HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la santé
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 24 mars 2003
¹ | 1535 |
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)) |
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ) |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
Dr Kenneth Rosenthal (président, et professeur, Département de pathologie et de médecine moléculaire, Université McMaster, Canadian Association of HIV Researchers) |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
La présidente |
M. Art Zoccole (directeur général, Réseau canadien autochtone du sida) |
¹ | 1550 |
La présidente |
Dr Mark Wainberg (président désigné, et directeur, Centre Sida McGill, International AIDS Society) |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
º | 1605 |
La présidente |
M. Paul Lapierre (directeur général, Société canadienne du sida) |
º | 1610 |
º | 1615 |
La présidente |
M. Ralf Jürgens (directeur général, Réseau juridique canadien VIH/sida) |
º | 1620 |
º | 1625 |
º | 1630 |
La présidente |
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne) |
M. Ralf Jürgens |
M. Rob Merrifield |
M. Ralf Jürgens |
M. Rob Merrifield |
M. Ralf Jürgens |
M. Rob Merrifield |
º | 1635 |
Dr Kenneth Rosenthal |
M. Rob Merrifield |
Dr Kenneth Rosenthal |
M. Rob Merrifield |
Dr Kenneth Rosenthal |
M. Rob Merrifield |
Dr Kenneth Rosenthal |
º | 1640 |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
M. Réal Ménard |
M. Paul Lapierre |
M. Réal Ménard |
Dr Mark Wainberg |
M. Réal Ménard |
Dr Mark Wainberg |
º | 1645 |
M. Réal Ménard |
La présidente |
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.) |
M. Ralf Jürgens |
Mme Carolyn Bennett |
M. Ralf Jürgens |
Mme Carolyn Bennett |
Dr Mark Wainberg |
Mme Carolyn Bennett |
º | 1650 |
M. Ralf Jürgens |
Mme Carolyn Bennett |
M. Ralf Jürgens |
La présidente |
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD) |
La présidente |
M. Svend Robinson |
La présidente |
M. Svend Robinson |
M. Ralf Jürgens |
º | 1655 |
Dr Mark Wainberg |
M. Svend Robinson |
La présidente |
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.) |
M. Paul Lapierre |
» | 1700 |
M. Art Zoccole |
Mme Hedy Fry |
M. Art Zoccole |
Dr Kenneth Rosenthal |
M. Ralf Jürgens |
La présidente |
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne) |
» | 1705 |
Dr Mark Wainberg |
M. James Lunney |
Dr Kenneth Rosenthal |
M. James Lunney |
Dr Kenneth Rosenthal |
» | 1710 |
La présidente |
M. Svend Robinson |
M. Art Zoccole |
» | 1715 |
Dr Mark Wainberg |
» | 1720 |
M. Ralf Jürgens |
La présidente |
CANADA
Comité permanent de la santé |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le lundi 24 mars 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs, et bienvenue à notre troisième séance du Comité permanent de la santé consacrée à une étude sur la Stratégie canadienne sur le VIH/sida.
Tout d'abord, M. Ménard voudrait faire une brève annonce.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Madame la présidente, je veux m'assurer d'une chose, parce que nous n'avons pas vu la liste des témoins et que les travaux avancent. Vendredi, j'ai rencontré un organisme très important au Québec qui s'appelle la COCQ-Sida, qui représente 36 organismes. Je tenais pour acquis qu'ils allaient venir, étant donné que la Société canadienne du sida venait. C'est le désavantage de ne pas avoir de comité directeur. Je tiens absolument à ce qu'on les entende et je ne comprends pas qu'on n'ait pas communiqué avec eux à ce stade-ci. Ils veulent absolument comparaître.
Je croyais que c'était la dernière ou l'avant-dernière séance, et c'est ce qui m'inquiétait. On ne peut pas penser déposer un rapport sans avoir écouté un témoin de cette importance. Tout ce qui bouge au Québec en matière de sida est là. Alors, il faut les écouter. Ils veulent venir, mais je sais que vendredi, on n'avait toujours pas communiqué avec eux. Donc, il y a là une erreur qu'il faudra corriger. Je ne sais pas si on peut ajouter une séance, mais on ne peut pas déposer un rapport sans avoir entendu la COCQ-Sida.
[Traduction]
La présidente: J'ai deux questions, monsieur Ménard. D'abord, cette personne est-elle présente? Deuxièmement, quel est le nom de l'organisme qu'elle représente?
[Français]
M. Réal Ménard: C'est la COCQ-Sida, la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida et la personne à contacter est la directrice générale, Mme Lyse Pinault. Ils sont situés au 1, rue Sherbrooke ouest. Je ne me souviens pas du numéro, mais je pourrais le trouver assez rapidement.
[Traduction]
La présidente: Nous accueillons déjà cinq témoins à qui on a promis 10 minutes chacun. Si ces témoins pensent pouvoir limiter leurs exposés à huit minutes chacun, nous pourrions peut-être entendre un témoin de plus.
[Français]
M. Réal Ménard: Ils ne sont pas ici aujourd'hui.
[Traduction]
La présidente: Oh, votre témoin n'est pas ici. Dans ce cas, cela ne sert à rien d'en parler.
[Français]
M. Réal Ménard: Il faut les faire venir. Il faut prévoir une séance additionnelle pour qu'ils viennent. Aujourd'hui, ils ne sont pas ici.
[Traduction]
La présidente: Eh bien, on en décidera une autre fois. Une autre séance est prévue pour étudier un rapport, mais pas pour entendre des témoins. C'est une proposition que vous devrez faire officiellement au comité, mais il ne me semble pas poli d'en discuter devant des témoins qui sont déjà là et qui ont fait l'effort de se préparer. Donc, si cela convient à tous, nous devrions passer à notre ordre du jour.
Monsieur Ken Rosenthal.
Dr Kenneth Rosenthal (président, et professeur, Département de pathologie et de médecine moléculaire, Université McMaster, Canadian Association of HIV Researchers): Merci au comité de m'avoir invité à prendre la parole.
Je suis président de l'Association canadienne de recherche sur le VIH qui représente des chercheurs canadiens dans le domaine, qu'ils s'occupent de recherche fondamentale, de recherche clinique, d'épidémiologie ou de santé publique, ainsi que des spécialistes en sciences sociales. Notre association oeuvre également de près avec les collectivités et les chercheurs dans la collectivité. J'aimerais vous faire part de certains éléments clés.
D'abord, il importe d'avoir une recherche dynamique et vigoureuse pour pouvoir assurer le traitement, le soutien et la prévention efficaces des cas de VIH/sida au Canada et à l'échelle internationale. La recherche est au coeur même de la Stratégie canadienne sur le VIH/sida. Les patients souffrant du cancer ou de presque n'importe quelle autre maladie chronique reconnaissent que les meilleurs soins à donner à ceux qui souffrent de ces maladies—et j'inclus là-dedans ceux qui sont atteints du VIH/sida—sont dispensés là où se fait la recherche de la plus haute qualité. Au Canada, la recherche sur le VIH a été et continue à être un moteur de découverte: elle permet essentiellement à nos chercheurs et à nos scientifiques de repousser les limites de la virologie et des maladies infectieuses, de l'immunologie et de la recherche sur les vaccins, c'est-à-dire de repousser les limites sur presque tous les fronts, notamment sur celui des sciences cliniques, de l'épidémiologie et à nouveau des sciences sociales.
Elle permet de voir plus loin. De nombreux avantages découlent des objectifs principaux. Ainsi, nous en avons appris beaucoup sur les maladies infectieuses et sur la façon dont fonctionnent notre système immunitaire et les vaccins. Nous savons tous à quel point se répandent rapidement aujourd'hui les maladies infectieuses. En me rendant ici, j'ai entendu dire que l'on avait diagnostiqué à Toronto plusieurs autres cas du SRAS, et il semble même que les victimes soient les médecins soignants.
De plus, la recherche sur le VIH/sida est essentielle pour apprendre à lutter contre les maladies infectieuses chez l'homme. Il y a quelques années, j'aurais pu compter sur les doigts d'une seule main le nombre de chercheurs au Canada dont le domaine d'étude était le virus de l'hépatite C. Voilà pourquoi il est crucial que nous appuyions la recherche sur le VIH/sida, car elle nous offre la possibilité de faire de l'immunologie des maladies infectieuses et d'accroître nos connaissances pour lutter contre les différentes maladies infectieuses chez l'homme, comme l'hépatite C, le SRAS, le virus du Nil occidental et toute menace biologique.
Jeudi et vendredi derniers, j'étais à Winnipeg pour évaluer le programme de microbiologie médicale de l'Université du Manitoba, ce qui m'a donné l'occasion de voir le professeur Plummer et les enquêteurs à l'oeuvre dans le laboratoire fédéral, eux qui tentaient au cours de la fin de semaine de cerner l'agent causal de cette pneumonie atypique. Il est intéressant de noter que la réputation de Frank Plummer est due à sa recherche sur le VIH/sida, mais qu'il travaille aujourd'hui au laboratoire fédéral, une magnifique installation ultra-moderne. Même si ce laboratoire est installé à Winnipeg, il a néanmoins réussi à recruter 17 des meilleurs scientifiques au monde, ce qui a eu pour conséquence de doubler le nombre d'étudiants diplômés faisant de la microbiologie médicale à l'Université du Manitoba. Cela vous donne une petite idée des retombées et avantages découlant des efforts déployés.
¹ (1540)
En second lieu, le Canada a réussi à former une équipe de chercheurs reconnus à l'échelle internationale, mais l'érosion du financement ne cesse de menacer l'avantage concurrentiel du Canada. La semaine dernière, le Dr Schechter, Louise Binder et d'autres ont expliqué qu'il y a une dizaine d'années, le gouvernement conservateur, et non pas l'actuel gouvernement libéral, avait choisi de consacrer 42 millions de dollars au problème du sida, mais qu'aujourd'hui, une décennie plus tard, le montant n'a toujours pas changé. J'appelle cela une décennie d'anémie.
Qui sont ces personnalités de réputation internationale? Le professeur Wainberg, qui est censé comparaître, est un chef de file mondial dans la recherche sur le VIH qui a fait des découvertes cruciales sur le 3TC, le médicament qui lutte de façon très efficace contre le virus du sida et qui est l'un des médicaments les plus souvent utilisés pour traiter les personnes infectées par le VIH. J'ai déjà parlé de Frank Plummer et de son groupe au Manitoba. Allen Ronald a été l'un des chercheurs principaux là-bas qui a étudié la transition du VIH et a démontré que les MTS facilitent la transmission du VIH; ses recherches portaient également sur le transfert de la maladie de la mère au foetus et, plus récemment, sur des groupes de prostituées exposées mais résistantes au virus, pour nous permettre de mieux comprendre les mécanismes de résistance au virus. À Montréal, le Dr Sékaly joue un rôle de premier plan en cherchant à faire établir des normes internationales pour le suivi immunitaire des vaccins, pour mieux comprendre l'immunologie. Nous comptons toute une gamme de cliniciens qui sont à l'avant-plan du traitement de cette maladie, de même que des spécialistes des sciences sociales et épidémiologistes tels que le Dr Calzavara, le Dr Alary et d'autres encore qui oeuvrent dans les pays du bloc de l'Est, en Afrique et en Inde; ils représentent tous le Canada dans le monde entier.
Je suis non seulement président de l'Association canadienne de recherche sur le VIH, mais aussi un des principaux responsables des essais sur un vaccin contre le VIH menés par le Réseau canadien pour l'élaboration de vaccins et d'immunothérapies, le CANVAC. Les chercheurs canadiens sont en mesure de mettre au point un vaccin pour prévenir le VIH/sida. Imaginez seulement, comme vous le faites de temps à autre, ce que serait la situation si des chercheurs canadiens mettaient au point un vaccin contre le VIH/sida! Ce n'est pas impossible qu'ils le fassent, mais ils ont besoin de financement, particulièrement pour le développement clinique.
