HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la santé
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 6 novembre 2003
¿ | 0915 |
Mr. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ) |
Mme Linda Silas (Présidente, Fédération canadienne des syndicats d'infirmières et d'infirmiers) |
¿ | 0920 |
Mr. Réal Ménard |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne) |
¿ | 0925 |
Mme Linda Silas |
M. Rob Merrifield |
Mme Linda Silas |
M. Rob Merrifield |
Mme Linda Silas |
M. Rob Merrifield |
Mme Linda Silas |
M. Rob Merrifield |
Mme Linda Silas |
M. Rob Merrifield |
¿ | 0930 |
Mme Linda Silas |
M. Rob Merrifield |
Mme Linda Silas |
M. Rob Merrifield |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne) |
Mme Linda Silas |
M. Grant Hill |
Mme Linda Silas |
M. Grant Hill |
Mme Linda Silas |
M. Grant Hill |
Mme Linda Silas |
M. Grant Hill |
Mme Linda Silas |
M. Grant Hill |
Mme Linda Silas |
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD) |
M. Grant Hill |
M. Svend Robinson |
M. Grant Hill |
Mme Linda Silas |
M. Grant Hill |
Mme Linda Silas |
M. Grant Hill |
¿ | 0935 |
Mme Linda Silas |
M. Grant Hill |
Mme Linda Silas |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD) |
Mme Linda Silas |
¿ | 0940 |
M. Svend Robinson |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.) |
Mme Linda Silas |
Mme Hélène Scherrer |
Mme Linda Silas |
Mme Hélène Scherrer |
¿ | 0945 |
Mme Linda Silas |
Mme Hélène Scherrer |
Mme Linda Silas |
Mme Hélène Scherrer |
Le vice-président (M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.)) |
Dr Sunil Patel (président, Association médicale canadienne) |
¿ | 0950 |
Le vice-président (M. Stan Dromisky) |
¿ | 0955 |
Dr Michel Brazeau (président-directeur général, Le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada) |
Dre Jean Gray (vice-présidente, Le bureau du conseil, Le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada) |
À | 1000 |
À | 1005 |
À | 1010 |
Le vice-président (M. Stan Dromisky) |
M. Grant Hill |
À | 1015 |
Dr Sunil Patel |
M. Grant Hill |
Dr Sunil Patel |
Dr Michel Brazeau |
M. Grant Hill |
À | 1020 |
Dr Sunil Patel |
M. Grant Hill |
Le vice-président (M. Stan Dromisky) |
M. Grant Hill |
Dre Jean Gray |
Le vice-président (M. Stan Dromisky) |
Mme Betty Hinton (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, Alliance canadienne) |
À | 1025 |
Dre Jean Gray |
À | 1030 |
Dr Sunil Patel |
Le vice-président (M. Stan Dromisky) |
M. Gilbert Barrette (Témiscamingue, Lib.) |
À | 1035 |
Dre Jean Gray |
M. Gilbert Barrette |
Dre Jean Gray |
M. Gilbert Barrette |
Dr Sunil Patel |
M. William Tholl (secrétaire général-président directeur général, Association médicale canadienne) |
Le vice-président (M. Stan Dromisky) |
Mme Hélène Scherrer |
À | 1040 |
Dr Sunil Patel |
Mme Hélène Scherrer |
À | 1045 |
Dr Sunil Patel |
Dre Jean Gray |
Le vice-président (M. Stan Dromisky) |
Dr Sunil Patel |
À | 1050 |
M. Stan Dromisky |
Jean Gray |
Le vice-président (M. Stan Dromisky) |
CANADA
Comité permanent de la santé |
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l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 6 novembre 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0915)
[Traduction]
Mr. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): La séance est ouverte.
Mme Brown va arriver, mais je vous propose que nous commencions, parce que nous avons beaucoup de choses à faire. Certains d’entre nous doivent être à la Chambre à 10 heures.
[Français]
Nous allons accueillir aujourd'hui la Fédération canadienne des syndicats d'infirmières et d'infirmiers, l'Association médicale canadienne et le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada.
Nous allons commencer par la Fédération canadienne des syndicats d'infirmières et d'infirmiers. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, après quoi il y aura un échange avec les députés. Je ne sais pas qui prend la parole en premier.
On vous écoute.
[Traduction]
Vous avez la parole.
[Français]
Mme Linda Silas (Présidente, Fédération canadienne des syndicats d'infirmières et d'infirmiers):
Bonjour. Je suis Linda Silas, présidente de la fédération.
[Traduction]
Je tiens tout d’abord à remercier le comité de nous donner l’occasion de prendre la parole et, par ailleurs, d’avoir changé quelque peu la procédure.
Je vais évoquer trois questions aujourd'hui : le régime d’assurance-médicaments—la solution; la publicité faite directement auprès des consommateurs—maintient de l’interdiction; enfin, les contre-indications aux médicaments—intensification de nos efforts en la matière.
La Fédération canadienne des syndicats d’infirmières/infirmiers est la plus grande organisation d’infirmières au Canada. Fondée en 1981, elle représente aujourd’hui 125 000 infirmières dans notre pays, notamment des infirmières qui dispensent des soins dans les hôpitaux, des soins à long terme et des soins dans nos établissements communautaires. Notre mission est d’être la voix nationale des infirmières et des patients dans les débats nationaux et de protéger et d’améliorer notre réseau de santé à but non lucratif.
Le travail de l’infirmière est non seulement de sauver des vies, il est aussi d’assurer un confort compétent et de promouvoir la santé. Les hommes et les femmes qui choisissent de dispenser des soins infirmiers le font parce qu’ils veulent faire vraiment la différence dans la vie des patients. Ils demeurent dans les soins infirmiers malgré la pénurie et les pressions, car faire la différence signifie encore quelque chose.
Pour ce qui est des coûts des médicaments d’ordonnance, puisque c’est de cela dont nous parlons ici aujourd’hui, depuis 1989, le coût des médicaments consommés par la population canadienne, en faisant la somme de ce que paient les gouvernements, les régimes d’assurance privée et les particuliers, a plus que doublé. Les médicaments sur ordonnance interviennent pour 77 p. 100 de la totalité des frais de médicaments.
Entre 1997 et 2001, les ventes de médicaments brevetés ont énormément augmenté par rapport à celles de l’ensemble des médicaments, en raison surtout du remplacement des anciens médicaments meilleur marché par de nouveaux médicaments d’ordonnance plus onéreux.
Le coût élevé des médicaments d’ordonnance a amené les régimes provinciaux d’assurance-médicaments à supprimer des listes certaines produits, les régimes privés entreprenant de leur côté de limiter les taux de couverture. Il reste cependant une partie de notre population qui n’a aucune assurance. Les analystes politiques ne sont pas d’accord sur les chiffres, mais cela se situe dans une fourchette de 3 p. 100 à 26 p. 100 de la population canadienne.
Les médicaments étant plus chers, tous ceux qui doivent assumer une partie ou la totalité du coût de l’ordonnance seront bien entendu dans l’impossibilité de se procurer les médicaments dont ils ont besoin. Ceux qui n’ont pas les moyens de payer leurs médicaments d’ordonnance sont davantage malades et restent malades plus longtemps. Ils vont plus souvent à l’hôpital ou voir leur médecin, ce qui pourrait être évité. Ils s’absentent de leur travail et risquent de répandre les maladies.
Ainsi que l’a répété cette semaine encore l’organisation Médecins sans frontières, il faut faire passer le droit des malades avant celui des brevets.
Les fabricants de médicaments de marque affirment qu’il est indispensable de faire payer très chers les médicaments d’ordonnance pour pouvoir financer la mise au point de nouveaux médicaments et, par conséquent, épargner des vies et améliorer la qualité de vie de la population. Une enquête effectuée par la revue Prescrire nous révèle que sept seulement des 2 693 médicaments d’ordonnance examinés sur les 10 dernières années pouvaient être considérés comme une véritable innovation thérapeutique dans un domaine pour lequel il n’existait aucun traitement jusqu’alors.
De plus, nous devons croire sur parole les sociétés pharmaceutiques lorsqu’elles font état du coût de R et D concernant les médicaments, et les spécialistes ne sont pas d’accord avec les statistiques fournies par ces sociétés.
Le personnel infirmier ne prétend pas être compétent en matière d’évaluation des coûts de la R et D des médicaments, mais nous vous demandons de retenir les mêmes normes dans vos recommandations que celles que nous appliquons dans notre travail—en l’occurrence, le recours à des éléments de preuve non biaisés.
En ce qui concerne le projet d’assurance-médicaments, c’est en 1964, alors que pour la plupart nous n’étions encore que des enfants, que la Commission royale sur les sciences de la santé a recommandé l’institution d’un programme national d’assurance-médicaments. Cette assurance a été à nouveau recommandée par le Forum national de la santé en 1997 et le parti libéral l’a appuyé la même année que la commission royale, soit en 1964.
Il y a d’autres parties représentées au sein de votre comité qui sont favorables, ou du moins qui ne s’opposent pas, à un programme national d’assurance-médicaments, et pourtant nous ne l’avons pas encore institué en 2003, près de 40 ans après qu’il a été proposé pour la première fois. Nous nous contentons d’en parler et nous le refusons en raison des coûts qu’il entraîne.
Il est prouvé qu’un régime national d’assurance-médicaments permettrait en fait de réduire le prix d’achat des médicaments d’ordonnance. C’est ainsi que l’Australie dispose d’un régime national d’assurance-médicaments qui lui a permis de maintenir ses coûts à un niveau inférieur de plus de 30 p. 100 à celui de la moyenne des pays de l’OCDE alors que les coûts du Canada étaient supérieurs de près 30 p. 100.
Nous avons aussi la preuve qu’un régime public permettrait de faire d’importantes économies tant au niveau des frais d’administration que pour ce qui est des coûts des services. Si elles collaboraient entre elles, les provinces pourraient tirer parti de leur pouvoir d’achat pour faire baisser le coût global des médicaments. Le Dr Joel Lexchin, de l’Université York et de l’Université de Toronto, a calculé qu’on pourrait réaliser, dans le cadre d’un régime national d’assurance-médicaments, des économies équivalant à 10 p. 100 du prix des médicaments, soit à 650 millions de dollars.
Comment financer un régime d’assurance-médicaments? Disons que selon les calculs du Dr Lexchin, un régime national d’assurance-médicaments couvrant intégralement le coût des médicaments consommés par l’ensemble de la population canadienne représenterait pour le Trésor public un supplément de coûts de près 3,2 milliards de dollars par an.
C’est beaucoup d’argent, mais les excédents des budgets fédéraux, qui se sont montés en moyenne à 11,7 milliards de dollars par an depuis l’exercice 1999-2000 représentent eux aussi beaucoup d’argent. Le ministre des Finances John Manley a prévu que cette année l’excédent du budget fédéral ne serait que de 3 millions de dollars, mais il n’en reste pas moins que le gouvernement n’a jamais prévu plus de 3 milliards de dollars d’excédent dans ses budgets depuis 1999.
Nous avons l’argent. Nous avons besoin en quelque sorte de faire preuve de volonté politique. Les infirmières et les infirmiers sont là pour vous appuyer.
Pour ce qui est de la publicité des médicaments d’ordonnance faite directement auprès des consommateurs, il est bien prouvé que la publicité sur les médicaments amène la population à exiger des médicaments de marque et augmente de manière générale la quantité de médicaments prescrits. S’il veut réduire ses dépenses en matière de médicaments d’ordonnance, il faut absolument que le gouvernement empêche que l’on puisse faire de la publicité auprès du public en matière de médicaments.
La FCSI s’oppose par ailleurs à la publicité des médicaments d’ordonnance faite directement auprès des consommateurs, parce que les campagnes de publicité des médicaments d’ordonnance s’adressant directement aux consommateurs exploitent les espoirs de guérison des malades, leur peur de perdre leur indépendance et leur désir d’être débarrassé de la souffrance, de la gêne, de la honte et de l’inquiétude. Ces publicités cherchent à amener les malades a faire résolument pression sur des médecins qui, au Canada, sont souvent surchargés de travail et manquent de ressources.
Le gouvernement fédéral a l’obligation de promouvoir de bonnes pratiques médicales et de protéger les Canadiens qui ont besoin de soins en s’assurant, entre autres, que les médecins, les infirmières et les patients bénéficient d’une information objective au sujet des médicaments d’ordonnance. Pour ce faire, la FCSI estime que vous devez préserver la relation qui existe entre les dispensateurs de soins et ceux qui en ont besoin, et cela en maintenant l’interdiction de la publicité sur les médicaments d’ordonnance faite directement auprès des consommateurs.
Pour ce qui est des réactions indésirables aux médicaments, en 2001 nous avons vu le cas tragique du décès d’une jeune fille de 15 ans en Ontario à la suite d’une réaction indésirable à un médicament d’ordonnance, affaire qui a fait l’objet d’une enquête du coroner. Il a été recommandé à la suite de cette enquête que l’on revoie de fond en comble les moyens de contrôle de la prescription des médicaments d’ordonnance.
Dans quelle mesure a-t-on mis en oeuvre les recommandations de ce rapport? Nous estimons qu’il est temps de reprendre l’enquête à laquelle a procédé le vérificateur général en 1987 en ce qui concerne la surveillance des prescriptions des médicaments d’ordonnance.
