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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 1er novembre 2001

• 0932

[Traduction]

Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Je déclare ouverte la 40e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous examinons aujourd'hui le projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et d'autres lois, édictant des mesures à l'égard de l'enregistrement des organismes de bienfaisance, en vue de combattre le terrorisme.

Nous allons entendre ce matin à titre de témoins quatre groupes et individus.

Je dois expliquer à certains groupes pourquoi nous leur avons demandé de se limiter à deux représentants. Il y a des groupes qui sont représentés ici par plus de deux personnes et il est important que je fournisse quelques explications à ceux qui ont demandé en vain la permission d'avoir plus de deux représentants. Cela n'est pas un problème pour nous. Nous essayons tout simplement d'appliquer les mêmes règles à tous. Je prie donc les personnes qui ont vu leur demande refusée d'accepter mes excuses.

Nous allons entendre l'Association canadienne des chefs de police, l'Association canadienne des policiers et policières, l'Association nationale de la police professionnelle et, à titre personnel, Leo Knight. Je vais demander à l'Association canadienne des chefs de police de commencer. Je vous invite à faire les présentations.

Auparavant, je voudrais m'assurer que tout le monde connaît bien la façon dont nous procédons. Chaque groupe a droit à dix minutes, et nous aurons ensuite un échange entre les témoins et le comité.

Merci.

[Français]

M. Michel Sarrazin (directeur, Service de police de la Communauté urbaine de Montréal; vice-président, Association canadienne des chefs de police): Monsieur le président et membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, je m'appelle Michel Sarrazin et je suis le directeur du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal et vice-président de l'Association canadienne des chefs de police pour le Québec.

Ce matin, il me fait grand plaisir de vous présenter la commissaire Gwen Boniface de la Police provinciale de l'Ontario, qui est aussi la nouvelle présidente de l'Association canadienne des chefs de police. La commissaire Boniface est l'ancienne présidente du Comité de modifications aux lois et un témoin régulier devant ce comité.

L'Association canadienne des chefs de police représente 950 chefs, chefs adjoints et membres exécutifs des services de police et plus de 130 services de police au Canada.

L'association s'engage à modifier progressivement les lois associées aux crimes et aux questions qui touchent la sécurité de la communauté. C'est donc un honneur et un plaisir d'être ici aujourd'hui pour vous parler du projet de loi C-36, la Loi antiterroriste.

• 0935

[Traduction]

Commissaire Gwen Boniface (présidente, Association canadienne des chefs de police): Bonjour.

L'Association canadienne des chefs de police est favorable au projet de loi C-36. Que pourrais-je dire au sujet du terrorisme? J'ai assisté sur place à la catastrophe du 11 septembre. J'ai assisté aux funérailles d'un collègue de l'Autorité portuaire de la police des États de New York et du New Jersey qui est mort à l'intérieur du World Trade Center; j'ai visité le niveau zéro et parlé aux sauveteurs et aux policiers qui continuaient de travailler sur les lieux.

Tous les services de police du Canada ont pour mission d'assurer la sécurité de nos collectivités de façon à préserver notre mode de vie canadien. Les membres de l'Association canadienne des chefs de police sont décidés à atteindre cet objectif. Pour y parvenir, nous aurons besoin de votre appui, non seulement en qualité de députés au Parlement du Canada mais aussi en tant que membres influents de vos collectivités. Nous sommes venus ici aujourd'hui pour vous parler du projet de loi C-36, mais également pour vous demander de vous rendre à votre poste de police local, qu'il s'agisse d'une police municipale, d'un détachement de la PPO ou de la Sûreté du Québec, ou de la GRC—pour rencontrer le chef et prendre un café avec des agents de police de première ligne. Nous sommes convaincus que vous serez impressionnés par la qualité des hommes et des femmes qui travaillent dans les services de police et ils seraient heureux de vous voir manifester de l'intérêt et à leur égard leur accorder votre appui à un moment où ils doivent répondre à de nouveaux défis.

Le terrorisme, c'est la peur et l'intimidation. Le leadership, c'est la victoire contre le terrorisme. Les groupes terroristes sont des organisations complexes, sophistiquées et bien sûr, secrètes. Ils ont adopté une stratégie à long terme, d'une ampleur scélérate. Le principal commentaire que nous faisons au sujet du projet de loi C-36 est que nous avons besoin de leadership, de collaboration, de coordination et de communication.

Permettez-moi de commencer par féliciter le commissaire Zaccardelli de la Gendarmerie royale du Canada. Depuis le début de la crise, il a fait preuve d'un leadership extraordinaire, il a utilisé ses services pour diffuser l'information, et pour consulter ses homologues aux niveaux provincial et régional. Pour vaincre le terrorisme, tous les organismes de police et de renseignements doivent travailler de concert pour se communiquer l'information, en vue de maximiser les capacités, les talents et les connaissances de tous les organismes. La lutte contre le terrorisme n'est pas le fait d'un seul homme.

J'aimerais vous mentionner un exemple révélateur même s'il est mineur; hier, des membres de la PPO, de la GRC et de la police d'Ottawa chargés d'assurer la sécurité pour la conférence du G-20 qui va se tenir ici à Ottawa se sont rendus à Montréal pour rencontrer des membres de la police urbaine de Montréal en vue de planifier et de coordonner leur action pour cet événement.

[Français]

M. Michel Sarrazin: Il existe une nouvelle harmonie dans le domaine policier: une communication interorganisationnelle au niveau administratif qui a pour effet une collaboration beaucoup plus grande sur le plan des opérations de première ligne. Nous devons renforcer et formaliser cette communication partagée et ainsi développer un partenariat entre les services et les agences qui partagent la responsabilité d'assurer la sécurité du pays.

Ce processus enclenché dans le cadre de la lutte contre le crime organisé a pris un essor considérable depuis les événements du 11 septembre dernier. À long terme, le défi de vaincre le terrorisme obligera le Canada à développer un modèle qui pourra élargir, formaliser et institutionnaliser l'objectif que nous définissons aujourd'hui.

La mise en oeuvre de cet objectif est simple. L'Association canadienne des chefs de police est d'avis que le projet de loi C-36 doit être l'élément déclencheur à la création d'une agence centrale qui assurera la coordination et l'échange d'information au sein des services fédéraux, provinciaux et locaux impliqués dans le domaine du renseignement et du maintien de l'ordre.

Afin d'assurer son efficacité, cette agence serait imputable à l'actuel comité ad hoc du Cabinet sur la sécurité ou à l'entité qu'il remplacerait ultérieurement. L'Association canadienne des chefs de police croit que cette agence est un élément essentiel au succès de la lutte au terrorisme.

[Traduction]

Comm. Gwen Boniface: Il existe plusieurs autres aspects qui devraient, d'après nous, être visés par le projet de loi. Pour gagner du temps, je vais me contenter aujourd'hui de vous les signaler, mais il s'agit là de questions très importantes; nous aimerions avoir la possibilité d'en parler avec des membres du comité ou avec des représentants du ministère de la Justice. La première concerne le droit d'accès.

Le droit d'accès est une formule concise qui fait référence à toutes les modifications législatives et réglementaires qu'il faudrait apporter pour que les organismes de police et de renseignement aient légalement et techniquement accès aux nouvelles technologies des communications. Cette question a déjà fait l'objet de consultations et de planification importantes et il faut maintenant agir. L'histoire récente nous montre que les terroristes ont les moyens de s'équiper avec des dispositifs de communications modernes. Il faut que la police puisse disposer des mêmes moyens et ait le droit d'intercepter leurs communications.

• 0940

En outre, des décisions prononcées récemment par le CRTC ont eu pour effet de limiter gravement l'accès des services de police à certains renseignements, comme les noms des firmes de télécommunications qui fournissent des services à un client donné, renseignements qui proviennent de ce que l'on appelle souvent «un annuaire par numéros». Ces décisions ont eu pour effet de créer des obstacles gênants pour les enquêtes sur le crime organisé et sur les activités terroristes.

Deuxièmement, il y a l'usurpation de nom. Les terroristes ont pu se déplacer librement au Canada et aux États-Unis, et entre ces deux pays, en utilisant de faux papiers d'identité. La première étape de l'établissement d'une fausse identité est le vol d'une pièce d'identité, qui consiste à se procurer des papiers d'identité ou des cartes de crédit ou les renseignements qui y figurent. L'utilisation non autorisée d'une carte de crédit est en général la première étape vers la création d'une fausse identité, qui exige habituellement la délivrance d'une fausse carte d'assurance-santé, d'un faux permis de conduire ou d'un faux passeport. Il faut prendre des mesures législatives à ce sujet.

Il y a ensuite l'exercice interprovincial des pouvoirs des policiers. À l'exception de la Gendarmerie royale du Canada, les pouvoirs des services de police se limitent en général au territoire auquel s'appliquent les lois provinciales. Lorsqu'un service de police veut agir à l'extérieur de la province, il doit se procurer une autorisation provinciale spéciale et utiliser pour l'obtenir un processus lent et bien souvent très lourd. La GRC n'est pas épargnée par ce fléau, puisque chaque année des centaines de constables doivent prêter serment le jour de la Fête du Canada à Ottawa pour pouvoir exercer les pouvoirs prévus par les lois provinciales et les règlements municipaux.

Je peux vous dire franchement que ce genre d'obstacle aux pouvoirs des services de police est peut-être d'apparence mineure, mais qu'il gêne beaucoup le travail des policiers et il faudrait y remédier. Cela touche directement le besoin de collaboration et de coopération dont j'ai parlé il y a un instant. Cette initiative semble plaire à tout le monde mais elle ne débouche jamais. Cela est important et nous vous demandons de lui attribuer la priorité qu'elle mérite.

Enfin, nous pensons qu'il est essentiel que le gouvernement fédéral réponde aux nouvelles mesures qui ont été demandées au cours du débat relié au projet de loi C-31 qui touchait les crimes motivés par la haine—les deux questions précises étant l'adoption d'une disposition concernant le vandalisme institutionnel et deuxièmement, l'adoption d'une loi nationale sur les statistiques relatives aux crimes motivés par la haine.

En conclusion, l'Association canadienne des chefs de police appuie le projet de loi C-36. Nous ne pensons pas que ces dispositions sont trop larges, ni qu'elles risquent d'ouvrir la porte à des abus. Nous pensons qu'elles sont nécessaires, pratiques, et représentent un juste milieu. Nous demandons aux membres du comité d'examiner nos suggestions qui, nous l'espérons, permettront de renforcer les efforts déployés par les services de police pour assurer la sécurité de notre pays.

Merci.

Le vice-président (M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne)): Merci.

Nous allons maintenant entendre M. Obst de l'Association canadienne des policiers et policières. Vous avez dix minutes.

Agent Grant Obst (président de l'Association canadienne des policiers et policières): Merci, monsieur le président.

Mesdames et messieurs les membres du comité, chers collègues, je m'appelle Grant Obst et je suis le président de l'Association canadienne des policiers et policières. Je suis également membre du Service de police de Saskatoon et je travaille comme agent de police dans cette ville. Porte-parole national de 30 000 policiers et policières de première ligne au Canada, l'Association canadienne des policiers et policières est heureuse de comparaître devant votre comité pour parler du projet de loi C-36, la Loi antiterroriste.

Les événements tragiques et incroyables du 11 septembre 2001 ont sensibilisé les Canadiens et nos alliés à la menace que représentent les activités terroristes et à la vulnérabilité des pays libres et démocratiques. Les Canadiens sont aujourd'hui particulièrement conscients de la sécurité de nos avions, de nos trains, de notre système de transport, de nos ports, de nos voies maritimes, de nos canaux, de nos pipelines, de nos usines nucléaires, de nos institutions publiques et de nos centres économiques. Les policiers comprennent cette inquiétude et pensent également qu'il est possible de faire davantage pour préserver notre mode de vie et qu'il faut agir.

Le laissez-faire est le meilleur allié des terroristes. Les terroristes utilisent les libertés et les garanties qu'offre notre société démocratique pour commettre des actes inhumains et lâches qui suscitent la terreur. Le Canada doit tenter de concilier les libertés fondamentales auxquelles ont droit les citoyens respectueux des lois, tout en veillant à ce que ceux qui choisissent de vivre hors la loi ne puissent invoquer ces lois pour échapper aux recherches, aux poursuites, ou pour saper notre mode de vie démocratique.

Le projet de loi C-36 est un projet de loi complet qui tente de concilier la sécurité des Canadiens et les droits et les protections fondamentales de tous les citoyens. Nous félicitons la ministre de la Justice et ses collaborateurs d'avoir adopté l'approche rationnelle que reflète le projet de loi C-36; nous sommes heureux d'exprimer notre appui à ce projet et nous invitons le Parlement à l'adopter rapidement.

Nous avons toutefois de graves réserves au sujet de la capacité des policiers de répondre aux nouvelles demandes de la lutte contre le terrorisme et d'assumer les lourdes responsabilités qui sont les leurs dans le domaine de l'application de la loi et de la fonction policière.

• 0945

Il ne s'agit pas là d'une demande irréfléchie en réaction à cette tragédie mais d'une invitation pressante à tenir compte des inquiétudes qu'expriment les services de police depuis bientôt une dizaine d'années.

L'Association canadienne des policiers et policières a déjà adopté plusieurs résolutions, dont la plus récente est celle du 1er septembre de l'année courante, dans laquelle elle exprimait de graves inquiétudes sur la qualité des contrôles exercés à notre frontière et sur le financement des responsabilités nationales et fédérales en matière de services policiers.

Le projet de loi C-36 se limite manifestement aux divers aspects de ce qui constitue pour la plupart des gens le terrorisme et ne peut être interprété comme s'il s'appliquait à d'autres crimes, comme le crime organisé ou la désobéissance civile.

L'article 145 du projet de loi prévoit l'examen obligatoire de la loi par un comité du Parlement après trois ans. Certains ont proposé d'insérer dans ce projet de loi une clause d'extinction, qui aurait essentiellement pour effet d'abroger cette loi, sauf décision contraire du Parlement.

L'ACP est en faveur de l'examen automatique prévu par le projet de loi mais s'oppose vivement à l'adoption d'une clause d'extinction, et ce, pour deux raisons.

Premièrement, le terrorisme n'est pas un phénomène nouveau qui, contrairement à ce qu'affirment certains, disparaîtra bientôt. Le terrorisme est un phénomène évolutif qui met en danger la sécurité nationale et qu'il est possible de circonscrire, d'entraver et de réduire mais pas de supprimer.

Deuxièmement, ces enquêtes sont extrêmement complexes; elles portent sur des renseignements sensibles et elles sont très longues puisqu'il faut parfois des années pour achever l'enquête, intenter des poursuites et obtenir une condamnation. Si l'on préconisait l'abrogation de cette loi dans trois et même dans cinq ans, les services de police hésiteraient à déclencher des enquêtes vers la fin de la période prévue; cela amènerait les avocats de la défense à utiliser des tactiques dilatoires et vouerait à l'échec les poursuites intentées en vertu de ces dispositions.

La loi n'accorde pas aux policiers, comme certains critiques l'ont affirmé, de larges pouvoirs d'arrestation qui portent atteinte aux droits et aux libertés individuels. Cette loi attribue aux policiers un pouvoir d'intervention très limité qui ne peut être exercé que lorsqu'il existe un motif raisonnable de soupçonner qu'un acte terroriste est susceptible d'être commis, pour empêcher qu'il soit commis, pour ensuite faire comparaître la personne arrêtée devant un juge de la Cour provinciale.

Les modifications apportées à la Loi sur les secrets officiels et à la Loi sur la preuve au Canada viennent renforcer et moderniser le droit pour qu'il permette de lutter plus efficacement contre les activités terroristes qui compromettent la sécurité nationale et internationale. Les organismes hésitent souvent à transmettre des renseignements à leurs homologues nationaux ou internationaux à cause des problèmes que peut poser leur divulgation. La protection accordée aux renseignements de sécurité lorsqu'ils sont particulièrement sensibles aidera le Canada à résoudre ces difficultés, celles qui concernent les agences canadiennes comme celles qui touchent nos homologues internationaux.

Il est très difficile de concilier la sécurité nationale et le droit des citoyens au respect de la vie privée, avec la transparence dont doivent faire preuve les institutions si l'on veut qu'elles rendent compte de leurs actions. Nous pensons que le procureur général doit avoir le pouvoir discrétionnaire de limiter la divulgation de certains renseignements si cela compromettait véritablement la sécurité nationale. Le procureur général du Canada est obligé de rendre compte de ses actes au Parlement et aux citoyens du Canada.

L'ACP estime que les modifications apportées au projet de loi C-36 devraient comporter, et je reprends là ce qu'ont dit mes collègues de l'autre association sur ce point, la création d'une nouvelle infraction réprimant l'usurpation de nom.

Deuxièmement, il faut renforcer les lois canadiennes en matière de télécommunications pour interdire la mise en marché des appareils qui empêchent l'écoute électronique et pour obliger les compagnies de télécommunications à fournir, à leurs propres frais, un accès légal aux services de police qui seraient ainsi autorisés à intercepter les communications sur nos réseaux publics.

Troisièmement, il faut donner aux juges le pouvoir de refuser aux terroristes le bénéfice de la libération conditionnelle et d'imposer des peines d'emprisonnement consécutives incompressibles aux personnes déclarées coupables de plusieurs meurtres.

Quatrièmement, il y a lieu de donner aux policiers locaux et provinciaux le pouvoir d'exercer leurs fonctions dans une autre municipalité ou province.

[Français]

M. Mike Niebudek (vice-président, Association canadienne des policiers et policières): Bonjour. Je m'appelle Mike Niebudek et je suis le vice-président de l'Association canadienne des policiers et policières et également le président de l'Association de la police montée de l'Ontario.

Le gouvernement fédéral doit agir rapidement pour réparer les failles béantes dans les capacités actuelles du Canada en matière de sécurité et d'application de la loi.

Les récentes réaffectations du personnel de la GRC en réponse à la problématique du terrorisme en sont un exemple de choix. Selon le commissaire Zaccardelli, 2 000 gendarmes de la GRC ont été retirés d'autres fonctions policières pour riposter à la crise du terrorisme. On a donc retiré ces gendarmes d'autres fonctions policières également prioritaires auparavant, telles que la lutte contre le crime organisé et la surveillance policière sur le terrain et dans les communautés. Des gendarmes autrefois affectés aux priorités du crime organisé ont dû abandonner leurs enquêtes pour assumer leur affectation antiterroriste actuelle.

• 0950

Bien que l'ACP ait adopté des résolutions à la chaîne incitant le gouvernement du Canada à assurer le financement adéquat du budget de la Gendarmerie royale du Canada pour maximaliser l'efficacité des responsabilités policières fédérales et nationales, nos réclamations d'aide sont demeurées sans réponse. À défaut de toute augmentation significative des effectifs de la GRC, la sécurité publique sera compromise à longue échéance.

Le gouvernement du Canada a récemment annoncé une injection de fonds pour «affermir la capacité du Canada de prévenir et détecter des menaces existantes ou émergentes à la sécurité nationale, et pour y réagir.» Sur les nouveaux fonds de 250 millions de dollars, seulement 9 millions de dollars sont affectés à la dotation de personnel dans les secteurs prioritaires de la GRC. Cette somme équivaut à approximativement 72 gendarmes à temps plein. De toute évidence, ce n'est pas suffisant pour répondre de façon probante aux nouvelles exigences policières nationales imposées à la Gendarmerie.

