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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 20 novembre 2001

• 1216

[Traduction]

Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Je déclare ouverte la 49e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

Je demande à ceux qui ont des caméras de bien vouloir se trouver une place à l'extérieur de la salle.

M. MacKay invoque le Règlement.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC/RD): Monsieur le président, je me demande si nous ne pourrions pas confirmer pour le compte rendu, en sa présence, que la ministre reviendra devant le comité pour présenter le budget principal des dépenses du ministère de la Justice.

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureure générale du Canada): Oui, monsieur MacKay, vous savez que ma place préférée...

M. Peter MacKay: Joyeux Noël, madame la ministre.

Mme Anne McLellan: ... c'est auprès de vous.

M. Peter MacKay: Nous allons attendre ce jour-là avec impatience.

Mme Anne McLellan: Je reviendrai pour le budget principal des dépenses.

Le président: Après cet excellent début, je vous informe que nous examinons aujourd'hui le projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel, Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et d'autres lois, et édictant des mesures à l'égard de l'enregistrement des organismes de bienfaisance, en vue de combattre le terroriste.

Nous allons entendre aujourd'hui, pour la deuxième fois sur ce projet de loi, la ministre de la Justice et la procureure générale du Canada, Mme Anne McLellan. Je vais laisser à la ministre le soin de présenter ses collaborateurs.

[Français]

Mme Anne McLellan: Merci, monsieur le président et membres du comité permanent, de m'avoir invitée de nouveau à comparaître devant vous au sujet du projet de loi C-36, la Loi antiterroriste.

[Traduction]

Je vous demande d'excuser mon retard, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Il n'y avait pas le quorum à la Chambre et on m'a demandée, ainsi qu'à un certain nombre de mes collègues, de me rendre à la Chambre pour qu'il y ait le quorum.

Depuis la présentation de ce projet de loi, les membres du comité, les membres du Comité spécial du Sénat, les témoins qui ont comparu devant les deux comités et d'autres personnes ont parlé de ce qu'elles aimaient et de ce qu'elles n'aimaient pas dans ce projet de loi. Le moins que l'on puisse dire est que ce projet de loi a suscité un débat. Même si je ne suis pas d'accord avec tout ce qui a été dit à propos de ce projet de loi, je voudrais souligner l'importance de débattre ce projet de loi en profondeur parce qu'il traite d'enjeux fondamentaux qui touchent la sécurité de la population et nos droits et libertés. Il serait inapproprié et irréfléchi d'adopter ce projet de loi sans un large débat.

En outre, le débat qu'il a suscité a été sérieux et fort utile pour mes collègues du Cabinet et pour moi-même. Je veux dire par là qu'en faisant part de vos préoccupations à la Chambre, aux autres membres du comité et au public, vous nous avez permis de venir ici aujourd'hui, vous répondre directement et vous présenter les vues du gouvernement au sujet des modifications proposées. Je tiens à vous dire très clairement que je vous sais gré du travail que vous et vos collègues au Sénat avez accompli. Vous avez non seulement donné corps au débat sur le projet de loi C-36, mais vous avez eu aussi une grande influence sur les amendements que propose le gouvernement.

Vous avez tous exprimé le désir de connaître la teneur des modifications que le gouvernement va proposer un peu plus tard cet après-midi. J'espère que vous examinerez les modifications proposées par le gouvernement dans l'esprit avec lequel elles sont proposées: premièrement, elles reflètent l'engagement qu'a pris le gouvernement d'écouter les membres de ce comité et du comité du Sénat et deuxièmement, notre engagement d'adopter un projet de loi qui reflète nos valeurs canadiennes, tout en offrant un ensemble de mesures législatives efficaces pour combattre le terrorisme.

[Français]

Avant de parler des amendements que propose le gouvernement, je voudrais consacrer quelques instants à rappeler les raisons pour lesquelles le gouvernement estime que ce projet de loi est nécessaire. Il s'agit d'un sujet qui me tient fortement à coeur.

• 1220

[Traduction]

Nos lois actuelles nous permettent de faire des enquêtes sur le terrorisme et de poursuivre en justice ceux qui se livrent à diverses activités spécifiques liées en règle générale au terrorisme, y compris le détournement d'avions, le meurtre et le sabotage. Toutefois, ces lois et les autres ne suffisent pas. On peut peut-être dire que la plus grande lacune de nos lois est qu'elles n'empêchent pas la perpétration d'actes terroristes. Avec les lois actuelles, nous pouvons condamner les terroristes qui se livrent concrètement à des actes de violence si nous réussissons à les identifier et à les arrêter après qu'ils ont commis ces actes. Cependant, je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que les Canadiens ont le droit de s'attendre à ce que leur gouvernement fasse tout son possible pour empêcher que des actes aussi horribles que l'attentat du 11 septembre se produisent.

Nous avons besoin de nouveaux outils pour faire des enquêtes et pour recueillir les renseignements voulus sur les groupes terroristes avant qu'ils ne commettent des attentats. Les pouvoirs en matière de garde à vue que ce projet de loi accorde à la police sont un exemple de ces outils. Ces pouvoirs nous permettront d'entraver les activités des groupes terroristes et de les déstabiliser lorsqu'ils préparent leurs attentats. Les nouvelles infractions du Code criminel créées par le projet de loi C-36 nous permettront de condamner ceux qui facilitent certaines activités terroristes, y participent ou chargent quelqu'un d'autre de les exercer; ces infractions doivent aussi prévoir des mesures de prévention qui peuvent être prises, même si les actes terroristes ne sont finalement pas commis.

En plus de renforcer nos moyens et nos lois, le projet de loi C-36 permet au Canada de remplir ses obligations internationales, notamment à l'égard du financement du terrorisme, des attentats à l'explosif et de l'utilisation d'autres engins meurtriers ainsi que de la protection des Nations Unies et du personnel associé.

Parallèlement à notre lutte contre le terrorisme avec des moyens et des lois renforcés, nous avons besoin de dispositions qui vont nous permettre de mieux lutter contre la haine et la discrimination. Les événements du 11 septembre sont horribles de plusieurs points de vue. Ces attentats ont non seulement entraîné la mort d'un nombre effarent d'innocents, mais ils ont créé un climat de méfiance qui a même parfois débouché sur des actes de violence contre des groupes ethniques et des membres des minorités visibles. Comme le premier ministre l'a déclaré à plusieurs reprises depuis le 11 septembre, il ne s'agit pas d'une guerre contre un peuple ou contre une religion, c'est une guerre contre l'esprit du mal et contre la terreur. Nous avons néanmoins entendu des témoins qui vous ont dit clairement qu'ils craignaient d'être ciblés. C'est une situation que le gouvernement a la volonté de corriger.

Permettez-moi d'être très claire sur ce point: les Canadiens, quelle que soit leur origine ethnique et culturelle, doivent bénéficier de la protection à laquelle ont droit tous les Canadiens et du droit de ne pas faire l'objet de discrimination. Nous combattons la terreur, mais nous devons également démontrer qu'un comportement comme celui qui consiste à détruire ou à endommager une église, une mosquée ou un temple, ou à entraver des activités religieuses est absolument inacceptable au Canada. La communication de messages haineux à l'aide des nouvelles technologies, comme Internet, est une pratique discriminatoire aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne et ne sera pas tolérée.

Voilà, monsieur le président, un bref survol des principales raisons qui justifient les mesures contenues dans le projet de loi C-36. Je noterais également qu'en déposant ce projet de loi, nous agissons de concert avec d'autres pays qui renforcent leurs propres lois contre le terrorisme. Parmi eux, nommons les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l'Union européenne. La plupart des pays reconnaissent que le terrorisme est une menace et qu'il est nécessaire de collaborer avec les autres pays et de renforcer leurs propres lois.

Comme cela lui avait été demandé, le ministère de la Justice a remis à la greffière du comité une série de documents décrivant la nature de la menace terroriste et celle de la riposte internationale, notamment les mesures législatives prises par nos alliés que je viens de mentionner. Je vous invite à examiner ces documents.

Je vais maintenant passer au texte du projet de loi C-36. J'ai l'intention d'expliquer une partie des modifications que nous soumettrons cet après-midi au comité. Ces modifications ont pour but d'améliorer et de clarifier la loi. Je voudrais encore souligner qu'une bonne partie de nos suggestions reflètent les commentaires et les préoccupations qui ont été présentés aux membres du comité, aux membres du Comité spécial du Sénat sur la lutte antiterroriste et par les témoins qui ont comparu devant votre comité.

• 1225

Je vais commencer par la définition d'activité terroriste. Cette définition est un élément clé du projet de loi et cette expression est utilisée dans un grand nombre de dispositions de ce projet; personne ne devrait donc être surpris par le fait que cet élément a fait l'objet d'un examen particulièrement approfondi. Une des principales critiques concernait l'exclusion des «activités licites de revendication, de protestation ou de manifestation d'un désaccord ou d'un arrêt de travail licite» de cette définition. Le gouvernement a toujours eu l'intention de protéger la manifestation licite d'un désaccord et les revendications démocratiques et de les exclure de cette définition. Certains se sont demandés si, par l'utilisation du terme «licite», la définition pouvait être comprise et interprétée comme voulant dire que des activités de ce type comprenant des activités illicites telles que l'agression, l'intrusion ou des dommages mineurs aux biens seraient considérées comme des actes terroristes. Nous avons donc revu cette disposition et nous reconnaissons qu'elle peut être mal interprétée.

Le gouvernement propose donc de supprimer le mot licite. C'est une suggestion qui a été faite devant votre comité par un certain nombre de personnes, notamment par le professeur Patrick Monahan, lorsqu'il a comparu ici ou devant le comité sénatorial. Je tiens toutefois à souligner que cette modification n'a pas pour effet de rendre licites des manifestations de protestation qui seraient illicites. Nous voulons aussi faire en sorte qu'une grève illégale qui s'accompagnerait d'une manifestation publique—et cela est un exemple qui a été utilisé par certains syndicats—ne pourrait être visée par la définition d'activité terroriste, même si la manifestation ou la grève était elle-même illégale.