En conclusion, nous sommes fortement en faveur du maintien de l’interdiction de la publicité directe aux consommateurs sur les médicaments et nous croyons qu’il y a lieu de mieux faire pour prévenir les réactions indésirables aux drogues. Le grand changement que recommandent les infirmières canadiennes dans le domaine des médicaments sur ordonnance est l’assurance-médicaments, attendue depuis si longtemps.
De grâce, n’attendez pas une politique parfaitement claire. Le remède à une assurance-médicaments sur ordonnance inadéquate et aux prix élevés ne sera jamais tout à fait évident, car il n’en est jamais ainsi des grands problèmes tenaces. Manifestement, certains recommanderont de laisser le système fonctionner par lui-même. Même si ces conseilleurs connaissent certainement le prix de nombre de choses, ils ne savent sans doute rien du coût des souffrances.
Je vous remercie.
Je demande par ailleurs aux membres du comité et à nos collègues de m’excuser, mais il me faudrait répondre aux questions tout de suite. J’assiste cette semaine à ma première réunion du conseil national et, comme vous pouvez le comprendre, je ne peux pas me permettre d’arriver trop tard. Je vous remercie.
¿ (0920)
Mr. Réal Ménard: Est-ce que mes collègues sont d’accord pour passer dès maintenant à un premier tour de questions?
Des voix: D'accord.
Le vice-président (M. Réal Ménard): Monsieur Merrifield, vous avez la parole.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): Je vous remercie de votre témoignage.
Je pense que tout le monde autour de cette table, quels que soient les partis, est d’accord pour dire que la situation est catastrophique en matière d’assurance-médicaments. Je ne vais pas discuter avec vous des mérites d’un programme national d’assurance-médicaments. Nous pourrions reprendre constamment la même antienne, mais nous n’en avons pas le temps.
J’aimerais savoir de quoi il en retourne en ce qui concerne la surveillance des prescriptions, parce que c’est en fait ce qui intéresse principalement notre comité. Avant de faciliter l’accès aux médicaments, sommes-nous prêts à bien faire notre travail sur le plan de l’utilisation des médicaments et de leurs réactions indésirables à l’heure actuelle?
Nous avons entendu dire au sein de notre comité que jusqu’à 50 p. 100 des personnes admises à l’hôpital vont avoir des réactions indésirables avant d’en sortir. Vous êtes en fait en première ligne en la matière. Êtes-vous d’accord avec ces statistiques? Sur ce plan, jusqu’à quel point êtes-vous en mesure de nous aider à exercer une surveillance en nous faisant profiter de votre expérience professionnelle?
¿ (0925)
Mme Linda Silas: La réponse, en fait, c’est le temps que l’on peut consacrer aux malades. Au sein de notre réseau à l’heure actuelle, quel que soit le niveau du praticien—je ne parle pas seulement de mes collègues, cela va du médecin de famille au spécialiste en passant par le personnel infirmier à l’hôpital—on manque de temps. C’est en fonction du temps que l’on peut consacrer aux malades que l’on va pouvoir éviter les réactions indésirables aux médicaments et surveiller les différentes réactions au traitement. Il faut avoir du temps pour pouvoir s’assurer que les tests ont été bien faits, et l’on a besoin de temps pour revoir ces tests. Nous voyons trop de gens, trop rapidement, dans notre système.
Il faut donc ajouter du personnel. Nous devons nous assurer que les médecins ne sont pas obligés de voir un trop grand nombre de malades, parce que nous ne sommes pas ici dans la restauration rapide. Nous nous penchons sur des gens et sur leurs réactions.
M. Rob Merrifield: Vous vous présentez ici en préconisant l’institution d’un programme national d’assurance-médicaments, une plus grande facilité d’accès, alors que les gens même qui ont été victimes de réactions indésirables viennent témoigner pour nous dire que 10 000 personnes meurent chaque année au Canada en raison de cette situation, au sein de nos hôpitaux. Je comprends mal pourquoi vous ne vous présentez pas devant nous pour nous demander de régler ce problème, à partir du moment que vous voyez qu’il est grave.
Le problème vient peut-être aussi en partie du fait—et vous pourrez peut-être me répondre à ce sujet—qu’on nous dit par ailleurs que le personnel infirmier et les médecins n’ont pas la formation leur permettant de déterminer si une personne fait ou non une réaction indésirable en milieu hospitalier. Je n’accuse personne, je vous pose simplement la question, pensez-vous qu’il y a aussi un travail à faire dans ce domaine, et êtes-vous prêts à nous aider?
Mme Linda Silas: Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il n’y a pas de formation. Je suis diplômée depuis 20 ans, j’ai travaillé dans les soins intensifs, et je peux me féliciter de n’avoir eu qu’un ou deux malades qui... je connais les médicaments. Je sais quelles sont les réactions qui peuvent se produire. J’ai travaillé en collaboration étroite avec les médecins et les spécialistes, et nous opérons un suivi au sujet des malades.
Ces mêmes malades qui disposaient d’une infirmière en particulier se retrouvent aujourd’hui dans des salles communes, médicalisées, dans lesquelles une infirmière va parfois jusqu’à s’occuper de 10 malades. L’attention qui est accordée aux malades n’est donc pas la même.
Nous exerçons effectivement des pressions pour que l’on contrôle davantage les réactions indésirables aux médicaments. Je pense que nous avons mis l’accent dans notre mémoire sur la collectivité, parce que nous savons que les malades s’adressent à leur médecin de famille, obtiennent une ordonnance et, s’ils ne connaissent pas les réactions indésirables, ils ne vont pas revenir pour dire...
M. Rob Merrifield: Donc, si vous constatez qu’il y a une réaction indésirable, que faites-vous
Mme Linda Silas: On avertit le médecin. C’est ce que l’on fait directement. Souvent, il y a une procédure en place. En cas de réaction indésirable, on arrête la prise du médicament et, selon les cas, cet arrêt peut être immédiat ou progressif. Il faut informer le médecin.
M. Rob Merrifield: Très bien. Votre rôle s’arrête donc là. Selon la procédure établie, vous notifiez le médecin, et ça s’arrête là.
Mme Linda Silas: Il y a aussi un certain nombre d’infirmières qui siègent au sein des comités pharmaceutiques des hôpitaux. Je l’ai fait dans mes dernières fonctions. L’équipe tout entière se penche sur les réactions indésirables, sur le coût des médicaments et sur ce que chaque hôpital a dans son formulaire.
M. Rob Merrifield: Nous demandons aux consommateurs de signaler les cas de réactions indésirables, de même qu’aux médecins et aux pharmaciens—à tout le monde, tout le long de la chaîne. Seriez-vous disposés, par exemple, à vous adresser à un grand centre pour signaler les réactions indésirables, et est-ce que cette opération devrait faire partie du protocole?
Mme Linda Silas: Oui, et bien entendu cela devrait faire partie de la procédure d’agrément des hôpitaux. On parle ici d’une chose qui se produit directement dans les hôpitaux, les maisons de soins infirmiers, etc., dans les bâtiments eux-mêmes.
M. Rob Merrifield: Ce n’est pourtant pas le cas à l’heure actuelle.
¿ (0930)
Mme Linda Silas: Non, ce n’est pas le cas à l’heure actuelle. De nos jours, une grande quantité d’information nous est fournie par Santé Canada. Le ministère vient de renforcer les règles et les modalités d’information. Dans l’établissement où je travaillais, il y avait plus de 300 médecins. Comment les informer tous d’une alerte que vient de déclencher Santé Canada...et comment remédier à tous les problèmes, sans parler uniquement des réactions indésirables?
M. Rob Merrifield: Voilà quelques-uns des problèmes. Je m’efforce de trouver certaines solutions.
Mme Linda Silas: Oui, et je suis sûre que nos collègues pourront se pencher encore davantage sur la question.
Ma réponse, c’est qu’il faut avoir du temps pour cela.
M. Rob Merrifield: Je vous remercie.
Le vice-président (M. Réal Ménard): Monsieur Hill.
M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne): Merci.
Vous nous avez dit que Médecins sans frontières avait lancé le slogan : « les malades avant les brevets ». Proposez-vous que l’on supprime le régime de brevets au Canada et que l’on ne protège plus les marques enregistrées?
Mme Linda Silas: Non. Je suis convaincue que les brevets sont nécessaires, et je crois que l’ensemble du personnel infirmier de notre pays pense la même chose. Vingt ans? Je considère que c’est trop long. Nous devons nous pencher sur les coûts directs que nous avons encourus au fil des années.
Dans notre mémoire, nous avons bien relevé qu’avant les brevets, les coûts augmentaient et qu’à la suite des brevets ils ont augmenté encore plus rapidement.
M. Grant Hill: Quelle devrait être la durée des brevets au Canada de votre point de vue?
Mme Linda Silas: J’aimerais que l’on en revienne à la situation antérieure à 1995. J’aimerais en revenir à l’époque où le Canada était plus indépendant lorsqu’il adoptait ses propres lois sur les brevets.
M. Grant Hill: Combien d’années?
Mme Linda Silas: C’était sept ans.
M. Grant Hill: Vous n’ignorez pas que c’était sept ans à compter de la date d’homologation—sept ans de protection contre une homologation concurrente—et que le délai de 20 ans actuel comporte l’ensemble des formalités, à compter du moment où le médicament est présenté en vue de son homologation?
Mme Linda Silas: Je crois savoir que ce délai avait par ailleurs été porté à 12 ans avant l’apparition des nouveaux médicaments génériques.
M. Grant Hill: Excusez-moi, je ne vous ai pas compris.
Mme Linda Silas: Le délai actuel est d’environ 12 ans avant qu’un médicament générique, tiré du médicament breveté puisse être mis sur le marché.
M. Grant Hill: Vraiment?
Mme Linda Silas: Oui, c’est ce que je crois comprendre.
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): C’est en comptant les renouvellements continuels, les injonctions automatiques et tout ce qui s’ensuit.
M. Grant Hill: Le témoin n’a pas besoin de votre aide, Svend.
M. Svend Robinson: Je me fais un plaisir d’apporter mon aide.
M. Grant Hill: Je ne pense pas que ce soit exact, mais si vous avez des chiffres qui le prouvent, j’aimerais bien les voir.
Vous nous avez indiqué qu’un programme national d’assurance-médicaments permettrait de faire baisser les coûts sur le modèle de ce qui se fait en Australie. On a beaucoup parlé dernièrement des pharmacies qui vendent par Internet, les acheteurs des É.-U. s’approvisionnant au Canada, parce que les prix chez nous sont plus faibles qu’aux É.-U. Voilà qui me semble paradoxal.
Pouvez-vous nous expliquer comment l’assurance-médicaments pourrait faire passer les prix au-dessous de ceux qui sont pratiqués en Australie?
Mme Linda Silas: Au-dessous ou au même niveau. Dans le cadre d’un programme national d’assurance-médicaments, tous les acheteurs unissent leurs forces et peuvent donc obtenir un meilleur prix. Tout le monde par ailleurs est couvert par l’assurance, et les assurés ne tomberont donc pas davantage malade par la suite et n’auront pas besoin de prendre des médicaments plus onéreux. Le médecin peut les traiter immédiatement. On règle ainsi la situation, peut-être pas des gens qui se trouvent dans cette salle, mais des couches de la société qui vivent au-dessous du seuil de la pauvreté—des travailleurs qui n’ont pas d’assurance-santé, par exemple.
Quant à comparer notre situation à celle des É.-U. en évoquant l’action des pharmacies qui vendent par Internet, je ferai des réserves dès le départ. On n’a plus l’information qu'est susceptible de nous donner le praticien. Internet ne fournit aux clients que l’information qui y est mise par les distributeurs, qui sont souvent les sociétés pharmaceutiques, non pas les médecins et autres professionnels de la santé.
M. Grant Hill: Je n’ai jamais bien aimé la surveillance de la prescription des médicaments auxquels j’ai participé lorsqu’on enregistrait des réactions indésirables aux médicaments. Elle me paraissait lourde, et je crois que vous nous avez dit qu’elle était lourde aussi pour le personnel infirmier. Lorsqu’on répertorie dans les registres de l’hôpital une réaction indésirable, que ce soit de l’urticaire ou un trouble de la crase sanguine, on informe officieusement le médecin. Je ne pense pas qu’on l’avertisse officiellement.
Mme Linda Silas: Non, tout se fait, notamment à l’hôpital, de façon officielle. Il faut prendre tout en note—l’heure à laquelle on a appelé le médecin, la réaction et, s’il n’a pas eu de réaction, il faut le consigner. Nous disons toujours à nos infirmières que si elles appellent le médecin dix fois dans la nuit, il faut qu’elles prennent bien soin de le consigner, ou d’inscrire sur le tableau qu’elles ont appelé à dix reprises.
M. Grant Hill: Vous nous dites donc que la procédure est lourde. Il est difficile, pour l’infirmière, de faire toutes ces formalités? Ou est-ce qu’il est facile, en cas de réaction indésirable, de le faire savoir au bout du compte au médecin et à la société?
¿ (0935)
Mme Linda Silas: Je pense que c’est tout à fait nécessaire. Que cela prenne ou non beaucoup de temps, nous devons le faire.