Pourquoi dis-je que des Canadiens sont en mesure de mettre au point ce vaccin? En premier lieu, c'est parce que nous avons formé un réseau virtuel au Canada que nous appelons le CANVAC, et qui nous donne une masse critique. Ce réseau est un des seuls à compter des spécialistes en immunité des muqueuses et en vaccinologie. L'immunité des muqueuses permet de comprendre l'immunité des membranes muqueuses du corps humain, ce dont je pourrai vous parler plus longuement si cela vous intéresse. Notre réseau est donc un chef de file mondial dans le suivi immunitaire. Vous entendrez peut-être parler de nouveaux bio-essais génétiques, de bio-essais de plaquettes génétiques, qui émanent du réseau CANVAC. Grâce au groupe de Winnipeg et à son étroite collaboration avec l'Université de Nairobi au Kenya, le Canada compte plus de 20 ans d'expérience probante avec les pays en voie de développement. Le Canada a été le pays qui a recruté le plus rapidement des spécialistes en vue de la troisième phase des essais cliniques de VaxGen dont vous avez peut-être entendu parler et qui ont échoué récemment. Néanmoins, notre réseau de patients et d'essais cliniques a été très efficace dans les démarches menant à ces essais et à la participation du Canada. Vous entendrez sous peu Ralf vous expliquer que le Réseau canadien d'essais sur le VIH impose des considérations juridiques et éthiques poussées à tous les essais sur les vaccins contre le VIH.
¹ (1545)
Parlant de vaccins, ce qui nous manque, c'est du financement pour la mise au point, c'est-à-dire pour préparer des lots cliniques—nécessaires pour effectuer les essais de vaccins et coûtant environ 1 million de dollars à produire—et pour les tests cliniques. Cela nous permettrait non seulement d'effectuer les préparations vaccinales, mais aussi d'aller de l'avant en Afrique et dans les pays en voie de développement; vous comprenez qu'il nous faut des fonds pour faire le travail de base et établir l'infrastructure nécessaire pour mettre au point ces vaccins, c'est-à-dire pour les essais de la phase un et deux, de même que les essais de la phase trois qui coûtent très cher. Toutefois, le Canada ne compte aucune infrastructure disponible pour la préparation des lots cliniques, même s'il est intéressant de noter que plusieurs entreprises de haute technologie, qui formaient naguère un secteur très actif dans la région d'Ottawa, ont aujourd'hui quitté la ville. Or, il se trouve que pour fabriquer une puce d'ordinateur, il faut des laboratoires d'une propreté irréprochable dont la structure est identique à celle des laboratoires où l'on produit les vaccins. Il y a donc là une possibilité d'investissent qui pourrait rapporter à long terme. Vous savez, je crois, que les vaccins contre le VIH ne représentent qu'une toute petite portion d'un énorme dossier canadien sur les vaccins qui bouillonnent chez nos médecins et à la Société canadienne des maladies infectieuses.
En dernier lieu, je tiens à signaler que le Canada doit aligner son engagement national à lutter contre le VIH/sida sur ses obligations internationales. Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais j'ai été témoin de quelques exemples récents de ce que j'appellerais des bonnes intentions qui ont mal tourné. Je veux parler de l'annonce faite à Barcelone par la ministre de la Coopération internationale, Mme Whelan, selon laquelle le gouvernement du Canada a décidé de contribuer par le truchement de l'ACDI à l'Initiative internationale sur le vaccin contre le sida et aux efforts internationaux à hauteur de 55 millions de dollars. Nous nous réjouissons évidemment de la contribution du Canada et de la part qu'il assume dans les efforts mondiaux, mais cette annonce a été faite sans qu'il y ait eu consultation du milieu de la recherche contre le VIH et sans qu'on reconnaisse que les chercheurs canadiens oeuvrent depuis déjà plus de 20 ans pour trouver des vaccins contre le VIH.
C'est là un exemple d'une mauvaise façon de s'y prendre pour le gouvernement et du manque de communication entre les différents ministères, alors qu'une annonce de ce genre aurait pu faire de nous tous des gagnants. Ah, si Oprah Winfrey était ici ce matin! Voilà qui illustre magnifiquement les percées de la recherche au Canada et les excellents liens que nous avons avec l'Afrique où se trouvent des infrastructures qui pourraient être utilisées pour faire avancer les initiatives canadiennes. Le vaccin destiné aux pays en voie de développement doit bien venir de quelque part, et il proviendra des pays industrialisés, avec la coopération et l'aide de nos partenaires des pays en développement. Il est possible d'oeuvrer tous ensemble pour que nous sortions tous gagnants. Ce n'est pas demander la lune que d'insister pour que les ministères se parlent les uns les autres. Mais ce qu'il nous faut, c'est un plan canadien pour la mise au point d'un vaccin international et qu'on soutienne les efforts déployés en ce sens.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup.
Nous devions accueillir en second lieu Mark Wainberg de l'Université McGill, mais comme il n'est pas ici, nous entendrons Art Zoccole du Réseau canadien autochtone du sida.
M. Art Zoccole (directeur général, Réseau canadien autochtone du sida): [Note de la rédaction: Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]
J'ai dit que je m'appelle Art Zoccole, que je suis un homosexuel obijway de la Première nation ontarienne du lac des Mille Lacs et que j'occupe actuellement le poste de directeur exécutif du Réseau canadien autochtone du sida. Ce réseau est une coalition d'organisations de service pour les Autochtones vivant avec le sida, d'organisations autochtones offrant des programmes pour les personnes touchées par le VIH/sida et d'Autochtones vivant avec le VIH et le sida.
Tous les jours au Canada, un Autochtone de plus est infecté par le VIH. Toutes les études incluant les Autochtones démontrent qu'ils sont infectés de plus en plus jeunes, de plus en plus vite et en plus grand nombre que les non-Autochtones. Ceux d'entre nous qui sont infectés font face quotidiennement à la peur, à la discrimination et à la stigmatisation dans nos propres collectivités de même qu'aux préjugés que manifestent les non-Autochtones à l'égard de notre héritage et de notre ascendance autochtones. Pendant 300 ans, nous avons lutté pour affirmer nos droits, notre indépendance, notre gouvernance, notre autodétermination, notre culture et nos croyances à l'encontre de ceux qui nous avaient été imposés. Le VIH/sida ne représente qu'un chapitre mortel de plus dans cette lutte permanente.
Nous, du mouvement autochtone de lutte contre le sida, ne cessons de répéter le même refrain au reste du monde pour attirer son attention. Le gouvernement et la société en général doivent reconnaître les taux d'infection alarmants chez les Autochtones du Canada qui sont analogues à ceux des pays du tiers monde. On doit également nous donner des ressources pour que nous abordions l'épidémie à notre façon, avec nos pratiques et dans notre contexte culturel. Beaucoup ont l'impression que nous voulons avoir le beurre et l'argent du beurre, mais ce n'est pas vrai. Moins d'un mois avant l'annonce de la stratégie de lutte contre le sida et le VIH chez les Autochtones du Canada, nous demandons que l'on nous accorde le financement prévu pour les stratégies de lutte contre le sida chez les populations autochtones dans toutes les régions, et pas seulement le financement des stratégies des gouvernements provinciaux ou celles des organisations de défense des droits communautaires.
Tout en acceptant de rendre des comptes aux grands organismes qui nous financent, nous voulons que l'on reconnaisse les quatre grands principes de propriété, de contrôle, d'accès et de possession de l'information, des programmes et des services en matière de VIH/sida dispensés dans les collectivités autochtones et dans leur entourage. Il faut reconnaître que ce sont les communautés autochtones qui savent mieux que quiconque comment aborder le problème du sida et du VIH dans leurs collectivités, tout comme ceux d'entre nous qui sont gais ou bispirituels savent mieux que quiconque comment aborder ces questions avec nos pairs, tout comme les femmes savent mieux que les autres ce qui donne de bons résultats pour les femmes, et ainsi de suite.
Toutes ces initiatives doivent être permanentes et durables. La méthode actuelle de financement fait perdre trop de temps dans des projets à court terme qui permettent d'alléger le sentiment d'inaction mais qui ne font rien pour donner une vision autochtone durable de cette maladie correspondant à notre propre expérience. De concert avec des stratégies régionales axées sur certaines populations, le financement de base et opérationnel doit être accordé à des organisations de service régionales destinées aux Autochtones infectés par le sida, de façon à ce que nous puissions élaborer une réponse à long terme dans toutes les régions du pays.
Voilà ce que nous souhaitons. Voici ce que nous exigerons tant que nous représenterons 26 p. 100 de tous les nouveaux cas d'infection au Canada et tant que l'iniquité, le racisme, la disparité économique et la maladie continueront à s'abattre sur nos peuples. Cela fait des années que les Autochtones réclament cela, et nous continuerons à réclamer la même chose tant que vous tous ne nous aurez pas entendus.
¹ (1550)
J'ai connu quelqu'un en 1982 qui est mort du sida; c'est depuis que j'ai voulu consacré toute ma vie et toutes mes énergies à cette cause. Depuis l'introduction des médicaments antirétroviraux au Canada, la survie de nos gens a été prolongée. Mais étant donné la façon dont on collecte les données en épidémiologie et en suivi des maladies et étant donné que les facteurs identificateurs ethniques ne sont pas enregistrés par certaines provinces et territoires, les chiffres ne traduisent pas réellement la situation. Après la lune de miel due à l'introduction des médicaments antirétroviraux, les décès dus au VIH et au sida sont maintenant plus nombreux dans les communautés autochtones. Je sais qu'il y aura un nombre croissant de gens qui mourront au Canada du VIH et du sida.
Merci.
La présidente: Merci, monsieur Zoccole.
Monsieur Wainberg.
Dr Mark Wainberg (président désigné, et directeur, Centre Sida McGill, International AIDS Society): Merci, madame la présidente.
D'abord, permettez-moi de me présenter. Comme certains d'entre vous le savent peut-être, je suis un ex-président de la Société internationale sur le sida. De toutes les choses que j'ai faites dans ma vie, je suis particulièrement fier d'avoir joué un rôle dans la décision de tenir, en 2000, une conférence internationale sur le sida à Durban, en Afrique du Sud. Cette réunion s'est révélée un véritable point tournant, car c'est là que, pour la première fois, on a mis en lumière les disparités entre pays riches et pays pauvres en matière d'accès aux médicaments qui sauvent des vies. Bien sûr, je suis ici pour parler de la recherche, mais je tenais à ce que vous sachiez que la conférence internationale sur le sida aura lieu à Toronto en 2006; elle revient donc au Canada. Vous savez peut-être que cet événement avait été prévu pour 2004, puis reporté à 2006 à la lumière de l'énorme succès remporté par la conférence de Durban. En effet, il est devenu clair que les représentants des couches de la société infectées par le VIH/sida de partout dans le monde, ainsi que les chercheurs eux-mêmes jugeaient judicieux de tenir cette réunion une fois sur deux dans un pays en développement où le sida est endémique. Ainsi, nous nous sommes entendus, avec le concours du conseil de Toronto et du Palais des congrès de la communauté urbaine de Toronto, pour reporter l'activité à 2006.
Cela signifie, bien sûr, que le Canada sera mis en vedette sur la scène mondiale sous l'angle de son engagement à la lutte contre l'épidémie du VIH. On nous demandera quelles sont les politiques canadiennes en matière de gestion des frontières, d'immigration et de recherche. Inutile de vous préciser que, en ce qui concerne les progrès accomplis par la recherche, on nous demandera, en 2006, ce qu'a fait notre pays pour se démarquer. Il faut procéder maintenant à l'investissement qui engendrera des succès d'ici 2006. C'est pourquoi nous vous demandons très sincèrement de recommander que l'on double le financement de la Stratégie canadienne sur le VIH/sida, pour la faire passer à 85 millions de dollars par année. Nous croyons vivement que cela est nécessaire, non seulement pour assurer l'efficacité de nos efforts de recherche au pays, mais aussi parce que beaucoup d'entre nous souhaitent mettre sur pied des programmes d'échanges en recherche avec d'autres pays et qu'il y a beaucoup de frustration face à notre incapacité de faire avancer cette question de façon vraiment significative.