Nous pensons donc qu'en supprimant le qualificatif «licite», nous exprimons plus clairement l'intention du gouvernement et rassurons ceux qui craindraient qu'autrement une activité illégale qui ne constitue pas une activité terroriste soit un jour visée par ce projet de loi. En supprimant le mot «licite», nous pensons indiquer clairement que la définition d'activité terroriste exclut les revendications, les protestations, les manifestations de désaccord et les arrêts de travail, que ceux-ci soient légaux ou non. L'aspect important est de savoir si ces activités correspondent à la définition d'activité terroriste et non pas de savoir si l'activité en question est légale ou non, par ailleurs.

Pour des raisons comparables, nous proposons d'apporter à cette définition d'autres modifications mineures pour qu'il y ait activité terroriste dans le seul cas où son auteur a commis un acte préjudiciable et n'a pas simplement l'intention d'en commettre un. Nous proposons également de préciser que les actes illégaux commis par certaines personnes ne peuvent compromettre la légitimité des autres manifestants.

On a soulevé devant le comité, devant le comité sénatorial, et ailleurs, la crainte qu'avec une telle définition de l'expression «activité terroriste» les mesures de lutte contre le terrorisme prévues par le projet de loi pourraient être utilisées contre des groupes ethniques, religieux et culturels particuliers. Nous devons être sensibles à cette critique et aux sentiments de Canadiens qui n'ont aucun lien avec les activités terroristes mais qui estiment néanmoins qu'on les soupçonne désormais en se basant uniquement sur leur origine ethnique, religieuses et culturelle.

Certains soutiennent que ce problème vient en partie du fait qu'on utilise les termes «au nom d'un but, d'un objectif ou d'une cause de nature politique, religieuses ou idéologique» pour qualifier le mobile de l'activité terroriste que l'on cherche à définir. En fait, je ne suis pas d'accord. Ces mots ne visent aucun groupe ethnique, religieux ou culturel particulier ni aucune cause politique ou idéologique. Ces termes décrivent plutôt les divers mobiles qui peuvent inspirer les activités inacceptables énoncées dans la définition du terrorisme du projet de loi C-36. Ces termes sont de nature limitative et ont pour but d'aider à distinguer les activités terroristes des autres formes d'activités criminelles qui visent à intimider la population par le recours à la violence. Ces termes sont importants pour définir et limiter de façon appropriée la portée du projet de loi C-36.

• 1230

Je suis toutefois convaincue que nous pouvons et devons prendre des mesures supplémentaires pour garantir que les dispositions du projet de loi ne soient pas interprétées ou appliquées de façon discriminatoire ou de façon à supprimer des droits démocratiques. Le gouvernement va donc proposer l'ajout d'une nouvelle disposition qui précisera que la définition d'activité terroriste ne s'applique pas à l'expression d'idées politiques, religieuses ou idéologiques qui ne visent pas à causer les diverses formes de préjudice énumérées dans la définition.

Vous tous, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, avez entendu de nombreux commentaires au sujet des mécanismes d'examen et de surveillance. Je vais donc en dire quelques mots.

C'est en prévoyant des mécanismes d'examen et de surveillance des pouvoirs attribués par le projet de loi C-36 que nous pourrons veiller à ce que ces pouvoirs soient exercés de façon appropriée. J'aimerais souligner à ce sujet que le droit canadien comprend déjà divers mécanismes d'examen qui s'appliqueraient à l'exercice des pouvoirs prévus par le projet de loi. Cela comprend, par exemple, les plaintes déposées auprès de la Commission des plaintes du public contre la GRC ainsi que les divers mécanismes de plainte et d'examen qui s'appliquent aux corps policiers qui relèvent des provinces. Une bonne partie des pouvoirs attribués par le projet de loi sont soumis à une surveillance judiciaire, qui vient souvent s'ajouter à des pouvoirs de surveillance et à un examen ministériel. En outre, les dispositions du projet de loi feront l'objet d'un examen complet par le Parlement au bout de trois ans.

Certains ont toutefois soutenu qu'il fallait prévoir un autre mécanisme de surveillance. Nous avons donc proposé la présentation d'un rapport annuel, ce qui est conforme à des modèles qui existent déjà en droit pénal canadien. Selon cette disposition, le procureur général du Canada et les procureurs généraux des provinces seraient tenus de faire rapport publiquement une fois par année sur la façon dont les pouvoirs que confère le projet de loi C-36 en matière d'investigation ont été exercés dans leurs provinces et territoires respectifs.

Cette disposition obligerait également le procureur général du Canada et ses homologues provinciaux, ainsi que le solliciteur général du Canada et les ministres responsables des services de police dans les provinces, de faire tous rapport publiquement une fois par an sur la façon dont les pouvoirs attribués par le projet de loi C-36 en matière de garde à vue ont été exercés chez eux. La loi préciserait de façon détaillée les renseignements devant figurer dans ces rapports.

Ces renseignements permettraient non seulement de vérifier chaque année la façon dont ces nouveaux pouvoirs ont été utilisés, mais elle faciliterait également l'examen qu'effectuera dans trois ans un comité parlementaire. Cette obligation de faire rapport est semblable à celle qui existe actuellement aux termes de la partie VI du Code criminel, qui traite de l'interception des communications. Elle est également comparable aux dispositions concernant l'emploi d'une justification limitée pour des activités policières qui seraient autrement illégales, comme le prévoit le projet de loi C-24, qui a été adopté par la Chambre des communes il y a quelques mois.

Il a également été mentionné qu'une clause d'extinction entraînerait une révision approfondie des dispositions du projet de loi. L'idée est d'obliger le législateur à décider si nous avons encore besoin, après une certaine période, de toutes les dispositions du projet de loi.

Comme vous le savez, le gouvernement ne considère pas qu'il soit nécessaire d'adopter une clause d'extinction qui s'appliquerait à l'ensemble du projet de loi. Tout d'abord, une telle clause d'extinction ferait planer un doute sur notre volonté de respecter nos obligations internationales. Deuxièmement, le terrorisme doit faire l'objet d'une vigilance constante et les mesures qu'introduit le projet sont équilibrées, raisonnables et assorties de garanties importantes. En outre, les dispositions du projet de loi C-36 sont conformes à la Charte canadienne des droits et liberté et une clause d'extinction n'est donc pas nécessaire pour en renforcer la validité.

Parallèlement, je reconnais néanmoins que certains aspects du projet de loi C-36 soulèvent certaines inquiétudes. Il me paraît effectivement souhaitable que certains pouvoirs attribués par la loi fassent l'objet d'une étroite surveillance. Par conséquent, outre les modifications que nous vous proposons d'apporter aux audiences d'investigation et à la garde à vue qui vont faire l'objet d'un rapport annuel, le gouvernement propose, à titre de protection supplémentaire, d'assortir ces deux mesures d'une clause d'extinction, qui se déclenchera dans cinq ans. Le Parlement aura toutefois le pouvoir de prolonger la validité de ces dispositions, s'il l'estime souhaitable. Le pouvoir de réadopter ces dispositions exigera un vote des deux Chambres du Parlement du Canada, et, en cas de vote favorable, ces dispositions seront valides pour une autre période de cinq ans.

• 1235

Le pouvoir accordé au Parlement de prolonger la validité de ces dispositions tient compte du fait qu'elles risqueraient d'expirer à un moment où il apparaît très clairement qu'elles devraient continuer de s'appliquer. Par contre, cette disposition obligera chacune des chambres du Parlement à examiner la question de la prorogation de ces pouvoirs, ce qui donnera au Parlement l'occasion de surveiller l'usage fait de ces dispositions.

Il y a un autre aspect du projet de loi qui a suscité certaines préoccupations, celui des certificats que peut délivrer le procureur général aux termes de la Loi sur la preuve au Canada, de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, ainsi qu'en vertu d'autres lois, et qui lui permettent d'interdire la divulgation de renseignements sensibles concernant les relations internationales, la défense et la sécurité nationales. Certains soutiennent que l'étendue de ce pouvoir n'est pas suffisamment circonscrite ni assortie de garanties suffisantes. Je continue à penser que le pouvoir de délivrer ce type de certificat est un élément essentiel qui nous permet d'éviter la divulgation de renseignements qui seraient préjudiciables à nos relations internationales, à la défense ou à la sécurité nationales. Il existe à l'heure actuelle des mécanismes qui protègent ces renseignements, mais ces certificats sont nécessaires, notamment en ce qui concerne le renseignement de sécurité que le Canada partage avec d'autres pays.

Parallèlement, je sais que ces dispositions ont été critiquées et que certains pensent qu'elles devraient être précisées et faire l'objet d'un examen. C'est pourquoi je propose que les certificats aient une validité de 15 ans maximum, à moins qu'ils ne soient délivrés à nouveau. À l'expiration de cette période, le certificat cessera d'avoir effet et les renseignements auxquels il s'appliquait seront assujettis aux dispositions normales en matière de divulgation. En outre, je propose que la délivrance du certificat puisse faire l'objet d'un appel devant un juge de la Cour d'appel fédérale. En outre, avec les modifications que nous proposons d'apporter au projet de loi C-36, le certificat ne pourrait être délivré «à tout moment», la formule utilisée actuellement, mais uniquement après que la divulgation ait été ordonnée au cours d'une instance. Le certificat ne pourra donc être délivré que dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire concernant une demande d'accès à l'information. Enfin, les certificats seront désormais publiés dans la Gazette du Canada.

Je propose un certain nombre d'ajustements à d'autres parties du projet de loi en vue d'en améliorer la mise en application. Il s'agit notamment de substituer l'expression «entités inscrites» à «liste de terroristes». C'est une suggestion qui a été présentée par le comité sénatorial spécial qui a examiné cette question. Ce n'est qu'un changement de nom mais il a pour effet de faire disparaître des termes qui pourraient paraître un peu brutaux.

Nous proposons également de déplacer la définition de la facilitation pour qu'elle figure avec l'article 83.19 qui crée l'infraction de facilitation et non à l'article 83.1. Nous voulons ainsi répondre aux critiques selon lesquelles l'éloignement de la définition de ce terme de la disposition créant l'infraction cause une certaine confusion et n'indique pas clairement que la facilitation doit être consciente.

Toutes ces modifications, qu'elles concernent la forme ou le fond de ce projet de loi feront, l'objet de motions au cours de l'étude article par article à laquelle procédera le comité. La plupart des modifications dont j'ai parlé aujourd'hui visent à résoudre des difficultés qu'ont signalées le Sénat, nos collègues du caucus, l'Association du Barreau canadien, et d'autres témoins. Je vais terminer mes remarques préliminaires ici.

