JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 12 décembre 2001
Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Bonjour.
Je déclare ouverte la cinquante-septième séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
Cet après-midi, nous allons commencer à examiner pour la deuxième fois, je crois, le projet de loi C-217, Loi permettant le prélèvement d'échantillons de sang au profit des personnes chargées de l'application et de l'exécution de la loi et des bons samaritains, et modifiant le Code criminel.
Je pense que l'ancien projet de loi, le projet de loi C-244, nous a été renvoyé le 21 mars 2000. Nous avons entendu M. Strahl le 6 avril et des témoins le 13 juin, et ces témoignages sont invoqués et sont à la disposition des membres du comité.
Nous avons devant nous le parrain de ce projet de loi d'initiative parlementaire qui, comme c'est la coutume ici, va présenter ses arguments. Sur ce, je donne la parole à M. Strahl.
Bienvenue.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, PC/RD): Merci, monsieur le président.
Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui. Je me rends compte que c'est une période d'activité intense au Parlement et, comme vous l'avez mentionné, vous avez déjà tenu plusieurs réunions sur le sujet. Je sais à quel point votre agenda est chargé et je vous remercie d'entendre mon témoignage aujourd'hui.
Comme vous l'avez noté, monsieur le président, ce projet de loi a été présenté au comité au cours de la dernière législature. Il est mort au feuilleton à cause des dernières élections. Il a été déposé à nouveau et se retrouve renvoyé au comité après avoir été adopté en deuxième lecture à la Chambre. Je ne vais pas refaire le discours que j'ai fait à la Chambre; c'est consigné au dossier et je ne vais pas me répéter devant vous.
Aujourd'hui, je veux souligner quatre points à propos de ce texte législatif, juste pour assurer le comité que j'ai l'intention de produire le meilleur texte possible, afin d'aider les travailleurs de première ligne et le personnel des services d'urgence qui font face à un problème de santé lorsqu'ils entrent en contact avec du sang ou d'autres fluides corporels contaminés dans le courant de leurs activités professionnelles.
J'ai dit au ministre et au secrétaire parlementaire, et je le répète au comité comme je l'ai réitéré à la Chambre, que je ne cherche pas à ce que ce projet de loi soit adopté sans qu'on y change un iota. Je demanderais toutefois au comité de voir comment on pourrait améliorer ce texte législatif pour qu'il ne puisse pas être contesté en vertu de la Charte, mais être invoqué pour protéger les gens qui assurent la sécurité publique.
Premièrement, monsieur l'Orateur, j'aimerais expliquer encore une fois comment ce projet de loi est né. L'idée m'est venue après que j'aie reçu une lettre d'un de mes électeurs qui m'a raconté l'histoire de son fils aîné. Voici cette histoire, et je cite la lettre que j'ai reçue:
-
[...] mon fils aîné a été impliqué dans un incident au travail (le
magasin Canadian Tire, à Abbotsford), il y a quelques semaines, ce
qui soulève une question importante pour moi. Il a aidé à arrêter
un voleur à l'étalage et dans la mêlée, il est entré en contact
avec du sang du présumé voleur. Mon fils prend actuellement des
médicaments qui lui ont été donnés par la Société de prévention du
sida au St. Paul's Hospital de Vancouver. Nous allons devoir
attendre trois mois avant qu'il subisse des examens pour savoir
s'il a contracté une maladie. Il suffirait toutefois que l'on
prélève des échantillons de sang de l'accusé pour voir s'il a une
telle maladie (c'est un héroïnomane connu de la GRC à Abbotsford).
L'accusé refuse de se soumettre à cette analyse de sang, et on me
dit que la loi appuie son refus. Voilà encore un cas où la victime
est punie et où les droits de l'accusé passent avant ceux de la
victime. Qu'est-ce que notre famille peut faire? Vous qui êtes
notre député, que pouvez-vous faire pour nous aider à secourir
notre fils?
• 1535
Monsieur le président, voilà ce qui m'a incité à déposer ce
projet de loi qui a pour objet d'essayer de trouver un moyen
d'aider ceux qui courent des risques, les héros de notre société,
monsieur le président, qui deviennent des victimes parce qu'ils se
sont portés à l'aide de quelqu'un.
J'aimerais mentionner, monsieur le président, que parmi les gens qui se trouvent ici aujourd'hui, il y a Isobel Anderson. L'agent Anderson a vécu une expérience semblable lorsqu'elle a été blessée par une seringue et qu'elle s'est injecté une substance qui aurait pu être mortelle, ce pourquoi elle a dû également suivre un traitement.
Monsieur le président, dans son cas, la personne qui l'avait infectée, ou qui aurait pu le faire, a offert de donner un échantillon de sang en échange d'un hamburger, parce qu'il s'agissait de quelqu'un qui vivait dans la rue, d'un sans-abri. Pour le prix d'un hamburger, pourrait-on dire, il a déterminé le traitement médical qui devait lui être administré pendant des mois. Fort heureusement, les analyses ont été négatives.
Monsieur le président, cela démontre à quelles extrémités nous en arrivons dans ce genre de situation et pourquoi l'on ne devrait pas en venir à offrir un hamburger ou quelque chose d'autre pour inciter quelqu'un à donner un échantillon de sang. Ce devrait être quelque chose dont un agent de police ou un employé de services d'urgence devrait avoir le droit de bénéficier.
Pour conclure, j'aimerais vous signaler que j'ai rencontré récemment le garçon qui avait été couvert de sang et qui avait suivi ce traitement de prévention choc contre le sida. Je l'ai rencontré par hasard dans un restaurant de Chilliwack et, bien entendu, c'est un adulte maintenant—cet incident a eu lieu il y a plusieurs années—, mais il m'a dit que les analyses avaient démontré qu'il n'avait pas le sida. Il n'y a eu aucun effet secondaire et dans un sens, c'est une histoire qui finit bien puisqu'il est en bonne santé, même si, pour en arriver là, il a dû vivre une expérience traumatisante pendant les mois où il a suivi un traitement.
