de temps pour consulter, comme cela nous arrive dans le cas de nombreux autres projets de loi. Mais nous ne jouissons pas de ce temps, d'où l'augmentation de la nécessité d'être vigilant. J'aimerais, au nom du Conseil, vous saisir d'un certain nombre de points.
Premièrement, le vrai problème du projet de loi est qu'il ne prévoit aucune véritable reddition de comptes. Je me souviens que lorsque nous étions ici pour examiner le crime organisé, nous avons parlé de la réaction à Shirose et Campbell. Le comité était très intéressé et nous a écoutés. En bout de ligne, des changements ont été apportés relativement à la reddition de comptes dans le cas de pratiques extraordinaires.
Notre pays a toujours fonctionné avec la lumière allumée. Le projet de loi est plein de noirceur, et nous aimerions donc vous suggérer ce qui suit au nom du Conseil canadien des avocats de la défense. Ceci est tiré de notre mémoire et je me permets de vous en faire la lecture:
-
Le projet de loi ne contient aucune mesure explicite de reddition
de comptes. Par conséquent, nous proposons la création d'un comité
présidé par un ancien juge de la Cour suprême du Canada ou d'une
cour d'appel provinciale, auquel seraient associés un membre du
Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et
constitutionnelles et un membre du Comité permanent de la justice
et des droits de la personne de la Chambre des communes. Ce comité
procéderait tous les trois mois à un examen de la loi et ferait
rapport à la Chambre chaque année.
-
Ainsi
—et seulement ainsi—
-
le public saurait qu'on rend compte de l'application de la loi. Le
comité que nous proposons agirait comme un protecteur du citoyen
qui examinerait l'utilisation des certificats ministériels les
autorisations d'écoute électronique, les arrestations préventives
et l'application des dispositions spéciales de ce projet de loi
afin de s'assurer que les cas d'abus sont corrigés et qu'on ne perd
pas de vue les objectifs de cette loi extraordinaire.
Sans un tel comité, sans une personne à l'extérieur du gouvernement, malgré les bonnes intentions des ministres, le projet de loi est un choc pour le droit pénal tel que nous le connaissons, et nous vous demandons d'envisager l'habilitation d'un comité pour en faire un examen continu.
Deuxièmement, il faut qu'il y ait une clause de temporisation, et cette clause doit avoir un sens. S'il y a bel et bien des dispositions du projet de loi dont vous êtes convaincus qu'il s'agit de mesures d'urgence que le gouvernement juge nécessaires d'adopter, alors adoptez-les, séparez les autres qui n'ont pas un caractère urgent et assortissez les dispositions d'urgence d'une clause de temporisation de façon à refléter le fait que ces dispositions sont peut-être nécessaires maintenant mais qu'elles ne le seront pas forcément plus tard.
• 1605
Je vous soumets respectueusement que de nombreux projets de
loi renferment des dispositions d'examen, mais les examine-t-on
véritablement le moment venu? Nous disons qu'il faut qu'il y ait
une solide clause de temporisation qui ait un sens. Si le
gouvernement américain peut le faire... lorsqu'il a adopté vendredi
dernier sa Patriot Act, celle-ci contenait une disposition de
temporisation. Nous devons faire de même.
Enfin, je dirais qu'il se trouve d'un bout à l'autre de ce document des mesures extraordinaires. Je vous demanderai de veiller, dans le cadre de votre étude article par article du projet de loi, à ce que le droit aux services d'un avocat ne soit pas vide de sens.
Seule une disposition, le paragraphe 83.28(11), sous la rubrique «Investigation», dit «Toute personne a le droit d'engager un avocat et de lui donner des instructions en tout état de cause». Nous disons dans notre mémoire que, d'après nous, cette protection de la Charte des droits est évidente et nous suggérons donc d'intégrer plutôt à ces dispositions le droit d'obtenir immédiatement l'assistance d'un avocat ou l'obligation pour la cour d'en désigner un d'office. Il est ridicule de dire que vous avez le droit d'engager un avocat au beau milieu d'une audience. Si une personne est détenue, si elle a été arrêtée en vertu de l'une de ces dispositions, alors on doit lui dire, comme on le fait déjà en temps normal en vertu de la Charte, qu'elle a le droit d'engager immédiatement un avocat et de lui donner des instructions.
Je demanderai également que soit insérée dans le projet de loi une disposition en vertu de laquelle les juges seraient tenus de se pencher sur le cas de l'accusé non représenté...
Une voix: Non accusé.
M. William Trudell: Excusez-moi, et, vous avez raison, peut-être non accusé—et de désigner quelqu'un afin que cette personne soit représentée. Nous travaillons tous dans un climat de peur. Aucun d'entre nous ne comprend ce qui se passe dans notre monde, mais il vous revient à vous, il nous revient à nous, d'être vigilants face à l'avenir.
Merci, monsieur.
Le président: Merci beaucoup.
Professeur Magnet, vous disposez de dix minutes.
M. Joe Elliot Magnet (professeur de droit, Université d'Ottawa): Merci, monsieur le président.
Je suis ici à la demande du comité et de son personnel et c'est pour moi un privilège que de tenter de vous être utile.
Je vais traiter de quatre sujets: la définition de l'activité terroriste, dont quelqu'un a fait état; les audiences d'instruction; la détention préventive; et l'opportunité d'une clause de temporisation.
Le projet de loi suit peu ou prou le modèle de la Terrorism Act du Royaume-Uni, promulguée en 2000. Il reprend, avec quelques aménagements, la définition britannique du terrorisme. C'est un projet de loi d'une importance exceptionnelle. Je pense qu'il nous faut anticiper les changements fondamentaux qu'il introduit dans notre société et notre mode de vie, de l'avis de certains.
Premièrement, le Canada n'est pas le Royaume-Uni. La Loi britannique de 2000 sur le terrorisme est axée sur le problème de l'Irlande du Nord. Le Canada n'a pas de problème irlandais ni ne connaît les actes terroristes qui l'accompagnent. Le Canada n'est pas une superpuissance. Ses intérêts ne sont pas projetés aussi loin à l'étranger que ceux des Américains ni n'entraînent dans leur sillage les considérations stratégiques américaines.
Le Canada doit également avoir à l'esprit la nature changeante du terrorisme moderne. On distingue trois tendances à long terme. Premièrement, il y a un recul du nombre d'incidents terroristes, une tendance à long terme. Deuxièmement, chaque incident est de gravité croissante. Et troisièmement, les réseaux terroristes s'inscrivent dans un paradigme de guerre, par opposition à ce que nous avons connu dans les années 80 et 90, qui était une diplomatie coercitive.
En ce qui concerne la définition du terrorisme du projet de paragraphe 83.01(1), j'y distingue en gros deux problèmes. Premièrement, la définition est en retard d'une guerre; deuxièmement, elle est trop vague et trop large.
• 1610
S'agissant du retard d'une guerre, le nouveau terrorisme n'est
pas de la diplomatie coercitive. Les terroristes ne formulent pas
de revendications. Les moyens ne sont pas proportionnels aux
exigences, comme c'était le cas des prises d'otages et des
détournements d'avion des années 80. Le nouveau terrorisme est
quelque chose de totalement différent. C'est une guerre asymétrique
livrée à des États par des réseaux non étatiques. Le paradigme en
est l'attaque contre l'USS Cole ou l'attaque du 11 septembre contre
le World Trade Center. Dans les deux cas, aucune exigence n'était
formulée. Nul ne demande à négocier quoi que ce soit. Ces actes
sont une démonstration belliqueuse de pouvoir et d'agression, et ce
qui les rend terroristes est la nature asymétrique du défi qu'ils
posent et le fait que des non-combattants sont pris pour cibles.
Aussi, conceptuellement, le projet de paragraphe 83.01(1) passe réellement à côté de ce que nous cherchons à combattre. Le concept réel, pour le résumer en quelques mots, est que le terrorisme moderne représente un acte qui serait considéré comme un crime de guerre si une guerre était déclarée, et le projet de loi C-36 semble passer à côté de cette réalité.
Plus concrètement, je discerne quatre problèmes. La disposition 83.01(1)b)(i)(A) est très vague et dénuée de substance. Elle me semble ouvrir la porte aux abus.
Le projet d'alinéa 83.01(1)b) contient le concept d'intimidation. Celui-ci est tangentiel aux actes de guerre et cette notion d'intimidation de la société englobe les activités fondamentales qui, dans notre société, procèdent d'une aspiration démocratique au changement. Il a été difficile, tant dans ce comité qu'au sein du comité sénatorial, d'expliquer en quoi les activités de certaines organisations syndicales—et de bons exemples en ont été donnés par le Barreau du Québec—ne constituent pas des actes terroristes, et il faut réellement pour cela couper les cheveux en quatre.
Le problème est que de nombreuses actions visant à réaliser un changement démocratique ne sont pas légales. Elles sont intimidantes, causent quelques dommages matériels ou économiques, et ce de façon intentionnelle. Ce concept les englobe toutes. Les exemples que nous avons entendus—et on pourrait en imaginer beaucoup d'autres—vont accabler les tribunaux et je pense que l'exemple du criminel de bas étage est convaincant. Ce n'est certainement pas ce que l'on cherche à faire, mais la définition ne permet pas réellement de l'éviter.
Troisièmement, le projet d'alinéa 83.01(1)c)—risque grave d'atteinte à la santé ou la sécurité publique—englobe un trop grand nombre d'actes inintentionnels, particulièrement des méfaits très juvéniles tels que l'incendie volontaire, ce genre de choses. Encore une fois, il ne s'agit pas de semer la confusion, de perturber l'application de la loi et de bouleverser l'équilibre des libertés civiles dans notre société.
Le projet d'alinéa 83.01(1)d)—les dommages matériels—est encore une fois très large et très dénué de substance. On peut citer de maints exemples. Nous en avons entendu quelques-uns. Le mien serait celui d'un manifestant étudiant de 19 ans qui occupe le bureau du doyen de l'université et qui sera pris par cette définition. Or, ce n'est probablement pas lui qui est visé et ce n'est pas de ce dont on veut débattre avec les responsables de l'application de la loi. Il ne faut pas semer la confusion dans l'esprit de ces derniers. Nous voulons un message clair, nous poursuivons un objectif. Il ne s'agit pas de semer la confusion dans l'esprit de la police, des services de sécurité et des juges.
Passons maintenant aux examens judiciaires obligatoires, les audiences d'instruction. Je ferais valoir à ce sujet que ces dispositions sont trop larges et contreviennent au droit au silence. Je sais que la ministre de la Justice a déclaré que ce n'est pas une violation du droit au silence, mais je suis en désaccord et j'aimerais expliquer pourquoi.