M. Grant Hill: Avez-vous une idée de ce que nous pourrions faire pour rationaliser la procédure, pour qu’il soit plus facile pour le personnel infirmier de signaler une réaction indésirable? C’est là où je veux en venir.
Mme Linda Silas: Non, je ne pense pas qu’il y ait une solution plus facile. Nous avons affaire ici à des personnes, à des malades, qui prennent souvent pour la première fois ce médicament, de sorte qu’il faut passer beaucoup de temps à faire des observations. Le problème, au sein du réseau, c’est qu’il n’y a pas suffisamment de personnel. Il n’y a pas assez d’infirmières et pas assez de médecins. Ça reste donc à ce niveau. Ça ne sort jamais de l’établissement. Parfois, le comité responsable n’en prend même pas connaissance, parce que nous sommes tous trop pressés.
Toutefois, il faut que ce soit fait. On doit y consacrer le même temps et la même énergie qu’aux malades traités dans les services de soins intensifs.
[Français]
Le vice-président (M. Réal Ménard): Merci.
Svend, est-ce que vous avez des questions?
[Traduction]
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président.
Merci de votre témoignage. Sur la question des brevets, je sais bien que M. Hill va défendre résolument le régime des brevets en vigueur au Canada, mais il n’en reste pas moins que ce régime pose d’énormes problèmes. Nous avons entendu des témoignages dans ce sens.
Le Losec en est un des exemples les plus frappant. Le brevet est venu à expiration en 1999 et nous sommes en 2004. En raison de la manipulation et de l’abus qui est fait de la législation existante par les grosses sociétés pharmaceutiques, on ne peut toujours pas le contourner. Les renouvellements continuels, les injonctions automatiques...je dois vous avouer que j’espérais que notre comité pourrait au moins faire quelques recommandations à ce sujet tout en interdisant la publicité faite directement auprès des consommateurs et en renforçant la législation qui s’y applique. Il ne semble pas toutefois que ce soit possible.
Je tiens à vous remercier de vos recommandations et je vais vous poser simplement deux questions.
Sur la question, tout d’abord, des réactions indésirables aux médicaments, vous avez évoqué la mort de Vanessa Young. Je n’ai pas manqué de lire les recommandations qui ont été faites à l’issue de l’enquête du coroner. J’aimerais que vous nous passiez rapidement en revue les principales recommandations qui n’ont pas encore été mises en oeuvre à la suite de l’enquête dans l’affaire Vanessa Young.
Ma deuxième question porte sur la pénurie de personnel. En août 2002, Michael Decter a présidé un comité—je pense, madame Silas, que vous vous souvenez de ce comité—qui s’est penché sur les mesures à prendre, non seulement pour remédier aux pénuries d’infirmières, mais aussi pour faire face à des pénuries qui, selon les prévisions, paraissent devoir être catastrophiques à l’avenir. Dans quelle mesure est-ce que cela empêche les infirmières et les travailleurs de la santé qui sont placés en première ligne de bien faire leur travail en cas de réactions indésirables aux médicaments, par exemple?
J’étais hier à la Chambre et j’ai demandé à la ministre de la Santé quand elle allait donner suite à ces recommandations ainsi qu’à celles de la commission Romanow. Je vois que le Dr Patel est ici et je sais qu’il n’a pas mâché ses mots en affirmant qu’il y avait une certaine forme de paralysie au sein du gouvernement fédéral en raison des machinations liées à l’élection d’un nouveau chef et à bien d’autres circonstances, et que rien n’est fait pour mettre en oeuvre les recommandations de la commission Romanow. Rien n’est fait pour mettre en oeuvre les recommandations du rapport de l’AIIC.
Quelles sont dans la pratique les conséquences de cet état de chose lorsqu’il faut faire face, par exemple, aux réactions indésirables aux médicaments?
Mme Linda Silas: Quelles en sont les conséquences? Je pense que tous les jours, chaque fois que l’on se rend au travail, on prie pour que rien ne se produise et que, s’il se produit quelque chose, on puisse y remédier rapidement. C’est un véritable cauchemar sur le terrain. Voilà deux ans et demi que j’ai repris du service en établissement, après avoir travaillé pour un syndicat, et j’ai fini par dire : « On ne proteste pas assez fort. » C’est aussi simple que cela. Après avoir passé 10 ans au sein du syndicat des infirmières et des infirmiers du Nouveau-Brunswick, je me disais : « Est-ce que nous nous plaignons pour rien? » J’ai donc repris du service à l’hôpital Georges Dumont de Moncton et j’en ai conclu : « Non, nous devons faire davantage entendre notre voix, et nous devons être fiers de notre travail. »
Les recommandations de l’AIIC... je pense qu’elles étaient bien logiques. Nous avons préconisé des emplois à temps plein. Nous avons préconisé davantage de formation, davantage de temps auprès des malades. Il faut qu’il en soit ainsi, c’est bien certain.
Quelles sont les répercussions...? Pour en revenir à la réponse donnée par un intervenant précédent, nous avons besoin d’avoir du temps. On ne peut pas s’occuper des malades, étant donné la diversité des médicaments qui existent sur le marché, si l’on n’a pas suffisamment de temps. On n’a pas non plus le temps de faire de la formation, de la recherche...
Après avoir travaillé pendant 20 ans en établissement, je vois aujourd’hui qu’il y a des ordinateurs à chaque étage, avec des programmes d’information sur les médicaments—une information que l’on peut donner aux malades, sur les différentes interactions—mais personne n’a le temps de s’asseoir devant l’ordinateur et de faire sortir l’information. Pourquoi donc avoir consacré tant d’argent à l’achat de ce matériel? Il y a ensuite tous les formulaires imaginables sur lesquels on doit consigner les différentes réactions—sans avoir le temps de le faire.
Je regrette de ne pas pouvoir entendre les commentaires de l’AMC, mais je sûre que c’est la même chose pour les médecins avec lesquels je travaille depuis deux ans et demi. Ils n’ont tout simplement pas le temps de le faire. Ils reçoivent des brochures concernant les médicaments, mais qui a le temps de les consulter?
Nous devons donc trouver une solution, et je pense que cela consiste à ne pas dépasser un certain nombre de malades dont doit s’occuper chaque médecin. Nous devons rationaliser notre façon d’opérer—mais il faut que ces choses soient faites.
¿ (0940)
M. Svend Robinson: Je vous remercie.
[Français]
Le vice-président (M. Réal Ménard): Madame Scherrer.
Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.): Merci, monsieur le président. Je m'excuse de mon retard.
Je n'ai pas entendu le début de la présentation, mais j'en ai entendu suffisamment pour voir que vous faites la promotion, finalement, d'un système pratiquement universel ou national d'assurance-médicaments.
Venant de la province de Québec, je peux vous dire que ce qu'on avait prévu comme coût, vous le savez probablement, représente maintenant un montant faramineux. On a peut-être oublié dans le parcours de prendre en considération certains éléments: l'avancement de la science, probablement, qui fait en sorte que les médicaments sont maintenant très, très dispendieux, et aussi le fait que cela n'a pas réduit l'utilisation. Au contraire, je pense que sous le couvert de l'accessibilité, on a augmenté grandement l'utilisation.
Alors, vous évaluez un peu là-dedans un coût possible d'une assurance-médicaments. Pour moi, c'est exponentiel. On va, avec la croissance qui s'en vient, vouloir réduire de plus en plus les frais d'hospitalisation. J'ose espérer qu'on va investir aussi en prévention, ce qui va faire que les coûts vont augmenter. Je pense que le fait de donner un chiffre actuellement--j'imagine que vous y avez pensé--n'est pas réaliste, de toute façon.
Mme Linda Silas: Non. De plus, la majorité de ceux et celles qui ont fait la recherche sur les coûts n'arrivent pas à un chiffre précis non plus. Mais quand on prend un système, que ce soit une compagnie d'assurances ou un programme provincial, on est capable de contrôler ce qui est administré, la durée, ainsi que l'effet à long terme, parce que c'est soit la compagnie, soit le pays qui l'administre.
Maintenant, on a différents organismes qui administrent différents régimes, et le choix revient quand même à celui ou celle qui signe l'ordonnance.
Mme Hélène Scherrer: Je sais que c'est dans un objectif d'accessibilité et je pense que c'est dans ce sens-là qu'il faut regarder. Par contre, quand on considère ce que cela risque de coûter après...
J'ai une autre petite question suite aux interventions précédentes. Je pense que les infirmières sont vraiment les personnes qui sont le plus en contact avec les patients au quotidien. Vous dites qu'à chaque fois qu'il y a une réaction adverse à un médicament, vous le rapportez de façon très fidèle, 10 ou 20 fois, s'il le faut. Y a-t-il un cumul de cela quelque part? C'est bien de l'écrire dans le dossier pour que le médecin voie qu'un patient donné a réagi de telle façon à un médicament donné--et on risque de changer de médicament--, mais y a-t-il quelqu'un qui, à la fin du mois, relit les dossiers? Je sais à quoi ressemble un dossier médical. Il n'y a pas grand-monde qui revoit cela. Selon vous, y a-t-il quelqu'un quelque part, par exemple une fédération comme la vôtre, qui a un mot à dire sur une instance quelconque qui revoit les médicaments? Faites-vous un rapport annuel? C'est bien beau de l'inscrire dans chacun des dossiers individuels, mais s'il n'y a pas quelqu'un qui revoit les dossiers à la fin du mois--et j'imagine que cela ne se fait sûrement pas, compte tenu de l'épaisseur des dossiers--pour voir qui a mal réagi, dans quelles circonstances et avec quel autre médicament--et j'imagine que cela ne se fait pas non plus--, alors cela ne vous donne pas grand-chose de le noter, sauf pour le bien-être du patient visé, mais pas pour l'ensemble de la communauté.
Mme Linda Silas: C'est vrai que tous les dossiers ne sont pas révisés. S'il y a des réactions sévères, la responsabilité incombe à l'équipe médicale, à l'équipe des soins infirmiers, de sortir du dossier l'information nécessaire. Il ne faut pas oublier que celui ou celle qui remet une ordonnance--souvent le médecin, le spécialiste--a une responsabilité et doit continuer à travailler avec les comités pharmaceutiques de l'hôpital et autres. Mais c'est le cas surtout lorsqu'il y a des réactions très sévères; les réactions au jour le jour, on ne les voit pas. Mais c'est de cette façon que cela se rend à un plus haut niveau.
Mme Hélène Scherrer: C'est parce qu'une réaction très sévère entraîne souvent des conséquences qui sont vraiment lourdes. Si on pouvait noter, dans un premier temps, qu'il risque d'y avoir une certaine réaction, même moindre et pas nécessairement fatale, on réussirait peut-être à contrer certaines autres réactions qui pourraient se produire à l'usage. Souvent c'est à l'usage qu'on peut voir les effets d'un médicament. La première fois, la réaction peut ne pas être importante, mais la deuxième fois, elle peut l'être davantage. Finalement, on réagit seulement quand le patient se retrouve dans le coma ou quelque chose comme ça. Alors, c'est un peu dommage qu'il n'y ait pas un mécanisme qui vous permette de sonner l'alarme tout de suite, de dire dès le début qu'il faut faire attention à un certain médicament ou qu'il faut vérifier quelle réaction il a provoquée ailleurs dans l'hôpital. Un tel mécanisme permettrait de vérifier s'il y a un dénominateur commun. Si des boutons apparaissent, par exemple, est-ce qu'ils apparaissent partout, de façon générale? Il faudrait avoir vraiment un système d'alarme, ce qu'on n'a pas du tout maintenant. On attend que le patient, comme cette petite fille, ait une réaction qui soit digne des médias pour agir. C'est un peu dommage.
¿ (0945)
Mme Linda Silas: Oui, mais c'est la réalité du travail dans un hôpital; l'équipe n'a pas le temps de discuter. On discutera seulement des cas qui vont frapper les médias; c'est triste. L'équipe s'en rend compte et le médecin qui prescrit le médicament a la responsabilité de rassembler cette information. Il faut également qu'il prenne le temps de l'étudier. C'est une question de ressources humaines, car les connaissances sont là; ce sont les ressources humaines qui n'y sont pas.
Mme Hélène Scherrer: La situation pourrait être meilleure dans le milieu hospitalier qui, finalement, est responsable de faire une supervision, mais il faudrait créer des postes supplémentaires; vous êtes déjà à court de personnel à peu près partout.
Mme Linda Silas: On parle des rapports d'incidents, mais quand il y a un rapport d'incident, il est trop tard.
Mme Hélène Scherrer: Merci.
[Traduction]
Le vice-président (M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.)): Je vous remercie.
Je crois savoir, madame Silas, que vous vouliez partir plus tôt. Faites, je vous en prie, si vous avez besoin d’aller vaquer à d’autres occupations.
Je prie le comité de m’excuser si nous sommes si en retard ce matin. Nos horaires sont très bousculés ces temps-ci sur la Colline. Vous savez que nous allons ajourner la session très tôt et nous essayons d’expédier un maximum de formalités en très peu de temps. Les gens qui comme moi siègent au sein de trois comités passent leur temps à courir. C’est un véritable cauchemar. Personne ne sait plus où donner de la tête, en fait.
Nous allons poursuivre les exposés de ce matin.