Le terrorisme est une préoccupation nationale, interprovinciale et transjuridictionnelle. Pourtant, le gouvernement fédéral a résisté aux réclamations de ressources complémentaires aux niveaux local et provincial. Les répercussions des préoccupations suscitées par les événements du 11 septembre dernier se font le plus cruellement ressentir au niveau local. Nous maintenons qu'un meilleur leadership est indispensable, tant en termes de financement accru qu'en termes de coordination des initiatives policières antiterroristes.

Les frontières du Canada souffrent de la même incurie. Les agences de l'immigration et des douanes manquent des ressources et de la technologie voulues pour pouvoir inspecter d'énormes quantités de biens et de personnes qui entrent au pays et en sortent à chaque jour.

Étant donné notre proximité des États-Unis d'Amérique, le Canada s'avère particulièrement vulnérable en tant que tremplin pour le crime international. Les criminels internationaux reconnaissent le Canada comme point d'accès aux États-Unis pour y transporter leur contrebande illicite, comprenant le trafic d'individus, de drogues, de pornographie juvénile et d'armes à feu, sans compter l'exécution d'actes terroristes. Cependant, le pire, c'est que le Canada s'est acquis une réputation internationale de refuge certain pour les criminels et de terrain fertile pour le crime organisé.

Le gouvernement doit accorder une priorité plus urgente ainsi qu'un financement et un soutien accrus à la protection de nos frontières, à la prévention de l'entrée illégale de contrebande et de criminels et à l'élimination du climat de refuge certain présentement offert aux criminels condamnés.

L'ACP préconise la création d'un service national de protection des frontières pour assurer la protection et la surveillance stratégique et coordonner des frontières canadiennes et des points d'entrée au pays, qui serait distinct du ministère du Revenu national. Ce nouveau service devrait également offrir du soutien aux initiatives déjà entreprises par la Gendarmerie royale du Canada, tel qu'annoncé.

[Traduction]

M. Grant Obst: En conclusion, cette mesure législative très ambitieuse apporte des améliorations très positives et nous sommes heureux de vous faire savoir que nous l'appuyons. Le Canada doit adopter une approche stratégique multidisciplinaire à la sécurité nationale qui combine l'adoption de mesures législatives et de politiques efficaces, l'attribution de ressources humaines et technologiques suffisantes, ainsi que l'adoption d'une stratégie globale et intégrée d'application de la loi.

Le Canada va-t-il réussir à protéger ses citoyens contre les attaques terroristes? Ce ne sont pas les déclarations politiques ou les nouvelles lois qui permettront de répondre à cette question, mais l'existence d'une volonté politique suffisamment forte pour faire de cette question une priorité et lui consacrer les ressources, la formation et l'appui grâce auxquels les lacunes béantes qui existent dans nos capacités en matière de sécurité et de services de police seront comblées. Sans les moyens et les ressources nécessaires à sa mise en oeuvre, le projet de loi C-36 n'aura aucun effet.

Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant vous. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le vice-président (M. Chuck Cadman): Merci, monsieur Obst.

Nous allons maintenant entendre M. Brian Adkins qui représente l'Association nationale de la police professionnelle.

Détective Sergent d'état-major Brian Adkins (président de l'Association nationale de la police professionnelle): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité de la justice, je suis heureux de représenter ici l'Association nationale de la police professionnelle. Je m'appelle Brian Adkins et je suis le président de cet organisme. Je suis également détective et sergent d'état-major auprès de la PPO.

L'attentat terroriste commis le 11 septembre contre l'Amérique et la suite des événements ont fait ressortir au Canada un certain nombre de problèmes en matière d'application de la loi et de sécurité, et ont constitué un sérieux rappel des conséquences que pourrait avoir l'inaction.

Outre la sécurité nationale, le terrorisme menacerait également la libre circulation des biens et des personnes entre le Canada et les États-Unis, si nous ne prenions pas des mesures visant à le contrer.

• 0955

C'est pourquoi nous trouvons encourageant que le gouvernement fédéral ait présenté le projet de loi C-36, à titre de première réponse à cette attaque sans précédent contre notre sécurité, contre notre liberté et contre notre prospérité. C'est une attaque que notre société et notre démocratie n'avaient jamais connue.

L'Association nationale de la police professionnelle représente environ 18 000 policiers qui sont membres des associations de la Police régionale de Halifax, de la GRC-Québec, de la Sûreté du Québec, de la Police provinciale de l'Ontario, de la Police de Toronto et de la Police régionale de Niagara. Ce sont nos membres qui sont appelés aujourd'hui à appliquer le Code criminel et à mener des enquêtes d'envergure; ce sont aussi nos membres qui auront la tâche d'améliorer la sécurité de la population en utilisant les dispositions de ce projet de loi.

Les commentaires que nous allons faire au sujet du projet de loi C-36 ne constituent pas une analyse juridique générale ou détaillée du projet de loi. Nous avons préféré axer notre analyse sur l'application de la loi, de façon à déterminer si les changements proposés vont faciliter ou non la réalisation des objectifs recherchés. Je vais suivre dans mes remarques le document qui vous a été distribué. En outre, nous offrons quelques suggestions susceptibles d'améliorer certains points et signalons ce qui semble être des omissions qui nous paraissent graves.

Chaque fois que cela est possible, les méthodes modernes d'application de la loi visent à renforcer la diffusion de l'information et la collaboration entre tous les intervenants, quel que soit le territoire où ils opèrent. Sur ce point, nous sommes heureux de noter que le projet de loi crée certaines infractions terroristes—engins explosifs ou meurtriers, financement du terrorisme—qui peuvent faire l'objet de poursuites au Canada même si elles sont commises à l'étranger, lorsque certaines conditions sont remplies.

Nous espérons que le gouvernement fédéral tentera d'amener d'autres pays à adopter cette approche, notamment pour ce qui est de l'admissibilité des preuves obtenues par des autorités étrangères, à savoir les communications interceptées et les enregistrements vidéos conformes à leurs lois, et de la création d'une base de données internationale, qui recenserait les entités terroristes ainsi que les personnes et les groupes reliés à des terroristes ou à des entités terroristes.

Pour ce qui est des nouvelles infractions, le projet de loi C-36 crée une série d'infractions spécialisées qui visent à réprimer le plus rapidement possible les attentats terroristes ainsi que les activités d'appui qui les nourrissent. Nous félicitons le gouvernement d'avoir pris cette initiative, spécialement, dans la mesure où elle vise également ce comportement accessoire mais relié au terrorisme. Nous souhaitons néanmoins proposer un certain nombre d'améliorations.

Nous reconnaissons que le projet de loi crée des infractions graves, à savoir, le financement du terrorisme, le fait de fournir des biens ou des services en vue de faciliter une activité terroriste, le fait d'administrer des biens contrôlés par des terroristes ou leur appartenant, et plusieurs autres infractions qui seront fort utiles aux policiers de première ligne qui patrouillent nos rues tous les jours.

Il serait toutefois souhaitable que le législateur examine la portée des infractions qu'il a créées, parce qu'il semble que le vol à l'étalage soit punissable par l'emprisonnement à perpétuité, lorsqu'il est exécuté en vue de faciliter la réalisation d'objectifs terroristes précis mais inconnus. Par contre l'article 432.1 ne réprime pas le fait de posséder, sans autorisation, un engin meurtrier, ce que nous invitons vivement le législateur à faire, dans le sillage du Patriot Act (loi des patriotes) des États-Unis d'Amérique.

Enfin, les événements récents ont montré que les terroristes pouvaient utiliser le courrier pour propager leur oeuvre de mort. Nous pensons qu'il faudrait modifier le Code criminel pour qu'il réprime ce comportement et en facilite la preuve.

Pour ce qui est des demandes extraterritoriales, nous sommes heureux de constater une fois de plus que le législateur a décidé d'autoriser, dans certaines circonstances, que soient poursuivies au Canada des personnes qui y résident pour des infractions reliées au terrorisme mais commises ailleurs. Nous espérons que cette possibilité sera élargie de façon à autoriser la poursuite de personnes qui ont commis des crimes au Canada, à déclarer admissibles les preuves qui le sont dans certains États, et à accélérer l'expulsion des condamnés.

Nous reconnaissons également que le projet de loi contient de nombreuses modifications très importantes sur le plan de la procédure et nous les appuyons toutes. Nous aimerions signaler en passant: l'interdiction de tirer des conclusions défavorables du fait que l'affidavit relatif à la confiscation n'est pas fondé sur la connaissance personnelle de son auteur, la modification des dispositions relatives à l'écoute électronique de façon à ajouter l'infraction de terrorisme à la liste des infractions soustraites à l'application des dispositions normales trop complexes, la modification des articles relatifs à la publication de façon à autoriser les preuves extrajudiciaires et l'interdiction de toute publication des preuves en vue de protéger les policiers, et enfin l'élargissement de l'utilisation des empreintes génétiques.

J'ai travaillé pendant cinq ans au service de l'écoute électronique de la PPO et je tiens à exprimer, au nom de nos membres, toute l'importance que revêt dans ce domaine le projet de loi. Ces enquêtes sont très complexes et très dangereuses et les agents qui les mènent ont besoin des outils que cette loi leur fournit.

Nous sommes également favorables à la modification de la Loi sur le casier judiciaire qui a pour effet d'ajouter l'article 83.3, disposition d'importance relative, mais qui autorise la prise d'empreintes digitales et leur conservation. C'est une disposition mineure qui pourrait néanmoins devenir un outil très important puisqu'elle faciliterait l'identification des terroristes, un aspect central de la lutte contre le terrorisme.

En matière de cautionnement, le projet de loi C-36 ajoute, parmi d'autres changements non corrélatifs, les infractions de terrorisme identifiées—en l'absence de l'article 431.2—à celles qui entraînent le renversement du fardeau de la preuve. Notre expérience nous donne à penser que cela pourrait être amélioré. Nous recommandons au législateur de revoir l'article 522, pour qu'un juge de la Cour supérieure puisse accorder un cautionnement pour les nouvelles infractions de terrorisme décrites ci-dessus.

• 1000

Pour ce qui est des questions de preuve, les spécialistes de l'application de la loi critiquent souvent le fait que les pratiques habituelles en matière de divulgation de la preuve ont pour effet non souhaité de révéler les techniques et les stratégies utilisées pour les enquêtes, en plus de compromettre les sources d'information. Nous sommes extrêmement heureux de constater que le projet de loi C-36 contient des dispositions permettant d'éviter ce genre de choses. Ces dispositions comprennent la préservation du droit d'opposition du ministre, la création d'un certificat spécial du procureur général interdisant la production de preuves et la création d'un certificat spécial du procureur général interdisant la divulgation d'information.

La Loi sur la protection des renseignements personnels est apparemment conçue pour empêcher la divulgation de renseignements non reliés à des poursuites lorsque cette divulgation est demandée pour des fins irrégulières. Le législateur souhaitera peut-être réexaminer l'opportunité de délivrer ce genre de certificat de façon à empêcher le refus de communiquer des renseignements, lorsque cela n'est pas justifié.

Je tiens à indiquer aux membres du comité que les policiers ont mis au point grâce à l'expérience acquise au cours des années des techniques d'enquête que certains qualifient de clandestines. La divulgation forcée de ces techniques devant les tribunaux a gravement compromis nos outils d'enquête. Lorsque ces techniques sont divulguées, nous n'avons pas de solution de rechange. Nous faisions beaucoup de choses pour protéger le public que nous ne pouvons plus faire parce que ces techniques sont maintenant connues de tous.

La liste des entités terroristes pourrait se révéler être la mesure du projet de loi qui donnera les meilleurs résultats, dans la mesure où elle apporte une certitude. L'établissement de cette liste ne constitue cependant qu'un moyen et non pas une fin et ce sont les répercussions associées à l'inclusion dans cette liste qui joueront un rôle crucial. Il faut regretter que le projet de loi C-36 soit muet à ce sujet, ce qui compromet bien évidemment l'efficacité de cette liste. Parmi les conséquences que devrait entraîner le fait de figurer sur cette liste, il devrait y avoir l'inadmissibilité à l'immigration et l'expulsion de ces personnes aux termes de la Loi sur l'immigration, l'obligation de déclarer ses biens, la confiscation des biens, la délivrance obligatoire de certificats de non-admissibilité et l'interdiction de certains groupes.

En conclusion, nous félicitons le gouvernement d'avoir présenté ce projet de loi. Je suis policier depuis 28 ans, et je n'ai jamais rien vu qui ait touché la population comme l'ont fait les événements du 11 septembre. Les gens ont peur de tout. Ils sont inquiets pour leur famille et ils ne savent pas s'ils vont pouvoir survivre.

L'Association nationale de la police professionnelle demande au gouvernement du Canada de s'engager à lutter contre le terrorisme pendant des années, et je souligne, pendant des années. Comme d'autres intervenants l'ont déclaré, les terroristes ont de l'argent. Ils peuvent attendre. Le temps joue pour eux. Je vous invite à tenir compte de ces aspects lorsque vous examinerez les articles du projet de loi.

Les Canadiens doivent se sentir en sécurité au travail, dans leur pays et dans le monde. Ils doivent être sûrs que leur gouvernement et la police les protègent. Ils ont besoin que le gouvernement prenne cet engagement. Nous vous invitons à ne pas oublier les paroles qu'a prononcées la ministre de la Justice, Mme McLellan le 15 octobre. Elle a prononcé des paroles lourdes de sens:

    Les événements horribles du 11 septembre nous rappellent que nous devons continuer à travailler avec les autres pays pour lutter contre le terrorisme et à utiliser tous les moyens qu'offre le droit contre les personnes qui appuient les actes de terrorisme, qui les planifient et qui les exécutent—nous confisquerons leurs biens, nous les retrouverons et nous les punirons.

Nous pensons que c'est une déclaration d'une grande valeur. Nous vous invitons vivement à adopter ce projet de loi et à demeurer déterminés parce que nous vivons à une époque où nous avons besoin de leadership.

Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Chuck Cadman): Merci, monsieur Adkins.

Nous avons maintenant un témoignage à titre personnel, celui de M. Leo Knight. Vous avez 10 minutes.

M. Leo Knight (témoignage à titre personnel): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour. Merci de m'avoir invité aujourd'hui.

Je comparais ici en tant qu'ancien policier. Je suis à l'heure actuelle un des dirigeants d'une agence de sécurité privée. Je fais également fréquemment des commentaires sur la justice dans les médias.

J'ai été très troublé par les indications qu'a données le gouvernement depuis le 11 septembre, dont la moindre n'est pas que la vie doit continuer comme avant. Je ne prétendrai pas dire au gouvernement comment il devrait diriger le pays, mais je me pose des questions, et il y a beaucoup d'autres qui le font également, au sujet de ses priorités.

Je me demande également si le gouvernement comprend vraiment que la paix actuelle est très précaire et que nous sommes très proches d'un conflit mondial d'importance, plus que nous ne l'avons jamais été à l'époque la plus noire de la guerre froide, les treize jours qu'a duré la crise des missiles cubains.

Je donnerai comme exemple la réponse qu'a fournie le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration à la question qu'on lui posait en Chambre la semaine dernière. Le ministre a déclaré que le Canada consacrait trois fois plus de ressources à la protection de notre frontière que ne le faisaient les États-Unis. Cela est faux. En fait, notre frontière n'est absolument pas protégée. Nous avons un ministère composé de percepteurs de taxes auxquels se joignent une poignée d'agents d'immigration mal armés et mal payés. Ils peuvent toutefois obtenir en cas de besoin l'appui des services de police dont relève l'endroit où ils travaillent.

Je ne dis pas ça pour critiquer les Douanes et l'Immigration. Bien au contraire. La plupart des fonctionnaires de carrière de ces ministères ont réclamé les outils et la formation dont ils ont besoin pour effectuer leur travail. C'est le blocage idéologique et bureaucratique que je critique.

Je citerai également comme exemple l'annonce qu'a faite la semaine dernière le ministre de l'industrie d'après laquelle il allait consacrer 1 milliard de dollars pour amener l'Internet à haute vitesse dans les régions isolées. Si l'on compare cette somme aux 200 millions de dollars environ que le gouvernement a déclaré vouloir consacrer à la lutte contre le terrorisme, on ne peut que se poser des questions sur ses priorités.

• 1005

Nous sommes en guerre. Il importe peu que certains Canadiens pensent que ce n'est pas une bonne idée. Ce n'est pas parce que quelqu'un ne veut pas être en guerre qu'il ne l'est pas. Nous sommes en guerre.

Nous sommes en guerre non pas seulement contre un petit groupe de terroristes mais contre un groupe de personnes beaucoup plus nombreuses qui voudraient détruire le mode de vie qui est le nôtre et faire disparaître l'État nation d'Israël. Ce n'est pas les règles de la rectitude politique ou le double langage bureaucratique qui changeront quoi que ce soit à cette situation.

Il me semble que notre pays est très mal préparé à cette guerre. Oui, les hommes et les femmes qui composent notre armée, le SCRS, la GRC, et les services de police font de leur mieux et continueront à le faire, coûte que coûte. Mais compte tenu des ressources dont nous disposons, et de la menace à laquelle nous faisons face, tous ces efforts ne suffiront peut-être pas s'il n'y a pas la volonté politique de leur fournir les ressources en personnel, en équipement et en mesures législatives dont ils ont besoin.

Le projet de loi C-36 est une réponse aux attentats commis le 11 septembre et qui ont été bien planifiés et bien exécutés. L'aspect important de ce projet de loi est qu'il ne tient pas compte de nombreux aspects de la réalité d'aujourd'hui.

Le 13 décembre 2000, le directeur adjoint d'Interpol a comparu à une audience, assez semblable à celle-ci, du Judiciary Subcommittee on Crime à Washington, D.C. Son exposé traitait de la menace que posait la convergence du crime organisé, du trafic des stupéfiants et du terrorisme. Ce directeur adjoint, M. Ralf Mutschke, a spécialement attiré l'attention sur le Groupe islamique armé, le GIA. C'est le groupe qui est directement relié à Ahmed Ressam. M. Mutschke a déclaré:

    On sait qu'Ahmed Ressam a partagé à Montréal un appartement avec Said Atmani, un faussaire notoire qui travaille pour le GIA. Il a été établi qu'avant que Ressam tente d'entrer aux États-Unis, il est resté avec Abdelmajid Dahoumane à Vancouver pendant trois à quatre semaines. Interpol avait signalé que cet individu était activement recherché. L'enquête a révélé l'existence de liens entre des terroristes d'origine algérienne et un réseau criminel de Montréal spécialisé dans le vol des ordinateurs portatifs et des téléphones cellulaires. Le groupe de Montréal était en contact avec des individus qui participaient à des activités d'appui aux terroristes en France et avec plusieurs groupes de Moudjahiddin.

Il a poursuivi:

    Le produit de ces activités criminelles a été remis à un réseau international ayant des liens avec la France, la Belgique, l'Italie, la Turquie, l'Australie et la Bosnie.

M. Mutschke a également parlé d'une réunion qui s'est tenue en Albanie à laquelle assistaient plusieurs terroristes algériens ainsi que Osama ben Laden, d'après ce que certains affirment.

Il a déclaré ensuite:

    Le réseau d'appui au GIA s'occupe d'extorsion, de contrefaçon, de fraude et de blanchiment d'argent.

Il aurait fort bien pu parler de cette façon du crime organisé, de la famille Rizutto de Montréal ou des Hell's Angels ici même à Ottawa.