Je vous remercie encore de l'examen attentif que vous avez fait du projet de loi C-36, du travail que avez effectué ainsi que le comité sénatorial spécial. J'espère également que vous—que lorsque vous parlerez à d'autres personnes qui ont témoigné ici ces dernières semaines—et ces gens-là constateront que les modifications que le gouvernement propose aujourd'hui répondent dans une grande mesure à leurs préoccupations et à leurs commentaires. Comme je l'ai dit au cours de ma première comparution ici, nous avons examiné chaque disposition d'un double point de vue, celui de l'efficacité et celui de l'équité. Nous pensons aujourd'hui qu'avec ces modifications, nous pouvons garantir l'efficacité du projet de loi, comme les Canadiens et nos alliés ont le droit de s'y attendre, mais également renforcer l'équilibre obtenu, pour ce qui est de l'équité, de l'ouverture et de la transparence.

Merci beaucoup. Thank you.

• 1240

Le président: Merci, madame la ministre.

Je vais maintenant donner la parole à M. Toews pour sept minutes.

M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et merci, madame la ministre, d'être venus assister aujourd'hui à l'audience de notre comité. J'aimerais bien sûr voir les dispositions que vous avez proposées et nous allons les examiner par la suite mais j'ai trouvé que la teneur de vos remarques était très encourageante.

J'ai toutefois certaines réserves, en particulier avec les motifs religieux, politiques et idéologiques. Vous avez réussi en grande partie, je crois, à répondre aux préoccupations des groupes religieux et autres. La réserve que j'émets concerne le point de vue du poursuivant parce que ces dispositions lui imposent un fardeau très lourd, qui pourrait même gêner les poursuites.

Nous avons également entendu des représentants de l'Association canadienne des policiers et policières, ainsi que celle des chefs de police, qui nous ont déclaré que l'adoption d'une clause d'extinction entraverait les enquêtes policières en cours. Une telle clause aurait pour effet, d'après eux, de dissuader les corps policiers de faire de la planification à long terme et les inciterait à ne pas affecter les ressources qu'exigent ces enquêtes complexes. En fait, vous avez vous-mêmes exprimé le 22 octobre des craintes comparables au sujet de la clause d'extinction, et avez mentionné à ce sujet les problèmes que causerait l'absence de lois efficaces à un moment où cela serait nécessaire.

La première question que je vais vous poser, parce que je souhaite aborder deux autres sujets, est celle de savoir si vous pouvez nous garantir que votre proposition relative aux deux articles touchés par la clause d'extinction permettront d'éviter les risques que vous avez signalés.

Deuxièmement, pouvez-vous confirmer que la loi antiterroriste permet à l'auteur d'un meurtre de demander la libération conditionnelle après 25 ans, quel que soit le nombre d'innocents que ce terroriste a pu tuer?

Enfin, les autres pays démocratiques incriminent le fait d'appartenir à une organisation terroriste reconnue. Par exemple, un juge d'instruction espagnol a récemment accusé huit prétendus membres d'al-Qaeda d'appartenance à une organisation criminelle. Au Canada, nous utilisons un processus judiciaire lourd et coûteux. J'ai entendu dire l'autre jour que les poursuites intentées contre trois Hell's Angels avaient coûté cinq millions de dollars. C'est certainement une bonne cause mais je crains que nous n'ayons pas les moyens de nous payer régulièrement ce genre de poursuite. C'est pourquoi je vous demande, madame la ministre, pourquoi est-ce que le droit canadien tolère qu'une personne continue à faire partie d'une organisation, lorsq'il est prouvé qu'elle exerce des activités criminelles? Je pense que même la Cour suprême du Canada reconnaîtrait qu'une attitude aussi tolérante dans ce domaine est une atteinte au principe de l'égalité et une application abusive de la notion de liberté d'association.

Voilà mes commentaires, madame la ministre.

Le président: Madame la ministre.

Mme Anne McLellan: Merci beaucoup.

Monsieur Toews, nous avons effectivement écouté avec beaucoup d'attention ce que nous disaient les milieux policiers. Vous avez tout à fait raison de signaler que je partage aussi ces préoccupations. C'est pourquoi nous nous sommes donné, avec la clause d'extinction, la possibilité de réadopter cette loi pour une période maximale de cinq ans, si le Parlement l'estime nécessaire. Nous avons également prévu une clause de droits acquis pour que les preuves obtenues grâce aux audiences d'investigation puissent être utilisées même si le Parlement décide de ne pas maintenir en vigueur cette disposition particulière. Nous avons pensé qu'il était important de protéger les effets de ces deux dispositions, dans le cas où la clause d'extinction serait déclenchée.

M. Vic Toews: Merci. Me voilà rassuré sur ce point jusqu'à ce que je vois les amendements.

Mme Anne McLellan: Très bien.

M. Vic Toews: Il reste donc mes deuxième et troisième questions, madame la ministre.

• 1245

Mme Anne McLellan: Pour ce qui est de savoir si le terroriste déclaré coupable de meurtre au premier degré peut demander sa libération conditionnelle après avoir purgé 25 ans de sa peine, la réponse est oui, mais c'est à la Commission des libérations conditionnelles de décider de le libérer et il ne m'appartient pas de faire des hypothèses concernant ce genre de cas.

M. Vic Toews: Et la troisième question?

Mme Anne McLellan: Comme je l'ai déjà dit, nous n'avons pas incriminé l'appartenance à une organisation terroriste. Nous pensons qu'en fait nos lois seront plus efficaces étant donné que nous avons créé des infractions dont la portée est assez large. Cela est conforme à l'approche que nous avons adoptée avec le projet de loi C-24, où nous incriminons des actes et non pas des comportements.

M. Vic Toews: Quel est l'argument constitutionnel qui s'oppose à l'incrimination de l'appartenance à une organisation terroriste notoire?

Mme Anne McLellan: Je crois que l'on peut dire que pour certaines personnes, cela soulève la question de la liberté d'association, mais je ne pense pas que ce soit la véritable raison qui, d'après moi, milite contre l'incrimination de l'appartenance; il s'agit plutôt d'utiliser les mesures législatives les plus efficaces pour réprimer le comportement auquel nous voulons mettre fin et en faciliter la poursuite. Nous pensons que la facilitation, le recrutement, la participation, sont des éléments qui nous permettent de nous attaquer au comportement de ces personnes, qui représente notre but réel: qu'a fait cette personne et est-ce que cela constitue, par exemple, de la facilitation ou de la participation à une activité terroriste.

M. Vic Toews: Madame la ministre, pourquoi devient-on membre d'une organisation criminelle?

Le président: Merci, monsieur Toews.

Madame la ministre.

Mme Anne McLellan: En fait, la personne qui devient membre d'un tel groupe peut fort bien vouloir faciliter, appuyer son action ou y participer, je ne le nie pas. Mais au lieu d'entrer dans une discussion au sujet de l'appartenance à une telle organisation, discussion qui comporte notamment des aspects constitutionnels, il nous a paru préférable de nous demander quel est le mal que nous voulons combattre, quel est le but de cette loi, que recherchons-nous exactement? Nous voulons réprimer un certain type de comportement, comme la facilitation d'une activité terroriste, ou la participation à une telle activité. En fait, lorsqu'une personne accomplit ce genre d'acte, peu importe qu'elle soit membre ou non d'al-Qaeda. Cela n'importe pas. Nous voulons réprimer ce genre de comportement. La personne qui l'adopte n'est peut-être pas membre de ce groupe. Nous ne réussirions peut-être pas à établir qu'elle est véritablement membre de cet organisme. Cependant, si cette personne a fait quelque chose qui facilite d'une façon ou d'une autre une activité terroriste exercée par un tel organisme, ou qui participe à une telle activité, nous intervenons et nous pensons que nous visons là le véritable fléau que nous voulons combattre.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Bellehumeur, sept minutes.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Merci, monsieur le président.

Madame la ministre, je vous ai écouté attentivement. Naturellement, je n'ai pas les amendements entre les mains. J'ai hâte de les avoir, bien qu'il faudra faire très vite, puisque c'est cet après-midi qu'on devra étudier cela article par article.

Ma première réaction, c'est que je suis fort déçu de ce vous nous présentez aujourd'hui. Vous avez toujours dit que vous écouteriez les gens qui viendraient en comité, que vous tiendriez compte du travail qu'on était censés faire ici de façon très sérieuse. Et je pense que le travail a été fait de façon très sérieuse.

Des spécialistes sont venus. Des avocats se sont dérangés et, bien souvent, dans un très court laps de temps, parce que vous ne leur donniez pas beaucoup de temps pour se tourner de bord, compte tenu de la rapidité avec laquelle vous avez fait monter ce dossier.

Aujourd'hui, vous présentez des amendements dont je me demande où vous avez entendu parler des principaux d'entre eux. Qui vous a demandé une clause d'extinction seulement pour deux articles en particulier ou pour deux pouvoirs exceptionnels?

Tous les témoins que j'ai entendus ici ont dit qu'il fallait une clause d'extinction pour tout le projet de loi à l'exception de ce qui touche le volet international. Plusieurs témoins nous ont même parlé de trois ans, et ces témoins étaient des spécialistes en matière de droits individuels et collectifs.

Je me demande qui vous avez écouté, madame la ministre, pour nous proposer, pour toute la question du certificat que vous allez pouvoir imposer au niveau de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels pour faire fi de cette mesure législative, que ce soit sur une période de 15 ans. Je ne sais pas où vous avez entendu cela, madame la ministre. Peut-être même que c'était déjà rédigé avant que le projet de loi C-36 ne soit présenté en comité.

• 1250

Je suis très déçu. Je ne sais pas qui vous avez écouté. Qui écoutez-vous également lorsque vous dites que, pour rassurer la population, on va dire aux procureurs généraux du Canada et des provinces de faire rapport? Je ne sais pas qui vous a demandé ça. Moi, je n'ai pas entendu cela en comité. Nulle part, aucun individu, aucun groupe n'a demandé cela. Il n'y a absolument rien, dans ce que vous venez nous présenter, pour rassurer la population qui est inquiète; absolument rien, madame la ministre.

