HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la santé
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 2 octobre 2003
¿ | 0905 |
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)) |
Mme Noralou Roos (directrice et chercheuse principale, Manitoba Centre for Health Policy) |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
La présidente |
Mme Anita Kozyrskyj (professeur adjoint, Université du Manitoba, Manitoba Centre for Health Policy) |
La présidente |
¿ | 0920 |
Dr Alan Katz (professeur agrégé et directeur associé du département, Département de médecine familiale et Manitoba Centre for Health Policy, Université du Manitoba) |
¿ | 0925 |
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD) |
Dr Alan Katz |
¿ | 0930 |
La présidente |
Dr John Wade (ancien président, Comité directeur national sur la sécurité des patients) |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
La présidente |
Mme Deb Kostyk (conseillère en éducation des aînés et de la prévention des dépendances, Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances) |
¿ | 0945 |
¿ | 0950 |
La présidente |
Mme Deb Kostyk |
La présidente |
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne) |
¿ | 0955 |
Dr Alan Katz |
M. Rob Merrifield |
Dr Alan Katz |
Dr John Wade |
M. Rob Merrifield |
Mme Deb Kostyk |
M. Rob Merrifield |
Mme Deb Kostyk |
M. Rob Merrifield |
Dr Alan Katz |
M. Rob Merrifield |
Dr Alan Katz |
À | 1000 |
M. Rob Merrifield |
Mme Noralou Roos |
M. Rob Merrifield |
Dr Alan Katz |
M. Rob Merrifield |
Mme Noralou Roos |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
M. Greg Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, PC) |
Dr Alan Katz |
À | 1005 |
M. Greg Thompson |
Dr Alan Katz |
M. Greg Thompson |
Mme Noralou Roos |
M. Greg Thompson |
Mme Noralou Roos |
M. Greg Thompson |
Mme Noralou Roos |
M. Greg Thompson |
Mme Anita Kozyrskyj |
M. Greg Thompson |
Dr John Wade |
À | 1010 |
M. Greg Thompson |
La présidente |
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.) |
Dr John Wade |
M. Stan Dromisky |
À | 1015 |
Dr Alan Katz |
M. Stan Dromisky |
Mme Anita Kozyrskyj |
Mme Deb Kostyk |
M. Stan Dromisky |
Mme Deb Kostyk |
M. Stan Dromisky |
Dr Alan Katz |
À | 1020 |
M. Stan Dromisky |
Mme Noralou Roos |
M. Stan Dromisky |
Dr John Wade |
La présidente |
M. Svend Robinson |
Dr Alan Katz |
M. Svend Robinson |
À | 1025 |
Mme Noralou Roos |
M. Svend Robinson |
Mme Noralou Roos |
M. Svend Robinson |
Mme Noralou Roos |
M. Svend Robinson |
Dr John Wade |
Mme Noralou Roos |
Dr John Wade |
M. Svend Robinson |
Dr John Wade |
M. Svend Robinson |
Dr John Wade |
M. Svend Robinson |
Dr John Wade |
M. Svend Robinson |
À | 1030 |
Dr John Wade |
M. Svend Robinson |
Dr John Wade |
Dr Alan Katz |
M. Svend Robinson |
La présidente |
Mme Michele Fontaine (vice-présidente, Coalition for Manitoba Pharmacy) |
M. Greg Skura (secrétaire, Coalition for Manitoba Pharmacy) |
À | 1055 |
M. Lothar Dueck (président, Coalition for Manitoba Pharmacy) |
La présidente |
M. Ronald Guse (registraire, Association pharmaceutique du Manitoba) |
Á | 1100 |
Á | 1105 |
Á | 1110 |
La présidente |
Mme Marian Kremers (présidente, Société manitobaine des pharmaciens) |
Á | 1115 |
Á | 1120 |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
Mme Michele Fontaine |
Á | 1125 |
M. Rob Merrifield |
Mme Michele Fontaine |
M. Rob Merrifield |
Mme Michele Fontaine |
M. Rob Merrifield |
M. Greg Skura |
M. Rob Merrifield |
M. Lothar Dueck |
Mme Michele Fontaine |
M. Rob Merrifield |
M. Ronald Guse |
M. Greg Skura |
M. Lothar Dueck |
Á | 1130 |
M. Rob Merrifield |
M. Lothar Dueck |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
Mme Michele Fontaine |
La présidente |
M. Ronald Guse |
M. Rob Merrifield |
Mme Michele Fontaine |
M. Rob Merrifield |
M. Ronald Guse |
Á | 1135 |
M. Rob Merrifield |
M. Ronald Guse |
M. Rob Merrifield |
M. Ronald Guse |
La présidente |
M. Greg Thompson |
M. Ronald Guse |
M. Greg Thompson |
M. Ronald Guse |
M. Greg Thompson |
M. Ronald Guse |
M. Greg Thompson |
M. Ronald Guse |
M. Greg Thompson |
Á | 1140 |
Mme Marian Kremers |
M. Greg Thompson |
Mme Marian Kremers |
M. Greg Thompson |
Mme Marian Kremers |
M. Greg Thompson |
La présidente |
M. Stan Dromisky |
Mme Marian Kremers |
M. Stan Dromisky |
Á | 1145 |
Mme Marian Kremers |
M. Stan Dromisky |
Mme Marian Kremers |
M. Stan Dromisky |
Mme Marian Kremers |
M. Stan Dromisky |
Mme Marian Kremers |
M. Stan Dromisky |
Mme Marian Kremers |
M. Stan Dromisky |
Mme Marian Kremers |
M. Stan Dromisky |
Mme Marian Kremers |
M. Stan Dromisky |
Á | 1150 |
Mme Marian Kremers |
M. Ronald Guse |
La présidente |
M. Svend Robinson |
Mme Marian Kremers |
M. Svend Robinson |
Mme Marian Kremers |
Mme Michele Fontaine |
Á | 1155 |
M. Ronald Guse |
M. Svend Robinson |
M. Lothar Dueck |
M. Svend Robinson |
M. Lothar Dueck |
M. Svend Robinson |
M. Scott Ransome (directeur exécutif, Manitoba Society of Pharmacists) |
M. Svend Robinson |
M. Scott Ransome |
M. Svend Robinson |
M. Ronald Guse |
M. Svend Robinson |
M. Ronald Guse |
 | 1200 |
M. Svend Robinson |
M. Ronald Guse |
Mme Michele Fontaine |
M. Svend Robinson |
M. Greg Skura |
M. Svend Robinson |
Mme Marian Kremers |
M. Svend Robinson |
M. Ronald Guse |
M. Svend Robinson |
M. Ronald Guse |
 | 1205 |
M. Greg Skura |
M. Svend Robinson |
M. Greg Skura |
M. Svend Robinson |
M. Greg Skura |
M. Svend Robinson |
M. Greg Skura |
M. Svend Robinson |
M. Greg Skura |
Mme Marian Kremers |
La présidente |
Mme Marian Kremers |
M. Ronald Guse |
M. Greg Thompson |
La présidente |
CANADA
Comité permanent de la santé |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 2 octobre 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis heureuse de vous accueillir dans la partie de nos consultations itinérantes sur les médicaments livrés par ordonnance que nous consacrons à Winnipeg. Nous avons hâte de connaître votre avis sur notre thème de réflexion.
Nous accueillons ce matin des représentants du Manitoba Centre for Health Policy, du Department of Family Medicine, du National Steering Committee on Patient Safety et de la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances.
Nous allons commencer avec le Manitoba Centre for Health Policy représenté par sa directrice, la Dre Noralou Roos, et par une professeure adjointe, la Dre Anita Kozyrskyj.
Madame Roos, voulez-vous commencer?
Mme Noralou Roos (directrice et chercheuse principale, Manitoba Centre for Health Policy): Merci beaucoup.
Je tiens à vous féliciter pour vos travaux sur une question qui, à mon sens, revêtira une importance absolument capitale pour les services canadiens d'assurance santé au cours des dix prochaines années.
Pour entrer directement dans le vif du sujet, j'aimerais vous inviter à porter votre attention sur quatre thèmes au cours de vos délibérations. La premier, qui à mon avis est d'une extrême importance, concerne la nécessité de créer une capacité d'analyse et de financement de la recherche sur la rentabilité des médicaments et—c'est là un point essentiel—cet organisme doit être indépendant de l'industrie qui fabrique aussi bien des médicaments génériques que des médicaments brevetés.
Deuxièmement, il me semble essentiel que vous mettiez en place des mécanismes interdisant la publicité directe auprès des consommateurs. La législation est en place, mais son application pose problème.
Troisièmement, il est très important de soutenir l'effort naissant de collaboration entre les provinces en matière d'inscription sur la liste des médicaments remboursés et d'achat des médicaments.
Quatrièmement, je vous invite instamment à faire preuve de beaucoup de circonspection devant l'opinion de ceux qui nous invitent à ne pas nous inquiéter de l'augmentation du coût des médicaments, puisqu'il s'agit d'une autre forme de développement industriel, de dépenses économiques qu'on peut considérer comme un facteur de croissance économique. Voilà un argument qu'on entend de plus en plus souvent et qu'il convient d'analyser de façon très critique.
D'abord, l'indépendance de la recherche est essentielle et elle n'existe pas actuellement. À défaut de travaux de recherche sur l'efficacité des médicaments, sur leur utilisation dans l'intérêt public et sur le respect des modes d'utilisation recommandés, il est impossible de poser les bonnes questions. Plusieurs études montrent que la documentation produite sur l'efficacité des médicaments est souvent très optimiste. En quelque sorte, la recherche repose sur des préjugés fondamentaux.
Ma collègue Anita Kozyrskyj, qui est pharmacienne et qui est affectée conjointement aux facultés de médecine et de pharmacie, va vous parler de la recherche que nous avons faite au Centre sur les raisons pour lesquelles il est essentiel de parvenir à cette perspective d'intérêt public dans la recherche sur l'efficacité des médicaments.
On s'entend généralement sur l'importance de cette recherche, mais on ne sait pas comment la financer. Je signale que dans le cadre de la législation sur les brevets, les compagnies pharmaceutiques sont tenues de consacrer 10 p. 100 de leur chiffre d'affaires à des travaux de R-D au Canada. Elles ont atteint cet objectif.
Si une partie de l'argent est consacrée à la recherche fondamentale, le dernier rapport du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés signale qu'environ 16 p. 100 seulement de ces fonds sont consacrés à la recherche fondamentale. La plus grande partie du reste est consacrée aux essais cliniques et à la commercialisation.
Si un quart de ces 10 p. 100 du chiffre d'affaires était consacré à la recherche indépendante, notre capacité à évaluer la rentabilité des médicaments s'en trouverait transformée.
Quel est donc le problème de la configuration actuelle de la recherche?
La gravité du problème apparaissait de façon évidente dans les déclarations faites il y a quelques années par les rédacteurs des principales publications médicales lorsqu'ils ont fait des recommandations fondées sur leur expérience des problèmes que leur posent les manuscrits qu'ils reçoivent : ils demandaient la divulgation intégrale du rôle de la commandite dans la recherche, ils demandaient l'assurance de l'indépendance des analystes par rapport aux commanditaires et ils voulaient que les analystes soient totalement responsables de la conception et de la réalisation des essais; ils voulaient accéder aux données en toute indépendance et surtout, ils exigeaient le contrôle de toutes les décisions de rédaction et de publication.
¿ (0910)
Il est donc inquiétant de constater qu'ils aient dû formuler ces exigences, mais ce qui l'est encore plus, c'est que d'après une étude réalisée aux États-Unis, la grande majorité de la recherche contractuelle effectuée aux États-Unis n'était pas conforme à ces exigences.
Une étude semblable est envisagée par les instituts de recherche en santé du Canada. Elle devrait commencer, je crois, cet hiver ou au printemps prochain, et il ne faut pas s'attendre à ce que la situation au Canada soit meilleure qu'aux États-Unis. C'est une situation très grave.
J'ai parlé de l'importance de la collaboration entre les provinces. Si vous ne l'avez pas déjà fait, je vous invite à voir ce qui se fait en Nouvelle-Zélande et en Australie en matière d'achats collectifs et de révision conjointe de la liste des médicaments remboursés.
En ce qui concerne l'interdiction de la publicité directe auprès des consommateurs, on constate que cette publicité fait augmenter le nombre des consultations et le coût des médicaments; les résultats sont très intéressants. Les médecins ont davantage tendance à prescrire les médicaments demandés par les patients.
Cependant, lorsqu'on demande aux médecins s'ils considèrent que c'est une bonne idée de prescrire le médicament, plus d'une fois sur deux, ils répondent que s'ils avaient pris la décision en toute indépendance sans demande de la part du patient, ils n'auraient pas prescrit ce médicament. Encore une fois, on a donc une situation très problématique.
Enfin, en ce qui concerne le coût des médicaments considéré comme moteur de la croissance économique, les économistes de la santé qui ont travaillé dans ce domaine craignent qu'à moins d'un engagement formel à assurer l'indépendance de l'évaluation de la recherche sur les médicaments, l'expansion de l'industrie pharmaceutique au Canada va entraîner une augmentation marquée du coût des médicaments.
L'inquiétant dans cette initiative, c'est que l'industrie demande une compensation. Le document du forum d'affaires publiques, qui fut l'un des premiers... La réunion s'est tenue à Montréal non pas l'été dernier mais l'été d'avant. Le document déclarait que l'industrie pharmaceutique canadienne était prête à s'engager à faire d'importants investissements dans certaines conditions.
Les conditions envisagées créaient des difficultés pour certaines politiques efficaces, comme l'établissement du coût en fonction du produit de référence, qui s'applique actuellement en Colombie-Britannique, les achats collectifs ou l'utilisation étendue de médicaments génériques, qui existe en Colombie-Britannique et en Saskatchewan.
En résumé, je vous invite instamment à considérer très attentivement le thème de l'indépendance de la recherche. Les travaux menés dans notre centre, dont Anita va vous parler tout à l'heure, confirment l'importance de cette politique.
Merci.
¿ (0915)
La présidente: Madame Kozyrskyj, nous vous écoutons.
Mme Anita Kozyrskyj (professeur adjoint, Université du Manitoba, Manitoba Centre for Health Policy): Nous vous avons présenté un exemple de la recherche effectuée au Manitoba Centre for Health Policy dans le domaine de la bonne utilisation des médicaments, de leur efficacité et de leur rentabilité. L'exemple fourni concerne les anti-hypertenseurs. Nous avons publié l'année dernière un rapport où l'on comparaît deux types de médicaments, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion et les A2RA, qui sont considérés comme des équivalents thérapeutiques. Au moment où nous avons évalué leur utilisation, on recommandait de n'utiliser les A2RA qu'après l'essai d'un inhibiteur de l'enzyme de conversion. Les A2RA forment une nouvelle catégorie de médicaments et ils coûtent plus cher. Nous avons constaté que 60 p. 100 des personnes à qui on administrait ce nouveau médicament n'avaient pas reçu d'inhibiteur de l'enzyme de conversion. Ce test était fondé sur la documentation ainsi que sur les lignes directrices pour la pratique clinique. Il a été réalisé en 1999.
