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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 29 mars 2001

• 1110

[Traduction]

Le vice-président (M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.)): Nous avons le quorum, et je vais donc ouvrir la séance.

Pour ceux d'entre vous qui êtes de nouveaux membres et ne me connaissez pas, je suppose que bien des gens vous diraient que vous avez de la chance. Mais quand je suis assis ici, je n'appartiens plus à aucun parti politique. Je suis impartial. Votre temps de parole ne dépassera jamais sept minutes, car je ne sais pas compter jusqu'à huit. Je souhaite à tous une réunion agréable et productive.

Madame la ministre, bienvenue. Nous sommes très contents de vous revoir—cela fait à peine 24 heures.

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureure générale du Canada): Oui, je sais; nous nous voyons beaucoup ces jours-ci.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Nous accueillons donc ce matin la ministre ainsi que Judith Bellis. Vous n'êtes que deux.

Mme Anne McLellan: Mais nous avons l'appui de bien d'autres.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Oui, de ceux qui travaillent dans les coulisses. Je vous invite à faire votre déclaration dès que vous serez prête.

Mme Anne McLellan: Merci, monsieur le président.

[Français]

Bonjour, monsieur le président et chers membres du comité. Je ne m'attendais pas à avoir le plaisir de revenir au comité si vite, mais comme d'habitude, je suis ravie d'être ici.

[Traduction]

Comme le savent déjà les membres du comité, le projet de loi que nous examinons ce matin est le projet de loi C-12, Loi modifiant la Loi sur les juges et une autre loi en conséquence. Ce projet de loi apporte certaines modifications à la Loi sur les juges en vue de garantir à la magistrature fédérale du Canada une rémunération adéquate et équitable. Cette mesure législative a pour objet de donner suite aux engagements pris par le gouvernement dans sa réponse au rapport de la Commission d'examen de la rémunération des juges de 1999 chargée d'examiner la rémunération et les avantages sociaux des juges.

Comme je l'ai dit à la Chambre en lançant le débat à l'étape de la deuxième lecture, l'actuel gouvernement estime que la force de la magistrature canadienne est un facteur clé dans notre prospérité et notre santé en tant que nation. En tant que gardiens du droit constitutionnel des Canadiens à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement, les juges constituent un pilier important de notre société démocratique.

Vous connaissez tous sans doute le professeur Peter Russell, qui est un expert constitutionnel fort respecté concernant la magistrature canadienne. Dans le même esprit que John Locke deux siècles auparavant, le professeur Russell a fait l'observation que voici:

    Si un gouvernement doit reposer sur le consentement rationnel des êtres humains, l'arbitrage des conflits par des juges impartiaux doit nécessairement constituer un élément essentiel du (coupé) political society.

La primauté du droit suppose l'existence d'une magistrature indépendante. Les juges doivent être à l'abri de tout éventuel abus d'influence de la part de personnes ayant de l'argent ou du pouvoir. On reconnaît de plus en plus que la stabilité, la sécurité humaine et la primauté du droit sont des conditions essentielles à la croissance économique. De même, une magistrature indépendante dotée des ressources nécessaires est désormais considérée comme un premier pas vers la réalisation de cet objectif.

[Français]

Le système judiciaire canadien fait l'envie du monde entier en raison de sa qualité, de son dévouement et de son indépendance. Pour plusieurs pays, nos tribunaux, présidés par des juges efficaces, impartiaux et protégés contre toute ingérence, ne représentent qu'un idéal espéré. De plus en plus, nos tribunaux et nos juges sont perçus comme des modèles d'intégrité et d'impartialité par les nations démocratiques en développement qui tentent de mettre sur pied des systèmes justes et efficaces.

[Traduction]

Il suffit d'ouvrir le journal ou d'écouter les informations internationales pour que nous soit rappelé le rôle important que joue une magistrature courageuse, indépendante et impartiale dans la protection des fondements mêmes d'une société libre et civile. Et comme bon nombre des droits et avantages dont jouissent tous les Canadiens, il ne faut pas sous-estimer l'importance d'une magistrature indépendante ou la tenir pour acquise. Sans elle, le Canada serait un pays très différent.

Je constate avec une grande fierté que l'on a eu recours à l'expérience et à l'expertise canadiennes pour la mise sur pied d'un appareil judiciaire dans bon nombre régions et de pays différents, tels que l'ex-Union soviétique, y compris l'Ukraine et le Kosovo, l'Afrique du Sud et la Chine. D'ailleurs, vous êtes sans doute au courant du fait que lors d'une récente visite en Chine, le premier ministre a parlé du projet coopératif quinquennal touchant la formation des juges entrepris avec beaucoup de succès par nos deux nations. La contribution canadienne concernant la formation des juges chinois dans des domaines tels que la déontologie et l'indépendance de la magistrature sera incorporée dans le programme d'études destiné aux juges.

• 1115

Le premier ministre lui-même a bien résumé les raisons pour lesquelles une magistrature indépendante est si importante lorsqu'il a dit ceci:

[Français]

    En effet, aussi bien rédigés que soient les textes de loi, il ne saurait y avoir de justice sans procès équitable mené par un appareil judiciaire compétent, indépendant, impartial et efficace. Un appareil judiciaire qui applique la loi de la même façon à tous les citoyens. Sans distinction de sexe, de condition sociale, de croyance religieuse ou ou d'opinion politique.

[Traduction]

Le gouvernement du Canada est résolu à respecter le principe de l'indépendance judiciaire, étant donné que ce dernier constitue une condition sine qua non pour garantir la primauté du droit dans notre système de gouvernement démocratique. Selon la Constitution, les trois composantes essentielles de l'indépendance judiciaire sont l'inamovibilité, l'indépendance de la fonction administrative pour toute question touchant les responsabilités des juges, et la sécurité financière.

Dans son étude pionnière sur l'indépendance et la responsabilité judiciaire, le professeur Martin Friedland a fait remarquer ceci:

    [...] si le traitement d'un juge dépend du bon vouloir du gouvernement, ce dernier ne jouira pas de l'indépendance qui doit, à notre avis, caractériser la magistrature. Si le gouvernement avait le pouvoir d'augmenter les traitements des juges, que ce soit individuellement ou même collectivement, il pourrait effectivement exercer un contrôle considérable sur la magistrature.

Monsieur le président et membres du comité, c'est justement pour étayer le principe de l'indépendance judiciaire que l'article 100 de la Constitution confère au Parlement l'importante tâche de garantir la sécurité financière des juges nommés par les autorités fédérales. C'est aux parlementaires de s'assurer que la rémunération de nos juges est juste et adéquate, et ce pour maintenir la qualité élevée et l'indépendance de notre magistrature.

En 1981, le Parlement a créé une commission indépendante chargée d'examiner la rémunération et les avantages sociaux des juges pour l'aider à s'acquitter de la tâche que lui confie l'article 100 de la Constitution. La Cour suprême du Canada expliquait ainsi l'objet d'une commission indépendante de ce genre:

    [...] la sécurité financière des tribunaux en tant qu'institution repose sur trois éléments, qui découlent tous de l'impératif constitutionnel selon lequel, dans la mesure du possible, les relations entre la magistrature et les autres organes du gouvernement doivent être dépolitisées. [...] cet impératif suppose que les tribunaux soient à l'abri et semblent être à l'abri de toute ingérence politique prenant la forme d'une manipulation d'ordre économique de la part d'autres organes du gouvernement, et que ces derniers ne soient pas mêlés à l'aspect politique de leur rémunération par le Trésor public.

En 1998, le Parlement a modifié la Loi sur les juges pour élargir encore l'indépendance, l'objectivité et l'efficacité générale de la Commission, encore une fois pour soutenir le principe de l'indépendance judiciaire. Plutôt que de la remplacer, la nouvelle Commission cherchait à prendre appui sur les forces de l'ancienne Commission. Le Parlement a ensuite élargi l'indépendance de la nouvelle Commission en optant pour un processus touchant le mandat des membres qui prévoient leur mise en candidature. Ainsi le mécanisme de sélection retenu prévoit que la magistrature et le gouvernement proposent chacun un candidat qui deviendra membre de la Commission. Ensuite ces deux membres proposent une troisième personne qui agit à titre de président.