Dr Sunil Patel (président, Association médicale canadienne): Merci, monsieur le président.
Je m’appelle Sunil Patel, et je suis président de l’Association médicale canadienne.
Avant de commencer, je tiens à vous dire que je suis prêt à aborder un certain nombre des préoccupations évoquées par les membres de votre comité au sujet des réactions indésirables aux médicaments et de la création d’un programme national d’assurance-médicaments.
Cela étant dit, au nom de l’Association médicale canadienne et des 59 000 médecins qui en sont membres, j’ai le plaisir de m’adresser aujourd’hui au Comité permanent sur la santé dans le cadre de son étude sur les médicaments d’ordonnance, qui vient à point nommé. Nous n’avons pas les réponses à toutes les questions et à tous les problèmes examinés par votre comité, mais nous estimons qu’une chose est très claire : le Canada a besoin d’une stratégie viable et à long terme sur les médicaments d’ordonnance.
La façon dont l’Association médicale canadienne conçoit cette stratégie nationale et purement canadienne au sujet des médicaments d’ordonnance est bien simple. Il faut que la population canadienne puisse avoir accès aux médicaments qui lui conviennent, au moment voulu, et à un prix convenable.
Vous avez devant vous le texte de mon mémoire. Je vais en parcourir rapidement les principales dispositions.
L’AMC a fait 12 recommandations dans les principaux domaines sur lesquels doit porter une stratégie nationale sur les médicaments. L’information, l’accès et la sécurité.
Avant d’évoquer ce cadre, je veux faire état d’une préoccupation qui fait les manchettes de tous les journaux au Canada et aux États-Unis en ce qui concerne les médicaments d’ordonnance. C’est la question des médicaments sur ordonnance qui traversent la frontière.
Ces prescriptions par-delà les frontières de produits pharmaceutiques sont en vogue. Elles ne sont pas sans conséquence. Les fabricants de produits pharmaceutiques ont entrepris d’arrêter ou de limiter les approvisionnements des pharmacies canadiennes exerçant ce genre d’activité, et les sociétés qui commercialisent des médicaments de marque envisagent de boycotter le Canada. Cette semaine, justement, on nous a parlé d’une société pharmaceutique qui a retardé la commercialisation dans notre pays d’un nouveau médicament important pour lutter contre la séropositivité parce qu’elle craignait qu’il soit progressivement réexporté aux É.-U. à un prix inférieur.
L’AMC craint fort que les exportations au-delà de notre frontière réduisent les possibilités d’accès aux médicaments d’ordonnance au Canada. Par conséquent, elle recommande que le gouvernement fédéral contrôle et, si nécessaire, réglemente l’exportation des médicaments d’ordonnance de marque pour s’assurer qu’ils vont continuer à être disponibles dans notre pays.
Quant au rôle que doit jouer le médecin dans la pharmacothérapie, il faut, pour que celui-ci soit vraiment efficace, que s’instaure une relation professionnelle forte et durable entre le malade et son médecin. Cette relation est à la base de la pratique médicale. C’est la clé de la prescription des médicaments, et il faut qu’elle soit maintenue.
Nombre de pharmacies qui vendent par Internet offrent les services de médecins qui signent les ordonnances sans voir le malade au cours d’une consultation. L’AMC a officiellement et à maintes reprises déclaré que cette activité était contraire à l’éthique et tout simplement inacceptable.
Nous nous intéressons en second lieu à l’information. Pour en revenir à notre recommandation visant l’instauration d’une stratégie nationale des médicaments d’ordonnance, le principal domaine à aborder est celui de l’information. L’AMC est convaincue que la population canadienne a le droit de bénéficier d’une information s’adressant directement aux consommateurs qui soit exacte et sans parti pris et qu’on l’informe aussi des autres thérapies pour qu’elle puisse prendre en toute connaissance de cause des décisions concernant sa santé.
L’AMC soutient que la publicité des médicaments d’ordonnance qui est faite directement auprès des consommateurs est préjudiciable à notre santé individuelle et collective. Elle ne rend pas compte comme il se doit des risques. Elle est faite dans un but lucratif, et non pas pour informer. Elle encourage la demande. En outre, elle participe d’une culture de la surmédicalisation...une pilule correspondant à chaque maladie.
L’AMC a mis au point une méthode plus directe et plus efficace pour fournir cette information plutôt que de recourir à la publicité de marque. Le document que nous avons annexé à notre mémoire, qui fait état de nos principes régissant l’information des consommateurs au sujet des médicaments d’ordonnance, permet de relayer l’information sur les médicaments donnée à la population canadienne dans un plus grand souci de responsabilité et dans un cadre plus global. Ces principes devraient être associés à la mise en place d’un programme national d’information exhaustive sur les médicaments, financé par le gouvernement fédéral, qui fournirait, dans l’intérêt de la population canadienne, une information exacte et sans parti pris sur les médicaments d’ordonnance.
L’autre sujet important qui nous intéresse, et que nous avons évoqué tout à l’heure, est celui de l’accès. Pour ce qui est de l’accès aux médicaments d’ordonnance, nous avons fait dans notre mémoire plusieurs recommandations que nous soumettons à votre comité. Toutefois, je m’en tiendrai dans mes observations au mécanisme d’examen des médicaments.
La longueur de la procédure d’homologation retarde l’accès à de nouveaux médicaments susceptibles de sauver des vies. C’est ainsi que 15 autres pays ont homologué le médicament appelé couramment Singulair, qui a permis de faire une véritable percée dans la lutte contre l’asthme chez les enfants, avant qu’il soit homologué au Canada, en dépit du fait que ce médicament a été mis au point à Montréal.
¿ (0950)
Nombre de médicaments soumis à l’examen ne sont pas véritablement novateurs, mais ils peuvent se révéler plus efficaces d’un point de vue clinique. Ainsi, ils pourraient entraîner moins d’effets secondaires ou être disponibles sous une forme favorisant le respect du traitement. Santé Canada a mis en place un mécanisme d’examen prioritaire pour les médicaments permettant de lutter contre les maladies susceptibles d’être mortelles, mais nous devons étendre cette procédure à tous les médicaments considérés comme une véritable amélioration par rapport à ceux qui existent déjà sur le marché.
Le troisième grand domaine que nous voulons aborder est celui de la sécurité. C'est le dernier volet essentiel d’une stratégie nationale sur les médicaments d’ordonnance. C’est, par exemple, en faisant en sorte que les malades respectent mieux les traitements prescrits que l’on mettra en oeuvre une politique efficace et sûre en matière de médicaments dans notre réseau de la santé. Les recherches nous révèlent qu’il n’y a environ que la moitié des malades qui respectent les ordonnances de médicaments qui leur sont prescrits à long terme. Il nous faut savoir pourquoi il en est ainsi et comment y remédier.
L’AMC propose que l’on s’efforce au sein du réseau de la santé de promouvoir une culture favorisant la prise des médicaments selon les règles prescrites en remédiant à la pénurie de professionnels de la santé qualifiés, en palliant le manque de connaissances sur la posologie des médicaments, en établissant et en finançant comme il se doit une infrastructure de sécurité, en renforçant la surveillance de la prescription des médicaments, en investissant dans des techniques de soutien et en renforçant la protection de la vie privée des malades comme des praticiens.
Nous conclurons en disant qu’il est essentiel, aux yeux des médecins du Canada, que nos malades prennent les médicaments qui correspondent bien à leur état de santé, au moment voulu et au prix qui convient. Il nous faut mettre en place une politique globale et purement canadienne au sujet des médicaments d’ordonnance en partant du principe qu’il convient avant tout de faire un usage optimal des médicaments, d’accorder la priorité à la santé des malades et de respecter la relation qui existe entre le malade, d’une part, et son médecin ou son pharmacien, d’autre part.
Je vous remercie.
Le vice-président (M. Stan Dromisky): Merci.
Nous allons maintenant entendre les représentants du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada.
¿ (0955)
[Français]
Dr Michel Brazeau (président-directeur général, Le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada):
Bonjour. Je vous remercie de nous donner la chance de témoigner.
Mon nom est Michel Brazeau et je suis le directeur général du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. J'aimerais vous présenter notre porte-parole, la docteure Jean Gray, médecin spécialiste, pharmacologiste clinique de Halifax et également vice-présidente de notre Collège.
Docteure Gray, je vous cède la parole.
[Traduction]
Dre Jean Gray (vice-présidente, Le bureau du conseil, Le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada): Merci.
Le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada a pour vocation de dispenser en matière de santé des soins de la plus grande qualité. Le collège royal joue un rôle essentiel en établissant les normes d’éducation, d’évaluation, d’agrément et de formation professionnelle continue des spécialistes, des médecins et des chirurgiens. Il contribue par ailleurs à la mise en place d’une bonne politique en matière de santé. Il compte près de 31 000 membres en activité, qui sont agréés dans 60 spécialités et sous-spécialités.
Dans le cadre de ce mémoire, nous avons souhaité vous dire quelques mots de l’évaluation du domaine de la recherche, de certaines considérations liées à l’augmentation des coûts, des questions touchant l’examen et le contrôle des prix des médicaments d’ordonnance, de l’homologation et de la commercialisation des nouveaux médicaments, en exposant éventuellement des solutions, du moins dans le cadre de certaines recherches, des réactions indésirables et des pratiques en matière de prescription, en accordant une attention toute particulière à la surveillance des prescriptions de médicaments, des activités de commercialisation et de publicité, et enfin des possibilités, pour les consommateurs et les professionnels de la santé, d’accéder aux médicaments.
Cette introduction étant faite, je tiens à vous dire que nous sommes très heureux d’avoir ici la possibilité de participer aux travaux du Comité permanent de la santé alors qu’il entreprend une grande étude des médicaments prescrits sur ordonnance au Canada.
Les recherches entreprises par les médecins et d’autres spécialistes de la santé jouent un rôle fondamental pour garantir des soins de santé de qualité. Il convient de disposer d’une réglementation et de procédures administratives bien conçues pour promouvoir des recherches de qualité tout en protégeant les malades et les chercheurs concernés. À bien des égards, le cadre général de réglementation favorisant la R et D ainsi que l’homologation et la diffusion des médicaments a besoin d’être modernisé.
Conscient de l’importance de ces problèmes et d’autres qui leur sont liés, le collège royal a mis sur pied en juin 2000 un groupe d’étude sur la recherche clinique, dont le rapport a été publié au printemps 2003. Notre mémoire s’inspire des principales constatations de ce rapport et aborde d’autres questions évoquées par le Comité permanent de la santé. On trouvera en annexe de notre mémoire une copie intégrale de ce rapport, sous la référence que nous venons d’indiquer.
Je vais commencer par vous parler de l’évolution de la situation. Les gouvernements, l’industrie et le secteur bénévole ont régulièrement augmenté au cours des dernières décennies l’aide qu’ils consacrent à la recherche médicale. La création en l’an 2000 des Instituts de recherche en santé du Canada s’est accompagnée d’une augmentation des crédits fédéraux. Toutefois, les crédits consacrés à la recherche par les industries de la pharmacie et de la biotechnologie ont dépassé ceux des gouvernements. C’est vrai aussi aux États-Unis, où 70 p. 100 des fonds consacrés aux essais de médicaments proviennent de l’industrie plutôt que des instituts nationaux de la santé.
Ces dix dernières années, on a assisté à un changement au niveau de la conception des recherches cliniques. Le modèle universitaire traditionnel, celui dans lequel j’ai grandi, faisait appel à des chercheurs cliniciens de pointe au sein des centres universitaires de sciences de la santé, qui se chargeaient de lancer des études en partant de certaines hypothèses. Il y a 10 ans, 80 p. 100 des essais cliniques partaient des centres de santé universitaires. Ce pourcentage est désormais de 40 p. 100 et il est en baisse, le modèle universitaire étant remplacé par un modèle d’entreprise qui part du principe que le temps, c’est de l’argent.
Les compagnies pharmaceutiques, qui s'impatientent à cause des retards entraînés par les accords passés entre l’industrie et les chercheurs dans les centres universitaires et par les multiples responsabilités des médecins universitaires, confient sous contrat la recherche à des réseaux commerciaux d’organisations de recherche et de gestion des installations. Ces organisations recrutent des médecins communautaires chargés de rassembler les malades devant faire partie des essais cliniques, généralement administrés selon des protocoles précisés à l’avance et axés sur l’industrie. Les formulaires de recherche sont par la suite envoyés à la société qui patronne les essais afin que les données soient analysées.
On a reproché aux organisations de recherche clinique d’être les marionnettes de l’industrie, qui s’intéressent davantage à l’homologation et à la commercialisation des médicaments qu’aux grandes questions liées à la recherche. Les dollars injectés par l’industrie dans des partenariats avec les chercheurs sont susceptibles d’améliorer les pratiques cliniques, mais le patronage exercé par l’industrie a par ailleurs été à l’origine de préoccupations touchant la manipulation des données, les conflits d’intérêts des chercheurs et la nécessité de contrôler les protocoles de recherche.
Récemment, de grosses sociétés de publicité se sont mises à acheter des entreprises chargées des essais cliniques sur les médicaments expérimentaux. Cela ne fait que renforcer les craintes de ceux qui estiment qu’on sacrifie la science à la promotion du produit.