Depuis la publication du rapport, ces lignes directrices ont été modifiées. L'année dernière, les médicaments de la nouvelle catégorie étaient présentés comme des produits de remplacement de première ligne des médicaments de l'ancienne catégorie. Le fait est intéressant, car quand on lit les lignes directrices pour la pratique clinique, on y trouve la documentation qui a servi à leur production et on constate que les preuves sont fondées sur des essais cliniques, mais qu'elles ne sont pas fondées sur des considérations de santé publique ou de rentabilité. Ces lignes directrices pour la pratique clinique sont donc fondées sur des preuves, mais non pas sur des preuves de rentabilité. Notre recherche montre qu'il est important de prendre en considération la pertinence de l'utilisation et son efficacité. On complète ainsi les preuves d'efficacité et les preuves résultant des essais cliniques. Nous allons publier prochainement un rapport qui montre les économies qu'on réaliserait si les médecins prescripteurs se conformaient à la pratique consistant à prescrire l'ancien médicament avant le nouveau.
Je voulais attirer votre attention sur le fait que la création de ces lignes directrices est soumise à plusieurs influences, et que les considérations de rentabilité et de santé publique n'en font pas nécessairement partie.
La présidente: Merci, madame Kozyrskyj.
Nous passons maintenant au service de médecine familiale du Manitoba Centre for Health Policy, à l'Université du Manitoba, représenté par le Dr Alan Katz.
¿ (0920)
Dr Alan Katz (professeur agrégé et directeur associé du département, Département de médecine familiale et Manitoba Centre for Health Policy, Université du Manitoba): Merci.
Je voudrais parler de trois principales questions. La première porte sur l'approbation de nouveaux médicaments et le mécanisme d'approbation. La deuxième a trait au financement des essais cliniques. La troisième concerne la responsabilité de ceux qui prescrivent des médicaments.
À mon avis, il existe de graves problèmes à l'intérieur du système qu'utilise aujourd'hui Santé Canada pour approuver les nouveaux produits pharmaceutiques parce que deux considérations très importantes et contradictoires entrent en ligne de compte. D'abord, il faut protéger la sécurité de ceux qui utiliseront les médicaments et, d'autre part, il y a les pressions qu'exercent les groupes d'intérêts comme ceux qui prennent la défense des personnes atteintes du VIH ou du sida, qui ont milité avec succès, par exemple, pour obtenir une approbation rapide de divers médicaments, et aussi les pressions qu'exercent l'industrie en se plaignant régulièrement des millions de produits qui disparaissent tous les jours parce qu'on tarde à approuver certains nouveaux médicaments.
Selon moi, la solution serait de créer des catégories au sein du processus d'homologation. On devrait reconnaître que ce n'est qu'une très petite partie des médicaments que l'on veut faire homologuer qui permettent d'améliorer considérablement la qualité de vie ou le taux de survie. Seulement une très petite partie des médicaments approuvés peuvent faire une différence considérable. Dans le cas de ces produits, il faudrait un processus d'homologation beaucoup plus rapide, mais il faudrait dans le cadre de ce processus un mécanisme de surveillance obligatoire. On pourrait à ce moment-là approuver de tels nouveaux produits beaucoup plus rapidement et adopter un processus d'homologation moins rigoureux à leur endroit, tout en stipulant la surveillance obligatoire de toute utilisation du produit.
Je mentionne la nécessité de surveillance parce qu'il faut tenir compte de l'aspect de sécurité, mais je pense qu'il y aurait un avantage supplémentaire à un tel mécanisme parce que le système actuel n'encourage pas les médecins à participer à la surveillance pour garantir la sécurité des médicaments. Le système actuel de rapport sur les effets nocifs des produits est vraiment sous-utilisé. Je crois qu'il s'agit d'un système volontaire, mais il est peut-être obligatoire. Cependant, je suis moi-même médecin et je peux vous dire qu'aucun de mes collègues ne remplit les formulaires et ne considère avoir l'obligation de consacrer une partie de son temps précieux lorsqu'il voit un grand nombre de malades tous les jours pour remplir un formulaire notant qu'un patient a mal réagi à un médicament. Cela doit changer. Une façon d'y parvenir serait de mettre sur pied un système où l'on aurait un petit nombre de médicaments importants pour lesquels les médecins sauraient qu'ils doivent surveiller les conséquences du produit. Cela ne voudrait pas dire seulement les conséquences nocives, mais les effets bénéfiques aussi. Cela ferait partie du processus.
Je préconise donc un système à deux vitesses tenant compte de tous les effets que peut avoir un médicament. La grande majorité des médicaments seraient soumis à une procédure très rigoureuse, mais dans le cas de quelques-uns, l'homologation serait plus expéditive.
La deuxième chose dont je voudrais parler est le financement, surtout des essais cliniques, mais aussi des autres types de recherche. Un éthicien du Manitoba a récemment publié un article dans la revue britannique Journal of Medical Ethics qui signalait que l'industrie ne devrait financer aucun essai clinique à cause de divers arguments d'ordre moral et de cas où cela avait causé des problèmes. Je ne pense pas que ce soit réaliste ou que vous pensiez vous-mêmes que ce soit réaliste, mais il me semble que l'on pourrait envisager une solution intermédiaire. Je voudrais vous signaler certaines des choses que nous avons faites au département de médecine familiale dans le cadre de notre unité de recherche en soins de santé primaire de concert avec l'industrie. Selon moi, les partenariats entre l'industrie et les chercheurs universitaires sont possibles.
Je voudrais tout particulièrement vous parler des résultats de l'une de ces études appelée l'étude d'intervention pour l'utilisation appropriée des médicaments anti-inflammatoires. Cette étude a donné des résultats intéressants.
¿ (0925)
Cette étude a été menée dans le cadre d'un partenariat entre l'industrie, les chercheurs universitaires et le gouvernement provincial et pourrait vraiment servir de modèle de collaboration et de partenariat. D'après moi, cela fonctionnerait beaucoup mieux que le système actuel, selon lequel la grande majorité de la recherche est financée par l'industrie sans participation du monde universitaire ou des gouvernements. À mon avis, cette façon de faire ne donne pas de très bons résultats.
Je dois cependant vous dire que notre expérience de ces partenariats n'a pas toujours été couronnée de succès. Certains secteurs de l'industrie ont tendance à vouloir dominer le processus. Nous avons donc appris qu'il est plus facile de travailler avec certains partenaires qu'avec d'autres. Nous avons cependant réussi à trouver, en tout cas pour le projet sur l'utilisation des produits anti-inflammatoires, des partenaires qui comprenaient notre point de vue et cela a très bien fonctionné. C'est donc possible.
La troisième chose dont je voulais parler est la responsabilité de ceux qui prescrivent des médicaments et la surveillance des pratiques d'ordonnance. Ceux qui rédigent des ordonnances n'ont aucun compte à rendre. Il peut y avoir des erreurs. Malheureusement, les pharmaciens travaillent dans un milieu où, plus ils remplissent d'ordonnances, plus ils font d'argent, et c'est la même chose pour la majorité des médecins, qui travaillent dans un milieu où, plus ils voient de patients, plus ils gagnent d'argent. Les erreurs sont donc possibles. Il n'y a rien aujourd'hui qui incite le médecin ou le pharmacien à relever ces erreurs et à surveiller les ordonnances pour tenir compte de l'interaction de certains produits.
Au Manitoba, nous avons un système électronique qui avertit immédiatement le pharmacien s'il y a possibilité d'interaction entre deux médicaments prescrits pour le même patient dans le cadre du processus de dispensation. Depuis que ce système a été instauré, il y a une dizaine d'années, je pense, je n'ai pas reçu un seul coup de fil d'un pharmacien pour m'avertir d'une interaction possible. Je sais pourtant avoir prescrit des produits pharmaceutiques qui auraient pu avoir une interaction avec d'autres, mais le système permet d'annuler immédiatement l'avertissement. Une simple touche et l'avertissement disparaît. Le pharmacien suppose que je suis au courant du problème, mais je peux vous dire qu'il s'agit d'une fausse hypothèse. La plupart des médecins n'utilisent pas aussi bien qu'ils le pourraient la technologie de l'information et ne sont pas au courant de ces interactions. Il n'y a donc pas vraiment de comptes à rendre dans le système.
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): L'avertissement est-il donné au pharmacien ou au médecin?
Dr Alan Katz: C'est envoyé au pharmacien. Le pharmacien inscrit un médicament dans le système provincial actuel, le système vérifie automatiquement quels autres médicaments ce patient prend déjà. Ce système est obligatoire pour toutes les pharmacies du Manitoba. Ce n'est toutefois pas la même chose pour les bureaux des omnipraticiens. Seulement environ 10 p. 100 des omnipraticiens ont des dossiers de santé électroniques et un système qui permet de tels rapprochements.
Il nous faut donc appuyer la technologie de l'information permettant de doter les systèmes de cette possibilité au point de prescription, au bureau du médecin. Mais il faut aller encore plus loin. J'ai déjà parlé de surveillance pour les médicaments à risque élevé. Nous devons créer une culture qui responsabilisera les médecins non seulement personnellement et à l'égard de leurs patients mais aussi à l'égard du système.
Il y a déjà eu des initiatives de ce genre au Royaume-Uni, où, dans le cadre de la réforme des soins primaires des 10 dernières années, on a reconnu la nécessité de rendre des comptes et on a investi de l'argent dans un système de reddition de comptes permettant la recherche et l'évaluation. En Australie aussi, on a injecté d'importantes ressources dans la recherche sur les soins primaires, après avoir reconnu qu'un pourcentage élevé des soins de santé sont dispensés en première ligne et que, à l'heure actuelle, les recherches dans ce domaine sont sous-financées. La reddition de comptes est certainement l'un des domaines où la recherche est nécessaire à mon avis.
À cet égard, nous avons par exemple fait une étude sur les médicaments anti-inflammatoires où l'on recommande le développement des médicaments du groupe des coxibs. Au Manitoba, seuls les patients à risque élevé peuvent se faire rembourser le coût de ces médicaments.
J'ai aussi présenté dans mon mémoire les résultats de nos travaux dans le cadre du projet MAAUI. De tous les patients à risque élevé, la majorité, soit 53 p. 100, se font prescrire d'anciens anti-inflammatoires qui ne leur conviennent pas, ce qui signifie qu'on leur prescrit un médicament pas assez puissant, et 47 p. 100 reçoivent le médicament indiqué. Chez les patients à faible risque, qui sont beaucoup moins nombreux, environ 3 000 patients reçoivent un médicament trop puissant.
Par conséquent, on prescrit à des patients à faible risque des médicaments dont ils n'ont pas besoin, alors que la majorité des patients à risque élevé n'ont pas le médicament qu'il leur faut. Notre étude montre donc qu'on pourrait facilement améliorer cette situation.
On croit généralement que le secteur pharmaceutique est passé maître dans l'art de la mise en marché et que tous les patients se font prescrire les médicaments les plus coûteux. Il est vrai que le secteur pharmaceutique fait de la bonne publicité et qu'il faudrait peut-être mieux équilibrer le processus de mise en marché, mais il y a néanmoins des patients qui n'ont pas les médicaments qui les aideraient le plus.
Dans mon mémoire, je parle aussi des travaux du Manitoba Centre for Health Policy en matière de bétabloquants dont il a été prouvé qu'ils réduisent de 14 p. 100 la mortalité après un infarctus du myocarde. Or, seulement 59 p. 100 des Manitobains prennent des bétabloquants après un infarctus du myocarde. On pourrait donc réduire considérablement la mortalité si on augmentait les prescriptions de bétabloquants, mais le secteur pharmaceutique, honnêtement, ne fait pas la promotion des bétabloquants parce qu'ils lui rapportent peu. Ces médicaments sont sur le marché depuis 10 ou 20 ans et, ces 10 dernières années, je ne me souviens pas avoir vu quoi que ce soit provenant de l'industrie pharmaceutique et préconisant le recours aux bétabloquants après un infarctus du myocarde; il y a bien des bétabloquants sur le marché et qu'ils ne sont pas coûteux.
On pourrait donc obtenir des résultats bien meilleurs en prescrivant davantage un médicament facilement disponible sur le marché et relativement peu coûteux.
¿ (0930)
La présidente: Merci, docteur Katz.
Notre témoin suivant est le président sortant du Comité directeur national sur la sécurité des patients, le Dr John Wade.
Docteur Wade, vous avez la parole.
Dr John Wade (ancien président, Comité directeur national sur la sécurité des patients): Bonjour et merci de m'avoir invité.
Vous ne me connaissez probablement pas, mais on m'a décrit comme étant un paléoanesthésiste qui a déjà été quelqu'un et qui est encore en rétablissement après avoir occupé le poste de sous-ministre de la Santé pendant quelques années. J'aimerais vous parler de la sécurité des patients qui, à mon avis, deviendra un enjeu important au pays dans les mois et les années à venir.
J'ai commencé à m'intéresser à la sécurité des patients à la fin des années 60, quand j'étais anesthésiste et que nous nous inquiétions du taux de mortalité découlant de l'anesthésie au Canada, et qui était autour d'un sur 500. Nous avons mené des études sur les résultats, avec l'aide du Centre des politiques en matière de santé et d'autres pour documenter les problèmes. Nous avons ensuite rédigé un guide de pratiques à l'intention de la Société canadienne des anesthésiologistes. Ces lignes directrices ont été mises en place et sont actualisées chaque année. Le taux de mortalité découlant de l'anesthésie n'est plus que de un sur 250 000. Je dis « n'est plus que », mais même un sur 250 000, c'est trop.
De plus, dans les années 70, nous étions, avec les obstétriciens et les neurochirurgiens, parmi ceux qui recevaient les honoraires médicaux les plus élevés de l'ACPM, mais nous comptons maintenant parmi les moins bien rémunérés en dépit de toute l'attention que nous avons accordée aux patients et à la recherche en vue d'améliorer les résultats et la sécurité des patients.
Je pense qu'un institut sur la sécurité des patients... peut-être avez-vous lu notre rapport d'étude. Je vous en ai fait parvenir un exemplaire. Nous avons mené cette étude par suite d'une réunion du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada qui s'est tenue à Ottawa en 2001 et où on a appris que, sous prétexte que l'erreur est humaine, il y a de 80 000 à 100 000 décès dans les hôpitaux des États-Unis chaque année dont au moins la moitié pourraient être évités. Cela a alerté bien des gens au Canada. Nous n'avions aucune étude à ce sujet. Il n'y avait pas de coordination. Un groupe composé de profanes, de médecins, d'infirmières et infirmiers, de pharmaciens, des ministres de la Santé de l'Alberta et de la Nouvelle-Écosse et de représentants de Santé Canada a créé un comité directeur que j'ai présidé. Notre objectif était de présenter un plan un an plus tard et c'est ce que nous avons fait.
Nous avons aussi insisté sur la nécessité pour le gouvernement de nous laisser agir. Compte tenu de l'état actuel des relations fédérales provinciales... ou qu'on appelle ça autrement, nous nous sommes dit qu'il serait préférable d'éviter le processus politique.
C'est donc ce que nous avons fait, et nous avons formé cinq groupes de travail qui se sont penchés sur l'évaluation et l'éducation. Nous savons maintenant que la plupart des événements indésirables ne sont pas provoqués par des personnes mais plutôt par des pannes du système. De plus, en ce qui a trait aux cadres juridique et réglementaire, si nous voulons mettre en place une certaine forme de reddition de comptes, nous devrons tenir compte des lois et règlements provinciaux régissant la protection de la vie privée et des renseignements personnels et la confidentialité des communications.