Il a présenté la recommandation suivante:

    La façon dont fonctionnent les services de police constitue un autre élément clé dans ce domaine. Trop souvent, les services de police considèrent que les stupéfiants, le crime organisé et le terrorisme sont des questions distinctes. Cette attitude empêche les services de police d'avoir une image complète du phénomène.

Je ne vais pas reprendre les différents points que contenait le rapport du directeur adjoint d'Interpol, mais je mentionnerais tout de même qu'il a été prononcé 10 mois avant le 11 septembre et que tous les membres du comité et du Parlement devraient le lire.

Le problème vient davantage de l'absence d'approche intégrée en matière de renseignement de sécurité que d'un manque de coopération internationale. C'est là pour moi l'élément crucial de toutes ces discussions. Le projet de loi C-36, tel que rédigé, ne tient pas compte du fait que les stupéfiants, le crime organisé et le terrorisme sont liés comme mari et femme.

Lorsque le commissaire de la GRC actuel est entré en fonction, il a déclaré que le crime organisé était la principale menace auquel faisait face notre pays. Il faudrait aujourd'hui modifier cette affirmation pour y ajouter le «terrorisme», et comprendre toute la gravité de la situation.

C'est là que les choses se compliquent. Ce sont les groupes de défense des libertés civiles, les barreaux et d'autres groupes plutôt de gauche qui s'opposent le plus vivement au projet de loi C-36. Je suis d'accord avec eux pour dire qu'il faut respecter les droits et les libertés que nos ancêtres ont obtenus pour nous au prix de leurs vies, mais il faut tout de même comprendre ce qui est en jeu ici, si nous ne voulons pas que ces vies aient été données en vain.

J'ai écouté ces dernières semaines le débat au sujet des politiques à l'égard de réfugiés et j'ai constaté toute l'importance du rôle que joue la rectitude politique puisqu'elle l'emporte sur les besoins une nation en guerre.

La réalité n'est pas difficile à comprendre. Lorsqu'un passager détruit ses papiers d'identité et s'en débarrasse dans la toilette de l'avion qui l'amène au Canada, ce seul fait indique qu'il veut tromper les autres. D'après notre loi, cette attitude suffirait à lui refuser l'entrée au Canada. Ce genre de personne n'est pas bloquée à la frontière, elle n'est pas détenue, et cela encourage d'autres tromperies.

Les agents d'immigration utilisent deux mots pour décrire avec quelle facilité il est possible d'entrer au Canada grâce à nos politiques à l'égard des réfugiés, telles qu'elles sont appliquées à l'heure actuelle, les voici «mentir et pleurer». Sommes-nous incapables de comprendre que les terroristes et les criminels du monde entier le savent et profitent de la situation? Franchement, cela défie toute logique.

Il y a également le fait que l'on relâche toutes ces personnes sans qu'on ait les moyens de savoir où elles sont; si elles ne se présentent pas à la date d'audience prévue, nous sommes incapables de les retrouver.

Lorsqu'on demande au gouvernement où se trouvent les 27 000 revendicateurs du statut de réfugié qui ont fait défaut de comparaître, il répond: «Ils ont peut-être quitté le pays. Nous n'essayons pas de contrôler les personnes qui quittent le Canada.» Je répondrais simplement à cela: «Pourquoi pas?» Il ne suffit pas de hausser les épaules et de dire que nous ne le faisons pas. Nous devons trouver le moyen de le faire pour que nous ne soyons plus la risée du monde.

• 1010

L'affaire Ahmed Ressam a fait ressortir les lacunes de notre processus de traitement des réfugiés. On l'a cité des dizaines de fois pour donner un excellent exemple d'une situation inacceptable. Ressam était en cheville avec un réseau de soutien dont faisaient partie, notamment, des faussaires. C'est là un élément crucial. Les documents saisis au cours de la grande enquête menée depuis le 11 septembre et que les autorités décrivent comme étant un «manuel du terroriste» donnent les instructions suivantes aux terroristes clandestins. Voilà ce qu'on peut lire:

    Tous les documents du frère clandestin comme ses papiers d'identité et son passeport doivent être des faux.

Le manuel poursuit:

    Lorsque l'agent secret voyage avec une carte d'identité ou un passeport particuliers, il doit connaître tous les renseignements pertinents, comme le nom, la profession et son lieu de résidence. Le frère qui a un statut spécial (commandant, agent de communication) doit avoir sur lui plusieurs cartes d'identité et passeports. Il doit connaître le contenu de chacun de ces documents, la nature de la profession indiquée et le dialecte parlé dans la zone où il réside d'après les documents.

Les personnes arrêtées récemment au Canada et aux États-Unis alors qu'elles venaient de quitter le Canada ont suivi avec beaucoup de soin les instructions qui figurent dans ce document. Cela est facile à comprendre, ou devrait l'être; cela n'a rien à voir avec l'idéologie mais plutôt avec les besoins opérationnels d'un pays en guerre. Lorsqu'un terroriste peut se rendre au Canada sans avoir aucun document sur lui et demander le statut de réfugié en relatant une histoire suffisamment plausible, c.-à-d., en mentant et en pleurant, il est libéré. Il lui reste ensuite simplement à entrer en contact avec son réseau de soutien, qui comprend des faussaires et il pourra se choisir une ou plusieurs identités. Ces personnes oublient le nom qu'elles ont utilisé pour entrer au Canada et font partie des 27 000 personnes dont le gouvernement ignore complètement où elles se trouvent. La seule façon d'arrêter cette pratique est de changer les règles et les attitudes. Nous sommes en guerre.

Un dernier point, les critiques adressées au projet de loi C-36 concernent ce qu'on appelle une clause d'extinction et portent sur le droit du ministre de préserver le caractère secret de certains renseignements dans des circonstances exceptionnelles. Le Royaume-Uni a adopté il y a une vingtaine d'années sa Loi sur la prévention du terrorisme et cette loi fait régulièrement l'objet d'un examen parlementaire pour décider s'il y a lieu d'élargir les dispositions de cette loi. Cela me semble largement suffisant pour répondre aux préoccupations, et il n'est pas nécessaire d'adopter une clause d'extinction qui aurait pour effet d'abroger les dispositions de la loi qui attribuent des pouvoirs aux autorités. Si l'examen s'effectuait sur une base annuelle, le comité chargé de le faire pourrait examiner la situation et décider s'il y a lieu de proroger la loi ou de l'abroger. Cela éviterait le caractère définitif d'une clause d'extinction, sans retirer aux autorités le pouvoir d'utiliser les dispositions de cette loi selon les besoins.

Sur ce dernier aspect, il me semble que le ministre de la Justice devrait être tenu d'informer le Parlement lorsque les circonstances sont suffisamment spéciales pour justifier le recours au secret législatif. Si cela était prévu par la loi, nous serions sûrs que ce pouvoir serait utilisé pour des motifs véritablement reliés à la sécurité nationale et non pas pour des motifs politiques, comme l'opposition pense que ce serait le cas avec la formulation actuelle.

Je vais terminer là-dessus mon exposé et je suis prêt à répondre aux questions des membres du comité. Merci.

Le président: Merci, monsieur Knight.

M. Toews pour sept minutes.

M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président. Je vais parler d'un aspect précis du projet de loi, pendant que d'autres, notamment mon collègue, M. Sorenson, pourront aborder la question du manque de ressources de la GRC qu'a mentionnée l'ACP, et plus précisément, M. Niebudek.

Il semble que les informations que M. Niebudek a transmis au comité sont très différentes de ce que le commissaire de la GRC a déclaré auparavant au comité au sujet des ressources dont disposait notre service de police fédéral. Je vais toutefois laisser cette question à mon collègue.

Je vous remercie tous pour vos exposés. Je les ai trouvés très instructifs. Le terrorisme—et c'est une chose que nous ont dite les experts et ces commentaires ont été encore repris aujourd'hui—est un phénomène permanent et non pas temporaire. C'est pourquoi, à la différence de la Loi sur les mesures de guerre qui était une réponse à une crise temporaire, ce projet de loi doit concilier nos besoins en matière de sécurité avec le respect des libertés civiles, et ne les restreindre que lorsque cela est vraiment justifié.

Le gouvernement a proposé un examen de la loi. Le problème que soulève, d'après moi, ce genre d'examen est que même avec une telle disposition, les lois ne sont jamais examinées. Il existe de nombreux exemples de cas où le gouvernement a omis de procéder à cet examen et il n'existe aucune façon de l'obliger à le faire. L'exemple le plus frappant, et il y en a d'autres, est celui des dispositions du Code criminel concernant les troubles mentaux, dispositions que vous connaissez sans doute. On devait procéder à cet examen il y a plus de sept ans; cela n'a pas été fait. Voilà donc le genre de problème auquel nous faisons face avec ce projet de loi.

• 1015

Il est compréhensible que les membres de l'opposition craignent que le gouvernement n'ait pas la volonté ou l'intention de procéder à un véritable examen de cette loi. Je crois que c'est à cause de cette frustration qu'on a suggéré une clause d'extinction qui viserait au moins les dispositions qui sont le plus attentatoires aux libertés civiles. Avec une telle clause, ces dispositions seraient abrogées après un certain délai. Cela crée, d'après moi, un autre problème, un problème très grave. Dans quelques années, lorsque cette loi ou certaines dispositions seront abrogées, le gouvernement pourrait se contenter d'oublier tout cela—d'oublier que les terroristes sont toujours actifs, qu'ils sont au Canada pour lever des fonds ou planifier des attentats à l'étranger.

Je vous demande donc, compte tenu des antécédents assez pitoyables du gouvernement en matière d'examen des lois et de vos préoccupations à l'égard d'une clause d'extinction—que je partage en partie—s'il existe une autre solution que celle-ci, qui paraît problématique. Peut-être que l'Association des chefs de police et ensuite, l'ACP, ou dans un autre ordre...

Comm. Gwen Boniface: Je pourrais peut-être répondre au nom des chefs de police. Nous appuyons ce processus d'examen, mais je ne sais pas si vous pourriez ajouter cette condition, compte tenu des renseignements que vous avez fournis pour ce qui est du caractère obligatoire de l'examen. Cela serait une bonne chose. Nous craignons qu'une clause d'extinction—et vous avez également abordé ce point—ne le permette pas. Nous craignons également que le débat sur le projet de loi soit déclenché en plein milieu d'une enquête.

Nous sommes très en faveur de l'examen. Je laisserai au comité le soin de le rendre obligatoire. Mais c'est la différence que nous faisons entre l'examen et la clause d'extinction, pour ce qui est des chefs de police.

Le vice-président (M. Chuck Cadman): Monsieur Adkins.

Dét. Sgt é.-m. Brian Adkins: Pour ce qui est de l'Association nationale de la police professionnelle, nous sommes favorables à l'idée d'un examen mais à l'expiration d'une période assez longue. Nous n'appuyons pas une clause d'extinction générale.

Il faut tenir compte du fait que le monde a changé le 11 septembre et que nos méthodes d'enquête doivent également changer. Il faut du temps pour lancer ces enquêtes et nous avons besoin de temps pour voir ce que l'on peut faire avec cette loi. Un contrôle trop rapide pourrait nuire aux enquêtes en cours et anéantir toutes les mesures de sécurité prévues par le projet de loi.

M. Vic Toews: Auriez-vous des réserves à l'égard d'un examen périodique effectué tous les six mois par un organisme indépendant—peut-être un juge à la retraite ou un comité parlementaire—qui étudierait les effets de cette loi? Là encore, je n'écarte pas la possibilité d'un examen, je me demande comment nous pourrions le rendre efficace.

Dét. Sgt é.-m. Brian Adkins: Je crois que c'est le délai qui ferait problème, parce qu'il faudrait faire quelque chose dans six mois ou un an. Il est possible que dans un tel délai vous n'auriez pas grand-chose à examiner et que, de toute façon, pour des raisons de sécurité, il ne soit pas possible de divulguer quoi que ce soit. Je crois que ce genre de mécanisme reflète de bonnes intentions. Il faut toutefois en déterminer la fréquence et fixer un point de départ qui permettrait d'obtenir des résultats quantifiables?

M. Vic Toews: Je vois. L'ACP?

Agent Grant Obst: Monsieur Toews, si nous pouvions envisager l'extinction du terrorisme, nous serions peut-être en faveur d'une clause d'extinction. Mais je ne prévois pas cela. Nous sommes évidemment en faveur d'un examen.

Je pense à ce que vous avez dit au sujet du fait que les examens prévus par la loi n'étaient pas toujours effectués. Je n'ai pas réfléchi à cet aspect mais je dirais qu'avec une loi qui est controversée—et il semble que certains articles de ce projet le soient—et si le Parlement ou la société craint que les pouvoirs attribués par cette loi donnent lieu à des abus, et qu'il y en ait effectivement, le gouvernement déciderait de procéder à l'examen prévu.

• 1020

S'il y a des lois en vigueur qui prévoient des examens et que ces derniers ne sont pas effectués, je pense que c'est parce qu'il n'y a pas eu d'abus. Je n'en suis pas certain mais cela pourrait être une explication. La situation n'a incité personne à effectuer l'examen prévu à l'origine.

M. Vic Toews: La question est que la loi exige un examen, et que celui-ci n'est pas effectué qu'il y ait un problème ou non.

Peut-être brièvement, M. Knight...

Le vice-président (M. Chuck Cadman): Madame Venne, vous avez sept minutes.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Merci, monsieur le président.

D'après ce que je comprends, messieurs, madame, vous êtes tous entièrement d'accord sur ce projet de loi. Vous êtes même très satisfaits et vous aimeriez que ces dispositions demeurent ad vitam aeternam dans nos lois.

Vous savez certainement que nous, du Bloc québécois, ne pensons pas de la même façon. Nous estimons que ce sont vraiment des pouvoirs extraordinaires qui vous sont accordés. Avec cette idée de pouvoirs extraordinaires et de loi exceptionnelle en tête, je me demande s'il ne serait pas approprié de retarder l'entrée en vigueur de cette loi ou de ces lois jusqu'à ce que les personnes qui seront chargées de son application soient adéquatement formées. C'est d'ailleurs ce que nous suggérait hier le bâtonnier du Québec, Me Gervais. C'est ma première question.

Je vous pose tout de suite la deuxième, que vous pouvez prendre en note afin d'y répondre plus tard, parce que je n'aimerais pas être interrompue comme mon collègue de l'Alliance.

Donc, ma deuxième question est au sujet du paragraphe 83.3(4) proposé du Code criminel, qui dit:

    ...l'agent de la paix, s'il a des motifs raisonnables de soupçonner que la mise sous garde de la personne est nécessaire afin de l'empêcher de commettre un acte criminel [...] peut, sans mandat, arrêter la personne...

J'aimerais savoir comment vous interprétez cet article, puisque les termes «avoir des motifs raisonnables» et «soupçonner» quelqu'un sont, quant à moi, complètement opposés. J'aimerais savoir de quelle façon vous allez interpréter cela, et quelles seront les directives qui seront données à vos agents à cet effet. Merci.

M. Mike Niebudek: Dans votre première question, vous avez qualifié le projet de loi C-36 proposé de formidable et d'extraordinaire.

Mme Pierrette Venne: Non, pas pour moi; pour vous.

M. Mike Niebudek: Exactement. Là-dessus, je peux vous dire que ce qui s'est passé le 11 septembre a été formidable et extraordinaire aussi. Nous vivons dans une période où nous devons nous adapter à ce qui se passe dans la société. Oui, il y a possiblement du muscle dans le projet de loi C-36, mais du muscle qui est nécessaire.

Ce qui nous pose un problème, c'est qu'il est bien beau d'avoir des lois additionnelles pour protéger nos citoyens—et nous applaudissons cela—, sauf que plus nous avons de lois dans ce pays, plus nous avons besoin de gens pour les appliquer. C'est là que nous avons un sérieux problème au Canada. C'est pour ça que notre association, depuis environ une dizaine d'années, préconise de doter notre pays d'un plus grand nombre de policiers et même de procureurs et de juges pour qu'on puisse répondre à la demande que ces nouveaux outils législatifs vont entraîner pour nous.

En ce qui concerne l'article 83.3...

Mme Pierrette Venne: Je m'excuse, mais vous n'avez pas répondu à ma question. Je vous demande si vous seriez d'accord qu'on attende que les gens soient bien formés avant de mettre la loi en vigueur.

M. Mike Niebudek: Je regrette, mais la réponse est non. Nous croyons que c'est un projet de loi qui est compréhensible. C'est un projet de loi qui doit être activé le plus rapidement possible pour protéger nos citoyens. C'est ce que notre présentation reflète, comme vous avez pu le voir si vous étiez ici pour le début de notre présentation.

Mme Pierrette Venne: Oui, j'étais là.

M. Mike Niebudek: Est-ce que ça répond à votre première question, madame?

Mme Pierrette Venne: Oui, mais je suis déçue parce que vos gens ne seront pas formés et qu'ils vont tenter de mettre la loi en application. Je trouve ça un peu incohérent, mais je comprends ce que vous me dites.

M. Mike Niebudek: Nos gens sont formés jusqu'à un certain point au niveau de l'application de la loi. Nous avons des gens qui enquêtent sur des crimes graves depuis 20, 25, 30 et même 35 ans.

Mme Pierrette Venne: Mais le terrorisme est différent.

• 1025

M. Mike Niebudek: Absolument. Vous avez raison. Vous avez entièrement raison, et c'est la raison pour laquelle, lorsqu'on parle d'appui, on parle également de ressources pécuniaires pour donner des outils au niveau de la formation et au niveau de l'équipement.

L'utilisation de la haute technologie en matière de criminalité reliée au terrorisme est une question importante. On doit s'adapter constamment, et c'est la responsabilité des services de police et des gouvernements que de s'assurer que les gens qui sont payés pour appliquer la loi soient bien formés.

[Traduction]

Le vice-président (M. Chuck Cadman): Monsieur Adkins, vouliez- vous ajouter quelque chose?

[Français]

M. Mike Niebudek: Je pense qu'il y avait une deuxième question, monsieur le président, sur la différence entre «soupçonner» et «motifs raisonnables». Oui, ça me semble un peu ambigu. On mêle les termes «soupçonner» et «motifs raisonnables» dans la même phrase. Nous croyons qu'il pourrait y avoir un éclaircissement à ce niveau. Soit qu'un agent de la paix soupçonne que quelqu'un va commettre un acte terroriste, soit qu'un policier croie qu'il y a des motifs raisonnables et probables de croire que...

Alors, oui, il y aurait peut-être un peu de travail à faire afin de clarifier la situation à ce niveau-là.

[Traduction]

Le vice-président (M. Chuck Cadman): Merci.

Monsieur Adkins, vous vouliez ajouter quelque chose?

Dét. Sgt é.-m. Brian Adkins: Oui, monsieur.

Par rapport à votre première question, je dirais qu'il n'est pas possible d'attendre, qu'il n'est pas possible de reporter cela. Nous devons commencer ces enquêtes immédiatement, en fait, elles sont déjà en cours.

Il est important de reconnaître que les personnes qui sont chargées d'appliquer la nouvelle loi si elle est adoptée seront des agents de police d'expérience qui savent comment il faut faire. Ils ont besoin d'outils supplémentaires. De nombreux intervenants l'ont dit aujourd'hui, le terrorisme, c'est la guerre. On ne peut pas lutter contre lui avec les moyens conventionnels. On ne peut pas suivre les règles qui s'appliquent aux enquêtes conventionnelles.