Il faut que les malades puissent faire confiance à leur médecin qui les examine régulièrement. La même relation de confiance doit exister lorsqu’un médecin procède à une étude clinique. Si l’on perd cette confiance, toute l’entreprise de recherche est remise en cause.
À (1000)
Pour ce qui est de l’augmentation des coûts, ces cinq dernières années—et je sais que cela a été dit dans d'autres mémoires—le total des dépenses annuelles de médicaments a dépassé les montants versés aux médecins. La part des dépenses publiques consacrée aux médicaments d’ordonnance a subi une forte augmentation depuis le début de la dernière décennie, et elle représente aujourd’hui 80 p. 100 de l’ensemble des dépenses de médicaments, ce qui équivaut presque aux montants versés chaque année aux médecins. Selon les chiffres fournis par l’ICIS, les fonds publics affectés aux médicaments d’ordonnance arrivent en troisième position sur le total des dépenses publiques qui ont été consacrées à la santé en 2002, avec 13 p. 100, juste après les sommes versées aux médecins, soit 13,4 p. 100, et derrière les frais d’hôpitaux, soit 31,3 p. 100.
L’augmentation du coût des médicaments s’accompagne toutefois de nombre d’avantages tangibles à la fois pour les malades et pour l’ensemble du réseau de la santé. Des médicaments contre l’hypertension sont aujourd’hui employés pour éviter certaines maladies comme les maladies cardiovasculaires ou les accidents vasculaires cérébraux, réduisant ainsi la nécessité de recourir au réseau des soins de santé.
Des traitements médicaux tels que la chimiothérapie contre le cancer permettent aujourd’hui de traiter plus efficacement certaines maladies. D’autres médicaments tels que les inhibiteurs de la pompe à protons—le Losec, comme l’a indiqué précédemment M. Robinson—sont employés aujourd’hui pour améliorer la qualité de vie des malades, et surtout pour éviter d’avoir à recourir à la chirurgie. Bien souvent, ces médicaments prolongent par ailleurs la vie des malades et leur permettent souvent d’être réintégrés au sein de leur famille et même dans leur emploi. Des maladies dont le pronostic était jusque-là très sombre, telles que les défaillances cardiaques ou les maladies infectieuses, n’empêchent plus aujourd’hui de continuer à vivre pendant longtemps, en grande partie grâce aux grands progrès réalisés par la pharmacothérapie.
Il reste la nécessité de mettre au point des mécanismes permettant de s’assurer que l’on obtient un bon rendement sur les investissements, tant au niveau de l’industrie que pour les responsables qui doivent assumer le coût des soins. Le collège royal reconnaît la nécessité pour la confrérie des médecins de jouer son rôle en s’assurant que les médicaments d’ordonnance sont administrés de la façon la plus rentable en faisant l’éducation des malades et en veillant à ce que les bons médicaments soient prescrits.
Voilà qui nous amène à la question du prix des médicaments prescrits. Le Canada a la chance de pouvoir compter sur un certain nombre de mécanismes qui l’aident à lutter contre l’augmentation du coût des médicaments, notamment sur une industrie florissante de fabrication de médicaments génériques et sur le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, qui établit le prix de vente des nouveaux produits commercialisés sur le marché canadien. Du fait de cette situation, les médicaments canadiens se sont révélés d’un grand intérêt pour les personnes âgées et d’autres acheteurs aux États-Unis, qui ont tiré parti de la possibilité de se procurer des médicaments par Internet au prix canadien et d’aller faire de courts séjours au Canada pour acheter directement leurs médicaments.
Le collège royal comprend bien que les citoyens américains puissent vouloir se procurer des médicaments meilleur marché mais il n’est pas d’accord, quelles que soient les circonstances, pour que des médecins canadiens prescrivent conjointement des médicaments à moins qu’ils n’aient établi une relation thérapeutique avec leurs malades.
Pour ce qui est de l’homologation des nouveaux médicaments, il est évident que les spécialistes jouent un rôle fondamental en régulant l’apparition des nouveaux médicaments sur le marché, tout d’abord en faisant le premier travail de recherche lors des essais cliniques, puis en tant que premiers utilisateurs des nouvelles découvertes visant à améliorer la qualité de vie et la santé des malades. En plus de contribuer à la recherche, à l’éducation et à l’adoption selon les règles des produits nouveaux, les spécialistes jouent un rôle essentiel en facilitant l’apparition de nouveaux médicaments offrant toutes les garanties de sécurité grâce à la mise en oeuvre de bonnes politiques.
Le collège royal prend part activement aux différents projets visant à instaurer une réforme de la réglementation au Canada. Il a récemment participé aux discussions du forum des politiques publiques visant à aider Santé Canada à revoir dans un premier temps sa procédure et sa réglementation actuelles touchant l’homologation et l’agrément des produits thérapeutiques. Les discussions du forum des politiques publiques s’appuyaient sur des considérations de qualité, d’efficacité et de sécurité des produits.
La procédure de révision réglementaire et administrative lancée par Santé Canada est encourageante, mais le mécanisme d’homologation des nouveaux médicaments continue à se heurter à un manque de transparence. L’absence de motivation des décisions touchant la non-reconnaissance de certains médicaments nouveaux ne fait que frustrer l’industrie, qui est disposée à lancer de nouveaux produits, et les malades, qui attendent impatiemment de nouvelles thérapies.
Une meilleure transparence permettrait de se doter d’une base de connaissances susceptible de jeter un meilleur éclairage sur les médicaments présentés et d’accélérer la procédure d’homologation. De plus, les retards inexplicables apportés à l’homologation de nouveaux médicaments au Canada comparativement à nombre d’autres pays gênent la distribution et la recherche.
Le collège royal se félicite de voir que Santé Canada a apporté des ajustements positifs pour accélérer les délais d’homologation des médicaments, mais reste préoccupé par l’absence de ressources appropriées, tant humaines que financières, qui ne permettent toujours pas de progresser comme prévu.
Nous avons présenté une solution possible dans le rapport annexé à notre mémoire, sous la forme de la création d’un groupe d’essais cliniques. Il s’agit d’un consortium ou d’un réseau à but non lucratif de chercheurs et d’établissements qui se sont entendus pour collaborer. Le Groupe des essais cliniques pourra englober des chercheurs relevant de tous les types d’établissement—centres universitaires de sciences de la santé, hôpitaux communautaires, secondaires et tertiaires et praticiens du secteur privé, selon la nature du groupe et le type d’études qu’ils effectuent.
À (1005)
Le Groupe des essais cliniques a un bureau centralisé d’administration et de statistique, appelé centre de données, et il est officiellement organisé pour pouvoir procéder à des essais cliniques relevant de plusieurs centres. Le financement de base provient d’une source à but non lucratif, qu’il s’agisse d’un gouvernement ou d’une organisation de bienfaisance, et il peut donc opérer en toute indépendance du secteur privé à but lucratif. Ce financement de base permet de disposer d’infrastructures stables dont a absolument besoin le centre de données pour son personnel et son exploitation, et s’accompagne par ailleurs du financement chaque année de certains projets dans des secteurs précis.
Nous avons au Canada plusieurs exemples de groupes de ce type, notamment l’Institut national du cancer du Canada—et le groupe d’essais cliniques qui en dépend, qui reçoit son financement de l’Institut national du cancer du Canada ainsi que des National Cancer Institutes aux États-Unis—et le réseau d’essais canadien sur la séropositivité, qui est financé par le gouvernement canadien. Le groupe d’essais canadien sur les soins intensifs a réussi à coordonner des études dans un domaine particulièrement complexe des soins donnés aux malades.
Des groupes d’essais cliniques bien structurés peuvent remédier à toutes les préoccupations citées ci-dessus. Ces groupes peuvent concevoir les essais ou encore contribuer à une meilleure conception des études conçues par l’industrie. Ils peuvent élaborer un cadre d’études complémentaires de celles qui sont effectuées par l’industrie, ce qui augmente le nombre d’études effectuées au total sur un produit donné. En passant de bons accords contractuels, les groupes d’essais cliniques peuvent être propriétaires de la base de données correspondant à leurs études et garantir les droits de publication à leurs chercheurs.
Pour résumer, le gouvernement et les autres organismes subventionnaires du Canada devraient chercher en priorité à multiplier les ressources des groupes d’essais techniques existants et à faciliter la création de ces groupes dans certaines spécialités où il n’en existe pas jusqu’à présent. Les avantages seraient évidents pour les chercheurs, les malades, sur le plan de leur sécurité, le public et l’industrie pharmaceutique.
Pour ce qui est maintenant des réactions indésirables, des pratiques régissant les ordonnances et de la question de la surveillance de la prescription des médicaments, en dépit de tout ce qu’on peut faire pour s’assurer que les essais effectués à l’origine permettent de mettre sur le marché des médicaments efficaces, présentant toutes les garanties de sécurité, l’utilisation des médicaments d’ordonnance par la population dans son ensemble peut donner lieu à des résultats différents, comme par exemple lorsque des médicaments sont prescrits à des personnes ayant d’autres maladies en plus de celle qui a fait l’objet de l’étude ou de l’essai à l’origine. Les populations étudiées lors des essais cliniques sont généralement relativement en bonne santé, d’un âge moyen et, jusqu’à récemment, presque exclusivement masculines. Les modifications apportées récemment aux législations du Canada et des É.-U. ont permis d’inclure les femmes et les enfants dans les essais cliniques, mais nombre de médicaments couramment utilisés aujourd’hui au Canada n’ont jamais été étudiés sur les femmes ou sur les jeunes. Par conséquent, l’utilisation des médicaments dans la pratique est très différente des conditions de l’essai effectué à l’origine.
Les méthodes employées chez nous pour étudier les effets des médicaments, et surtout les réactions indésirables, laissent beaucoup à désirer. À l’heure actuelle, on fait surtout confiance aux professionnels pour signaler les réactions indésirables au sein de notre réseau, en partant du principe qu’ils savent au départ les reconnaître.
D’autres pays ont créé et financé comme il se doit un bon réseau de surveillance des prescriptions de médicaments et se sont dotés de bases de données pour étudier de plus près cette étape importante de l’emploi des médicaments. Pendant de nombreuses années, une base de données bien structurée de la Saskatchewan a permis aux chercheurs du monde entier d’effectuer un suivi sur la pharmacothérapie, et nombre de découvertes importantes ont découlé de ce travail. Malheureusement, cette base de données n’a pas été tenue à jour, et ce travail s’est déplacé à l’extérieur du Canada.
L’utilité de ces bases de données est indéniable et, dans notre mémoire, nous avons cité l’exemple d’un groupe américain qui se servait auparavant de base de données de la Saskatchewan et qui utilise désormais une base de données du Royaume-Uni pour poursuivre son travail de recherche sur la surveillance des prescriptions de médicaments.
Étant donné les divergences enregistrées selon les pays en matière d’homologation des médicaments, il faut que le Canada se donne les moyens d’aider ses propres services de recherche et de réglementation à procéder à des recherches et à une surveillance des prescriptions de médicaments. En l’absence d’un tel système, on ne peut pas contrôler en bout de chaîne l’ensemble de l’opération de conception, d’adoption, d’utilisation et de surveillance des médicaments.
Il s’ensuit que des médicaments utiles risquent d’être retirés du marché en raison d’une ou deux réactions indésirables à la suite de leur commercialisation. Les essais cliniques ne sont pas fondamentalement conçus pour déceler les réactions indésirables rares, qui peuvent se produire, par exemple, une fois sur 10 000 malades traités. Les réactions indésirables rares ne peuvent être décelées que grâce à une surveillance attentive des prescriptions de médicaments.
Le collège royal a joué un rôle de chef de file dans la création de l'Institut de la sécurité des patients. Partant du travail déjà effectué par le Comité directeur national sur la sécurité des patients, le collège royal continue à préconiser la création d’un réseau national visant à répertorier les incidents liés à la prise de médicaments grâce à une collaboration permanente avec la Coalition canadienne pour la déclaration et la prévention des incidents médicamentaux. Cette coalition se charge de mettre au point différentes solutions devant permettre de doter la population canadienne d’un réseau global, viable, durable et abordable de prévention et de compte rendu des incidents liés à la prise de médicaments.
Dans le domaine de la commercialisation et de la publicité, il est important de faire la différence entre la publicité et l’information, notions qui par le passé ont été brouillées par l’industrie pharmaceutique. La profession médicale se félicite de l’appui très positif dont fait preuve l’industrie en faveur des activités de formation et de développement professionnelles dans des conditions fixées en commun. Toutes les parties prenantes au sein de la profession et de l’industrie reconnaissent qu’il est totalement déplacé que l’industrie paye les frais de séjour et de transport des médecins assistant tout simplement à un cours de formation.
En reconnaissant, toutefois, que les spécialistes jouent un rôle essentiel dans la découverte et l’adoption rapide des nouveaux produits, les spécialistes courent aussi le risque de devenir des outils de commercialisation pour le compte de l’industrie. Il est donc nécessaire de définir un bon équilibre. Partant d’un dialogue constructif, la profession médicale et l’industrie pharmaceutique continuent à se pencher sur le problème ainsi que sur d’autres questions importantes du point de vue de l’éthique et de la pratique quant aux relations qui doivent exister entre la profession médicale et l’industrie. Il est intéressant de relever que dès le départ les discussions ont été axées sur le bien public et non pas sur les intérêts personnels des parties concernées.