Je propose un amendement à l'alinéa 83.28(4)a) consistant à ajouter un sous-amendement 83.28(4)a)(iii) disant: «que des tentatives raisonnables ont été faites épuisant les méthodes d'investigation permissibles ou qu'il existe des circonstances impératives», et j'ajouterais la même chose sous forme de sous-amendement 83.28(4)b)(iv).
• 1615
Je ne me dissocie nullement des propos du Barreau du Québec,
qui sont très pertinents, et j'inviterais à tout le moins le comité
à exiger, si l'on doit tenir de telles audiences, que la police
fasse son travail d'abord. N'allez pas ramasser des gens dans la
rue et les contraindre à répondre, violant ainsi le droit au
silence. Faites le travail d'abord, et s'il n'y a plus d'autre
solution, ou s'il existe des circonstances urgentes ou impératives,
alors on pourrait voir si ces moyens draconiens sont nécessaires.
Je prends note de la position du Barreau du Québec, mais mon
amendement pourrait être un compromis que les membres du comité
voudront retenir.
La ministre dit qu'il n'y a pas de droit au silence. Sauf mon respect pour mon ex-collègue admirée—qui est toujours admirée mais qui n'est plus ma collègue de faculté de droit—elle dit qu'il y a un droit à ne pas s'incriminer soi-même mais pas de droit à refuser de témoigner. Si c'est généralement vrai, ce n'est pas la situation qui s'applique ici, à mon avis, car les pouvoirs conférés à l'article 83.28 peuvent être—et je pense seront probablement—utilisés en conjonction avec une détention, probablement en vertu de l'article 83.30.
Autrement dit, on vous place en détention préventive et vous êtes tenus ensuite de répondre aux questions. C'est la combinaison de la détention et de l'obligation de répondre qui est au coeur de tout le travail fait par la Cour suprême pendant les années 90 concernant le droit au silence. Je me ferai un plaisir de citer la jurisprudence à l'intention des journalistes.
Je soupçonne que la détention préventive combinée au témoignage obligatoire deviendra la norme. Autrement dit, mettons qu'une personne soit soupçonnée de posséder des renseignements ou d'être impliquée dans un incident terroriste. Nous n'avons aucune preuve mais de simples soupçons. Normalement, la police ne pourrait agir dans un tel cas. Mais ce qui va se passer, à mon avis, est que cette personne sera arrêtée, placée en détention préventive, contrainte de répondre aux questions, refusera—et nous aurons alors un débat sur la question de savoir s'il faut employer ou non des moyens physiques. Quelqu'un dira qu'une bombe atomique est cachée au Centre des Congrès; nous avons entre les mains cette personne qui sait. Alors nous aurons ce débat. Nous avons besoin de savoir: la fin justifie les moyens.
Ce débat a eu lieu en Israël, s'agissant des moyens utilisables par les services de sécurité généraux. Il est très émouvant de lire le jugement de la Cour suprême d'Israël dans sa décision sur la torture, de constater les limites imposées par la cour à l'usage de la torture, en dépit des risques sécuritaires que connaît ce pays. C'est un débat qui a déjà été ouvert par les médias. Si on va aller à de tels extrêmes, j'y serais opposé.
Nous ne savons pas quels sont les défis stratégiques. Nous savons qu'il y a eu quatre pilotes kamikazes. Nous ne savons pas s'il y en a plus. Nous ne savons pas s'il y en a 400 de plus ou 4 000. Il serait terrible de prendre ces moyens et de découvrir ensuite, comme cela a été le cas en 1970, qu'il n'y en avait pas d'autres mais que nous avons fait toutes ces choses. C'est profondément mal. Cela ne correspond pas à qui nous sommes et à ce que nous voulons être.
Je considère ce projet de loi comme une réaction excessive, bien que compréhensible. Un événement catastrophique s'est produit. Notre population a peur. Nous avons reçu une menace crédible de destruction massive. Cela fait longtemps que l'on parle d'armes de destruction massive, de terrorisme et maintenant cela s'est matérialisé. Mais je crains que notre peur et notre manque d'information nous entraînent dans une collision avec nos valeurs les plus chères. Ce qu'il nous faut, ce sont des renseignements adéquats susceptibles soit de nous calmer soit de nous permettre d'axer nos réactions sur les défis stratégiques réels. Or, nous ne connaissons pas encore ces derniers.
J'espère que mes propos seront utiles au comité. Merci de m'avoir invité.
Le président: Merci beaucoup, professeur Magnet.
Nous passons maintenant à l'Association du Barreau canadien, avec Simon Potter et Greg DelBigio.
M. Simon V. Potter (premier vice-président, Association du Barreau canadien): Monsieur le président, honorables députés,
[Traduction]
je me nomme Simon Potter. Je suis premier vice-président de l'Association du Barreau canadien.
J'ai l'honneur de remplacer notre président, Eric Rice, qui me prie, monsieur le président, de vous transmettre ses regrets. Je suis accompagné de M. Greg DelBigio, qui est membre de notre Section nationale du droit pénal et exerce à Vancouver. Il est également membre de notre Comité de la législation et de la réforme du droit.
Dès le dépôt du projet de loi C-36, le Barreau canadien a rassemblé une équipe d'experts d'un large éventail de disciplines—de fait les responsables des sections nationales du droit constitutionnel, du droit international, de l'immigration, des droits de la personne, de la justice pénale, des organismes de bienfaisance, du droit des affaires, du droit civil, des médias et communications, du droit de l'environnement et du droit des Autochtones. Ce projet de loi-cadre met en jeu tous ces éléments du droit.
Le mémoire que nous présentons, dans les deux langues, est le résultat de leur travail et a été avalisé par notre conseil d'administration samedi dernier. Je vais mettre en lumière certains des problèmes soulevés.
Notre réaction aux attentats terroristes doit réaliser un équilibre délicat entre la sécurité publique et les libertés individuelles, et ce dans le contexte d'un cadre juridique et démocratique qui a bien servi le Canada jusqu'à présent. Dans notre impatience de combattre le terrorisme et la peur qu'il engendre, de combattre le mal devenu indéniable le 11 septembre, nous devons veiller à protéger néanmoins les valeurs mêmes qui sont la cible des terroristes: la liberté, la justice et la primauté du droit.
[Français]
Le projet de loi C-36 a des répercussions profondes. À plusieurs égards, il remet en question plusieurs de nos droits et libertés, dont certains remportés de haute lutte. Ces droits et libertés ne doivent pas être abrégés sans motif suffisant. Non seulement un tel projet de loi doit-il être nécessaire, mais il doit aussi être façonné de façon à atteindre les objectifs du gouvernement sans enfreindre les droits protégés par la Charte.
[Traduction]
Par ailleurs, comme nous le verrons, indépendamment de la mise en question par le projet de loi C-36 des droits garantis par la Charte, ce texte introduit dans l'appareil juridique canadien des institutions et des mécanismes que la plupart d'entre nous auraient jugés mal avisés il y a seulement quelques mois. Il y a là des dérogations dramatiques aux règles et conventions longtemps jugées inattaquables, qui mettent en question des principes aussi fondamentaux que la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire et même la ligne de démarcation entre la vie privée et l'emprise de l'État.
M. DelBigio et moi-même aimerions nous concentrer ici sur quatre aspects particuliers du projet de loi: l'impératif d'une véritable clause de temporisation; la définition de l'activité terroriste; l'arrestation préventive et les audiences d'instruction. Tout en nous limitant à ces quatre éléments, monsieur le président, M. DelBigio et moi-même serons prêts à répondre à vos questions sur tous les autres aspects du projet de loi C-36.
La clause de temporisation: l'Association du Barreau canadien estime que le mécanisme de révision prévu par l'article 145 du projet de loi C-36 est insuffisant. Nous percevons dans le projet de loi C-36 de graves dérogations aux conventions admises, un élargissement tout aussi considérable des pouvoirs de la police, avec toutes les restrictions correspondantes imposées aux droits et libertés des citoyens.
La mesure est destinée à rendre les opérations du gouvernement plus opaques que ce que les Canadiens escomptent aujourd'hui. Toutes ces mesures sont tout à fait extraordinaires. Elles sont acceptables en cette période de réaction immédiate à une menace extraordinaire uniquement si les Canadiens ont l'assurance qu'elles sont temporaires.
Ces mesures extraordinaires nous sont présentées dans un projet de loi que le gouvernement veut forcément faire adopter le plus rapidement possible. L'Association du Barreau canadien croit que l'adoption de dispositions aussi dramatiques doit s'accompagner d'une clause de temporisation. C'est au gouvernement qu'il incombe de démontrer que de telles dispositions sont toujours nécessaires après la période de temporisation.
[Traduction]
Dans une situation de crise, les critères invoqués pour justifier une loi, que ce soit en vertu de l'article 1 de la Charte ou autrement, peuvent privilégier les intérêts collectifs, en l'occurrence la sécurité publique, au détriment des droits des individus. Mais les mesures prises pour répondre à une urgence ne doivent pas dépasser la durée de celle-ci.
Nous recommandons de modifier le projet de loi de façon à en prévoir l'expiration trois ans après la sanction royale, à l'exception des dispositions touchant la protection contre l'intolérance religieuse et raciale. Ces articles sont au nombre de trois dans le projet de loi.
En ce qui concerne la définition de l'activité terroriste, nous jugeons celle du projet de loi trop large.
[Français]
Définir le terrorisme n'est pas une tâche aisée. Bien que les attentats du 11 septembre aient été nettement de nature terroriste, il se peut que d'autres situations soient moins clairement identifiables.
Nos tribunaux ont, de façon constante, refusé de définir le concept. Peut-être ont-ils reconnu que la définition d'un acte terroriste peut dépendre de facteurs tels le contexte social, la perspective historique et l'identité raciale et religieuse ou autre appartenance collective.
[Traduction]
La tâche est difficile, mais il est nécessaire dans ce projet de loi de définir l'activité terroriste et l'infraction de terrorisme. Nous devons veiller à ce que le filet lancé attrape les terroristes, au sens où nous entendons ce mot, et non ceux qui se livrent à des formes de protestation pleinement acceptées dans une société libre et démocratique. Nous devons veiller à ce que seuls ceux qui doivent l'être soient exposés aux graves conséquences prévues dans ce projet de loi: arrestation et détention sans mandat, gel et saisie des avoirs, etc. Nous devons garantir que les extraordinaires mécanismes d'investigation n'entreront en jeu que pour combattre le terrorisme.
C'est pourquoi la définition doit émaner du Parlement et être aussi claire que possible. Les pouvoirs policiers comme ceux créés ici ne doivent pas être employés sur la base de l'interprétation que les services de police donnent de la définition, qui est trop large. La volonté du Parlement doit prévaloir, pas celle des agents de la paix.