Je me demande très sincèrement ce que vous vouliez dire lorsque vous disiez à la Chambre des communes, en réponse à mes questions et à celles de mes collègues, que vous alliez écouter. Je me demande très sincèrement si les personnes que vous écoutez ne sont pas justement celles qui vous parlent à l'heure actuelle. Vous avez écouté seulement vos fonctionnaires et n'avez absolument pas écouté la population, qui est inquiète face à ce projet de loi fait d'exceptions.

Nous disons oui à un projet de loi qui va sécuriser la population et qui va donner des pouvoirs. Le Bloc appuie ce principe, mais il n'appuie pas le projet de loi C-36 dans son état actuel, ni même avec les quelques amendements esthétiques que vous y apportez maintenant. Ce n'est pas ce que les témoins ont dit.

Encore une fois, je sens que le ministère de la Justice rit complètement des gens qui travaillent dans ce comité-ci. Vous déposez un projet de loi en disant que vous allez nous écouter, que vous allez écouter les témoins. Par la suite, vous nous présentez d'autres amendements. J'ai comme l'impression que la journée où vous avez déposé ce projet de loi en première lecture, vous aviez déjà dans votre manche les amendements que vous alliez proposer sans tenir compte de ce qui allait se dire en comité.

On pourrait discuter pendant des heures, madame la ministre, mais je vais vous poser la première question, qui est fort importante, sur la clause d'extinction. Pourquoi refusez-vous, pour rassurer la population, de mettre une clause crépusculaire, d'extinction, pour tout le projet de loi à l'exception des points où vous ne faites que mettre en vigueur des conventions internationales, ce que, de toute façon, le Canada aurait dû faire depuis belle lurette?

[Traduction]

Le président: Madame la ministre.

Mme Anne McLellan: Permettez-moi de répondre en premier à l'affirmation générale qu'a faite M. Bellehumeur. En fait, nous avons écouté avec beaucoup d'attention tout ce qui nous a été dit et je crois qu'il est possible de résumer les principaux sujets de préoccupations. Je pense vraiment que les principales modifications que nous proposons répondent à l'essentiel de ces préoccupations. En fait, la clause d'extinction que nous proposons répond aux principales préoccupations qui ont été exprimées—je ne dis pas qu'elles portaient uniquement sur ces deux aspects, bien sûr que non—au sujet des deux pouvoirs nouveaux attribués aux services policiers en matière d'audiences d'investigation et de garde à vue. Les témoins ont beaucoup parlé de ces deux dispositions—bien sûr, ils ont parlé également d'autres choses—en partie, parce qu'elles sont une nouveauté dans notre droit pénal. En fait, notre gouvernement estime que cette clause d'extinction est appropriée même si elle n'est pas nécessaire. Elle ne compromet pas l'efficacité de ces dispositions qui sont des moyens de prévenir les actes de terrorisme. Nous pensons qu'il est souhaitable de rassurer les Canadiens.

En fait, monsieur Bellehumeur, je rencontre tous les jours des représentants des communautés ethniques qui me font part de leurs inquiétudes à l'égard de ces deux types de pouvoirs en particulier, et à l'égard des questions qui traitent de l'application de la loi. Si je pense aux commentaires qui ont été présentés aux deux comités, je dirais qu'il me paraît tout à fait approprié de proposer une clause d'extinction visant ces deux types de pouvoir. Ils sont en effet relativement nouveaux en droit pénal.

Des gens ont exprimé des inquiétudes à leur sujet. En fait, nous verrons ce qui se passera dans cinq ans, mais vous pourrez également constater, sur une base annuelle, comment ces pouvoirs sont utilisés. Si l'on peut se fier à l'expérience du Royaume-Uni en matière de garde à vue tel que prévu par leur loi contre le terrorisme, il est probable que ce pouvoir ne sera pas utilisé très souvent et nous ferons rapport à ce sujet tous les ans pour qu'ensuite, à la fin de cette période de cinq ans, vous, les membres de la Chambre et le Sénat, puissent décider s'il y a lieu de conserver ces pouvoirs. C'est pourquoi nous avons décidé de présenter une clause d'extinction pour ces deux dispositions. Nous pensons que ces clauses ne nuiront pas à l'efficacité de la loi.

• 1255

Pour ce qui est des autres dispositions du projet de loi, le gouvernement a clairement indiqué—et permettez-moi de le répéter—que nous ne pensons pas qu'une clause d'extinction générale soit nécessaire. Le terrorisme n'est pas une menace temporaire. Le terrorisme existait bien avant le 11 septembre 2001. Le 11 septembre nous a appris un certain nombre de choses horribles sur le terrorisme moderne et nous savons que la lutte contre le terrorisme sera longue. Il faudra livrer cette lutte chez nous et également en partenariat avec nos alliés.

Le président: Merci, madame la ministre.

Monsieur Blaikie, vous avez sept minutes.

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le président, je crois que c'est le processus qui fait problème ici. Ce n'est pas entièrement de la faute de la ministre et elle doit bien sûr affirmer qu'elle a écouté le comité alors qu'en fait, le comité n'a pas encore eu la possibilité de prendre position au sujet de ce projet de loi, ni de formuler des recommandations. Le comité s'est uniquement consacré à l'audition des témoins, et nous n'avons présenté aucune recommandation à la ministre, que ce soit par consensus ou par décision majoritaire. Je ne sais donc pas très bien qu'elles sont les personnes qu'a écoutées la ministre. Je suis tout à fait d'accord avec M. Bellehumeur lorsqu'il dit que les propositions de la ministre ne concordent pas avec les recommandations des témoins, et encore moins, avec celles du comité. Il ne faudrait donc pas se faire trop d'illusion sur l'origine de ces propositions. Il est possible que la ministre ait eu des conversations très intéressantes avec son secrétaire parlementaire, ou peut-être avec M. Cotler, ou avec d'autres députés du côté libéral du comité, mais ce n'est pas quelque chose qui vient des recommandations présentées par le comité ni même qui reflètent les commentaires du comité. Cela me paraît être un problème.

Par exemple, pour ce qui est de la clause d'extinction, la ministre propose une clause d'extinction de dix ans, qui ne touche en fait que les deux aspects du projet de loi qui sont, d'après la ministre, controversés. Eh bien, il n'y a pas que ces deux aspects qui ont été jugés controversés. De nombreux témoins auraient souhaité, faute de pouvoir les supprimer carrément, que les dispositions concernant l'information et la protection de la vie privée, la période de trois ans pour l'écoute électronique, tout cela fasse l'objet d'une clause d'extinction, y compris la définition d'activité terroriste, par exemple, parce que c'est une notion que nous aimerions avoir la possibilité de revoir, d'adopter ou de ne pas adopter dans trois ou cinq ans, selon le cas.

Avec ce que vous proposez, la Chambre n'aura pas l'occasion de le faire. Si je vous ai bien compris, la seule chose que la Chambre pourra faire c'est de proroger ou non les dispositions qui concernent la garde à vue et les audiences d'investigation. Toutes les autres dispositions seront maintenues ad vitam eternam. Je ne pense pas que cela reflète ce que nous ont demandé la plupart des témoins que nous avons entendus.

La période de 15 ans applicable aux certificats n'est certainement pas une recommandation qui nous a été présentée, ni cette question des rapports annuels. C'est pourquoi je ne vois pas très bien comment la ministre peut s'imaginer que ces propositions reflètent ce qu'a décidé le comité. Je l'invite vivement à s'interroger à nouveau sur le caractère suffisant des clauses d'extinction qu'elle propose et peut-être qu'elle voudrait ajouter quelque chose à ce sujet.

Je crois que je vais en rester là, monsieur le président, pour le moment, pour donner à la ministre la possibilité de défendre ces décisions ou de change d'idée.

Le président: Madame la ministre.

Mme Anne McLellan: Pour ce qui est du certificat et du pouvoir du procureur général, je peux vous dire que les membres de ce comité m'ont assaillie de questions à la Chambre et il me semble qu'ils s'inquiétaient du fait que j'aurais le pouvoir de délivrer ce genre de certificat sans qu'il y ait un processus d'examen. Nous avons ajouté un mécanisme d'examen et c'est un mécanisme que nous utilisons fréquemment dans toutes sortes de domaines, et qui est effectué par la Cour d'appel fédérale. Si cela vous fait problème, je vous suggère d'examiner toutes les lois qui ont recours à ce genre de mécanisme, mais je considère personnellement qu'une révision par un membre de la magistrature, dans ce cas-ci d'un tribunal fédéral, est un des mécanismes les plus rigoureux et les plus transparents que l'on peut imaginer dans notre système démocratique de gouvernance. C'est pourquoi je pense vraiment que cela répond, de façon très directe, aux préoccupations qui ont été exprimées au sujet de la délivrance du certificat.

• 1300

N'oubliez pas non plus que, selon la proposition initiale, je pouvais délivrer ce certificat à tout moment. Ce n'est plus le cas. Le choix du moment auquel je peux délivrer un certificat a été sensiblement circonscrit. Je pourrais uniquement le faire dans le cadre d'une instance, lorsqu'une qu'une décision en matière de divulgation aura été prise. C'est un changement fondamental et une restriction au pouvoir du procureur général de délivrer un certificat. Ce sont exactement le genre de protection que souhaitaient les personnes qui se déclaraient préoccupées par ces certificats. En fait, nous avons discuté de cette question avec le Commissaire à la vie privée, entre autres. C'est pourquoi nous estimons que nous avons fait beaucoup de choses pour assurer l'équité, la transparence et le contrôle de ces dispositions, tout en assurant leur efficacité.

Le président: Monsieur Blaikie.

M. Bill Blaikie: Vous dites que vous avez eu des discussions avec le Commissaire à la vie privée, ce qui est agréable à entendre, parce qu'il a eu beaucoup de mal à vous rencontrer avant cela.

Mme Anne McLellan: Je ne sais pas pourquoi il a dit cela...

M. Bill Blaikie: Eh bien, il l'a dit.

Mme Anne McLellan: ... parce que mes collaborateurs et moi avons passé pas mal de temps avec lui.

M. Bill Blaikie: Vos collaborateurs, peut-être, mais je sais qu'il essayait à un moment donné de vous rencontrer. A-t-il exprimé une opinion au sujet de ces modifications? Est-ce qu'il approuve ces modifications? Êtes-vous au courant de cela?

Mme Anne McLellan: Nous l'avons consulté. Nous avons examiné très attentivement la lettre qu'il nous a envoyée il y a quelques semaines. C'est au Commissaire à la vie privée de dire ce qu'il en pense.