J'ai travaillé dans ce domaine et je peux vous dire que nous ne pouvons pas lutter contre les personnes qui disposent de fonds illimités et qui agissent de façon clandestine, en utilisant les règles conventionnelles; c'est pourquoi nous avons besoin de ces pouvoirs supplémentaires. Vous n'êtes peut-être pas d'accord avec tout ceci mais les gens qui vont appliquer la loi vont le faire avec prudence, et ils vont utiliser ces pouvoirs parce qu'ils en ont besoin et qu'il faut agir le plus rapidement possible. Ma réponse à votre première question est que nous ne pouvons pas attendre.

Pour ce qui est de votre deuxième question, les agents de police ont déjà le pouvoir d'arrêter la personne qui est sur le point de commettre un acte criminel. Cela figure déjà dans le Code criminel. Ce pouvoir d'arrestation est rarement utilisé mais il existe.

Lorsque je pense au pouvoir d'arrestation prévu par le projet de loi, je pense à l'agent de police qui voudrait... Par exemple, dans le cas de l'attentat à la bombe en 1993 contre le World Trade Center, si quelqu'un était arrivé en voiture avec toutes sortes d'appareils pouvant être utilisés pour commettre l'acte terroriste ultime, on aurait pu l'arrêter grâce à cette disposition. Voilà le genre de chose dont nous avons besoin. Ce sont des pouvoirs inhabituels mais qui servent à réprimer des crimes inhabituels. Voilà notre réponse.

Le vice-président (M. Chuck Cadman): Monsieur Sarrazin, un bref commentaire.

[Français]

M. Michel Sarrazin: Concernant la formation des policiers, il est évident que l'utilisation de nouveaux outils, de nouvelles lois nécessite de la formation. Mais ce ne sont pas tous les policiers qui auront à utiliser ces lois-là demain matin. Ce sont des unités très spéciales et spécialisées qui travaillent dans le domaine du terrorisme, des unités conjointes qui comprennent, si je parle pour les services de police locaux, des gens de la GRC, de la Sûreté du Québec, des corps de police municipaux, de l'OPP en Ontario. Donc, ce sont des spécialistes qui connaissent déjà beaucoup les pouvoirs qu'ils détiennent, qui sont déjà avisés du contenu de la nouvelle loi et qui auront à l'utiliser.

À plus long terme, il y aura sûrement une formation à donner à l'ensemble des policiers, mais ce ne sont pas tous les policiers qui auront à travailler avec cette loi demain matin. Je pense qu'il n'y a pas lieu de retarder l'entrée en vigueur d'une loi comme celle-là, mais qu'il faut s'assurer que la formation nécessaire à nos spécialistes soit donnée le plus rapidement possible.

Quant à l'article 83.3 proposé, je suis aussi d'accord qu'il y aurait peut-être des précisions à apporter. Peut-être faudrait-il définir vraiment le contexte ou le cadre d'utilisation de ces nouveaux pouvoirs. Je pense que le but visé par ces pouvoirs, c'est d'abord qu'on puisse les utiliser lorsque les policiers pensent que c'est le seul moyen raisonnable d'empêcher la mise à exécution d'une activité terroriste, voire même de sauver des vies humaines. Je pense que c'est dans ce cadre-là qu'il faut voir cela, tout en précisant le contexte dans lequel ce sera appliqué.

[Traduction]

Le vice-président (M. Chuck Cadman): Merci, madame Venne.

Monsieur Blaikie, sept minutes.

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Merci, monsieur le président.

Je vais faire quelques commentaires et poserai ensuite une question.

D'autres nous ont présenté cet argument, et je crois que le gouvernement va également l'utiliser, mais il me semble que la clause d'extinction ne privilégie aucune solution. Si je suis l'argument que vous avez présenté dans votre exposé, la clause d'extinction fait problème parce que le terrorisme est un phénomène qui ne va pas disparaître immédiatement et qu'une clause d'extinction est donc une mauvaise solution. Mais une clause d'extinction ne suppose pas que les dispositions de la loi vont effectivement disparaître. Elle a uniquement pour effet de donner au Parlement l'occasion d'adopter à nouveau, de modifier ou d'abroger cette loi.

• 1030

Je ne pense pas que les gens qui débattent de la clause d'extinction savent vraiment quelle sera la situation dans trois ans. Nous ne savons pas si le terrorisme aura disparu ou non, même si je reconnais que cela est très peu probable. Les gens qui préconisent une clause d'extinction ne savent pas non plus quelle sera la situation dans trois ans.

Lorsque la Loi sur les mesures de guerre a été invoquée en 1970, il y avait très certainement des gens qui pensaient à l'époque qu'il y aurait au Québec des terroristes pendant des années et que le monde avait changé après octobre 1970. Cependant, en octobre 1973, le monde avait encore changé et cette menace avait disparu.

Je dis simplement que nous ne devrions pas essayer de prévoir l'avenir. Il faut envisager un mécanisme qui nous donne la possibilité de réagir à la situation qui prévaudra dans quelque temps, soit en réaffirmant la validité de cette loi et en continuant à l'appliquer soit en la modifiant.

La deuxième chose, monsieur le président, est que je suis tout à fait d'accord avec les déclarations qu'ont fait les témoins au sujet des ressources et du fait que, faute de ressources, toutes les lois du monde ne serviront... Je ne dirais pas qu'elles ne sont que des paroles en l'air mais il faut reconnaître que faute de ressources, elles n'ont pas l'efficacité qu'elles pourraient avoir autrement.

Vous êtes peut-être conscient d'un problème, c'est que lorsque les ressources diminuent, les gens qui restent veulent avoir davantage de pouvoirs. Lorsque les ressources sont insuffisantes, les gens qui restent pensent qu'ils ont besoin de certains pouvoirs pour agir. C'est peut-être ce genre de pression que vous ressentez, parce que je peux vous dire que moi je la ressens dans ma collectivité.

Je parle tout simplement des aspects ordinaires de la sécurité. Dans la plupart des quartiers de ma circonscription électorale, je dirais que les gens se sentent moins en sécurité que c'était le cas lorsque j'étais jeune. Le rapport entre le nombre des policiers et des citoyens est beaucoup plus faible. Il y a moins de voitures de patrouille et ce genre de choses. Mais c'est un autre aspect. Je les ai mentionnées tout simplement pour poursuivre la discussion sur la clause d'extinction.

Je me demande ce que vous pensez de la recommandation qu'a faite le procureur général du Manitoba au sujet des améliorations à apporter au Code criminel. Un des témoins a fait allusion aux fausses alarmes. Je parle des gens qui envoient des lettres par la poste avec de la poudre blanche à l'intérieur, qui, après vérification, s'avèrent être du simple bicarbonate de soude. Cela crée un climat de peur et je me demande si vous considérez qu'il y aurait lieu de renforcer le Code criminel pour sanctionner plus sévèrement les personnes qui font ce genre de chose.

Le vice-président (M. Chuck Cadman): Monsieur Obst.

Agent Grant Obst: Monsieur le président, je sais que normalement le comité pose les questions et que nous devons y répondre mais j'aurais besoin de précisions. Pour ce qui est de la clause d'extinction, monsieur Blaikie, j'ai cru que ce que vous décriviez était ce que j'appelle probablement un «examen». Je pensais qu'une clause d'extinction abrogeait, presque automatiquement, certains articles. Je pense que l'examen consiste à étudier la façon dont les choses évoluent pour éventuellement confirmer, modifier la loi, regarder ce qui va se passer ou voir ce qui a été fait...

L'ACP—et je crois que tout le monde était d'accord là- dessus—appuie sans réserve une clause d'examen. Nous ne sommes pas favorables à une clause d'extinction pour la raison évidente qu'elle entraîne l'abrogation automatique de certains articles de la loi.

M. Bill Blaikie: Mais cela n'est pas obligatoire. Ce n'est pas une abrogation automatique, ce n'est pas comme si la loi allait être abrogée à un moment donné. Avec cette clause, la loi peut être abrogée et immédiatement adoptée de nouveau. C'est l'effet d'une clause d'extinction. Il ne s'agit pas de s'occuper de cela pendant trois ans et d'oublier la question ensuite. Il s'agit d'appliquer cette loi pendant trois ans et à l'expiration de cette période, d'obliger le gouvernement à décider s'il souhaite ou non réadopter immédiatement la loi.

• 1035

C'est la différence qu'il y a entre l'extinction et l'abrogation définitive. Même les Américains, qui doivent être plus sensibles que nous à cette question, ont inséré des clauses d'extinction dans leur loi contre le terrorisme. Ce n'est pas comme si cela reflétait une certaine mollesse ou un manque de sensibilité au terrorisme de la part des Canadiens. Les gens qui sont le plus sensibilisés à cette question ont placé des clauses d'extinction dans leur loi.

Je crois que vous êtes un peu injuste avec la clause d'extinction. C'est tout ce que je dis.

Le président: Monsieur Adkins.

Dét. Sgt é.-m. Brian Adkins: Nous pensons la même chose que Grant au sujet de cette clause. Nous estimons qu'une clause d'examen serait une chose positive, mais il ne faudrait pas que la loi contienne une disposition qui ait pour effet de l'abroger définitivement à un moment donné. Je crois que nous disons à peu près la même chose, monsieur Blaikie.

L'autre aspect concerne les fausses alertes. Je sais que le procureur général de l'Ontario, M. David Young, a soulevé cette question et nous pensons qu'il est important que le projet de loi en traite. Nous estimons que cela est comparable aux fausses alarmes d'incendie et aux choses de ce genre, il faudrait des infractions spéciales pour dissuader les gens de les commettre. Il y a des gens qui ne le reconnaissent pas mais les sanctions ont un effet dissuasif sur les contrevenants. Si l'on considère que c'est une chose grave et s'ils...

M. Bill Blaikie: C'est plus grave qu'un simple méfait.

Dét. Sgt é.-m. Brian Adkins: C'est un méfait auquel viennent s'ajouter différentes choses. Ce n'est pas qu'une fausse alarme, cela entraîne des coûts. Cela revient à crier au loup. Les gens en arrivent à un point où ils se disent ce n'est qu'une autre fausse alarme, mais lorsque quelque chose arrive vraiment, ils ne sont pas prêts à réagir.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur MacKay, vous avez sept minutes.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC/DR): Merci, monsieur le président et mes remerciements sincères à tous les témoins. Nous apprécions non seulement le fait que vous veniez fournir de l'information au comité mais également ce que vous faites quotidiennement dans votre travail de policier. Cela est particulièrement évident depuis les événements du 11 septembre.

Je voulais revenir sur la question de la clause d'extinction parce que c'est apparemment la disposition qui suscite le plus d'intérêt. Je dois reconnaître, ce qui me chagrine un peu, que je suis d'accord dans l'ensemble avec M. Blaikie. Avec une disposition prévoyant l'expiration de la loi à la fin d'une période de trois ou cinq ans, le gouvernement serait absolument obligé d'y penser, ce qu'il ne fait pas toujours très bien. Dans deux ans et demi, au moment où la clause d'extinction serait à la veille d'être déclenchée, le gouvernement serait obligé de faire quelque chose pour veiller à ce que les articles visés ne soient pas abrogés.

Cela forcerait le gouvernement à rendre des comptes sur cette question, alors que, comme nous l'avons indiqué tout à l'heure, il peut tout simplement ignorer une clause d'examen.

Les gouvernements se fixent constamment des règles qu'ils ne suivent pas. De la même façon, pour ce qui est du certificat, il est évident que le procureur général... Je suis convaincu que la ministre va exercer correctement son pouvoir discrétionnaire mais pour ce qui est de la délivrance des certificats, le gouvernement n'est pas obligé de mentionner quoi que ce soit. D'après le projet de loi, nous ne saurons même pas qu'un tel certificat a été délivré; la divulgation de ces renseignements sera absolument interdite.

Cela, je vous le dis franchement, me fait très peur. Je suis un ancien procureur de la Couronne; je sais ce que veut dire l'obligation de divulguer les preuves et je sais que cette obligation est importante pour les deux côtés, pour ce qui est de la responsabilité et de la transparence du gouvernement.

Je voulais vous faire ces commentaires et également vous poser quelques questions plus précises.

Monsieur Obst, vous, M. Niebudek et M. Adkins avez tous souligné dans vos exposés les difficultés qu'éprouvaient vos agents de première ligne à s'acquitter de leurs nouvelles obligations. Nous avons agi de cette façon à plusieurs reprises, nous l'avons fait avec le crime organisé et nous sommes en train de le faire avec la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Nous disons voici de nouvelles responsabilités qui découlent d'une nouvelle loi assez vaste mais nous n'allons pas vous donner le personnel dont vous avez besoin pour appliquer cette loi.

J'aurais donc quelques questions. Pensez-vous que ce projet de loi devrait prévoir des fonds qui seraient consacrés à la formation que son application va exiger?

Il est évident qu'il faudra se procurer de nouveaux appareils pour être en mesure d'effectuer la surveillance que prévoit le projet de loi. Je trouve que l'aspect personnel est encore plus troublant; il va falloir affecter 2 000 agents de la GRC à de nouvelles fonctions, qui comprendront la sécurité de la Chambre des communes et de la Colline parlementaire, les patrouilles à la frontière, la surveillance des parcs nationaux. Cela est stupide.

• 1040

Il a en outre été clairement mentionné qu'une bonne partie de l'augmentation n'était pas destinée au personnel de première ligne. Ces fonds iront à l'administration et cela est très troublant.

Une dernière question, j'attire votre attention sur l'article 46 du Code criminel, la disposition qui traite de l'ordre public et de la haute trahison. En lisant cet article l'autre soir, j'ai été frappé par le fait qu'il pourrait être extrêmement utile à un moment comme celui-ci.

L'alinéa 46(1)b) se lit ainsi:

    46.(1) Commet une haute trahison quiconque, au Canada, selon le cas:

      b) fait la guerre contre le Canada ou accomplit un acte préparatoire à une telle guerre;

La loi prévoit en outre, à l'article 47, que ce crime est punissable de l'emprisonnement à perpétuité. Cette disposition mentionnait auparavant la peine de mort. À part le meurtre, la haute trahison était le crime le plus grave qui figurait dans notre Code criminel. Je pense que la plupart des effets qu'aura le projet de loi C-36, à l'exception de la création de nouveaux pouvoirs et de nouvelles infractions, pourraient être obtenus avec les dispositions relatives à la haute trahison.

Le fait que les procureurs de la Couronne seront désormais tenus de prouver qu'un acte de terrorisme a été commis dans un but politique, religieux ou idéologique m'inquiète énormément. Il sera pratiquement impossible pour le procureur de la Couronne, même avec l'aide de la police, d'établir cet élément au-delà de tout doute raisonnable. Cette obligation va annuler la plupart des effets prévus par le projet de loi si les accusations sont portées aux termes des nouveaux articles réprimant le terrorisme.

Agent Grant Obst: Monsieur MacKay, j'apprécie vos commentaires au sujet des ressources. Je me sens un peu comme un perroquet parce que, comme vous le savez, cela fait cinq ou dix ans que l'ACP demande que l'on augmente les ressources humaines, que l'on embauche davantage d'agents de première ligne.

Par contre, je ne voudrais pas trop critiquer les changements qui ont été apportés aux lois ces dernières années, parce que, comme vous le savez, l'Association canadienne des policiers et policières y a également participé et qu'elle apprécie votre soutien. Lorsque l'on voit que le commissaire va devoir réaffecter 2 000 membres de la GRC, on se demande ce que faisaient ces 2 000 membres. Nous venions de recentrer nos efforts sur toute la question du crime organisé. Cela ressemble au jeu des gobelets, il faut jongler, répartir, enfin jouer avec tout cela.

Nous notons que le gouvernement s'est engagé à consacrer une somme de 250 millions de dollars de plus à la guerre contre le terrorisme, mais il semble que 9 millions de dollars seulement de ce montant soit affecté à des ressources humaines supplémentaires. Cette somme représente environ 75 agents de police si l'on tient compte du traitement et de l'équipement, le coût moyen d'un agent de police. La différence qui existe entre 75 agents de police et 2 000 membres de la GRC qui ont été réaffectés... Je ne peux pas vous donner le nombre exact d'agents supplémentaires dont nous aurions besoin pour faire ce qui est prévu ici, mais il me semble qu'il y a une grosse différence entre 75 et 2 000 policiers. Je crois que ce chiffre doit se situer quelque part entre 75 et 2 000.

M. Peter MacKay: Puis-je vous demander si vous savez exactement où vont être réaffectés ces agents de police? Avez-vous une répartition régionale ou des renseignements sur le genre de fonctions qu'ils remplissaient auparavant?

Agent Grant Obst: Je suis désolé, monsieur MacKay, je n'ai pas cette réponse. Je ne sais pas exactement.

M. Mike Niebudek: Monsieur MacKay, je dois commencer par déclarer officiellement que je suis ici pour représenter l'Association canadienne des policiers et policières et non pas mon propre service de police. Il serait préférable d'adresser votre question au service de police concerné, à savoir la GRC.

• 1045

Il serait préférable de demander à la GRC où était affecté ces agents mais je peux vous dire que nous savons que des agents qui s'occupaient d'enquêtes importantes sur le crime organisé s'occupent maintenant de la lutte contre le terrorisme.

Le président: Monsieur Adkins.

Dét. Sgt é.-m. Brian Adkins: Pour répondre aux questions de M. MacKay au sujet de la possibilité d'utiliser des ressources supplémentaires en première ligne, je dirais oui, nous le pourrions mais cela pose la question de savoir quelles vont être les personnes chargées de faire enquête sur ces infractions. Ce ne seront pas des agents en uniforme de première ligne. Ce sont des agents spécialisés ayant reçu une formation de pointe et qui ont besoin d'équipement et de techniques spéciales. Cela est très coûteux.

Lorsque l'on considère l'érosion qu'ont subi les services de police depuis une dizaine d'années, on constate que tout le monde veut négocier avec nous, c'est là une des difficultés. Si le commissaire de la PPO déclare avoir besoin de 100 000 $, de 1 million de dollars ou de 2 millions de dollars, tout le monde lui dit qu'il n'a pas vraiment besoin de 2 millions de dollars mais de seulement 500 000 $.

Cela place, je crois, le gouvernement dans une situation idéale. Il y a les principaux chefs de police du Canada et les associations qui sont représentées ici qui vont vous donner un chiffre fiable mais lorsque nous vous donnons ces chiffres, il faut dire que vous êtes prêts à payer ce montant, parce que je ne pense pas que personne veuille risquer se faire reprocher plus tard son inaction. Je ne pense pas qu'il y ait quelqu'un qui souhaite dans six mois d'ici être obligé de reconnaître que nous aurions dû adopter cette loi, parce que cela aurait empêché la catastrophe qui s'est produite à Ottawa ou à Montréal. Ce serait une situation très difficile. De sorte que oui, nous avons besoin de cette loi. Elle est très importante.

Pour ce qui est de votre question au sujet de la trahison, je dirais que le projet de loi est quand même important. Cette loi est importante parce qu'elle s'attaque aux différents éléments du terrorisme. Si l'on essayait d'utiliser une infraction comme la trahison... il est très difficile d'établir les éléments de cette infraction. Le projet de loi traite précisément de ces aspects.