La définition de l'activité terroriste donnée au paragraphe 83.01(1) du Code criminel comporte deux volets alternatifs. Le deuxième, l'alinéa 83.01(1)b), dont a fait état le professeur Magnet, propose cinq motifs possibles désignés par des lettres de (A) à (E). L'ABC considère que la disposition (E) est superflue et devrait être supprimée, de crainte que son existence n'autorise à appliquer les nouvelles mesures à des situations autres que celles décrites dans (A), (B), (C) et (D).
En effet, elle permettrait de déclarer qu'il y a terrorisme dans des cas de grève illégale ayant pour effet de perturber les services essentiels. Elle permettrait de déclarer qu'il y a terrorisme dans les cas où des services essentiels sont perturbés même lorsque il n'y a aucun dommage corporel ou matériel.
Le deuxième volet de la définition exige également que l'activité ait un motif politique, religieux ou idéologique. L'Association du Barreau canadien considère cela comme non seulement inutile mais aussi dangereux. C'est inutile car une attaque terroriste ne répondant à aucun de ces motifs, mais constituant simplement un moyen de chantage, n'en serait pas moins jugée terroriste. C'est dangereux, à notre sens, car cela ouvre la porte aux préjugés et à l'intolérance. La cible de ce projet de loi, ce sont les terroristes, et non des groupes religieux ou idéologiques particuliers. Ce critère devrait être supprimé.
• 1630
Je passe maintenant au premier volet de la définition,
l'alinéa 83.01(1)a), que le professeur Magnet a qualifié à juste
titre d'opaque. Il renvoie à plusieurs dispositions figurant déjà
dans le Code criminel, certaines adoptées il y a déjà 30 ans en
implication de dix conventions internationales.
Sachant que le projet de loi modifie aussi l'article 2 du Code criminel de manière à préciser que «l'infraction de terrorisme» englobe tout acte criminel «dont l'élément matériel—acte ou omission» constitue une «activité terroriste», cet alinéa 83.01(1)a), la première alternative, est presque certainement superflue. Cependant, son libellé laisse une place suffisante au doute quant à sa signification que ceux confrontés aux effets de ce projet de loi devraient consulter toutes les dix conventions pour acquérir une certitude.
Je passe maintenant à l'arrestation préventive.
[Français]
L'arrestation sans mandat et la détention sans mandat ne devraient être utilisées que dans des situations exceptionnelles. Ce pouvoir ne doit s'appliquer que dans une situation où l'activité terroriste est imminente. Le paragraphe 83.3(4) proposé devrait donc être modifié.
Les dispositions relatives à l'interrogatoire forcé, comme plusieurs autres dispositions du projet de loi, ne protègent pas suffisamment la confidentialité des communications entre les clients et leurs avocats.
[Traduction]
L'Association du Barreau canadien apprécie cette occasion de vous faire part, monsieur le président, de ses réflexions sur ce projet de loi très important. Le débat est difficile, mais il fait partie de notre quête commune d'une réponse appropriée. Nous devons veiller à ce que la réponse cible les terroristes et leurs organisations et ne touche les autres membres de la société que dans la mesure nécessaire. Nous devons veiller à ce que la réponse n'usurpe pas les droits et libertés mêmes que les terroristes attaquent.
M. DelBigio et moi-même sommes prêts à répondre à vos questions.
Le président: Merci à tous les témoins.
Vos témoignages sont très utiles à nos délibérations et stimulent la réflexion. Je pense que vous allez en avoir des preuves tout de suite.
Monsieur Toews, vous disposez de sept minutes.
M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux me faire l'écho de vos propos. J'ai apprécié chacune des présentations. Je les ai trouvées très réfléchies et certainement utiles, même lorsque je suis en désaccord avec vous. Le comité a entendu les témoignages d'experts, par exemple le professeur Wilkinson, qui ont indiqué qu'il ne s'agit pas là d'une crise temporaire mais d'une menace sous laquelle nous vivrons pendant de nombreuses années.
Je pense que la difficulté avec laquelle nous nous débattons, en tant que membres du comité et parlementaires, est de ne pas simplement réagir à une crise immédiate mais de mettre en place une loi pour le plus long terme. Cela rend la tâche plus ardue. Dans ce contexte, il est évident que nous avons besoin d'un mécanisme de révision efficace.
J'ai été particulièrement attiré par la proposition de M. Trudell, à laquelle je vois beaucoup d'avantages. Quelle que soit la formule employée, peut-être en conjonction avec une clause de temporisation ou quelque chose d'autre, vous nous avez beaucoup donné à réfléchir s'agissant de mener à bien cette tâche très ardue.
J'aimerais aborder deux aspects spécifiques. Vous avez très bien couvert le premier, soit la définition de l'activité terroriste. Moi-même, ancien avocat, je nourris quelques réserves sur son libellé, en particulier l'adoption par référence qui engendre une certaine ambiguïté quant à la nature des actes couverts. C'est manifestement un problème.
Un autre écueil dans ce contexte, bien entendu, est la définition de terrorisme comme étant un acte commis «au nom d'un but de nature politique, religieuse ou idéologique». Cela me chiffonne beaucoup, étant donné la manière dont notre pays a été formé et le nombre de groupes religieux, idéologiques et politiques en notre sein. Je crains que cela ait pour effet—peut-être indirect, mais non moins réel—d'axer le processus judiciaire sur une analyse de ces motifs. Ce ne serait pas positif.
• 1635
Je ne vois pas de nécessité juridique à cette phrase. En tout
cas les Américains, qui ont pris une position très ferme contre le
terrorisme, n'ont pas jugé nécessaire d'avoir ce type de
disposition.
En second lieu, je partage vos préoccupations concernant les dispositions draconiennes permettant de refuser l'accès à l'information détenue par les ministères sur simple certificat d'un ministre. Je ne pense pas que les gens réalisent l'importance de cette disposition. À bien des égards, elle est d'encore plus grande conséquence que certaines des incursions dans les libertés civiles. Cela aurait un effet dramatique à l'échelle de toute l'administration car cela pourrait empêcher de tenir le gouvernement responsable, non seulement dans des cas particuliers, aussi graves qu'ils puissent être, mais pour toute une politique gouvernementale qui pourrait globalement être couverte par un certificat du ministre. L'information peut être recouverte du sceau du secret sans aucun recours devant un organe indépendant.
Le Commissaire à la protection de la vie privée a exprimé sa préoccupation et indiqué qu'il serait disposé à réviser, dans la confidentialité, les décisions du ministre. Cela vaut certainement mieux que rien, car je respecte le Commissaire à la protection de la vie privée. Je m'inquiète également des intérêts sécuritaires dont le ministre doit tenir compte s'agissant de renseignements en provenance de source étrangère ou confidentielle.
J'aimerais avoir votre avis et votre contribution sur ces deux aspects.
M. Simon Potter: Eh bien, monsieur Toews, je suis heureux que vous ayez attiré l'attention sur cette partie du projet de loi, modifiant la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur l'accès à l'information, qui permet au procureur général de simplement délivrer un certificat et de bloquer l'accès. Cela nous trouble grandement et nous formulons une recommandation à cet égard dans notre mémoire.
Tout d'abord, nous pensons qu'il est excessif—même dans la mesure où une telle méthode est nécessaire—de permettre au procureur général de bloquer l'accès dans le but de «protéger les relations internationales». Nous pensons que c'est donner une trop grande latitude et nous craignons que ce pouvoir soit exercé en secret, puisque la même disposition prévoit également la non-application de la loi sur les textes réglementaires. Autrement dit, vous pourrez demander le renseignement, on vous le refusera, et vous ne saurez même pas pourquoi ni ne connaîtrez même l'existence du certificat. L'ABC est opposée à cela.
Nous signalons également qu'il existe déjà aux articles 37 et 38 de la Loi sur la preuve au Canada des mécanismes permettant de bloquer l'accès à l'information pour des raisons de sécurité nationale. Ce sont là des aspects avec lesquels votre comité va devoir se débattre. Bien que n'étant pas présenté comme une réponse à une situation d'urgence, monsieur Toews, le mécanisme proposé fait certainement partie d'une réaction immédiate à un événement très récent. C'est pour cette raison que nous pensons que cette sorte de disposition devrait être assortie d'une limite de temps.
Le président: Merci beaucoup.
Je donne la parole à M. Trudell, avant M. Gervais, et nous irons ensuite à Mme Venne.
M. William Trudell: Merci, monsieur le président.
Monsieur, j'ai été très intéressé par vos commentaires sur des témoignages antérieurs disant que les problèmes de sécurité seraient de longue durée. C'est pourquoi nous disons, au nom du Conseil canadien des avocats de la défense, que les dispositions immédiatement nécessaires—si vous en voyez—soient promulguées, avec une limite de temps, et que celles répondant à des préoccupations à plus long terme soient traitées à part.
La révision par le Commissaire à la protection de la vie privée proposée vaut mieux que rien, mais nous pensons qu'une instance externe—un ancien juge—de concert avec un représentant de ce comité et d'un du comité sénatorial offrirait un meilleur équilibre.
Le ministre peut recevoir des renseignements du gouvernement américain mais sans que ces renseignements soient fiables. Le ministre, agissant sur la foi de ces renseignements dans un climat de peur, pourrait être amené à délivrer un certificat. C'est ce genre de circonstances qu'il faudrait revoir sur une base trimestrielle.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Trudell.
Monsieur Gervais.
[Français]
Me Francis Gervais: Nous partageons en grande partie les propos de notre collègue Potter.
Dans le mémoire que nous allons déposer, nous allons peut-être un peu plus loin en reconnaissant que dans certaines circonstances, il devrait y avoir au moins un contrôle judiciaire. On n'a qu'à regarder de nombreuses lois en matière d'accès pour voir que le processus d'examen à huis clos, hors la présence de l'individu, existe dans plusieurs de ces circonstances, permettant à tout le moins à un arbitre neutre, à un juge de la Cour supérieure ou de la Cour fédérale, selon notre suggestion, d'examiner de de faire une révision.
À ce moment-là, il y a moyen de protéger l'objectif du gouvernement, c'est-à-dire de ne pas divulguer l'identité de la personne qui est impliquée et la nature de l'information. Donc, il y a des mécanismes.
• 1640
Il y a également la possibilité, comme on l'a vu dans
plusieurs autres lois, qu'il y ait un contrôle
gouvernemental ou un contrôle de la Chambre. Aucune
disposition n'est prévue pour
l'instant dans le texte de loi, mais
rien n'empêcherait que le
ministre de la Justice ou le solliciteur général
soit appelé à faire rapport annuellement
ou bisannuellement à la Chambre relativement aux
circonstances et au nombre de fois où les certificats
ont été employés, ce qui permettrait à
la Chambre d'avoir un contrôle
politique en même temps qu'un contrôle judiciaire.
Merci.
Le président: Merci.
Madame Venne, sept minutes.
Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Avant de commencer, monsieur le président, j'aimerais faire appel au Règlement, si vous le voulez bien.