La Commission est tenue de mener une enquête tous les quatre ans et de faire des recommandations au sujet du caractère adéquat ou non de la rémunération des juges. Le Parlement a d'ailleurs renforcé encore l'objectivité de la Commission en fixant des critères qui doivent servir de guide pour déterminer ce qui peut être considéré comme des traitements, avantages sociaux et allocations appropriés. Ces critères objectifs—et je ne les nomme pas dans un ordre particulier—comprennent les conditions économiques au Canada, le coût de la vie, la situation économique et financière globale du gouvernement fédéral; le rôle de la sécurité financière de la magistrature en tant que garantie de l'indépendance judiciaire; la nécessité d'attirer des candidats exceptionnels; et tout autre critère objectif jugé pertinent par la Commission.

• 1120

Monsieur le président, la qualité et la rigueur de son rapport témoigne du soin avec lequel la Commission a préparé et mené ses délibérations. Bien que le gouvernement ne soit peut-être pas d'accord avec toutes ses conclusions, il est clair que la Commission s'est efforcée d'expliquer et d'étayer de faits concrets les arguments qu'elle a avancés, dans la mesure où c'était possible. J'espère que tous les membres qui ne l'ont pas encore fait voudront lire le rapport de la Commission et la réponse que lui a adressée le gouvernement.

Certains prétendaient lors du débat tenu à l'étape de la deuxième lecture que ce processus restructuré compromet ou limite d'une certaine manière le rôle du Parlement pour ce qui est de fixer les traitements des juges. Ainsi il me semble important de vous signaler que les recommandations de la Commission n'ont pas force obligatoire. La situation n'a aucunement changé pour ce qui est du pouvoir exclusif—pouvoir que lui confère la Constitution—de fixer la rémunération des juges.

Cela dit, si le Parlement décide de rejeter ou de modifier les recommandations de la Commission, de par la loi et la Constitution, il est tenu de fonder sa décision sur des motifs raisonnables. Vu le mandat constitutionnel de la Commission indépendante, il s'agit là d'une exigence raisonnable qui garantira que le public aura confiance dans ses décisions.

Le gouvernement est résolu à assurer l'efficacité du processus relatif à la Commission d'examen de la rémunération des juges afin de soutenir le principe de l'indépendance judiciaire. Nous sommes convaincus que tous les membres comprendront l'importance que revêt cette première réponse officielle au nouveau processus pour ce qui est de persuader le public de la légitimité de ce dernier.

Quant aux dispositions précises du projet de loi, monsieur le président, le gouvernement se propose de donner suite à la plupart des recommandations de la Commission, y compris celles touchant les traitements. Étant donné les nombreux facteurs pris en compte par la Commission indépendante, y compris les tendances observées dans les secteurs à la fois public et privé, le gouvernement est d'avis que les propositions salariales du projet de loi C-12 peuvent être considérées à la fois raisonnables et appropriées pour ce qui est de respecter le principe constitutionnel de la sécurité financière.

Certaines indemnités comptables qui sont inchangées depuis 1989 augmenteront et un régime d'assurance-vie semblable à celui dont bénéficient les hauts fonctionnaires, sera également offert. Le projet de loi apporte également de modestes améliorations au régime actuel de pension des juges, y compris une pension proportionnelle après 10 ans de service.

Cela dit, le gouvernement n'est pas prêt à donner suite à toutes les recommandations de la Commission. Par exemple, nous attendons que les consultations avec les provinces et territoires soient conclues pour donner suite aux propositions visant à accroître le nombre de juges surnuméraires ou à temps partiel. Je tiens à préciser, monsieur le président, qu'il y a environ deux ans, j'ai convenu avec mes collègues provinciaux et territoriaux d'examiner la situation concernant les juges surnuméraires. Deux de mes homologues provinciaux coprésident cette initiative, et nous nous attendons à recevoir un rapport à la prochaine réunion fédérale/provinciale/territoriale, ou encore dans un avenir rapproché. Pour moi, le travail entrepris par mes collègues provinciaux est important, et il pourrait être d'une très grande utilité pour ce qui est de déterminer notre ligne de conduite à l'égard des juges surnuméraires.

De plus, le gouvernement n'a pas retenu la recommandation de la Commission concernant les honoraires. À notre avis, la proposition de la Commission ne fixe pas des limites raisonnables pour de telles dépenses. Nous proposons à la place une formule législative qui permettrait de tenir compte du coût de la participation des juges à l'appareil judiciaire tout en limitant l'importance des honoraires.

[Français]

Pour conclure, monsieur le président, le Canada est en effet fier d'avoir une magistrature qui fait l'envie du monde entier en raison de sa compétence, de son dévouement, de son indépendance et de son impartialité.

[Traduction]

La Constitution impose au Parlement le devoir de fixer les traitements des juges, leur régime de pension et leurs indemnités à un niveau suffisant pour soutenir l'indépendance judiciaire.

Comme l'a fait observer le premier ministre lors de sa visite en Chine:

    Personne ne peut être au-dessus des lois. Et personne ne doit être négligé par les lois ou se voir refuser la protection qu'elles offrent. Et pour qu'elles soient appliquées de manière impartiale, la primauté du droit suppose qu'il y aura une séparation très nette entre le procureur et la personne qui sera appelée à juger l'affaire.

• 1125

C'est justement pour sauvegarder le principe de l'indépendance judiciaire que traduit cette déclaration que le gouvernement a déposé le projet de loi C-12. Je vous recommande de l'examiner avec soin. Je suis maintenant à votre disposition pour écouter vos commentaires et répondre à vos questions.

[Français]

Je vous remercie beaucoup, chers collègues.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ivan Grose): Est-ce que Mme Bellis voudrait faire une déclaration?

Mme Anne McLellan: Non. Elle est là pour répondre aux questions techniques des membres en ce qui concerne les calculs et d'autres éléments...

Le vice-président (M. Ivan Grose): Autrement dit, vous ne répondez pas aux questions techniques.

Mme Anne McLellan: À certaines questions techniques, oui, mais il est préférable que je ne passe pas trop de temps à examiner en détail tous les chiffres.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci.

Monsieur Toews, vous avez sept minutes.

M. Vic Toews (Provencher, AC): Merci, monsieur le président.

Je ne voudrais pas consacrer trop de temps à cette question, mais j'aimerais tout de même exprimer certaines préoccupations à l'égard du projet de loi et poser quelques questions à la ministre.

D'abord, il semble clair qu'il n'y a aucune pénurie de candidats pour le poste de juge de la Cour supérieur. C'est peut- être vrai dans certaines provinces seulement.

Même si je comprends que nous devons absolument avoir le moyen d'accorder des augmentations salariales aux fonctionnaires—et j'inclus les juges dans cette catégorie—ces augmentations salariales doivent tout de même cadrer avec les salaires moyens de Canadiens qui font un travail comparable. Nous avons d'ailleurs pris bonne note du fait que le gouvernement a cru bon d'accorder d'importantes augmentations salariales aux hauts fonctionnaires et à d'autres alors que les agents de police qui travaillent sur la première ligne et les fonctionnaires des échelons inférieurs n'ont rien reçu ou presque.

J'ai justement certaines préoccupations en ce qui concerne la GRC. Vu le potentiel de corruption, il me semble normal que nous examinions la situation des membres de la GRC et d'autres agents de police pour nous assurer qu'ils reçoivent une rémunération appropriée. Si nous sommes si préoccupés par la situation des juges, il semble tout aussi justifié de vouloir traiter équitablement les agents de la GRC, dont les salaires ont été bloqués pendant plus de cinq ans et qui ont récemment reçu une augmentation salariale de seulement quelques points de pourcentage.