Deuxièmement, monsieur le président, quel est l'effet de ce projet de loi? Le projet de loi C-217 aidera des gens comme Isobel ou Tim, le garçon dont je viens de parler. Il bénéficie à des Canadiens qui, soit parce que c'est leur profession, soit parce qu'ils agissent ainsi par bonté, se sacrifient pour aider les autres. Il donnera aux professionnels et autres qui assurent la sécurité publique la possibilité d'avoir les renseignements dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées à propos de leur traitement, et je pense que c'est une question dont le gouvernement devrait se soucier. C'est une question de sécurité, de sécurité personnelle, et ce texte les aidera à déterminer leur traitement.
Voici comment les dispositions s'appliqueraient. La Loi sur les échantillons de sang exige que toute personne qui, accidentellement ou délibérément, contamine un bon samaritain, une personne qui travaille dans le secteur de la santé, des services d'urgence ou de la sécurité, avec son sang ou d'autres fluides corporels, donne un échantillon de son sang pour qu'il soit analysé et que l'on puisse déterminer la présence éventuelle du VIH, de l'hépatite C ou de l'hépatite B.
Le projet de loi C-217 autorise un juge—il faut qu'un juge intervienne—à ordonner que l'on prélève un échantillon de sang sur toute personne qui a accidentellement ou délibérément contaminé des gens qui répondent à la description que je viens de donner. Le sang de la personne en question sera analysé pour déterminer la présence du VIH, de l'hépatite C ou de l'hépatite B, et les résultats de cette analyse de sang ne seront connus que de la personne sur laquelle l'échantillon a été prélevé, la personne affectée, le médecin qualifié qui aura fait l'analyse et l'agent de police responsable de l'exécution du mandat. Les résultats de l'analyse de sang ne seront utilisés que pour déterminer le traitement médical. Autrement dit, monsieur le président, ces résultats ne peuvent pas être utilisés pour engager quelque poursuite que ce soit, ni pour faire des analyses de l'ADN; ils ne peuvent pas être utilisés à quelque fin que ce soit, sauf pour aider les professionnels dont j'ai parlé à déterminer leur propre traitement médical.
Je me rends compte que ce projet de loi soulève certaines questions. J'ai bien évidemment écouté les interventions qui ont été faites à la Chambre et je vous prie instamment, monsieur le président et messieurs les membres du comité, d'explorer ces questions en examinant ce texte législatif.
Premièrement, est-ce que l'analyse de sang bénéficie concrètement aux personnels des services d'urgence ou aux bons samaritains? C'est la première question. À cet égard, je vous exhorte à parler à des gens qui ont vécu cette expérience, dont certains ont témoigné devant le comité la dernière fois, et à leur demander si cette information leur a été utile—concrètement, psychologiquement ou autrement—et les a aidés à faire un choix éclairé qui a déterminé leur état de santé au cours des mois qui ont suivi.
Je vous exhorte à prendre connaissance des études médicales qui démontrent comment cette information est utile pour aider les gens à prendre une décision éclairée à propos de leur santé. Je vous exhorte à parler aux représentants des hôpitaux, dont beaucoup m'ont écrit pour appuyer ce projet de loi.
• 1540
Si ce n'est déjà fait, monsieur le président, je vais
m'assurer que vous avez la liste des gens qui m'ont écrit pour me
donner leur accord de principe à propos de ce projet de loi.
De nombreux hôpitaux et associations médicales à travers le pays l'ont appuyé. Je vous incite à leur parler et à leur demander précisément pourquoi, si l'analyse de sang obligatoire n'est pas utile aux victimes d'actes criminels, nombre d'entre eux ont mis en place un protocole qui exige que, dans leurs propres hôpitaux, les personnes sources donnent un échantillon de sang? Autrement dit, monsieur le président, c'est une procédure à laquelle on souscrit dans les hôpitaux. Je pense que cela devrait s'appliquer également aux personnels des services d'urgence.
Je vous incite également à examiner la résolution adoptée par l'AMC, l'Association médicale canadienne, en 1998. Cette année-là, l'association a adopté la motion suivante:
-
Que l'Association médicale canadienne recommande que l'on exige de
tout patient subissant une intervention au cours de laquelle un
travailleur de la santé risque d'être accidentellement exposé aux
fluides organiques provenant de ce patient une autorisation signée
permettant de déterminer son statut sérologique en rapport au VIH
et à l'hépatite sous le couvert de la confidentialité, au cas où
une telle exposition devrait se produire.
Monsieur le président, cela va naturellement beaucoup plus loin que les dispositions proposées dans mon projet de loi, mais cela démontre que l'Association médicale juge nécessaire cette information pour déterminer le traitement médical approprié.
La deuxième question que soulève le texte législatif est la suivante: est-ce que le projet de loi C-217 viole la Charte? C'est une question qui va donner lieu à des témoignages intéressants, j'en suis sûr. Il y a des mesures procédurales enchâssées dans la législation qui, je crois, reconnaissent les droits juridiques des gens que l'on pourrait obliger à donner un échantillon de sang. Par exemple, la seule personne qui peut ordonner qu'un tel échantillon soit prélevé est un juge, et seulement après avoir pondéré certains critères. C'est une tâche difficile, monsieur le président, mais elle n'est pas impossible. Ce sera difficile, et il faut qu'il en soit ainsi, vu que l'on ne veut pas permettre que les droits consacrés par la Charte soient facilement transgressés ou remis en question. Les gens conservent le droit de refuser que l'on prenne un échantillon de leur sang, mais, monsieur le président, l'objet de ce texte est de donner aux personnels des services d'urgence le droit de faire un choix éclairé à propos de leur santé.
Je vous exhorte tous à prendre en considération le droit des bons samaritains de veiller à leur sécurité personnelle, ainsi que la menace physique que représente une maladie infectieuse. J'exhorte le comité à prendre en compte et en considération le fait qu'il existe à l'heure actuelle trois autres dispositions du Code criminel qui autorisent le prélèvement d'échantillons sanguins. Par conséquent, même si cette mesure va un peu loin, elle n'est pas sans précédent, et on a déjà autorisé le prélèvement d'échantillons sanguins.