Nous avons reçu ce matin le mémoire de l'Association du Barreau canadien, et j'aimerais savoir s'il a été distribué par votre bureau ou s'il est venu directement de l'association. S'il est venu de votre bureau, j'aimerais en demander une traduction. J'ai compris que l'association n'avait pas eu le temps de le traduire...
Une voix: [Note de la rédaction: inaudible].
Mme Pierrette Venne: Oui, mais j'ai ici 15 pages en français et 62 pages en anglais. Je veux bien comprendre qu'il y a une petite différence, quand même.
M. Simon Potter: Si vous me le permettez, monsieur le président, je dirai à madame qu'elle a entièrement raison.
Mme Pierrette Venne: Ce n'est pas vous que j'accuse. Je veux simplement savoir d'où ça vient.
M. Simon Potter: C'est parce que la soumission globale n'a pu être traduite...
Mme Pierrette Venne: C'est ce que j'ai compris.
M. Simon Potter: ...à temps pour aujourd'hui que nous avons distribué le sommaire par l'entremise du comité. Notre soumission est disponible auprès de nos membres et vous avez peut-être reçu...
Mme Pierrette Venne: C'est pourquoi je demande que le comité en fasse faire la traduction.
M. Simon Potter: Nous nous occuperons de la traduction dans les prochains jours, madame.
[Traduction]
Le président: Madame Venne, lorsque l'Association du Barreau canadien a offert de nous fournir ce texte, il était entendu que nous recevrions des résumés en anglais et en français. C'est sur cette base que les textes ont été distribués. Malheureusement, ce n'est pas ce que nous avons reçu, si j'ai bien saisi ce qui s'est passé. Je vous présente mes excuses et nous serons plus vigilants dorénavant et vérifierons exactement ce que nous recevons.
[Français]
Mme Pierrette Venne: Je suis obligée de faire appel au Règlement à chaque fois, mais il me semble qu'il est de mon devoir de le faire. J'espère que ça ne se reproduira pas, monsieur le président.
J'arrive à ma première question. M. le bâtonnier a mentionné tout à l'heure qu'il voulait une loi spécifique. Je pense que ça serait intéressant, mais étant donné que la ministre de la Justice veut procéder très rapidement, je ne crois pas que ses voeux et les nôtres soient exaucés.
Dans ce cas-là, ma première question, qui s'adresse à vous tous d'ailleurs, est celle-ci. Est-ce qu'un clause crépusculaire, d'extinction ou de temporisation de trois ans vous satisferait, avec une révision annuelle, évidemment? On en a légèrement parlé plus tôt, mais comme vous n'avez pas tous émis votre opinion là-dessus, j'aimerais la connaître.
Mon autre question est plus spécifique au nouvel article 83.3 du Code criminel, qui dit qu'on permettrait à un agent de la paix, s'«il a des motifs raisonnables de soupçonner» que la mise sous garde de la personne est nécessaire afin de l'empêcher de commettre un acte criminel, d'arrêter cette personne sans mandat. Je trouve qu'il y a une contradiction entre «motifs raisonnables» et «soupçonner».
Pour vous, peut-on faire une distinction entre ces deux termes et comment croyez-vous que ce sera interprété par nos agents de la paix? Est-ce que l'on doit prendre une norme ou l'autre, ou si vous croyez que les deux sont conciliables?
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Je donne la parole en premier à M. Ouimet.
[Français]
Me Gilles Ouimet: Merci, monsieur le président.
Madame Venne, en ce qui concerne la proposition de la clause crépusculaire ou toute forme de temporisation, le Barreau du Québec est d'accord. La proposition d'une loi séparée était un moyen additionnel, mais qui peut très bien être joint à la clause crépusculaire. Le Barreau se rallie aux propositions faites sur ce point.
• 1645
Quant à la question plus technique du libellé du paragraphe
(4) de l'article 83.3 proposé, en fait, cela reprend une
norme qui se trouve déjà dans certaines lois fédérales,
plus particulièrement la Loi sur les douanes, qui
prévoit des motifs d'intervention pour les agents de
la paix lorsqu'il existe des motifs raisonnables de
soupçonner. La Cour suprême du Canada, il y a quelques
années, a interprété cette norme.
Ce qui est exorbitant ici, c'est qu'on porte atteinte à la liberté dans un contexte qui n'a rien à voir avec celui des douanes, avec ce qui avait été validé dans le contexte douanier. Là, on l'introduit dans une disposition du Code criminel qui s'applique de façon plus générale.
Maintenant, quant à l'interprétation, effectivement, les motifs raisonnables et les motifs raisonnables de soupçonner ne sont pas la même chose. La norme adoptée est beaucoup moins sévère, moins rigoureuse.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Trudell.
[Traduction]
M. William Trudell: La loi américaine prévoit l'expiration le 31 décembre 2005. Si c'était le genre de clause de temporisation qui intéressait le comité, nous y serions favorables, à condition qu'elle soit combinée à des examens annuels effectués par un organe indépendant, comme nous le suggérons—mais notre préférence serait de limiter l'application à trois ans.
Deuxièmement, s'agissant du soupçon, le conseil craint que les agents de police agissent également par peur. Le soupçon est une norme très faible. Je vous renvoie également, s'agissant de saisie et de blocage de biens, au projet de paragraphe 83.13(1.1) du Code criminel, qui prévoit un affidavit fondé sur «ce que sait ou croit le déclarant», rien de plus. Je vous lis ce paragraphe:
-
L'affidavit qui accompagne la demande peut contenir des
déclarations fondées sur ce que sait ou croit le déclarant, mais le
fait de ne pas offrir le témoignage de personnes ayant une
connaissance personnelle des faits importants ne peut donner lieu
à des conclusions défavorables.
Ce genre de disposition ouvre grand la porte, à mon humble avis, à ce que les agents de police agissent sur le plus ténu des soupçons. Cela cause un problème sérieux lorsqu'il s'agit de personnes ne connaissant pas la langue—d'immigrants dans ce pays.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Lomer.
M. Michael Lomer: En ce qui concerne la clause de temporisation, je m'inquiète si les experts disent au comité que le terrorisme sera un problème permanent pour l'humanité et que pour cette raison on ne peut avoir de clause de temporisation. Le terrorisme existe depuis des siècles. Guy Fawkes était un terroriste. Il a pénétré au Parlement dans le but express de le faire sauter. C'était il y a quatre siècles. Le terrorisme continuera d'exister, mais ce qui n'existera pas nécessairement dans trois ans est la perception que nous avons besoin de ces pouvoirs extraordinaires. C'est pourquoi nous pensons qu'une clause de temporisation est une nécessité: notre optique va inévitablement changer. Et c'est pourquoi nous pensons qu'une telle clause sera le moyen le plus efficace de resoumettre cette loi au Parlement.
La dernière remarque que je ferai intéresse aussi la saisie de biens évoquée par M. Trudell. Pour une raison que j'ignore, le projet de loi fait entrer dans le circuit, pour des affaires de droit pénal, un juge de la Cour fédérale. Jamais auparavant les juges de la Cour fédérale n'ont été mêlés au droit pénal. Je demande pourquoi? Pourquoi voulez-vous que nous allions en Cour fédérale? Je ne pense pas...
Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]
M. Michael Lomer: Oui, peut-être bien, mais je ne pense pas que les procureurs provinciaux sauront seulement où trouver la Cour fédérale, très franchement.
Le président: Là-dessus je donne la parole à M. DelBigio.
M. Greg P. DelBigio (membre, Comité sur la législation et la réforme du droit et Section nationale du droit pénal, Association du Barreau canadien): Merci.
Il faut bien voir que le contexte est l'application du droit pénal et non d'un texte réglementaire. Les critères régissant la croyance sont beaucoup plus rigoureux que ceux régissant le soupçon et il est très facile d'appliquer abusivement la norme inférieure.
Il faut savoir aussi que si le critère du soupçon est maintenant incorporé dans le Code criminel, c'est uniquement en rapport avec un contrôle routier—l'administration de l'alcootest sur le bord de la route. C'est une suspension de liberté très temporaire.
• 1650
Or, on a ici une suspension de liberté beaucoup plus grande,
fondée sur une norme très basse. Il peut y avoir abus. C'est pour
cette raison qu'il importe d'avoir une véritable clause de
temporisation.
Le président: Merci beaucoup.
Je vois que M. Magnet est impatient de répondre également.
M. Joe Elliot Magnet: Oui, je pense qu'une clause de temporisation est nécessaire, mais même alors je ne pourrais souscrire à certaines de ces mesures et je vais vous dire pourquoi. Nous avons à l'Université d'Ottawa 1 000 étudiants musulmans et je connais très bien certains d'entre eux. Certains sont des gens très brillants inscrits à notre faculté de droit. Ils seront avocats, à nos côtés. Certains ont travaillé pour l'administration et ont dû obtenir une cote de sécurité.
Pour l'obtenir, ils ont dû répondre à des questions du même type que celles qui seront posées dans ces audiences d'instruction, des questions hautement déplaisantes: «Qui sont vos amis?» et toute cette sorte de choses et «Que font-ils?» Il est évident que cela n'a rien à voir avec leur cote de sécurité, que les autorités cherchent tout simplement des renseignements, par le biais d'un étudiant brillant de 23 ans, pour combler des lacunes dans leurs méthodes d'enquête.
Je sais que ce qui va se passer: quelques-uns parmi ce millier d'étudiants de l'Université d'Ottawa vont se faire ramasser comme étant les «suspects habituels» et subir des choses très désagréables.
Qui sont ces gens? C'est nous, ce sont nos citoyens. Nous devons faire très attention de ne pas transformer en eux une pointe d'angoisse en une grave désaffection.
C'est ainsi que fonctionnera cette loi. Nous devons faire très attention à la façon dont nous traitons notre famille.
Le président: Merci, professeur Magnet.
Bill Blaikie vous avez la parole pour sept minutes.
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Merci, monsieur le président, et merci aux témoins de nous avoir fait part de leurs préoccupations. Ces dernières sont certainement similaires à celles que le NPD éprouve depuis le début du débat sur le projet de loi.
Au lieu de vous demander de répéter encore et encore les préoccupations que je partage déjà, j'aimerais revenir sur deux éléments mentionnés ici dont personne n'avait encore parlé au comité. Ce ne sont peut-être pas des aspects primordiaux, mais par exemple M. Gervais a fait état de divergences entre la version anglaise et la version française du projet de loi.
Ce n'est pas une chose sur laquelle nous nous sommes beaucoup penchés, mais peut-être pourrait-il nous donner quelques exemples de ces divergences et des conséquences qui pourraient en résulter.
Le président: Monsieur Ouimet.
M. Gilles Ouimet: Puisque je suis là pour les petits détails, il me serait difficile à ce sujet... En gros, lorsqu'on lit la version française et qu'on la compare à la version anglaise, on se rend compte qu'il faut lire la version anglaise pour savoir ce que le législateur souhaite. La version française est très mal rédigée, si je puis me permettre cette opinion.