Vous avez entendu les commentaires qui ont été faits au sujet des autres infractions, comme l'usurpation de nom. Il existe déjà un article réprimant l'usurpation d'identité dans le Code criminel. Essayer de poursuivre quelqu'un pour usurpation d'identité; vous savez que cela est difficile parce que vous avez déjà été procureur de la Couronne. Il est très important d'avoir à notre disposition ces articles.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Myers, vous avez sept minutes.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci.

Tout d'abord, je tiens à vous remercier tous d'être venus. Je pense que vous avez apporté une contribution très utile à l'examen de ce projet de loi important.

Je suis d'accord avec vous, Mme Boniface, pour ce qui est du commissaire Zaccardelli. Je pense qu'il a fait de l'excellent travail, mais ces félicitations doivent s'adresser à tous ceux qui travaillent dans la police à l'heure actuelle, parce que vous faites de l'excellent travail, non seulement de façon quotidienne mais compte tenu également de ce qui est arrivé le 11 septembre. Vous méritez d'être félicités pour tout cela, parce que je pense que bien souvent, les politiques oublient, alors qu'ils ne devraient pas le faire, que vous représentez la ligne très mince qui sépare l'anarchie et l'inégalité de la société civilisée que nous aimons. Il est important de le mentionner. Qu'il s'agisse de police communautaire ou de sécurité nationale, tous ces rôles sont importants et vous méritez des félicitations pour le travail que vous faites.

Monsieur Knight, j'aimerais apporter une correction à une de vos affirmations. Personne n'a annoncé des dépenses de 1 milliard de dollars. Je ne sais pas où vous avez obtenu ce chiffre, mais il est faux. Je tiens également à vous dire que, si vous pensez que nous sommes la risée de notre pays parce que nous ne savons pas où sont passées 27 000 personnes, je préfère ne pas savoir ce que vous pensez des Américains qui ont eux 1 million de personnes pour lesquelles leur système ne contient aucune donnée.

Je ne veux pas non plus savoir ce que vous pensez des Américains qui ont permis à 19 personnes de faire ce qu'ils ont fait, qui sont passées par leur système d'immigration et ont réussi à recevoir une formation de pilote en Floride. Je ne veux pas entrer dans une discussion avec vous à ce sujet mais si vous pensez que nous ne sommes pas très bons, je ne veux même pas savoir ce que vous pensez de leur système.

J'aurais toutefois une question à poser aux policiers qui sont ici et qui s'occupent des services de police. Au cours de nos audiences, des témoins nous ont déclaré que le projet de loi C-36 pouvait entraîner des abus. En fait, certains ont même utilisé l'expression «État policier» et je dois vous dire immédiatement que je n'aime pas beaucoup ça. Les gens ont dit que la police allait s'en prendre aux étudiants qui manifestent ou aux grévistes et que la désobéissance civile allait être réprimée à l'aide de ces dispositions.

L'autre jour, quelqu'un a tenté d'établir un lien ténu entre la Loi sur les mesures de guerre et ce qui arrive en ce moment. Je crois qu'il serait utile pour le comité, et pour la ministre de la Justice, grâce aux témoignages que vous livrez devant le comité, d'indiquer au procès-verbal ce que vous répondez à ce genre d'affirmation, et plus précisément, quelle est la réalité, parce que je ne pense pas que ce soit là l'intention de ce projet de loi, et je sais que vous ne le pensez pas non plus. Il serait bon, je crois, que chacun d'entre vous aborde ce sujet.

Comm. Gwen Boniface: Au nom de l'Association canadienne des chefs de police, je dirais au sujet de la définition de «terrorisme» que cette définition est très claire et qu'elle exclut donc toutes les choses dont vous venez de parler: les grèves, les manifestations légales.

• 1050

Je vais revenir sur les commentaires qu'ont formulés mes collègues de l'ACP et de l'Association nationale de la police professionnelle et mentionner qu'il s'agira d'enquêtes très spécialisées qui seront confiées à des personnes très spécialisées également. Il ne s'agit pas d'activités qui touchent tous les policiers. Dans ce domaine, comme celui du crime organisé et des autres domaines très techniques, nous avons des gens qui font ce travail à plein temps et qui le connaisse très bien.

Je crois qu'il faut également signaler que nous travaillons en étroite collaboration avec les procureurs de la Couronne pour ce qui est des mesures à prendre et pour obtenir leurs conseils sur les comptes que les policiers peuvent être appelés à rendre, sur le fonctionnement du projet de loi et également, pour nous assurer que les policiers se conduisent correctement.

En tant que chefs de police ou d'agents participant à ces enquêtes, nous ferons preuve d'une grande prudence et veillerons à respecter les dispositions du projet de loi pour qu'il soit appliqué de façon efficace et qu'il cible bien les activités qui nous intéressent. J'ai entendu tous les arguments au sujet de la définition et je dirais très franchement que je ne les comprends pas. Cette définition me paraît aussi claire qu'elle peut l'être.

Agent Grant Obst: Monsieur Myers, je suis tout à fait d'accord avec ma collègue Mme Boniface.

Je lis ceci et je dirais que la seule façon qu'une grève ou une manifestation soit visée par le projet de loi serait dans le cas où les grévistes essaieraient d'utiliser des armes de destruction massive, s'apprêteraient à causer des blessures à un grand nombre de personnes et à endommager les biens, auquel cas ils deviendraient des terroristes et ils ne seraient plus des grévistes. C'est pourquoi cela me paraît très clair. Je ne comprends pas cette confusion, pour vous parler franchement. J'ai lu les articles de journaux et certains témoignages, tout cela est en noir et blanc.

Il y aurait des gens qui ont fait allusion au fait que nous nous dirigeons vers un État policier, comme vous l'avez dit. Je dois vous dire que cela me gêne beaucoup. Les policiers n'aiment vraiment pas que l'on utilise des expressions de ce genre. Nous ne pouvons bien faire son travail qu'avec l'appui de la collectivité, l'appui des Canadiens. Mettre en danger cette collaboration en faisant référence à un État policier... Nous n'accepterions jamais cela. Cela nous empêcherait carrément d'exercer nos fonctions. Nous ne serions pas ici en train de vous dire que nous appuyons sans réserve ce projet de loi si nous pensions qu'il permettrait qui que ce soit de nous accuser de construire un État policier. Ce projet de loi prévoit toutes sortes de mécanismes de contrôle.

Outre les contrôles qui s'y trouvent, les services de police sont une des activités les plus réglementées de notre pays. Il existe des organismes de réglementation nationaux, provinciaux, locaux et internes. Les gens nous poursuivent au civil et ils nous poursuivent au pénal. Les gens peuvent utiliser les lois sur la police pour nous faire comparaître devant un tribunal administratif lorsqu'il y a un manquement disciplinaire interne.

En réalité, on peut dire que, d'une façon générale, au Canada les policiers font de l'excellent travail. Bien évidemment je suis peut-être un peu partial à ce sujet mais je défie qui que ce soit de critiquer notre travail. Il y a quelques incidents isolés mais d'une façon générale, avec les milliers d'interactions que nous avons avec les citoyens tous les jours, on peut dire que tout se passe très bien. Je ne pense pas qu'un projet de loi comme celui-ci va tout à coup changer complètement la situation et je m'énerve lorsque j'entends les gens parler d'État policier.

M. Lynn Myers: C'est une excellente remarque. Il faut reconnaître, je crois, que nous vivons à une époque différente et que les choses doivent donc évoluer en conséquence, à cause de la menace qui existe aujourd'hui et qui sera encore là demain.

M. Obst a très bien résumé la situation. Les services de police canadiens sont les plus professionnels au monde, il ne faut pas l'oublier.

J'aimerais encore poser une dernière petite question.

Le président: Vous avez déjà utilisé vos sept minutes.

M. Lynn Myers: Très bien, ce sera pour la prochaine fois.

Le président: Merci quand même.

Monsieur Adkins.

Dét. Sgt é.-m. Brian Adkins: J'aimerais également intervenir à ce sujet et je tiens à vous remercier d'avoir soulevé cette question parce que, lorsque je lis les mots qui se trouvent dans cette loi qui parlent de «manifestation de désaccord», d'«arrêt de travail» ou de «revendication», en tant qu'agent de police assermenté et de dirigeant syndical des policiers, cela me préoccupe également. Je comprends cela parce que je n'aimerais pas que l'on écoute ce que je dis au téléphone; cela mettrait en danger plusieurs des membres de mon syndicat et moi-même, et cela est très important pour nous.

Je reviens aux commentaires que nous avons faits il y a un instant, et je dirais que nous partageons vos préoccupations et qu'il y a également certains aspects dont le comité devrait tenir compte. Je vous ai mentionné que j'avais fait de l'écoute électronique. Lorsque j'étais membre de l'unité spéciale de la PPO, on ne pouvait faire ce travail qu'après avoir suivi un an de formation et tout ce que nous faisions était surveillé de très près. Je crois que c'est la seule façon d'examiner ce projet de loi, parce qu'il va principalement toucher les enquêteurs spécialisés. Il ne va pas toucher autant les policiers de première ligne. Ce sont les agents d'expérience qui vont assumer le gros de ces responsabilités.

• 1055

Il est donc dans notre intérêt de préserver l'intégrité du projet de loi, et de préserver la sécurité de la population. Les policiers d'expérience sont tout à fait conscients de cela. Comme l'a déclaré M. Obst, c'est quelque chose qui est très important pour nous. Nous savons que nous disposons d'outils et nous ne voudrons pas risquer de les perdre parce qu'ils peuvent servir à sauver des vies.

Lorsque vous pensez que 6 000 personnes sont mortes en un instant, et qu'il n'y en a pas eu seulement 6 000 de mortes mais qu'un autre avion était en route vers une autre cible, et qu'on avait également détourné un autre avion, il ne faut pas oublier que c'est ce genre de choses que nous essayons d'empêcher.

Tout cela revient en fait aux images du niveau zéro et à celles des gens de Toronto. Une dame m'a dit un jour qu'elle avait peur d'amener sa fille et ses amies au restaurant—et c'était juste un restaurant minute—à cause de cet événement. Ce sont des incidents qui traumatisent la population mais nous comprenons également vos préoccupations. Nous avons aussi ces préoccupations, pour nous et pour les autres citoyens.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Sorenson, vous avez trois minutes.

M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Oui et nous allons nous dépêcher parce que trois minutes, cela passe vite.

Je vous remercie aussi d'être venus. Nous avons entendu toute une gamme d'opinions et de témoins au sujet de ce projet de loi. Nous avons entendu des gens qui étaient très préoccupés par certains aspects de ce projet de loi et d'autres pour lesquels celui-ci était parfait. Notre tâche consiste à trouver un juste milieu, à établir un compromis et à proposer un projet de loi qui donnera de bons résultats.

Il est souvent arrivé à notre parti, l'Alliance canadienne, de se trouver du côté de la police, sur d'autres audiences qui portaient sur l'arrêt Feeney et les perquisitions injustifiées, les empreintes génétiques, l'ivresse au volant, les tests sanguins, et toutes ces choses. Nous avons essayé d'appuyer les services de police parce que nous savons que vous êtes notre première ligne de défense. Pour ce qui est du crime organisé, nous savons, comme nous l'ont dit les témoins, que d'un côté le crime organisé dispose de fonds illimités, et que de l'autre les services de police doivent fonctionner avec des fonds très limités. Nous apprécions donc que vous soyez venus.

Il y a neuf détachements de la GRC dans ma circonscription. Je visite ces petits détachements et l'on me parle beaucoup de ressources: le personnel, les coupures, le territoire à couvrir et pas suffisamment de gens pour le faire.

Lorsque le commissaire Zaccardelli est venu témoigner ici, il nous a livré un message très différent de celui que nous avons entendu aujourd'hui. Le commissaire affirme que tous nos besoins sont comblés mais il a toutefois ajouté que certaines choses seraient supprimées et que d'autres seront moins prioritaires.

Je crois que cet aspect a déjà été mentionné mais j'aimerais savoir quelles sont les responsabilités précises des services de police qui ont été supprimées à cause de ce qui est arrivé le 11 septembre.

Nous savons que la lutte contre le crime organisé, que la lutte contre les stupéfiants, toutes les enquêtes en cours exigent beaucoup de temps. A-t-on interrompu certaines de ces enquêtes?

Pour ce qui est de l'autre question, je vais la poser rapidement. Nous avons entendu aujourd'hui et au cours des jours précédents des personnes qui craignaient que les policiers obtiennent tout à coup des pouvoirs illimités, qui disaient que nous allions perdre toutes nos libertés civiles, que les policiers pouvaient utiliser la garde à vue et que nous en étions arrivés, comme cela a été mentionné ici, à vivre dans un État policier. Je ne pense pas que cela représente la réalité. Je me fais une autre idée de nos services de police. Quel serait, d'après vous, le mécanisme de contrôle, qu'il s'agisse d'évaluation, de contrôle, de comité d'examen, qu'il conviendrait de mettre en place pour les fois où les policiers auront recours à la garde à vue, de façon à répondre à ces préoccupations?

Le président: Merci, monsieur Sorenson.

Une voix: Demandez aux chefs de répondre.

Le président: Je crois que l'on demande aux chefs de répondre.

Madame Boniface, s'il vous plaît.

M. Kevin Sorenson: Spécialement, au sujet des responsabilités qui ont été mises de côté ou qui ont perdu leur priorité.

Comm. Gwen Boniface: Tous les services de police jonglent avec leurs effectifs pour essayer de répondre à la diversité des besoins.

Comme vous le savez, l'Ontario a annoncé ces derniers jours qu'il affecterait davantage de policiers à ces enquêtes. En outre, cette province a eu la chance d'embaucher certains agents de première ligne. Je crois que c'est le genre de chose qu'il faudra faire à l'avenir.

Mais pour les services de police, qu'il s'agisse de crime organisé ou de questions nouvelles, les choses se compliquent. Si l'on prend l'exemple de l'écoute électronique, je dirais qu'il y a dix ans il fallait préparer un document d'une vingtaine de pages pour obtenir un mandat, aujourd'hui il faut un document de 200 pages. Les services de police subissent donc toutes sortes de pressions, et ce quel que soit le pays concerné.

• 1100

Comme vous le savez, nous sommes quelques-uns qui revenons d'une conférence internationale à laquelle nous avons travaillé ensemble.

Du point de vue des chefs de police, l'aspect important du 11 septembre est qu'il a donné lieu à une coopération sans précédent entre les différents services, qu'il s'agisse de services nationaux, régionaux, provinciaux, et même avec ceux qui se trouvent de l'autre côté de la frontière. Nous allons continuer à agir de cette façon, parce que c'est exactement ce qu'il faut faire. Nous faisons ce que nous pouvons. Est-ce que tous les services de police accepteraient des ressources supplémentaires? Certainement, mais nous allons remplir notre rôle le mieux possible et essayer d'avoir les outils nécessaires pour le faire.

Il se trouve que ce projet de loi nous accorde certains outils qui vont renforcer l'efficacité de notre travail. Je suis convaincu que grâce à ces outils, nous pourrons progresser dans ce domaine.

Pour ce qui est de votre question, et c'est exactement ce que vient de dire la commissaire Boniface, nous jonglons constamment avec les effectifs. Je crois qu'il faut voir dans tout ceci un avertissement. Cet avertissement nous indique que nous avons fait notre travail jusqu'ici comme il faut, ce qui est excellent, mais qu'il y a maintenant quelque chose de nouveau.

Il faudrait également que vous sachiez que, même si vous, les membres du comité, nous donnez les fonds dont nous avons besoin aux différents niveaux, provincial, fédéral ou municipal, ces enquêtes ne vont pas démarrer demain parce qu'il faut du temps pour former les gens, il faut du temps pour placer les enquêteurs. Il s'agit donc ici d'un engagement à long terme.

Nous pensions tous que nous ne connaîtrions jamais ces problèmes, qu'il n'y en avait pas dans notre pays, ou que, s'il y en avait au Canada, ce serait très limité. On apprend tous les jours dans la presse écrite, à la radio et à la télévision que ces gens sont de plus en plus actifs dans notre société.

Voilà ce qu'il faut que vous sachiez à ce sujet. Le 11 septembre, oui, nous avons utilisé nos ressources et nos policiers ont fait leur travail parce que c'est ce qu'ils font tous les jours. S'il y avait une autre catastrophe, ils interviendraient encore, mais cela ne se fera pas en deux ou trois mois. Il faut aujourd'hui qu'il y ait une volonté; nous devons nous assurer que nous allons adopter un plan à long terme, nous devons nous donner les moyens de faire ces choses.

Ces gens travaillent, ils se fondent dans la nature. Ils font toutes sortes de choses pour se dissimuler. Nous devons avoir des enquêteurs tout aussi motivés, nous devons élaborer un plan à long terme, nous devons mettre sur pied un système qui nous permette de suivre ces gens, et nous devons avoir la volonté d'agir. Et pour cela, il faut non seulement des ressources humaines mais également des fonds.

Le président: Merci beaucoup. Monsieur Niebudek.

M. Mike Niebudek: J'ai déjà répondu à certains problèmes de ressources avec la question que m'a posée M. MacKay mais si le comité souhaite poser certaines questions à un service de police en particulier, il serait peut-être bon de l'inviter pour qu'il vous fournisse les réponses que vous recherchez.

Pour ce qui est des ressources, oui, bien sûr, nous n'en avons pas suffisamment.

En 1996, le gouvernement a supprimé 650 postes d'agents de première ligne de la GRC, des postes d'agents assermentés, dans les aéroports du Canada. Pourquoi? Eh bien, on voulait épargner ainsi 200 millions de dollars par an, et il semblerait que ce soit la principale raison. Mais supprimer 650 postes comme cela, c'est énorme, en particulier dans des secteurs particulièrement sensibles.

L'Association canadienne des policiers et policières et les associations des membres de la GRC se sont opposées à cette décision à l'époque, en 1996.

La plupart de ces postes ont été comblés par des agents de sécurité privés.

Oui, nous avons besoin de ressources, et Mme Boniface et M. Adkins ont raison, ce sont des unités spécialisées; cependant, il faudrait créer des nouveaux postes d'agents de police, au niveau d'entrée dans ces services, les patrouilleurs, pour que nous puissions utiliser nos enquêteurs d'expérience pour exercer ces fonctions.

Le président: Monsieur Paradis.

[Français]

M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Merci, monsieur le président. J'aimerais d'abord féliciter l'ensemble des intervenants de leurs présentations.

Je reviens sur un point soulevé au début. Quand Mike Niebudek mentionne l'insuffisance de fonds, il a peut-être raison. Je donne l'exemple de mon comté, où il y a neuf postes frontières et deux lacs internationaux. La fin de semaine dernière, j'ai comparu devant le comité du Congrès américain qui examine la situation des frontières, et on s'aperçoit qu'il y a des trous dans nos frontières.

Ils nous ont posé des questions, par exemple sur nos border patrols, ce qui est à peu près inexistant de notre côté. La GRC manque d'autos, d'effectifs, enfin de tout cela. On nous a fait sentir un peu que Ressam venait de Montréal. Or, Montréal est à 85 km de la frontière. On nous a parlé de réfugiés, même si les réfugiés qui arrivent à ce poste frontalier nous arrivent, au fond, des États-Unis. En tout cas, on nous a parlé de choses comme celles-là.

• 1105

On s'aperçoit aussi, au niveau des drogues, qu'il y a de l'inquiétude du côté américain. On nous a parlé, à un moment donné, du Quebec Gold. Alors, je pense qu'on va devoir resserrer, ne serait-ce que pour... Il n'y a pas que la question de la perception, qui est fausse en certains points, mais il va falloir resserrer à ce niveau-là.