Je vais maintenant parler sans détour et vous dire que l'un des organismes qui devrait logiquement nous aider à créer plus de programmes bilatéraux, si importants à nos yeux, est l'ACDI. Pour des raisons peu claires mais qui distinguent nettement le Canada de la plupart des autres pays développés du monde, il y a une lacune au niveau des efforts bilatéraux avec les pays en développement en vue de mener des essais cliniques, des études sur la résistance aux médicaments—l'un des sujets qui m'est si cher—et la création, dans certains cas, des infrastructures nécessaires à la mise au point d'un vaccin. Aussi, si vous avez quelque influence que ce soit dans cet immeuble qui se trouve de l'autre côté de la rivière des Outaouais, ce serait une excellente chose.
¹ (1555)
Permettez-moi également de souligner que bien qu'une somme de 85 millions de dollars puisse sembler importante, à ma connaissance, nous sommes, de tout le monde développé, le pays qui finance le moins les travaux de recherche en tous genres. Par exemple, les États-Unis dépensent probablement toujours environ huit fois plus d'argent par habitant pour toutes les formes de recherche sur le VIH que le Canada. D'un point de vue canadien, si l'on veut se montrer patriotique—et c'est mon cas—, on peut dire qu'on en a pour notre argent. En calculant le nombre d'excellents articles signés par des Canadiens publiés chaque année dans les meilleures revues consacrées à la recherche sur le VIH, on comprend qu'avec le peu de ressources dont nous disposons, nous surclassons régulièrement nos collègues américains. Il existe des moyens objectifs de faire ces calculs statistiques qui prouveraient sans conteste la véracité de mon affirmation. Nous ne pourrons pas rester éternellement à la tête du peloton. Nous ne pourrons pas continuer de faire des recherches de calibre international à moins d'avoir la capacité de poursuivre nos activités dans des laboratoires où travaillent des étudiants diplômés compétents qui ont envie d'être formés dans des laboratoires canadiens au lieu de continuellement craindre que les meilleurs d'entre eux ne partent pour les États-Unis ou d'autres pays.
Je crois que je devrais vous parler de ce que m'a appris mon expérience sur la scène internationale puisque j'y ai joué un rôle dans le passé et le ferai à nouveau dans l'avenir. D'abord, permettez-moi de dire que je reste à l'écart de tout débat sur le conflit en Irak, mais le VIH est un sujet qui me rend très émotif. D'ailleurs, j'espère conserver mon sang-froid maintenant car lorsque je parle de ce sujet je deviens souvent très émotif. Je crois qu'il vaut la peine de répéter que le sida fait trois fois plus de victimes dans le monde qu'il n'y en a eu lors de l'attentat du 11 septembre 2001. Au moment où je vous parle, le sida fait plus de victimes quotidiennement que n'en fait le conflit entre Israéliens et Palestiniens depuis le déclenchement des hostilités.
Autour de cette table, nombreux sont ceux qui manifestent une émotivité devant les événements internationaux, et je me compte parmi ceux-là, mais madame la présidente, j'entends rarement des députés exprimer leur sensibilité devant la crise mondiale du VIH, surtout à la lumière des statistiques que je vous ai présentées, comme ils le font lorsque surviennent des conflits mondiaux de tous genres. J'imagine qu'un exemple éloquent serait celui d'un de vos collègues qui a fait une remarque assez désobligeante à l'égard des Américains il y a quelques semaines. Sans vouloir entrer dans les détails de l'histoire ou me montrer trop critique à l'égard de qui que ce soit et sauf tout le respect que je dois aux parlementaires, l'épidémie la plus importante de toute l'histoire de l'humanité, qui est aussi le problème de santé publique international le plus important de l'heure, mérite certainement beaucoup plus d'attention, à mon avis, que ce que nous avons entendu sur la colline parlementaire.
º (1600)
Le problème n'est pas votre entière responsabilité. Les journalistes doivent aussi démontrer de l'intérêt pour le VIH et avoir les compétences nécessaires pour en assurer la couverture. Pensez-y à nouveau. Chaque jour, le VIH/sida fait trois fois plus de victimes de par le monde que les terribles événements survenus à la fois à New York le 11 septembre 2001 et en Virginie. C'est alarmant et lourd de sens. Demandez aux journalistes pourquoi il y a rarement d'articles au sujet du VIH à l'heure actuelle. Exception faite peut-être de la semaine consacrée à la conférence internationale sur le sida et à la journée mondiale sur le sida, en général, le sida ne défraie plus jamais la une. Pourquoi? Pourquoi la lutte au terrorisme et, bien sûr, la guerre sont-elles le centre de notre attention à ce moment de notre histoire? Ce que me disent les journalistes, c'est que les gens préfèrent les histoires de guerre à l'histoire ennuyeuse de la mort naturelle de quantité de personnes chaque jour, peu importe le nombre de victimes.
Au sens strictement juridique, il n'est peut-être pas faux de dire qu'une mort causée par le VIH est naturelle, mais permettez-moi de vous dire que c'est un crime contre l'humanité, à mon avis, que le monde entier ne fasse rien tandis que des millions de personnes meurent chaque année d'une maladie qui peut être prévenue à 100 p. 100 si les précautions nécessaires sont prises et qui peut être traitée efficacement et ainsi rallonger la vie des malades. Qui plus est, en santé publique, nous savons que si nous traitons les malades, non seulement nous aiderons les gens qui souffrent du VIH aujourd'hui, mais nous viendrons également en aide aux collectivités dans lesquelles ils vivent en réduisant le taux de transmission du VIH à la population qui n'est pas infectée, ce qui se traduira par un avantage durable pour ces populations comme pour nous, Canadiens.
Comme vous le savez puisqu'on le répète ad nauseam depuis longtemps, le virus du sida ne connaît pas de frontières. Malheureusement, la situation mondiale empire plutôt que de s'améliorer. Le nombre d'infections au VIH de par le monde continue d'augmenter chaque année, et c'est pour cela qu'il nous faut une recherche de haut calibre au Canada pour nous permettre de changer quelque chose, surtout étant donné que nous serons l'hôte de la conférence mondiale sur le VIH/sida à Toronto en 2006. Je vous prie de me croire, pendant cette semaine, les feux de l'actualité seront braqués sur le Canada. Ils seront braqués sur les chercheurs canadiens comme sur le pays tout entier, et des gens du monde entier nous demanderont dans quelle mesure notre pays est résolu à lutter contre la pire épidémie que le monde ait jamais connue, plus horrible en termes de victimes que la variole ne l'a jamais été et plus coûteuse en vies humaines que la peste noire de toute l'histoire de l'humanité. Nous parlons d'un phénomène dont l'ampleur est sans précédent. Ne vous y trompez pas, il existe d'autres maladies, il y en aura toujours, l'hépatite C en est une d'une importance extrême, mais sur le plan des chiffres, de la morbidité et de la mortalité, rien ne saurait rivaliser avec le VIH qui se trouve toujours sur la plus haute marche du podium. Il faut faire descendre le VIH du podium, il faut le terrasser, il faut le paralyser et nous devons, comme planète, gagner cette bataille parce que si nous échouons, devant un virus qui ne connaît aucune frontière, croyez-moi, nous, Canadiens, aurons un lourd tribut à payer, un prix bien plus élevé que ce que nous avons connu jusqu'à présent. Nous avons eu de la chance jusqu'à maintenant. Nous n'aurons pas toujours cette chance, mais en portant secours au monde, nous nous aiderons nous-mêmes.
Merci beaucoup.
º (1605)
La présidente: Je vous remercie beaucoup, docteur Wainberg.
Le prochain intervenant est Paul Lapierre de la Société canadienne du sida.
M. Paul Lapierre (directeur général, Société canadienne du sida): Depuis 10 ans que je travaille sur le VIH, mon pire cauchemar vient de se réaliser aujourd'hui : j'avais toujours réussi à ne pas faire d'exposé tout de suite après Mark, mais aujourd'hui, je n'y échappe pas.
[Français]
Je m'appelle Paul Lapierre et je suis directeur général de la Société canadienne du sida. La Société canadienne du sida est un organisme communautaire qui a vu le jour au début des années 1980 et qui regroupe 115 membres. Ces organismes communautaires peuvent être composés uniquement de bénévoles ou être aussi importants que AIDS Committee of Toronto, AIDS Vancouver et CPAVIH au Québec.
La Société canadienne du sida se veut une voix qui représente la perspective communautaire. Ce que j'ai vite compris, c'est que la Société canadienne du sida ne peut pas être qu'une seule voix. Afin de lutter contre le VIH et le sida, on doit travailler avec plusieurs partenaires. On a tous un rôle à jouer dans la lutte qu'on entreprend. Il est important de définir et de déterminer l'expertise des différents partenaires et de travailler en collaboration.
º (1610)
[Traduction]
Comme nous le savons tous, 50 000 Canadiens et Canadiennes vivent avec le VIH/sida. Quatre mille Canadiens contractent encore le virus chaque année, et comme je l'ai déjà dit, il est possible de prévenir le VIH/sida. Mais que faisons-nous donc? Échouons-nous? Quels sont les enjeux?
J'ai pris connaissance de quelques estimations afin de préparer mon exposé d'aujourd'hui. J'ai appris que les coûts du traitement représentent, en moyenne, 150 000 $ par année, et ces chiffres ne sont pas à jour. Nous avons fait d'importants progrès en matière de traitement. D'ailleurs, un nouveau traitement devrait être disponible très bientôt au Canada qui ne coûtera, en moyenne, que 30 000 $ par personne par année. Que cela représente-t-il? Le coût indirect de la perte de productivité due aux décès prématurés des Canadiens infectés est évalué à 600 000 $ par personne. Ces calculs ont été réalisés par des experts qui s'affairent d'ailleurs à les mettre à jour. J'ai étudié la situation d'autres pays développés. En Australie, le taux de prévalence du VIH est 60 p. 100 moins élevé qu'ici, et l'investissement pour le VIH/sida est 52 p. 100 plus élevé que chez nous. Les pays qui ont connu du succès ont pris beaucoup d'initiatives. Comment se fait-il qu'au Canada, nous n'ayons toujours pas de sites d'injection sécuritaire et de programmes d'échange de seringues efficaces? Nous nous devons d'être plus novateurs.
Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui. Je crois que la lutte contre le VIH/sida amorce un nouveau tournant positif. Le gouvernement doit réagir plus activement au VIH/sida. La force de la Stratégie canadienne sur le VIH/sida a été la communauté, mais dans 10 ans, le nombre de personnes infectées qui se présenteront aux organisations communautaires augmentera, et le problème sera plus complexe puisqu'il y aura des cas d'infections multiples, de troubles divers et des gens avec leur famille. Sommes-nous devenus bureaucrates même à l'échelle communautaire? Je ne crois pas, mais la bureaucratie avec laquelle nous devons composer devient cauchemardesque. J'ai bien peur que nous perdions la souplesse et la créativité qu'il nous faut pour combattre cette maladie.
Ce que nous revendiquons aujourd'hui, c'est une véritable stratégie pancanadienne. Je suis heureux de savoir que votre comité se penche sur la question. Il y a quelques semaines, nous débattions des orientations du gouvernement, notamment le rôle de l'ACDI, celui d'Industrie Canada, les initiatives pour les sans-abri et le logement à prix abordable, le travail du conseil des femmes, le travail auprès des jeunes et ainsi de suite. La Société canadienne du sida, ses membres, partenaires et collègues ont lancé une vaste campagne d'information auprès des députés, des ministères et d'autres organisations afin de coordonner nos efforts de lutte contre le VIH/sida, non seulement à l'échelle locale, mais également internationale comme je l'ai dit un peu plus tôt.
Les 42 millions actuels ne sont plus suffisants. La communauté de lutte au VIH essaie de trouver d'autres sources de financement auprès des pharmacies et du secteur privé, mais nous savons tous que ces efforts seront vains. J'ai fait une comparaison entre la marche pour le sida et la marche CIBC pour le cancer du sein, et nous faisons piètre figure. Les Canadiens ne voient plus les conséquences du VIH au quotidien, et pourtant, ils sont nombreux à être infectés même si la maladie peut être prévenue.