Le pire exemple est celui du décès tragique d'une jeune enfant, à l'hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique, qui a reçu une injection d'un agent chimiothérapeutique contre le cancer dans la moelle épinière plutôt que par intraveineuse. Quand on a examiné ce qui s'était produit dans son cas, on a constaté qu'il y avait eu trois autres incidents de ce genre au Canada qui avaient fait l'objet d'une enquête du coroner dont les résultats n'avaient toutefois pas été transmis à l'échelle du pays. Il en est résulté un quatrième décès qu'on aurait pu prévenir.
Le cadre juridique et réglementaire est donc crucial. Nous devons aussi mettre en place un nouveau programme d'enseignement multidisciplinaire pour nos infirmières, nos pharmaciens et les autres praticiens du système de santé, et prévoir des examens systémiques, un processus d'accréditation... on pourrait ainsi prévenir des erreurs telles que les chirurgies effectuées sur le mauvais membre. Il nous faut de meilleures méthodes de mesure et d'évaluation. L'expérience américaine nous a aussi montré que le public et les médecins doivent être mieux informés. Les gens se disent que ce n'est pas une priorité, que ce sont les chirurgies de la hanche ou l'IRM qui priment, alors que les médecins disent : « C'est peut-être vrai pour certains médecins, mais pas pour moi ni pour mon hôpital ». Nous savons que ce ne devrait pas être ainsi.
Les médicaments constituent un facteur important des événements indésirables et des décès, auxquels ils contribuent probablement à hauteur de 40 p. 100, mais ils témoignent aussi d'un problème systémique, en ce sens que, lorsqu'il y a événement indésirable par suite de l'administration d'un médicament, certainement en établissement, c'est que le système même et ceux qui y travaillent présentent des lacunes. Les médicaments ne constituent qu'une partie d'un problème plus vaste et doivent être examinés comme tel.
¿ (0935)
Nous avons déposé notre rapport qui contient 19 recommandations. Nous l'avons présenté à M. Romanow et aux ministres de la Santé... et, dans le dernier budget fédéral, 50 millions de dollars ont été affectés à la sécurité des patients, soit 10 millions de dollars chaque année sur cinq ans.
Un groupe intérimaire examine la possibilité de créer un institut canadien pour la sécurité des patients, ce qui, à mon avis, devrait se faire dans les meilleurs délais. L'étude, appelée Baker-Norton, ajoute à la pression. L'ICIS et les IRSC ont financé cette étude qui porte sur les résultats et événements indésirables dans les hôpitaux canadiens. Le rapport sera rendu public plus tard cette année dans les publications d'examen par les pairs. Cela s'en vient.
Je serais étonné d'apprendre qu'il y moins de 10 000 décès par année dans les hôpitaux canadiens dont la moitié auraient pu être prévenus. Vous de la classe politique, si vous n'êtes pas prêts... le public canadien sera très inquiet d'apprendre ce qui se passe au sein de notre système de soins de santé.
Ce rapport sera publié... j'ignore quand exactement, mais probablement d'ici la fin de l'année. Il sera publié dans une revue d'examen par les pairs comme le journal de l'Association médicale canadienne. Il est donc urgent de mettre sur pied un institut canadien pour la sécurité des patients, de s'organiser, de s'y mettre, car la santé de tous les Canadiens en dépend.
Je devrais peut-être ajouter que les retombées économiques seront considérables. Les événements indésirables prolongent la durée des séjours à l'hôpital, font augmenter les honoraires et les frais juridiques; il s'agit donc de millions sinon de milliards de dollars en coûts pour le système. Cela ne devrait pas être notre principale motivation, mais les considérations économiques sont importantes.
Je vous encourage donc à examiner notre document et à faire tout ce que vous pourrez pour faciliter la création d'un institut canadien permanent pour la sécurité des patients qui coordonnerait, faciliterait et encouragerait la sécurité des patients au pays.
Merci.
¿ (0940)
La présidente: Merci, docteur Wade.
Notre témoin suivant, de la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances, est Deb Kostyk, conseillère en éducation des aînés et en prévention des dépendances.
Madame Kostyk, vous avez la parole.
Mme Deb Kostyk (conseillère en éducation des aînés et de la prévention des dépendances, Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances): Merci beaucoup pour cette occasion de vous parler aujourd'hui.
Je parlerai surtout des personnes âgées, puisque je me spécialise en gérontologie et en toxicomanie. C'est ce que je fais depuis 20 ans et je partagerai avec vous, maintenant et à la fin de mon exposé, des idées qui, je l'espère, vous seront utiles.
Avant de vous parler des personnes âgées aujourd'hui, je crois qu'il est important de vous dire, si vous ne le savez pas déjà, qu'au Canada, les personnes âgées de 65 ans et plus représentent environ 12 p. 100 de la population. Le Manitoba arrive au deuxième rang pour la proportion des personnes âgées au Canada, à 13,6 p. 100. Depuis longtemps, on entend parler du baby-boom, de la génération X ou de la génération de l'après-baby-boom, avec ce qui s'ensuit. Au cours des 40 prochaines années, on verra certainement une augmentation en flèche de la proportion des personnes âgées au Canada. Voilà à quoi on peut s'attendre, pour ce qui est de la population de personnes âgées.
N'oublions pas non plus que les personnes âgées sont des consommateurs de médicaments d'ordonnance. Les personnes de plus de 65 ans consacrent quatre fois plus d'argent aux médicaments sur ordonnance que les groupes d'âge plus jeunes. En outre, au Manitoba, entre 1996 et l'an 2000, chez les personnes âgées, il y a eu une augmentation de la proportion des médicaments d'ordonnance. Plus le temps passe, plus ils prennent de médicaments.
Nous avons constaté que les personnes âgées de 65 ans et plus prenaient en moyenne 5 médicaments d'ordonnance. Ils sont donc certainement de grands consommateurs de médicaments.
Par ailleurs, quand on parle de dépendance, je préfère recourir au terme « mésusage de substances ». Ainsi, on n'a plus à se demander si ce mésusage est délibéré ou non. C'est un mésusage, quelle que soit la substance.
La définition dont je m'inspire provient d'un réseau qui croît lentement au Manitoba, appelé Partners Seeking Solutions with Seniors. Notre groupe se penche sur le mésusage de substances au Manitoba, chez les personnes âgées. Nous avons trouvé une définition qui englobait la surconsommation mais aussi la sous-consommation ou le mésusage de médicaments et d'alcool qui créent pour le patient des problèmes personnels, sociaux ou médicaux. À mon avis, il s'agit aussi de problèmes systémiques, qui touchent non seulement le consommateur de drogues ou médicaments, mais l'ensemble du système.
Chez les personnes âgées qui consomment des médicaments, comme on vous l'a déjà dit, n'importe quel médicament peut faire l'objet d'une mauvaise utilisation. Ainsi, une ordonnance peut être obtenue sans les indications qui s'y rapportent, le médicament peut être inadapté, la posologie peut être trop faible ou trop forte ou de trop longue durée. Il s'agit d'une consommation contre-indiquée de médicaments, non seulement chez les personnes âgées mais pour l'ensemble de la société. C'est un problème systémique.
J'en tiens pour preuve que l'on a constaté que 12 à 46 p. 100 des médicaments d'ordonnance étaient soit inutiles, soit inappropriés. On le voit surtout chez les personnes âgées. N'importe quel médicament peut être mal employé.
¿ (0945)
Du point de vue de l'accoutumance, ce qui nous intéresse aussi... dans ce contexte, je pense surtout aux médicaments psychoactifs, particulièrement les benzodiazépines et les opiacés. C'est ce qui m'intéresse surtout dans la consommation des personnes âgées. Et c'est très troublant, quand on sait le nombre de personnes âgées qui consomment ce genre de médicaments. Je peux vous dire qu'il y a quelques années, ça ne me rajeunit pas, nous avons mené une étude à l'hôpital de Winnipeg, à l'urgence, sur d'éventuelles pharmacodépendances envers les opiacés et les benzodiazépines. Nous avons conclu que 17 p. 100 des personnes âgées de 65 ans ou plus pouvaient avoir une pharmacodépendance aux benzodiazépines ou aux opiacés. Considérant l'ensemble de la population d'adultes âgés, c'est un nombre inquiétant de personnes qui prenaient des médicaments depuis trop longtemps, de manière inappropriée, sans besoin thérapeutique.
Nous avons aussi observé que plus le patient est âgé, plus il est susceptible de se faire prescrire des benzodiazépines. J'entends des personnes âgées parler des benzodiazépines comme de somnifères ou de calmants, mais plus vous vieillissez, plus vous êtes susceptible de vous faire prescrire ces médicaments. Mais n'oublions pas que la sensibilité croît avec l'âge, parce que l'organisme change de bien des façons, notamment par une augmentation de la masse adipeuse, une réduction de la masse musculaire et de l'hydratation, etc., si bien que l'organisme devient plus sensible à ce genre particulier de médicaments, comme à tout autre, d'ailleurs.
Au sujet des benzodiazépines et des opiacés, le résultat que je vois, quand ils ne sont pas consommés à bon escient, c'est un manque d'équilibre, de la fatigue, des déficiences cognitives accrues, des problèmes de concentration qui peuvent, de bien des façons, créer des problèmes chez des personnes âgées, dont les capacités physiques mais aussi mentales peuvent être amoindries.
Ce qui complique encore les choses, au sujet de la consommation de médicaments d'ordonnance chez tout le monde, mais aussi chez les personnes âgées, c'est l'interaction des substances. Voici un fait troublant : l'alcool a un effet négatif sur plus de 150 médicaments. En outre, ce qui m'a époustoufflé, c'est que 20 p. 100 des personnes âgées de 65 ans et plus qui consomment plus d'un médicament consomme aussi quotidiennement de l'alcool. Pour ce groupe encore, l'effet thérapeutique est compromis et il y a un risque élevé d'effets indésirables.
N'oublions pas non plus les médicaments en vente libre, dont certains contiennent aussi des opiacés, de la codéine ou de l'alcool. Pour une personne âgée qui consomme des benzodiazépines ou des opiacés, l'effet sédatif est accru, sans qu'elle le sache. Les remèdes à base d'herbes médicinales, que les personnes âgées consomment beaucoup, peuvent aussi avoir un effet marqué sur les médicaments d'ordonnance.
Tout cela rend plus complexe la question de la consommation des médicaments d'ordonnance, compte tenu des interactions qui augmentent l'incidence des effets indésirables des médicaments, soit la pire conséquence possible de la consommation de médicaments d'ordonnance chez les personnes âgées.
Il y a un autre facteur inquiétant au sujet de la consommation de médicaments d'ordonnance, particulièrement de benzodiazépines, chez les personnes âgées : les chutes sont la sixième cause de décès chez les personnes âgées. Or, dans les études menées sur le sujet, on cite les benzodiazépines comme l'un des principaux facteurs de chutes.
¿ (0950)
Ce problème des benzodiazépines et des opiacés vient de la relation entre le patient et le médecin. Les adultes âgés veulent des remèdes rapides aux symptômes dont ils souffrent, qui sont d'une façon générale l'insomnie, l'anxiété et la douleur chronique. Nous voulons tous soulager nos symptômes, et les médecins se sentent obligés de prescrire ces médicaments.
Si on regarde le système lui-même, certains des facteurs qui provoquent la mauvaise utilisation de médicaments chez les adultes âgés viennent—et je suis d'accord avec les autres témoins—de la fragmentation du régime des soins de santé, surtout du manque de communication entre les médecins de famille, les pharmaciens et les autres fournisseurs de services aux adultes âgés. Il y a également le fait que les adultes âgés ne savent pas toujours ce qu'ils doivent dire ou non, ce qu'ils doivent signaler à leurs fournisseurs de soins de santé ou à quel moment le faire.
J'ai également travaillé dans des programmes de santé à l'intention des aînés. Nous avions reçu un financement national de trois ans, il y a quelques années, et nous avons constaté qu'il était possible de trouver des adultes âgés qui consommaient des benzodiazépines—et on en trouve fréquemment qui consomment des benzodiazépines depuis 10 à 30 ans, régulièrement—, des personnes souhaitant se sevrer de ce genre de médicaments. Dans ces cas, nous téléphonions à leur médecin qui, avec l'appui nécessaire, était prêt à collaborer et à prendre toutes les mesures nécessaires dans l'intérêt du patient. Également, il peut être avantageux de diverses façons pour la santé du patient qu'il soit bien sevré de ces médicaments.
Nous avons constaté que ce qui fait la différence, c'est souvent le soutien. Si vous pouvez offrir un soutien aux médecins et aux pharmaciens, offrir un appui intersectoriel qui recoupe les systèmes et qui fait le lien sous forme de gestion de cas, il y a là des avantages certains, non seulement pour la santé de l'adulte âgé, mais aussi pour tout le système.
La formation est l'un des autres facteurs dont il faut tenir compte dans le mauvais usage de médicaments : la formation en soins gériatriques, la formation relative aux dépendances, la formation sur les interventions auprès des personnes en deuil, ce qu'il faut dire et ce qu'il faut faire. Il y a également une absence d'initiatives de prévention. Quel message tout cela donne-t-il? Nous avons également parlé de marketing, non seulement auprès des médecins et des pharmaciens, mais aussi auprès de la population.
La présidente: Vous avez largement dépassé votre temps. Pourriez-vous conclure, s'il vous plaît?
Mme Deb Kostyk: Parmi les solutions qui existent au Manitoba, on compte une ligne d'information sur les médicaments à l'intention des adultes âgés. Il s'agit d'un numéro sans frais que les gens peuvent composer. Beaucoup de gens se prévalent de ce programme. Il y a également à l'heure actuelle un organisme de collaboration communautaire intersectoriel, Partners Seeking Solutions with Seniors. Nous avons également grand besoin de programmes adaptés à ce groupe d'âge pour lutter contre le mésusage de médicaments. Les adultes âgés ne consultent pas les services traditionnels de lutte à la toxicomanie. Ils ne discutent pas de ces problèmes avec les médecins. Il nous faut des programmes adaptés à ce groupe d'âge qui peuvent fonctionner indépendamment de ces systèmes.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup.
Passons maintenant à la deuxième partie de notre réunion. Nous allons commencé par M. Merrifield.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): Merci d'être venus nous rencontrer et de nous communiquer votre expérience et vos recommandations. Tout cela est intéressant, mais le sujet est très vaste et nous avons très peu de temps pour poser nos questions. Tout d'abord, il faut comprendre l'ampleur du problème. J'ai apprécié les propos de Deb et de John qui, je crois, ont fait beaucoup de travail dans ce domaine.
Il ne fait aucun doute que mes recherches personnelles m'amènent à être entièrement d'accord avec tout ce que vous dites. Il existe un problème grave, et les témoins que nous avons entendus l'autre jour nous ont dit que dans nos établissements, jusqu'à la moitié des patients risquent d'obtenir des ordonnances erronées, de développer une dépendance ou de subir des effets indésirables.
Je veux adresser ma question au médecin. Croyez-vous que ce chiffre est faux ou pouvez-vous le confirmer?
¿ (0955)
Dr Alan Katz: Je n'ai connaissance d'aucune preuve dans un sens ou dans l'autre. Je sais que l'étude dont le Dr Wade a parlé répondra à la question sur le plan numérique lui-même, mais ces chiffres ne m'étonnent pas, étant donné tout ce que j'ai vu.
M. Rob Merrifield: C'est ce que je demande. Vous avez une expérience personnelle et directe et vous pouvez nous dire si cela sonne vrai ou non, et votre impression est que c'est probablement vrai.