Je voulais également déclarer publiquement que nous avons des réserves en ce qui concerne la procédure de constitution de la Commission d'examen de la rémunération des juges. Cette commission est composée d'une personne choisie par la magistrature, d'une personne choisie par le ministre de la Justice, et d'un président qui est nommé par les deux autres membres. Je crains que cette structure ne permette pas aux gens de la base de participer au processus. Je demanderais donc à la ministre d'en tenir compte à l'avenir.

Mon autre préoccupation concerne, bien entendu, la méthode de nomination des juges, même si je ne compte pas aborder la question en détail aujourd'hui. Il faut absolument doter tout ce processus d'une plus grande transparence, notamment pour ce qui est de la Cour suprême du Canada, qui est appelée à prendre des décisions tous les jours sur des questions d'ordre social et juridique. Les gens ont de plus en plus peur que la ligne de démarcation entre le Parlement et la magistrature ne s'estompe, et que cette dernière n'empiète sur les responsabilités du Parlement. Beaucoup de parlementaires sont de cet avis. Il faut absolument être conscient de ce danger.

Cependant, pour ce qui est des traitements, c'est-à-dire l'augmentation salariale retenue par le gouvernement—plus précisément l'augmentation de 11 p. 100 et des traitements annuels de 200 000 $ ou de 250 000 $ pour le juge en chef—peut certainement, dans certaines régions du pays du moins, être considérée comme particulièrement généreuse. Dans d'autres localités, Toronto ou Vancouver, par exemple, il est bien possible que des augmentations de cette ampleur cadrent parfaitement bien avec celles qu'on accorde dans le secteur privé. Je ne peux pas me prononcer là-dessus, étant donné que je ne suis pas de ces localités-là. Peut-être que d'autres membres du comité pourront nous renseigner à cet égard. En réalité, l'uniformité peut peut- être entraîner des injustices, étant donné les différences de coûts que peuvent avoir à supporter les juges et d'autres facteurs de ce genre.

• 1130

Madame la ministre, avez-vous réexaminé la possibilité de prévoir des traitements annuels pour les juges qui tiennent compte de leur situation locale, par exemple les frais qu'ils ont à supporter? Ça serait un moyen de s'assurer que nous continuerons d'attirer des candidats exceptionnels dans les régions où les coûts sont plus élevés, sans pour autant surpayer des candidats dans d'autres régions où un traitement annuel de 200 000 $ serait considéré très généreux, à mon avis.

Je soumets cette question à l'examen de la ministre. Je ne sais pas si elle voudrait y répondre tout de suite ou plutôt réagir aux préoccupations que j'ai exprimées.

Mme Anne McLellan: Merci beaucoup, monsieur Toews.

D'abord, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il n'y a pas de pénurie de candidats. Cependant, on veut toujours s'assurer de maintenir un climat qui permet d'attirer les candidats les plus exceptionnels, de sorte que les personnes les plus talentueuses et expérimentées aient l'impression que la magistrature leur est accessible. Mais je suis d'accord pour dire qu'il n'y a aucune pénurie de candidats pour les nominations aux postes de juges.

Vous avez soulevé un point important en nous faisant remarquer que les augmentations salariales doivent correspondre plus ou moins à celles prévues pour des postes ou professions semblables. La Commission a justement tenu compte de ce facteur important. Du fait d'être l'un des piliers de notre démocratie, et l'un des trois grands organes de notre système démocratique, la magistrature est nécessairement... Avec qui faut-il comparer les juges? Oui, je sais qu'il y a M. MacKay.

Nous avons envisagé pour certaines fins de les comparer aux sous-ministres, par exemple. Le niveau SM-3 a été envisagé à plusieurs reprises comme étant un repère possible, mais uniquement à des fins de comparaison. On pourrait aussi discuter de l'opportunité ou non de les comparer aux avocats les plus prestigieux des grands ou petits cabinets du secteur privé.

C'est une discussion qui se poursuit, notamment parce qu'il n'est guère facile de trouver une profession qu'on puisse vraiment comparer avec celle du juge, étant donné le rôle unique qu'il joue dans le contexte de notre système de gouvernement constitutionnel.

Vous avez également parlé des membres de la Commission. Il s'agit en réalité du premier rapport à découler du nouveau processus mis en place par suite de modifications apportées à la Loi sur les juges en 1998. Que ce soit vous ou moi ou un autre, rien n'empêcherait le titulaire de ce poste dans les années qui viennent... C'est-à-dire que le comité pourrait certainement réexaminer la question de la sélection des membres.

Comme vous le savez, monsieur Toews, il était question dans le renvoi sur l'Île-du-Prince-Édouard d'une commission indépendante, mais que je sache, cette décision ne limite aucunement la nomination de commissaires supplémentaires qui pourraient éventuellement représenter le point de vue d'un groupe plus important, ou mettons de la société dans son ensemble, comme c'est le cas actuellement pour les comités de sélection des juges.

Comme il s'agit du premier rapport, si à un moment donné, les gens souhaitent réexaminer le fonctionnement de la Commission—par exemple, est-ce que tous les points de vue qui devraient y être représentés le sont dans ces importantes décisions concernant la magistrature—disons que je ne pourrais pas imposer quoi que ce soit à un ministre ou gouvernement futurs, parce qu'à mon avis, il est tout à fait normal qu'on envisage cette possibilité, étant donné que nous apprenons tous par l'expérience.

C'est la raison pour laquelle nous avons récemment décidé d'accroître l'indépendance de la Commission et du processus qui la sous-tend. Nous avons justement tiré les leçons de nos expériences précédentes et du renvoi sur l'Île-du-Prince-Édouard. Voilà quelque chose que nous pourrons garder en réserve pour plus tard, lorsque le moment viendra de réexaminer la performance de la Commission.

• 1135

Il va sans dire que le processus de nomination des juges suscite toutes sortes de préoccupations. Je sais que certaines d'entre elles ont déjà été soumises à l'examen du comité.

À propos, où est M. MacKay? Peter m'accuse toujours de reprocher certaines décisions au gouvernement précédent. Permettez- moi donc d'affirmer que le gouvernement précédent a mis sur pied le comité de sélection des juges qui existe dans les provinces et territoires, alors cette fois-ici, j'allais justement féliciter le gouvernement précédent pour cette mesure.

À mon avis, ce processus a donné de bons résultats. Encore une fois, nous l'avons amélioré au fil des ans, mais il fonctionne bien du point de vue des candidats. On doit poser sa candidature à un poste de juge. Cette candidature est ensuite examinée par le comité provincial ou territorial. Ces recommandations me sont ensuite transmises, à titre de ministre fédéral de la Justice.

Il va sans dire que le processus de nomination des juges est un dossier qui pourrait facilement occuper le comité en permanence. C'est une question qui suscite énormément de controverse. En général, les opinions des gens sont assez tranchées.

Je voudrais cependant recommander au comité, si ce dernier souhaite se renseigner davantage sur la question, de lire le plus récent numéro de l'Alberta Law Review, qui est publié par l'Université de l'Alberta. Il est entièrement consacré au processus de nomination des juges et présente des commentaires et analyses sur la question.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Vous aurez certainement remarqué, madame la ministre, que je ne coupe jamais la parole aux ministres. Nous sommes là pour entendre vos témoignages.

Mme Anne McLellan: Sentez-vous libre de le faire. Sinon, je risque de continuer toute la journée. Ivan, il ne faut surtout pas hésiter à me couper la parole.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Votre temps de parole est évidemment épuisé. À mon avis, vous n'aurez même pas droit à un autre tour.

Madame Dalphond-Guiral.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Je vous remercie, monsieur le président.

C'est très rare que je siège à ce comité, d'autant plus que je ne suis pas membre du barreau. Donc, je prétends que je représente le monde ordinaire.