M. Bill Blaikie: À l'heure qu'il est, vous ne savez pas s'il est en faveur des modifications que vous avez présentées.

Mme Anne McLellan: Nous avons eu des discussions avec le Commissaire à la vie privée. Nous comprenons ses préoccupations et il comprend les nôtres et l'importance d'adopter des dispositions efficaces. Je ne veux pas parler au nom du Commissaire à la vie privée.

M. Bill Blaikie: Pouvez-vous expliquer, brièvement, parce que je ne suis pas sûr d'avoir bien compris, la modification que vous proposez au sujet de la liste des entités?

Mme Anne McLellan: Pour ce qui est de la liste des entités, nous proposons uniquement d'en modifier le titre, comme le Sénat l'a demandé. Le Sénat ne pensait pas que l'expression «liste des terroristes» était un titre approprié; nous allons donc désormais simplement parler d'entités inscrites. Comme je l'ai indiqué, cela me paraît être un changement mineur mais qui a été signalé par le Sénat.

M. Bill Blaikie: Uniquement le titre de cette partie.

Mme Anne McLellan: C'est exact.

Le président: Merci monsieur Blaikie, madame la ministre.

Monsieur MacKay, vous disposez de sept minutes.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président, et je remercie la ministre et ses collaborateurs d'être venus ici. Je sais que c'est un projet de loi fort complexe qui inquiète une bonne partie de la population.

Je vais d'abord formuler quelques observations au sujet de la décision de soustraire la délivrance des certificats ministériels à la clause d'extinction et du fait qu'une période de cinq ans soulève des questions—puisque cela va, manifestement, au-delà du mandat de votre gouvernement. Vous devez reconnaître que la délivrance de ces certificats est un outil politique très efficace pour garder le secret au sujet de certains renseignements. Je me demande pourquoi vous pensez que cela soit nécessaire? Le mécanisme actuel de l'accès à l'information permet déjà de limiter gravement cet accès pour les journalistes, les députés, et d'une façon générale, les Canadiens. Tous ceux qui ont déjà essayé de l'utiliser ont reçu un nombre incalculable de pages blanches. Il y a aussi le caractère confidentiel des documents du Cabinet. Il y a également les dispositions du Code criminel qui permettent d'interdire la divulgation de renseignements.

Je suis content de voir que la ministre a, dans une certaine mesure—et je partage l'optimisme de mon collègue du NPD—quelque peu assoupli la position qui avait été prise initialement avec ce projet de loi. Mais pourquoi ces dispositions sont-elles vraiment nécessaires, compte tenu des mécanismes qui vous permettent déjà d'empêcher la diffusion de certains renseignements?

On a lancé l'idée qu'il y avait des pays qui avaient demandé au Canada de resserrer ses lois en matière d'accès à l'information. Votre sous-ministre adjoint, M. Mosley, s'est placé dans une situation un peu délicate la semaine dernière lorsqu'il a déclaré que les terroristes pouvaient avoir accès à des renseignements sensibles en utilisant les lois actuelles en matière d'accès à l'information. Il n'existe aucun élément qui démontre que ce soit le cas. Beaucoup de spécialistes ont affirmé que cet argument était ridicule. Il n'existe officiellement aucun exemple d'un terroriste qui aurait obtenu des renseignements sur notre infrastructure, sur son organisme, sur des enquêtes en cours. Votre ministère dispose-t-il d'éléments concrets, de données empiriques indiquant que des terroristes peuvent avoir accès à des renseignements canadiens que nous souhaitons tenir secrets, que le gouvernement ne souhaite pas divulguer? Y a-t-il des cas que vous pouvez nous signaler?

• 1305

Pouvez-vous nous dire si d'autres pays nous ont suggéré de resserrer nos lois? Parce que cela ne semble pas être vrai non plus. Les États-Unis n'ont pas le pouvoir de délivrer ce genre de certificats. Le Président des États-Unis lui-même, doit répondre de ses actes devant le Congrès et devant les tribunaux. Le Royaume-Uni fait un usage très limité de ce genre de certificats. Aucun autre pays du Commonwealth, que ce soit l'Australie ou la Nouvelle-Zélande n'ont donné à leur procureur général un pouvoir aussi large que celui qu'envisage cet article du projet de loi.

Pourquoi soustraire à cette clause d'extinction de cinq ans la possibilité de refuser des renseignements pour des fins politiques, sachant qu'il y a cette controverse, sachant que cette disposition peut ouvrir la porte à des abus? Y aurait-il un motif caché derrière tout cela? Pourquoi ne pas soumettre ces dispositions à la clause d'extinction?

Le président: Madame la ministre.

Mme Anne McLellan: Premièrement, je suis vraiment indignée que M. Mackay puisse laisser entendre qu'un procureur général pourrait délivrer un certificat pour des motifs politiques. Dans notre pays, le rôle qui est celui du procureur général est très clair. Il est distinct de celui du ministre de la Justice. Il consiste à préserver le principe de la légalité. Si M. Mackay veut laisser entendre qu'un procureur général utiliserait ses pouvoirs pour porter atteinte aux droits et au principe de la légalité; je dois dire, en mon propre nom et en celui des procureurs généraux qui m'ont précédée, que je m'oppose vivement à une telle affirmation.

M. Peter MacKay: Parlez-vous également au nom des futurs procureurs généraux, madame la ministre?

Mme Anne McLellan: Le rôle du procureur général est clair. La lourde responsabilité qui incombe à la personne qui occupe ce poste est bien claire, c'est celle du premier conseiller juridique de l'État. Je m'oppose donc vivement à la déclaration qu'a faite l'honorable membre du comité.

Cela dit, je ne suis pas non plus d'accord avec lui lorsqu'il affirme que les autres pays ne disposent pas de mécanismes permettant aux membres de leur exécutif de délivrer des certificats en vue de protéger des renseignements. En fait, presque tous nos alliés ont accès à ce genre de mécanismes. Je ne pense pas que M. Piragoff ou M. Mosley devrait prendre le temps de vous expliquer cela. En fait, nous avons inséré cette disposition parce que nous n'en avions pas. Je peux assurer M. Mackay que nos alliés nous ont dit que si nous ne pouvions pas leur garantir que certains renseignements très sensibles et limités ne seront jamais rendus publics, ils cesseraient de nous fournir ce genre de renseignements. Si nous voulons vraiment contrer les organismes terroristes, nous devons obtenir les meilleurs renseignements possibles. Il ne suffit pas de collecter ces renseignements au Canada, mais il faut aussi les partager avec d'autres pays. Les pays qui obtiennent ces renseignements et qui nous les transmettent veulent avoir certaines garanties.

Il est vrai que les pays qui ont un régime de certificat semblable à celui-ci ont prévu un mécanisme de surveillance. C'est ce que nous ajoutons aujourd'hui, l'examen par un juge de la Cour d'appel fédérale. Nous allons même un peu plus loin. Il y a certains pays, et je ne sais pas si l'Australie et la Nouvelle- Zélande en font partie, qui donnent au juge le pouvoir d'examiner le certificat et de dire s'il a été émis à bon escient mais le ministre n'est pas obligé de changer sa décision. Nous aménageons ici un contrôle judiciaire par un juge de la Cour fédérale. Ce juge peut, après avoir déterminé que le genre de renseignements visés est bien prévu par ces articles, modifier ou annuler le certificat délivré par le ministre; il peut aussi le confirmer.

M. Peter MacKay: Ceux qui ont été le plus directement touchés par les attentats du 11 septembre, les États-Unis d'Amérique, n'ont pas été jusqu'à mettre en place ce système de certificats.

Pour ce qui est de confier certains pouvoirs à un juge, j'ai une question précise à poser au sujet de l'article 83.3 qui traite des engagements assortis de conditions. D'après cet article, la personne qui est gardée à vue ne peut demander que cette décision soit examinée, comme cela serait possible au cours d'une enquête sur cautionnement, et elle ne peut pas repasser devant le tribunal lorsqu'elle est détenue parce qu'elle refuse de fournir des renseignements. Votre ministère a-t-il prévu de préparer un manuel ou d'accorder des fonds pour la formation, comme cela s'est fait dans d'autres cas, de façon à préparer les policiers, les procureurs de la Couronne et les avocats de l'aide juridique? Il devrait y avoir une disposition qui autorise les tribunaux à nommer un avocat pour les gardés à vue, en particulier pour les nouveaux Canadiens qui, je crois, sont particulièrement vulnérables dans ce genre de situation et risquent d'être détenus. Votre ministère serait-il prêt à adopter une disposition qui permettrait au tribunal de nommer un avocat pour ceux qui ont été arrêtés ou qui aménagerait un mécanisme comme l'enquête sur cautionnement, qui permet à la personne détenue de comparaître devant un tribunal?

• 1310

Le président: Merci, monsieur MacKay.

Madame la ministre.

Mme Anne McLellan: Je voudrais revenir sur la question des États-Unis et des raisons pour lesquelles tous ces mécanismes ne sont pas identiques. J'invite l'honorable député à prendre connaissance du Classified Information Procedures Act. La procédure prévue par cette loi n'est pas la même que la nôtre, mais elle autorise néanmoins le procureur général des États-Unis à délivrer un certificat interdisant la divulgation de certains types de renseignements. Ces différents régimes varient quelque peu, comme je l'ai dit, mais nous allons plus loin que certains d'entre eux pour ce qui est du contrôle judiciaire et des pouvoirs que possède le juge à l'occasion d'un tel contrôle. Ces régimes sont légèrement différents. Nous allons plus loin parce que nous donnons au juge plus de pouvoir lorsqu'il examine une demande de contrôle judiciaire; nous faisons davantage que les autres.

Il y a des différences, mais nous allons tous dans la même direction, à savoir que les membres de l'exécutif, le procureur général la plupart du temps, peuvent délivrer des certificats interdisant la divulgation de certaines catégories limitées de renseignements sensibles; nous ajoutons à ces dispositions ce que beaucoup de gens demandaient, notamment le Commissaire à la vie privée, à savoir un processus d'examen confié à un juge de la Cour d'appel fédérale.

Toutes les dispositions qui s'appliquent normalement à la mise en liberté provisoire s'appliquent aussi à ces dispositions, et c'est pourquoi je ne comprends pas très bien ce qui vous inquiète. Peut-être que M. Mosley pourrait...