Dr Alan Katz: L'un des problèmes que l'on rencontre avec les personnes âgées en particulier est qu'on leur prescrit des médicaments pour traiter des symptômes. Bien souvent c'est que le médicament ne va pas guérir de maladies, mais lorsqu'on vieillit on tend à souffrir de maladies multiples qui interagissent l'une avec l'autre et de ce fait les patients nous arrivent avec de multiples maux. La réaction naturelle est de vouloir aider le patient, ce qui signifie que l'on va prescrire un médicament pour les symptômes A et les symptômes B. Chaque fois c'est un médicament différent et plus on en prend, plus grand est le risque d'interaction entre eux. De fait, c'est ainsi que les gens se retrouvent à l'hôpital avec des problèmes dus aux médicaments.
Dr John Wade: Les données recueillies à l'étranger sont très claires et je doute que la situation soit différente au Canada. Ces chiffres sont probablement justes.
Je dirais également que le Canada jouit d'une merveilleuse possibilité de rectifier cela avec l'Inforoute Santé. Vous l'avez financée à hauteur de 3 milliards de dollars. On envisage avec ce programme de créer des dossiers médicaux électroniques pour les Canadiens dans un délai de cinq ans. Il en résultera deux choses : premièrement, nous aurons une base de données, qui n'existait pas jusque-là, permettant d'affiner certaines des données dont nous avons besoin, mais aussi, combinée au régime d'assurance-maladie du Manitoba, notre système DPIN et d'autres, vous pourrez avoir des prescriptions électroniques—probablement interactives et suivies—et cela représente une occasion magnifique. Nul autre pays ne pourrait faire cela car nul autre n'a une paire unique et...
M. Rob Merrifield: Il semble que chaque province fasse cavalier seul dans ce domaine. Je sais que l'Alberta a le programme Alberta Wellnet. Ils pensent avoir leurs dossiers électroniques d'ici 12 mois. Il y aura un projet pilote intéressant dans cette province pour voir quelle exploitation de cela est possible mais il ne fait aucun doute que nous avons une occasion sans pareille au Canada de...
J'espère qu'Inforoute permettra aux provinces de mettre en commun leurs données et que tout cela pourra être réalisé. Je suis d'accord avec vous.
Je suis impatient de lire votre rapport et vos 19 recommandations et de prendre connaissance de certains des travaux que vous avez réalisés, car je sais que vous êtes très en pointe dans ce domaine. Lorsque nous parlons avec le ministère, on nous dit que très peu de travail a été fait dans ce domaine. Nous vous remercions donc du vôtre et de tout ce que vous faites.
J'ai une question avant de passer à certaines des autres solutions. Vous avez beaucoup parlé du problème des benzodiazépines. Lorsqu'un patient est devenu dépendant à la benzodiazépine, quelle est la difficulté du sevrage?
Mme Deb Kostyk: Le sevrage est très possible. Le programme de santé des personnes âgées a bien réussi à sevrer les adultes âgés des benzodiazépines, avec un soutien et en promouvant des alternatives comportementales thérapeutiques, ce qui est réellement la clé. Il existe des alternatives comportementales tangibles qui représentent des options s'agissant de gérer les symptômes des patients.
M. Rob Merrifield: Combien de temps prend le sevrage?
Mme Deb Kostyk: C'est variable. Avec une intervention courte, j'ai vu quelques adultes âgés—à certains égards, c'est un peu effrayant mais ils y arrivent—qui parviennent à se sevrer en l'espace de quelques semaines ou de quelques mois. Dans d'autres cas, il faut d'un à deux ans.
M. Rob Merrifield: C'est donc un long processus.
Je m'adresse de nouveau au médecin, car je sais que mon temps de parole est limité. S'agissant de certaines des solutions, vous dites que les milieux universitaires et l'industrie ne collaborent pas comme il le faudrait à certaines des études sur les médicaments en cours et vous recommandez que cette collaboration soit mise en place.
Dr Alan Katz: La grande majorité des études qui se déroulent actuellement sont financées par l'industrie par le biais d'organisations de recherche. Certains universitaires y participeront, mais les études sont contrôlées par l'industrie.
M. Rob Merrifield: Vous parlez donc du contrôle des études, et non pas de la collaboration sur le terrain.
Dr Alan Katz: Oui, le modèle dont je parle est celui d'un comité directeur, où les données proprement dites demeurent dans le milieu universitaire et la publication n'est pas contrôlée par l'industrie—ce genre de chose.
À (1000)
M. Rob Merrifield: Oui, je suis d'accord. Je n'ai pas d'objection à cela.
Tout au début vous parliez des recommandations concernant la recherche sur la publicité directe visant le consommateur, l'établissement de listes d'organismes acheteurs de médicaments et l'utilisation de cela comme moteur de croissance, mais j'aimerais connaître votre avis sur l'approbation rapide de médicaments plus sûrs et moins coûteux. Dans quelle mesure importe-t-il d'avoir une procédure d'homologation rapide des médicaments, et je fais le lien en demandant cela avec vos propos sur le moteur économique et le facteur de croissance?
Mme Noralou Roos: Les propos d'Alan à cet égard sont pertinents. Lorsqu'on a examiné les 1 000 médicaments agréés au cours des dix dernières années, on a constaté que 85 p. 100 représentaient seulement une amélioration marginale par rapport à ce qui existait auparavant. Donc, l'argument sur la nécessité d'une homologation rapide ne s'applique qu'à la très petite minorité qui sont prometteurs.
M. Rob Merrifield: Les connaît-on par avance?
Dr Alan Katz: On le devrait, car le processus exige que les fabricants présentent leurs demandes assorties de preuves, et lorsqu'ils proposent d'autres médicaments de la même catégorie...
M. Rob Merrifield: Est-ce que cela ne se fait pas déjà dans une certaine mesure?
Mme Noralou Roos: Non.
M. Rob Merrifield: Bien, d'accord.
La présidente: Monsieur Thompson, c'est à vous.
M. Greg Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, PC): Merci, madame la présidente.
J'aimerais revenir sur ce que le Dr Katz et Mme Roos ont dit au sujet de l'homologation des médicaments et certaines de ces drogues marginales que l'on a agréées. Cela nous rappelle le témoignage du Dr J.D. Bury, qui dans l'une de ses publications sur la réduction des coûts pharmaceutiques, parle de prescriptions irresponsables. Cela colle également avec ce que vous autres disiez au sujet d'un certain nombre de ces nouveaux médicaments mis sur le marché. Il fait état de médicaments qui coûtent 100 fois plus cher que certains médicaments de base qui font exactement la même chose. Il cite comme exemple le traitement de l'hypertension.
Hier, je lui ai soumis l'idée d'un registre des essais cliniques, qui émane en fait du ministre de la Santé de la Saskatchewan. J'aimerais entendre votre avis à ce sujet. Qu'est-ce qui caractérise certains de ces médicaments marginaux, afin que nous ne nous précipitions pas tant à les mettre sur le marché? On parle du coût élevé des médicaments sur ordonnance et on pourrait éviter une partie de ces surcoûts. On introduit ces merveilleux traitements qui en fait n'apportent absolument rien de nouveau, uniquement pour s'apercevoir qu'ils coûtent beaucoup plus cher et aux pouvoirs publics et aux particuliers.
J'aimerais avoir votre avis à ce sujet, Alan, soit plus particulièrement sur l'idée d'un registre des essais cliniques, pour savoir si cela pourrait fonctionner ou non. Est-ce que ce serait utile? Madame Roos, vous pourrez peut-être donner également votre avis après Alan.
Dr Alan Katz: Je ne pense pas que la solution réside nécessairement dans un registre des essais cliniques, car les résultats de ces essais sont généralement publiés, de toute façon. Ils peuvent parfois être un peu plus difficiles à trouver, mais ils sont trouvables.
L'idée de ne pas agréer les médicaments plus coûteux est un sujet complexe. En fin de compte, le problème n'est pas que les médicaments plus coûteux existent, mais qu'ils soient prescrits inutilement à la majorité des patients. Il y a une place pour le médicament le plus coûteux contre l'hypertension, mais il n'est pas indiqué pour la majorité des patients. Peut-être de 60 à 70 p. 100 devraient-ils prendre des diurétiques qui ne coûtent que quelques sous par jour plutôt que des médicaments qui coûtent 2 $ par jour. Mais il subsiste néanmoins un besoin pour les médicaments plus coûteux chez certains patients. Je ne pense pas qu'il soit sage d'aller jusqu'à refuser d'homologuer ces médicaments plus coûteux. Il faut plutôt revoir la façon dont les médecins les prescrivent. Les essais cliniques ne régleront pas ce problème; c'est un problème de commercialisation, la résistance à l'influence des fabricants de médicaments brevetés.
À (1005)
M. Greg Thompson: En ce qui concerne les essais cliniques, ils permettent de comparer rapidement, je suppose, les résultats d'un médicament par rapport à un autre. Ne serait-ce pas utile?
Dr Alan Katz: Le problème est que personne ne fait d'essais cliniques comparant le diurétique qui coûte quelques sous par jour et les médicaments dont parlait Anita, car c'est l'industrie pharmaceutique qui finance les essais cliniques et ils n'ont nul avantage à comparer les sous et les dollars. La solution n'est donc pas un registre de ce qui se fait, il faut plutôt influencer le processus au départ. Au lieu d'avoir un registre de ce qui est fait, il faudrait influencer la recherche et nouer des partenariats avec l'industrie qui permettront de contribuer aux décisions sur la manière dont ces essais sont menés.
M. Greg Thompson: Vous dites donc que les résultats des essais cliniques sont biaisés dès le départ car la personne qui les mène est celle qui va en bénéficier.
Mme Noralou Roos:
Ils conçoivent les essais de façon très délibérée en veillant à choisir un médicament de comparaison tel qu'ils savent par avance que les résultats seront avantageux.
M. Greg Thompson: Madame Roos, existe-t-il une source de renseignements, indépendamment des essais cliniques, où nous pourrions trouver des données pratiques, fournies par exemple par la profession médicale, sur le taux de réussite d'un médicament donné ou son efficacité pour une maladie?
Mme Noralou Roos: C'est précisément pour cela que je suis une grande partisane de l'investissement dans des évaluations indépendantes privilégiant l'intérêt public. Il faut un financement pour assurer une vaste diffusion. Comment contrer les campagnes de promotion que les compagnies pharmaceutiques savent si bien mener, et évaluer de façon très publique les habitudes de prescription des médecins et assurer la diffusion très large au public des données sur la rentabilité des médicaments dont parlait Anita?
M. Greg Thompson: Tout cela cadre également très bien avec votre position sur la publicité.
Mme Noralou Roos: Absolument.
M. Greg Thompson: Celle-ci est juste une autre occasion d'exagérer les bienfaits des médicaments, qu'ils soient efficaces ou non. Nous en avons de nombreux exemples.
Mme Anita Kozyrskyj: Si je puis ajouter un mot sur la question des résultats d'essais cliniques et des choix que j'ai faits s'agissant des médicaments utilisés pour les comparaisons, ces données sont ensuite intégrées dans les lignes directrices de pratique clinique. Une fois que les médicaments sont homologués pour la vente, nous n'avons plus de données nouvelles sur leur efficacité. L'exemple des études auprès de la population que nous avons faites au Manitoba Centre for Health Policy permettrait de comparer entre eux des médicaments plus ou moins coûteux et d'efficacité similaire et cela contribuerait à l'information. Ce serait là des données probantes en sus des résultats d'essais cliniques. Si l'on disposait de ces renseignements, on pourrait alors les intégrer dans les lignes directrices de pratique clinique.
Ce sont là les lignes directrices qui s'adressent aux médecins et une fois que ces indications sont intégrées dans la ligne directrice, il sera très difficile d'apporter des changements substantiels.
M. Greg Thompson: Nous devrions alors être en mesure de partager cette information rapidement et dans le monde entier, parce qu'un grand nombre de ces preuves... En fait, ce que je suis en train de dire, c'est qu'il n'y a pas de problème à ce que le Canada adopte ce système—mais il s'agirait d'un système qui devrait être de portée internationale, pour ainsi dire. Est-ce exact?
Dr John Wade: Non, je ne le crois pas.
Je crois qu'une remarquable occasion s'offre au Canada, grâce à la nouvelle Inforoute sur les médicaments, pour fournir cette information dans chaque cabinet de médecin. L'une des raisons pour lesquelles les lignes directrices pour la pratique clinique n'ont pas fonctionné, c'est qu'elles sont trop compliquées. J'étais omnipraticien et j'ai travaillé en première ligne; nous n'avons pas le temps de consulter les lignes directrices pour la pratique clinique, etc. Mais si cette information se trouvait sur votre ordinateur de bureau, où vous pourriez la consulter et y donner suite, et prescrire des médicaments de cette façon—ce qui devrait être tout à fait possible à notre époque, comme on peut le voir dans les McDonalds à tous les jours—, c'est une initiative qui connaîtrait un véritable essor.
J'aimerais simplement faire quelques commentaires sur les essais cliniques. Tout d'abord, c'est le plus important outil de mise en marché dont disposent les compagnies pharmaceutiques. Ce qu'elles font, c'est qu'elles vont recruter des gens—dont je suis puisque j'ai introduit l'anesthésiant Forane aux États-Unis et au Canada—pour parler d'un médicament dans le cadre d'une tribune quelconque. C'est la meilleure publicité que peut faire une compagnie pharmaceutique. Donc il faut considérer les essais cliniques comme des outils de mise en marché pour les compagnies pharmaceutiques.
Deuxièmement, le Canada n'a pas financé de bonnes recherches cliniques. Trop de cliniciens doivent avoir recours aux essais cliniques pour obtenir des fonds pour faire de la recherche—ou souvent pour d'autres choses. Comme le disaient les membres de ma première profession, il faut toujours patiner à découvert. La seule possibilité en ce sens que se sont vu offrir les chercheurs cliniques résidait dans les essais cliniques et ce mode de financement, en raison de l'absence d'aide financière du gouvernement ou des provinces.
Nous sommes donc aux prises avec ce problème. Je suis tout à fait d'accord avec Noralou lorsqu'elle dit que si vous prenez un certain pourcentage des fonds utilisés aujourd'hui pour les essais cliniques et que vous l'affectez à une stratégie de communication et d'évaluation autonome, cela représenterait un progrès énorme. Et les bonnes entreprises pharmaceutiques, qui ont de bons produits, profiteraient d'une recherche solide examinée par des pairs démontrant les avantages de leurs médicaments. Mais il reste à les convaincre.
À (1010)
M. Greg Thompson: Je vous remercie, madame la présidente.
La présidente: Je vous remercie, monsieur Thompson.
Monsieur Dromisky.
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Je vous remercie.
Au cours de toutes ces audiences, et plus nous lisons sur le sujet et prenons connaissance des problèmes qui s'y rattachent, je pourrais faire une analogie. C'est un peu comme un orchestre symphonique. Nous avons un grand nombre de personnes extrêmement talentueuses qui ont fait de bonnes études, qui sont très brillantes et même créatives, mais qui jouent toutes un morceau de musique différent en même temps. C'est la façon dont je vois la situation.
Nous avons ici un médecin qui dit être trop occupé. Nous avons un énorme problème concernant les effets indésirables des médicaments parmi notre population—pas simplement chez les aînés—mais les médecins sont trop occupés. Comment allons-nous découvrir ces cas lorsque la grande majorité des personnes touchées ne savent peut-être pas ce qu'elles devraient faire? Elles vont consulter leur médecin car après tout, c'est lui qui leur a prescrit ce médicament. Elles ne vont pas se plaindre auprès d'une station radiophonique ni à la presse ni à Santé Canada. Où vont-elles? Comment allons-nous être au courant de la situation? C'est là le grand problème.