º (1615)
Le financement des gouvernements provinciaux et territoriaux varie tellement. Je ne pense pas que l'on ait une compréhension claire de l'impact dans diverses provinces et divers territoires. Je suis content d'être Ontarien, mais suis-je content d'être Canadien? C'est la question qui se pose en permanence. Ce que je vous présente aujourd'hui est une option pour une stratégie renouvelée sur le VIH et le sida. On parle d'injecter plus d'argent, on parle de doubler la stratégie, mais l'argent n'est pas la seule solution. L'argent est certainement un atout pour trouver une solution, mais ce qu'il nous faut, c'est un véritable partenariat. Nous devons pouvoir nous parler, laisser tomber nos egos personnels, laisser de côté les querelles de compétence, oublier nos ambitions privées, et nous attaquer au problème. Le problème, c'est le VIH. Le problème, c'est un virus dont les mutations sont beaucoup plus rapides que tous les efforts déployés par les politiciens et les collectivités. Au début des années 80, je pense que notre stratégie était en avance. Le Canada avait une réputation internationale. Le mouvement communautaire a élaboré certains modèles et des pratiques, et la prévention donnait des résultats, mais que s'est-il passé 15 ans plus tard? Je pense que nous avons pris du retard.
Nous nous tournons donc vers vous, collègues, partenaires, pour faire en sorte que le rapport reflète vraiment ce que vous avez entendu. Je pense que cela tombe à pic que vous ayez rencontré des membres de la communauté il y a une semaine. Vous avez rencontré des fonctionnaires gouvernementaux. Vous allez encore aujourd'hui rencontrer d'autres témoins. Il y a beaucoup de Canadiens que vous n'aurez malheureusement pas le temps d'écouter, mais il y a dans notre pays un actif qui est le point fort de notre stratégie canadienne sur le VIH et le sida, nommément le secteur bénévole. Je pense que nous devons le reconnaître.
Cela dit, le secteur bénévole n'est pas le seul secteur qui a besoin d'appui, de soutien, de valorisation ou de durabilité. Quand on examine les techniques de réduction des torts, c'est-à-dire la prévention, cela se fera en partenariat avec la communauté médicale et les autres professionnels de la santé. Nous devons examiner le modèle qui a été mis au point à Vancouver, où les autorités municipales sont également des intervenants clés dans les efforts qui, espérons-le, aboutiront à l'ouverture d'établissements où les drogués pourront se piquer sans danger.
Nous devons prendre acte de nos différences, des besoins particuliers de l'organisation autochtone, des cultures spécifiques qui existent d'un océan à l'autre. Un message sur la prévention s'adressant à la communauté gaie de Toronto n'aura pas le même impact qu'un message sur la prévention s'adressant à la communauté inuite. Trop souvent, nous ciblons Montréal, Vancouver et Toronto, mais le VIH et le sida se répandent d'un océan à l'autre. Nous devons élaborer des messages taillés sur mesure pour les diverses collectivités. Heureusement pour nous, il y a 15 ans, nous pouvions cibler une collectivité, et nous l'avons fait efficacement, mais aujourd'hui, ce sont les jeunes, les femmes, les gens de la rue, les sans-abri. Tout le monde est à risque, à mon avis. Nous devons donc cibler la prévention.
Nous devons doter notre gouvernement canadien et les gouvernements provinciaux de systèmes de données et de surveillance. Nous devons redonner l'élan que nous avons perdu dans la communauté de la recherche pour encourager les jeunes chercheurs à se lancer dans ce domaine. Il y a de bonnes initiatives. Nous devons faire preuve d'imagination. Nous devons faire appel à la collectivité à tous les niveaux, qu'il s'agisse de messages de prévention, de politique ou de défense des intérêts, et je pense que nous avons tous un rôle à jouer. Nous devons travailler en partenariat. Il faut rompre le silence. Il faut abattre les cloisons. Nous devons renforcer ce que j'appelle le continuum, c'est-à-dire la recherche, y compris le traitement, le vaccin, les microbicides, la résistance aux médicaments, l'échec du traitement. La recherche est très vaste, et je pense que nous pouvons nous en faire les champions. Nous devons maintenir et renforcer nos messages de prévention. Nous devons maintenir et renforcer les soins, le traitement et le soutien que nous donnons non seulement aux personnes infectées, mais à toute la communauté qui est également touchée.
En terminant, tout ce que j'ai à dire, c'est ceci : pourquoi de nouveaux Canadiens sont-ils infectés? Pourquoi y a-t-il des Canadiens qui n'obtiennent pas de traitement? Comment se fait-il que j'entends dire dans la rue que le traitement est un échec? Pourquoi sommes-nous en train de créer des citoyens de deuxième classe? Je pense que nous avons l'occasion d'intervenir et de faire la différence. Nous avons rencontré des représentants des gouvernements, nous avons rencontré les ministres de la Santé, et je pense que nous sommes en train de prendre un élan, qu'il ne faut pas perdre, pour s'assurer que le VIH soit, devienne et redevienne la priorité pour tous les Canadiens, y compris les autorités gouvernementales et les organisations communautaires.
Merci.
La présidente: Merci, monsieur Lapierre.
Nous passons à M. Jürgens.
M. Ralf Jürgens (directeur général, Réseau juridique canadien VIH/sida): Bonjour, mesdames et messieurs, et merci de me donner l'occasion de m'adresser à votre comité.
Je suis arrivé au Canada en 1989, et j'y travaille à plein temps depuis 1990 sur les questions juridiques, éthiques et de droits de la personne liées au VIH. J'ai donné le premier cours sur le VIH/sida et le droit jamais offert par une université canadienne. De 1992 à 1994, j'ai été le coordonnateur du projet du Comité d'experts sur le sida et les prisons. Plus récemment, en 2001, j'ai été l'un des deux représentants non gouvernementaux au sein de la délégation du Canada à la session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies consacrée au VIH/sida.
Ma participation à la lutte contre le VIH/sida remonte à l'époque où j'étais étudiant en droit à l'Université de Munich, en Allemagne, en 1984. À ce moment-là, le gouvernement de la Bavière prévoyait imposer un test du VIH à tous les étudiants en droit, afin d'exclure tous ceux qui seraient séropositifs. On se disait que ces gens allaient mourir de toute façon. Le gouvernement estimait qu'il était inutile de payer leurs études. En fin de compte, après une longue bataille, nous sommes parvenus à convaincre le gouvernement que la politique qu'il proposait serait injuste et discriminatoire, et que la proposition de base reposait sur l'ignorance et la peur, plutôt que sur les faits.
Ce n'est qu'un des nombreux exemples qui montrent comment, depuis les débuts de l'épidémie du VIH/sida, il y a eu une deuxième épidémie—une épidémie de stigmatisation et de discrimination. De fait, lorsqu'on examine l'expérience des personnes vivant avec le VIH, deux choses se démarquent. La première est la diversité des personnes vivant avec le VIH/sida, mais la deuxième est la fréquence et la diversité des manifestations de stigmatisation et de discrimination à leur endroit. Aucune sphère de la vie de ces personnes n'est épargnée par la stigmatisation et la discrimination. Ces personnes ont été empêchées d'obtenir des soins de santé et de soutien social dont elles ont besoin. Des adultes porteurs du VIH perdent leur emploi ou sont rejetés à l'embauche et des enfants se voient fermer les portes de garderies.
La discrimination contre ces personnes et contre les populations que l'épidémie affecte est injustifiée et injuste dans la plupart des cas. Ce constat est une raison suffisante, du point de vue de l'éthique, pour qu'une société prenne les mesures nécessaires pour prévenir, corriger et supprimer la discrimination. De plus, la discrimination à l'égard des personnes vivant avec le VIH ou des populations touchées par l'épidémie a de graves conséquences. À cause de la stigmatisation et de la discrimination, certaines personnes sont plus vulnérables à l'infection à VIH et les gouvernements consacrent moins de ressources à la lutte contre l'épidémie. Le stress lié à la séropositivité du VIH, le secret entourant la séropositivité ainsi que l'isolement social qui l'accompagne, sont tous néfastes à la santé psychologique des personnes atteintes. Parmi les autres conséquences, il y a l'insuffisance des mesures adaptées au milieu de travail, leur réticence à demander des prestations relatives aux dépenses médicales ou à l'invalidité, de peur d'être harcelées ou congédiées, et leur réticence à demander des soins de santé, étant donné les attitudes et les remarques stigmatisantes et discriminatoires que cela provoque. Enfin, la crainte d'être stigmatisés ou de faire l'objet de discrimination peut en fait dissuader bien des Canadiens et Canadiennes de demander un test de vérification pour le VIH.
En 1998, le Réseau juridique canadien VIH/sida a présenté un plan détaillé pour s'attaquer à la stigmatisation et à la discrimination liées au VIH/sida au Canada. J'ai laissé un exemplaire de ce plan auprès de la greffière. Ce plan a fait l'objet d'éloges au Canada et à l'échelle internationale, et le Programme des Nations Unies pour le VIH/sida l'a inclus dans son recueil des pratiques exemplaires. Toutefois, il n'a jamais été mis en oeuvre. Pourquoi? Parce que la Stratégie canadienne sur le VIH/sida manque de financement. Ainsi, en 2003, la stigmatisation et la discrimination perdurent et certaines études portent même à croire qu'elles s'accentuent.
º (1620)
La Stratégie canadienne sur le VIH/sida a vu le jour peu de temps après que le Canada devienne ma terre d'accueil. Comme vous l'avez entendu dire la semaine dernière, la stratégie a connu de nombreux succès. Elle soutient un mouvement communautaire qui donne de l'appui aux personnes vivant avec le VIH/sida aux quatre coins du pays. Elle soutient la recherche qui permet de mieux comprendre l'épidémie et ses déterminants. Elle finance un travail sur les aspects juridiques et éthiques de la maladie. La stratégie permet aussi d'impliquer de nouveaux partenaires dans la lutte contre le VIH, comme par exemple le Service correctionnel du Canada. Mais déjà, en 1993, alors qu'il représentait l'opposition officielle, le Parti libéral avait déclaré à raison que le niveau de financement de la stratégie, 42,2 millions de dollars, étant insuffisant.
Vous savez que depuis lors, le nombre de Canadiens et de Canadiennes qui vivent avec le VIH/sida a presque doublé, pour atteindre 54 000 personnes et que l'épidémie s'est propagée à d'autres populations vulnérables. Vous avez entendu le témoignage de Louise Binder, une femme qui vit avec le VIH, qui vous a dit combien de femmes sont atteintes de l'infection et combien sont touchées par cette infection, et elle a ajouté que les nouveaux traitements sont loin d'être des remèdes. Vous avez entendu le témoignage de Sheena Sargent qui a souligné la vulnérabilité des jeunes. Vous avez entendu la Dre Françoise Bouchard parler de l'épidémie du VIH dans nos prisons. Vous avez entendu le Dr Martin Schechter vous dire que dans certaines régions du Canada, le taux d'infection parmi les personnes qui s'injectent des drogues a atteint 40 p. 100, un taux plus élevé que dans la plupart des pays d'Afrique. Vous avez entendu dire que le taux d'infection chez les jeunes gais recommençait à grimper. Cela ne devrait pas nous étonner puisque, lorsque l'épidémie a commencé à atteindre d'autres groupes, les rares ressources disponibles leur ont été consacrées, et on a manqué de vigilance à l'égard de l'épidémie chez les hommes gais. Aujourd'hui, Art Zoccole vous a parlé de l'augmentation du nombre d'Autochtones infectés au Canada.