M. Peter MacKay: C'est l'accès aux services d'un avocat qui m'inquiète.

Le président: Monsieur MacKay, si M. Mosley souhaite répondre, très bien, sinon il faudra attendre la prochaine ronde de questions, parce que je veux que tout le monde puisse prendre la parole.

Mme Anne McLellan: Auriez-vous ajouter quelque chose, Rick?

M. Richard G. Mosley (sous-ministre adjoint, Section des politiques pénales, ministère de la Justice Canada): Très rapidement, je dirais que toutes les personnes qui sont arrêtées en vertu de cette disposition ont droit à l'aide juridique.

Au sujet de la formation, nous allons rencontrer les provinces au sujet des préparatifs à prendre pour mettre en oeuvre le projet de loi et cela comprend une aide financière fédérale pour ce qui est de la préparation et de la distribution de documents de formation destinés aux services policiers provinciaux, aux procureurs de la Couronne, et aux autres personnes concernées.

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): J'invoque le Règlement. À la suite des questions que M. MacKay a posées à la ministre, et de la réponse qui a été donnée, et à la suite des commentaires de la ministre selon lesquels le ministère de la Justice a remis à notre greffière des renseignements sur la nature de la menace terroristes et des mesures prises la communauté internationale, y compris les projets de loi, aspect qui a été mentionné à plusieurs reprise, est-ce qu'il serait possible de déposer ces documents au comité? Je ne suis pas certain que les remettre à notre greffière a l'effet souhaité pour le compte rendu.

Le président: Vous avez raison, je suis d'accord.

Mme Anne McLellan: Nous remettrons au comité les lois pertinentes.

Le président: Monsieur Myers, vous avez sept minutes.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci, monsieur le président. Madame la ministre, je vous remercie d'être venue ici.

C'est un projet de loi très important, et, compte tenu de la situation très grave que nous connaissons depuis le 11 septembre, je crois que les Canadiens le comprennent. Pour moi, c'est surtout une question d'équilibre, un genre de tripode, les droits de la personne d'un côté, les libertés civiles de l'autre, et la sécurité nationale qui représente le troisième côté, et nous essayons d'équilibrer tout cela avec la Charte canadienne des droits et libertés.

Je crois que vous avez écouté très attentivement, non seulement le Sénat, mais également ce comité, pour ce qui est des témoins qui ont pris position sur cette question. Vous proposez maintenant certaines modifications qui reflètent votre capacité d'écoute et d'action, ce qui me paraît très positif.

Monsieur le président, il me paraît bon de signaler également que compte tenu de ce que vient de dire la ministre de la Justice, le comité va voir son rôle renforcé. Il est clair qu'un rapport sera présenté chaque année au comité, et ultérieurement, au Parlement. L'examen parlementaire sera nécessairement confié à notre comité, le Comité de la justice et des droits de la personne. En outre, la clause d'extinction après cinq ans donnera également lieu à un débat. Je trouve donc excellent que le rôle de notre comité soit renforcé, comme je l'ai signalé.

Madame la ministre, je me pose néanmoins des questions sur deux aspects. Le premier concerne la catégorisation raciale et le fait que des témoins nous aient déclaré qu'ils risquaient d'être ciblés. Vous avez fait allusion à cet aspect dans votre déclaration préliminaire et mentionné que cela était inacceptable pour vous. J'aimerais que vous nous en parliez davantage.

• 1315

Certains témoins nous ont cité la Loi sur les mesures d'urgence, je pense que c'était l'article 4, et nous ont déclaré qu'ils souhaiteraient qu'il soit modifié pour qu'ils soient protégés. Je me demandais si vous aviez des commentaires à ce sujet, sur l'article 4 de la Loi sur les mesures d'urgence, comme certains le demandent. C'est un article qui interdit la discrimination.

Le deuxième aspect qui m'interpelle est celui des crimes haineux. Là encore, vous avez mentionné dans votre préambule que c'était un aspect qui vous préoccupait gravement, mais je voulais obtenir d'autres renseignements, parce que je pense qu'il faut que les Canadiens sachent, malgré certaines choses qui se sont produites, que la catégorisation raciale, expression qui a été utilisée par certains, et la crainte qu'elle suscite ne se concrétiseront pas. Deuxièmement, nous voulons que l'on mette un terme aux crimes haineux pour qu'ils ne se répètent pas, et nous voulons être sûrs que les mesures dont nous disposons vont permettre de dissuader les auteurs de ces crimes, étant donné la force de nos convictions, et je crois que ces convictions sont partagées par tous les Canadiens; il faut défendre nos valeurs fondamentales et nos idéaux.

Le président: Madame la ministre.

Mme Anne McLellan: Bien évidemment, nous nous intéressons de près aux préoccupations des communautés ethnoculturelles. C'est pourquoi mon ministère a mis sur pied un mécanisme qui prévoit la tenue de rencontres avec ces communautés. Nous allons continuer à les consulter. Je crois que cela va bien au-delà de ce projet de loi et bien au-delà de ce que moi ou le Comité de la justice peut faire. En fait, c'est la société toute entière qui doit réagir—et le premier ministre l'a dit—et qui doit continuer à faire savoir que ce projet de loi et le conflit que nous vivons, la lutte à laquelle nous nous livrons en ce moment, visent le terrorisme.

N'oubliez pas que le pire attentat terroriste qu'ont connu les États-Unis avant le 11 septembre était celui de Timothy McVeigh. Le terrorisme peut donc prendre différentes formes et refléter des motivations idéologiques très variées. Il n'est pas le fait d'un groupe ethnique ou religieux particulier. Il s'agit des personnes, quelle que soit leur origine et leur lieu de résidence, qui sont prêtes à commettre des actes de terrorisme et à tuer ou blesser des milliers d'innocents. Voilà quelles sont les personnes qui sont visées par ces actions.

Il nous appartient à tous, en tant que citoyens d'une société multiculturelle et pluraliste, de revenir continuellement sur cet aspect. Il nous appartient à tous, policiers, parlementaires, juges, de lutter contre les activités terroristes et non pas contre les communautés culturelles ou certaines catégories de membres de ces communautés. C'est pourquoi il est important d'avoir des mécanismes de surveillance, c'est pourquoi il est essentiel que des citoyens surveillent l'action des services de police, c'est pourquoi il est essentiel que le Parlement assume également ce rôle de surveillance et c'est pourquoi il est si important que les tribunaux, à diverses étapes et à des niveaux divers, se charge également de cette surveillance.

La catégorisation raciale est une question que j'ai abordée avec des représentants de diverses communautés ethniques. C'est un aspect qui les inquiète, ce que je comprends parfaitement. Ce projet de loi n'aborde pas la question de la catégorisation raciale. C'est un aspect qui est beaucoup plus vaste. En fait, je pense que les mesures de protection que contient ce projet de loi devraient empêcher toute tentative de procéder à ce genre de catégorisation. Nous devons veiller à ne pas encourager la catégorisation raciale, et c'est pourquoi j'ai indiqué très clairement, avec la définition d'activité terroriste, que nous ne visons pas les mobiles religieux, idéologiques ou politiques, s'ils ne sont pas reliés au genre de comportement horrible qui est décrit dans les autres parties de la définition. Nous disons à ces communautés que ce projet de loi ne parle pas de croyance religieuse, ni l'origine ethnique, il concerne les activités terroristes. Nous espérons que cela pourra rassurer ces communautés.

• 1320

Je crois qu'il faut poursuivre notre travail auprès des communautés ethnoculturelles, parce qu'il faut, je crois, être sensibles au fait qu'il y a des communautés qui se sentent ciblées, en particulier à l'heure actuelle. Je pense que dans un premier temps, il n'y a pas lieu d'adopter de mesures législatives pour répondre à ces préoccupations, qu'il faut faire de l'éducation, qu'il faut rappeler les valeurs canadiennes fondamentales sur lesquelles est fondée notre nation. Nous sommes un pays d'immigrants venus du monde entier. Le phénomène que nous ciblons est un comportement que tous ceux que j'ai rencontrés, quelle que soit leur origine ethnique ou culturelle, ont condamné sans réserve et sans ambiguïté, et ce sont les activités terroristes.

Le président: Merci beaucoup.

M. Toews a fort bien utilisé ses sept minutes, voyons ce qu'il va faire avec trois minutes.

M. Vic Toews: Merci, monsieur le président.

Je voudrais aborder un aspect qui a été signalé et qui concerne les organismes de bienfaisance qui pourraient faciliter à leur insu certaines activités terroristes. Par exemple, j'ai été informé du fait qu'un organisme de bienfaisance canadien dont les membres sont de religion musulmane a demandé à un organisme canadien chrétien de distribuer pour lui une aide humanitaire, parce qu'il craignait qu'il soit davantage surveillé par la police et les agents de sécurité que ne le serait une organisation chrétienne. La réponse que vous avez donnée aux commentaires de M. Myers me rassure en partie pour ce qui est de la catégorisation raciale, mais ce qui inquiète ces organismes de bienfaisance, c'est qu'ils risquent de commettre une erreur, sans le savoir, ce qui combiné avec un motif politique, religieux ou idéologique constitue un élément de l'infraction.

Quelles sont les mesures que vous allez prendre pour préciser le type d'élément moral qui est exigé avant de pouvoir condamner quelqu'un? Je crois que cela n'a pas été précisé clairement dans le projet de loi et plusieurs organismes ont manifesté leur inquiétude à ce sujet. Comment allez-vous répondre à cela, madame la ministre.

Mme Anne McLellan: Comme vous vous en êtes rendu compte, nous n'étions pas très sûrs de savoir à quelles dispositions vous faisiez référence. L'article 83.19 proposé énonce:

    Est coupable d'un acte criminel [...] quiconque sciemment facilite [...]

—sciemment facilite. Il faut donc savoir que l'on facilite quelque chose, ce qui exclut que l'on puisse agir ainsi sans le savoir.

M. Vic Toews: Madame la ministre, vous affirmez donc que pour ce qui est de l'infraction que pourrait commettre un organisme de bienfaisance, il faut que l'infraction soit commise sciemment, et c'est là la norme pénale qui s'applique.