Si j'étais vous, en considérant ce projet de loi, je considérerais les principes de justice fondamentale. Je considérerais également la justification de l'article 1 de la Charte, c'est-à-dire le droit de ne pas être privé de la protection assurée par la Charte à moins que cela ne soit dans l'intérêt public. Encore une fois, je dirais—et je crois que vous entendrez également les témoins le dire et que vous constaterez aussi que c'est un argument qui a déjà été avancé en relisant les anciens témoignages—qu'il s'agit de trouver un juste milieu entre le droit de la société d'être protégée et le droit des individus de savoir et d'assurer l'intégrité de leur propre corps.
Monsieur le président, je le répète, j'aimerais que ce projet de loi soit à l'épreuve de la Charte, si nous pouvons trouver le moyen de le faire, soit en l'amendant, soit en y apportant des précisions ou en le combinant à des règlements, pour qu'il réponde aux critères de la Charte ou qu'il soit, dans toute la mesure du possible, défendable dans le cadre des dispositions de la Charte. Essayons de trouver un moyen de parvenir à cela.
Troisièmement, la dernière question qui se pose est en fait d'ordre technique, monsieur le président: est-ce que le projet de loi C-217 traite d'une infraction criminelle? Autrement dit, y a-t- il un lien avec le droit criminel? C'est quelque chose que le comité devra déterminer.
Vous allez, j'en suis sûr et je l'espère, obtenir le témoignage de fonctionnaires du ministère de la Justice qui vous donneront leur opinion à ce propos. Je vous engage à parler à d'autres experts en droit et à examiner le témoignage d'autres spécialistes de la constitution qui ont donné leur avis à propos de ce projet de loi, même au cours de la précédente législature. Mais je le répète, monsieur le président, ce projet de loi implique des modifications au Code criminel, et je crois qu'il répond aux critères voulus sur ce plan technique.
Enfin, on se demandera si ce projet de loi entre dans le champ des compétences fédérales ou provinciales. Certaines personnes diront qu'il s'agit strictement d'une question de santé, que des gouvernements comme celui de l'Ontario prennent actuellement des dispositions dans ce contexte et qu'il serait préférable de s'en tenir là. Même si j'encourage les provinces à poursuivre leur action pour s'attaquer au problème de santé que soulèvent ces situations, je demande également au comité de prendre en considération le fait que ce projet de loi modifie le Code criminel et crée une nouvelle infraction criminelle.
• 1545
Je crois que si nous avons sérieusement l'intention d'offrir
la protection que ce projet de loi tente de fournir, nous devrions
donner à un problème qui se pose à travers le pays une solution à
l'échelle du Canada. Je ne crois pas que nous devrions avoir
10 organes compétents différents, oeuvrant dans le cadre de
paramètres différents, d'exigences différentes et de codes
différents sur la protection des renseignements personnels, etc. Je
crois que le problème mérite qu'on trouve une solution à l'échelle
du Canada, et j'engage le comité à se demander si c'est la
meilleure façon de procéder.
Je le crois et je crois également qu'il ne s'agit pas simplement d'une question de santé, et que ce projet de loi complète la législation proposée par l'Ontario et par d'autres gouvernements provinciaux. Ils vont demander que cette information soit fournie, tout en protégeant le droit à la protection des renseignements personnels, etc., mais ils ne peuvent pas s'appuyer sur le Code criminel pour s'assurer que cela aboutira.
En conclusion, monsieur le président, j'incite le comité à prendre le projet de loi en considération et à poser ces questions. Je suis sûr, sachant avec quelle minutie travaille le comité, qu'il fera ce qu'il faut. Je n'ai absolument aucune objection à ce que vous proposiez ou que vous acceptiez des amendements. Je sais que je n'ai pas besoin de vous le dire. Je sais que vous faites cela tout le temps. Je tiens simplement à vous répéter que je n'en serai pas blessé, car en ce sens, je n'ai aucun droit de propriété sur ce projet de loi. Si nous pouvons amender ce texte de façon à ce qu'il soit adopté, je pense que nous aurons fait une bonne chose. Il y a des dizaines, que dis-je, toute une foule d'organisations qui vous en remercieront, et je vous encourage à en discuter avec certaines d'entre elles avant de prendre une décision.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Strahl.
Monsieur Cadman, vous avez la parole pendant sept minutes.
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Je n'ai pas vraiment de question à poser, juste une observation, pour féliciter M. Strahl de sa persévérance. Le président le sait, j'ai participé aux audiences concernant ce projet de loi au cours de la dernière législature.
En consultant mes notes, je vois qu'à peu près tout ce qui me préoccupait à ce moment-là a été réglé. Encore une fois, je suis heureux que M. Strahl ait décidé de nous faire examiner de nouveau ce projet de loi, après avoir eu la chance de le voir tiré au sort. Alors que, pour certains, le sort est défavorable pendant toute une législature, il a la chance de déposer un projet de loi une deuxième fois.
La seule question que je me pose est la suivante: est-ce que ce projet de loi est identique à celui que nous avons considéré au cours de la précédente législature, vu que certaines questions avaient été soulevées à propos de la Charte. Je me demande simplement si vous avez apporté des modifications pour aplanir certaines de ces difficultés.
M. Chuck Strahl: Non. C'est exactement le même projet de loi, mot pour mot. Il y a une seule chose qui est peut-être quelque peu différente, et c'est une chose qui demanderait sans doute que l'on examine les précédents témoignages. La dernière fois, un spécialiste de la constitution, Gerry Chipeur, est venu témoigner devant le comité. À l'époque, vous vous en souvenez peut-être, nous étions au milieu d'une contestation juridique du programme d'enregistrement des armes à feu. La Cour suprême n'avait pas encore décidé si le gouvernement avait le droit de proposer une loi traitant des droits de propriété.