Enfin, pour ce qui est des possibilités d’accès des consommateurs et des professionnels de la santé aux médicaments, le grand objectif des professionnels de la santé doit être de faire en sorte que la population canadienne ait accès aux meilleurs médicaments possibles grâce à la recherche, à l’éducation ainsi qu’à l’élaboration de politiques et à l’instauration de pratiques bien conçues. Ce sont deux catégories de médicaments qui sont responsables de la hausse des prix. La première est celle des médicaments courants qui ne sont pas vraiment onéreux mais qui sont utilisés par de nombreux malades. Je suis prête à parier que si nous faisions une enquête ici même dans cette salle, on découvrirait qu’il y a au moins une personne qui a dans sa poche un inhalateur de ventolin ou de berotec. C’est un produit bon marché parce qu’il est très utilisé.
Il y a aussi la catégorie des médicaments rares, très onéreux, que l’on utilise peu souvent, mais qui coûtent beaucoup d’argent aux malades comme au gouvernement. On peut citer parmi ces médicaments ceux qui servent à traiter les séropositifs, et plus particulièrement un certain nombre des nouveaux produits utilisés dans la chimiothérapie contre les cancers.
Diverses solutions, faisant appel à la fois à l’éducation et à la répression, peuvent être retenues pour limiter les coûts dans la première catégorie. De nombreuses formules s’efforcent de limiter le coût des produits les plus chers en n'autorisant que les spécialistes qui connaissent le mieux la maladie et ses remèdes à prescrire ces médicaments.
Chaque province et chaque hôpital passe séparément en revue les remèdes à l’heure actuelle et décide individuellement de ce qu’il va ou non rembourser dans le cadre du régime correspondant, mais l’on s’oriente à l’heure actuelle vers une procédure commune d’examen des médicaments. Même si aux premiers stades de la procédure, cette solution représente un progrès, puisqu’elle va instaurer des normes communes d’examen tout en laissant un pouvoir discrétionnaire à ceux qui vont devoir payer la facture, la mise en place avec succès d’une solution aussi prometteuse est loin d’être chose aisée. Le collège royal, comme il l’a fait devant la commission Romanow, adjure à nouveau le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires de résoudre leurs conflits de compétences et de s’entendre sur des solutions qui servent au mieux les intérêts de la population du Canada.
Pour conclure, le collège royal est très heureux de la possibilité qui lui a été donnée de se présenter devant votre comité. La mission qui consiste à améliorer la qualité des soins de santé au Canada, notamment en procurant en temps utile les médicaments dont la population a besoin, nécessite l’attention de tous les professionnels et dirigeants du secteur de la santé, qu’ils appartiennent au secteur privé ou à la fonction publique.
À (1010)
Le collège royal continue à s’engager dans toute la mesure du possible en faveur de la protection de la santé et du renouvellement de notre législation qui est en cours dans notre pays. Nous espérons que votre comité pourra continuer à compter sur l’appui et sur l’aide du collège royal dans le cadre de son étude des médicaments d’ordonnance au Canada.
Le vice-président (M. Stan Dromisky): Merci pour cet exposé très complet.
Docteur Hill, vous avez la parole.
M. Grant Hill: Je vous remercie.
J’aimerais en revenir à la question des essais cliniques. Nous avons entendu dire devant ce comité qu’il y a des cliniciens qui manipulent les données et à qui l’on offre des voyages et des cadeaux, comme vient de le mentionner le représentant du collège, et qu’en réalité ces cliniciens sont aujourd’hui au service des grosses sociétés pharmaceutiques.
Que peut-on faire, à part répéter comme on vient de le faire ici les grands principes qui doivent régir les relations avec les cliniciens, et qu’a-t-on fait jusqu’à présent, si ces activités placent effectivement les médecins et les cliniciens en conflit d’intérêts?
À (1015)
Dr Sunil Patel: Depuis longtemps en fait, l’Association médicale canadienne a énoncé les politiques à suivre en ce qui a trait aux relations des médecins avec l’industrie pharmaceutique. En fait, nous venons de les réviser. En collaboration avec l'industrie pharmaceutique, nous avons renforcé ou durci les directives s'appliquant aux relations des médecins avec cette industrie. Nous sommes très conscients du problème, qui continue évidemment à se poser, et il est nécessaire de rester vigilants en évaluant ces activités, qui peuvent être considérées comme étant susceptibles d’influencer le comportement des médecins.
Les essais cliniques doivent se poursuivre, et des commissions d’éthique ont été instituées dans toutes les universités et dans toutes les provinces. Elles ont été mandatées pour se pencher et pour faire enquête sur tous les projets de recherche.
Je tiens ici à vous présenter mes collègues. Le Dr Isra Levy est un épidémiologiste qui travaille au Bureau de la santé publique de l’AMC. M. Bill Tholl, le secrétaire général de l’AMC, nous aidera éventuellement à répondre à certaines des questions.
M. Grant Hill: Pourriez-vous nous dire s’il y a eu des médecins au Canada qui ont été frappés de mesures disciplinaires après avoir procédé à des essais cliniques répréhensibles? Est-ce qu’il est déjà arrivé que le privilège de procéder à des essais cliniques ait été retiré à un clinicien?
Dr Sunil Patel: Je ne connais pas de cas précis, mais il est évident que si une plainte officielle était déposée... Comme vous le savez, il s’agit d’une question d’agrément, qui relève des responsabilités des collèges de médecins et de chirurgiens de chacune des provinces. Par conséquent, si une plainte officielle, une plainte par écrit, était déposée, le collège ferait enquête. C’est son rôle.
Dr Michel Brazeau: Même si je précise que le collège royal n’est pas une instance disciplinaire, nous avons fait face à des difficultés...comme dans l’article récent du Globe and Mail. Nous sommes un autre type d’institution; nous faisons de l’éducation et de la politique de la santé.
Je ferai deux observations. Tout d’abord, est-ce qu’il est déjà arrivé qu’un médecin soit sanctionné d’une manière ou d’une autre? Oui, je me souviens, et je crois que le Dr Gray se souviendra, d’une certaine affaire à Montréal mettent en cause un chercheur, le Dr Poisson, qui était un habitué en Amérique du Nord des recherches de haut niveau. Cette affaire a débouché sur une sanction précise.
Donc, effectivement, j’en connais au moins un exemple.
J’aimerais faire encore une observation au sujet des mesures prises à l’heure actuelle. Il y a deux formes d’action que l’on envisage aujourd’hui. L’une d’entre elles, nous y avons fait allusion tous deux, consiste à faire en sorte que la profession collabore plus directement avec l’industrie. Je pense que nous en sommes tous venus à la conclusion que chacun de nous doit éviter de passer son temps à se plaindre des manquements à l’éthique des autres et que nous devons oeuvrer ensemble pour régler un certain nombre des questions que vous avez évoquées, la manipulation des données, par exemple, qui sont de toute évidence contraires à l’intérêt public et que les deux parties doivent régler directement. Nous nous félicitons de voir que les deux parties se sont assises à la même table et ont entrepris de négocier sur des questions précises de cet ordre, et nous avons très bon espoir de pouvoir en régler effectivement un certain nombre.
Nous entrevoyons aussi un autre mode d’action et nous faisons tout notre possible pour que l’on y ait recours. Il est bon d’avoir un cadre de réglementation au Canada. Nous allons le revoir et l’améliorer. Là aussi, nous sommes très favorables à une telle action. Toutefois, on ne peut pas compter sur le cadre de réglementation pour tout contrôler et intervenir chaque fois qu’il se passe quelque chose.
Je m’explique. En matière de recherches portant sur des sujets humains, le cadre de réglementation au Canada peut permettre d’établir des grands principes, des règles de base, qui doivent être respectés. Toutefois, nous sommes convaincus...et nous exerçons de fortes pressions pour que l’on instaure d’autres activités, telles que l’agrément de commissions d’éthique, qu’elles soient administrées par le secteur privé ou la fonction publique. Nous adjurons Santé Canada, nous adjurons le gouvernement du Canada, nous adjurons les trois conseils et l’ensemble de l’industrie de la recherche à l’heure actuelle de s’engager à mettre en place au Canada un cadre d’agrément ou d’homologation de commissions d’éthique en matière de recherches, notamment en ce qui a trait à la recherche portant sur des êtres humains.
Ce mécanisme nous apparaît tout à fait nécessaire pour compléter l’action des institutions de réglementation.
M. Grant Hill: J’ai apprécié les commentaires de vos deux groupes au sujet des pharmacies qui vendent par Internet étant donné qu’il n’est pas normal que l’ordonnance soit prescrite par le clinicien. Est-il vrai par ailleurs, c’est ce que je me suis laissé dire, que des mesures sont en voie d’être prises contre les personnes qui procèdent sans entrer en contact avec les malades? Bien entendu, ce seraient les collèges provinciaux qui prendraient ces mesures. Est-ce que j’ai raison de penser ainsi?
À (1020)
Dr Sunil Patel: C’est tout à fait vrai. Quatre médecins ont été effectivement identifiés et interdits par le collège du Manitoba, et d’autres font l’objet d’une enquête.
Nous sommes effectivement au courant de la situation depuis un certain temps, mais les collèges ont les mains liées tant qu’ils ne reçoivent pas une plainte officielle et par écrit. Ils ne peuvent pas se lancer dans une enquête au hasard en vertu de la loi sur la santé. Les médecins sont évidemment dans notre collimateur. Nous avons fait conjointement des déclarations, il y a déjà six mois, pour préciser que la cosignature des ordonnances n’était pas justifiée s’il n’existait pas une véritable relation entre le médecin et son patient. L’examen du malade est essentiel si l’on veut donner des soins de qualité.
M. Grant Hill: Est-ce que j’ai le temps de poser une autre question?
Le vice-président (M. Stan Dromisky): Oui, allez-y.
M. Grant Hill: J’aimerais en revenir aux questions que j’ai posées à l’association des infirmières et des infirmiers au sujet de ce que je continue à considérer comme étant une procédure lourde en matière de compte rendu et de surveillance des réactions indésirables. Vous venez de nous présenter d’excellentes recommandations pour nous permettre d’apporter des améliorations dans pratiquement tous les domaines qui vous préoccupent. Je n’ai pas encore vu une seule association nous donner une idée de la façon dont nous pourrions améliorer la procédure de compte rendu des réactions indésirables aux médicaments. C’est un problème dont, de toute évidence, je n’ai pas la solution.
Dre Jean Gray: C’est une procédure tout à fait impérative, à mon avis. La procédure actuelle dépend totalement des bonnes volontés. Je pense que Mme Silas nous a bien fait comprendre qu’il y avait là un problème de temps. Il peut être très compliqué de trouver les bonnes formules. Lorsqu’on a déjà vu la même situation, on a tendance à ne pas la signaler une deuxième fois, et on n’obtient donc pas les bonnes statistiques. Les cas sont généralement très complexes et les malades prennent de multiples médicaments, de sorte qu’il peut être très difficile d’indiquer le médicament qui a précisément déclenché la réaction au départ.
On remplit donc une formule. Elle se perd ensuite dans les dédales de l’administration. Personne ne vérifie en fait ce qui se passe. Elle passe alors par toutes les ramifications du réseau national de compte rendu des réactions indésirables aux médicaments ici à Ottawa, et elle réapparaît alors sous la forme d’un bulletin de deux pages dans la revue de l’AMC qui témoigne que la chose a été constatée. Dans la pratique, on ne procède à aucune enquête qui permettrait de savoir ce qui s’est vraiment passé.
Il y a cependant un ou deux services dans notre pays qui, au niveau universitaire, s’efforcent de faire ce genre de recherche. Il y a le département de pharmacovigilance de l’Université de Montréal, qui fait un effort dans ce sens. C’est probablement lui qui nous renseigne le mieux à l’heure actuelle au Canada. En réalité, cependant, cela se limite strictement à un hôpital, à un seul centre de santé universitaire, et cette information n’est pas largement diffusée.
C’est ce dont nous avons besoin en fait dans notre pays, d’un mécanisme qui permet de vérifier véritablement ce qui se passe, de contrôler la procédure sans dépendre uniquement des bonnes volontés. Si nous y parvenons, nous nous alignerons sur un certain nombre d’autres pays dans le monde qui ont déjà mis en place une telle procédure, notamment la Nouvelle-Zélande, l’Australie, la Suède et l’ensemble de la communauté européenne. Nous sommes en retard à ce sujet.
Les États-Unis ont fait pratiquement la moitié du chemin entre nous et le reste du monde en mettant en oeuvre un programme intitulé MedWatch, qui dépend encore trop fortement des bonnes volontés. On n’y exerce pas une véritable fonction de contrôle à l’heure actuelle.
Le vice-président (M. Stan Dromisky): Je vous remercie.
Madame Hinton.
Mme Betty Hinton (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Comme toujours, nous avons beaucoup appris. Il est toujours intéressant d’entendre les témoins, que ce soit des professionnels ou des consommateurs.
Je vais évoquer deux ou trois sujets et je vous demanderai ensuite de me répondre.