Un exemple est la définition de la «facilitation» au paragraphe 83.01(2), l'article 4 du projet de loi. Lorsqu'on lit la version française, ce n'est pas le même message qui ressort que dans la version anglaise.
M. Michael Lomer: C'est peut-être une bonne chose.
M. Gilles Ouimet: Pas nécessairement, mais c'est un autre débat.
Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.
M. Bill Blaikie: Eh bien, quel est le message?
M. Gilles Ouimet: Mon interprétation de la version anglaise est qu'il n'est pas nécessaire de prouver qu'une infraction donnée était envisagée lorsque l'acte a été commis.
Cela signifie que la personne ne devait pas nécessairement savoir qu'une activité terroriste était envisagée.
Il y a là une grande différence. C'est pourquoi je pense que la version française laisse à désirer. Cela est un exemple frappant, mais il y a beaucoup d'autres cas où il manque un mot ici et là.
J'ai un autre exemple au sujet du mandat d'arrestation. C'est le projet de paragraphe 83.28(5), à l'article 4. Il manque beaucoup de «ou» et «et» de ci de là pour que l'on puisse comprendre le sens de la version française.
• 1655
Nous recommandons donc, à tout le moins, une révision complète
de la version française.
M. Bill Blaikie: J'ai une deuxième question pour M. Lomer, monsieur le président.
Une autre objection—soulevée, je pense, pour la première fois—est qu'une bonne partie du premier volet de la définition de l'activité terroriste est, pour reprendre votre terme, «référentielle». Le texte renvoie à des définitions d'une autre loi qui ne sont pas incorporées dans cette loi-ci, et par conséquent pas dans le Code criminel lui-même, sinon par référence. Pourriez-vous nous expliquer en quoi cela est un problème, car il me semble que c'est une objection nouvelle.
M. Michael Lomer: Le renvoi est en fait à des articles du Code criminel. Toutes ces références figurent à l'article 7. Mais les paragraphes de l'article 7 auxquels on fait référence confèrent au Canada une compétence extraterritoriale à l'égard de certaines infractions. Par exemple, le détournement d'un avion canadien à l'étranger devient une infraction au Canada, alors qu'ordinairement le détournement d'un avion canadien, mettons, entre Munich et Israël échappe normalement à notre juridiction.
Ma principale doléance est que si vous voulez faire du détournement d'avion une activité terroriste, alors dites-le, car ce que vous faites en incorporant par référence, c'est incorporer non pas des dispositions créant des infractions mais des dispositions sur l'extraterritorialité. Séparez les deux. Mettez à part vos articles sur les infractions. Il existe déjà dans le projet de loi une disposition sur l'extraterritorialité.
Je ne pense pas que quiconque prenne ombrage à ce que le Canada s'accorde le droit de prendre certaines mesures extraterritoriales pour éviter que ses citoyens participent à des activités terroristes ou que ses avions soient détournés. Nul ne conteste cela. Le problème est la méthode de l'incorporation par renvoi. On renvoie au mauvais article. Si vous parlez d'enlèvement, incorporez par renvoi l'article sur les enlèvements, mais pas une convention autre. C'est réellement difficile. C'est tout ce que je voulais dire par là.
Le président: Merci, monsieur Lomer.
Peter MacKay, sept minutes.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC/RD): Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins. Je pense que ce qui transparaît de vos témoignages et de ceux que nous avons déjà entendus est qu'il s'agit là d'un projet de loi de très vaste portée et extrêmement complexe. On est amené à se dire, tout comme dans le cas de la nouvelle Loi sur les jeunes contrevenants et d'autres lois-cadres qui ont un profond impact, qu'il faut pratiquement la flanquer d'un manuel ou d'une sorte de guide pour que la police, les juges, tant fédéraux que provinciaux, et les procureurs et avocats de la défense puissent s'y retrouver.
S'agissant de la Cour fédérale et de l'instance où ces poursuites peuvent être faites, ma lecture du projet de loi est que le ministre de la Justice peut décider à quel palier—fédéral ou provincial—les poursuites seront intentées. Cela crée un peu une anomalie.
Par ailleurs, je partage la préoccupation que vous avez exprimée au sujet du manque de responsabilité ou de supervision. Elle existe dans certains articles, avec une mention expresse d'un contrôle judiciaire, par exemple dans le cas des certificats d'oeuvre de bienfaisance. Mais lorsqu'il s'agit des certificats délivrés par le procureur général elle—ou il si jamais il y a un remaniement du Cabinet—est totalement exemptée de toute sorte de reddition de comptes, n'ayant même pas indiquer les raisons de la délivrance du certificat, si bien que la personne visée par l'action de la police ne sera jamais informée.
Cette absence de divulgation se retrouve dans tout le projet de loi. Lorsqu'une personne est placée en détention—ce sera ma première question—à votre sens, est-il exact qu'il n'est pas nécessaire de l'informer de la raison de la mise en détention ou même du fait qu'elle est l'objet d'une enquête précise? Selon mon interprétation, on peut vous appréhender à titre de témoin et vous détenir pendant 72 heures.
Par ailleurs, si la personne décide de ne pas collaborer—et cela est très alarmant—aux termes des dispositions sur les audiences d'instruction, si elle refuse de collaborer, on peut la placer en détention préventive pendant plus de 12 mois, sans obligation écrite de justifier devant un juge... La personne peut être détenue jusqu'à 12 mois. Ce sont des mesures extrêmes, c'est le moindre qu'on puisse dire.
• 1700
On a parlé ici de la saisie de biens. Encore une fois, je ne
vois aucune disposition explicite prévoyant une indemnisation en
cas de saisie injustifiée ou de gel de biens pendant une longue
période. Il n'y a pas non plus de recours ou de sanction, si vous
voulez, contre la Couronne si une personne est détenue sans
justification pendant une période prolongée et qu'il s'avère que
les autorités ont commis une faute. J'aimerais avoir votre avis sur
ces aspects.
S'agissant des mécanismes de surveillance, la police a une latitude accrue d'utiliser des moyens de surveillance, avec notamment le pouvoir donné au ministère de la Défense nationale de procéder à des écoutes téléphoniques pendant une période plus longue. Il y a un pouvoir discrétionnaire donné au ministre de la Défense nationale de mettre sur pied une commission de surveillance, mais selon le libellé de cette disposition, il n'y est pas tenu.
J'aimerais donc connaître vos réactions à tous sur l'un ou l'autre de ces points.
Le président: Merci, monsieur MacKay.
Je donne la parole en premier à M. Trudell.
M. William Trudell: Merci.
L'audience d'instruction au projet d'article 83.28 est brutale. C'est une mesure extraordinaire reposant sur une pure spéculation et contraire aux droits fondamentaux.
Le projet de paragraphe 83.28(10) stipule:
-
Nul n'est dispensé de répondre aux questions ou de produire une
chose aux termes du paragraphe (8) pour la raison que la réponse ou
la chose remise peut tendre à l'incriminer ou à l'exposer à quelque
procédure ou pénalité,
Ensuite sont énoncées certaines limites.
Ce paragraphe est l'un des plus mal compris et des plus dangereux de tout le projet de loi. Très franchement, vous-même pourriez en être victime. Il s'agit là d'un outil d'enquête. Il n'est pas question de mise en accusation. Pour une raison moindre qu'une crainte d'insurrection, on peut vous embarquer. On peut vous demander de produire n'importe quoi et on exige que vous répondiez à n'importe quelle question. Vous n'avez même pas droit à un avocat.
Si un agent de police dit à un procureur de la Couronne: «Au fait, nous avons quelques questions à lui poser, mais nous ne sommes pas encore prêts, nous avons besoin d'encore un jour ou deux», vous n'aurez aucun recours et, en toute autre circonstance, vous trouveriez ces procédés totalement odieux.
Vous avez tout à fait raison. Jamais nous n'aurions imaginé que de telles choses deviendraient possibles au Canada. Je suppose que la ministre de la Justice vous a dit pourquoi cela est important, mais pour ma part je n'en vois pas la raison.
M. Peter MacKay: Monsieur Trudell, pour rester sur ce sujet, je trouve presque pervers que ces dispositions sur cette audience d'instruction ou cette inquisition ajoutent qu'aucune preuve ainsi obtenue ne peut être utilisée dans un procès. Ainsi, si une personne est longuement interrogée, à titre de témoin ou d'accusé, ou tenue de produire une preuve tangible, contrairement à ce qui se passe dans une enquête préliminaire, cette preuve est inadmissible en tribunal. Que se passe-t-il si, supposons, quelqu'un au cours de cet interrogatoire passe à table, avoue tout, apporte l'arme du crime? Que se passe-t-il alors, avec cette législation?
Le président: Merci, monsieur MacKay.
Nous écoutons M. Trudell, M. Lomer, M. Ouimet. Merci.
M. William Trudell: Sauf mon respect, il s'agit là d'un article qui favorise la paresse lors des enquêtes. Des gens vont se faire ramasser qui ne comprennent pas l'anglais et on va les garder en détention pendant que la police poursuit son enquête. C'est une mesure très grave.
Le président: Monsieur Lomer.
M. Michael Lomer: J'aimerais traiter de plusieurs des questions que vous avez soulevées, M. MacKay. Premièrement, en ce qui concerne la saisie de biens, et laissant de côté quelques autres aspects, y a-t-il une raison ou une justification au paragraphe 83.14(11) qui stipule:
-
La cour ne peut proroger le délai visé au paragraphe (10).
—il s'agit là de la requête d'annulation ou de modification.
Peut-être vous l'a-t-on déjà fait remarquer. Il n'y a aucune garantie que le propriétaire du bien sera avisé de l'ordonnance dans les 60 jours, mais le texte dit expressément que même si vous n'avez pas été avisé de l'ordonnance de saisie, vous perdez votre recours. Vous ne pouvez rien contester, vous n'avez aucun recours.
Je dois vous dire que l'article 8 de la Charte ne laissera pas passer cela. Indépendamment de cela, ce n'est tout simplement pas juste.
• 1705
Par exemple, prenons une situation où un groupe terroriste
utilise un chalet. La police ne connaît pas le propriétaire, elle
saisit le chalet et vous en êtes informé 60 jours après parce qu'un
avis est cloué sur la porte. Mais vous l'avez déjà perdu, vous ne
pouvez même plus y accéder.
Par ailleurs, s'agissant des méthodes de surveillance, la Cour suprême, dans l'arrêt Garofoli, a déjà établi que l'écoute téléphonique est constitutionnelle, mais avec les garanties de l'ancienne loi. Ici, il n'y a pas de garantie. La porte est grande ouverte.