Que proposez-vous donc comme professionnels pour assurer le fonctionnement de ce système, afin que nous obtenions les renseignements voulus concernant les effets indésirables?
L'autre jour, j'ai parlé à un médecin qui est en train de se retirer progressivement de l'exercice de la médecine. Il ne travaille qu'à temps partiel maintenant. Je lui ai donc demandé le nombre de patients qu'il voyait chaque jour. Il a répondu : « J'essaie de me limiter à une quarantaine. » Je peux comprendre ce qu'il vit et ce que vivent tous les médecins dans notre pays avec ce système de rémunération, sans compter le reste.
Avez-vous des commentaires à faire sur ce que je viens de dire?
Dr John Wade: Au lieu de travailler plus fort, nous devons agir de façon plus intelligente. Je ne crois pas que la situation s'améliorera tant que l'on ne modifiera pas le système de rémunération des médecins.
Les gens ont parlé d'une réforme multidisciplinaire, etc. Il y a 25 ans que j'en entends parler. Pourquoi par conséquent cela n'a-t-il pas fonctionné? C'est parce que la plupart des médecins canadiens sont toujours payés à l'acte. Si les soins primaires vous intéressent vraiment, modifiez le système de rémunération et permettez le paiement d'autres professionnels de la santé et de ce que j'appellerais les centres d'accès à la santé—les pharmaciens, les physiothérapeutes et ainsi de suite. Donnez-leur la technologie qui existe et dont ils ont besoin.
Il faut essentiellement du courage pour modifier le système et prendre les mesures qui sont nécessaires, mais nous en parlerons encore pendant 25 ans si vous ne prenez pas la décision fondamentale de modifier le système de financement et de fournir aux médecins et aux autres professionnels de la santé l'appui qu'ils méritent et la technologie qui existe à l'heure actuelle. Le moment est venu d'agir; autrement nous en parlerons encore dans 25 ans.
M. Stan Dromisky: C'est parce que nous avons des liens directs avec l'éthique du travail. Plus vous travaillez fort, plus votre rémunération devrait être élevée. C'est ce que nous enseignons à nos enfants depuis des années—peut-être même des siècles. Mais c'est assurément un principe qui existe dans notre société. Donc si vous voyez un grand nombre de patients dans une journée, cela m'indique que vous travaillez plus fort que le médecin qui reçoit moins de patients en une journée; par conséquent vous devriez être mieux rémunéré que lui. Et les soins que vous dispensez laissent maintenant à désirer; nous le savons.
Dans cette région du pays, en Alberta , en Saskatchewan et au Manitoba, vous avez un certain nombre de groupes ethniques. D'après votre expérience, les plantes médicinales ou d'autres formes de « traitement »—c'est l'expression que je vais utiliser—sont-ils plus populaires chez certains groupes ethniques que d'autres? Constatez-vous que certains groupes ethniques évitent autant que possible de prendre des médicaments comparativement à d'autres? Avez-vous des indications quelconques...?
Je songe à certains groupes ethniques de la ville de Thunder Bay. Je sais ce qu'ils pensent et ce qu'ils se disent entre eux à propos des services hospitaliers. À titre d'exemple, ils diront : « Si tu vas à l'hôpital, tu n'en sortiras jamais, donc évite les médecins et évite ce genre d'endroit parce qu'une fois que tu y entres, tu n'en ressors plus. » Il y a encore des gens qui pensent de cette façon-là.
À (1015)
Dr Alan Katz: C'est malheureusement ce qui se passe dans certains cas.
Des voix : Oh, oh!
M. Stan Dromisky: Oui, et c'est une information que vient de nous communiquer le Dr Wade.
Mme Anita Kozyrskyj: Nous n'avons pas vraiment fait beaucoup de recherche dans ce domaine, mais un aspect de la recherche que nous avons faite porte sur les variations dans l'utilisation d'ordonnances selon certains quartiers de Winnipeg, par exemple.
On y constate des tendances très intéressantes. Dans un cas dont je me rappelle, un certain quartier qui comptait une forte proportion de nouvelles familles immigrantes affichait le taux le plus faible d'utilisation d'antidépresseurs, par exemple. Il s'agit probablement des données les plus détaillées que nous pouvons obtenir concernant certaines groupes culturels et leurs différentes façons de recourir au système de soins de santé. C'est une question intéressante.
Mme Deb Kostyk: Il s'agit vraiment d'information anecdotique.
M. Stan Dromisky: Oui, c'est ce dont je parle.
Mme Deb Kostyk: Nous entendons parler de certaines choses. J'ai rencontré récemment un homme de la communauté philippine qui est un aîné. Il m'a expliqué les opinions qui existent dans cette communauté à propos des médicaments et des pratiques alternatives de santé. Il les trouve très efficaces.
M. Stan Dromisky: Pourrais-je poser une autre question? Il s'agit d'un autre aspect.
Nous sommes en train de parler de commercialisation. Les compagnies pharmaceutiques veulent faire beaucoup d'argent. Si j'examine l'ensemble du système, il me semble que nous en sommes tous des participants. Cependant, l'ensemble de l'industrie est contrôlée par les compagnies pharmaceutiques. Elles semblent pouvoir agir impunément.
Je me méfierais beaucoup des résultats qu'elles publieraient à propos de tout nouvel essai ou de toute nouvelle recherche sur un nouveau médicament. Il ne fait aucun doute que je serais très prudent. Mais elles ont procédé aux essais et ont dépensé des millions de dollars. J'ai visité des usines pharmaceutiques—je les appelle des usines—à Montréal. J'ai visité chacune d'entre elles. L'une d'entre elles employait environ 170 professionnels ayant des doctorats—ayant fait des études supérieures—chargés de toutes sortes de projets de recherche représentant des millions et des millions de dollars. Nous connaissons l'histoire.
Mais comment faire pour que l'on utilise mes médicaments? J'aimerais que vous soyez très honnêtes et que vous m'expliquiez comment on vous incite à prescrire leurs médicaments plutôt que les médicaments d'autres compagnies, à prescrire les médicaments les plus coûteux plutôt que le médicament meilleur marché. Que font les compagnies pharmaceutiques pour vous inciter et vous encourager à commercialiser leurs produits, à vendre leurs produits ou à recommander l'utilisation de leurs produits, au lieu de vous servir de votre propre sens commun, de votre propre intelligence et de votre propre jugement? Elles ont sûrement des méthodes pour arriver à leurs fins, parce que j'entends toutes sortes d'histoires à ce sujet. J'aimerais avoir plus de précisions à ce sujet.
Dr Alan Katz: En tant que médecin praticien, permettez-moi de vous raconter d'abord une expérience que j'ai eue il y a 10 ans lorsque j'ai ramené ma voiture de location à Avis, Hertz ou peu importe. Le type est arrivé dans le stationnement avec un appareil portatif, a inscrit mon millage immédiatement et m'a donné un reçu sur-le-champ en 15 secondes. Ce type de technologie n'existe toujours pas dans le système médical. Il existe dans l'industrie privée depuis des années. Donc là où je veux en venir, c'est que nous avons affaire à une industrie privée qui a accès à des millions de dollars et à des méthodes de commercialisation extrêmement perfectionnées.
Les simples annonces en couleur dans les principales revues médicales ne sont que la pointe de l'iceberg. Je ne suis probablement pas conscient de certaines des façons dont je suis influencé par l'industrie, et c'est leur droit. Elles ont des spécialistes en commercialisation ingénieux, et elles agissent ainsi parce que nous vivons dans une société de libre entreprise. C'est très bien, mais nous devons tâcher d'équilibrer la situation.
Dans mon mémoire écrit, j'ai dit que nous devions tâcher de soutenir la transmission de renseignements scientifiques valables aux médecins à l'aide d'autres moyens qui existent à l'heure actuelle, et non par le biais de l'industrie. Oui, il y a des dîners, des cadeaux, des voyages et des conférences parrainées par l'industrie. Toutes ces choses existent, et il existe aussi d'autres méthodes plus subtiles.
Lorsqu'un représentant de l'industrie arrive au bureau du médecin le matin pour lui donner des détails à propos d'un médicament, cette personne possède souvent de l'information sur la quantité de ce médicament que le médecin a prescrit. Il existe un système qui permet d'acheter de l'information auprès des pharmacies à propos des médicaments que vous avez l'habitude de prescrire. Quelques semaines après avoir visité votre bureau, ils obtiennent des données supplémentaires qui leur permettent de constater que vous prescrivez ce médicament plus souvent.
Il existe donc un énorme système extrêmement élaboré pour lequel il n'y a à l'heure actuelle aucun contrepoids scientifique. C'est un système qui est strictement déterminé par l'industrie.
À (1020)
M. Stan Dromisky: À l'avenir, croyez-vous que la profession peut vraiment se régir elle-même sans l'ingérence du gouvernement ou d'autres organismes qui réglementent vos vies, en ce qui concerne les médicaments? Croyez-vous que vous arriverez un jour?
Mme Noralou Roos: Voulez-vous dire que l'industrie pharmaceutique s'auto-réglemente?
M. Stan Dromisky: Non. Je suis en train de parler de la profession médicale et de ceux qui prescrivent des médicaments.
Dr John Wade: Si vous voulez faire disparaître les professions des intervenants en matière de santé, alors confiez-en la réglementation au gouvernement. Je ne tolérerai pas une telle situation. Je crois que les professions, dans l'ensemble, parviennent de mieux en mieux à se régir elles-mêmes. Je connais la bureaucratie, et si le gouvernement essayait de réglementer ces professions, cela serait tout à fait inefficace.
Il peut appuyer les règlements, apporter son aide à cet égard, et fournir les outils nécessaires, mais si la réglementation de ces professions est confiée à la bureaucratie, vous n'êtes pas au bout de vos peines. J'y serais tout à fait opposé, comme la plupart de mes collègues. Cela ne veut pas dire que nous faisons du bon travail comme professionnels de la santé; nous pourrions faire beaucoup mieux. Mais pourquoi ne pas nous appuyer en mettant à notre disposition la technologie, le financement, et tout ce qui est nécessaire pour y arriver? Je crois que les professions en seraient capables. J'utilise le terme « professions », et je ne parle pas uniquement de la médecine.
La présidente: Je vous remercie, monsieur Dromisky.
Monsieur Robinson.
M. Svend Robinson: Merci beaucoup. Je tiens à remercie tous nos témoins pour l'information qu'il nous ont présentée ce matin. Cela a été très utile.
Je dois dire que plus j'écoute ce qui se dit dans ce domaine et plus je lis sur ce sujet, plus je suis convaincu qu'un système fondé essentiellement sur la maximisation des profits des entreprises dans ce domaine est un système qui aboutit à toutes sortes de résultats qui ne correspondent tout simplement pas à l'intérêt public et qui ne permettent certainement pas de maximiser la prévention et le traitement des maladies. C'est ainsi que je vois les choses.
J'ai trouvé intéressant, docteur Katz, un article que vous avez mentionné—et je ne suis pas sûr si l'un de vos collègues en est l'auteur—concernant le retrait complet de la participation des entreprises aux essais cliniques. Cela me semble tout à fait logique. Quel est le nom de ce clinicien?
Dr Alan Katz: Arthur Schafer est l'auteur de cet article.
M. Svend Robinson: Je me demande si notre attaché de recherche pourrait obtenir de l'information sur cet article afin qu'on puisse le faire circuler parmi les membres du comité.
J'ai quelques autres questions. Vous êtes à l'Université du Manitoba, et je suppose que le Centre for Health Policy est associé aussi à l'université. L'Université du Manitoba a-t-elle une politique ou des lignes directrices particulières concernant les ententes de confidentialité concernant les résultats des essais cliniques ou de la recherche qui est effectuée?
J'avoue que je trouve scandaleux que trop souvent, les chercheurs qui font de la recherche financée par des entreprises signent des ententes qui se trouvent en fait à les bâillonner et leur imposent le silence. Je songe à Nancy Olivieri et à un certain nombre d'autres exemples dont vous êtes bien au courant. Quelle est la situation dans le cas de l'Université du Manitoba?
À (1025)
Mme Noralou Roos: C'est une très bonne question. Le Dr Katz et moi-même étions en train d'échanger un sourire parce que plusieurs d'entre nous—et il a été président du comité de déontologie—ont été très préoccupés à propos de cette question en particulier et ont travaillé avec l'administration pour tâcher d'élaborer une série de lignes directrices.
En fait, beaucoup dépend des recommandations des réviseurs médicaux qui s'assurent que la recherche est revue d'une façon systématique et que les contrats qui vont à l'encontre des droits de publication, entre autres, ne sont pas signés. Cependant, on reconnaît qu'il s'agit d'une bataille très difficile. Les universités d'un bout à l'autre du pays sont aux prises avec exactement les mêmes problèmes, et on ne s'attend pas à ce qu'ils soient réglés rapidement.
M. Svend Robinson: Je ne suis pas sûr si le Dr Katz avait quelque chose à ajouter, mais essentiellement, donc, l'Université du Manitoba n'a pas modifié sa politique dans ce domaine.
Mme Noralou Roos: L'université est en train d'élaborer une politique à l'égard des questions de sécurité des patients et de la publication. Par ailleurs, la plupart des contrats avec les compagnies de produits pharmaceutiques ne sont pas signés par l'université, mais plutôt par la fondation de recherche de l'hôpital, parce que ce ne sont pas les chercheurs universitaires qui établissent les modèles de recherche. Parce qu'ils reçoivent des frais généraux pour ces contrats, les agents de contrat sont essentiellement chargés d'obtenir le plus grand nombre possible de contrats parce que cela finance une bonne partie des travaux de ces organismes.
M. Svend Robinson: Il faut de l'argent.
Mme Noralou Roos: Exactement.
M. Svend Robinson: C'est une chose sur laquelle le comité voudra certainement se pencher. Les universités sont financées par des fonds publics. Je trouve scandaleux qu'une institution financée par des fonds publics accepte d' être partie à une telle entente.
Dr John Wade: Puis-je faire une observation? J'ai déjà été doyen.
Ce qui est arrivé dans le cas de Mme Olivieri ne serait pas arrivé à l'Université du Manitoba, selon moi. Dans le cas de Mme Olivieri, c'est l'institution de recherche hospitalière qui avait un contrat et cela ne passait pas nécessairement par l'Université de Toronto. À l'Université du Manitoba, le contrat aurait d'abord été examiné par la faculté et ensuite par l'université centrale. Cela aurait...
Mme Noralou Roos: Non, ce n'est pas ce qui serait arrivé.
Dr John Wade: C'est ce qui serait arrivé à mon époque.
Je veux cependant signaler autre chose. Les universités sont un élément du problème, mais il y a maintenant toutes sortes d'essais cliniques qui ne sont pas assujettis à l'examen de comités d'éthique de la recherche ou d'autres organismes du genre. Selon moi, cela représente un problème beaucoup plus grave que les universités. Il y a maintenant des gens dans le secteur privé qui font des essais cliniques pour des compagnies de produits pharmaceutiques et qui se font payer pour ces essais sans avoir reçu la formation voulue en matière de recherche et sans que les essais soient soumis à l'examen d'un comité d'éthique.
M. Svend Robinson: C'est un autre problème.
Dr John Wade: C'est un problème beaucoup plus important.