La question était débattue, la cour était sur le point de rendre sa décision et M. Chipeur a fait valoir—et peut-être voudrez-vous le rappeler devant vous, lui ou un autre spécialiste de la constitution—que si la cour reconnaissait la compétence du gouvernement fédéral en la matière, cela serait favorable à ce projet de loi. Il s'agissait de savoir si, lorsque se pose un problème de société primordial, le gouvernement fédéral peut imposer des lois qui touchent des domaines traditionnellement provinciaux, en l'occurrence, les droits de propriété?
La cour a naturellement décidé que oui. Elle a reconnu le droit du gouvernement fédéral d'adopter une législation sur les armes à feu. M. Chipeur estimait à l'époque que cela appuyait le bien-fondé du projet de loi. Il serait peut-être utile maintenant de le faire revenir, lui ou quelqu'un d'autre, pour voir s'il pense que c'est toujours le cas, car à l'époque, nous étions à quelques jours de la décision, et il a déclaré que l'on pourrait, en conséquence, avancer cet argument pour expliquer pourquoi le projet de loi répond aux critères de la Charte et de la compétence du gouvernement fédéral. À part cela, cependant, c'est exactement le même projet de loi.
M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président. Je n'ai pas d'autres questions, à moins que M. Sorenson ait quelque chose à ajouter.
Le président: Merci.
Monsieur Bellehumeur, vous avez sept minutes.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): La question que je voulais poser a été posée. Je voulais savoir si le projet de loi C-217 était identique au C-244, je pense, et vous avez répondu oui. Je me souviens de plusieurs témoignages de gens qui qui étaient contre le projet de loi C-244 parce qu'il allait trop loin, que la définition était trop large. Finalement, ils ne souhaitaient pas que ce projet de loi soit adopté. Je me souviens que l'Association des avocats de la défense d'Ottawa, l'Association médicale mondiale, Santé Canada, la Commission canadienne des droits de la personne, le Réseau juridique canadien et la coalition canadienne des organismes qui représentent les personnes atteintes étaient venus témoigner.
• 1550
Est-ce que ce sont des organismes que vous avez
rencontrés après leurs témoignages, qui n'étaient pas
favorables à votre projet de loi, afin de tenter de voir si
vous seriez capable, éventuellement, de l'améliorer
dans le sens de leurs représentations? Ce sera ma seule
question.
[Traduction]
Le président: Monsieur Strahl.
[Français]
M. Chuck Strahl: Je voudrais remercier le député de son commentaire, de sa question.
[Traduction]
Je ne l'ai pas rencontré. Peut-être aurais-je dû le faire. Je pense que j'ai été pris dans le processus des élections qui a causé la disparition du projet de loi la première fois.
Ce que nous avons fait, c'est simplement obtenir des appuis pour le projet de loi là où nous le pouvions. Nous avons obtenu, je pense, l'appui de plus de 100 organismes nationaux et régionaux d'un océan à l'autre. C'était surtout de la part des gens provenant de secteurs qui risquaient le plus d'être affectés, par exemple, l'Association canadienne des policiers, les hôpitaux, les travailleurs paramédicaux, les pompiers, etc. Parce que cela les touche directement, ils veulent que quelque chose comme ce texte soit adopté et c'est la raison pour laquelle nous avons bénéficié d'un appui aussi étendu.
Vous avez mis le doigt sur le problème, c'est-à-dire que même dans ces conditions, il reste à savoir si le texte est conforme à la Charte. Va-t-il passer le test? Je pense qu'il est important de se rappeler que les avocats, tout particulièrement, selon moi, se demandent toujours si un projet de loi va passer le test. À propos de presque tous les projets de loi, ils disent qu'ils risquent d'être contestés devant les tribunaux. Or, de nos jours, pratiquement tous les textes législatifs sont contestés devant les tribunaux. C'est quelque chose que l'on est presque obligé d'accepter. J'espère que lorsque vous les entendrez à titre de témoins, ils vous présenteront des propositions pour améliorer le projet de loi et le rendre conforme à la Charte, à leur avis. Sinon, ce sera comme tous les autres textes législatifs, qu'il s'agisse du projet de loi C-36 ou d'un projet de loi d'initiative parlementaire, et il sera contesté. Nous devons simplement accepter cela et déterminer si, de l'avis du Parlement, c'est dans l'intérêt public et ensuite, laisser les tribunaux rendre la décision finale et dire si c'est ou non acceptable.
Le président: Merci, monsieur Strahl.
Monsieur Hill.
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, PC/RD): Merci.
Comme mes collègues de l'Alliance canadienne, je vous félicite de présenter ce projet de loi et d'être aussi persévérant.
D'après votre témoignage, cette fois-ci et lorsque vous avez déposé la première version du projet de loi, il est clair que vous bénéficiez d'appuis importants, à mon avis, à travers le pays, notamment de la part des personnes qui font ce genre de travail quotidiennement et qui risquent leur vie à cause de la profession qu'ils exercent.
Ma question porte sur les délais. Avez-vous pu résoudre le problème qui a été soulevé la dernière fois lorsqu'on a parlé de la possibilité qu'un juge décide que quelqu'un doit donner un échantillon de sang et que l'on fait appel de cette décision? D'ici à ce que ce processus soit terminé, il se sera écoulé assez de temps, de toute façon, pour que la personne concernée sache si elle a été infectée ou non. C'est le problème des délais.
M. Chuck Strahl: Il n'y a vraiment aucun moyen de parer à cette difficulté. Les délais posent problème, parce que souvent les médecins recommandent de commencer un traitement préventif immédiatement—dans les 24 heures.
Ce qui arrivera, je crois, si un projet de loi comme celui-ci devient loi... Souvent, lorsque quelqu'un dit: «Voulez-vous donner un échantillon de sang, parce qu'autrement, il va falloir que je m'adresse à un juge», les gens diront, très bien, allez-y. Si quelqu'un accepte de donner un échantillon de sang en échange d'un hamburger, par exemple, ce qui est ridicule, je crois que la plupart du temps, en pensant qu'il y va de la vie de quelqu'un d'autre, les gens diront simplement, d'accord. C'est comme pour l'ivressomètre. Vous pouvez aller en cour, mais vous dites simplement, d'accord, c'est normal. Je pense que cela deviendrait la norme.