Je signale également que si vous aviez une clause de temporisation dans cette loi, cela contribuerait largement à satisfaire aux critères de l'article 1, soit la dérogation à une liberté civile dont on peut démontrer la justification. Je le signale car vous voudrez peut-être tenir compte de ce facteur.
Le président: Merci, monsieur Lomer.
Monsieur Ouimet.
M. Gilles Ouimet: Avec votre permission, très brièvement, pour ce qui est d'être informé des raisons de la détention, j'aime croire que l'article 10 de la Charte s'appliquera néanmoins. Il garantit le droit d'une personne à être informée des raisons de sa détention. Même si la personne n'est pas accusée, le seul fait d'être détenu déclenche l'article 10. Voilà qui règle ce problème.
Pour ce qui est des projets d'articles 83.28 et 83.29, je partage vos préoccupations. Il n'y a absolument aucune limite à la durée pour laquelle la personne sera contrainte de participer à l'investigation. Il manque toutes sortes de choses dans ce projet de loi qui le rendraient plus raisonnable.
En ce qui concerne le projet de paragraphe 83.29(1), les motifs justifiant un mandat d'arrestation si le témoin est susceptible de s'esquiver ou de se soustraire. D'autres dispositions du Code criminel obligent le juge à considérer l'intérêt public avant d'émettre un mandat d'arrestation. Nous pensons que l'inclusion de cela serait une amélioration.
Le président: Merci, Monsieur Ouimet.
Le président: John McKay, sept minutes.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci à tous de vos présentations. J'imagine que vous aimeriez tous avoir davantage de temps pour réfléchir aux répercussions. Malheureusement, nous vivons des circonstances extraordinaires.
J'aimerais revenir sur le dernier commentaire de M. Lomer concernant la justification démontrable. En fin de compte, tout revient à la révérence accordée au Parlement—la révérence des tribunaux, de la Cour suprême en particulier, envers le Parlement dans cette situation extraordinaire. C'est pourquoi j'aimerais connaître votre avis à tous sur la suggestion du Barreau du Québec de placer tout cela dans une partie distincte du Code criminel—une loi autonome, une loi spéciale.
Est-ce que la création de cette loi, ou la mise en place de cette loi dans une partie spéciale du Code criminel consacrée au terrorisme, faciliterait cet effacement devant le Parlement et la démonstration de la justification? Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il y aura contamination entre cette loi et le Code criminel. Je ne peux pas imaginer comment un agent de police arrêtant quelqu'un sur des soupçons pourra réellement faire la différence entre une infraction de terrorisme et une infraction ordinaire au Code criminel.
J'aimerais également savoir ce que vous penseriez d'une combinaison d'entrée en vigueur différée et de temporisation. Encore une fois, des pressions politiques énormes s'exercent sur le gouvernement afin qu'il réponde aux craintes légitimes des Canadiens pour leur sécurité, et ce projet de loi va être adopté sous une forme ou une autre. Cela ne signifie pas que tous ces éléments doivent être promulgués immédiatement. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez d'un comité permanent spécial du Parlement doté d'un pouvoir de surveillance dans ce domaine.
Je ne connais pas aussi bien que je le devrais les dispositions de temporisation américaines. J'imagine que la peur du terrorisme y est plus grande que chez nous.
• 1710
La troisième question porte spécifiquement sur le délit de
facilitation et s'adresse à l'Association du Barreau canadien. Vous
proposez, dans vos recommandations, de transférer le projet
d'alinéa 83.01(2)c) dans le projet d'article 83.19. Je comprends
que vous veillez déplacer cet alinéa, mais pourquoi ne pas déplacer
également les alinéas a) et b)?
Mes autres questions ne s'adressent à personne en particulier. Peut y répondre qui veut.
Le président: Une question a été posée spécifiquement au Barreau. Si vous êtes prêt, vous avez la parole. Sinon, j'ai d'autres personnes dans la file.
Monsieur Potter.
M. Simon Potter: Monsieur le président, avec votre indulgence, il y avait là plusieurs questions. Je ne prendrai pas trop de temps.
La partie de la définition relative à la facilitation inquiète considérablement le Barreau canadien. Ce texte dit très clairement qu'il n'est pas nécessaire, pour être accusé de faciliter une activité terroriste, que ce soit fait en connaissance de cause. D'ailleurs, comme M. Ouimet l'a signalé, si on lit la version française, le facilitateur peut ignorer totalement qu'il facilite.
Lorsqu'on regarde la définition de l'infraction elle-même, la connaissance devient de nouveau un facteur. C'est très déroutant, même pour des avocats qui ont l'habitude de ces choses. Notre recommandation est donc que la disposition disant que le savoir n'est pas nécessaire, comme élément de l'infraction de facilitation de l'activité terroriste, soit placé au même endroit que l'infraction elle-même, afin d'assurer au moins une cohérence interne.
S'agissant de la suggestion du Barreau du Québec d'avoir une loi propre sur le terrorisme, ma réponse est que cela soulignerait sans doute le caractère extraordinaire de cette réaction législative et permettrait plus facilement de mettre en place des mécanismes pour faire face à ce caractère extraordinaire. Mais cela ne règle pas le problème.
Je suis sûr que M. Gervais conviendra que cela ne règle pas le problème. Il faut néanmoins une clause de temporisation. Les dispositions ne doivent pas devenir un élément permanent du paysage légal.
Il faudra à tout le moins un débat véritable au Parlement, dans un délai de trois ans ou autre, et qu'il incombe au gouvernement de justifier la reconduction de cette loi, soit sous cette forme soit sous une autre forme mieux appropriée, dans trois ans. Le fardeau de la preuve ne doit pas incomber à ceux qui veulent des changements ou qui veulent abroger la loi dans quelque temps. Il faut considérer ces mesures comme temporaires.
S'agissant de votre question sur la promulgation différée et la temporisation, ma réaction personnelle est de dire qu'il serait bon d'avoir un comité parlementaire permanent exerçant une forme de surveillance, comme cela a été préconisé. La temporisation est indispensable. Il est impératif que ces mesures soient temporaires. Nous pourrons avoir un débat plus réfléchi après deux ou trois ans d'expérience, ou quel que que soit le délai retenu, et saurons mieux alors ce qui est nécessaire: quelles dispositions marchent bien, lesquelles marchent mal, lesquelles ont entraîné des abus, le genre d'abus que craignent les membres du Barreau des avocats de la défense, et lesquelles ne font qu'engendrer la confusion. Nous recommandons une véritable temporisation.
Le vice-président (M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne)): Monsieur Lomer, vous avez dit vouloir intervenir.
M. Michael Lomer: En ce qui concerne l'effacement devant le Parlement, il faut bien comprendre que ce projet de loi abroge totalement certains droits civils, dans certaines situations. Plus nous serons proches du 11 septembre, plus grande peut-être sera la tolérance pour ce genre de choses, en réaction à un événement horrible. Plus on s'éloignera du 11 septembre 2001 et moins un tribunal sera porté à admettre une érosion aussi fondamentale des libertés civiles.
L'idée d'une clause de temporisation s'impose comme moyen de démontrer que cela ne va pas être éternel. Que se passe-t-il si une disposition donnée n'est pas contestée et n'aboutit pas en Cour suprême avant cinq ans? D'ici là, il aura pu y avoir une cascade d'abus. La preuve aura pu être faite que la disposition ne fait pas ce que l'on en attend.
Je comprends votre souci de laisser le dernier mot au Parlement. Les tribunaux ont certes montré qu'ils y sont prêts. Mais je me demande pendant combien de temps, face à une telle abrogation des libertés civiles fondamentales?
• 1715
En ce qui concerne la promulgation différée, je n'ai pas
examiné la Loi sur les mesures de guerre. Si je me souviens bien,
lorsque le premier ministre Trudeau l'a invoquée, elle lui a donné
des pouvoirs extraordinaires. Mais il fallait l'invoquer pour
qu'elle prenne effet. Peut-être, en conjonction avec une clause de
temporisation, pourrait-on avoir une clause de promulgation
différée qui permette au premier ministre de mettre en vigueur une
loi pour répondre à un problème particulier. Ainsi, le premier
ministre devra justifier au Parlement l'invocation de cette mesure
à ce moment-là.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Fitzpatrick, vous avez trois minutes.
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): J'aimerais faire quelques commentaires rapides.
Les commentaires de M. Trudell sur la création d'un organe de surveillance viennent à point nommé. J'espère que les députés ministériels l'ont écouté attentivement. Il serait rassurant d'avoir en place cette sorte de mécanisme.
En ce qui concerne les remarques de M. Lomer disant que le terrorisme existe depuis longtemps, la différence de nos jours est qu'il est mondial. Les terroristes ont des moyens de destruction massive dont ils ne disposaient pas avant. C'est une grosse différence à l'heure actuelle. C'est un nouveau paradigme.
Je suis préoccupé également par les dispositions relatives à la surveillance, particulièrement les pouvoirs du Centre de la sécurité des télécommunications. On peut interpréter cette disposition comme signifiant que le ministre peut donner l'autorisation d'intercepter les communications sans condition aucune, sans contrôle aucun, sans l'aval d'une tierce partie. Il y a là des risques d'empiétement sur la vie privée qui m'inquiètent beaucoup personnellement.
J'ai été renseigné indirectement sur la définition américaine. Celle-ci semble se limiter aux actes de destruction massive, d'assassinat, d'enlèvement intentionnel, d'intimidation du public ou du gouvernement dans le but de le faire changer de politique. Je suis plus à l'aise avec ce type de définition qu'avec la nôtre.
Je vais adresser ma question à M. Lomer. Je crois qu'il est avocat de la défense.
M. John McKay: Vous n'aviez pas encore compris?
M. Brian Fitzpatrick: J'aimerais lui poser une question hypothétique.
C'est difficile à envisager, mais si des pirates de l'air avaient survécu, il me semble que la Couronne n'aurait aucun mal à prouver la destruction massive ni la préméditation. Mais si le type ne passe pas aux aveux ou ne donne aucun renseignement, vous n'avez absolument rien en main.
Comment prouvez-vous que l'acte avait des motifs politiques, religieux ou idéologiques? Comment la poursuite pourrait-elle apporter cette preuve si l'accusé se tait? Il reste totalement muet, ne dit rien à personne. Il n'y a rien dans ses antécédents prouvant qu'il ait donné des indications à quiconque d'autre. N'est-ce pas une situation plutôt favorable à l'avocat de la défense plutôt qu'au procureur de la Couronne?
Le président: Merci, monsieur Fitzpatrick. Je pense que la question est adressée à M. Lomer.
M. Michael Lomer: Je vais essayer de répondre. Peut-être M. McKay pourrait-il y répondre plus facilement que moi. Il s'agit réellement de savoir ce que l'on doit prouver plutôt que réfuter.