M. Svend Robinson: Je ne suis pas certain que ce soit un problème plus important, mais c'est certainement aussi un problème grave.
Docteur Wade, vous avez parlé d'une étude qui sera publiée cet automne et dont les conclusions sont vraiment consternantes. Je pense que cela devrait inquiéter sérieusement les Canadiens. Dans la mesure où notre comité peut formuler des recommandations à l'égard des produits pharmaceutiques, à tout le moins, parce que ces 10 000 décès ne sont pas tous reliés à des produits pharmaceutiques, bien sûr, mais...
Dr John Wade: Ce chiffre ne comprend que les décès dans les hôpitaux, mais pas les décès au niveau communautaire.
M. Svend Robinson: Non. C'est ce que j'avais compris.
Dr John Wade: Cela représente un problème beaucoup plus vaste, beaucoup plus difficile à étudier et aussi moins facile à comparer avec les études faites dans d'autres pays. C'est pourquoi cette étude ne porte que sur les données obtenues dans les hôpitaux.
M. Svend Robinson: D'accord, mais ce que je voulais dire, c'est que je vous suis très reconnaissant d'en avoir parlé. Le comité examinera certainement de très près les résultats de cette étude et réfléchira sérieusement aux recommandations que nous pourrions formuler à la suite de cette étude.
Je n'ai qu'une autre question à poser et elle porte sur la protection des brevets. J'ai lu une étude récemment, je pense que c'était dans le The New England Journal of Medicine, mais je ne me rappelle pas au juste, qui était assez radicale. Selon cette étude, l'ensemble de la société devrait peut-être se poser une question très fondamentale : pourquoi devrions-nous graisser la patte aux grandes entreprises de produits pharmaceutiques qui essaient essentiellement de faire de l'argent, pour qu'elles effectuent de la recherche indépendamment les unes des autres? Bien entendu, elles n'effectuent de la recherche que sur des produits qui rapportent. Elles ne veulent pas faire de recherche sur la maladie du sommeil dont souffrent des millions d'Africains pauvres. Que diriez-vous, et je ne sais pas si quelqu'un voudra me répondre, de l'idée selon laquelle, au lieu de financer la recherche en donnant des cadeaux et en accordant des brevets aux entreprises, nous la financions avec des fonds publics?
À (1030)
Dr John Wade: Jusqu'ici, nous avons sous-financé la recherche, y compris la recherche clinique. Malgré ce qui se fait au CRM et aux IRSC, nous dépensons probablement par habitant pour la recherche seulement le tiers de ce que dépensent les Américains. Nous dépensons vraiment très peu, mais il ne faut pas oublier non plus qu'une partie de la recherche vise à créer de nouveaux produits chimiques, par exemple, et je ne suis pas certain que ce type de recherche soit financé même aux États-Unis par l'entremise du NIH.
Il faut un mécanisme quelconque pour financer les premières étapes de la recherche et, pour l'instant, ce sont les sociétés pharmaceutiques qui le font. Il est donc juste qu'elles en retirent certains bénéfices. Au Canada, la recherche est tout simplement sous-financée, surtout la recherche clinique.
M. Svend Robinson: Il n'y a absolument rien qui empêche certains de nos jeunes brillants chercheurs à se consacrer aussi à ce type de recherche avec l'appui du public.
Dr John Wade: Ils le feraient certainement.
Dr Alan Katz: Oui, ils le feraient, mais le problème est beaucoup plus vaste que cela parce que nos institutions publiques, notamment les universités, ont maintenant tendance à obtenir des brevets pour tout ce qu'elles font. On peut bien critiquer l'industrie qui ne cache nullement son désir de réaliser des bénéfices, mais les universités ont aussi tendance maintenant à obtenir des brevets pour toute découverte importante. Par exemple, l'Université de la Colombie-Britannique a obtenu un brevet pour le génome du virus du SRAS.
La recherche publique dans les universités est maintenant sous-financée au point où les universités ont besoin d'agents de liaison avec l'industrie et de bureaux des brevets pour survivre. Elles obtiennent des brevets pour leurs découvertes simplement pour survivre et promouvoir la recherche, mais je ne pense pas que ce soit nécessairement dans l'intérêt du public.
M. Svend Robinson: Merci.
La présidente: Merci.
Au nom des membres du comité, je tiens encore une fois à remercier les témoins d'être venus aujourd'hui. Leur contribution ce matin nous a été très utile et cela nous a permis d'examiner la question d'un point de vue différent. Merci beaucoup.
Nous vous serons reconnaissants de tout ce que vous pourrez nous envoyer pour répondre à nos questions, que ce soit des publications, de nouvelles données ou quoi que ce soit.
Nous allons faire une pause de 10 minutes.
À (1032)
À (1050)
La présidente: Nous allons reprendre la séance. Je souhaite la bienvenue à notre prochain groupe de témoins dans le cadre de nos audiences sur les médicaments d'ordonnance.
Nous accueillons ce matin des représentants de la Coalition for Manitoba Pharmacy, de l'Association pharmaceutique du Manitoba et de la Société manitobaine des pharmaciens.
La coalition est représentée par trois témoins, M. Dueck, M. Skura et Mme Fontaine. Je pense que c'est l'un de vous qui commencera.
Mme Michele Fontaine (vice-présidente, Coalition for Manitoba Pharmacy): Bonjour.
Je suis actuellement pharmacienne communautaire à Winnipeg et vice-présidente de la Coalition for Manitoba Pharmacy. Au nom de mes collègues de la Coalition, permettez-moi tout d'abord de vous remercier de nous avoir invités.
Dans le cadre de votre étude sur le prix des médicaments sur ordonnance, leur accessibilité, les modes de prescription et les points faibles du système, il est indispensable d'examiner de très près une nouvelle tendance dangereuse qui prend de l'expansion au Canada en général, et plus particulièrement au Manitoba. La principale inquiétude de la Coalition for Manitoba Pharmacy concerne l'expansion rapide du commerce d'exportation transfrontalière par Internet des produits pharmaceutiques. Nous considérons ce commerce illégitime, contraire à l'éthique et extrêmement nuisible à pour notre système de soins de santé.
Permettez-moi de commencer par vous signaler une conséquence effrayante que j'ai pu constater dans ma pharmacie et qui a aussi été constatée par d'autres pharmaciens communautaires d'un bout à l'autre du Manitoba : une pénurie croissante de médicaments sur ordonnance de toute première nécessité. De leur propre aveu, les compagnies pharmaceutiques sur Internet détournent pour au moins 1 milliard de dollars de médicaments canadiens vers les États-Unis. C'est en violation de la loi fédérale américaine. Pour satisfaire les commandes venant du sud de la frontière, les pharmacies sur Internet manifestent un mépris total pour les besoins des Canadiens et ont créé un réseau clandestin illégitime pour acheter les médicaments à des prix canadiens contrôlés pour les revendre avec de grosses marges de profit aux Américains qui peuvent payer plus.
Ma pharmacie est située à côté du Winnipeg Health Sciences Centre et elle approvisionne en médicaments un pourcentage important des patients cancéreux non hospitalisés du Manitoba. Ces derniers temps, j'ai constaté plus de pénuries que dans toute ma carrière professionnelle et certains de ces médicaments sont d'une importance vitale pour les cancéreux. Il est arrivé à plusieurs reprises que des médicaments nécessaires dans les cas de tumeurs au cerveau et de leucémie aussi bien chez les adultes que chez des enfants soient tout simplement introuvables dans les circuits de distribution légitimes du Manitoba. J'ai constaté, aux mêmes dates, que ces mêmes médicaments étaient en vente sur les sites Web des pharmacies Internet du Manitoba pour leurs clients américains.
Il est inadmissible que les Américains sous prétexte qu'ils ont plus d'argent aient accès à des médicaments que je ne peux fournir à mes patients qu' après littéralement des jours de recherche forcenée, qui ne recevront parfois qu'un seul flacon de médicament de traitement d'urgence fourni par le fabricant. Les compagnies pharmaceutiques sur Internet prétendent que cette multiplication de pénuries signalée par les pharmaciens communautaires n'est pas leur faute. Elles blâment les grossistes, elles blâment les fabricants, elles prétendent que c'est une coïncidence. Ce n'est pas une coïncidence. Quand votre objectif commercial est de vendre aux États-Unis un maximum de médicaments canadiens, vous créez automatiquement une pénurie pour les Canadiens.
M. Greg Skura (secrétaire, Coalition for Manitoba Pharmacy): Bonjour.
Je suis pharmacien et membre de la Super Thrifty Drugs Canada, la seule chaîne de pharmacies basée au Manitoba. Je suis aussi secrétaire de la Coalition for Manitoba Pharmacy.
Un des problèmes les plus graves provoqués par la pharmacie sur Internet est la pénurie de pharmaciens dans notre province. Tout dernièrement, ma compagnie a été obligée de fermer les portes de notre pharmacie de Winnipegosis qui marchait très bien. C'était la seule pharmacie dans un rayon de 70 kilomètres et elle approvisionnait aussi l'hôpital et le foyer. C'est la première fois en 35 ans que j'aie dû fermer une pharmacie. La raison est simple, il n'y a plus de pharmaciens disponibles pour travailler dans notre magasin de Winnipegosis. Pourquoi? La pharmacie sur Internet, grâce aux énormes profits qu'elle réalise en vendant des médicaments canadiens aux Américains à des prix plus élevés, attire les pharmaciens de nos collectivités et de nos hôpitaux avec des promesses de salaires élevés, des primes, et un intéressement aux bénéfices. Conséquence, environ 20 p. 100 des pharmaciens du Manitoba travaillent aujourd'hui pour les pharmacies sur Internet qui vendent leurs médicaments aux Américains plutôt que de s'occuper des Manitobains qui rapportent moins.
Il y avait déjà une pénurie de pharmaciens au Canada et au Manitoba, mais pas à ce point-là, et c'est la qualité des soins pharmaceutiques pour les Manitobains qui en souffre. Ma compagnie possède trois autres pharmacies plus rurales qui ont du mal à rester ouvertes sans pharmacien remplaçant disponible et incapable d' en trouver de nouveaux. Les compagnies de pharmacie sur Internet disent qu'elles ne sont pas responsables de la grave pénurie de pharmaciens au Manitoba. Elles blâment les chaînes de pharmacie; elles disent que c'est une coïncidence. Ce n'est pas une coïncidence. On ne peut pas retirer des collectivités et des hôpitaux du Manitoba 20 p. 100 des pharmaciens pour servir le marché américain sans faire du tort aux soins pharmaceutiques dans la province. Combien de pharmacies rurales devront-elles fermer, mettant en danger l'accès pour les Manitobains aux soins médicaux et pharmaceutiques avant que le gouvernement ne prenne des mesures pour bloquer le détournement des soins pharmaceutiques canadiens vers les États-Unis?
À (1055)
M. Lothar Dueck (président, Coalition for Manitoba Pharmacy): Salut.
Je suis pharmacien communautaire à Vita, une petite collectivité rurale, et président de la Coalition for Manitoba Pharmacy. J'aimerais vous parler de l'escalade des prix des médicaments sur ordonnance provoquée par la pharmacie sur Internet et les dangers qu'on court si on n'y met pas un terme.
Ces derniers temps, les fabricants de médicaments ont commencé à augmenter le prix de leurs produits au Canada, pour la première fois depuis de nombreuses années. Un fabricant a augmenté son prix de 4 p. 100, pour la première fois en quatre ans. D'autres ont également fait monter leurs prix de 4 p. 100, pour la première fois en dix ans ou plus. Nous croyons que c'est en réaction à la quantité massive de médicaments destinés aux Canadiens mais qui sont maintenant vendus aux États-Unis, et ce sont les Canadiens qui sont obligés de payer plus cher afin que les pharmacies sur Internet puissent gagner de l'argent sur le marché américain. Si les gouvernements canadiens n'interviennent pas, nous croyons que ce sera la fin du régime canadien de contrôle des prix des médicaments qui nous permet de payer moins cher que les Américains pour les médicaments sur ordonnance. Le prix des médicaments au Canada augmentera pour s'aligner sur celui payé aux États-Unis.
Notre coalition n'est pas la seule à s'opposer, tant sur le plan professionnel que sur le plan moral, à ce commerce pharmaceutique. L'Association des pharmaciens du Canada, l'Association médicale canadienne, l'Association of Deans of Pharmacy of Canada, la Manitoba Society of Seniors et beaucoup d'autres groupes professionnels et de consommateurs ont très clairement exprimé leurs inquiétudes.
Comme nous le soulignons dans le mémoire que nous vous avons envoyé, il est temps que le gouvernement fédéral agisse. Les pénuries de médicaments, les pénuries de pharmaciens et de soins pharmaceutiques et l'escalade du prix des médicaments pour les Canadiens ne sont pas une coïncidence. C'est, croyons-nous, le produit du commerce pharmaceutique transfrontalier sur Internet. Les professionnels canadiens de la santé vous demandent de les aider. Les Canadiens ont besoin de plus de soins, de plus de pharmaciens et non pas le contraire. Nous implorons le gouvernement fédéral de prendre des mesures immédiates pour protéger les Canadiens et pour mettre fin à l'exportation de nos médicaments et de nos soins pharmaceutiques.
La présidente: Merci beaucoup.
Nous avons maintenant le registraire de l'Association pharmaceutique du Manitoba, M. Ronald Guse.
M. Ronald Guse (registraire, Association pharmaceutique du Manitoba): Merci, madame la présidente.
Je suis très heureux de pouvoir m'adresser à vous ce matin. Je m'appelle Ron Guse, et je suis le registraire de l'Association pharmaceutique du Manitoba. Pour que les choses soient claires, l'Association pharmaceutique ne représente ni l'industrie pharmaceutique ni les pharmaciens. Nous avons pour rôle principal de protéger le public. Je suis sûr que vous connaissez les College of Physicians and Surgeons des différentes provinces; notre rôle est analogue au leur, sauf que dans notre cas il s'agit de la pratique de la pharmacie, et non pas de la pratique de la médecine.
Nous avons préparé un mémoire qui vous a été envoyé à l'avance et la majorité de mes commentaires en sera tirée, vous saurez donc de quoi je parle.
Bien que l'éventail d'intérêts de votre comité soit large, j'aimerais me limiter à un certain nombre des questions énumérées dans votre mandat, en particulier l'escalade du coût des médicaments sur ordonnance. On ne peut parler de médicaments sur ordonnance au Canada sans parler du conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Je ne vous expliquerai pas ce que fait ce conseil car je suis certain que vous connaissez tous et toutes ses responsabilités.
Selon le rapport du conseil pour l'année 2002, c'est la première année que le prix des médicaments brevetés est supérieur de 1 p. 100 à celui des autres produits utilisés à des fins de comparaison. Je crois que l'introduction sur le marché canadien de médicaments brevetés et le fait que les augmentations subséquentes de prix soient réglementées par le conseil d'examen du prix des médicaments brevetés... il font un travail splendide en réglementant ces prix pour le public.
Le prix des médicaments sur ordonnance qui ne sont plus couverts par un brevet n'est pas réglementé par le conseil d'examen du prix des médicaments brevetés—certains d'ailleurs n'ont jamais été couverts par un brevet car ils sont antérieurs à cette procédure. Généralement, au Canada, nous qualifions ces produits de produits génériques. Bien que d'une manière globale le coût des soins de santé au Canada soit quelque peu réduit par la présence de ces produits sur le marché, d'une manière générale, ces produits alignent leur prix sur ceux des produits brevetés et cela n'a pas forcément quoi que ce soit à voir avec leur coût de fabrication.