Deuxièmement, même si cela prend un peu de temps... Il faut que cela prenne un peu de temps. Il faut se résoudre à ce que cela prenne un peu de temps parce qu'il faut que la personne qui doit donner un échantillon soit également protégée. Il faut se dire qu'il ne s'agit pas de jeter un gars par terre, de le maîtriser en quelques minutes en attendant que quelqu'un arrive et le pique pour prendre un échantillon de son sang. Il faut que cette personne-là soit protégée.
• 1555
Il y aura donc des cas où cela prendra un certain temps, mais
même si cela prend un certain temps, comme c'est arrivé dans le cas
d'Isobel Anderson, par exemple... Elle a commencé un traitement qui
l'a absolument dévastée, qui l'a mise à rien. Elle n'était pas
capable de s'occuper de sa famille, d'aller travailler et elle
avait besoin de quelqu'un pour s'occuper d'elle. Mais en quelques
jours...
Même si cela prend quelques jours, si c'est la façon dont le cocktail de médicaments contre le sida vous affecte, même si vous pouvez arrêter le traitement à ce moment-là, non seulement c'est un grand soulagement, mais cela change votre vie. Ce n'est pas seulement que votre traitement médical est changé, mais il y a aussi probablement l'intimité que vous partagez avec votre conjoint et vos enfants. C'est quelque chose qui change votre vie. Donc, même si cela prend quelques jours et même si vous avez commencé un traitement, cela déterminera celui que vous allez suivre par la suite.
Tous les témoins à qui j'ai parlé m'ont dit que l'on ne peut pas s'imaginer à quel point on est soulagé psychologiquement et personnellement lorsque les résultats de l'analyse de sang sont connus et qu'ils sont négatifs.
M. Jay Hill: Je n'ai pas d'autres questions, monsieur l'Orateur—je veux dire, monsieur le président.
Le président: Ça alors, encore une fois et je vais mettre la chose aux voix. J'aime beaucoup Kingston, mais je préfère Fredericton.
Allez-y, monsieur Owen.
M. Stephen Owen (Vancouver Quadra, Lib.): Merci.
Merci, monsieur Strahl, de vous être montré aussi persévérant pour déposer ce projet de loi. C'est une question importante pour nous tous et pour tous les Canadiens. Elle aurait pu facilement passer aux oubliettes si vous n'aviez pas continué à vous en occuper. Nous sommes certes très contents, de côté du gouvernement, de vous voir à nouveau comparaître devant nous et nous sommes impatients d'interroger des témoins de façon plus approfondie qu'il n'a été possible de le faire lorsque ce texte a été renvoyé au comité la dernière fois. Donc, tout est bien qui finit bien.
Je pense que votre présentation a été utile parce que vous avez exposé toutes les questions qui se posent. Manifestement, nous voulons examiner celles qui ont trait à la Charte. Même s'il est vrai, comme vous dites, que la plupart des nouvelles lois qui concernent la vie des gens sont maintenant contestées, à un moment ou à un autre, en invoquant la Charte, cela ne veut pas dire que la procureure générale ou la ministre de la Justice, à titre de procureure générale, peut déposer un projet de loi ou en appuyer un si elle doute de sa légalité par rapport à la Charte. De fait, elle a une responsabilité, une responsabilité constitutionnelle, à titre de conseillère juridique du Parlement et du gouvernement, de s'opposer aux projets de loi qui, à son avis, pourraient violer la Charte.
Cela dit, je pense que vous avez évoqué certains des tests réellement importants. Est-ce que le test par rapport à l'article 1 est rationnel? La mesure est-elle la moins intrusive possible? Est- elle proportionnelle au risque? Est-ce réellement une question de gérer un risque dans le sens où l'on considère la probabilité d'un incident et ses conséquences. Si un tel incident est probable, s'il peut avoir des conséquences catastrophiques, alors, évidemment, cela justifie des mesures plus intrusives vis-à-vis des droits qui, autrement, assureraient la protection des renseignements personnels et de la sécurité de la personne en vertu de la Charte.
C'est donc le type de question que nous allons examiner, je suppose. Combien de fois ce genre d'incident arrive-t-il? Combien y a-t-il eu de cas où des travailleurs de première ligne ou des bons samaritains ont été infectés?
Le parallèle avec les hôpitaux, que vous avez mentionné, est très important, je pense, d'un côté comme de l'autre. D'une part—et vous m'en avez parlé en privé auparavant, je pense—un hôpital est un milieu beaucoup plus contrôlé, et ce n'est donc pas exactement comparable. D'autre part, les chirurgiens qui travaillent avec des seringues et souvent, avec des fils en métal et des os brisés, et ainsi de suite, courent le risque en question plus souvent.
La question de l'opportunité est importante—la mesure dans laquelle une telle législation est intrusive à l'égard de la personne source, sur le plan du partage des renseignements personnels requis. Pouvons-nous ériger à cet égard les protections efficaces dont vous avez parlé? Je pense qu'il s'agit là de questions qui sont toutes importantes.
Il y a une chose que vous avez dite aujourd'hui et qui m'a frappé, lorsque vous avez parlé de la policière, c'est le côté psychologique de l'expérience, combiné à la violence du cocktail de médicaments qui est administré et à ses conséquences physiques, ainsi qu'à l'épreuve que cela représente au plan psychologique.
Je vous remercie d'être venu témoigner. Je pense que vous avez bien décrit les questions qui se posent. Nous aurons l'occasion d'approfondir le sujet.
• 1600
Peut-être puis-je conclure en posant une question: connaissez-
vous le nombre de cas d'infection parmi le groupe que vous décrivez
comme des travailleurs de première ligne ou des bons samaritains?
Est-ce quelque chose qui arrive souvent ou qui est arrivé souvent
ou bien est-ce plutôt quelque chose qui n'arrive pas souvent, mais
dont les conséquences, physiques et psychologiques, sont
potentiellement catastrophiques?