Si vous ajoutez cela comme un élément essentiel de l'infraction, vous allez devoir prouver cet élément essentiel. Vous pouvez le faire par preuve circonstancielle ou indirecte. Si vous pouvez le relier à ben Laden, et que vous avez l'enregistrement vidéo d'un discours de ben Laden qui est de nature criminelle, vous pouvez apporter la preuve par inférence. Il y a des moyens, même face à un individu réticent.
J'ajouterais un élément à votre exemple concernant l'autorisation ministérielle d'interception de communications privées. Il y a une autre chose dont le ministre n'a pas besoin, soit des preuves. N'oubliez pas que, s'agissant d'un mandat du juge, il faut des preuves. La raison pour laquelle on a recours à une autorisation ministérielle, c'est l'absence de preuve.
M. Brian Fitzpatrick: J'aurais un commentaire.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Fitzpatrick. Peut-être pourrez-vous inviter M. McKay à dîner.
Monsieur Ouimet, pourriez-vous répondre?
M. Gilles Ouimet: Un commentaire très rapide sur cette question précise. Encore une fois, c'est l'un des articles où il y a divergence entre les versions anglaise et française.
En anglais, on lit:
-
(i) that is committed
-
(A) in whole or in part for a political, religious or ideological
purpose, objective or cause,
C'est pas mal ouvert et flou.
En français, on lit:
[Français]
notamment: «au nom d'un but, d'un objectif ou d'une cause de nature politique».
Le texte anglais n'a pas l'équivalent de «une part» ou «notamment», si bien qu'il y a une différence majeure entre les versions.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Paradis, vous avez trois minutes.
[Français]
M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Monsieur le président, je voudrais revenir sur le dernier point.
Premièrement, je remercie tous les intervenants de leurs présentations. C'est un travail d'équilibre qu'on tente de faire dans des circonstances exceptionnelles.
Sur le dernier point que vous avez mentionné, j'avais déjà soulevé le même exemple que M. Ouimet lors d'une séance précédente de ce comité. On m'avait répondu, à ce moment-là, que la version française du projet de loi n'était pas une traduction. C'est rédigé en anglais d'un côté et en français de l'autre. On m'a également dit que «notamment» peut vouloir dire «de part et d'autre», ce sur quoi je ne suis pas nécessairement d'accord. On m'a aussi dit qu'on pensait réviser ces notions afin que le français se rapproche de l'anglais.
Merci beaucoup de participer à ces audiences. Vous nous êtes d'un grand secours. Comme je le mentionnais, les événements du 11 septembre dernier nous amènent à réagir en fonction de la sécurité qui nous est demandée par l'ensemble des Canadiens. C'est la première fois dans l'histoire qu'on rencontre des kamikazes. Avant, quand on prenait l'avion, on nous disait que s'il y avait un pirate de l'air, on devait rester assis tranquilles, qu'on allait atterrir quelque part et qu'on allait se mettre à jaser avec lui. Je pense que c'est la première fois que les choses ne se passent pas comme ça. Et ce sera différent à l'avenir.
Bien sûr, on regarde ces accrocs aux droits auxquels on était accoutumés. Il y a des accrocs par rapport à ce à quoi on était habitués dans le passé. Ce qui est important, et vous l'avez tous mentionné d'une façon ou d'une autre, c'est d'établir l'équilibre. Comment établir cet équilibre? Bien sûr, c'est en regardant des notions. Plusieurs groupes nous ont parlé de la définition d'«acte terroriste». C'est un point qui est revenu dans presque toutes les présentations qu'on a entendues ici.
Deuxièmement, l'ensemble des intervenants ont aussi soulevé la question de la clause crépusculaire. Qu'il s'agisse des groupes de libertés civiles ou des experts comme vous, pratiquement tout le monde a soulevé ces points-là.
On a tous perdu un peu de notre liberté avec ces événements. Sur la Colline du Parlement, c'est maintenant différent. On fouille nos autos, on met des miroirs en-dessous, choses auxquelles on n'était pas habitués avant le 11 septembre.
Par contre, les points que vous soulevez méritent certainement qu'on s'y attarde, tant au niveau de la définition qu'à celui de la clause crépusculaire. Hier, on a rencontré la présidente de la Commission des droits de la personne, Mme Falardeau-Ramsay. Je lui ai posé une question que je vous pose aujourd'hui. La plupart des intervenants l'ont soulevée de diverses manières.
Quelle espèce de mécanisme peut-on avoir? Il y a un comité de surveillance des activités de la GRC. Il y a un comité de surveillance des activités du SCRS. Ce qui nous inquiète, quand on sort de ce à quoi on est habitués en droit, c'est de savoir s'il y aura ou non des abus policiers, etc.
Est-ce qu'on pourrait avoir recours à ces mécanismes ou à d'autres? Vous avez suggéré un examen parlementaire, mais quel mécanisme pourrait-il y avoir pour les gens qui estiment être victimes d'abus par rapport à ces nouvelles règles? Avez-vous des commentaires à faire? Quelle sorte de mécanismes pourrait-on trouver pour cela, même s'il y a une clause crépusculaire de trois ou quatre ans qui pourrait s'appliquer à certains articles? Si on n'applique pas une telle clause en général, à quels articles la verriez-vous s'appliquer? Deuxièmement, quel mécanisme verriez-vous...
[Traduction]
Le président: Monsieur Paradis, j'essaie toujours de discerner une question. Pourriez-vous en venir au fait, car vous avez déjà largement dépassé vos trois minutes et d'autres membres attendent la parole.
M. Denis Paradis: D'accord.
Le président: Monsieur Gervais.
[Français]
Me Francis Gervais: Je vous réponds rapidement, sans avoir eu le temps de réfléchir longuement à cette question.
Dans notre mémoire, il y a certains éléments de piste. Évidemment, on peut penser à un ombudsman, une création qu'on voit assez régulièrement. Donc, un organisme pourrait être mis en place. On a parlé tout à l'heure d'un mécanisme par lequel le ministre de la Justice ou le solliciteur général pourrait faire rapport régulièrement à la Chambre relativement aux mécanismes d'urgence extraordinaires qui sont utilisés.
Comme nous le disons dans notre mémoire, et j'ai entendu certains de mes collègues en parler, il nous semble qu'il manque beaucoup de présence ou de contrôle judiciaire dans le cadre de différents gestes qui sont posés. Ce sont quand même des mécanismes auxquels on est habitués. Donc, on peut penser à un ombudsman ou à un contrôle judiciaire.
• 1725
Également,
je n'ai vu, dans le projet de loi,
aucun mécanisme prévoyant une
formation qui serait donnée aux gens qui seraient
appelés à appliquer cette loi. Il n'y a pas
de formation obligatoire. Ce sont des mesures
extraordinaires qu'on va demander à des
policiers et à des procureurs d'appliquer.
Il me semble avoir déjà vu que dans
certains textes de loi, on prévoyait
que la loi n'entrerait pas en vigueur
tant qu'on ne se serait pas assuré que les gens qui la
mettraient en vigueur auraient une formation de
base. Je n'ai rien vu de tel
dans ce projet de loi.
Ce sont les mécanismes qui me viennent rapidement à l'esprit.
Le président: Monsieur Potter.
M. Simon Potter: Monsieur Paradis, d'abord, permettez-moi de vous dire le plaisir que j'ai de me retrouver en compagnie non seulement d'un seul bâtonnier, mais de deux.
Vous soulevez la question d'un mécanisme de surveillance. C'est une chose que d'avoir un mécanisme de surveillance, un ombudsman ou un comité pour surveiller le SCRS, qui est une entité. Cette loi-ci va mettre en activité les forces policières provinciales, les forces policières fédérales, nos tribunaux, plusieurs tribunaux différents, les cours provinciales, la Cour fédérale, les cours supérieures, des ministres qui vont autoriser l'écoute électronique sans révision judiciaire. Il me semble que c'est un peu utopique de penser qu'il puisse y avoir une surveillance adéquate de tout cela en même temps.
Cette loi-ci est énorme et comporte des dispositions qui vont très, très loin. Certes, il y a des droits qui sont brimés, mais peut-être est-ce nécessaire, comme vous le dites, dans la situation actuelle. Le point d'équilibre a peut-être été dévié, mais il n'est pas disparu. Il faut faire cet équilibre, et nous sommes là pour essayer de le faire. La façon de le faire, c'est de ne pas rendre permanentes ces dispositions dramatiques. Il faut assurer au Parlement le droit de jeter un regard substantiel sur cette loi dans trois ans. La seule façon, c'est de faire disparaître ces dispositions et de repenser la chose dans trois ans.
Le président: Merci.
Madame Venne, trois minutes.
Mme Pierrette Venne: J'ai une dernière question à poser.
Depuis qu'on a la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité, beaucoup d'avocats sont venus se plaindre des nouvelles dispositions qu'on leur impose. On leur impose l'obligation de déclarer des opérations suspectes. Ils ont dit dans les médias et un peu partout qu'il s'agit d'une atteinte au secret professionnel qui va faire en sorte que les avocats vont devenir des délateurs pour le compte de l'État. On sait que dorénavant, en vertu du projet de loi C-36, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité va englober également le financement des activités terroristes. Donc, cela va s'appliquer.
Puisque les avocats ne sont pas censés être des facilitateurs d'actes criminels, pourquoi ces avocats viennent-ils nous dire qu'ils se sentent brimés par cette Loi sur le recyclage des produits de la criminalité, qui maintenant va s'appliquer aussi au financement des activités terroristes? Avez-vous une explication à nous donner là-dessus?
Le président: Monsieur Potter.
M. Simon Potter: Madame, je vous remercie de me donner l'occasion d'en parler, parce que c'est souvent mal compris.
Jamais des associations d'avocats ne sont venues demander qu'on permette aux avocats de commettre des crimes. Ce n'est pas cela. Ce que nous voulons faire, c'est protéger la confidentialité qui entoure ce qu'un client ou une cliente peut dire à son avocat. Cette confidentialité est absolument essentielle à la bonne administration de la justice et à la protection des individus face à l'État, face à leurs adversaires, face à leurs concurrents. Sans cette confidentialité, les clients ne seront pas ouverts avec leurs avocats. Il faut que cette confidentialité soit protégée.
Maintenant, en ce qui concerne les produits de la criminalité ou, maintenant, les aspects terroristes, il faut que les clients puissent parler ouvertement à leur avocat sans que l'avocat sente soudainement le besoin d'aller dévoiler tout de suite à la police quelque chose de suspect que son client viendrait de lui dire. Il faut protéger la confidentialité du client. Ça ne veut pas dire qu'il faut permettre aux avocats de participer à des crimes, loin de là, mais l'avocat qui entend quelque chose de son client doit pouvoir le garder confidentiel.
Le président: Monsieur Lomer.