Personne ne devrait s'étonner devant ces réalités désolantes. Les experts n'en sont pas surpris. Depuis des années, nous le répétons: étant donné le niveau de financement que l'on consacre à la lutte contre le VIH/sida, nous ne pouvons probablement pas faire mieux. Pourtant, nous pourrions faire mieux, si l'on nous en donnait la chance. Et nous le devons, car, dans son adresse en réponse au discours du Trône, le ministre Chrétien a affirmé que la santé est un droit humain fondamental. Le Canada a effectivement signé la déclaration d'engagement sur le VIH/sida, adoptée en juin 2001 à la session extraordinaire de l'Assemblée générale de l'ONU sur le VIH/sida. Ce faisant, le Canada s'est engagé à accorder la volonté politique et les ressources financières nécessaires à la lutte contre l'épidémie. En signant, le Canada s'est engagé à établir des objectifs nationaux de prévention, au plus tard en 2003. Il s'est aussi engagé en particulier à réduire la prévalence du VIH d'au moins 25 p. 100 parmi les jeunes. En signant, le Canada s'est engagé à intensifier son action et à consacrer plus de ressources à l'élimination de la discrimination. Le Canada s'est aussi engagé à augmenter les investissements et à accélérer la recherche en ce qui concerne le développement des vaccins anti-VIH. Enfin, en signant, le Canada s'est engagé à augmenter notre contribution à la lutte mondiale contre le VIH/sida et à faire progresser une stratégie internationale en matière de VIH/sida à laquelle le gouvernement du Canada adhérerait.
Si on accordait 85 millions de dollars, auxquels s'ajouterait un financement pour la recherche qui permettrait au Canada de devenir un chef de file dans l'effort international pour trouver un vaccin contre le VIH, nous pourrions nous rapprocher des objectifs auxquels nous nous sommes engagés, et nous pourrions réaliser l'exercice du droit humain fondamental à la santé pour tous les Canadiens, plutôt que de continuer à en refuser l'exercice à ceux qui sont les plus vulnérables au VIH. Nous pourrions renforcer les efforts de prévention, notamment en appliquant des mesures comme l'échange de seringues en prison et l'ouverture de lieux salubres pour l'injection, dans la collectivité, car ces mesures ont déjà fait leurs preuves dans d'autres pays. Si le Canada n'a pas encore adopté ce genre de moyens, du moins en partie, c'est parce que nous n'avons pas actuellement les fonds nécessaires. Nous pourrions faire un effort concerté pour lutter contre la stigmatisation et la discrimination. Nous pourrions procéder à un examen exhaustif des lois et politiques canadiennes afin de repérer, pour les modifier, celles qui nuisent à la prévention, aux soins, aux traitements et au soutien des personnes atteintes. Nous pourrions élaborer et mettre en oeuvre un programme de recherche exhaustif. Nous pourrions mieux appuyer les organismes communautaires de lutte contre le sida et les groupes d'appui aux personnes vivant avec le VIH afin que ceux qui sont le mieux placés pour fournir des services aux personnes atteintes disposent des ressources nécessaires. Nous pourrions faire plus d'efforts pour obtenir un traitement pour ceux qui, au Canada, n'en reçoivent pas. Nous pourrions commencer à appliquer d'autres mesures définies dans le plan stratégique quinquennal que l'on élabore actuellement pour lutter contre le VIH/sida au Canada.
º (1625)
Nous pouvons changer les choses, nous avons une vision, celle de faire diminuer le nombre de nouveaux cas d'infection au VIH, celle de sauver des vies et de protéger, de promouvoir et de permettre que puisse s'exercer le droit à la santé pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes. C'est une vision pragmatique: si nous réduisons de moitié le nombre de nouveaux cas de VIH tous les ans, nous sauverons 10 000 vies et des milliards de dollars en soins de santé, sur une période de cinq ans. Donc, 85 millions de dollars par année, et le financement de la recherche de vaccins s'ajoutant à cela, nous permettraient s'infléchir le cours des choses, ce que nous souhaitons tous si ardemment.
Merci beaucoup.
º (1630)
La présidente: Merci, monsieur Jürgens.
Nous passons maintenant aux questions et réponses. Monsieur Merrifield, vous avez la parole.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): Je vous remercie d'être venus nous faire part de vos points de vue sur cette préoccupation de plus en plus grande qui tourmente les Canadiens. Je pense que les Canadiens comprennent mieux la situation aujourd'hui et je voudrais aborder la question de la stigmatisation dont M. Jürgens a traité.
Vous avez déclaré que la stigmatisation à l'égard du VIH gagnait du terrain, mais j'avais l'impression que la population était mieux renseignée aujourd'hui qu'il y a 10 ans. Vous dites que ce n'est pas le cas et j'aimerais que vous nous expliquiez ce qui vous porte à dire cela. Vous appuyez-vous sur des exemples précis?
M. Ralf Jürgens: Nous avons fait des études sur la question et j'en ai laissé des exemplaires à la greffière. À la fin des années 80 et au début des années 90, le public canadien était mieux renseigné sur le VIH, connaissait mieux la maladie, et l'attitude à l'égard des personnes atteintes a changé en quelque sorte. Toutefois, des études plus récentes, effectuées l'année dernière par exemple, montrent qu'étant donné l'absence de campagnes de sensibilisation auprès du grand public, le dossier n'est plus une actualité immédiate et les Canadiens oublient les leçons apprises à la fin des années 80 et au début des années 90.
Il y a en outre de nouvelles raisons de faire de la discrimination à l'égard des gens qui vivent avec le VIH. Par exemple, les employeurs aujourd'hui ne craignent plus d'être contaminés, mais du point de vue de l'employeur, le fait est qu'il existe des traitements et que ces traitements sont coûteux. Ainsi, cela les pousse à faire des distinctions, et les personnes atteintes souffrent de cette stigmatisation et de cette discrimination. Comme je l'ai dit, cette situation dissuade même les gens de subir un test. Cela explique également pourquoi les gouvernements n'ont pas mené une lutte acharnée contre le VIH comme ils le font dans le cas d'autres maladies. La sympathie du public n'existe tout simplement pas.
M. Rob Merrifield: Autrement dit, nous perdons du terrain sur le plan de la stigmatisation et vous dites qu'elle est passée dans le milieu de travail, car nous sommes peut-être en train de marquer des points pour ce qui est de l'attitude du public en général alors que la stigmatisation devient plus économique. Est-ce ce que vous dites essentiellement? Avant de répondre, expliquez-moi comment vous injecteriez de l'argent pour résoudre ce problème. Quel serait le moyen d'optimiser un tel investissement?
M. Ralf Jürgens: Je n'ai pas dit que nous avions gagné la bataille, ce que j'ai dit c'est que nous avions réalisé des progrès importants à la fin des années 80 et au début des années 90, mais que des études récentes montrent que nous avons perdu du terrain depuis lors.
Nous mettrions en oeuvre le plan qui a été reçu très favorablement ainsi que ses nombreuses recommandations et si nous ne l'avons pas déjà fait c'est simplement par manque de fonds.
M. Rob Merrifield: Est-ce que c'est le plan que vous avez là?
M. Ralf Jürgens: Oui, il s'agit de ce document.
M. Rob Merrifield: Très bien. Nous l'examinerons.
D'après la Société canadienne du sida, le virus subit des mutations. C'est peut-être le domaine d'expertise de M. Rosenthal. Vous m'avez semblé excité par la possibilité qu'il y ait bientôt un vaccin. Moi aussi, si c'est vrai. Mais je me demande si le vaccin sera efficace contre un virus mutant. Sommes-nous plus près du résultat? Dans combien de temps aura-t-on un vaccin? D'après vous, quels sont les obstacles à surmonter?
º (1635)
Dr Kenneth Rosenthal: C'est un problème très difficile que je n'essaierai pas de minimiser. Tout d'abord, il faut que vous sachiez que le virus VIH-1, celui dont nous parlons, et qui est responsable de l'épidémie mondiale compte maintenant au moins huit sous-types génétiques différents. En fait, nous savons maintenant que ces sous-types se mélangent et se recombinent en échangeant leur information génétique, un peu comme le font les virus de la grippe. C'est donc un problème extrêmement difficile. Les mutations dont Paul vous parlait sont essentiellement de cette nature : si vous traitez un patient au moyen d'un cocktail médicamenteux, à la longue le virus subira des mutations afin de résister à ces médicaments, tout comme les bactéries qui deviennent résistantes aux antibiotiques. Nous savons maintenant que ces variantes du virus qui résistent aux médicaments sont transmissibles. Pour que nous puissions continuer à traiter ces patients, il faut que les sociétés pharmaceutiques soient plus rapides que les mutations du virus, ce qui est très difficile. C'est un défi de taille.
Nous pouvons également expliquer pourquoi le virus subit des mutations. En gros, lors de la duplication de son matériel génétique, le virus commet souvent des erreurs qu'il ne corrige pas. Le virus est un agent très diabolique et difficile à battre.
M. Rob Merrifield: Pour en revenir à la question du financement qu'il faudra pour nous permettra d'aller de l'avant, quels sont les obstacles? Ma question porte sur le financement des IRSC qui s'élève à 13,5 millions de dollars, je crois, sur un total de 42,2 millions de dollars. Les IRSC ont beaucoup d'argent et je me demande si vous estimez recevoir votre juste part ou si vous pensez que vous n'en recevez pas assez. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Dr Kenneth Rosenthal: Je crois savoir que ce ne sont pas les IRSC qui gèrent la totalité de ces 13 millions de dollars qui sont affectés à la recherche en vertu de la stratégie. Je crois que M. Singh des IRSC vous a donné une ventilation.
M. Rob Merrifield: Je comprends cette partie de la question. Je me demande ce que vous pensez du montant de la subvention que vous recevez des IRSC.
Dr Kenneth Rosenthal: Vous devez savoir que nous n'avons pas vraiment une enveloppe budgétaire pour l'élaboration de vaccins contre le VIH, mises à part les sommes versées au CANVAC. En fait, le budget du CANVAC a diminué au fil du temps. Les documents que vous avez en main indiquent qu'environ 1,3 million de dollars est affecté à l'élaboration d'un vaccin contre le VIH au Canada et cela peut vous sembler une somme importante mais en réalité c'est presque rien. L'an prochain, le CANVAC aura moins d'un million de dollars pour élaborer un vaccin contre le VIH. En comparaison, le gouvernement américain fournit 400 millions de dollars pour la recherche de vaccins contre le VIH alors que les Français dépensent 8 millions d'euros. Au Canada, nous dépensons environ 1 million de dollars canadiens—une vraie farce.
M. Rob Merrifield: D'accord, si les États-Unis, qui dépensent 400 millions de dollars, réussissent à mettre au point un vaccin, nous allons certainement pouvoir l'utiliser, n'est-ce pas?
Dr Kenneth Rosenthal: Oui, bien sûr. Il y a de l'espoir. Le CANVAC collabore au Réseau d'essai de vaccins contre le VIH aux États-Unis et avec l'ANRS en France, et il essaie d'établir des liens avec l'Initiative internationale de recherche d'un vaccin contre le sida ainsi qu'avec les initiatives du Kenya et d'autres pays d'Afrique. Nous essayons d'établir des réseaux et des partenariats avec ces divers organismes afin que nous puissions contribuer à la cause.
º (1640)
M. Rob Merrifield: Très bien.
La présidente: Merci, monsieur Merrifield.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Commençons par M. Lapierre, de la Société canadienne du sida.
Je veux m'assurer d'une chose pour que ça soit très clair dans notre rapport. J'ai eu des représentations indiquant que, de plus en plus, il y avait une bureaucratie extrêmement tatillonne, particulièrement dans le programme PACS que vous connaissez, soit le PACS soutien ou le PACS ponctuel. Il y a même la COCQ-Sida--j'espère bien qu'elle pourra comparaître--qui dit que les groupes doivent investir des heures et des heures pour faire des rapports et répondre à des contrôles qui ne sont manifestement pas justifiés, compte tenu des montants en cause et de l'expérience que ces groupes ont acquise au cours des années.
Avez-vous eu les mêmes représentations à titre de directeur général de votre organisme?