Vous savez, madame la ministre, que le Bloc québécois va appuyer ce projet de loi parce qu'il croit profondément que dans un État comme l'État canadien, l'indépendance entre le juridique et le politique doit être absolument claire et évidente pour tout le monde. Il est certain que ceux qui sont, au bout du compte, responsables de l'application des lois doivent être des gens en qui le vrai monde a confiance.

Le comité a fait un travail tout à fait professionnel. Il y a une chose tout de même qui me surprend. Des recommandations vous ont été faites par ce comité-là. On remarque que dans le choix que vous avez fait sur la rémunération, vous êtes allés beaucoup en deçà de ce qui a été proposé. J'aimerais, madame McLellan, entendre sur quels critères vous avez basé votre décision. Je peux comprendre que 250 000 $, c'est beaucoup d'argent, bien sûr. Mais, est-ce que l'équité et la justice ne valent pas ce prix? Est-ce que, quelque part, on ne doit pas, comme gouvernants, être capables de faire face à des hauts cris? Est-ce qu'on ne doit pas être capables de démontrer le bien-fondé de nos décisions?

Mme Anne McLellan: Je vous remercie, madame.

[Traduction]

Si je comprends bien, votre question porte sur la recommandation que nous avons faite en matière d'augmentation salariale, ce qu'ont demandé les juges, et ce qui a été recommandé par la Commission. Je tiens à préciser que nous acceptons la recommandation de la Commission en ce qui concerne les augmentations salariales. D'ailleurs, toute cette information est du domaine public.

Lorsque le processus d'examen par la Commission a débuté, nous avons recommandé une augmentation de 5,7 p. 100. En fait, notre recommandation de 5,7 p. 100 était faite en tenant compte de tous les facteurs pertinents, et je vous ai déjà parlé un peu des critères qui sont inscrits dans la loi. Les conseillers des juges ont fait valoir que ces derniers devraient recevoir une augmentation de 26,3 p. 100. Comme vous le constatez, il y avait un écart important entre la recommandation des conseillers du juge et la nôtre.

• 1140

Après avoir examiné tous les arguments et entendu des témoignages à cet égard, la Commission a recommandé une augmentation salariale de 11,2 p. 100. Nous avons accepté cette recommandation-là. Ainsi notre action cadre parfaitement avec la recommandation de la Commission. La Commission estime qu'une telle augmentation est juste et appropriée, compte tenu de toutes les circonstances, telles qu'on les leur a expliquées.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Blaikie.

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Merci, monsieur le président. J'ai un seul commentaire et peut-être une question à poser.

Je voudrais m'associer aux commentaires faits par mon collègue du Parti allianciste, M. Toews, concernant le contraste entre le traitement et l'augmentation salariale dont bénéficieront les juges grâce à ce projet de loi et la situation dans laquelle se trouvent bon nombre d'autres intervenants du système judiciaire, qu'on parle des membres de la GRC ou d'autres agents.

Plusieurs articles récemment publiés... Et je ne prétends pas que la ministre soit directement responsable de tout cela. Je pense néanmoins que c'est une question à laquelle il faut réfléchir, non seulement à cause de la perception qu'on aura de ce projet de loi mais aussi du point de vue de la possibilité de vraiment comparer ce travail à un autre. En ce qui concerne le système judiciaire au Québec, il y a actuellement une véritable crise. Il semble qu'il y ait sans arrêt des articles sur le fait que les procureurs ont l'impression d'être complètement débordés. Et je pense que la situation est la même dans d'autres provinces également.

Mme Anne McLellan: Et il y en a d'autres, monsieur Blaikie, qui, semble-t-il, ont envie de venir travailler pour la ministre fédérale de la Justice.

M. Bill Blaikie: Il y a toujours une abondance de candidats pour tous les postes, madame la ministre.

Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas simplement de prévenir la corruption. Si on offre un bon salaire aux titulaires de certains postes, ce n'est pas uniquement pour éviter qu'ils soient tentés; c'est également une question de justice. Bon nombre de vos arguments reposent sur l'indépendance de la magistrature et du fait de garantir que cette dernière sera à l'abri de la corruption et un éventuel abus d'influence de la part du gouvernement. Tout cela est bien bon en théorie. Et j'espère qu'il s'agit d'une simple théorie. J'espère que nous n'avons pas de preuve que la magistrature était sur le point de succomber à la corruption.

Mme Anne McLellan: Non, je peux vous assurer qu'il ne s'agit pas de ça.

M. Bill Blaikie: Je voulais simplement affirmer publiquement ma conviction qu'il est question ici non seulement de prévention de la corruption, mais d'équité.

Par ailleurs, vous avez indiqué dans vos remarques liminaires que les recommandations de la Commission ne sont pas obligatoires, ce qui signifie que vous avez accepté ses recommandations que vous n'étiez pas obligée de le faire. Donc, n'êtes-vous pas toujours dans la situation que vous-même avez décrite, celle à laquelle nous sommes censés échapper grâce au projet de loi? Autrement dit, les juges continuent à beaucoup dépendre des élus, du Parlement, du ministre de la Justice, etc., pour leur rémunération. Ne s'agit-il pas là du même scénario que vous avez décrit, c'est-à-dire que les juges, soit individuellement, soit collectivement, se trouvent dans une situation où ils pourraient théoriquement être punis par le gouvernement de n'avoir pas rempli certaines attentes, ou d'avoir reproché au gouvernement de sous-financer l'appareil judiciaire, ou pour n'importe quelle autre raison? Il me semble que même si elles ne sont pas obligatoires, bon nombre de vos préoccupations restent sans réponse.

Mme Anne McLellan: Eh bien, comme je l'ai indiqué dans mes remarques liminaires, même si elles ne sont pas obligatoires pour le Parlement, si nous décidons de rejeter les recommandations de la Commission, il nous faut justifier ce rejet. Si les raisons évoquées—qui sont rendues publiques, par exemple, dans ma réponse et devant ce comité, sous réserve de vos questions et de l'examen du public—ne sont pas jugées suffisantes, je suppose qu'un juge individuel ou un groupe de juges, ou peut-être d'autres intervenants du système... Il serait intéressant de savoir si vous, en tant que député de la Chambre des communes, pourrait intenter une action contre le ministre de la Justice, ou si un tribunal vous reconnaîtrait le droit d'intenter une action contre le ministre de la Justice du fait du refus déraisonnable et irrationnel de ce dernier de donner suite aux recommandations de la Commission.

• 1145

Même si les recommandations ne sont pas obligatoires, il est clair que le processus comporte tout de même un certain nombre de protections. Finalement, si quelqu'un voulait intenter des poursuites contre moi pour avoir rejeté de façon déraisonnable une recommandation de la Commission, l'affaire pourrait se poursuivre jusqu'à ce que la Cour suprême du Canada en soit saisie. Les juges examineraient alors les critères inscrits dans la loi, de même que les raisons pour lesquelles j'ai cru bon de rejeter la recommandation, et ils décideraient si j'avais ou non de bonnes raisons de ne pas y donner suite. S'ils estimaient que je n'avais pas de bonnes raisons, moi-même et la Commission en serions saisies à nouveau.

M. Bill Blaikie: Auriez-vous recours à la disposition d'exemption s'il le fallait, ou...?

Mme Anne McLellan: Non.

En ce qui me concerne, le processus actuellement en place est aussi indépendant qu'il puisse l'être, tout en respectant l'important rôle des parlementaires pour ce qui est d'étudier les recommandations de la Commission et de prendre des décisions finales à cet égard.