M. Chuck Strahl: Merci.
Pour vous répondre, je dirais que j'ai demandé à plusieurs organismes nationaux de commencer à essayer de déterminer cela. Ils ont juste accumulé des centaines de fiches anecdotiques à ce propos. Ils peuvent vous donner toute une pile de documents concernant des douzaines d'ambulanciers, par exemple, qui ont été contaminés tant de fois qu'ils ont renoncé. Ils se disent tout simplement: «C'est la dixième fois que j'ai une piqûre de seringue cette année. Soit je vis en prenant ce cocktail de médicaments contre le sida, soit je cours le risque.»
Certes, il est rare d'attraper comme ça le sida ou d'être infecté par le VIH. Le problème, ce n'est pas combien de fois vous êtes infecté. Je dirais que les statistiques qui ont le plus d'intérêt sont celles qui portent sur la fréquence des traitements que suivent ces travailleurs. Comme vous l'avez mentionné, le trauma est dû au traitement, et se demander si on doit le suivre ou non, c'est... Seules quelques personnes attrapent le sida ou sont infectées par le VIH, mais elles sont nombreuses à suivre le traitement préventif sans nécessité, parce qu'on ne sait jamais.
Souvent, ce qui arrive, c'est qu'ils sont en train d'essayer de faire une intraveineuse à un drogué qui est dans le coma ou qui fait une crise d'épilepsie. Les travailleurs paramédicaux essaient de le maîtriser. Bien entendu, le gars n'a aucune idée de ce qui se passe. Il est en convulsions. Les ambulanciers essaient de poser l'intraveineuse pour sauver la vie du gars, pendant que l'ambulance se dirige à toute vitesse vers l'hôpital. Ils arrivent à introduire la seringue, elle ressort, et ils se font piquer. À peu près au quatrième essai, parce que le gars n'arrête pas de bouger les bras dans tous les sens, ils arrivent enfin à maintenir la seringue dans la veine pendant assez longtemps pour commencer la perfusion.
Comme ils disent, vous voyez alors les choses sous un autre angle et alors, vous pensez à vous. Maintenant, qu'est-ce que je fais? Leurs histoires se répètent tellement que vous pourriez presque jurer que c'est la même personne qui vous les raconte, parce qu'en fait, ils se disent: «Mon Dieu, et si j'ai attrapé le sida?» C'est la première chose qui leur vient à l'esprit. Ensuite, ils se disent: «Qu'est-ce que je devrais faire vis-à-vis ma famille?»—chaque fois c'est la même chose. On ne sait tout simplement pas quoi dire. Ils se disent: «Je ne peux pas avoir de relations intimes avec mon conjoint pendant six mois ou un an, pendant que je suis ce traitement», ou «Je ne sais pas quoi faire, si j'embrasse mes enfants... Qu'est-ce que je fais? Quelles précautions devrais-je prendre?»
C'est la même histoire. J'ai entendu la même histoire des dizaines de fois. Ils passent tous par la même expérience traumatisante.
Alors, ils suivent le traitement parce qu'ils n'ont pas le choix. Ils suivent le traitement parce qu'ils se disent que c'est soit ça, soit leurs familles. Ils se plient à ce traitement. Souvent, cela les empêche de travailler. J'en ai entendu quelques- uns dire, notamment après qu'ils aient été blessés par des seringues, qu'après avoir subi tant de blessures de cette sorte, on abandonne. On ne peut pas vivre en prenant un tel cocktail de médicaments. Alors, on espère simplement ne rien avoir attrapé et surtout, ne pas transmettre quoi que ce soit à sa famille.
Je pense simplement que ce n'est pas juste. Je pense que l'on devrait pouvoir dire que dans le seul cas sur 500 où il y a contact avec quelqu'un qui est porteur de la maladie, la personne concernée devrait prendre le cocktail de médicaments requis. Dans tous les autres cas, dans les cas où le gars en question n'est porteur d'aucune maladie, personne ne devrait être obligé de subir un tel traitement et personne ne devrait être obligé non plus de faire courir des risques à sa famille.
Il s'agit simplement d'un traitement médical. Personne ne devrait être accusé de quoi que ce soit ni être mis en prison. Il s'agit simplement de donner un traitement médical approprié aux gens qui risquent leur vie pour nous. Je crois que pour eux, c'est ce dont traite ce projet de loi.
Le président: Merci.
Monsieur Hill.
M. Jay Hill: Merci, monsieur le président.
Les observations de M. Owen m'ont rappelé quelque chose et je voudrais juste demander au parrain du projet de loi de faire quelques commentaires à ce sujet. Naturellement, ce n'est dans l'intérêt de personne, certainement pas des gens que vous essayez d'aider en présentant ce texte législatif, de voir la question faire l'objet d'une partisannerie quelconque. Cela dit, quand j'entends demander combien de personnes devraient risquer leur vie pour justifier une confrontation avec la Charte, cela me rappelle que lorsque les gouvernements—et ce gouvernement est un exemple à cet égard—ont la volonté politique nécessaire pour imposer quelque chose, une initiative législative dont ils sont convaincus qu'elle est dans l'intérêt public... J'ai souvent entendu dire, comme vous, j'en suis sûr, à la Chambre et ailleurs, que si c'est pour sauver une vie, cela en vaut la peine. C'est ce que m'a rappelé la remarque de M. Owen lorsqu'il a demandé combien de gens courent ce risque.