M. Michael Lomer: Dans l'exercice de mes fonctions d'avocat de la défense, il arrive que des clients confessent toutes sortes de choses. Si la loi m'obligeait à aller raconter tout cela au procureur de la Couronne—c'est-à-dire me transformer moi-même en témoin, ajouterais-je—l'administration de la justice cesserait de fonctionner. Cela ne pourrait pas marcher, car les avocats de la défense seraient alors perçus, à juste titre, comme des chevaux de Troie de la poursuite. Ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent dans un système contradictoire.
À ce sujet, je signale le projet de paragraphe 83.1(1), où il est dit qu'une personne au Canada doit informer et le commissaire de la GRC et le directeur du SCRS. Y a-t-il des conflits de territoire pour qu'il faille le dire aux deux? Je ne comprends pas cela. Est-ce pour que la main gauche et la main droite sachent toutes deux en même temps ce qui se passe?
Indépendamment de ce «et» curieux, la partie sur laquelle j'attire votre attention, c'est l'information sur une transaction...
[Français]
Mme Pierrette Venne: De quelle disposition s'agit-il?
M. Simon Potter: C'est l'article 83.1 proposé, madame.
[Traduction]
M. Michael Lomer: Si vous regardez le projet d'alinéa 83.1(1)b), où il est question de «renseignement portant sur une opération», cela couvre clairement une opération effectuée dans le passé. Si je défendais quelqu'un, cela signifie que si mon client me parlait d'une telle transaction, aux termes de cette loi je devrais en faire part au commissaire de la GRC et au directeur du SCRS. C'est une violation claire du secret professionnel. Il faut modifier cet alinéa de façon à préciser, à tout le moins, que les avocats qui défendent les personnes accusées de ces infractions peuvent recevoir ces renseignements sans être obligés de les communiquer à la police.
Le président: Merci.
Je pense que M. Ouimet souhaite intervenir à ce sujet, et je donnerai ensuite la parole à Mme Carroll et M. MacKay. Nous dépassons l'heure prévue.
[Français]
Monsieur Ouimet.
Me Gilles Ouimet: En ce qui concerne particulièrement la relation avec un client, il y a également une disposition qui prévoit que l'avocat ne peut divulguer le fait qu'il a fait un rapport ou qu'il a communiqué de l'information requise par la loi.
Cette disposition vient miner, à sa base même, la relation de confiance entre l'avocat et son client, dans la mesure où le client ne peut pas savoir si son avocat a fait ou non cette déclaration. C'est une disposition qui peut être problématique dans certaines situations.
Le président: Merci beaucoup.
[Traduction]
Madame Carroll, trois minutes, puis Peter MacKay.
Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Merci, monsieur le président.
Heureusement pour moi, puisque je ne dispose que de trois minutes, John McKay a posé à M. Potter nombre des questions que j'avais moi-même et je lui en suis reconnaissante.
Monsieur Potter, j'aimerais simplement vous demander, en ce qui concerne la page 15 de votre mémoire et la temporisation, si le Barreau recommande que tout le projet de loi fasse l'objet de cette temporisation? Dans le deuxième paragraphe vous dites que certaines parties présentent un intérêt général et pourrait être maintenues. Pourriez-vous nous préciser votre pensée?
M. Simon Potter: Merci beaucoup. Soit dit en passant, puisque vous représentez la circonscription où vit mon frère, je suis ravi de répondre à cette question, à son intention.
Mme Aileen Carroll: Je lui transmettrai.
M. Simon Potter: Trois articles du projet de loi traitent des délits de propagande haineuse, par exemple même lorsque la propagande est diffusée par l'Internet. Nous n'avons aucune objection à ces trois articles et nous indiquons précisément desquels il s'agit. Tout le restant du projet de loi devrait faire l'objet d'une temporisation. Ce n'est pas nécessaire pour ces trois là.
Mme Aileen Carroll: J'ai une question supplémentaire, monsieur le président.
Plusieurs personnes m'ont dit que la temporisation causerait un dilemme pour un avocat de la défense, qui est engagé dans un processus avec une échéance au bout. Est-ce qu'une clause de temporisation nuirait à sa capacité de défendre le client?
M. Simon Potter: Eh bien, je ne vois pas le problème. Cette loi augmente massivement les pouvoirs de la police et je ne verrai aucune difficulté si ces pouvoirs policiers—qui n'existaient pas hier, et qui existeront apparemment dans quelques semaines—n'existaient plus dans quelques années. Je ne vois pas là de difficulté.
Certains ont dit qu'il ne faudrait pas se retrouver au milieu d'une enquête policière et que tout d'un coup les pouvoirs disparaissent. Je comprends que ce puisse être un problème pour la police, mais nous n'organisons pas notre société en fonction de la police.
Mme Aileen Carroll: Merci.
J'ai une dernière question, pour le professeur Magnet. J'ai écouté attentivement ce que vous avez dit, à savoir que ce projet de loi est copié sur le modèle de la loi britannique de 2000, que nous ne sommes pas le Royaume-Uni, que nous n'avons pas l'Irlande du Nord et que nous ne sommes pas une superpuissance et tout cela a résonné en moi. Pensez-vous qu'une clause de temporisation est suffisante, s'agissant d'un projet de loi qui, à votre avis, est si contraire à la tradition canadienne?
M. Joe Elliot Magnet: Je pense qu'une clause de temporisation est nécessaire pour les raisons indiquées par mes collègues, mais je ne pense pas que cela suffise; autrement dit, je ne vois pas de justification à ces pouvoirs. Je pense donc que, même si la loi disparaissait dans trois ou cinq ans, nous aurons dans l'intervalle érodé notre culture juridique, endommagé notre société, engendré la désaffection, et peut-être aussi fait un peu de bien, mais je n'ai vu aucune justification qui me donne à le croire. Autrement dit, il n'y a pas chez nous de dimension stratégique à laquelle il nous faudrait réagir. Nous savons tous ce qui s'est passé le 11 septembre, mais nous ne savons rien d'autre. Donc, tant que nous n'aurons pas la justification, tant que nous n'aurons pas de meilleurs renseignements stratégiques, je dirais que ces mesures ne devraient pas être prises.
Mme Aileen Carroll: Est-ce que les Britanniques ont une clause de temporisation?
M. Joe Elliot Magnet: Non.
Le président: Merci, madame Carroll.
Peter MacKay, vous avez trois minutes.
M. Peter MacKay: Merci.
J'aimerais poser moi aussi une question au professeur Magnet concernant cet aspect très pertinent qu'il a évoqué, soit les lourdes répercussions potentielles sur les néo-Canadiens. Je songe en particulier aux arrestations préventives et aux audiences d'instruction qui font que, pour reprendre son exemple, un étudiant portant un nom similaire à celui d'un suspect que le SCRS ou la GRC recherche pourrait être placé en état d'arrestation, détenu pendant une longue période s'il choisit de ne pas coopérer ou voudrait garder le silence, sans aucun recours, sans remède, sans possibilité d'expurger un dossier s'il s'avère, Dieu nous en préserve, qu'une erreur a été commise. Il n'y a aucun recours en droit du tout selon ma lecture du projet de loi.
Ma question est de savoir si le nom de cette personne, ayant été consigné dans le système dans l'état de haute agitation où nous nous trouvons, va y rester en permanence? Le nom peut-il être expurgé du système une fois qu'il y a été inscrit?
Je ne vois pas comment régler le problème et je serai intéressé de savoir si le professeur Magnet pourrait proposer des moyens de resserrer cela ou de mettre en place des garde-fous, ou à tout le moins assurer que des critères très stricts soient remplis avant que l'on s'engage dans cette voie.
M. Joe Elliot Magnet: Merci de cette question.
Je suppose qu'il faudrait voir le règlement d'application pour savoir ce qu'il adviendrait d'un nom une fois entré dans le système, s'il serait versé au CIPC ou quelque chose du genre et y resterait.
Monsieur MacKay, vous savez mieux que moi qu'une fois que vous êtes accusé d'une infraction, votre nom reste dans le système CIPC, même si vous êtes reconnu non coupable.
M. Peter MacKay: C'est juste.
M. Joe Elliot Magnet: C'est là un outil d'enquête pour la police et, de cette façon, vous devenez l'un des suspects habituels, et ce peut être très désagréable.
Je pense que l'on pourrait remplir certains de ces objectifs par des moyens moins drastiques. Autrement dit, si l'on soupçonne quelqu'un, qu'on le surveille par des méthodes policières ordinaires. Qu'on le surveille, qu'on l'écoute, qu'on fasse enquête.
J'ai trouvé mon ami M. Trudell très éloquent lorsqu'il a dit que c'était une façon de rendre la police paresseuse. Il est beaucoup plus facile de ramasser quelqu'un et de l'obliger à répondre aux questions. C'est cela le génie du droit au silence. C'est pourquoi nous avons le droit au silence, pour que la police ne devienne pas paresseuse, qu'elle fasse bien son travail.
• 1740
Pour ce qui est de votre question directe, est-ce que je
connais un moyen d'adoucir cela, d'améliorer cette loi? Non, je ne
pense pas. La bonne façon de réaliser ces objectifs, c'est de
réunir des renseignements, tant de sécurité que policiers. Une fois
qu'une nécessité stratégique sera démontrée, nous réagirons avec
les moyens appropriés. Mais nous n'en sommes pas là.
Le président: Merci beaucoup.
Je tiens à remercier tous les panélistes: en leur absence, M. Trudell et M. DelBigio, qui ont dû partir attraper un vol; monsieur Ouimet et monsieur Gervais, merci à vous; monsieur Potter; monsieur Lomer et professeur Magnet. Cela a été une après-midi pleine d'enseignements.
Je tiens à exprimer et à voir figurer au procès-verbal toutes mes excuses à Mme Venne et à l'Association du Barreau canadien au sujet de ce mémoire sur lequel Mme Venne a attiré notre attention en début de séance. Ce qui s'est passé, c'est que nous avons reçu, comme prévu, un sommaire dans les deux langues officielles, que nous avons distribué comme il se devait. L'Association du Barreau canadien a également apporté, sous une couverture similaire, un document plus volumineux, pour son propre usage, qu'elle avait parfaitement le droit de mettre à la disposition des membres mais que nous n'avions pas le droit de distribuer. C'est ma faute et j'en assume la responsabilité. L'Association du Barreau canadien est disculpée et moi je suis coupable. Je vous présente donc mes excuses, madame Venne.
Mme Aileen Carroll: Monsieur le président, est-ce que l'Association du Barreau canadien a l'intention de mettre d'autres copies de son sommaire ou précis à la disposition des députés qui n'ont pu être présents aujourd'hui?
Le président: Si vous le demandez...
M. Simon Potter: Oui, bien entendu, M. Scott et Mme Carroll. Nous fournirons autant de copies que nécessaire.
Mme Aileen Carroll: Merci.
Le président: Là-dessus, collègues, je lève la séance. Nous nous revoyons à 19 h 30.