Je reviens au projet de loi qu'on a devant nous. Les intervenants rencontrés lors des journées précédentes nous ont mentionné, pour la plupart, deux problèmes en gros: un problème relatif à la définition d'«acte de terrorisme» et un problème relatif à la sunset clause.

On comprendra que ce projet de loi comprend aussi des pouvoirs extraordinaires, qui sortent de l'ordinaire, puisqu'on dit qu'il ne s'agit plus maintenant de motifs raisonnables de croire, mais de motifs raisonnables de soupçonner. Il y a quand même une différence entre les termes «soupçonner» et «motifs raisonnables de croire».

On parle d'arrestations préventives et d'écoute électronique. Au niveau de la sunset clause, si on devait l'appliquer, quelle pourrait être votre suggestion? Pour quels articles devrions-nous appliquer la sunset clause pour vous nuire le moins possible dans vos activités antiterroristes? C'est ma première question.

Deuxièmement, tout change. En ce moment, de plus en plus, non seulement avec les forces policières, mais aussi avec l'écoute électronique et l'aspect financier, on met l'accent sur ce qu'on appelle l'intelligence, sur l'information, sur le renseignement. Dans cette situation, il n'y a pas que les forces policières qui sont impliquées. Je pense à la police de Montréal, à celle de Toronto, à la Sûreté du Québec, à la GRC, au SCRS, le Service canadien du renseignement de sécurité, aux douanes, à l'immigration, au service de renseignements financiers du ministère des Finances. On parle de la Défense nationale et de l'écoute partout dans le monde. On parle de tout cela.

Ce qui m'inquiète dans tout cela, c'est de savoir où est la coordination dans l'ensemble de ces groupes, dans l'ensemble de ces organisations. Vous allez me dire que les services de police se parlent entre eux, mais étant donné qu'on découvre un nouveau monde, le monde du renseignement, est-ce qu'on devrait faire davantage au niveau de la coordination, et comment?

Le président: Monsieur Niebudek.

M. Mike Niebudek: Premièrement, en ce qui concerne vos commentaires quant aux douanes, on a déjà eu cette conversation dans un autre setting, monsieur Paradis. Oui, c'est inadéquat, dans un pays comme le Canada, d'avoir des caméras vidéo qui protègent les frontières. Je suis d'accord sur le resserrement de nos frontières. Il va falloir le faire, et des deux côtés, comme vous le dites: pour ce qui arrive des États-Unis et pour ce qui sort du Canada.

Quant à votre première question sur la clause crépusculaire, si je peux l'appeler ainsi pour employer un terme français, nous ne voyons pas d'utilisation pour une clause crépusculaire. Ce qu'on voit, c'est qu'il y a des dispositions pour réviser cette loi à un certain moment donné, afin de voir si elle est efficace. J'ose croire qu'on va la réviser pour voir si on ne peut pas aller plus loin à ce moment-là, selon ce dont on a besoin comme outil législatif pour combattre le terrorisme qui, comme vous l'avez mentionné, est devenu hors de l'ordinaire.

En ce qui concerne la collaboration entre les services de police, travaillant dans la région centrale du Canada, ici à Ottawa—et je pense que les gens à cette table qui travaillent en Ontario et au Québec vont vous dire la même chose—, je puis vous dire que depuis cinq ou six ans, nous avons fait des pas de géant au niveau de la collaboration entre les services de police. Évidemment, comme dans toute organisation, il y a des irritants; ça peut être au niveau de certains individus.

Il y a présentement, au niveau du renseignement... Le renseignement n'est pas un nouveau monde. Contrairement à ce que vous avez mentionné, le renseignement existe depuis très longtemps. Aujourd'hui, on base nos enquêtes criminelles sur le renseignement, sur ce qu'on appelle en anglais l'intelligence-based policing. Peut-être que les directeurs auront plus de commentaires, mais en matière de renseignement, on a une organisation nationale basée au bureau de la GRC, avec des entités provinciales. Au quartier général, on a des membres de tous les corps policiers importants au Canada.

• 1110

Nous avons fait de grands pas à ce niveau-là et nous devons continuer, parce que c'est comme cela que nous allons venir à bout de combattre les organisations criminelles. C'est en se parlant, en travaillant côte à côte et en partageant nos renseignements, nos banques de données qu'on va y arriver. Je pense qu'on s'en va dans cette direction. Il y a eu un virage à 180 degrés, à mon avis, à cet égard.

Proposez-vous une agence à part pour centraliser ces informations? Je ne sais pas si vous aviez une idée en tête.

Ce que nous voulons, c'est mettre les méchants en prison; c'est ce que nous voulons. On va y arriver en collaborant avec nos collègues de partout au pays, de toutes les juridictions.

[Traduction]

Le président: Monsieur Westwick, et ensuite, Mme Venne.

M. Vincent Westwick (coprésident, Comité de modification des lois, Association canadienne des chefs de police): Hier, l'Association canadienne des chefs de police et nos collègues de l'Association canadienne des policiers et policières ont eu la possibilité de comparaître devant le Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux. C'était la première fois qu'on nous invitait à parler de questions internationales.

Le président Harb nous a permis de faire remarquer au comité ainsi qu'aux représentants de l'industrie qui assistaient à cette séance que la sécurité du commerce international était une bonne chose pour les entreprises. Nous ne voulions pas que l'on croit que nous pensions que la sécurité était incompatible avec les politiques commerciales efficaces. Nous avons offert, tout comme l'ont fait nos collègues de l'ACP, de collaborer avec ces organisations, avec le secteur privé pour renforcer la sécurité du commerce et toute la question de la frontière.

L'Association internationale des chefs de police a signalé qu'il existait une perception négative de la frontière canadienne.

Nous qui travaillons dans les services de police canadiens devons vivre avec cette perception. Nous sommes tout à fait disposés à collaborer avec l'industrie comme nous ne l'avons jamais fait auparavant.

Pour ce qui est de votre deuxième point, au sujet de la collaboration, c'est un point qu'a touché le chef Sarrazin dans ses remarques liminaires. Il existe, ce que j'appellerais, une nouvelle harmonie entre les services de police qui se traduit au niveau opérationnel Nous aimerions aller un peu plus loin et nous pensons qu'au-delà du projet de loi C-36, il y a peut-être la possibilité de mettre sur pied un mécanisme qui structurerait et rendrait officielle la collaboration qui existe entre les différents services de police. Et pas seulement entre les services de police, mais également entre les agences de renseignement et les autres organismes d'application de la loi. Nous pensons que cette possibilité existe et nous pensons que le fédéral devrait faire preuve de leadership dans ce domaine.

Le président: Monsieur Adkins.

Dét. Sgt é.-m. Brian Adkins: Je voudrais répondre aux commentaires de M. Paradis. Pour ce qui est de la diffusion de l'information, cela se fait déjà. Comme la représentante des chefs de police y a fait allusion, c'est une réalité. C'est peut-être une nouvelle façon de travailler, mais elle existe, et il suffit maintenant de la renforcer. C'est ce qui s'est produit et nous sommes en train de réarranger nos priorités. La coordination et la diffusion de l'information, en fait sa circulation, ne sont pas des activités complètement nouvelles, ce ne sont pas des choses qui sont tout à fait étrangères aux services de police. Nous le faisons constamment. Il s'agit maintenant de concentrer davantage de ressources sur des secteurs plus nombreux, et sur un secteur particulier aussi, de façon à introduire une certaine continuité dans la circulation de l'information.

Pour ce qui est de la clause d'extinction, et c'est un sujet qui a suscité beaucoup de discussions autour de cette table, nous allons tous devoir examiner cette question. Comme nous vous l'avons dit, nous ne sommes pas très favorables à une clause d'extinction. Nous préférons parler d'examen, c'est un terme que nous aimons mieux.

Je crois que M. Niebudek a fait un commentaire pertinent sur ce point. Il est possible que nous revenions vous dire que ce projet de loi ne nous permet pas d'obtenir de bons résultats. C'est une question importante qu'il faudra examiner des deux côtés de la table. Il y a beaucoup de membres ici qui l'ont dit. Nous serons peut-être obligés de revenir et de vous dire que cette loi ne fonctionne pas, qu'il faudrait faire ceci ou cela, ou que le problème a changé et qu'il faut nous fournir d'autres moyens. Je comprends donc vos préoccupations et je peux vous dire que nous les partageons également.

Le président: Merci. Madame Venne.

[Français]

Mme Pierrette Venne: Merci, monsieur le président.

J'aimerais parler du financement du terrorisme. Comme vous le savez, lundi de cette semaine, le secrétaire américain a demandé aux groupes d'action financière internationaux d'établir des critères internationaux de lutte contre le financement du terrorisme.

J'aimerais vous demander si vous croyez qu'il soit possible d'établir un consensus sur les moyens à prendre pour enrayer le financement du terrorisme. Selon vous, de quelle nature ces critères devraient-ils être?

• 1115

On pourrait peut-être les intégrer au projet de loi C-36, étant donné qu'on y modifie la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité en y ajoutant le financement des activités terroristes.

[Traduction]

Le président: Monsieur Westwick.

M. Vincent Westwick: Il est difficile de répondre à votre question parce que l'aspect du financement du terrorisme est quelque chose de nouveau pour nous tous. Ce qui nous plaît dans ce projet de loi, c'est qu'il fournit des outils. Je répéterai simplement ce que dit M. Adkins tout à l'heure, à savoir que nous ne savons pas si ces outils seront efficaces; nous ne savons pas très bien ce qu'ils nous permettront de faire mais ce que nous avons vu jusqu'ici nous plaît.

Le président: Monsieur Adkins.

Dét. Sgt é.-m. Brian Adkins: Je crois que c'est une question très stimulante. Je ne sais pas s'il est possible d'apporter une réponse à cette question, compte tenu de l'urgence d'adopter ce projet de loi. Je pense toutefois que cette question est pertinente et qu'il faudra l'examiner par la suite.

Il y a aussi le fait que le Canada est un pays unique, et il est donc très important de bien examiner ce qui va être touché par tout cela. Il y a peut-être des choses que font les autres pays et que nous accepterons. Il y en a peut-être d'autres que nous ne pourrons pas accepter. C'est pourquoi je pense que les mesures que nous allons prendre devront être adaptées au Canada. Les chefs de police sont souvent en rapport avec ceux des services de police étrangers, et bien sûr, vous connaissez Interpol. Je crois que ce sont les questions qui se posent. Mais il faudra examiner cette question pour pouvoir fournir une bonne réponse.

Le président: Monsieur Obst.

Agent Grant Obst: Je dirais rapidement que Mme Venne a, d'après moi, touché un point sensible. Je ne peux pas répondre précisément à votre question sur le financement du terrorisme. Mais je dois mentionner que le projet de loi nous offre des outils supplémentaires que la plupart d'entre nous, même les enquêteurs chevronnés, n'ont encore jamais utilisés. Nous avons parlé de clauses d'extinction, d'examen, et de délai dans lequel ces mécanismes devraient être utilisés, et je crois que nous devrions plutôt parler de stratégies qui nous permettraient de nous consulter périodiquement, pas constamment; je crois qu'on a parlé d'une période de six mois. Ce n'est peut-être pas une bonne idée et l'on devrait examiner cette question de plus près, pour que nous sachions comment ces nouveaux outils fonctionnent. M. Niebudek a déclaré qu'il est possible que nous revenions vous voir pour vous dire que cette loi n'est pas efficace, qu'il faut la modifier, et je pense qu'il ne faudrait pas perdre cela de vue.

Le président: Monsieur Knight.

M. Leo Knight: Merci, monsieur le président.

Pour répondre à la question posée, j'ai mentionné dans mon exposé le rapport du directeur adjoint d'Interpol présenté à un sous-comité de la criminalité de Washington (D.C.). J'ai un exemplaire de ce rapport, que je pourrais remettre aux membres du comité, s'ils le souhaitent.

Le président: Merci beaucoup.

Et maintenant, M. Owen pour trois minutes.

M. Stephen Owen (Vancouver Quadra, Lib.): Merci à tous d'être venus aujourd'hui.

Je vais faire une seule observation. Tout d'abord, les membres du comité ont beaucoup parlé entre eux des pouvoirs extraordinaires qui étaient créés par ce projet de loi. C'est un projet de loi long et complexe et il touche des questions qui sont vitales pour nous.

Il me paraît toutefois utile de rappeler que la plupart des mesures proposées dans ce projet de loi ne viennent que prolonger ce qui existe déjà. Je pense à la plupart des outils qui ont déjà été fournis pour lutter contre le crime organisé, qu'il s'agisse de blanchiment d'argent, des produits de la criminalité, de l'écoute électronique, qu'il s'agisse des peines, du fait de participer, de faciliter les activités de ces gangs. Je ne pense pas qu'il soit bizarre d'appliquer ces mesures au terrorisme, puisque les organismes terroristes sont finalement des gangs sophistiqués.

Lorsqu'on examine ces pouvoirs extraordinaires, on constate que la plupart d'entre eux existent déjà. Même l'investigation est prévue par une disposition relative à l'entraide juridique qui prévoit la collaboration entre pays.

J'aimerais poser deux questions qui concernent cette affirmation. L'une porte sur la coopération qui existe entre les services de police à l'échelle internationale, étant donné que nous savons que les organismes terroristes sont d'envergure internationale. Cela fait référence à une situation que l'on qualifie parfois de sous-traitance. C'est peut-être cela qui explique en partie l'inquiétude que soulèvent les pouvoirs accrus conférés au CST qui l'autorise à intercepter les communications dont le départ ou l'arrivée est situé au Canada, lorsqu'elles concernent une cible étrangère.

Certains affirment que les agences de sécurité de différents pays agissent à l'étranger comme elles ne pourraient pas le faire dans leur propre pays sans autorisation judiciaire et qu'elles s'échangent ensuite des renseignements.

• 1120

J'aimerais tout d'abord savoir si cela se produit. Si c'est le cas, la raison est-elle la nature internationale du crime? Si cela est nécessaire, est-ce que les nouveaux pouvoirs accordés au CST vont permettre aux agences de sécurité, aux agences de renseignements, de faire avec la nouvelle loi ce qui leur paraît nécessaire mais qu'elles ne pouvaient faire avec l'ancienne loi?

La deuxième question porte sur la convergence du terrorisme et du crime organisé. On m'a affirmé au cours d'enquêtes auxquelles j'ai participé que le crime organisé avait en fait une raison très stratégique de financer le terrorisme; il cherche à détourner ailleurs les ressources consacrées au crime organisé.

Nous avons immédiatement constaté qu'il y a des gens à Montréal qui craignent que les ressources qui étaient consacrées à la lutte contre le crime organisé, qui touchent de façon particulièrement violente ce secteur de la société canadienne, soient détournées vers le terrorisme. Si cela est bien le cas et si effectivement des fonds sont réaffectés à deux ou trois activités, il me semble que cela démontre le bien-fondé de la remarque qui a été faite plus tôt, à savoir que le crime organisé finance le terrorisme. Je me demande si l'un d'entre vous aurait des commentaires à faire sur ces deux questions.

Le président: Merci beaucoup.

M. Westwick d'abord.

M. Vincent Westwick: Sur le premier point concernant le fait que les agences travaillent à l'étranger et s'échangent ensuite—ce genre de choses—je dois dire très franchement que je n'en avais jamais entendu parler avant de voir quelque chose là-dessus à la télévision l'autre soir. Cela ne se produit pas dans le monde de la police. Ce n'est pas du tout une pratique habituelle. Je ne peux pas parler pour les milieux du renseignement mais je peux dire que cela ne se fait pas des milieux policiers. Outre les problèmes que cela pourrait poser sur le plan de la déontologie, je crois qu'il y a également des conséquences constitutionnelles parce que la Charte risque de faire déclarer inadmissibles les preuves obtenues de cette façon. Elle soulèverait en fait de nombreuses questions. Je dirais que ce n'est pas la façon dont les services policiers canadiens font leur travail.

Le président: Monsieur Niebudek.

M. Mike Niebudek: Je vais répondre à vos deux questions mais vous avez fait auparavant un commentaire sur la clause d'extinction et je suis vraiment surpris par toute l'attention qu'on accorde à cette question d'une clause d'extinction.

Tout d'abord, si quelqu'un venait me dire qu'il n'y aura plus de terrorisme dans deux ans, je lui demanderais quelle est la couleur du ciel chez lui. Cela ne se produira pas. Nous le savons. C'est un fait.

Je me demande donc pourquoi l'on insiste pour insérer une clause d'extinction dans ce projet de loi alors que nous ne le faisons pas pour le projet de loi C-24, par exemple, ni pour les autres projets que nous avons adoptés pour protéger la société parce que la situation a évolué et que les gens ont découvert de nouvelles façons de commettre des crimes. Voilà un commentaire sur ce point.

Pour ce qui est du CST, le Centre de la sécurité des télécommunications, je vais m'abstenir de répondre comme mon collègue de l'Association des chefs de police. Je ne peux pas répondre à cette question. Il serait peut-être préférable de la poser à la communauté du renseignement, comme cela a été mentionné.

Pour ce qui est du financement du terrorisme par le crime organisé, je dirais que je ne suis pas au courant. La seule chose que j'ai entendu dire à ce sujet vient des médias qui ont fait allusion à cette pratique il y a quelques jours. Si les membres du crime organisé versent des fonds au terrorisme ou à d'autres organisations, ils seront alors traités comme des terroristes d'après...

Le président: Merci beaucoup.

M. Adkins est le suivant.

Dét. Sgt é.-m. Brian Adkins: Oui, il me paraît difficile de répondre à la première question et, comme je l'ai dit, il serait préférable de la laisser aux spécialistes de ce domaine.

Pour ce qui est de la seconde question, je crois que vous avez fait un lien important, monsieur Owen, entre le crime organisé et le terrorisme, parce que bien souvent le terrorisme s'est financé grâce à des activités de crime organisé. Cela touche simplement un autre secteur. Lorsqu'on parle de fausses identités et de ce genre de choses, cela fait partie de ce problème. Il me paraît important de le reconnaître.

Il est important également de reconnaître que les enquêtes sur le terrorisme vont prendre du temps. Les autres enquêtes vont se poursuivre parallèlement. Ce seront parfois les mêmes personnes qui exercent les activités du crime organisé, les activités reliées aux cartes de crédit, les activités qui touchent au coeur de l'économie et qui nuisent à tout le monde.

M. Stephen Owen: Nous n'avons peut-être pas besoin alors de ressources parallèles. On pourrait utiliser les mêmes ressources pour cibler ces deux domaines.

Dét. Sgt é.-m. Brian Adkins: Eh bien, je ne pense pas que cela soit possible à cause du genre de personnes et du genre de groupes dont il s'agit. À cause des événements du 11 septembre, il faut réagir à un phénomène, et il faut consacrer des ressources à cette lutte. Il ne sera pas possible de faire les deux choses à la fois. Il faudra dire que l'on s'engage à lutter contre le terrorisme.

Le président: Leo Knight.

M. Leo Knight: Merci, monsieur le président.

Monsieur Owen, pour répondre à la deuxième partie de votre question, en tant qu'ancien sous-procureur général de la Colombie- Britannique, je sais que vous avez beaucoup travaillé avec l'ancienne Coordinated Law Enforcement Unit. Vous connaissez les difficultés et la complexité intrinsèque des enquêtes sur le crime organisé.