Au cours des deux dernières années, nous avons constaté dans le formulaire manitobain, lequel est très analogue à celui des autres provinces et indique quels produits sont interchangeables ainsi que le prix de ces produits—que pour les produits génériques, il y a eu une augmentation substantielle depuis deux ans. Les produits qui coûtaient moins d'un cent par cachet sont maintenant passés à plus de 6c. par cachet. Six cents par cachet peut ne pas sembler beaucoup quand on considère les produits qui coûtent plus de 1, 2, 3 voire 10 $ par cachet, mais en pourcentage, cela fait des augmentations de plus de 750 p. 100.
Comme les témoins précédents vous l'ont dit, le Canada a connu une croissance phénoménale du nombre de pharmacies. La majorité vendent des médicaments brevetés à des patients résidant aux États-Unis. Le terme qu'on entend souvent est celui de pharmacie sur Internet. L'Association pharmaceutique du Manitoba qui attribue des licences aux pharmaciens et aux pharmacies au Manitoba, donne à ces pharmacies le nom de pharmacies de service sur ordonnance internationales. Peu importe le nom qu'on leur donne, ce sont tout simplement des entreprises de vente par correspondance qui se servent de l'Internet pour faire de la publicité et pour avoir accès à un plus grand nombre de consommateurs.
Cependant, ce détournement imprévu et non intentionnel de médicaments du système à prix protégé du Canada aura pour conséquence—et a déjà pour conséquence—une escalade plus rapide du coût de notre système de médicaments naguère à prix économique.
Jusqu'à présent, les gouvernements provinciaux soutiennent la vente de produits à prix préférentiels pour les Canadiens à des patients Américains. Ce soutien incite les fabricants à réfléchir à leur participation volontaire au Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Si je dis volontaire c'est parce que s'ils vendent leurs produits sur le marché canadien, ils doivent en soumettre le prix au Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, mais savent très bien qu'ils ne sont pas du tout obligés de vendre leurs produits au Canada. C'est la raison pour laquelle je parle de participation « volontaire ».
Á (1100)
Nous en avons connu récemment deux exemples : deux des grandes multinationales du médicament ont imposé au Canada des augmentations de prix, probablement pour la première fois depuis 10 ans. Elles avaient sans doute de nombreuses raisons de le faire, mais si on regarde la disparité considérable qui existe entre le prix des médicaments américains et le prix de médicaments canadiens, nous constatons un alignement sur le prix nord-américain. D'après ce que nous avons pu voir en étudiant les prix pratiqués des deux côtés de la frontière, les prix ont tendance à augmenter au Canada alors qu'ils ont tendance à diminuer aux États-Unis.
L'Association pharmaceutique s'inquiète beaucoup de ce que l'augmentation des prix ou du fait que les fabricants refusent d'adhérer volontairement au Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés finisse par rendre les médicaments moins abordables au Manitoba.
S'agissant d'un mécanisme de contrôle des prix, ici encore le Conseil fait de son mieux compte tenu de son mandat qui est d'examiner le prix des médicaments brevetés au Canada. Mais à mon avis, il faudrait également procéder à un examen du prix des médicaments génériques au Canada. Si vous comparez nos prix à ceux qui sont pratiqués sur d'autres marchés, vous verrez qu'ils sont considérablement plus élevés au Canada. Cela est dû au fait que la concurrence est très faible sur le marché des médicaments génériques, et dès lors qu'une grosse compagnie pharmaceutique retire son produit du formulaire, le prix du produit générique correspondant a tendance à augmenter. J'en ai déjà dit un mot.
Je voudrais également évoquer brièvement la question de la publicité qui s'adresse directement au consommateur. Je n'entrerai pas dans les détails parce que vous êtes probablement parfaitement au courant des mécanismes de contrôle qui limitent au Canada la publicité directe pour les médicaments sur ordonnance, mais aux États-Unis, ce genre de publicité était jadis interdite. Or, la situation a changé récemment. Comme nous pouvons tous le constater, les stations de radio et de télévision américaines mettent en ondes de très nombreuses publicités vantant des médicaments sur ordonnance.
En général, ces publicités visent à encourager le consommateur à abandonner le médicament qui lui a été prescrit en faveur d'un autre. Ici encore, il n'est pas rare que les patients se soient fait prescrire une thérapie efficace et stabilisante alors que la publicité essaie de les persuader de changer de médicament.
Je pense que le Canada pourrait en profiter pour essayer de voir si ce genre de publicité est bénéfique pour la santé du patient et pour le traitement de son état et, dans l'affirmative, jusqu'à quel point. Le Canada a des enseignements à tirer de cela, à mon avis, étant donné que ce genre de pratique, désormais très courante, n'existait pas jadis dans notre pays. Si les soins dont bénéficient les patients s'en sont trouvés améliorés, ce serait donc une pratique dont le Canada pourrait utilement profiter. Mais au cas contraire, quels sont les éléments de ce surcroît d'information donnés aux patients, qui permettraient d'améliorer les soins qui leur sont prodigués au Canada?
L'autre élément dont il faut tenir compte est que le système canadien de santé est différent de celui des États-Unis où il y a davantage de sources de financement privées. Le patient n'a pas l'entière liberté du choix de son médecin en raison des conditions imposées par les parties qui financent le programme. Au Canada, le système de santé est tel que le patient a toute liberté de consulter autant de médecins qu'il veut. Certes, il n'y a pas vraiment pléthore de médecins et l'accès aux médecins est quand même relativement limité, mais si un patient, influencé à l'excès, veut un produit plutôt qu'un autre et n'en démord pas, il n'est pas impossible qu'il puisse consulter médecin après médecin jusqu'à ce qu'il en trouve un qui soit prêt à lui prescrire le médicament qu'il veut.
Je voudrais également dire un mot du marketing et du lobbying dont les médecins et les pharmaciens font l'objet.
Dès qu'un médecin ou un autre professionnel de la santé obtient le droit d'exercer, il est confronté à la nécessité de se tenir au courant des plus récentes thérapies et autres médications, tâche difficile s'il en est. Au Manitoba, nous avons lancé un programme—nous ne sommes pas les seuls à l'avoir fait, il en existe d'autres ailleurs au Canada—qui permet de communiquer aux médecins traitants les informations les plus récentes, c'est-à-dire en mettant en exergue les pratiques exemplaires. Nous estimons que c'est le genre de programme dont l'État devrait se féliciter car il permet aux praticiens de comprendre et de connaître les meilleures thérapies, par opposition à celles qui font l'objet de la publicité la plus intense.
S'agissant de l'accès aux professionnels de la santé et aux médicaments pour le consommateur, trois problèmes se posent en l'occurrence. J'en ai parlé dans mon mémoire et je ne vais pas y revenir en détail, mais je pense que nous avons quelques gros problèmes dans les localités septentrionales ou éloignées, des problèmes qui, actuellement, ne sont pas traités dans leur ensemble.
En second lieu, et j'en ai déjà parlé, si les médicaments fabriqués au Canada peuvent être vendus aux États-Unis, ils deviendront moins disponibles au Canada.
Á (1105)
Troisièmement, je pense qu'il faut faire intervenir davantage les pharmaciens pour que les patients aient plus facilement accès aux médicaments. Nous venons d'ailleurs de présenter une proposition en quatre points au gouvernement du Manitoba pour lui montrer comment, en donnant au pharmacien un rôle accru au niveau des soins prodigués au patient, ce dernier pourrait avoir plus facilement accès aux soins et aux médicaments dont il a besoin. Si la présidente le souhaite, nous pourrions lui fournir plus de détails sur cette proposition.
Mon avant-dernier point concerne l'utilisation inappropriée, abusive ou toxicogène des médicaments dans la population en général. J'ai vu que vous aviez entendu l'Addictions Foundation du Manitoba. Ma proposition concernant l'utilisation inappropriée des médicaments n'est pas nécessairement reliée aux problèmes de la dépendance, il s'agit plutôt des cas où le patient utilisa volontairement un médicament de façon inappropriée. Cela arrive souvent parce qu'il ignore comment utiliser le médicament qui lui est prescrit ou d'autres médicaments qu'il prend. Les différents rapports à ce sujet font état d'environ 15 à 25 p. 100 de cas d'hospitalisation dus à ce genre d'accident. Pour moi, c'est un problème grave. Le problème ne tient pas à ce que le patient n'ait pas accès aux médicaments dont il a besoin, mais plutôt à ce que le fait qu'il puisse utiliser ce médicament ait produit des interactions néfastes entre médicaments et à des erreur d'utilisation. En règle générale, il pourrait être possible de remédier à ces problèmes en donnant aux pharmaciens un rôle plus important et en faisant intervenir ceux-ci au sein de l'équipe de santé qui suit le patient.
Je voudrais également vous parler d'un produit qui, contrairement à de nombreux autres pays, n'est pas réglementé au Canada. Sauf erreur de ma part, le Canada est probablement le seul pays où l'on peut acheter de la codéine sans ordonnance. La codéine est un stupéfiant. En vertu de l'article 36 des règlements d'application de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, n'importe qui peut acheter dans une pharmacie, sans ordonnance, de petites quantités de codéine. Même si ce produit a une certaine utilité thérapeutique anti-tussive, huit milligrammes de codéine font autant d'effet qu'un analgésique. Le problème est qu'à l'article 36, pour que la codéine puisse être vendue sans ordonnance, elle doit être combinée à d'autres produits, par exemple l'acetaminophène et la caféine. Les gens qui font un usage abusif de ce genre de produit pour la codéine qu'il contient risquent des lésions irréparables produites par l'acetaminophène qui est associé à la codéine.
C'est donc un problème que je voudrais signaler au comité. Je sais que vous ne vous occupez que des médicaments sur ordonnance, alors que le produit dont je parle est en vente libre au Canada. Il y a quelques années, tous les registraires canadiens ont exhorté Santé Canada à ouvrir ce dossier afin de donner à ce produit le protocole approprié s'il a effectivement une utilité thérapeutique. Si ce produit n'a aucune utilité thérapeutique, je pense que c'est le plus souvent le cas, il conviendrait de l'éliminer.
Ma dernière réflexion à l'attention du comité—et j'espère qu'on m'excusera si j'ai été trop long—concerne les comparaisons avec les autres pays dont vous vous êtes enquis. Le Comité consultatif national sur les annexes de médicaments de l'Association nationale des organismes de réglementation de la pharmacie, qui bénéficie de la participation de Santé Canada, a identifié 35 médicaments sur ordonnance qui sont en passe d'être mis en vente libre dans d'autres pays, et vraisemblablement aussi au Canada. Je sais que vous vous occupez exclusivement des médicaments sur ordonnance mais il est très difficile de parler de ce sujet en ignorant complètement le marché des médicaments en vente libre. Je pense que le comité devrait examiner ce qui se passe à l'étranger dans le cas des médicaments sur ordonnance qui sont mis en vente libre et savoir ce que cela signifie du point de vue de l'accessibilité et des soins au patient.
Merci beaucoup.
Á (1110)
La présidente: Merci, monsieur Guse.
Nos témoins suivants sont Mme Marian Kremers, présidente et M. Scott Ransome, directeur exécutif, de la Société des pharmaciens du Manitoba.
Madame Kremers.
Mme Marian Kremers (présidente, Société manitobaine des pharmaciens): Madame la présidente, je vous remercie ainsi que le comité permanent pour cette occasion qui nous est donnée de faire valoir les préoccupations de la Société des pharmaciens du Manitoba—c'est-à-dire ce qui intéresse nos confrères—les conditions d'exercice de la profession ainsi que ce que nous négocions avec les organismes provinciaux au sujet de la rémunération des pharmaciens.
Comme je peux le constater aujourd'hui cela atteste du fait que le comité permanent sait fort bien qu'il est impossible de procéder à une étude sérieuse des médicaments sur ordonnance sans interroger les pharmaciens. C'est nous les experts en matière de médicaments; nous avons plus que tout autre professionnel de la santé la meilleure formation qui soit dans le domaine de la pharmacothérapie. Un pharmacien a appris à comprendre la composition chimique des médicaments d'ordonnance, les effets de ceux-ci et les interactions entre les différents médicaments, de même que l'effet qu'un médicament a sur le patient.
Comme nous pouvons le voir aujourd'hui, l'augmentation du prix des médicaments sur ordonnance est un sujet qui mobilise l'attention. Le prix d'un tel médicament n'est pas monolithique mais il est fonction d'un grand nombre d'éléments variés. En deux mots, l'augmentation des coûts est la résultante du prix et du degré d'utilisation du médicament. Certes, le barème des prix des médicaments est important. Par contre, il convient également de tenir davantage compte de l'utilisation des médicaments sur ordonnance, et en particulier des cas où ils sont utilisés à mauvais escient.
Les trois exemples les plus caractéristiques d'une utilisation erronée sont le sous-dosage, c'est-à-dire des thérapies qui pourraient être productives mais qui ne sont peut-être pas suivies, le surdosage, c'est-à-dire l'utilisation de thérapies qui ne sont pas opérantes et l'utilisation à mauvais escient, c'est-à-dire des thérapies qui pourraient être opérantes mais qui sont mal prescrites, soit au niveau du dosage, soit au niveau du format utilisé. Les antibiotiques sont un bon exemple. L'un de mes collègues disait ceci : « pourquoi ne voyons-nous plus d'ordonnance pour la prescription d'amoxillin et de septra? » Ces deux produits étaient jadis les piliers de l'intervention thérapeutique. Aujourd'hui, on a plutôt tendance à prescrire la ciprofloxacin et le zithromax. Il s'agit en l'occurrence d'antibiotiques à large spectre qui sont extrêmement puissants et qui, je n'hésite pas à le dire, sont mal utilisés la moitié du temps.
La gestion efficace des médicaments doit devenir une réalité. En faisant intervenir les pharmaciens à toutes les étapes, il serait possible d'améliorer l'efficacité et l'efficience de la pharmacothérapie et ce qui permettrait de réduire les coûts et d'améliorer les soins donnés aux patients, deux des objectifs les plus importants de toute réforme des soins de santé.
Pour donner au comité permanent un exemple concret de ce qui serait possible de faire pour réduire le coût et améliorer la santé publique, je voudrais profiter de l'occasion pour souligner les conclusions d'une étude récente qui met en contexte des solutions pratiques utilisables par les pharmaciens pour améliorer le système.
Le programme d'intervention pour patients à haut risque, entrepris en octobre 2001 par l'Institute of Health Promotion Research de la Colombie-britannique, consistait en une série d'essais aléatoires contrôlés destinés à déterminer si un pharmacien et une équipe d'infirmières de soins à domicile pouvaient réduire le nombre de personnes âgées ré-hospitalisées prenant six médicaments ou plus. Cette étude a porté sur 255 personnes âgées, et les éléments étalonnés étaient notamment le nombre de visites non urgentes à un omnipraticien ou un spécialiste, le nombre d'ordonnances, le nombre d'hospitalisations par les services d'urgence, le nombre d'hospitalisations pendant une période de 24 heures après passage aux services d'urgence ainsi que les soins à long terme dont la personne âgée avait ou non bénéficié. Il y avait donc toute une série de facteurs permettant de mesurer la réussite relative du programme.