• 1605
Je me demande si vous avez des commentaires à faire à ce
sujet, parce qu'il me semble que c'est le même genre d'argument que
j'ai entendu à propos de la nature intrusive du projet de loi C-68,
le texte sur les armes à feu, par exemple. Les députés du
gouvernement, et la ministre de la Justice elle-même, ont utilisé
cet argument: si cela permet de sauver une seule vie, quel prix
pouvez-vous donner à la vie de la personne concernée? Ils ont
maintenu que cela valait la peine de voir la législation contestée
en vertu de la Charte et d'ailleurs, la législation s'est avérée à
l'épreuve des contestations qui ont été faites en vertu de la
Charte. C'est un fait, et il se pourrait qu'il y ait d'autres
contestations à l'avenir, je ne sais pas. Quoi qu'il en soit,
c'était l'argument définitif invoqué à propos de ce texte
législatif, et le gouvernement a eu la volonté politique nécessaire
pour l'imposer. Je ne suis pas d'accord mais, cela dit, c'est ce
qui s'est passé. Je pense parfois qu'un projet de loi comme celui-
ci, si le gouvernement ou encore le Parlement, collectivement—ce
qui serait encore mieux—avait la volonté politique nécessaire,
résisterait aussi aux contestations qui pourraient être présentées.
Le président: Monsieur Strahl.
M. Chuck Strahl: C'est en partie une décision politique, vous avez raison. Vous allez entendre les arguments pour et contre, ils ont été invoqués par les témoins et également lors des interventions. Moi-même, je reconnais qu'il y a du pour et du contre. Cependant, dans la première partie de la Charte canadienne des droits et libertés, à l'article 1, il est stipulé que la Charte «garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que...dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.» Je pense donc que la tâche du comité est de déterminer si cette justification peut se démontrer.
Il est tout à fait possible d'appeler des dizaines de témoins, et je pense qu'au plan psychologique, ce pourrait être utile, mais la question que le comité doit résoudre est la suivante: est-ce que ce texte législatif a une justification qui puisse se démontrer? Est-ce que cela va permettre de sauver des vies? Comme je l'ai mentionné plus tôt, il y a des centaines de gens qui sont infectés de cette manière. Il y a des centaines de gens dont la vie est gravement perturbée par ce genre d'incident, même s'ils ne meurent pas. Ils prennent un cocktail de médicaments qui produit toutes sortes de choses; cela fait tomber vos cheveux, cela affecte vos organes reproducteurs, cela cause des dommages internes. Comme je l'ai dit, cela peut vous mettre complètement à plat, vous empêcher de travailler, avoir des conséquences catastrophiques sur votre mariage. Cela peut aboutir à tout cela. En bout de ligne, vous pouvez dire, oui, mais ils ne meurent pas. Toutefois, la question qui se pose est celle-ci: y a-t-il une justification qui puisse se démontrer pour demander un échantillon de sang et empêcher à des centaines de personnes de subir un tel traumatisme? Je pense que oui. Mais, comme je l'ai mentionné, c'est un des tests que le comité doit considérer: est-ce que le texte législatif passe le test de l'article 1? Je pense que oui. Je suis convaincu que oui.
Je ne sais pas si cela intéresserait le président, mais j'ai des dizaines de récits d'histoires personnelles que je peux lui transmettre s'il pense que cela pourrait être utile. Évidemment, il y a aussi la longue liste que j'ai fait distribuer lorsque le projet de loi a été déposé à la Chambre, la liste des dizaines et des dizaines d'organismes qui l'ont appuyé. Mais si vous voulez savoir comment la vie de ces gens-là est affectée, ils vous raconteront tous ce qu'ils ont traversé, au plan psychologique et l'expérience traumatique qu'ils ont vécue, eux et leurs familles.
Le président: Nous accepterons toutes les preuves que vous voudrez bien nous transmettre, j'en suis sûr, et j'invite les membres du comité à communiquer avec la greffière s'ils souhaitent y jeter un coup d'oeil.
Je donne la parole tout d'abord à M. Myers et ensuite, à M. Owen, et ce sera tout.
M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Monsieur le président, je voulais tout d'abord dire à M. Strahl qu'il a cerné, ce me semble, une question très importante. Je connais bien le problème personnellement. J'ai été préposé aux soins pendant quatre ou cinq ans, pour payer mes études universitaires. Je sais ce que c'est que de faire des piqûres; je connais les différentes procédures médicales. Il est certain que vous courez certains risques lorsque vous faites ce genre de travail.
• 1610
Je pense que l'argument que vous avez fait valoir est bon;
peut-être n'est-ce pas aussi important de savoir combien de gens
sont infectés par le VIH ou encore l'hépatite C ou l'hépatite B,
mais plutôt combien de gens doivent prendre les médicaments qui
sont administrés à titre préventif. Pourriez-vous essayer d'obtenir
ces statistiques? Je pense que ce serait utile.
Par ailleurs—et c'est aussi, je pense, un autre argument invoqué par M. Owen—vous avez dit qu'il existe des preuves anecdotiques en ce qui concerne les autres. Si vous pouviez contacter les groupes qui s'intéressent à la question pour voir quel genre de preuves anecdotiques ils possèdent, cela me serait certainement utile, à moi et, j'en suis sûr, aux membres du comité. Si vous pouviez voir quel genre de preuves empiriques, de preuves chiffrées et de preuves anecdotiques existent, aussi bien en ce qui concerne le nombre de gens qui ont couru des risques et qui ont choisi de prendre le cocktail de médicaments, comme vous dites, qu'en ce qui concerne l'expérience traumatique qu'ils ont vécue en conséquence, ce serait utile.
M. Hill a fait une observation à propos de la législation sur les armes à feu. Le gouvernement a pris en compte le nombre de décès. Vous examinez ce genre de preuve et ensuite, vous réagissez. Vous vous dites que vous voulez une législation qui permette de contrôler les armes à feu, parce que vous pensez que cela va sauver des vies. Je pense que le même argument peut être avancé dans ce cas-ci, mais auparavant, nous avons besoin de ces preuves.
Merci.
M. Chuck Strahl: Merci.
Le président: Voulez-vous répondre ou puis-je passer la parole à M. Owen?
M. Chuck Strahl: Je donnerai cette documentation à la greffière et elle pourra la distribuer, si cela vous convient.
Le président: Finalement, monsieur Owen. Ensuite, M. Strahl aura le mot de la fin.