M. Paul Lapierre: Oui. Ce qu'on voit présentement et qui est malheureux, c'est un changement dans les mécanismes de contrôle qui sont imposés aux groupes communautaires à la lumière du rapport du vérificateur général et à la lumière de certains besoins. Comme on dit en bon latin, il faut être redevable des fonds publics, ce qui est quand même légitime. Mais on est en train d'implanter une bureaucratie et une lourdeur administrative qui, dans certains cas, rend le travail complexe.
Je vous donne l'exemple d'un groupe communautaire qui a passé 130 heures à préparer une demande de financement qui a été refusée. Donc, pour améliorer la situation, il faudrait augmenter la capacité des groupes communautaires à bien comprendre les formulaires de financement, mais également sensibiliser les fonctionnaires à la nécessité de simplifier certaines formules. Je ne vois pas la nécessité de justifier huit fois la facture de téléphone dans une demande de financement, alors que c'est une chose qu'on ne peut pas contrôler.
Il faut être responsable de la façon dont l'argent est investi et dépensé, mais il faut également être créatif afin d'alléger la lourdeur administrative.
Cela étant dit, j'aimerais quand même signaler qu'en Alberta, par exemple, le gouvernement provincial, le gouvernement fédéral et les groupes communautaires ont développé une formule de financement unique qui permet d'avoir un formulaire pour accéder à la fois à des fonds du PACS, ou ACAP en anglais, et aux fonds de la province.
Il faut étudier les bons résultats qu'on obtient à certains endroits.
M. Réal Ménard: Monsieur Lapierre, si vous me le permettez, je vais passer à M. Wainberg.
Vous savez que ce comité va faire un rapport sur l'évaluation de la stratégie. Concrètement, que souhaitez-vous voir figurer dans notre rapport concernant la recherche et les voies les plus susceptibles de nous mener à la découverte d'un vaccin made in Canada?
Dr Mark Wainberg: Tout d'abord, il faut constater que la recherche au Canada est déjà en cours, mais n'est pas adéquatement subventionnée. Lors du dernier concours des IRSC, si je me rappelle bien, environ 80 p. 100 des demandes dans le domaine du sida n'ont pas été acceptées; ces projets n'ont donc pas été subventionnés. Bien sûr, lors de ces concours des IRSC, le taux de succès des demandes en général au Canada, pour n'importe quelle maladie, a été très, très faible. Ceci est vrai également dans le cas du VIH. Ce n'est pas parce qu'il n'y avait pas de bonnes demandes, mais parce qu'il n'y avait pas assez d'argent dans le système. Si vous parlez à M. Alan Bernstein, le président des IRSC, il va vous dire que les IRSC ne sont pas adéquatement subventionnés pour promouvoir la recherche canadienne comme il le faudrait.
M. Réal Ménard: Ce ne sont pas toutes les recherches sur le sida qui se font dans le véhicule des Instituts de recherche en santé du Canada. Est-ce que certains des essais cliniques dont vous nous avez parlé se font à l'extérieur de ce véhicule?
Dr Mark Wainberg: Au Canada, la plupart des démarches sont effectuées par les IRSC. Je pense qu'un de mes collègues a fait allusion au fait que dans le secteur privé, lorsqu'une marche est organisée pour différents types de cancer, on peut facilement rassembler des centaines de milliers de personnes. Il est devenu très difficile de faire quelque chose de semblable dans le domaine du sida.
Par exemple, l'agence privée que nous avons dans ce pays qui subventionne la recherche sur le VIH a réussi, l'année dernière, à dépenser environ un million de dollars dans tout le pays pour essayer de contrer cette maladie. Par contre, les agences canadiennes qui recueillent de l'argent pour lutter contre différents types de cancer réussissent probablement à dépenser environ 50 millions de dollars par année.
Il faut bien constater que le public a l'impression que nous avons déjà réussi à guérir cette maladie, ce qui n'est pas le cas. Le grand public est porté à dire que nous avons déjà des médicaments et que les gens vivent plus longtemps. Tout cela est vrai, mais on ne prend pas en considération le fait que le virus est en constante mutation. Le virus a déjà réussi à développer de la résistance à chacun des médicaments que nous avons à notre disposition. Le virus continue de muter en tout temps, et les compagnies pharmaceutiques ne sont pas capables, comme le Dr Rosenthal l'a mentionné, de devancer le virus.
º (1645)
M. Réal Ménard: Est-ce que vous avez autre chose à dire?
[Traduction]
La présidente: Monsieur Ménard, vos cinq minutes sont écoulées.
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci beaucoup.
Je pense que vous nous avez dit dans votre exposé qu'il faudrait réduire le nombre de nouveaux cas par année, ce qui nous permettrait d'économiser des sommes énormes au chapitre des soins de santé. Il est évident qu'il serait très utile que notre comité montre dans son rapport qu'en dépensant un peu maintenant nous pouvons économiser beaucoup plus tard. En général, c'est le genre d'arguments que nous présentons. Parfois, il faut de toute manière dépenser l'argent, même si ça ne permet aucune économie, mais il est parfois plus facile d'obtenir de l'argent si nous pouvons démontrer que cette dépense permettra d'économiser de l'argent dans cinq ans ou dix ans. Avez-vous fait de tels calculs?
M. Ralf Jürgens: Oui, ces chiffres sont disponibles. Nous aimerions réduire de moitié le nombre de nouvelles infections. À l'heure actuelle, il y en a environ 4 000. Si le Canada s'engage dans la lutte contre le VIH, je pense que nous pouvons réduire le nombre d'infections à 2 000. Si nous réussissions à faire cela, nous pourrions sauver 10 000 vies, et nous aurions 10 000 infections de moins sur une période de cinq ans. Selon une estimation prudente, chaque nouvelle infection coûte 150 000 $, de sorte que nous pourrions économiser 1,5 milliard de dollars sur une période de cinq ans. Les nouveaux traitements feront certainement augmenter les coûts de sorte que cette estimation est très prudente.
Mme Carolyn Bennett: Les 85 millions de dollars que vous demandez comprennent des sommes supplémentaires pour de nouveaux vaccins. Combien demandez-vous à ce titre?
M. Ralf Jürgens: Ce qui importe, c'est que ce soit de l'argent frais, car la recherche d'un vaccin est un effort à long terme. Nous devons nous engager, nous devons investir dans cette recherche maintenant. Nous n'aurons pas de vaccin d'ici cinq ans. Nous devons doubler le financement de la stratégie afin d'avoir les moyens de prévenir les infections pendant cette période. En même temps, nous devons profiter de nos avantages concurrentiels dans le domaine et nous engager sérieusement dans la recherche d'un vaccin qui ferait reconnaître le Canada.
Mes collègues sont mieux placés que moi pour vous parler de chiffres.
Mme Carolyn Bennett: Docteur Wainberg.
Dr Mark Wainberg: Si vous calculez qu'il en coûte en moyenne 15 000 $ par année pour fournir des médicaments aux personnes infectées par le VIH, nous pourrions, en empêchant 2 000 nouvelles infections chaque année, économiser 30 millions de dollars seulement pour les médicaments, sans parler du reste—le traitement des médecins et des infirmières et le coût des différents tests qui doivent être exécutés. Sur une période de 20 ans, cela représente des économies de 600 millions de dollars, et c'est une estimation prudente. Alors il est clair que nous devons faire beaucoup mieux. Nous économiserons de l'argent. Comme Art le disait, le fait que 26 p. 100 des nouvelles infections au Canada frappent les Autochtones est exactement le genre de renseignements qui attirera l'attention des autres pays. À la conférence internationale sur le sida qui aura lieu à Toronto, on nous demandera ce que nous avons fait en tant que pays pour prévenir ce problème.
Mme Carolyn Bennett: D'après le groupe des Nations Unies qui s'occupe du sida et un autre groupe de travail auquel j'ai participé, les lois relatives au sida devaient mettre l'accent sur les droits de la personne plutôt que de traiter ces questions uniquement comme un problème de santé publique. Pouvez-vous nous aider à comprendre cela et nous dire si les mesures législatives canadiennes sur le sida reflètent ce principe?
º (1650)
M. Ralf Jürgens: On reconnaît que le VIH est fondamentalement une question liée aux droits de la personne et que le fait de ne pas lutter adéquatement contre le VIH est une atteinte aux droits de la personne. Je suis membre du groupe de référence mondial sur le VIH, le sida et les droits de la personne des Nations Unies, qui dit que nous devons adopter une approche fondée sur les droits pour lutter contre l'épidémie étant donné que ce sont les personnes les plus vulnérables qui sont le plus susceptibles d'être infectées et nous ne pouvons pas cyniquement traiter cette épidémie comme un problème de santé publique, il faut aussi aider les gens à comprendre leurs droits fondamentaux.
Mme Carolyn Bennett: Pensez-vous que notre stratégie reflète ce principe?
M. Ralf Jürgens: Le Canada fait des progrès en ce sens.
La présidente: Merci.
Monsieur Robinson.
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Merci beaucoup, madame la présidente.
Je tiens à remercier tous les témoins pour leurs exposés et, ce qui est plus important, pour leur dévouement et leur engagement face à cette épidémie ici au Canada et dans le monde entier. Je suis fier d'être Canadien lorsque je vois le leadership dont nous faisons preuve dans ce pays à tous les niveaux de la collectivité, au sein des Premières nations et d'autres groupes.
Je ne connais personne qui n'aurait pas été touché par l'éloquence et la passion de Mark Wainberg. Comme il le sait bien, je l'ai entendu parler de cette question à maintes reprises au fil des ans. J'ai également entendu, comme vous tous, Stephen Lewis s'exprimer avec passion et, franchement, avec colère des souffrances des personnes qui vivent avec le VIH ou le sida, particulièrement dans l'Afrique subsaharienne. En fait, Stephen sera à Ottawa la semaine prochaine pour prendre la parole dans différentes tribunes publiques ainsi que sur la Colline. Je sais que nous avons tous hâte de l'entendre. J'espère de tout coeur que le rapport du comité reflétera ce sentiment d'urgence et d'indignation. Bien entendu, je ne peux pas parler au nom des autres membres du comité, mais je ferai certainement de mon mieux et je sais qu'il y a d'autres membres qui feront aussi leur possible.
Je trouve scandaleux, absolument scandaleux, que le niveau de financement n'ait pas changé depuis 1993. Je pense que je suis le seul membre de ce comité qui se souvient avoir été membre d'un sous-comité sur le VIH et le sida en 1992 et qui se rappelle que les libéraux, qui étaient alors dans l'opposition, se sont opposés avec acharnement, en présentant des arguments puissants et éloquents, contre le niveau de financement et qui promettaient que les choses se passeraient autrement lorsqu'ils formeraient le gouvernement. Nous voici dix ans plus tard, et rien n'a changé. Alors, même si nous avons dix ans de retard, j'espère que le comité pourra faire cette recommandation importante : que le niveau de financement soit porté à 85 millions de dollars comme tous nos partenaires le demandent.
Ce sont des travailleurs de première ligne. Hedy et moi avons assisté à une cérémonie avec Paul et d'autres à Vancouver pendant laquelle on a remis la médaille du Jubilé de la Reine aux travailleurs de première ligne, Glen Hillson, Tom McAulay et bien d'autres. Ce sont de vrais héros.
La présidente: Monsieur Robinson.
M. Svend Robinson: Je pense pouvoir utiliser à ma guise le temps dont je dispose, madame la présidente. À propos, je voulais mentionner que j'espère que le comité aura l'occasion de revoir l'attribution du temps. J'ai déjà soulevé cette question.
La présidente: Vous trouveriez peut-être que vous auriez plus de temps si vous en laissiez un peu pour la réponse.
M. Svend Robinson: Je voudrais poser quelques questions rapides.
La première concerne les droits de la personne, une question qu'a soulignée M. Phil Berger au sujet de nos politiques d'immigration lorsqu'il disait que les personnes séropositives pourraient représenter un fardeau trop lourd pour le système de santé publique, et que nous devrions refuser de les accueillir. Le Canada sera l'hôte de la conférence en 2006. Est-ce que les témoins pourraient commenter cette politique et nous dire quelles recommandations ils aimeraient que nous formulions à cet égard?