• 1125

Vous pouvez être sûr qu'avec la convergence avec le terrorisme—et cela a été prouvé dans un certain nombre de domaines, comme les fausses identités et l'usurpation d'identité,—la complexité de ce type d'enquêtes est en train d'augmenter de façon exponentielle. Je sais que vous connaissez toute la complexité et les difficultés de ces enquêtes. Eh bien, elles vont être encore plus complexes.

Le président: Madame Boniface.

Comm. Gwen Boniface: Je voulais ajouter quelque chose sur le lien qui existe d'après moi entre le crime organisé et le terrorisme pour ce qui est du financement.

Lorsque l'économie d'un pays est déstabilisée, le crime organisé réussit souvent à en profiter. Nous l'avons vu dans les pays où certains de nos agents participent à des missions de l'ONU, le crime organisé prospère lorsqu'un pays est instable.

Je ferais le lien entre cet aspect et aussi pour ce qui est de la relation entre le crime organisé et le terrorisme. Sur ce deuxième aspect, le crime organisé comme les groupes terroristes sont très bien organisés, ils travaillent de façon clandestine, ils utilisent des moyens sophistiqués et ont des fonds pour le faire, ce qui leur donne des capacités très semblables pour travailler avec d'autres groupes et échapper aux recherches des services de police, pour la seule raison qu'ils disposent de fonds très importants.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur MacKay, trois minutes.

M. Peter MacKay: Nous savons très bien que vous représentez les gens qui essaient de résoudre ce problème, de nous aider à lutter contre un problème très complexe.

Cela dit, même si ce projet de loi est très complexe et très complet, il ne touche pas le domaine de l'immigration. Je pense que nous allons revenir sur cette question avec un autre projet de loi. Pour ce qui est du lien existant entre le crime organisé et le terrorisme, je dirais que Ben Laden est le parrain de la plus grande famille du crime organisé que nous ayons jamais vu au niveau international. Le terrorisme et le crime organisé sont tous deux fils de la terreur.

Pour ce qui est des mesures prises par les services de police, je dirais que, lorsque ceux-ci tentent de s'infiltrer dans des groupes du crime organisé, cela veut bien souvent dire choisir des personnes qui ont une connaissance particulière de la façon dont ces familles fonctionnent. Va-t-il être nécessaire de recruter des personnes, ou avons-nous déjà commencé à le faire, ayant les connaissances culturelles, les compétences idéologiques ou linguistiques spéciales qui permettraient aux services de police d'infiltrer des cellules terroristes, en particulier ici au Canada, parce que nous savons que notre action à l'étranger est très limitée? Les services de police devraient-ils concentrer leurs efforts dans ce domaine? Est-ce que cela fait partie de la stratégie de recrutement qui a été adoptée récemment?

J'aurais une question qui s'adresse à vous, monsieur Obst, pour ce qui est de la diffusion de l'information. Manifestement, le crime organisé et les cellules terroristes coordonnent souvent leurs efforts. La communauté policière fait la même chose avec nos agences de défense nationale et avec nos alliés.

Savez-vous si nos alliés ou si la communauté policière internationale ont déjà hésité à transmettre des renseignements au Canada? Je serais surpris que cela soit le cas, étant donné que nous avons mis en place des mécanismes de protection très efficaces contre l'accès à l'information, notamment avec le caractère confidentiel des documents du cabinet. Si c'est bien le cas, cela pourrait justifier ces certificats mais je ne crois pas que nos alliés aient déjà exprimé cette préoccupation.

Le président: Monsieur Obst.

Agent Grant Obst: Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, monsieur MacKay, je ne suis pas au courant qu'on ait lancé des initiatives particulières pour ce qui est du recrutement des policiers. Comme M. Adkins l'a déclaré à quelques reprises, il paraît évident que les personnes qui vont participer à ce genre d'enquêtes vont être des policiers ayant beaucoup d'expérience et d'expertise dans les méthodes d'enquête, notamment.

Il arrive que les services de police soient amenés à rechercher à l'extérieur de leur service des connaissances spécialisées, ce qui se fait dans plusieurs autres domaines, notamment la comptabilité judiciaire pour les enquêtes sur les crimes économiques. Cette possibilité existe mais je n'ai pas entendu parler d'initiatives précises.

• 1130

Les chefs de police pourraient peut-être répondre à cette question.

Je n'ai jamais eu connaissance que des organismes se soient refusés à nous transmettre des renseignements. Ce qui nous préoccupe sur ce point vient de la perception, qu'elle soit justifiée ou non, que le Canada est un refuge pour les criminels à cause de l'insuffisance de sa législation et des peines prévues pour sanctionner les activités criminelles. Nous ne voudrions certainement pas que les agences internationales craignent de nous transmettre des renseignements parce que nous n'avons pas les mesures législatives qui permettraient de protéger ces renseignements, à cause de nos lois sur la protection des renseignements personnels, et que ces renseignements pourraient être divulgués si un citoyen en faisait la demande. Cela créerait effectivement un obstacle.

Voilà quelles seraient nos préoccupations sur ce point.

Le président: Merci beaucoup.

Je dois donner la parole à M. John McKay pour trois minutes.

M. John McKay (Scarborough, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais présenter l'argument contraire que le Barreau du Québec nous a exposé hier. Cet argument était le suivant: nous nous trouvons dans une situation extraordinaire et nous procédons à une suspension extraordinaire des libertés civiles alors que le gouvernement aurait dû adopter de nouveaux articles du Code criminel qui s'appliqueraient uniquement aux infractions reliées au terrorisme. L'argument était qu'il y aura nécessairement des débordements et que l'on passera des infractions reliées au terrorisme, aux infractions reliées au crime organisé et ensuite, aux infractions criminelles ordinaires.

Je dois reconnaître, mesdames et messieurs, que les témoignages que vous nous avez présentés aujourd'hui m'ont mis quelque peu mal à l'aise. En fait, ce projet de loi va être utilisé dans des domaines qui relèvent du crime organisé et de la criminalité ordinaire, si vous voulez. C'est pourquoi je me demande lorsqu'il s'agira d'avoir recours à une audience d'investigation ou à la garde à vue, ou d'appliquer les divers autres articles de ce projet de loi, comment vous allez faire pour faire la différence entre une infraction relevant du terrorisme, une infraction du crime organisé ou une infraction ordinaire? Comme le professeur Grey l'a déclaré, nous avons défini le terrorisme de façon tellement large qu'il est impossible maintenant de le distinguer de la criminalité ordinaire.

J'aimerais savoir si vous pensez que ce projet de loi devrait constituer une partie distincte du Code criminel, parce que je pense qu'il va y avoir souvent des débordements entre différents articles.

Je vous mentionne également, à titre d'information, que lorsque nous avons adopté le projet de loi sur le crime organisé, personne n'est venu mentionner qu'il fallait prévoir des audiences d'investigation ou la garde à vue pour pouvoir lutter contre le crime organisé. Je crains qu'en pratique, ce soit des agents de police de première ligne qui vont utiliser ces articles pour faire des enquêtes sur le crime organisé et sur les crimes ordinaires.

Le président: M. Westwick et ensuite, M. Adkins.

M. Vincent Westwick: Merci, monsieur McKay.

Il est difficile de répondre à l'argument selon lequel il s'agit là de pouvoirs extraordinaires. Personnellement, je ne pense pas que ce soit des pouvoirs extraordinaires et je suis quelque peu surpris par tous les discours qui portent sur cet aspect.

Dans le cas des audiences d'investigation, il est vrai que ce genre d'audience est une nouveauté au Canada mais je ne pense pas que ce soit une mesure extraordinaire. En fait, cela va amener les policiers à prendre une décision tactique très importante au cours d'une enquête, s'ils veulent utiliser ces dispositions.

• 1135

L'audience d'investigation ne sera utilisée qu'à l'égard d'une personne qui travaille au niveau inférieur d'une organisation. On ne l'utiliserait jamais par exemple pour un... du moins, d'après moi. Cela s'explique par le paragraphe 83.28(10) qui énonce que les preuves fournies par la personne visée ne pourront être utilisées contre elles, tout comme, et c'est là un aspect très important, les preuves provenant des preuves obtenues de cette personne.

Ainsi, si les enquêteurs considèrent que cette personne est une cible, ils vont perdre l'avantage qu'ils pouvaient avoir sur le plan de l'enquête et des poursuites. L'application de ces dispositions est très limitée mais importante, parce qu'elle permet aux enquêteurs d'obtenir des renseignements internes, le genre de renseignements auxquels il a été fait allusion en matière d'infiltration de ces groupes, des renseignements qui jouent souvent un rôle critique dans une enquête. Cette audience permet à la police d'obtenir ce genre de renseignement. Mais dire que c'est un pouvoir très large est contraire à la façon dont je comprends cet article.

Je suis également surpris par ce qui se dit au sujet de la garde à vue. La disposition qui s'applique ici est le paragraphe 83.3(8) qui traite de la comparution devant un juge de la cour provinciale d'une personne soupçonnée d'activités terroristes pour lui faire contracter un engagement. Cette disposition est en fait une extension, et je dirais une extension particulièrement novatrice, de l'article 810.1 du Code criminel que le gouvernement a adopté pour les délinquants sexuels, les délinquants à risque élevé, et je dois dire très franchement que c'est un outil préventif qui a eu beaucoup de succès.

Les soi-disant dispositions relatives à la garde à vue, ou à l'arrestation préventive, comme je l'ai entendu décrire, ne peuvent être utilisées que dans des cas très circonscrits. La formulation, la structure et le style utilisés dans cet article sont tout à fait conformes à ce que le gouvernement a fait après l'arrêt Feeney. J'ai beaucoup de difficultés à qualifier ce projet de loi d'atteinte extraordinaire à la liberté et aux droits de la personne.

Le président: Monsieur Adkins.

Dét. Sgt é.-m. Brian Adkins: Manifestement, monsieur McKay, nous prenons acte de la position qu'a adoptée le barreau sur cette question et des commentaires qu'il fait dans différents domaines et je suis certain que vous respecterez le fait que nous ne sommes pas d'accord avec cet organisme. Mais ce qui nous paraît vraiment important pour nous, c'est que le comité sache ce que pensent les citoyens ordinaires, et non pas nécessairement les membres du barreau. Les citoyens ordinaires ont une opinion légèrement différente de ces choses.

Nous souscrivons aux commentaires formulés par nos collègues, les chefs de police, lorsqu'ils affirment que ces pouvoirs ne sont pas du tout extraordinaires. Les pouvoirs qui sont attribués dans ce projet de loi ont été renforcés pour nous permettre de rechercher le criminel le plus dangereux de tous, le terroriste. Il est important de constamment rappeler cela.

Les gens vont faire des discours pour critiquer tout ceci mais comme nous vous le répétons, ces pouvoirs ne vont pas être exercés par les policiers qui patrouillent nos rues tous les jours. Ce sont là des pouvoirs dont nous avons besoin. Ce sont des pouvoirs qui seront utilisés par des enquêteurs d'expérience qui recherchent des personnes pour lesquelles nous avons besoin d'utiliser ce genre de méthode d'enquête. Si nous pouvions répondre à ce besoin grâce aux autres techniques d'enquête dont nous disposerons déjà, nous ne serions pas obligés de vous demander de nous accorder ces pouvoirs; ce n'est pas ce que nous ferions.

Il est très important que ces groupes expriment leurs préoccupations. Il est également important que nous, les policiers, puissions vous faire part de nos inquiétudes. Vous nous avez écoutés lorsqu'il s'est agi du projet de loi sur le crime organisé; nous vous disons aujourd'hui qu'il existe une menace encore plus grave et que vous devriez en être conscient.

Nous ne partageons pas ces préoccupations. Nous ne pensons pas que ces pouvoirs aient été tellement renforcés; ils nous paraissent tout à fait appropriés et nécessaires à la protection de la sécurité publique.

Le président: Merci beaucoup.

Nous avons le temps d'entendre deux autres réponses, celles de M. Obst et de M. Sarrazin, très rapidement.

Agent Brian Obst: Très rapidement, permettez-moi de dire que lorsque l'on parle de ce projet de loi et des pouvoirs de la police, etc., il faut prendre un petit peu de recul et examiner la réalité.

Monsieur McKay, je pense—et là je compare cela aux enquêtes sur le crime organisé—que les agents de police d'expérience qui effectuent ces enquêtes complexes ne travaillent pas de façon isolée, même en tant que policiers. Lorsqu'ils font ces enquêtes, les policiers sont constamment en contact avec les procureurs de la Couronne qui leur fournissent des conseils, parfois sur une base quotidienne, voire même plus fréquemment. Chaque décision est prise après de longues discussions.

M. Westwick a souligné que nous ne prendrions aucune mesure qui risquerait d'entraîner par la suite l'inadmissibilité des preuves obtenues, et c'est là un point très important.

• 1140

Une enquête d'une telle ampleur est toujours menée avec beaucoup de soin. Je sais que vous n'aviez pas d'arrière-pensée lorsque vous avez utilisé l'expression «agent de police ordinaire». Ce seront des enquêteurs d'expérience et je dirais que dans presque tous les cas, ils travailleront en équipe avec des procureurs de la Couronne.

[Français]

Le président: Monsieur Sarrazin.

M. Michel Sarrazin: Depuis tout à l'heure, on fait le lien entre le crime organisé et le terrorisme. Je pense qu'il faut être très prudent et qu'il y a une grande différence entre les deux. Le crime organisé, habituellement, va utiliser des activités criminelles dans le but de s'enrichir ou d'augmenter son pouvoir, alors que les groupes terroristes utilisent les activités criminelles dans le but d'amasser de l'argent pour d'autres activités, pour déstabiliser des gouvernements, pour des idéologies ou pour des religions. C'est là qu'est toute la différence, et je pense que les pouvoirs qui sont donnés en vertu de cette future loi visent à nous permettre de nous attaquer à ce type d'individus.

Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

Monsieur Cadman, vous avez la parole.

M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.

Je voudrais aborder un aspect qui n'a pas été beaucoup discuté, et c'est celui des ports, en particulier, des ports à conteneurs; il y en a un dans ma circonscription. Je crois que la police des ports peut jouer un grand rôle dans ce domaine, comme le montre le gars que nous avons attrapé en Italie il y a quelques semaines et qui vivait dans un conteneur.

Certains ont regretté qu'on ait supprimé la police portuaire. Cependant, lorsque j'ai parlé avec des responsables de la Société du port de Vancouver il y a quelques semaines, ils m'ont déclaré qu'ils étaient satisfaits des services de police que leur fournissaient les municipalités, et de leurs rapports avec elles. Ils m'ont dit qu'avec la police portuaire, il n'y avait que quatre agents de service dans le port de Vancouver, ce qui était un nombre assez faible. Ils ont maintenant une bien meilleure relation avec les municipalités. D'après eux, le nombre des infractions a diminué.

J'aimerais beaucoup connaître vos commentaires sur la police des ports et sur les problèmes que cela vous pose.

Le président: Merci, monsieur Cadman.

Monsieur Knight.

M. Leo Knight: Je vais vous répondre brièvement, monsieur Cadman. La police des ports de Vancouver comprenait près de 40 agents au moment où elle a été supprimée. Ils ont été remplacés par une escouade de 13 agents, qui utilisaient les mêmes locaux que ceux des policiers de Vancouver, qui prennent les appels concernant ce secteur. Nous sommes donc passés de 40 à 13, et ces 13 agents s'occupent également des appels téléphoniques, sur une base régulière. C'est la réalité. Ce servie a été remplacé par un contrat avec une agence de sécurité privée d'une valeur d'environ 250 000 $ par an; cela n'est donc pas très important.

[Français]

Le président: Monsieur Sarrazin.

M. Michel Sarrazin: Je veux faire le point sur la situation du port de Montréal, qui est aussi un port important. Évidemment, la police de Ports Canada a été abolie et c'est une agence de sécurité privée qui patrouille le port maintenant.

Lorsque des activités criminelles sont rapportées, c'est le Service de police de la CUM qui doit effectuer les enquêtes et les interventions. Mais il y a très peu de problèmes ou de crimes qui nous sont rapportés. Le problème, c'est qu'il n'y a pas en tout temps une présence des policiers sur le terrain pour patrouiller et faire les vérifications nécessaires.

Évidemment, il y a des unités spécialisées en matière de crime organisé qui font des enquêtes à long terme et approfondies sur des activités qui pourraient se dérouler à l'intérieur du port de Montréal.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur DeVillers.

M. Niebudek: Monsieur le président...

Le président: Excusez-moi. Allez-y.

M. Niebudek: J'aimerais parler de la question de la police portuaire. Je crois que l'on peut faire un parallèle avec la police aéroportuaire.

Comme M. Sarrazin l'a mentionné à juste titre, je crois qu'il faut adopter une approche à deux volets. Il y a les activités criminelles que l'on retrouve dans toutes les collectivités, et pour lesquelles il faut des agents en uniforme qui répondent aux demandes d'aide, ce que j'appelle les crimes après le fait, qu'il s'agisse de crimes contre la personne ou de vols, de choses de ce genre.

Ce qui nous intéresse, c'est de découvrir les méthodes qu'utilise le crime organisé dans les ports, le nombre des personnes qui y travaillent, et le niveau de sécurité. Des membres du crime organisé réussissent à entrer en contact avec les personnes qui s'occupent des marchandises et cela nous cause beaucoup de difficultés. Vancouver, Montréal et Halifax sont trois exemples parfaits de lieux où nous devons avoir des yeux et des oreilles partout pour savoir ce qui se passe dans ces ports. Il ne s'agit pas seulement des marchandises qui arrivent, mais aussi des personnes qui arrivent, par exemple, dans les conteneurs. Nous pensons qu'il n'aurait jamais fallu supprimer la police portuaire. En fait, il aurait sans doute fallu en augmenter les effectifs vers le milieu des années 1990, époque à laquelle on a fait des coupures.

• 1145

Le président: Merci.

Nous allons passer à M. Adkins et ensuite, à M. DeVillers.

Dét. Sgt é.-m. Brian Adkins: Monsieur Cadman, nous avons averti ces personnes de ce qui allait se passer. Nous leur avons dit que ce n'était pas une bonne décision et nous leur avons déclaré, retenez bien ces paroles, vous direz un jour que vous auriez dû nous écouter. Vous dites que le nombre des infractions a diminué. Il faudrait plutôt se demander si le nombre des infractions a vraiment diminué ou si c'est le nombre des infractions constatées qui a diminué? C'est là le problème. C'est comme ça que les gens entrent au Canada.

Pour ce qui est de la situation en Italie, c'est un agent de police qui patrouillait les quais qui a découvert ces choses. Une personne qui n'est pas aussi sensibilisée à ce genre de situation n'aurait rien remarqué. Cela se produit mais personne ne le remarque. Retenez mes paroles, cela entraînera d'autres problèmes. Vous pouvez en être sûr.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci.

Je voudrais parler de la charte. Il y a beaucoup de témoins qui nous ont déclaré que ce projet de loi ferait certainement l'objet de contestations constitutionnelles. Cela est très clair. Bien évidemment, il y a des gens qui estiment que la plupart de ces mesures sont des mesures extraordinaires. L'on peut présumer que les tribunaux vont être invités à examiner ce projet de loi par rapport à l'article 1 de la charte. Nous allons devoir démontrer que la gravité des menaces auxquelles ce projet de loi tente de remédier justifie ces mesures. J'aimerais que les témoins me disent quelles sont les menaces que nous cherchons à contrer ici au Canada. Je sais qu'il y a eu le 11 septembre, mais tous ces événements se sont passés aux États-Unis.