M. Stephen Owen: Merci.
Il y a autre chose, monsieur Strahl, qu'il serait intéressant d'examiner, c'est le nombre de personnes qui ont refusé de donner un échantillon dans des situations d'urgence. Il y a peut-être un lien. Il y a un lien entre le nombre de personnes qui ont absorbé ce cocktail de médicaments et le nombre de personnes qui ont refusé de donner des échantillons de sang, comme le gars dont vous avez parlé qui l'a fait pour un hamburger. Peut-être que s'il y a une loi, cela encouragera plus de gens à se plier à ce genre de chose, mais à l'heure actuelle, est-ce qu'il y en a beaucoup qui refusent?
L'exemple de l'enregistrement des armes à feu est intéressant, et je suis heureux d'entendre dire qu'au moins une partie de la décision de la Cour suprême du Canada à ce propos a eu pour vous des résultats positifs.
Des voix: Oh, oh!
M. Chuck Strahl: Des résultats positifs en ce qui concerne ce projet de loi, en tous cas.
Lorsque nous en avons discuté avec l'Association canadienne des travailleurs médicaux, par exemple, ils avaient toutes ces preuves anecdotiques, mais pas beaucoup de statistiques. Il y a dix provinces, et personne n'est obligé d'appartenir à l'organisme. Les gens qui en font partie sont membres parce qu'ils le veulent bien, et il est donc difficile parfois d'obtenir des chiffres. Mais je les ai encouragés à recueillir ces données, parce que je sais quelles questions vont être posées et quels commentaires vont être faits ici. Les gens vont vouloir savoir si c'est quelque chose qui n'a affecté que deux ou trois personnes.
Par exemple, si vous demandez à Isobel Anderson de revenir témoigner, vous allez découvrir que même dans un seul des postes d'un corps policier, la police d'Ottawa, il y a tout un tas de gens qui ont été affectés, qu'elle connaît et dont elle pourra vous donner la liste. Ce n'est qu'un poste de police dans une ville, et ce ne sont que les cas connus d'une seule personne. Parmi les noms de témoins que j'ai transmis à la greffière, il y a le président de l'Association des Travailleurs Médicaux, qui pourra vous donner des informations sur une ville, vous dire de combien de cas il est au courant. Il se peut que vous ayez à extrapoler un peu, parce qu'il n'est pas obligatoire de donner ce genre d'information. Personne ne recueille de statistiques. Ce n'est pas comme si vous étiez tenu d'en faire rapport.
Souvent, ce qui arrive, c'est que les gens, en général...je vais donner ce document à la greffière également pour que vous puissiez le lire. Certaines personnes disent simplement: «J'ai cessé d'en faire état parce que j'en suis arrivé au point où je me rends compte que cela fait partie de mon travail.» C'est comme le chirurgien à qui j'ai parlé. Évidemment, étant chirurgien, il met deux paires de gants l'une sur l'autre, il suit toutes les procédures, il utilise tous les moyens préventifs, il a toute la formation nécessaire, et ainsi de suite. Il m'a dit: «Je vous défie de faire une opération chirurgicale sur une cage thoracique ouverte à la suite d'un accident, avec les fragments d'os et tous les problèmes que cela implique, et de ne pas vous couper. Vous allez vous couper; vous ne pouvez rien y faire.»
• 1615
La plupart du temps, ces patients donnent volontairement un
échantillon sanguin et tout se passe bien. Mais comme il dit, vous
intervenez d'urgence sur la victime d'un accident, il y a des
fragments d'os, des problèmes et tous ces détails horribles
auxquels, fort heureusement pour moi, je ne suis pas confronté tous
les jours. Mais lorsqu'on demande à un chirurgien d'aller fouiller
là-dedans... Il dit qu'il va se couper de temps en temps, même s'il
fait attention, en dépit du nombre de paires de gants qu'il enfile.
Il va y avoir un fragment d'os pointu qui va passer à travers.
Alors, pendant tout le temps que dure le reste de l'intervention,
il pense: «Est-ce que cette fois-ci, c'est la bonne?»
M. Stephen Owen: J'ai une dernière question à ce sujet, monsieur le président.
Plutôt que d'extrapoler à partir des preuves anecdotiques et des témoignages que peuvent nous donner les représentants d'un poste de police, nous pourrions communiquer avec le Collège des médecins et chirurgiens parce qu'évidemment, ils recueillent des données anonymes sur le nombre de ces cocktails de médicaments qui sont prescrits. Nous pourrions obtenir ces informations de cette façon.
M. Chuck Strahl: Certainement. C'est une excellente suggestion. J'y donnerai suite.
Par ailleurs, M. Myers a demandé précédemment s'il existe des données statistiques. Par exemple, le jeune homme dont je vous ai parlé a été traité à l'hospice de Vancouver qui offre des soins aux victimes du sida, la Société de prévention du sida. Cette société veille de très près à préserver le caractère confidentiel de ses informations. J'espère qu'elle nous donnera des statistiques, mais c'est très confidentiel, cela se comprend; elle ne donne aucun renseignement personnel. Mais peut-être nous donnera-t-elle certains chiffres et nous dira-t-elle quels sont ceux qui correspondent à... Je ne sais pas si elle conserve des statistiques distinctes.
C'est un problème; il y a tant de gens qui se font traiter. Je vais voir si, dans ses statistiques, la société fait une distinction entre les gens qui ont été traités à la suite de piqûres de seringue accidentelles et ceux qui se sont présentés parce qu'ils s'injectent des drogues par voie intraveineuse. Cela me surprendrait presque que ce genre de statistiques distinctes soient tenues, mais je vais certainement m'informer.
M. Stephen Owen: Très bien.
Le président: Je vous remercie, monsieur Strahl et messieurs les députés. Nous nous réunirons à nouveau après les vacances et nous continuerons à délibérer du projet de loi de M. Strahl.
Je vous rappelle que demain matin, à 9 h 30, nous nous réunirons pour commencer à examiner la question des troubles mentaux dans le cadre du Code criminel. Je m'attends à ce que vous soyez tous ici, pleins d'enthousiasme.
Merci. La séance est levée.