Vous soulevez néanmoins un point important en ce qui concerne la corruption. Nous sommes vraiment bénis au Canada. En raison de certaines protections institutionnelles, comme, par exemple, la sécurité financière et la Commission indépendante qui existe à l'heure actuelle, notre magistrature est considérée comme l'une des plus compétentes du monde. C'est pour cela qu'on a recours à nos juges pour faire de la formation et pour travailler avec d'autres juges dans le monde entier. En fait, la juge en chef de la Cour suprême du Canada me disait que les demandes de collaboration sont tellement fréquentes que la magistrature canadienne peut difficilement accepter toutes les demandes venant de pays à la fois développés et du Tiers monde.

Si vous examinez la situation dans d'autres régions du monde, vous verrez que des exemples du manque d'indépendance de la magistrature sont cités dans les journaux presque chaque semaine. Je ne vais pas en citer d'exemples précis, mais je suis sûre que nous avons tous à l'esprit de récentes situations décrites dans les journaux ou le manque d'engagement à l'égard de la primauté du droit et du principe de l'indépendance de la magistrature a donné lieu à la démission de juges en chef et à des actes d'intimidation qui ciblaient les juges. En fait, il faut surtout insister sur le fait que nous sommes un phare pour le reste du monde parce que nous sommes résolus à respecter la primauté du droit, dont l'un des fondements est justement l'indépendance de la magistrature.

Je suis très fière de ce que nous avons fait au Canada. À mon sens, l'indépendance de la magistrature est pleinement protégée, et le processus de constitution d'une commission indépendante que nous avons mis en place ne fait qu'améliorer notre réputation mondiale tout à fait enviable dans ce domaine—réputation qui tient non seulement à la qualité de nos juges, mais à notre engagement vis-à- vis de leur indépendance et de leur droit, au nom de tous les Canadiens, d'être à l'abri d'ingérence politique.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, madame la ministre.

Monsieur Myers.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Madame la ministre, je suis très encouragé par vos derniers commentaires, parce qu'à mon avis, c'est justement à cela que nous devons réfléchir—c'est-à-dire, tout d'abord, la question de l'impartialité et l'indépendance de notre magistrature, et deuxièmement, le fait que quel que soit le pays qu'on visite, le système judiciaire canadien est considéré comme étant tout à fait hors pair.

D'ailleurs, pendant votre préambule, quand vous passiez en revue l'origine de ces notions... et vous avez parlé de gens comme John Locke, mais comme vous le savez, il y en a d'autres qui ont apporté une contribution importante, tel que John Stuart Mill, Jeremy Bentham, certains des philosophes, tels que Jean-Jacques Rousseau, et d'autres encore.

• 1150

Nous avons une tradition extraordinaire en ce qui concerne notre magistrature, et il nous a fallu beaucoup de travail et d'effort pour en arriver là. Il ne faut pas perdre de vue cette réalité. Mais ce qui me dérange le plus, c'est le fait que certains de nos critiques voudraient américaniser davantage notre système, pour permettre plus d'ingérence politique. J'ai à l'esprit certaines affaires qui ont été jugées devant une cour supérieure ou la Cour suprême. Je trouve intéressant que les critiques approuvent certaines décisions judiciaires, mais pas d'autres. Quand ils approuvent, ils ont tendance à dire: «C'est très bien; notre système judiciaire fonctionne bien.» Quand ils n'approuvent pas, tout de suite leur réaction est de dire: «N'appartient-il pas au Parlement d'avoir le dernier mot dans cette affaire?» Dans ces cas- là, ils sont prêts à invoquer la disposition d'exemption, par exemple.

Il s'agit là d'une tendance dangereuse, à mon avis. Au lieu de suivre cette voie, c'est-à-dire de nous américaniser de plus en plus et de compromettre petit à petit l'indépendance de notre magistrature, nous devrions plutôt faire l'inverse. Nous devrions fêter nos réussites et célébrer cette indépendance qui est en réalité la clé de voûte de notre appareil judiciaire.

Je tenais absolument à vous dire cela, et à insister sur le fait que ces critiques qui, à mon avis, ne comprennent pas bien notre système judiciaire, ne saisissent pas les nuances et qui ont souvent une vision manichéenne du monde, devraient réfléchir un peu plus et se rendre compte que notre système judiciaire constitue un atout majeur.

Avec ce petit préambule, je suis maintenant prêt à vous poser ma question. Depuis que le gouvernement a mis sur pied cette Commission, il y a eu toutes sortes de comparaisons avec le secteur privé, par exemple, et je me demande quel mécanisme nous devrions établir pour obtenir de bonnes informations qui vont nous permettre d'établir des comparaisons valables. Par exemple, vous avez parlé des traitements dans les secteurs privé et public, et je voudrais savoir s'il ne serait pas possible de mettre sur pied un système qui permette de véritables comparaisons et qui assure donc l'équilibre recherchée? D'après ce que j'ai lu, de l'avis de plusieurs commissions, il est très difficile d'obtenir ce type d'information.

Mme Anne McLellan: C'est vrai, c'est difficile.

M. Lynn Myers: Alors, voilà mes questions. Avons-nous accès aux informations nécessaires? Ces informations sont-elles disponibles maintenant? Sinon, pourquoi fallait-il prendre une décision maintenant avant même que ces informations soient à notre disposition? Je crois savoir la réponse à cette question, mais j'aimerais bien vous entendre là-dessus. Et enfin, parlez-nous un peu des difficultés que présente la collecte du type d'information qui est nécessaire pour établir des comparaisons entre le secteur privé et la magistrature.

Mme Anne McLellan: Vous-même avez fait remarquer que ce n'est guère tâche facile. En fait, la Commission en a fait mention dans son rapport. Elle a parlé du fait qu'elle souhaiterait avoir accès à des informations de meilleure qualité à l'avenir, et que les représentants de la magistrature et nous-mêmes s'entendent, si possible, sur les moyens de rassembler ces informations. L'autre possibilité serait que nous soumettions à la Commission nos propres informations, que les représentants de la magistrature en fassent de même, et que la Commission se penche là-dessus et fasse éventuellement sa propre recherche, si elle le juge nécessaire.

C'est une tâche complexe, comme nous l'avons dit tous les deux. En fait, même connaître les traitements de ceux qui travaillent dans le secteur privé... M. Toews a justement fait observer que les traitements varient considérablement dans le secteur privé, selon qu'on travaille pour un grand cabinet d'avocats au centre-ville de Toronto, dont les opérations sont peut-être multinationales, ou pour un petit cabinet dans une petite localité, où les traitements se rapprochent davantage de la moyenne.

Donc, il nous faut recueillir de meilleures informations. La Commission nous a demandé de nous y attaquer, et nous avons donc déjà commencé à faire ce travail. Mes collègues provinciaux et territoriaux s'y intéressent beaucoup aussi, bien entendu, parce que leurs commissions provinciales fixent les traitements des juges des cours provinciales et ils se voient enfermés dans même dilemme que nous. C'est donc à l'avantager de tous d'accomplir ce travail et de rassembler les informations nécessaires.

Mais il ne s'agit pas uniquement d'établir des comparaisons avec la fonction publique fédérale—par exemple, de savoir avec quel groupe professionnel il faut les comparer, ou de se demander s'il ne faut pas plutôt les comparer avec des avocats du secteur privé, auquel cas, on va déterminer quels avocats et quelles localités seront nos repères. Ce n'est pas uniquement une question de comparaison; il y a aussi l'aspect qualité de la vie. Par exemple, comment examiner et quantifier des éléments liés à la qualité de la vie en élaborant un régime salarial complet? Tout le monde sait que nous faisons tous des choix dans nos carrières. Nous pourrions décider de sacrifier un salaire plus élevé en faveur d'autres conditions qui seraient à notre avis davantage liées à la qualité de la vie.

• 1155

La commission quadriennale a signalé qu'elle voudrait de plus amples renseignements sur bon nombre de ces éléments-là. S'agissant de la qualité de la vie, dans quelle mesure la charge de travail d'un juge, par exemple, se compare-t-elle à celle d'un SM-3 ou d'un avocat du secteur privé qui travaille pour un grand cabinet d'avocats dans une grande ville? Les heures de travail, les vacances, les congés, tous ces éléments doivent faire l'objet d'un examen rigoureux quand on élabore un régime salarial complet.