Mme Anne McLellan: Pour ce qui est des accusations qui pourraient être portées à l'égard d'une telle infraction, oui. Cela écarte carrément la possibilité de la commettre sans le savoir.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur McKay, trois minutes.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Tout d'abord, permettez-moi de commencer par dire que vos déclarations indiquent que vous avez été à l'écoute des préoccupations exprimées par les membres du comité et je vous en félicite. Il va néanmoins falloir examiner ce que cela donne en pratique et nous verrons ce qui se passera à 15 h ou 15 h 30.

J'aimerais vous poser trois ou quatre questions. La première concerne la notion d'«entité». Ce n'est pas un aspect qui a suscité beaucoup d'attention.

    «entité» Personne, groupe, fiducie, société de personnes ou fonds, ou organisation ou association non dotée de la personnalité morale.

Ce qui ne figure pas dans cette liste, au moins dans la définition d'entité, ce sont les États et les pays. Y a-t-il une raison juridique ou logique pour laquelle un État ou un pays ne peut être visé par cette définition et donc, ne peut être inscrit sur cette liste.

La deuxième question porte sur l'examen annuel proposé. L'examen annuel va-t-il porter sur les questions reliées aux listes et à la révocation de l'enregistrement des organismes de bienfaisance? Il est possible que des entités figurent sur ces listes alors que les parlementaires pourraient, de façon très légitime, ne pas approuver cette inscription ou alors penser qu'il y a des absences. Est-ce que l'examen annuel va porter sur ce genre de choses ou va-t-il se limiter aux audiences d'investigation et aux gardes à vue?

• 1325

La troisième question porte sur les organismes de bienfaisance. Ma question découle des observations qu'a faites l'Association du Barreau canadien au sujet de la défense de diligence raisonnable. Ils ont déclaré que le projet de loi devait autoriser un organisme de bienfaisance canadien qui distribue des fonds sans le vouloir à une entité étrangère d'invoquer la défense de diligence raisonnable. Je sais que les changements apportés à la notion de facilitation vont peut-être répondre en partie à cette préoccupation, mais ils ne la supprimeront pas complètement. Vous n'avez rien dit à ce sujet.

Enfin, comme vous le savez, madame la ministre, il y a dans ma circonscription des gens qui viennent d'origines très variées, elle est multiethnique, multireligieuse et multiraciale. J'ai eu le privilège de me trouver dans une mosquée un vendredi après-midi après la prière et j'ai parlé de ce projet de loi avec des gens qui se trouvaient là. Ils étaient extrêmement inquiets—je ne pourrais trop souligner leur inquiétude. M. Myers et d'autres ont insisté sur cette question. Ils m'ont remis une pétition, dont la forme n'est peut-être pas acceptable, mais cela dit, je veux que le compte rendu indique que je vous remettrai en privé cette pétition. Elle porte plus de 400 signatures et elle exprime la crainte qu'éprouve une communauté, crainte qui paraît fondée et légitime.

J'aimerais beaucoup que vous puissiez résoudre ces difficultés. Merci.

Mme Anne McLellan: Monsieur le président, voulez-vous que je fasse des commentaires?

Le président: Oui, je vous en prie. Cependant, les trois minutes sont écoulées.

Mme Anne McLellan: Pour ce qui est du dernier point, je pense que j'en ai déjà parlé. Évidemment, il y a dans ce projet de loi des aspects qui devraient, d'après nous, rassurer les communautés ethniques et religieuses. Cette mesure vise l'activité terroriste et non pas un groupe particulier, qu'il soit religieux ou autres. En outre, nous avons pris des mesures pour améliorer la transparence des décisions; il y a les examens, les rapports, l'intervention d'organismes publics, d'instances comme celle-ci, la Chambre des communes et le Sénat; tout cela va indiquer à la population que ces lois vont être appliquées avec beaucoup de prudence et ne feront pas l'objet d'abus et que, si pour une raison ou une autre, des abus étaient commis, ils seraient rapidement signalés.

Les listes et la révocation de l'enregistrement sont des aspects qui relèvent d'autres ministres. L'établissement des listes incombe au solliciteur général et la révocation de l'enregistrement au ministre du Revenu national. Je pense que lorsque le ministre MacAulay est venu ici, il a mentionné le fait qu'un organisme qui pensait avoir été inscrit à tort sur cette liste disposait d'un certain nombre de recours.

Au sujet de cette liste, je rappellerais à mes collègues qu'après la réunion très réussie qu'a tenue le G-20 cette semaine, sous la houlette du ministre des Finances, notre pays a pris l'initiative de faire en sorte que non seulement les pays développés mais également les pays en développement fassent tout ce qu'ils peuvent pour empêcher que des fonds soient transmis aux organisations terroristes. Nous devons mettre en place, à l'échelon national et international—et c'est là-dessus qu'une bonne partie de la réunion du G-20 a porté—des mécanismes qui permettent d'éviter que des pays comme le nôtre ne soient utilisés pour lever des fonds et alimenter des groupes qui commettent des actes horribles comme ceux du 11 septembre. Nous voulons, bien entendu, éviter que, sans le vouloir ou sans le savoir, les organismes qui exercent des activités humanitaires ou autres qui n'ont rien à voir avec une activité terroriste se retrouvent sur cette liste. C'est pourquoi il existe des processus d'examen dans ce domaine.

La révocation de l'enregistrement d'un organisme de bienfaisance et les reçus d'impôt relèvent du ministre du Revenu national, et celui-ci n'intervient que lorsqu'il a des motifs raisonnables de croire que cela est nécessaire. C'est là une norme que nous connaissons tous. Il y a également des moyens de réviser sa décision.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Venne, trois minutes.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Merci, monsieur le président.

Madame la ministre, j'aimerais vous faire part de mes commentaires quant à vos amendements. C'est décevant, très décevant. Dans vos amendements, vous en êtes rendue à nous parler d'un changement de titre. Dans votre présentation, vous parlez de changer «Inscription des terroristes» par «Inscription des entités».

Quand on en est rendu à faire ce genre d'amendements, à nous présenter ça en comité, je vous assure que c'est parce qu'on n'a pas grand chose à dire.

• 1330

Comment voulez-vous que je recommande à nos collègues du Bloc québécois de voter en faveur de vos amendements tels que vous nous les présentez? Honnêtement, je m'en sens incapable actuellement.

Je vais vous donner des exemples de choses qui nous ont été soumises par des témoins qui sont venus et qui nous ont dit, entre autres, que la notion de «motifs raisonnables de soupçonner» que quelqu'un allait commettre un acte terroriste était une notion que les policiers ne connaissaient pas et qu'ils ne savaient pas comment l'appliquer. Vous n'y touchez pas. Vous ne proposez pas d'amendement à cet article. On n'en entend même pas parlé. Ce sont les policiers eux-mêmes qui sont venus nous dire qu'ils ne savaient pas ce que ça voulait dire. Il y en a un, M. Niebudek, qui nous a dit que c'était:

[Traduction]

un mélange de termes juridiques ambigus dans cet article et nous pensons que cela devrait être précisé.

[Français]

Je ne vois pas, aujourd'hui, de clarifications là-dessus. Vous n'en parlez même pas.

Un autre exemple porte sur la Loi sur l'accès à l'information. Et là, je voudrais simplement parler à M. Mosley d'un article du Globe and Mail d'hier, qui rapportait certains de ses propos en concluant que la ministre de la Justice ne faisait pas confiance aux juges de la Cour fédérale et que ce serait la raison pour laquelle le projet de loi C-36 permettrait à la ministre de se soustraire à l'application de la Loi sur l'accès à l'information. Je trouve assez fantastique de lire cela ce matin dans le journal. J'aimerais bien savoir si l'interprétation des propos de M. Mosley est exacte?

Dans le même sens, j'aimerais aussi savoir quels sont les griefs que vous avez contre les juges de la Cour fédérale ou contre les commissaires responsables de l'application de la Loi sur l'accès à l'information pour vouloir les substituer?

Je pense que ce sont quand même quelques exemples qui démontrent bien que vous n'avez pas tenu compte du tout des témoignages que nous avons reçus à ce comité.

[Traduction]

Le président: Merci, madame Venne.

Madame la ministre.

Mme Anne McLellan: Là encore, je m'oppose vivement à ce qu'affirme l'honorable député. En fait, je vais laisser M. Mosley répondre à la question des motifs raisonnables et des opinions des milieux policiers, ou du moins celle du membre qui a été cité par Mme Venne.

Je tiens à préciser que je n'ai absolument rien contre les juges de la Cour fédérale et les examens confiés à la Cour fédérale, comme le montre le fait que nous allons modifier les dispositions du projet de loi qui traite de la délivrance d'un certificat par le procureur général pour que cette décision soit soumise au contrôle judiciaire d'un juge de la Cour d'appel fédérale. Il est difficile d'être plus clair. En fait, je considère que le contrôle judiciaire est un des mécanismes fondamentaux qui permet aux citoyens de sanctionner les abus de pouvoir commis par le gouvernement ou par les organismes d'application de la loi. Je ne vois donc vraiment pas de quoi veut parler Mme Venne.

Le président: Monsieur Mosley.

M. Richard Mosley: Merci, monsieur le président.

La notion de motifs raisonnables de soupçonner quelqu'un est une notion bien connue du droit pénal et se trouve d'ailleurs dans le Code criminel. Je trouve donc quelque peu surprenant que M. Niebeduk ne la connaisse pas bien. Cela nous ramène toutefois à la question qu'a posée M. MacKay tout à l'heure au sujet de la nécessité de prévoir une formation. Dans leurs décisions, les tribunaux ont clairement établi la différence qui existait entre les motifs raisonnables de soupçonner et les motifs raisonnables de croire. Nous serons donc très heureux de travailler avec les services de police et les provinces pour expliquer aux policiers qui ne la connaîtraient pas quelle est la différence exacte qui existe entre ces deux notions.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Cotler, trois minutes.

M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): J'ai une seule question.

Plusieurs témoins ont déclaré au comité que ce projet de loi n'était pas nécessaire, que le problème ne venait pas d'une absence de disposition législative, mais plutôt d'une absence de ressources et des lacunes sur le plan du renseignement de sécurité. Quelle est donc la raison d'être de ce projet de loi?

Mme Anne McLellan: N'oubliez pas, monsieur Cotler, que vous avez vous-même écrit des choses très convaincantes sur ce sujet, mais je ne vais pas reprendre ce que vous avez dit.