M. Ralf Jürgens: L'un des problèmes fondamentaux est que Citoyenneté et Immigration Canada a reconnu que les personnes qui passent le test de dépistage du VIH ne reçoivent pas tous suffisamment de conseils. C'est une question qui nous préoccupe grandement et qu'il faut traiter.
Le deuxième problème est qu'à l'heure actuelle le Canada ne prend pas en considération les contributions de ces personnes à l'égard de notre pays. Le Canada ne voit que le fardeau financier qu'un immigrant pourrait éventuellement représenter pour le Canada. Nous avons engagé la discussion et on nous a dit qu'à long terme le Canada espère pouvoir tenir compte de ces contributions. C'est fondamental. Nous ne devons pas voir ces personnes uniquement comme un fardeau éventuel à cause du coût des médicaments dont ils auront besoin, mais nous devons également reconnaître que les personnes qui vivent avec le VIH peuvent contribuer de façon importante à la société canadienne et qu'elles le font souvent. Ce sont les deux questions qui doivent être examinées.
º (1655)
Dr Mark Wainberg: J'ai été président de la Société internationale sur le sida il y a plusieurs années et j'ai dit à mes collègues que la conférence internationale devrait être tenue au Canada de nouveau et que Toronto serait un bon endroit. Ils ont accepté parce qu'ils reconnaissaient que cette conférence n'avait pas été tenue en Amérique du Nord depuis de nombreuses années. Par contre, ils ne voulaient pas que la conférence ait lieu aux États-Unis qui n'a jamais aboli sa politique de discrimination contre les personnes séropositives qui essaient de franchir leur frontière. Comme le Canada n'avait jamais appliqué une telle politique nous avons obtenu, après un vote en bonne et due forme, que la conférence se tienne chez nous.
Immigration Canada n'a pas modifié sa politique de passage de la frontière, mais le ministère aurait apparemment modifié ses critères de sélection des immigrants, ce qui pourrait ternir notre réputation dans les années précédant cette conférence internationale et cela pourrait être gênant pour le Canada. J'appuie entièrement Ralf qui vient de dire que ce genre de discrimination est inacceptable. Nous avons absolument le droit de tenir compte de la contribution qu'une personne peut faire, dans l'ensemble, à la société canadienne. Si on juge qu'une personne séropositive a une contribution importante à faire au Canada, cette personne doit être jugée de la même manière que tout autre immigrant éventuel. Ces personnes peuvent faire de grandes choses pour le Canada et une politique de discrimination générale dont le seul motif est la séropositivité ne nous fait pas honneur et pourrait même être embarrassante pour nous lors de la conférence de 2006 à Toronto.
M. Svend Robinson: Merci beaucoup. J'aimerais simplement demander que nos attachés de recherche nous aident à préparer le rapport en obtenant tous les renseignements sur cette question afin que nous puissions formuler des recommandations.
Merci.
La présidente: Merci, monsieur Robinson.
Madame Fry.
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.
Je suis justement une de ces personnes qui n'a pas besoin d'être convaincue, je vous le dis tout de suite. Pour moi, il est tout à fait illogique, face à 4 000 nouvelles infections par an, de disposer des mêmes sommes pour assurer le soutien de proximité, la prévention, le traitement, la recherche, sans compter que le virus est en train de muter. C'est absurde.
Mais j'ai une question d'ordre pratique à vous poser. Vous avez dit, et je suis d'accord, que la raison pour laquelle il n'y a pas de financement émanant du secteur privé c'est que tout le monde pense que la maladie est guérie, qu'elle ne les touche pas ou qu'elle a régressé en incidence et en virulence. Il doit bien y avoir moyen de faire passer le message. C'est peut-être qu'il faut savoir qui de l'oeuf ou de la poule est venu en premier. Si vous faites passer le message, les gens sont sensibilisés à la maladie et réclament une réaction du gouvernement. Avez-vous un plan d'action, bien concret et pratique pour transmettre l'information à la population?
M. Paul Lapierre: Quand il s'agit de sensibilisation et d'information, combien Santé Canada dépense à la stratégie antitabac ou en a dépensé au moment de l'adoption de la ceinture de sécurité dans les voitures? Il faut investir des millions de dollars si l'on veut changer les comportements. Quand je regarde ce que l'on consacre actuellement à la sensibilisation dans le cadre de la stratégie, je me dis qu'on ne va pas loin avec 100 000 $ par an. Cela peut suffire pour intervenir dans 12 bars d'une ville; l'argent consacré à la sensibilisation et à la prévention est facile à gérer. Quand on considère l'étendue du VIH au pays, pour mettre des annonces dans tous les journaux, il faudrait entre 250 000 $ et 750 000 $. Et je ne parle pas seulement du Globe and Mail et du National Post. Il faut publier dans tous les médias de toutes les villes. Il faut donc investir. Il faudrait une campagne annuelle d'un million de dollars ne serait-ce que pour conscientiser. La conscientisation, c'est la première étape de l'information et de la prévention. Pour communiquer, il faut de l'argent.
» (1700)
M. Art Zoccole: J'ajouterai que nous avons lancé une campagne à l'aide d'une somme de 60 000 $ venant de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits; nous avons produit des feuillets d'information et des affiches pour faire échec à la stigmatisation et à la discrimination. Nous arrivons à les faire parvenir à toutes les localités autochtones, inuites et métisses du pays. Nous avons ajouté un communiqué d'intérêt public et nous avons eu suffisamment de fonds pour placer une dizaine d'annonces dans des journaux autochtones. Nous faisons donc le plus possible avec l'argent que nous obtenons et faisons preuve de créativité pour diffuser le message. C'est cette innovation et cette créativité que l'on retrouve dans toutes nos organisations pour faire fructifier l'argent que nous recevons. Nous nous servons de bénévoles pour rédiger le communiqué d'intérêt public, par exemple.
Mme Hedy Fry: Pourtant, vous réduisez considérablement le public cible par rapport au National Post et au Globe and Mail.
M. Art Zoccole: Oui.
Dr Kenneth Rosenthal: La journée mondiale du sida en décembre de l'an dernier est tombée le jour de la publication du rapport Romanow. Je voulais signaler que l'ACRS tient son assemblée générale en avril et que Santé Canada a accepté de nous aider à organiser les communications. C'est Stephen Lewis qui prononcera le discours d'ouverture à la conférence de cette année, et nous espérons que cela servira de vitrine aux travaux de recherche au Canada.
M. Ralf Jürgens: Malheureusement, il arrive aussi que les gens s'en balancent. Dans le east side de Vancouver, il y a une épidémie très publique que vous connaissez bien. Les Canadiens savent que les détenus courent de plus grands risques d'être contaminés par le VIH. Ce sont des questions de droits de l'homme. Ce qu'il faut que les Canadiens comprennent—et ce n'est pas le cas actuellement—c'est que cela nous touche tous. Comme Mme Bennett l'a dit, si ces problèmes ne sont pas convaincants, il y a des problèmes de budget, cela va coûter très cher à la société canadienne. Mais essentiellement, c'est une question de droits de l'homme : en raison du quartier où ils habitent, d'une infirmité ou du fait qu'ils sont détenus, certains risquent plus que d'autres de contracter le VIH et l'hépatite C.
La présidente: Merci, madame Fry.
Monsieur Lunney.
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.
Il est très intéressant d'entendre pareil éventail d'experts sur un sujet aussi important. Vous vous êtes penchés sur ce dossier beaucoup plus que la plupart d'entre nous et c'est vers vous que nous nous tournons pour connaître la situation et savoir ce que nous devrions faire. Je vous remercie des renseignements que vous nous avez donnés.
J'aimerais revenir sur les chiffres de la recherche. On parle de 1,2 million de dollars de travaux de recherche sur les vaccins. J'ai entendu un chiffre de 400 millions de dollars que les États-Unis consacrent à la recherche sur les vaccins; je n'ai pas saisi le nombre d'euros mais c'était environ 100 millions de dollars canadiens. Cela dépasse largement l'effort du Canada, c'est évident, et il en est ainsi depuis plusieurs années. Cela fait 20 ans que l'on fait des travaux sur le virus du sida. Je vais vous poser la question que j'ai posée aux fonctionnaires de Santé Canada l'autre jour; je me demande si c'est sur votre radar puisque vous guettez l'horizon dans le monde entier, j'imagine. On a dit ici que les fabricants de produits pharmaceutiques doivent travailler plus vite parce que le virus change et que certaines souches sont résistantes à tous les médicaments. Y a-t-il des stratégies qui ne font pas appel aux médicaments? Des stratégies qui ne font pas appel aux vaccins, comme les thérapies électriques? Se fait-il de la recherche dans ce domaine dans le monde? Savez-vous s'il y a quelque chose de prometteur dans ce domaine?
» (1705)
Dr Mark Wainberg: La presse partout dans le monde ne cesse de faire des spéculations à propos des stratégies de traitement qui dérogent aux démarches classiques mais la seule chose qui a réussi jusqu'à présent, ce sont les médicaments antiviraux. Ce sont les composés que nous utilisons en thérapie qui ont permis aux gens de vivre le plus longtemps et d'obtenir la meilleure qualité de vie. Tout le reste a échoué en grande partie parce que rien de tout cela n'était très solide scientifiquement. Nous, scientifiques et médecins, sommes unanimes sur ce point. Cela ne signifie pas que quelque chose ne sera pas efficace dans l'avenir, mais jusqu'à présent nombre des méthodes que l'on a claironnées de temps à autre ont été testées et n'ont eu pour seul résultat à long terme que de créer de faux espoirs chez les séropositifs.
C'est triste à dire, mais le fait est que le virus change si rapidement et que les compagnies pharmaceutiques ont un travail à faire ne signifie pas que l'on a abandonné. Certainement, un des facteurs qui vient compliquer les choses—et je serai très honnête—c'est que certaines compagnies pharmaceutiques ont renoncé soit parce qu'elles estiment que l'effort est trop coûteux, soit à cause de pressions de la communauté internationale pour les convaincre, une fois qu'elles ont un médicament, de le donner pour une bouchée de pain; elles se disent donc « À quoi bon? » Il faut lutter contre ce phénomène à tous les niveaux et faire comprendre aux cadres des compagnies pharmaceutiques que c'est une activité où il n'y a pas que les bénéfices qui comptent. Peu à peu, beaucoup d'entre eux finissent par le comprendre. Elles ont considérablement abaissé le prix de leurs médicaments dans le monde. Et on peut se demander—peut-être Stephen Lewis est-il celui à qui vous pourrez poser la question—qu'est-ce qui bloque? Si les compagnies pharmaceutiques—dans certains cas partout dans le monde—ont abaissé le prix de 90 p. 100, est-ce à l'ONU que ça bloque? Où exactement? Je ne le comprends pas toujours.
M. James Lunney: Je vous remercie.
J'aimerais savoir si les autres ont des idées là-dessus. Il me semble que je pourrais m'attendre à un plaidoyer passionné de la part de quelqu'un qui préconise le recours au vaccin. Le coût du nouveau médicament semble atteindre près de 30 000 $. Le traitement du sida est très coûteux. Êtes-vous au courant de l'existence de certains projets de recherche? Ils ne semblent pas attirer des soutiens financiers très importants, peut-être parce qu'ils n'engendrent pas de bénéfices très élevés. Est-ce quelqu'un aimerait intervenir là-dessus?
Dr Kenneth Rosenthal: On peut toujours parler de microbicides ou d'agents préventifs, mais si j'en crois mes collègues de l'industrie, étant donné la façon dont fonctionne la médecine, on s'intéresse davantage à la découverte de traitements qu'à la prévention. Le travail sur les microbicides est intéressant, mais à ma connaissance, il s'en fait très peu au Canada en ce moment. Ça demeure quand même très important. Quant à nous, nous effectuons des recherches sur les activateurs immunitaires innés, car dans un petit modèle animal, on a vu que de tels activateurs protègent les animaux contre les infections génitales attribuables au virus de l'herpès, et cela est peut-être aussi vrai pour l'homme.