Tout ce que je peux vous dire, c'est que cette tâche est fort complexe. La Commission nous a justement fait savoir que ce travail doit se faire, et c'est un travail que nous prenons très au sérieux, comme mes collègues provinciaux et territoriaux, d'ailleurs. Nous voulons faire beaucoup plus de travail dans ce domaine avant la prochaine commission quadriennale.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci.

Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, AC): Merci, monsieur le président.

Madame la ministre, je voudrais revenir sur une question soulevée par M. Toews—je pense que vous y avez répondu en partie dans votre dernière réponse—à savoir, toute la question des différences régionales. Quiconque habite la partie continentale inférieure de la Colombie-Britannique est au courant du coût de la vie dans cette région-là, par rapport à d'autres régions du pays. Je me demandais donc si vous aviez tenu compte de cela.

Mme Anne McLellan: Non, nous ne nous sommes pas penchés sur cette question-là. Nous parlons ici de juges nommés par le gouvernement fédéral, et par conséquent, nous n'avons pas examiné la question des écarts de rémunération; il en va de même pour les commissions chargées d'examiner la rémunération et les avantages des juges.

Mais vous soulevez un point intéressant. À prime abord, je vous dirais que la magistrature fédérale est assez uniforme, en ce sens que tous les juges nommés par le fédéral, qu'ils travaillent à Halifax, à Hamilton ou dans la région continentale inférieure de la Colombie-Britannique, font le même travail. Mais je suis d'accord pour dire que c'est peut-être un facteur dont on devrait tenir compte en déterminant quelles échelles de traitement sont appropriées.

Nous savons tous, grâce à notre expérience de la fonction publique et d'autres secteurs, qu'il peut être très difficile de fixer des traitements différentiels, et là où on a tenté de le faire par le passé, les décisions prises ont toujours suscité des controverses et ont même donné lieu, dans certains cas, à des poursuites. Cela dit, c'est une question sur laquelle toute commission pourrait se pencher en détail et éventuellement formuler des recommandations. J'ai l'impression que les représentants de la magistrature ne proposeraient pas eux-mêmes des traitements différentiels. Comme je viens de vous le dire, nous n'avons pas examiné la chose, mais il est clair que toute commission pourrait en être saisie, et les Canadiens peuvent toujours écrire à la Commission pour lui demander de l'examiner.

M. Lynn Myers: Est-ce que cela s'appliquerait aux députés et sénateurs?

Mme Anne McLellan: Je ne sais pas. Là nous parlons exclusivement de la magistrature. Cependant, il ne fait aucun doute que si vous ouvrez la porte à des discussions sur d'éventuels traitements différentiels, vous vous attirez d'autres problèmes très épineux. Est-ce qu'on a opté pour cette solution dans certains cas? Pas pour les juges, mais est-ce que cela existe dans les secteurs privé et public? Dans certains cas limités, oui, mais cette question soulève sans aucun doute une série de problèmes délicats. La meilleure solution serait de confier l'étude de la question à une commission.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Excusez-moi, mais j'ai oublié de vous dire que chaque intervenant n'a plus que trois minutes, même si j'ai tendance à être généreux. Allez-y.

M. Chuck Cadman: Je n'avais qu'une dernière petite question à poser avant qu'on m'interrompe.

La 35e législature a examiné à deux reprises la Loi sur les juges. La 36e législature l'a fait une fois pour le projet de loi C-37, et maintenant nous revenons là-dessus avec ce projet de loi-ci. Est-il possible que nous soyons à nouveau saisis de cette loi pendant l'actuelle législature? Est-ce qu'on va constamment nous demander de la réexaminer?

Mme Anne McLellan: Comme son nom l'indique, la commission quadriennale travaille selon un cycle de quatre ans. Elle doit donc faire rapport à la fin de chaque période de quatre ans. Pendant ce cycle quadriennal, si une question particulièrement difficile ou urgente surgit qui nécessite leur examen, elle pourrait évidemment en être saisie. Je ne pense pas que ce sera le cas, même s'il est clair que certaines questions méritent de faire l'objet d'un examen sérieux. Nous avons donc en place une commission qui va publier un rapport tous les quatre ans en ce qui concerne la rémunération et les avantages des juges.

• 1200

On peut sans doute supposer—sans pour autant préjuger de leurs conclusions—que ces commissions feront des recommandations sur d'éventuelles augmentations à la fin de chaque cycle de quatre ans, ce qui veut dire qu'on serait obligé de réexaminer la Loi sur les juges. Je peux donc confirmer que ce ne sera pas la dernière fois que les parlementaires seront appelés à revoir la Loi sur les juges.

M. Chuck Cadman: J'espère que nous n'allons pas la revoir au cours de l'actuelle législature.

Mme Anne McLellan: Je ne peux pas vous le promettre, car je ne sais pas combien de temps cette législature va durer.

M. Chuck Cadman: On peut toujours espérer...

Mme Anne McLellan: La Constitution prévoit un mandat de cinq ans, et je ne peux donc pas vous affirmer que moi ou quelqu'un d'autre ne vous saisira pas d'autres modifications après un autre rapport quadriennal. C'est possible, vu le calendrier du Parlement.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Madame Allard, vous avez la parole.

[Français]

Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.): Je lis l'article 43.1 proposé du projet de loi. Est-ce que vous avez apporté des modifications à l'âge de la retraite des juges dans ce nouveau projet de loi? Je pose la question parce que l'article 43.1 proposé dit:

    ...au juge ayant atteint l'âge de cinquante-cinq ans, ayant au moins dix ans d'ancienneté dans la magistrature et ayant choisi une retraite anticipée....

[Traduction]

Nous avons un document où il est question de la règle modifiée des 80. Je voudrais donc savoir si vous avez rejeté l'idée de la règle des 80.

Mme Anne McLellan: La règle des 80 s'applique lorsqu'il s'agit d'une retraite normale avec pension intégrale. La règle des 80 désigne le fait d'additionner l'âge et le nombre d'années de service. C'est une règle qu'on applique dans beaucoup de fonctions publiques, d'entreprises privées, d'universités et autres établissements. Quand j'ai travaillé à l'Université de l'Alberta, on appliquait la règle des 80. Autrement dit, si votre âge et votre nombre d'années de service donnent en tout le chiffre de 80, vous auriez droit à une pension intégrale.

Au projet d'article 43.1, il est question de retraite anticipée; ainsi, au lieu de toucher une pension intégrale, vous avez droit à une pension proportionnelle. Là nous prévoyons que si un juge a au moins 55 ans et un minimum d'années d'ancienneté dans la magistrature fédérale—soit 10 ans—il pourra choisir une retraite anticipée, comme peuvent d'ores et déjà le faire les personnes qui travaillent à l'université, dans les fonctions publiques provinciales et, dans bien des cas, dans le secteur privé. Mais à ce moment-là, vous touchez une pension proportionnelle, plutôt qu'intégrale.

Mme Carole-Marie Allard: Est-ce que la loi prévoit actuellement l'application de la règle des 80?

Mme Anne McLellan: Oui. Il s'agit justement d'une des modifications à la Loi sur les juges dont parlait M. Cadman—autrement dit, l'une des révisions précédentes.

Mme Carole-Marie Allard: Puisqu'il est question de la loi dans son ensemble, je voulais être sûre de bien comprendre la situation.

Mme Anne McLellan: Je comprends. Là nous parlons de retraite anticipée et nous offrons aux juges la possibilité de toucher une pension proportionnelle.

Le président: Madame Allard.

Mme Carole-Marie Allard: Je pensais que vous ajoutiez à la loi une disposition, soit le projet d'article 41.1, qui permettra aux juges de la Cour suprême de participer aux jugements pendant une période maximale de six mois.