Je tiens cependant à vous assurer, en posant ma première question, que je ne me fais pas l’avocate des ordonnances par Internet. Je me fais ici l’avocat du diable.
J’aimerais que vous m’expliquiez pourquoi il faudrait tellement s’inquiéter. Si un malade va voir son médecin et que celui-ci lui fait une ordonnance—supposons que ce soit pour une maladie à long terme—en quoi la situation est-elle différente selon que le malade se procure par Internet ses médicaments en payant moins cher ou présente son ordonnance à son pharmacien habituel? Je pars du principe qu’il y a toujours un médecin qui intervient. J’aimerais donc savoir ce que vous en pensez.
La deuxième question que j’aimerais vous poser découle d’une observation faite par l’un des intervenants. Vous avez parlé d’établir une commission d’éthique qui serait chargée de superviser les médecins. Je me demande s’il y aurait d’autres personnes que les médecins qui siégeraient au sein de cette commission d’éthique. Est-ce qu’il s’agirait d’une institution représentant l’ordre professionnel ou comprendrait-elle en son sein des personnes de l’extérieur. Je pense que le public aimerait en savoir un peu plus sur la question.
La troisième chose qui me paraît absolument renversante, et qu’a évoquée le Dr Gray, c’est le fait qu’elle nous ait dit que l’on n’avait procédé à aucun essai comprenant des hommes et des enfants. Sur le plan physiologique, les hommes et les femmes sont très différents, et à partir du moment où nous procédons à des essais visant à déterminer les effets d’un médicament sur les personnes, je considère qu’on aurait dû y penser il y a bien longtemps. Je suis bien étonnée que ce ne soit pas le cas. Vous êtes en train de me dire, si je comprends bien, qu’on ne commence à le faire que maintenant. J’aimerais donc bien avoir vos commentaires à ce sujet.
J’ai enfin une dernière observation à faire. On a évoqué la question à plusieurs reprises aujourd’hui. Vous nous avez dit que certains malades prenaient de multiples médicaments et que cela venait compliquer le suivi qui doit être effectué. Il me semble, et j’aimerais savoir ce que vous en pensez, que le problème vient peut-être en fait de la pratique qui consiste à donner de multiples médicaments à certains malades.
À (1025)
Dre Jean Gray Pour ce qui est de votre dernier commentaire, je partage en partie vos préoccupations. On me reproche d’être « une négationniste de la thérapie » parce que j’ai passé une grande partie de ma vie à essayer d’inciter les médecins à décourager leurs malades de prendre des médicaments.
L’un des dilemmes qui est apparu ces dernières années, à mon avis, c’est le fait que de nouveaux traitements révolutionnaires, par exemple ceux qui permettent de traiter les séropositifs, exigent souvent que l’on prenne une grande quantité de médicaments. Il faut prendre tout un lot de médicaments pour transformer cet état, qui jusque là était mortel, en une maladie chronique. Au bout du compte, on se retrouve avec des réactions indésirables, et on ne sait pas vraiment quel est le médicament qui en est responsable parmi les trois, quatre, cinq ou six que prend le malade.
Une partie de l’étude effectuée à l’heure actuelle consiste à voir si l’on peut effectivement supprimer une partie de ces médicaments tout en obtenant le même taux de survie qu’avec tout le lot de médicaments prescrits à l’heure actuelle. Donc, bien souvent, nous adoptons de nouvelles techniques, et nous le faisons en raison du caractère mortel de la maladie pour nous demander ensuite si l’on ne pourrait pas se dispenser d’une partie de ces médicaments au lieu de conserver tout le lot. Cela fait partie de l’évolution de la recherche concernant les médicaments.
L’un des problèmes que posent les essais cliniques portant sur des femmes ou des enfants, un certain nombre de difficultés auxquelles font face aussi bien les centres de santé universitaires que l’industrie pharmaceutique lorsqu’il faut faire participer des femmes à des essais cliniques, ce sont les risques véritables que court le foetus si l’on donne des médicaments à une femme qui ne sait pas qu’elle est enceinte. On avait donc considéré que la solution la plus simple était tout simplement d’exclure les femmes des essais cliniques.
Finalement, il y a une dizaine d’années, à un ou deux ans près, on a reconnu que les femmes étaient en fait en mesure de prendre leurs propres décisions. En conséquence, d’abord aux États-Unis puis environ un an plus tard au Canada, on a adopté des lois disposant que tout le monde peut prendre part à des essais cliniques, en dépit des points de vue paternalistes de ceux qui estiment que ce n’est pas là leur place. Donc, depuis une dizaine d’années environ, tous les essais cliniques au Canada portent aussi sur des femmes.
Un certain nombre de médicaments courants, que nous utilisons tous les jours, n’ont en fait jamais été testés sur la population féminine—il faut bien que vous le sachiez. Toutefois, la situation a changé.
Je vais laisser au Dr Patel le soin de vous parler des pharmacies qui vendent par Internet, mais j’aimerais évoquer tout d’abord la question du contrôle des essais cliniques sur le plan de l’éthique, parce qu’elle est très importante.
Juste avant la création des Instituts de recherche en santé du Canada, les trois conseils de recherches du Canada—le Conseil de recherches en sciences humaines, le Conseil national de recherches du Canada et le CRM, c’était son nom à l’époque—ont élaboré ce qu’on a appelé un énoncé de politique des trois conseils s’appliquant au déroulement des recherches de toutes sortes, et non pas simplement des essais cliniques, sur des êtres humains. Ces directives ont été mises en application à l’échelle du pays. On a bien fait comprendre aux universités qu’elles ne pourraient bénéficier des crédits du gouvernement fédéral versés par l’un de ces organismes que si elles mettaient en oeuvre cet énoncé des politiques.
Cet énoncé représente un grand pas en avant pour ce qui est de la recherche menée sur des êtres humains, qu’il s’agisse des essais cliniques ou d’autres formes de recherche, mais il faut par ailleurs énormément de temps pour mettre en oeuvre ces dispositions. Le comité de surveillance en la matière regroupe des membres de toutes les professions de la santé, et pas seulement des médecins; il y a des spécialistes de l’éthique, des personnes ayant une formation et une expérience professionnelles sur le plan de l’éthique; il y a presque toujours des juristes; enfin, il y a des représentants du grand public. La représentation est donc très large.
Le problème, toutefois, c’est que la somme de travail à superviser—et ce sont tous des bénévoles—est énorme. Il se fait beaucoup de recherche sur les êtres humains au Canada. Nombre de ces comités s’aperçoivent aujourd’hui qu’il leur faut souvent consacrer une demi-journée ou même une journée complète par semaine à la supervision des nouveaux protocoles qui sont présentés. N’oubliez pas qu’il s’agit là d’activités non rémunérées, de la part de bénévoles qui appartiennent à un large éventail de professions de la santé. La possibilité de contrôler ensuite ce qui se passe une fois que les projets sont entrepris est par ailleurs très limitée.
Il est donc urgent aujourd’hui de réexaminer et de rendre une certaine crédibilité, comme l’a dit le Dr Brazeau, à cette procédure. Il faudra peut-être investir de l’argent pour se doter d’une infrastructure nous permettant d’agir dans les règles plutôt que d’attendre que le système croule de lui-même sous l’ampleur de la tâche.
Je vais demander au Dr Patel de traiter de la question des pharmacies qui vendent par Internet.
À (1030)
Dr Sunil Patel: Merci.
J’aimerais pouvoir vous faire une longue réponse, parce que j’estime que les enjeux que vous avez évoqués sont multiples et ne se ramènent pas uniquement aux trois questions que vous avez évoquées. Tout est étroitement lié. Nous avons entendu parler de la multiplicité des médicaments, des réactions indésirables aux médicaments, de la supervision des essais et des inconvénients des ordonnances prescrites par Internet.
Je vais commencer, et je demanderais ensuite à mes collègues d’ajouter quelques mots, parce que j’estime qu’ils ont des précisions importantes à porter à l’attention de votre comité.
À mon avis, il n’y a pas un seul médicament qui n’entraîne pas de réaction indésirable, ou qui ne présente aucun risque de réaction indésirable ou de contre-indication, ce qui souligne toute l’importance d’un mécanisme de surveillance que nous n’avons pas aujourd’hui. Nous disposons des techniques nécessaires au Canada et nous ne les avons pas mises en oeuvre.
Votre mode de communication instantanée, l’institution d’un réseau en temps réel, l’AMC l’a proposé dans le cadre de la stratégie de santé publique avec le comité sénatorial et le sénateur Kirby. Ce même dispositif pourrait aujourd’hui répondre à deux objectifs a) le compte rendu des réactions indésirables aux médicaments et b) la surveillance du système.
Le second point sur lequel je tiens à attirer votre attention, c’est que si un médicament comme l’érythromycine, qui est utilisée depuis des... était proposé aujourd’hui, il ne pourrait pas être homologué, selon les normes très strictes qui ont cours à l’heure actuelle, en raison de ses réactions indésirables et de son risque de toxicité pour le foie chez les êtres humains. La pharmacothérapie est donc devenue bien plus complexe.
Le troisième problème porte sur la multiplicité des médicaments. Je fais de la médecine générale depuis 30 ans. Qu’est-ce qui fait que je prescris davantage de médicaments aujourd’hui? Cela s’explique par le fait qu’il y a désormais des maladies de civilisation, une multitude de maladies qui se déclenchent simultanément—le diabète, l’hypertension et les infarctus du myocarde. On emploie donc de multiples médicaments, et le contrôle des prescriptions revêt désormais une grande importance.
Vous avez posé la question... indépendamment de la multiplicité des médicaments, le fait de les prescrire par Internet nous empêcherait de voir en permanence la situation. Je fais un bilan avec mes malades tous les trois mois pour savoir s’ils ont toujours besoin de leurs médicaments. Par conséquent, l’organisme de contrôle devient... c’est la relation entre le médecin et son patient. En l’absence de consultation, nous ne donnons pas carte blanche pour renouveler les médicaments.
C’est ce que les ordonnances prescrites par Internet permettraient de faire. Le malade ne verrait jamais le médecin ni le pharmacien et pourrait obtenir les médicaments. On court alors de grands risques. La prescription des médicaments par Internet soulève donc un certain nombre de problèmes touchant la sécurité des malades, la qualité des médicaments, le risque de fraude lorsque que les médicaments traversent les frontières, et l’origine des médicaments. Tout un tas de problèmes se posent indépendamment des économies réalisées dans l’immédiat. Par conséquent, la possibilité d’accès aux médicaments n’en serait peut-être pas simplifiée.
Si vous me le permettez, je vais demander à Bill Tholl et à Isra Levy de...
Le vice-président (M. Stan Dromisky): Excusez-moi, mais j’aimerais donner à deux autres députés la possibilité de poser des questions pendant que nous avons encore le temps.
Monsieur Barrette, vous avez la parole.
[Français]
M. Gilbert Barrette (Témiscamingue, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je ne suis spécialiste dans aucun domaine, je ne suis qu'un consommateur ordinaire. J'ai été impliqué dans le domaine de la santé à titre de bénévole dans une régie régionale pendant une quinzaine d'années. Par conséquent, les questions reliées à la santé me touchent et me préoccupent beaucoup.
Madame Gray, vous avez mentionné un peu plus tôt, en réponse à une question de M. Hill, qu'il devrait y avoir une sorte de monitorage. Qui devrait en assumer le leadership? Est-ce que Santé Canada devrait prendre cela en main? Quels autres types d'organismes devraient être responsables de la supervision et du suivi?
J'ai lu une des recommandations, qui portait sur l'efficacité de ces fameux médicaments. On s'est fait dire à quelques reprises, et par conséquent trop souvent--pour moi, même une seule fois, c'est trop--, que les médicaments sont dispendieux, qu'ils ne sont pas nécessairement efficaces et qu'ils ont des effets qui sont parfois imprévus.
Cela constitue ma première préoccupation et ma première question.
À (1035)
[Traduction]
Dre Jean Gray: Pour répondre à votre première question concernant les responsables, à l’heure actuelle c’est encore Santé Canada qui assume cette responsabilité, mais ce ministère n’a pas suffisamment de ressources pour bien faire son travail. Il sous-traite localement le travail de recueil des données à cinq organismes régionaux de notre pays, et il y en a un que je connais très bien parce qu’il se charge de recueillir les données dans les Maritimes. Ces services se trouvent dans l’hôpital où je travaille, à Halifax. Toutefois, dans la pratique, il ne s’agit que de recueillir des données. On ne va pas plus loin et, comme je vous l’ai déjà indiqué, il n’y a pas un véritable contrôle.
Je pense que c’est peut-être bien Santé Canada qui devrait s’en charger à condition d’avoir des ressources suffisantes. C’est ce que je préconise, avant tout parce que j’estime que si l’on fait intervenir une autre organisation, on aura l’impression que c’est elle qui dirige les opérations alors qu’en fait ce sont tous les professionnels de la santé qui doivent participer, et non pas un groupe en particulier.
Excusez-moi; je ne sais plus quelle était la deuxième question.
[Français]
M. Gilbert Barrette: Elle portait sur le suivi sur l'efficacité des médicaments.
[Traduction]
Dre Jean Gray: J’espère y avoir bien répondu. Je pense que c’est une question de ressources. Il y a la volonté, mais il n’y a pas suffisamment de ressources.