Il y a aussi la question de la clause d'extinction. D'après certains témoins que nous avons entendus hier, l'insertion d'une clause d'extinction garantirait la validité constitutionnelle de ce projet de loi. C'est un aspect dont les tribunaux tiendraient compte pour confirmer la validité de cette mesure. Je crois qu'il est dans l'intérêt de tous, en particulier dans l'intérêt des services de police, que ce projet de loi ne soit pas invalidé, que quelle que soit la forme qu'il prenne, il soit à l'abri des contestations constitutionnelles. Il faudrait donc voir une clause d'extinction comme un moyen de renforcer cette validité du projet de loi. J'aimerais avoir vos commentaires sur cet aspect.

Le président: Madame Boniface.

Comm. Gwen Boniface: Merci.

Je vais d'abord répondre à votre première question pour ce qui est de la situation actuelle. J'ai mentionné dans mes observations liminaires que je me trouvais au niveau zéro et que j'ai vu l'effet qu'avaient eu ces événements sur les familles américaines.

Si je me fie à ce qu'a été mon calendrier depuis le 11 septembre, tout comme ce qui s'est passé pour mes collègues canadiens, qu'ils soient agents de première ligne ou chefs de service de police, je ne peux pas imaginer que l'on puisse dire que cela n'est pas nécessaire ou que le monde, sans parler du Canada, n'est pas un état d'alerte, du point de vue des services de police. Si vous voulez savoir si la situation est aussi grave que ce projet de loi l'indique, je répondrais que oui. Il faut du courage. Il faut que les chefs politiques non seulement au Canada mais dans les autres pays aient du courage.

En 2001, il est évident que les États-Unis ont été provoqués. C'est une des grandes puissances. En 1993, il y avait eu l'attentat à la bombe contre le World Trade Center. Entre 1993 et 2001, on pouvait penser que les États-Unis ne seraient jamais une cible pour les terroristes. Manifestement, ce n'est pas le cas, et si ce n'est pas le cas pour eux, ce n'est pas non plus le cas pour les autres pays.

Deuxièmement, au sujet de la charte, j'ai examiné les déclarations des témoins qui ont comparu devant le comité. Je prends en note également des éléments comme le fait que les poursuites pour financement du terrorisme doivent être autorisées par le PG, que les mécanismes de confiscation prévoient l'autorisation préalable du PG, que c'est un juge qui décide s'il y a lieu de protéger des renseignements sensibles. Pour ce qui est des moyens d'enquête, nous demandons uniquement que l'on prolonge les périodes pour lesquelles l'écoute électronique est autorisée, et la raison me paraît évidente, c'est à cause du genre d'enquête que nous faisons. La garde à vue et toutes les autres mesures sont assorties de garanties... Il faut voir un juge dans les 24 heures, ce genre de choses.

• 1150

Je ne vois pas pourquoi une clause d'extinction ou d'examen pourrait influencer la constitutionnalité du projet de loi.

Je crois que nous avons tous exprimé notre préférence pour une clause d'examen et non pour une clause d'extinction. Nous sommes tous favorables au projet de loi parce qu'il a pour but de lutter contre la menace terroriste, non seulement pour le Canada mais pour le monde entier, et je crois que notre charte a été conçue pour tenir compte de ce genre de choses, notamment du climat qui règne actuellement dans le monde.

Le président: Merci.

Monsieur Griffin.

M. David Griffin (agent exécutif, Association canadienne des policiers et policières): Je vais tout d'abord me faire l'écho des commentaires de la commissaire Boniface parce que plusieurs témoins ont déclaré tout à l'heure qu'ils ne trouvaient pas que ces mesures étaient extraordinaires. En fait, la plupart des mesures auxquelles il a été fait allusion s'inspirent d'outils d'enquête qui existent déjà ou en sont le prolongement.

Il y a également lieu de signaler que le directeur du Service canadien de renseignements criminels, M. Philippe, a déclaré que tous les groupes internationaux de crime organisé et tous les groupes internationaux de terroristes avaient des membres qui exerçaient des activités au Canada. Je crois que cela constitue un élément important. Plusieurs enquêtes très sensibles sont en cours au Canada. Évidemment, si le comité estime avoir besoin de plus d'informations à leur sujet, il devrait le faire à huis clos.

Nous souscrivons aux conclusions de la ministre de la Justice lorsqu'elle a déclaré à notre comité que ce projet de loi était conforme à la charte et résisterait aux contestations judiciaires. En fin de compte, l'intervention et la prévention sont nos priorités et si cela veut dire que la personne que l'on empêchera de commettre un attentat risque de saisir par la suite les tribunaux, alors qu'elle le fasse. Mais notre travail aujourd'hui est de voir ces lois adoptées et d'aller de l'avant.

Je crois que n'importe quel Canadien est capable d'examiner la situation et de se rendre compte que nous allons tous subir quelques inconvénients mineurs, que ce soit en voyageant à l'étranger, au Canada, ou en exerçant certaines activités, mais que ces inconvénients doivent être supportés dans l'intérêt de la collectivité et de la sécurité nationale.

Le président: Merci beaucoup.

Je vais maintenant donner la parole à M. MacKay pour trois minutes, et ensuite, à M. Maloney pour trois minutes et ensuite...

Dét. Sgt é.-m. Brian Adkins: Est-ce que je vais pouvoir faire un commentaire à ce sujet, monsieur Scott?

Le président: Oui, allez-y.

Dét. Sgt é.-m. Brian Adkins: Quant à savoir si ce projet de loi est conforme à la charte, je dirais qu'il n'est pas possible de dire aujourd'hui qu'un projet de loi résistera aux contestations judiciaires parce qu'il est toujours possible que quelqu'un avance un argument nouveau. Par contre, si l'on nous demande si nous pensons que ce projet de loi résistera aux contestations constitutionnelles, nous répondrons que oui.

Je suis sûr que, lorsque la première loi sur la protection des renseignements personnels a été présentée avec l'écoute électronique, lorsque le projet de loi C-178 a été présenté la première fois, il y a certainement des personnes qui se trouvaient dans cette pièce qui ont manifesté toutes sortes d'inquiétudes et qui ont déclaré que c'était une chose terrible. Ces projets de loi ont été adoptés, ils ont été contestés et nous avons encore ces lois. Nous avons dit à quelques reprises aujourd'hui que ce projet de loi ne constitue pas un élargissement considérable des pouvoirs des policiers, il a plutôt pour effet d'adapter ces pouvoirs.

Je vous ai déjà mentionné que j'ai été policier pendant 28 ans. Je travaillais dans ce domaine. Tout ce que vous faites doit être examiné par un procureur de la Couronne ou par un juge. On ne fait rien seul.

La garde à vue figure déjà dans le Code criminel. Il est déjà possible d'arrêter quelqu'un qui est sur le point de commettre un acte criminel. Ce projet de loi nous autorise maintenant à arrêter cette personne si les conditions de la loi sont remplies. Je suis sûr que toutes les personnes présentes ici voudraient qu'un policier puisse arrêter le terroriste qui voudrait faire sauter le Parlement. Si cela se produisait au milieu de la nuit et que quelqu'un dise que c'est le moment venu de procéder à l'arrestation de cette personne, je suis sûr que vous voudriez que la police agisse, parce que des vies sont menacées.

Comme l'a déclaré la commissaire Boniface, c'est le moment d'adopter une attitude courageuse. Il ne faut pas que les gens puissent utiliser le Canada pour préparer des attentats qu'ils commettront ailleurs parce qu'ils peuvent faire ici des choses qu'ils ne peuvent pas faire à l'étranger. Ces pouvoirs ont été soigneusement étudiés, les juges vont être amenés à en surveiller l'exercice et ce projet de loi contient de nombreuses garanties. Nous pensons qu'il résistera aux contestations judiciaires.

Nous pensons également que le moment est venu de faire preuve de leadership, de manifester la volonté de faire quelque chose et d'obtenir ces pouvoirs, parce que si nous ne le faisons pas, nous ne pourrons pas enquêter sur les personnes qui sont à l'origine des problèmes actuels.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur MacKay, pour trois minutes.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

• 1155

Je voudrais encore revenir, très brièvement, sur la question des ports, parce que nous avons beaucoup parlé des aéroports et davantage encore de la frontière. Dans les deux cas, la GRC et certains agents d'application de la loi s'occupent des questions de sécurité.

Les ports canadiens sont non seulement de vraies passoires mais ils constituent également un grave danger. Je crois savoir que plus de deux millions de conteneurs arrivent dans nos ports chaque année. Le trafic maritime dans ces ports, les ports importants et reconnus, augmente. On a rapporté un certain nombre d'incidents mais l'aspect essentiel est celui auquel M. Adkins a fait allusion, il s'agit de savoir ce qui n'est pas découvert. Je suis très satisfait de constater que les services de police sont sensibles à cet aspect.

Je viens d'une petite collectivité située au bord de la mer. Si vous voulez parler d'un problème, parlons de ce qui est arrivé à la garde côtière. Il leur arrive ce qui est arrivé à la police portuaire. Cet organisme a subi tellement de réductions de budget qu'il est à peine en mesure de libérer les baleines qui se prennent dans les filets. Si cet organisme n'est pas capable de libérer Willy, il ne réussira pas non plus à arrêter les terroristes qui cherchent à entrer au Canada. Comme l'a dit Tony Soprano, «Si vous voulez vraiment faire quelque chose, oubliez cela.» Dans une petite collectivité, il est impossible d'arrêter les personnes qui cherchent à venir dans un petit port non gardé. Il n'y a aucun service de sécurité dans les ports où la police portuaire a été supprimée. C'est donc un secteur de la lutte contre les terroristes où nous sommes extrêmement vulnérables.

J'aimerais poser une question précise sur le projet de loi. On a parlé de l'utilisation des audiences d'investigation. Si j'ai bien compris ces dispositions, il semble que, si l'on a recours à une audience d'investigation et qu'on place une personne sous garde, en garde à vue ou autrement, et que celle-ci comparaisse devant le juge en disant «C'est moi qui l'ai fait et je vais apporter l'arme que j'ai utilisée» (il est possible de demander à ces personnes d'apporter des preuves réelles à ces audiences), aucun de ces éléments de preuve ne pourra être utilisé dans un procès.

Combien de temps pensez-vous que cela va prendre à un terroriste pour se dire que, si la police le convoque à ce genre d'audience parce qu'elle le soupçonne, il peut raconter tout ce qu'il veut et que son témoignage ne sera pas admissible en preuve?

J'aimerais également revenir à un commentaire qui a été fait plus tôt au sujet du fardeau de la preuve de la Couronne, qui découle du fait que la police doit établir que l'acte reproché avait un but idéologique, politique ou religieux. Il est pratiquement impossible d'établir cet élément moral, la mens rea. Pourquoi ne pas invoquer les articles actuels du Code criminel qui répriment le meurtre, le méfait et la trahison? Il faut obtenir une condamnation et ensuite démontrer, à titre de circonstance aggravante, que l'infraction a été commise dans un but politique, idéologique ou terroriste. Mais pourquoi porterait-on une accusation de terrorisme si cela est tellement difficile à prouver que l'on n'obtiendra jamais de condamnation?

Le président: Merci, monsieur MacKay.

Monsieur Griffin.

M. David Griffin: Je crois que vous avez contribué à apporter une réponse à la question que posait M. DeVillers au sujet de la constitutionnalité du projet de loi.

Pour ce qui est des audiences d'investigation, je crois que nous avons tous reconnu dans nos exposés écrits et oraux que les policiers devaient faire preuve d'une grande prudence en utilisant cette technique d'enquête. Je pense que cet équilibre peut se justifier. Je pense qu'il concilie les droits des personnes qui peuvent être convoquées comme témoins à ces audiences, tout en demandant aux policiers de réfléchir soigneusement à l'opportunité d'avoir recours à cette méthode. Mais c'est une méthode efficace dans certains cas qui permet d'obliger les gens à témoigner.

Le président: Monsieur Adkins.

Dét. Sgt é.-m. Brian Adkins: Je crois qu'il faut vraiment aborder ces questions en se plaçant dans des situations réelles. Mettez-vous à la place de la personne qui est soupçonnée et qui est interrogée au cours d'une de ces audiences d'investigation, qu'est- ce que vous craignez le plus? Est-ce que vous craignez davantage d'être incarcéré quelque part ou d'être tué si vous avouez tout? Je crois que c'est là le thème central de ce projet de loi. Il ne s'agit pas de criminels conventionnels dont le seul but est de sortir de prison le plus rapidement possible. Il s'agit de personnes qui veulent causer la mort, qui veulent faire toutes sortes de choses, et il ne faudrait pas nous donner des outils qui permettent uniquement de faire enquête sur les criminels conventionnels.

Cela me rappelle le jour où plusieurs de nos collègues ont été tués en Floride. Je n'oublierai jamais cette situation parce que j'étais un policier débutant et je travaillais dans le secteur des enquêtes spécialisées. Un groupe d'agents du FBI suivait un véhicule. Les occupants de ce véhicule s'apprêtaient à dévaliser une banque et les agents ont décidé de l'intercepter. Les policiers ont stoppé le véhicule en utilisant la méthode conventionnelle, ils ont bloqué le véhicule et une fusillade a éclaté. Huit policiers ont été tués. Savez-vous pourquoi ils ont été tués? Ils sont morts parce qu'ils n'avaient jamais rencontré auparavant des personnes prêtes à les attaquer. Habituellement, lorsque la police intervient les gens essaient de fuir; ils n'attaquent pas.

• 1200

Huit policiers sont morts ce jour-là parce qu'ils ont été attaqués par des gens qui n'avaient pas la même attitude que les criminels habituels.

Nous avons insisté sur le fait que vous ne nous donnez pas ici les pouvoirs qu'exigent les enquêtes sur les criminels traditionnels; vous nous donnez des pouvoirs que nous allons utiliser pour faire enquête sur des personnes qui ont un objectif beaucoup plus vaste, perturber la société, susciter la peur dans la population. Ils l'ont déjà fait. Je vous demande de penser à cet aspect lorsque vous examinerez ce projet. Les questions qu'a posées M. MacKay sont très importantes.

Le président: Monsieur Westwick.

M. Vincent Westwick: Très brièvement, nous ne disons pas que les audiences d'investigation n'ont aucune utilité. J'en ai parlé longuement uniquement pour démontrer que leur utilisation était assortie de garanties et qu'il y avait également des limites à leur emploi. Ces audiences peuvent être très utiles pour les enquêtes, dans les circonstances que M. Adkins vient de décrire.

Le président: Merci. Monsieur Maloney, vous avez trois minutes pour une dernière question.

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): L'Association canadienne des policiers et policières demande dans son mémoire que l'on adopte une stratégie policière globale et intégrée. Nous avons déjà un corps policier national, la GRC, mais cette association demande que nos services de police locaux et provinciaux puissent intervenir dans les autres provinces.

Avez-vous demandé aux procureurs généraux ou aux solliciteurs généraux des provinces ce qu'ils pensaient de cette proposition et quelles étaient, d'après eux, les obstacles?

M. David Griffin: L'Association canadienne des policiers et policières estime que cela devrait s'ajouter aux efforts dont nous avons parlé qui visent les services de police mais cette initiative devrait également regrouper Douanes Canada, Citoyenneté et Immigration, le SCRS—tous les organismes qui sont responsables des diverses composantes de la sécurité nationale.

Je crois que ces organismes collaborent mais on a posé il y a quelques instants une question concernant les réticences de certains organismes à diffuser leurs renseignements. J'ai parlé aux enquêteurs qui travaillent dans certains ministères, ce sont des organismes canadiens d'application de la loi, qui hésitent à communiquer des renseignements aux autres organismes canadiens d'application de la loi, ou à des organismes comme les douanes ou l'immigration, parce qu'ils ne savent pas comment ces agences vont interpréter leurs obligations en matière de confidentialité et de respect des données personnelles ou leur devoir de communiquer ces renseignements.

De notre point de vue, il faudrait, et je crois que les chefs de police en ont également parlé dans leur mémoire, un organisme national qui permettrait de regrouper toutes ces ressources.

Le président: Merci.

Monsieur Adkins.

Dét. Sgt é.-m. Brian Adkins: Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cela. Nous voulons en fait que tout le monde collabore. Il y a environ deux semaines, nous avons émis un communiqué dans lequel nous demandions la tenue d'un sommet. Les services de police et de sécurité collaborent étroitement.

Je ne voudrais pas que nous essayions de réinventer la roue. Il existe déjà beaucoup d'organismes. Nous avons déjà de la bureaucratie. Nous avons besoin de ressources. Nous avons besoin de poursuivre cette collaboration. Il y aura des problèmes à régler et ce sera aux chefs de le faire. Ils se réuniront, en parleront et décideront de l'organisme à qui confier certaines tâches.

On a également demandé—et je me souviens que M. McKay a posé une question au sujet de la position du Barreau du Québec—si le gouvernement et les services de police étaient prêts à veiller à ce que les agences qui vont effectuer ce genre d'enquêtes disposent des ressources suffisantes pour le faire. Cela est très important, parce que cela leur permettra de préserver l'intégrité de cette loi.

Le président: Pour terminer, M. Westwick.

M. Vincent Westwick: Oui. Notre remarque n'allait pas si loin.

Nous cherchons simplement à mettre sur pied un mécanisme grâce auquel des policiers pourraient se déplacer d'une province à l'autre—du Québec à l'Ontario, de l'Alberta à la Saskatchewan—pour effectuer leurs enquêtes. C'est un aspect bureaucratique qu'il faudra résoudre. Nous pensons que le gouvernement fédéral devrait jouer un grand rôle dans ce domaine. C'est un aspect apparemment mineur mais qui est très important pour certains types d'enquêtes.

Le président: Je tiens à remercier tous les témoins d'être venus ici aujourd'hui. Je crois que si vous aviez été ici il y a quelques jours il y aurait eu de bonnes discussions avec d'autres témoins. Vos opinions seront reprises avec celles des autres. Mais je pense que les membres du comité sont habitués à examiner tous les arguments... Nous sommes heureux de vous avoir accueillis aujourd'hui. Vous êtes...

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): J'invoque le Règlement.

Le président: Vous invoquez le Règlement, monsieur Lee. Je remercie encore une fois les témoins.

M. Derek Lee: Merci, monsieur le président. Je crois que M. McKay va maintenant présenter une motion qui concerne le sous- comité de la sécurité nationale.

[Français]

M. John McKay: Monsieur le président, je propose que le Sous-comité de la sécurité nationale soit composé des membres suivants: Bill Blaikie; Marlene Jennings; Derek Lee, le président; Lynn Myers; Peter MacKay; David Pratt; Kevin Sorenson; Vic Toews; Pierrette Venne; Bryon Wilfert; et qu'un membre soit nommé à une date ultérieure.

• 1205

[Traduction]

Le président: Il faudrait que les entrevues soient effectuées à l'extérieur. Je mentionne que les membres ont entendu la motion mais je pense...

Une voix: Cela figure au procès-verbal.

Le président: C'est inscrit au procès-verbal et tous les membres ont reçu ce document; nous en avons été avisés hier. La motion est recevable. Quelqu'un veut-il la présenter. Sommes-nous prêts à voter?

(La motion est adoptée)

Le président: Félicitations.

La séance est levée.

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