Mme Anne McLellan: Oui, mais ça c'est après la retraite.

Mme Carole-Marie Allard: Oui, je le sais.

Mme Anne McLellan: On dit ici: «Tout juge de la Cour suprême du Canada [...] peut, avec l'autorisation du juge en chef du Canada, continuer de participer aux jugements auxquels il participait avant sa retraite pendant une période maximale de six mois après celle-ci.» En fait, c'était déjà le cas auparavant. Nous nous contentons ici de préciser les conditions salariales relativement à ces juges-là.

Si je comprends bien, madame Bellis, cela a toujours été... Je ne crois pas me tromper en vous disant que c'est la même chose dans la plupart des tribunaux. Comme vous le savez, un juge peut avoir instruit une cause mais décide à un moment donné d'annoncer sa retraite; en même temps, on ne veut pas avoir à instruire à nouveau la cause simplement parce que l'un des juges prend sa retraite. Il y a donc une période de transition d'un maximum de six mois pendant laquelle un juge peut continuer à participer aux jugements pour les causes qu'il a instruites. Dans cet article, nous nous contentons de préciser les conditions salariales qui s'appliquent pendant la période de six mois.

• 1205

Judith, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Carole-Marie Allard: J'ai connu une situation de ce genre où on avait fait un très mauvais choix. La personne est restée juge pendant cinq ans avant de prendre sa retraite. Je ne sais pas si la disposition de la loi actuelle permet également à un juge de la Cour supérieure de continuer à participer aux jugements après la retraite.

Mme Judith Bellis (avocate générale principale, Unité des affaires judiciaires, ministère de la Justice): Oui, la plupart des cours supérieures au Canada appliquent une disposition semblable, pour exactement la même raison.

Mme Carole-Marie Allard: Si ma mémoire est bonne, il...

Une voix: Ne s'agissait-il pas d'un juge provincial?

Mme Carole-Marie Allard: Oui. Il n'a pas continué, mais de toute façon, cela a créé énormément de problèmes.

Mme Anne McLellan: Cette disposition existe déjà. En l'occurrence, nous parlons de la Cour suprême du Canada, qui est créée par une loi fédérale. Il faudrait examiner votre loi provinciale sur les juges pour déterminer si une disposition semblable s'applique aux juges de la Cour supérieure. Il s'agit là d'une question d'administration des tribunaux qui relève nécessairement de la responsabilité des provinces. Consultez donc votre loi provinciale sur les juges pour déterminer si elle contient ou non ce genre de disposition.

Mme Judith Bellis: Je voudrais apporter une petite précision. La plupart des lois sur l'organisation judiciaire, et je pense même que c'est le cas de toutes ces lois, prévoient que la compétence du juge est maintenue pendant cette période de six mois. L'article dont on parle ici est unique, en ce sens qu'il garantit qu'au cours de la période de rédaction du jugement, le juge de la Cour suprême du Canada touche l'équivalent de son traitement intégral, et pas simplement la pension.

Si la situation est un peu différente ici, c'est parce que la Cour suprême est un petit tribunal qui a une forte charge de travail, et vu la taille des groupes de juges qui sont constitués, il est évidemment beaucoup plus probable que les juges de cette cour continuent à participer aux audiences jusqu'au moment de leur retraite. La plupart des juges de la Cour supérieure peuvent opter pour le statut de juge surnuméraire, ce qui veut dire que leur charge de travail va en diminuant, ou alors le juge en chef peut planifier les affectations pour faire en sorte que le juge qui prend sa retraite puisse rédiger sa décision avant la date de sa retraite.

Cela est beaucoup moins probable à la Cour suprême du Canada. En fait, la plupart des juges continuaient à travailler à plein temps pour la Cour pendant cette période de six mois en ne touchant que leur pension, de sorte qu'ils n'étaient pas vraiment rémunérés pour le travail accompli.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Maloney.

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Madame la ministre, vous avez fait allusion à plusieurs reprises aux administrations provinciales et territoriales. Êtes-vous au courant de la procédure suivie par ces dernières pour ce qui est d'augmenter les traitements des membres de la législature?

Mme Anne McLellan: En fait, les provinces ont recours à un processus très semblable. Évidemment, le renvoi qui a donné naissance à notre commission quadriennale indépendante est issu d'une contestation déposée à l'Île-du-Prince-Édouard. En l'occurrence, on a contesté le processus mis en place par le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard pour déterminer, entre autres, la rémunération et les avantages des juges.

Plusieurs provinces ont connu des difficultés concernant le fait de savoir si le processus mis en place pour fixer la rémunération et les avantages était vraiment indépendant, et aussi la façon d'appliquer les principes énoncés dans la décision sur le renvoi de l'Île-du-Prince-Édouard. Dans ma province de l'Alberta, cette question fait l'objet depuis longtemps d'un débat passionné, pour ce qui est du rôle des commissions et les recommandations soumises au procureur général de la province, sans parler du fait que certains juges de la Cour provinciale ont contesté des décisions, etc.

Disons que l'historique de la question depuis cinq ou 10 ans est assez chargé. Il s'agit surtout de cas où les décisions de commissions provinciales et de procureurs généraux provinciaux—donc, on ne parle pas de procureurs généraux fédéraux ou du processus que nous avons mis en place—ont été contestées. Ça me paraît normal. Mais si vous regardez les échelles de traitements, vous constaterez que les provinces ont elles-mêmes augmenté les traitements des juges des cours provinciales.

• 1210

Les juges de la Cour provinciale de l'Ontario gagnent 172 000 $ par année. Mais ce chiffre ne tient pas compte d'autres éléments, tels que l'indemnité de vie chère. Il s'agit là du traitement de base, d'après ce que j'ai pu comprendre. Au Québec, c'est 137 000 $. L'Alberta vient de faire passer le traitement de base à 170 000 $, et ce depuis le 1er avril 2000. À Terre-Neuve, c'est 112 000 $, au Nouveau-Brunswick, 141 000 $, et en Colombie- Britannique, 144 000 $.

Les augmentations étaient fort variables: de 16,3 p. 100 au Québec en 1998 (l'augmentation la plus forte), 14,67 p. 100 en Ontario, 11,8 p. 100 en Alberta, 9,8 p. 100 à Terre-Neuve, et 12,2 p. 100 au Nouveau-Brunswick, le tout en l'an 2000.

Le fait est que le processus est très semblable. Les procureurs généraux et les membres des assemblées législatives des provinces font face aux mêmes difficultés. Par contre, les deux paliers de gouvernement reconnaissent que l'indépendance de la magistrature est un principe important à respecter. Il nous faut absolument des commissions indépendantes, et cela est aussi vrai pour le fédéral que pour les provinces.

M. John Maloney: J'ai une question sur un autre sujet: Y a-t-il des avantages ou des inconvénients au fait de maintenir la classification d'un juge surnuméraire?

Mme Anne McLellan: Vous me posez une question très intéressante.

Il y a deux ans, à la réunion des ministres fédéral/ provinciaux/territoriaux de la Justice, plusieurs de mes collègues provinciaux ont soulevé la question des juges surnuméraires. J'ai indiqué à l'époque qu'il fallait se pencher là-dessus. C'est une question très importante. Nous nous sommes tous rendu compte à l'époque que nous connaissions très mal la situation à cet égard. Nous sommes tous au courant des préoccupations qui ont été exprimées. Mes collègues provinciaux ont des inquiétudes qui me semblent légitimes concernant le nombre de juges surnuméraires. Cela a alors créé des problèmes au niveau de l'administration de la justice, et même pour des petites choses, comme les bureaux et des questions administratives.

M. Toews me dit que ce ne sont pas «de petites choses», et il a raison de dire qu'il y a des problèmes dans ce domaine. Je suis tout à fait prête à reconnaître que les préoccupations des provinces et territoires sont fondées.