• 1335

J'ai indiqué très clairement dès le départ que nous devions revoir complètement la façon dont il fallait lutter contre ce genre d'actes horribles. Comme nous le savons, et comme vous l'avez écrit vous-même très récemment, notre système de justice pénale fonctionne de la façon suivante: quand un crime est commis, il y a enquête, on dépose des accusations, les tribunaux interviennent, et le reste. Nous avons appris le 11 septembre que ce n'est pas la bonne méthode. Bien sûr, notre système pénal va continuer à jouer ce rôle, personne ne dit le contraire, mais nous devons, dans l'intérêt des civils canadiens innocents—je crois aussi dans celui des citoyens des pays alliés—comprendre ce qu'est le visage moderne du terrorisme. C'est un phénomène mondial, qui a recours aux technologies, qui est sophistiqué, qui s'inquiète peu du nombre des morts, du nombre des vies innocentes qui sont détruites. Nous savons que les terroristes lèvent des fonds dans le monde entier. Ils blanchissent tous les jours des milliards de dollars dans le monde entier. En fait, ce phénomène nous oblige à concevoir d'une façon tout à fait différente notre droit pénal. Il nous incombe d'agir en tant que membres de la communauté civilisée, de la communauté mondiale qui comprend la nature insidieuse du terrorisme et de la menace qu'il constitue pour notre droit à la sécurité.

Ce projet de loi tient compte du fait que nous devons nous donner les outils, qu'il s'agisse de collecte d'information, d'application de la loi, qui vont nous permettre de fournir à tous les Canadiens la sécurité à laquelle ils ont droit, tout comme, je dois le dire franchement, y ont droit tous les citoyens du monde civilisé.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Blaikie, trois minutes.

M. Bill Blaikie: Merci, monsieur le président.

J'aimerais aborder rapidement deux aspects avec la ministre.

Vers la fin de la définition d'activité terroriste, on trouve une autre exclusion, si vous voulez, au paragraphe 83.01(1):

    il est entendu que sont exclues de la présente définition l'acte—action ou omission—commis au cours d'un conflit armé et conforme, au moment et au lieu de la perpétration ou de la menace, au droit international coutumier ou au droit international conventionnel applicable au conflit, ainsi que les activités menées par les forces armées d'un État dans l'exercice de leurs fonctions officielles [...]

Il me semble que cela vise les armées et les forces policières, mais qu'en est-il des groupes qui opposent une résistance à des régimes non démocratiques, racistes ou totalitaires? Je pensais cette semaine à M. Mandela et au fait que quelqu'un qui a déjà été considéré comme un terroriste, du moins par son gouvernement, peut- être par d'autres gouvernements à un moment donné, est maintenant considéré de façon tout à fait différente.

Je me demande si vous ne pourriez pas—vous n'avez pas dit que vous le feriez ou ne le feriez pas—modifier cette exclusion pour ajouter quelque chose du genre «ou dans le cadre d'un mouvement de résistance à un régime non démocratique, raciste ou totalitaire, pourvu que ces actes ne visent pas des civils», etc.

Mme Anne McLellan: Sur ce point, nous sommes assujettis aux règles du droit international...

M. Bill Blaikie: Mais ces règles sont bien floues de nos jours.

Mme Anne McLellan: Selon les protocoles de 1977, qui viennent compléter la Convention de Genève de 1949, il y a conflit armé lorsqu'un peuple lutte contre une puissance coloniale, contre un occupant étranger ou contre un régime raciste dans l'exercice de son droit à l'autodétermination. C'est la définition que nous utilisons, et c'est celle qui est acceptée mondialement. En fait, cela couvre... Je ne devrais peut-être pas parler de cas particuliers. C'est une précision qui a été ajoutée pour guider l'application du droit international, par lequel nous sommes régis, pour ce qui est des termes utilisés dans cet article.

M. Bill Blaikie: On trouve plus loin dans le projet de loi:

    «groupe terroriste»

      a) Entité dont l'un des objets ou l'une des activités est de se livrer à des activités terroristes ou de les faciliter,

      b) entité inscrite.

Cette définition a été critiquée. Puisque vous pensez que les gens devraient être jugés sur leurs actes et non sur la façon dont ils sont qualifiés, ne serait-il pas logique de les juger uniquement en fonction de l'alinéa a) et non pas du b) et supprimer la disposition faisant référence à une entité inscrite, puisque nous nous contentons d'utiliser les listes américaines ou des autres pays et sans juger nous-mêmes si ces entités répondent à la définition de l'alinéa a)? Si une entité est visée par l'alinéa a), nous devrions l'inclure dans la liste plutôt que de nous baser sur le fait qu'elle figure sur la liste d'un autre pays.

• 1340

Le président: Madame la ministre.

Mme Anne McLellan: L'article 83.05 traite des listes de terroriste—ce nom doit être changé. Cette disposition décrit un processus qui consiste en fait à analyser le comportement des entités inscrites sur la liste. Cela tient compte de leurs activités, cela est certain. Une entité ne peut être inscrite sur la liste, aux fins de la définition de groupe terroriste, sans que l'on ait utilisé le processus décrit à l'article 83.05. C'est un processus que mon collègue, le solliciteur général, pourrait vous décrire de façon plus détaillée. Cette disposition énonce:

    Il [le gouverneur en conseil] est convaincu, sur la recommandation du solliciteur général du Canada, qu'il existe des motifs raisonnables de croire [...]

Cette disposition vise les comportements. Les gens ne se retrouvent pas sur cette liste par magie. Il doit exister «des motifs raisonnables de croire»—je ne vais pas vous lire cette disposition, cela est précisé ici. Le critère utilisé pour inscrire une entité est axé sur le comportement de l'entité et ce comportement est défini à l'article 83.05.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Maloney et monsieur MacKay et ce sera tout.

Monsieur Maloney.

M. John Maloney: Je n'ai pas de questions.

Le président: Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

Pour poursuivre dans la même veine, vous avez raison, madame la ministre, les noms ne se retrouvent pas sur ces listes par magie. Ces listes sont souvent fondées sur des renseignements qui nous sont transmis par d'autres pays. Je vais vous poser une question qui va dans le sens de celle qu'a posée mon collègue M. Blaikie.

Que se passe-t-il si les renseignements viennent du Soudan? S'ils viennent d'Afghanistan? Pour utiliser cet exemple, M. Mandela n'aurait pas reçu une citoyenneté honoraire, il aurait été arrêté dès son arrivée, en vertu de ce projet de loi, à cause de sa conduite. En plus, les personnes qui lui auraient envoyé de l'aide pour l'appuyer dans sa lutte contre un gouvernement totalitaire auraient été visées par les dispositions de ce projet de loi. Quels sont les recours que peuvent exercer les personnes qui sont inscrites à tort sur cette liste ou celles dont la réputation est compromise à tort? Le projet de loi est tout à fait silencieux à ce sujet. Il est silencieux sur d'autres points, comme les frontières. Il est silencieux, d'une façon générale, sur les questions d'immigration. Pourquoi ne mentionne-t-on pas l'existence d'un recours ou d'un examen?

Madame la ministre, pour ce qui est de ces motifs politiques, religieux ou idéologiques, je suis d'accord avec mes collègues lorsqu'ils disent que cet aspect sera pratiquement impossible à démontrer. Pourquoi ne pas faire de la motivation une circonstance aggravante après la condamnation ou dans le cadre d'une accusation portée aux termes du Code criminel? Pourquoi ne pas choisir un système comparable à celui des demandes de déclaration de délinquant dangereux? Après la condamnation, l'État pourrait présenter des preuves d'activités idéologiques, religieuses ou politiques, après l'obtention d'une condamnation, et non pas en faire un obstacle que les policiers et les poursuivants devront surmonter pour prouver le mobile qui anime ces personnes qui commettent toutes sortes d'actes horribles.

Que faire dans le cas des personnes qui sont uniquement motivées par la haine, qui sont poussées par une haine aveugle, pathologique? Ce n'est pas un motif idéologique, ni politique, ni religieux. Cela n'entre pas dans le cadre du projet de loi. Qu'allons-nous faire avec ces personnes si nous essayons d'établir qu'elles exerçaient des activités terroristes?

Le président: Merci, monsieur MacKay.

Madame la ministre.

Mme Anne McLellan: Pour revenir au dernier point que M. MacKay a soulevé, ces personnes ne seraient peut-être pas coupables d'activité terroristes, mais elles seraient coupables d'avoir commis d'autres actes criminels prévus par le Code. Je vous demande de ne pas oublier que nous visons principalement ici les activités terroristes.

Je dirais également, monsieur MacKay, qu'avec le paragraphe 83.05(5) proposé, l'organisme dont le nom est inscrit par le solliciteur général dispose de toutes sortes de mécanismes d'examen:

    Dans les 60 jours suivant la réception de l'avis, le demandeur peut présenter au juge une demande de révision de la décision.

Le paragraphe qui suit décrit les mécanismes d'examen et la procédure à suivre pour faire examiner l'inscription d'une entité sur une liste.

• 1345

J'ai oublié la première question.

M. Peter MacKay: Cela prend du temps, il faut retenir les services d'un avocat, et une fois que le nom est inscrit sur la liste, pour citer un des témoins qui a comparu ici, l'organisme perd son statut d'organisme de bienfaisance et sa réputation est compromise. Je crois que la femme qui témoignait a parlé de peloton d'exécution ou d'électrocution. Il est impossible de rétablir sa réputation dans ce genre de cas.

Mme Anne McLellan: Cela revient à la première question à laquelle j'ai oublié de répondre: Comment se retrouve-t-on sur cette liste? En fait, nous ne nous contentons pas d'approuver les listes que nous fournissent d'autres pays. Selon les règlements de l'ONU en vigueur, nous recevons des avis indépendants émanant d'organismes comme le SCRS. Nous ne nous contentons pas de dire qu'un organisme international a déclaré que ce groupe était composé de terroristes. Nos décisions sont fondées sur une évaluation indépendante de tous les noms qui figurent sur ces listes et ces renseignements viennent d'organismes canadiens de collecte de renseignements, sur lesquels nous exerçons une surveillance.

Le président: Je remercie les membres du comité, la ministre et ses collaborateurs. Nous sommes reconnaissants à la ministre d'avoir consacré tout ce temps aux travaux du comité.

Mme Anne McLellan: Merci beaucoup. Bonne chance dans vos délibérations.

Le président: Nous allons reprendre à 16 h 15. Notez que l'heure a changé.

La séance est levée.

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