[Français]
M. Gilbert Barrette: J'aimerais poser une autre courte question, s'il vous plaît. Elle s'adresse aux cinq témoins. Que pensez-vous de la publicité? Cette question a été soulevée souvent. Par gentillesse, on pourrait peut-être appeler cela de l'information, mais on peut aussi se poser de bonnes questions. J'aimerais connaître votre opinion sur ce sujet. Je sais que vous recommandez de ne pas permettre la publicité directe, mais que pensez-vous de ce que nous vivons au quotidien, de ce que nous voyons dans les journaux et dans les revues?
[Traduction]
Dr Sunil Patel: Merci d’avoir posé cette question.
La publicité qui est faite directement auprès des consommateurs ne permet pas de faire une bonne information. À notre avis, c’est un outil de commercialisation. Je ne pense pas que les consommateurs ou que la population canadienne puissent tirer un grand enseignement d’une publicité qui dure 10 ou 30 secondes et qui n’est qu’un simple slogan. Nous ne sommes pas toutefois opposés à ce que l’on informe convenablement et de manière impartiale les malades et les consommateurs canadiens. Nous avons d’ailleurs besoin de mettre sur pied un système d’information directe du consommateur qui ne soit pas de la publicité.
Donc, lorsque nous entreprendrons cette démarche, les malades connaîtront bien mieux les médicaments qu’ils prennent, le risque de réactions indésirables et la nécessité de poser des questions.
Monsieur Tholl.
M. William Tholl (secrétaire général-président directeur général, Association médicale canadienne): Très rapidement, sur ce même point... et j’aimerais répondre à l’observation qui a été faite précédemment au sujet des États-Unis, à savoir qu’ils ne dépenseraient pas tout cet argent si ce n’était pas utile. J’ai bien peur que le Canada se laisse prendre à un mirage car pour chaque dollar dépensé en publicité faite directement auprès du consommateur—nous venons justement de commander une étude—l’industrie des États-Unis elle-même ne récupère que 19 sous. Comparativement aux autres méthodes de vente de cette industrie, c’est là un mode peu rentable. Pourquoi le Canada adopterait-il une solution que les États-Unis s’apprêtent en fait à abandonner?
Je suis tout disposé à remettre à votre comité l’étude qui indique que parmi toutes les dépenses qui peuvent être consacrées à la publicité aux États-Unis, la publicité qui est faite directement auprès des consommateurs arrive bonne dernière sur le plan de l’efficacité, derrière la publicité auprès des médecins et les entretiens directs avec ces derniers.
Si vous en voulez une copie, je suis tout disposé à vous la remettre.
Le vice-président (M. Stan Dromisky): Si vous pouviez la transmettre au greffier, nous vous en serions très reconnaissants.
Madame Scherrer.
[Français]
Mme Hélène Scherrer: Merci, monsieur le président. Je voudrais aussi parler de publicité.
Je pense que vous avez bien dit, lors de votre présentation, que le plus important est que le consommateur puisse avoir accès à de l'information de haut niveau pour qu'il puisse prendre lui-même un médicament et qu'il soit en mesure d'identifier les facteurs qui pourraient être négatifs lors de son utilisation. Je constate, d'autre part, que vous êtes absolument opposés à une publicité du type de ce que l'on voit actuellement, c'est-à-dire une publicité grand public, à la télévision et dans les journaux. Vous dites que cela ne donnerait pas les résultats souhaités.
Par contre, pour rejoindre M. et Mme Tout-le-Monde, il faut passer par la télé, par la presse écrite et par les journaux qu'on manipule tous les jours. Y aurait-il lieu de modifier la publicité? Actuellement, elle est faite par les compagnies pharmaceutiques, dont le seul objectif, en bout de ligne, est d'avoir une entreprise rentable. Y aurait-il moyen, par exemple, que vous contrôliez une certaine publicité, tout en utilisant les mêmes médias d'information?
Présentement, votre publicité, qui est tout à fait pertinente, paraît dans le American Journal of Medicine ou le Canadian Journal of Medicine. M. et Mme Tout-le-Monde ne lisent pas ces revues. L'information y est pertinente, mais les consommateurs regardent la télévision, consultent Internet et lisent ce qui paraît dans les petites revues. Ne devriez-vous pas assumer le leadership dans ce domaine et contrôler une certaine publicité qui ne serait peut-être pas produite par les compagnies pharmaceutiques? Cela permettrait qu'une publicité pertinente soit disponible.
À (1040)
[Traduction]
Dr Sunil Patel: Je pense que vous avez tout à fait raison. La télévision est un bon moyen de faire de la publicité auprès de la population canadienne et de donner une bonne information.
L’AMC a en fait pris l’initiative d’informer sur Internet les 59 000 médecins qui sont ses membres. C’est une information exacte, concernant les meilleurs médicaments, entre autres. Les médecins peuvent imprimer cette information et en disposer sur le lieu de la consultation, lorsqu’ils prescrivent les médicaments aux malades. Lorsque vous consultez le livre bleu de l’Association pharmaceutique canadienne, vous voyez qu’il y a une quantité d’information qui n’est pas compréhensible. donc, en fait, il faut que l’information soit indépendante, crédible, lisible et compréhensible par le malade, rédigée dans un langage qu’il peut comprendre. Nous pouvons certainement recommander un certain nombre de façons de collaborer avec Santé Canada pour mettre sur pied un système.
Je n’aimerais pas qu’une société pharmaceutique fasse directement de la publicité auprès de mes malades parce qu’à mon avis cela ne ferait qu’encourager davantage la demande d’une façon plus ou moins justifiée. On peut fournir de l’information sur un support accessible à l’ensemble de la population canadienne, en donnant les renseignements qui s’imposent sur les médicaments tout en parlant des modifications indispensables du mode de vie. Je pense que les médicaments ne sont que la pointe de l’iceberg, parce que pris isolément, ils ne donnent pas de bons résultats.
Je suis donc d’accord avec cette analyse.
[Français]
Mme Hélène Scherrer: Je voudrais faire un commentaire et entendre vos réactions sur ce sujet. On entend souvent la communauté médicale parler de tout ce qui touche les médicaments. On a entendu les infirmières, l'industrie pharmaceutique et les pharmaciens.
En tant que consommatrice, j'ai toujours l'impression qu'il y a un conflit entre le médecin et le pharmacien. Lorsque mon médecin me donne une ordonnance, je vais à la pharmacie. Le pharmacien me donne beaucoup d'information. Il prend la peine de me dire à quel moment je dois le prendre, de m'expliquer la posologie, mais très souvent, le pharmacien peut me suggérer de prendre un autre médicament. Puisque je suis allée voir le médecin, j'ai une entière confiance en mon médecin et j'ai de la difficulté à changer. J'ai l'impression que parfois ils ne travaillent pas de façon complémentaire. On a l'impression que chaque profession tire de son côté.
Travaillez-vous effectivement de façon complémentaire avec le pharmacien? N'y aurait-il pas moyen aussi de signifier au patient qui vient vous voir que le pharmacien a aussi un rôle très important à jouer? Dans l'esprit de bien des gens, le pharmacien est celui qui prend le gros bocal et qui met les pilules dans de petits bocaux. Je pense qu'il faut changer cette conception d'une profession qui demande quand même cinq ans d'études. Je pense qu'ils peuvent, au niveau de la diffusion de l'information, jouer un rôle excessivement important, sans être nécessairement à la solde d'une compagnie. Il s'agit du pharmacien qui travaille dans sa pharmacie.
En milieu hospitalier vous êtes capables de suivre les patients, mais dans le quotidien, ne croyez-vous pas que le pharmacien pourrait jouer un rôle complémentaire, par exemple celui de demander, lors du renouvellement d'une prescription, si le patient a subi des effets secondaires ou s'il a eu des maux de tête, et de faire un rapport quotidien? On renouvelle tous nos ordonnances quelque part. Le pharmacien devient un peu comme notre coiffeur; nous sommes dans son commerce tout le temps.
À (1045)
[Traduction]
Dr Sunil Patel: Merci beaucoup. Je pense que vous venez de bien nous expliquer pour quelles raisons il ne faut pas prescrire des médicaments par Internet.
J’ai la chance de pratiquer dans une petite ville, où je connais les deux pharmaciens. Il y a deux pharmacies. Les relations sont bonnes et nous nous communiquons l’information.
L’Association médicale canadienne et ses médecins, ainsi que l’Association pharmaceutique canadienne et les pharmaciens du Canada, ont fait une déclaration conjointe sur leurs domaines de compétence. Nous ne faisons pas concurrence, nous nous complétons. Nous nous communiquons l’information. On reconnaît l’existence d’un modèle biomédical, le médecin possédant toute l’information sur le malade et connaissant les interactions des médicaments chez chacun. C’est ce que nous appelons un modèle in vivo, parce que les médicaments ont été étudiés in vitro, c’est-à-dire en laboratoire.
Le pharmacien regarde aussi les médicaments qui sont prescrits. Lorsqu’on a une bonne relation avec le pharmacien, on peut travailler ensemble, aussi bien sur le terrain que dans le milieu hospitalier.
Dre Jean Gray: Si je puis me permettre, je vous dirai—sans rire, il me faut le préciser—que s’il y a quelqu’un dans cette salle qui collabore étroitement avec l’Association pharmaceutique canadienne, c’est bien moi. J’ai déjà publié plusieurs ouvrages, qu’elle a édités, et je considère par conséquent que la relation avec les pharmaciens est bonne.
D’ailleurs, sur le plan historique, la pharmacie est devenue une spécialité distincte... Elle faisait partie de la médecine. Il s’agissait de médecins qui prescrivaient des médicaments. En 1865, en Grande-Bretagne, lorsqu’on a pour la première fois adopté une loi séparant la pharmacie de la médecine, le rôle véritable des pharmaciens était de donner de l’information aux malades.
Je pense donc que ce que nous avons essayé de faire en la matière, c’est de confier au pharmacien le rôle majeur qui est le sien, soit de fournir de l’information aux malades au sujet des médicaments. Cela n’empêche pas le médecin de le faire, mais c’est de tout évidence la mission particulière du pharmacien.
Le vice-président (M. Stan Dromisky): Notre temps étant écoulé, nous allons mettre fin aux questions, mais j’aimerais faire une déclaration en guise de conclusion.
Comme vous le savez, nous avons un certain nombre d’essais cliniques qui ont cours dans notre pays en ce moment. Nous ne savons pas exactement combien. Il y en a peut-être 200, peut-être 500, peut-être 20. Ce qui compte, cependant, c’est que ces essais cliniques ont cours.
Docteur Gray, vous avez fait un certain nombre d’observations très pertinentes au sujet des protocoles de recherche dirigés par l’industrie avec la participation de nombre de responsables... et je parle des professionnels qui prennent part à ces essais cliniques. C’est une question d’éthique, qui a en fait déjà été évoquée par les députés de l’opposition, éthique de l’industrie pharmaceutique et éthique des médecins qui prennent part aux essais cliniques au sein de l’autre groupement professionnel.
Qu'est-ce qui est donc le plus important dans votre code de déontologie—votre allégeance à la société pharmaceutique ou votre souci de veiller à la sécurité et d'améliorer la santé des malades susceptibles de prendre part aux essais cliniques tout en cherchant éventuellement par ailleurs à protéger les intérêts de la société dans les années à venir?
Vous comprenez que je vois là un conflit d'intérêts. Il semble que l'industrie pharmaceutique soit l'élément moteur, pourrait-on dire. Elle refuse la transparence, elle nous dit que tout doit rester secret parce que les entreprises se font concurrence. C'est donc la concurrence qui incite l'industrie pharmaceutique à prendre toutes ces décisions. Autrement dit, l'appât du gain prend beaucoup plus d'importance que la santé des individus.
Je n'attends pas de vous une réponse. J'aimerais simplement que vous réfléchissiez à la question. En effet, c'est pour moi au coeur des essais cliniques—le problème de la transparence et le respect de votre code de déontologie, qui doit faire passer en priorité le malade et non pas les sociétés pharmaceutiques.
Dr Sunil Patel: En effet. Ce code de déontologie a été élaboré par l'Association médicale canadienne et voilà longtemps qu'il est en bonne place. Il fait passer les malades en priorité et c'est bien en fait la santé des patients qui passe avant tout. Je pense que vous venez de définir là le domaine dans lequel il convient d'apporter encore des améliorations.
Je suis bien d'accord avec vous pour dire qu'il nous faut faire passer en premier les intérêts du malade, avant ceux de l'industrie pharmaceutique et des médecins.
À (1050)
M. Stan Dromisky: Je vous remercie d'avoir fait ce commentaire. J'espère que dans les années à venir nous réussirons à apporter une solution efficace à ce problème, car il y a un problème à l'heure actuelle.
Docteur Gray.
Jean Gray: C'est pourquoi nous sommes favorables aux principes des groupes d'essais cliniques, parce qu'ils sont indépendants et non soumis à l'influence des sociétés pharmaceutiques. Ils regroupent toutes les parties prenantes.
Le vice-président (M. Stan Dromisky): Effectivement.
Je vous remercie de ces exposés très complets et mûrement réfléchis. Nous avons bien apprécié l'information que vous venez de nous donner. Je vous remercie.
La séance est levée.