Par conséquent, comme le disait M. Myers en parlant de traitements comparables, il nous faut faire plus de recherches. Nous devons déterminer la situation précise des juges surnuméraires. Que font-ils? Quelle est leur charge de travail? Dans quelle mesure cette classification impose des difficultés et des contraintes aux provinces au niveau de l'administration de la justice? Nous avons reconnu qu'il faut étudier la situation.

C'est justement pour cette raison que je suis si contente que deux de mes homologues provinciaux aient accepté de coprésider un comité qui fera rapport sur le statut des juges surnuméraires.

M. John Maloney: Merci.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Maloney.

Monsieur Owen, vous avez la parole.

M. Stephen Owen (Vancouver Quadra, Lib.): Merci.

Madame la ministre, je voudrais tout d'abord faire une observation. Par rapport à la possibilité que le gouvernement envisage de créer des traitements différentiels au Canada pour les juges des cours supérieures, nous avons déjà un processus provincial et territorial par le biais duquel nous pouvons examiner les mêmes éléments dont tient compte la Commission fédérale pour l'ensemble du pays. Évidemment, les provinces tiennent compte des circonstances locales. Mais là vous avez déjà un cadre que vous pourriez utiliser.

Ma question est en deux volets. Pour ce qui est des éventuelles différences de charge de travail des juges des cours supérieures au Canada en raison des pratiques de certaines cours supérieures par rapport à d'autres, tout en m'associant aux remarques fort pertinentes de M. Myers concernant la réputation tout à fait exemplaire dont jouit la magistrature canadienne à juste titre, il me semble que le potentiel d'écarts importants de charge de travail est considérable—c'est certainement le cas pour l'administration judiciaire—par opposition à l'administration de la justice—dans bien des régions du pays.

Je me demande par conséquent dans quelle mesure le gouvernement du Canada est conscient des différences de charge de travail des effectifs judiciaires d'une région ou d'une autre qui peuvent être le fait de pratiques administratives judiciaires différentes.

• 1215

Mme Anne McLellan: Évidemment, l'administration des tribunaux est un autre de ces piliers d'indépendance, n'est-ce pas? La Cour suprême en a longuement parlé dans au moins une décision, sinon plusieurs. C'est donc avec réticence que j'aborde la question de l'administration des tribunaux et du processus quotidien de prise de décisions du juge en chef et de ses collaborateurs. Il faut faire preuve de prudence en abordant de telles questions, étant donné que cela constitue un élément important de l'indépendance de la magistrature.

Il va sans dire que les procureurs généraux des provinces doivent s'intéresser à l'administration des tribunaux. De par la Constitution, ce sont les provinces qui ont la responsabilité de l'administration de ces tribunaux. Nous nommons les juges, mais les provinces sont chargées d'administrer les tribunaux, toujours en respectant le principe de l'indépendance judiciaire.

Donc, votre argument me semble valable. Je sais que lorsque le Conseil canadien de la magistrature se réunit, les juges en chef et juges en chef adjoints s'intéressent beaucoup à ces questions-là. Par l'entremise de leurs collègues provinciaux et territoriaux, ou des procureurs généraux des provinces et territoires, ils savent bien que tous souhaitent que les tribunaux soient aussi efficaces que possibles. Ils veulent s'assurer que les tribunaux profitent des technologies pour réduire leurs coûts et pour administrer la justice de façon plus efficace, et nous constatons que les responsables dans ce domaine commencent à prendre des mesures. À mon avis, les juges eux-mêmes s'efforcent à présent d'assurer une plus grande uniformité ou plutôt de s'entendre sur des pratiques exemplaires pour ce qui est de la façon d'administrer un tribunal et des technologies qui lui permettent d'être plus efficaces.

À mon sens, la pression—le mot «pression» est peut-être mal choisi dans ce contexte; je devrais plutôt dire que les procureurs généraux des provinces et territoires vont sans doute continuer de suivre de près cette question pour s'assurer que les tribunaux sont administrés efficacement au profit de tous les Canadiens. J'ose croire que les juges en chef sont tout aussi résolus à le faire.

Comme vous le savez, c'est un domaine où il est difficile d'obtenir des données et d'établir des comparaisons entre les tribunaux. Les informations qui existent sont surtout non scientifiques. On pourrait examiner le nombre d'heures de séance, le recours à un système de traitement des affaires, le nombre d'affaires qui sont réglées grâce à un tel système et d'autres services de médiation, etc., avant que l'affaire passe en justice. Il y a toutes sortes de choses qu'on pourrait examiner dans ce contexte. Les juges en chef font déjà ce travail pour leurs propres tribunaux. Cette information me semble importante. Nous avons tous le droit de nous attendre à ce que les tribunaux soient efficaces.

M. Stephen Owen: Je voulais simplement dire que le rôle du gouvernement fédéral—évidemment, sans compromettre l'indépendance de la magistrature relativement à ces types de comparaisons—est de réagir aux demandes d'accroissement de leur effectif de la part des provinces et des cours supérieures des provinces. Dans ce contexte, le gouvernement fédéral peut difficilement prendre un décision, alors qu'il est obligé de la prendre.

Mme Anne McLellan: J'ai justement fait observer à plusieurs reprises que cette question pose problème du point de vue des décisions que nous pourrions avoir à prendre au sujet des effectifs judiciaires. Je suis fermement convaincue que nous avons besoin de données objectives pour justifier une augmentation d'effectifs dans n'importe quelle province. Donc, en ce qui me concerne, il incombe au juge en chef, en collaboration avec le procureur général de la province... car c'est ce dernier qui reçoit la demande et qui s'adresse ensuite à moi.

J'ai fait savoir à mes collègues provinciaux et territoriaux—et je pense qu'ils sont d'accord—que s'ils souhaitent qu'on augmente leurs effectifs judiciaires, ils doivent nous présenter des données objectives pour justifier une telle augmentation parce qu'il y a d'autres initiatives en cours. Par exemple, étant donné qu'on a créé des infractions pénales mixtes, une bonne partie du travail lié aux procès criminels relève désormais des cours provinciales, plutôt que des cours supérieures. Quel est donc l'impact de ce changement sur la charge de travail des juges de la Cour supérieure, et quelles en sont les conséquences pour les effectifs des cours supérieures provinciales?

Ce sont toutes des questions légitimes qu'il ne faut pas chercher à esquiver. Ce ne sont pas des questions qui nous amènent à compromettre l'indépendance de la magistrature, et j'ai clairement indiqué qu'à mon avis, la question des effectifs est une question primordiale, mais qu'un procureur général doit pouvoir présenter des données objectives pour justifier une augmentation de ses effectifs.

• 1220

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, madame la ministre. On dirait qu'il n'y a plus de questions, alors je voudrais vous remercier pour votre présence.

[Français]

Mme Anne McLellan: Merci beaucoup. Ce fut un plaisir.

[Traduction]

Ce fut un plaisir.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci de nous avoir donné des réponses aussi complètes. Souvent le temps limité dont nous disposons ne le permet pas.

Par contre, j'ai cru constater un éventuel conflit d'intérêts, puisque vous avez fait la promotion d'un livre publié par une université particulière...

Mme Anne McLellan: Ce n'est pas un livre; c'est une revue spécialisée sur le droit. Écoutez, je vais en fournir des copies à tous les membres du comité, parce que c'est très intéressant...

M. Chuck Cadman: Ivan la lira.

Mme Anne McLellan: Oui, je sais qu'Ivan la lira. C'est très intéressant, et nous devrions vraiment soutenir tous les professeurs érudits de nos universités et facultés de droit au Canada.

Je m'engage donc à faire le nécessaire pour que chaque membre du comité reçoive une copie de cette revue, car elle présente des analyses très intéressantes au sujet de l'historique du processus de nomination des juges et la situation actuelle. Je suis ravie de le faire.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci.

[Français]

Mme Anne McLellan: Merci beaucoup.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ivan Grose): La séance est levée.

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