M. James Lunney: Intéressant.
Docteur Rosenthal, vous avez aussi parlé de l'immunité des muqueuses. Voulez-vous développer quelque peu cela et nous expliquer en quoi consiste l'immunité des muqueuses?
Dr Kenneth Rosenthal: De façon très simplifiée, on peut dire que nous sommes tous des tubes ambulants, et que la plupart des infections pénètrent dans ces diverses cavités de notre corps grâce à un vecteur comme de l'air contaminé, comme c'est le cas avec le virus de la grippe ou d'autres virus affectant l'appareil respiratoire. Ils entrent aussi en nous sous la forme d'aliments ou d'eau contaminés ou par contact sexuel. Ces infections se déclarent donc d'abord dans les muqueuses du corps, c'est-à-dire dans les parois de nos poumons, de notre tube digestif, de nos voies génitales, et elles causent des maladies respiratoires, la diarrhée et d'autres maladies entériques ainsi que des infections génitales ou transmises sexuellement. Rappelons que la surface des muqueuses correspond à la superficie d'un court de basket-ball. Cela signifie que tous les jours, une surface aussi grande qu'un terrain de jeu est exposé aux agents pathogènes qui nous entourent. Nos muqueuses ont aussi la particularité d'être protégées par un système immunitaire distinct, qui est difficile à étudier à cause de sa situation. L'effort canadien en matière de vaccination cherche, entre autres, à tirer parti de ce système immunitaire distinct en administrant des vaccins directement dans les muqueuses afin de leur donner une immunité forte et durable plutôt qu'en recourant à des piqûres.
On trouve le meilleur exemple de cette immunité durable à Nairobi, où des prostituées au système immunitaire très résistant ont fait l'objet d'études de la part de Canadiens qui travaillent en Afrique. Le sang de ces femmes ne réagit pas au VIH par une réponse immunitaire, mais leur organisme a des anticorps et des globules blancs qui attaquent le virus dans les muqueuses de leurs voies génitales.Nous avons des groupes qui étudient ce phénomène.
L'une des entreprises qui a les plus fortes chances de créer un vaccin contre le sida breveté à l'échelle mondiale est la compagnie Merck. Merck a fait homologuer son vaccin, qui est obtenu à partir d'un virus génétiquement modifié du rhume et qui provient de l'Université McMaster. L'Appel mondial en faveur du vaccin contre le sida a d'abord été lancé grâce à une somme de 5 millions de dollars donnée par le gouvernement du Canada. Ce comité devrait d'ailleurs songer à offrir un montant équivalent aux chercheurs canadiens pendant trois ans, avec une possibilité de le décupler par la suite. Le candidat le plus sérieux à être parrainé par l'Appel mondial vient d'Oxford, et l'un des chercheurs de pointe au sein de ce groupe est un jeune Tchèque du nom de Thomas Hanke, qui a été formé au Canada. Les Canadiens ont donc déjà pris une part très impressionnante à certaines des recherches les plus poussées à l'échelle internationale, mais ces travaux échappent à notre contrôle.
» (1710)
La présidente: Je vous remercie, monsieur Lunney.
Monsieur Robinson.
M. Svend Robinson: Merci, madame la présidente.
J'aimerais demander à M. Zoccole s'il peut nous parler des moyens qu'on met à sa disposition pour combattre l'épidémie de sida dans les établissements correctionnels au Canada. Nous savons déjà que les Autochtones sont sur-représentés dans nos prisons canadiennes, et la semaine dernière, nous avons entendu le témoignage de représentants des services correctionnels. Estimez-vous qu'on devrait faire davantage?
En second lieu, docteur Wainberg, je crois que le montant total affecté au programme de collaboration internationale est de 300 000 $, ce qui est franchement ridicule. Quelles recommandations est-ce que vous ou la Société internationale sur le sida avez faites au gouvernement du Canada en ce qui a trait aux montants qu'on devrait affecter à la collaboration internationale?
Enfin, monsieur Jürgens, dans le milieu homosexuel mais pas exclusivement, on s'inquiète des politiques qui nous empêchent de donner du sang. Est-ce que les choses ont évolué à ce sujet, est-ce que des progrès technologiques pourraient mettre un terme à cette interdiction? Un de mes amis a eu besoin d'un don de moelle osseuse, et je me suis donc immédiatement rendu à l'hôpital pour l'offrir, mais on m'a répondu que c'était impossible : j'étais homosexuel, j'avais eu un rapport sexuel avec un homme depuis 1977, j'étais donc exclu. Il doit certes y avoir une meilleure façon de procéder.
M. Art Zoccole: Nous avons rencontré les autorités des services correctionnels trois fois ces dernières années, et les choses se sont bien passées. La stratégie destinée aux détenus autochtones a connu un bon départ, mais elle reçoit des fonds assez limités de la part de la Stratégie canadienne. Nous avons aussi pris une autre initiative, qui a connu un grand succès, et que j'ai peut-être déjà mentionnée. Il s'agit de la rédaction de manuels de prévention, d'éducation et de counselling, qu'on appelle le Cercle des gardiens du savoir. Les Services correctionnels ont distribué l'ouvrage dans les établissements fédéraux.
En Colombie-Britannique, on a été en mesure de mettre en oeuvre ce genre de programme, et en très peu de temps, on a estimé qu'il en coûterait 9 000 $, pour une seule région. J'aimerais beaucoup que nous reprenions nos discussions avec les Services correctionnels afin qu'on puisse mettre en oeuvre ces mesures à l'échelle nationale. Des initiatives très impressionnantes ont été prises pour résoudre les problèmes des Autochtones et des détenus à long terme, mais on manque de fonds. Il faut donc absolument que vous recommandiez l'affectation de crédits beaucoup plus élevés aux Services correctionnels. Je ne parle ici que du comité autochtone. On y a entendu beaucoup d'excellentes idées, nous avons aussi conçu une stratégie; nous voulions aussi mettre à l'essai des salons de tatouage, des initiatives de réduction des méfaits, et malheureusement, nous n'avons pu donner suite qu'à un seul de ces projets. Nous avons préparé tous ces projets, mais nous ne pouvons pas y donner suite faute de ressources humaines et financières.
» (1715)
Dr Mark Wainberg: En ce qui concerne la deuxième question, je suis d'accord pour dire que 300 000 $ d'aide officielle destinée à la collaboration internationale, est un montant tout à fait insuffisant. Le fait est que la plupart d'entre nous qui participent à la collaboration internationale avons réussi à le faire grâce à nos contacts personnels et nous avons beaucoup de mal à trouver les fonds nécessaires pour appuyer ces initiatives. Les autres pays qui sont nos partenaires sont le plus souvent, bien entendu, des pays en développement. Avec ces partenaires, nous cherchons par exemple à mettre sur pied des initiatives de vaccination, à participer à des essais cliniques et à des travaux de recherche fondamentale et à mieux comprendre et à mieux suivre à l'échelle mondiale le problème de la résistance du virus aux médicaments anti VIH.
Les fonds que le gouvernement canadien accorde à cette fin vont à l'heure actuelle à l'ACDI, sous l'égide du ministre de la Coopération internationale, qui traditionnellement préfère de beaucoup les politiques de financement multilatérales. M. Rosenthal vous a signalé la récente décision de l'ACDI d'accorder 50 millions de dollars à l'initiative internationale de vaccination contre le sida, organisme international qui a son siège à New York, sans que nous n'ayons la moindre assurance que certains de ces fonds reviendront au Canada pour permettre aux scientifiques canadiens de participer eux-mêmes de façon plus active à la recherche d'un vaccin. Beaucoup d'entre nous ont été vraiment étonnés et blessés—j'insiste sur le fait que nous nous sommes sentis blessés—quand cette décision a été annoncée l'été dernier à la Conférence internationale sur le sida qui a eu lieu à Barcelone, car le montant d'argent que le Canada dépense à l'extérieur de son territoire pour la recherche sur le VIH dépasse de beaucoup le montant que nous dépensons chez nous pour tous les types de recherche sur le VIH.
Nous avons du mal à comprendre une politique gouvernementale comme celle-là et, je le répète, je vous incite fortement, si vous le pouvez, à encourager les représentants de l'ACDI à poursuivre des politiques bilatérales qui nous permettraient d'établir des partenariats avec des groupes dans des pays en développement. À l'heure actuelle, pour tout vous dire, beaucoup d'entre nous qui souhaitent participer aux efforts pour enseigner aux gens dans les pays en développement à prendre une part plus active à la recherche dans leur pays, qui veulent peser dans la balance, se sentent privés de l'occasion de jouer ce rôle à l'échelle internationale.
[Français]
Je dois dire également que ceci n'est pas vrai uniquement pour les pays anglophones d'Afrique, mais aussi pour les pays francophones d'Afrique, où nous voudrions jouer également un rôle très important. On peut aussi parler des pays des Caraïbes comme Haïti, par exemple.
[Traduction]
Je crois que nous sommes tous très préoccupés par cela. Nous ne faisons pas bien notre travail à cet égard et, comparativement à la France, au Royaume-Uni, aux États-Unis et à presque tous les autres pays industrialisés, nous ne nous acquittons pas de nos responsabilités relativement à ces efforts bilatéraux, ces programmes de formation, etc. à l'échelle internationale.
» (1720)
M. Ralf Jürgens: Permettez-moi d'intervenir très brièvement à la lumière de l'expérience que j'ai eue comme coordonnateur de projet du comité de référence sur le sida dans les prisons. L'Organisation mondiale de la santé, les Nations Unies et beaucoup d'experts canadiens recommandent depuis le début des années 90 d'instaurer des programmes d'échange de seringues dans les prisons et d'éviter de considérer le matériel de tatouage comme du matériel de contrebande. Les cas d'infection dans les prisons sont surtout attribuables à l'usage de drogue injectable et au tatouage. Le Service correctionnel a pris toutes les mesures possibles pour éviter que les drogues puissent pénétrer dans l'enceinte des établissements pénitentiaires, mais le fait est qu'elles y pénètrent. Il en est ainsi partout dans le monde. Il nous faut prendre les mesures pragmatiques qui se sont révélées efficaces en Europe. Il nous faut instaurer ces programmes dans nos prisons canadiennes.
En réponse à votre autre question, la politique qui consiste à empêcher les homosexuels de donner du sang est manifestement discriminatoire. Certains pays ont déjà pris des mesures pour revenir sur cette décision et exclure plutôt quiconque s'engage dans des comportements à risque, peu importe que la personne soit homosexuelle ou hétérosexuelle. Voilà ce que le Canada lui aussi devrait faire.
La présidente: Merci, monsieur Robinson.
Je tiens à vous remercier tous d'être venus nous rencontrer et de nous avoir fait profiter de votre expertise collective considérable. Nous vous en sommes très reconnaissants. Je tiens à donner l'assurance à M. Wainberg que sa passion ne nous a pas laissé indifférents. Nous avons la réputation de faire preuve de hardiesse dans certaines des positions que nous défendons, et j'espère que nous allons savoir exprimer dans notre rapport l'ardeur qui caractérisait les faits que vous et tous les autres nous avez présentés. Nous devrons peut-être établir une stratégie pour que chacun des membres de notre groupe puisse faire oeuvre d'éducation. Ainsi, quand nous aurons rédigé notre rapport, nous pourrions tenir une conférence de presse, veiller à ce qu'il y ait suffisamment d'exemplaires du rapport, en assurer la diffusion, faire appel à nos contacts dans le monde des médias pour attirer l'attention sur notre rapport et peut-être aussi profiter de toutes les occasions qui s'offrent à nous de prendre la parole à la Chambre pour faire la promotion de cette idée. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'opposition au comité à ce que nous produisions un rapport qui recommande ce que vous préconisez, mais l'idée aura sans doute besoin en outre de l'appui de chacun des membres du comité de même que de votre appui et celui de ceux que vous servez pour qu'elle puisse se concrétiser sur le plan financier. Votre témoignage et celui des témoins qui vous ont précédé nous ont vraiment touchés dans notre for intérieur et ils ne resteront probablement pas sans suite. Je vous remercie donc beaucoup de vos exposés.
La séance est levée.