Entre septembre 1999 et octobre 2000, les équipes d'intervention ont rendu visite à domicile à des personnes âgées faisant partie du groupe expérimental. L'équipe a procédé à une évaluation complète des besoins de ces personnes âgées et elle a vérifié le contenu des armoires à pharmacie des sujets. L'équipe a constaté que les sujets avaient beaucoup de médicaments périmés, des médicaments mal assortis et prescrits à dose trop élevée ou trop faible, un bon exemple de cette mauvaise utilisation dont je parle plus haut. Dans tous ces cas, le pharmacien s'est mis en rapport avec le médecin du sujet pour rectifier la situation. En d'autres termes, changer le dosage ou la fréquence d'utilisation du médicament. L'équipe d'intervention a également élaboré des plans, assortis chacun d'un élément de contrôle, afin que toutes les personnes âgées qui faisait partie du groupe expérimental puissent bénéficier de la pharmacothérapie la plus efficace.
En tout, l'équipe d'intervention a eu à se mettre en rapport avec un médecin 136 fois et a formulé 255 recommandations concernant les médicaments prescrits, 206 d'entre elles, soit 80 p. 100, ayant été acceptées par le médecin traitant.
Á (1115)
Parmi les recommandations faites, il y avait le changement de médicament, son retrait, l'ajout d'une thérapie, ou encore l'augmentation ou la diminution de la dose.
L'équipe a également modifié la façon dont les médicaments étaient pris; on a éliminé les médicaments non utilisés ou expirés, communiqué avec les services communautaires, fourni un carnet dans lequel les personnes âgées inscrivaient les médicaments qu'elles prenaient, modifié l'emballage des médicaments, fourni une liste des médicaments et donné par écrit des renseignements à diverses personnes qui s'interrogeaient sur leur traitement. On a également offert des calendriers de prise de médicaments et modifié les moments où les médicaments étaient pris. D'une façon générale, tout cela a simplifié le régime posologique. Voilà ce que les pharmaciens appellent les soins pharmaceutiques; les autres parlent souvent de bonne gestion des médicaments.
À l'heure actuelle—et Michelle Fontaine pourra probablement en confirmer la véracité—les soins à valeur ajoutée fournis par les pharmaciens ne sont pas rémunérés. On ne peut pas continuer d'imposer ainsi à nos professionnels cette taxe sur la qualité. Je signale ce problème à votre comité à titre de représentante de nos pharmaciens, qui négocie en vue d'obtenir une juste rémunération.
L'étude que j'ai mentionnée révélait que ces personnes âgées ont dû être beaucoup moins fréquemment hospitalisées et ont beaucoup moins eu recours à d'autres services médicaux coûteux. Une fois déduit le coût de mise en oeuvre du programme et tous les autres coûts, on a constaté qu'on avait réalisé une économie nette moyenne de 680 $ par personne dans ce groupe expérimental. Non seulement le gouvernement a-t-il économisé de l'argent, mais les patients eux-mêmes ont reçu des soins nettement supérieurs. Cela n'est-il pas notre objectif ultime, dans le régime des soins de santé?
Cette étude est loin d'être un cas isolé. Il existe une foule d'analyses à l'appui de la proposition que les pharmaciens peuvent améliorer la santé des patients grâce à l'utilisation optimale des médicaments. On a constaté des résultats semblables dans le projet de soins pharmaceutiques du Manitoba. L'expansion de ce service pourrait comprendre l'embauche de pharmaciens là où se rédigent les ordonnances. Nous avons actuellement quelques projets pilotes dans le cadre desquels des pharmaciens travaillent dans des bureaux de médecins de famille. On pourrait également avoir recours à des pharmaciens pour élaborer des directives fondées sur l'expérience en matière d'ordonnances, qui pourraient fournir de la rétroaction à ceux qui les rédigent.
Malheureusement, les services des pharmaciens sont sous-utilisés dans les équipes de soins de santé, et c'est là l'un des principaux obstacles à la mise en place de soins pharmaceutiques optimaux pour les citoyens du Manitoba.
La Dre Colleen Metge, professeure adjointe à la Faculté de pharmacie de l'Université du Manitoba, a rédigé un rapport. Dans son mémoire à la Commission Romanow, elle a présenté, avec des étudiants de quatrième année en pharmacie, les principes de base de l'utilisation des médicaments et du rôle des pharmaciens dans la fourniture de services de santé primaires.
Premièrement, il y a l'évaluation : le médicament choisi est-il celui qui correspond le mieux aux besoins du patient et le plus rentable pour le moment?
Deuxièmement, il y a la dose : le bon médicament est-il prescrit à la bonne personne au bon moment, à la bonne dose et pour la bonne durée? C'est ce que nous appelons maintenant l'ordonnance traditionnelle. C'est une fonction que nous pouvons déléguer à d'autres.
Troisièmement, il y a les conseils ou la consultation : le patient comprend-il comment il doit prendre son médicament? Sait-il pourquoi il doit le faire et à quel résultat il peut s'attendre? Le pharmacien a-t-il le temps de consulter le médecin du patient au sujet des résultats visés? Le médecin consultera-t-il le pharmacien au sujet des mêmes résultats?
Et enfin, il y a la surveillance ou le suivi : le médicament donne-il les résultats escomptés? Les pharmaciens sont ceux qui voient les patients le plus souvent. Quelqu'un s'occupe-t-il de voir si le patient obtient les résultats escomptés avec un minimum d'effets secondaires?
La Dre Metge fait remarquer que les pharmaciens font du bon travail en ce qui a trait à la dose, mais qu'ils ont reçu une formation excessive pour utiliser cette fonction comme leur seul service à la société. Il faut accroître le rôle des pharmaciens si on veut améliorer la santé des Canadiens et réaliser des économies de coût dans le régime des soins de santé.
La Commission sur l'avenir des soins de santé au Canada en est arrivée à une conclusion uniforme au sujet du rôle des pharmaciens. Je demande au comité d'examiner soigneusement la recommandation 39 du rapport Romanow, qui se lit comme suit :
Il faudrait établir un nouveau programme de gestion des médicaments pour venir en aide aux Canadiens atteints de maladies chroniques et de certaines maladies potentiellement mortelles. Il faudrait intégrer le programme aux démarches de soins de santé primaires partout au pays. |
À l'appui de cette recommandation, la Commission a fait remarquer ce qui suit :
La consommation efficace de médicaments d'ordonnance et d'autres médicaments s'inscrirait dans cette prise en charge. Il s'ensuit également que les pharmaciens peuvent jouer un rôle de plus en plus grand au sein de l'équipe des soins de santé primaires en vérifiant si les patients prennent bien leurs médicaments et en indiquant aux médecins et aux patients si certains médicaments conviennent à certaines affections... surveiller la consommation de médicaments des patients et donner une meilleure information sur les médicaments sur ordonnance. |
Cela s'appliquerait aux économies dont on parle si souvent dans des études sur le traitement complet des patients au Manitoba et partout au Canada.
Merci de votre attention.
Á (1120)
La présidente: Merci beaucoup, madame Kremers.
Nous allons commencer la période de questions avec M. Merrifield.
M. Rob Merrifield: Eh bien, nous avons de nouveau une intéressante brochette de témoins. Merci d'être venus nous rencontrer. Vos témoignages vont de l'Internet à la pharmacie avec tout ce qu'on peut trouver entre les deux.
Commençons par les cyberpharmaciens, dont le chiffre d'affaires il y a deux ans s'élevait à quelque 400 millions de dollars par an et à 1,2 milliard de dollars l'an dernier, je crois. Et c'est là que se situe votre préoccupation. À cela s'ajoutent probablement aussi les pressions dues à la réduction de 20 p. 100 du nombre des pharmaciens. Ce que vous dites, c'est qu'il y a une pénurie de pharmaciens.
Je m'interroge également sur ce que vous avez dit au sujet de la pénurie de médicaments. Je me demande ce qui explique une telle pénurie. N'avez-vous pas priorité sur les cyberpharmaciens, ou peuvent-ils se procurer les médicaments avant vous parce qu'ils achètent en plus grande quantité? Pourriez-vous nous parler des fabricants, nous expliquer la situation?
Mme Michele Fontaine: Nous croyons que les fabricants savent qu'ils exportent de grandes quantités de médicaments aux États-Unis. On a maintenant interdit à ces cyberpharmacies d'acheter les médicaments directement des fabricants. On essaie également de limiter la distribution par le truchement des grossistes. On surveille en outre les irrégularités dans des commandes de grande quantité qui n'ont pas été exécutées afin de voir ce qui en est.
Nous croyons qu'il existe un énorme approvisionnement illégal clandestin. Nous avons des preuves que les cyberpharmacies demandent également à d'autres pharmacies dans les localités d'acheter des médicaments en leur nom, qu'elles leur versent un supplément pour les médicaments qu'elles se procurent ainsi, et qu'elles exportent ensuite ces médicaments aux États-Unis.
Á (1125)
M. Rob Merrifield: Elles ont vraiment recours à des pharmaciens?
Mme Michele Fontaine: Oui.
M. Rob Merrifield: C'est de cette façon qu'elles obtiennent les médicaments.
Mme Michele Fontaine: Elles court-circuitent illégalement...
M. Rob Merrifield: C'est ce que vous entendiez par « approvisionnement illégal clandestin ».
M. Greg Skura: J'ai quelque chose à ajouter à ce sujet.
Lorsqu'un médicament est mis en vente au Canada... Si l'utilisation de ce médicament ne représente que 2 p. 100 au Canada, supposons, elle peut s'élever jusqu'à 40 p. 100 aux États-Unis. Les sociétés déterminent donc quelles quantités de médicaments seront mises en marché au Canada ou au Manitoba. Lorsqu'une cyberpharmacie vend ce médicament, dans bien des cas, les quantités disponibles sont limitées, car les sociétés limitent la quantité de médicaments qui sera mise en marché chaque mois.
C'est de là que vient le problème. Les cyberpharmacies prennent de l'expansion et n'arrivent pas à se procurer suffisamment de médicaments. Elles cherchent d'autres moyens de se les procurer. Et puisque nous devons passer par des grossistes, il y a maintenant une pénurie de médicaments à vendre à nos concitoyens du Manitoba.
M. Rob Merrifield: Cela m'étonne... J'ai rencontré à mon bureau des représentants des sociétés pharmaceutiques. Ils m'ont parlé de ce problème, et les fabricants de médicaments de marque me disent que c'est un problème pour eux également. Mais comme ils savent quels médecins prescrivent quelle quantité de médicaments, je n'arrive pas à croire qu'ils ne réussissent pas à retracer où le médicament est acheté. Ce n'est pas logique.
Les sociétés pharmaceutiques ferment-elles les yeux sur ce commerce clandestin? Comment peuvent-elles faire cela impunément et déclarer en toute honnêteté et en toute légitimité qu'elles ne savent pas qui se livre à de telles activités?
M. Lothar Dueck: La pénurie signifie simplement que la demande est supérieure à l'offre. A titre de pharmaciens qui veillent à la santé des Manitobains et des Canadiens, nous estimons que le détournement de ces médicaments constitue un problème grave pour notre régime de soins de santé. Nous n'avons pas de solution. Nous constatons le problème. Nous sommes sollicités. Et compte tenu de la nature de notre travail, nous devons verser des salaires beaucoup plus élevés à nos pharmaciens. Certaines pharmacies s'engagent dans la vente électronique afin d'obtenir des revenus supplémentaires pour payer leurs dépenses et pour pouvoir continuer à servir la population canadienne, et plus particulièrement les Manitobains.
Mme Michele Fontaine: J'aimerais ajouter quelque chose, si vous me le permettez.
Notre coalition est un comité spécial. Nous n'avons pas de budget. C'est le gouvernement de notre province et peut-être le gouvernement fédéral qui devraient assumer le fardeau de la preuve. Nous n'avons pas les ressources nécessaires pour enquêter sur les raisons des pénuries.
Tout ce que je puis vous dire, c'est que, lorsque j'ai besoin de Purinethol en pédiatrie, pour mes patients qui souffrent de leucémie, je dois passer cinq heures au téléphone pour trouver suffisamment de médicaments jusqu'ils soient mis à nouveau en marché mais quand je rentre chez moi je découvre que ce médicament est disponible sur Internet. Je m'interroge. Je n'ai pas les ressources nécessaires pour répondre à cette question, mais j'aimerais bien que quelqu'un d'autre le fasse, et j'estime que le gouvernement devrait assumer le fardeau de la preuve.
M. Rob Merrifield: Cela m'amène à ma deuxième question. Quelle sorte de lobbying devrait-on faire auprès du gouvernement de votre province, et que faites-vous à cet égard?
M. Greg Skura est peut-être celui qui peut répondre à cette question.
M. Ronald Guse: Je vais laisser Greg répondre en premier et j'apporterai ensuite quelques précisions supplémentaires.
M. Greg Skura: Nous avons essayé d'obtenir un rendez-vous avec le ministre de la Santé du gouvernement du Manitoba, mais en vain. Nous croyons savoir que les cyberpharmacies créent de nombreux emplois, et c'est le principal avantage qu'on y trouve. Ces pharmacies ne tiennent pas compte du coût accru des médicaments, de la pénurie de pharmaciens ou de la qualité des soins que les pharmaciens peuvent offrir.
Les cyberpharmacies ne se préoccupent pas du tout de la santé des Canadiens. Elles n'offrent pas de cliniques gratuites. Elles n'offrent pas de consultations sur les éruptions cutanées qu'un enfant peut avoir, sur sa toux, s'il a le croup, ou sur quoi que ce soit d'autre. Nous avons tous eu l'occasion d'aller à la pharmacie demander des conseils. Les pharmaciens sont toujours à notre disposition et leurs conseils sont gratuits.
Les cyberpharmacies disent qu'il y a toujours de nouvelles chaînes. Effectivement, les pharmacies Shoppers sont ouvertes jusqu'à minuit, et n'est-ce pas commode? Je peux consulter mon pharmacien jusqu'à minuit au sujet de mes problèmes de santé. Ce sont le genre de services que les cyberpharmacies n'offrent pas.
M. Lothar Dueck: Pour ce qui est du gouvernement fédéral, nous avons rencontré des représentants de Santé Canada pour discuter de nos inquiétudes au sujet des cyberpharmacies. Nous avons également discuté avec les collaborateurs de M. Rock et de M. Pettigrew. Il ne semble pas y avoir de problèmes pour l'instant.
Á (1130)
M. Rob Merrifield: Ce que vous dites, c'est que vous n'obtenez pas d'appui du gouvernement provincial.
M. Lothar Dueck: Ni de l'un et ni de l'autre gouvernement.
La présidente: Nous entendrons cet après-midi le ministre de la Santé de votre province. On pourra peut-être lui poser la question.
M. Rob Merrifield: Nous la lui poserons à votre place.
Mme Michele Fontaine: Excusez-moi de vous interrompre. La réponse que nous avons reçue du ministre, et aussi je crois de Mme MaryAnn Mihychuk, c'est que le problème que nous imaginons probablement, je suppose, puisqu'aucun Manitobain ne s'est vu refuser de médicaments.
Je ne vois pas comment ils peuvent dire une telle chose. Le tapazole n'est pas disponible. Nous n'arrivons pas à nous en procurer. Mais nous ne téléphonons pas au ministre tous les jours pour lui dire que nous ne sommes pas en mesure de fournir ce médicament. Nous faisons de grands efforts pour en trouver.
J'ai déjà acheté des médicaments d'un hôpital en Ontario pour un patient souffrant d'une tumeur au cerveau car c'était le seul endroit où je pouvais m'en procurer. Nous téléphonons aux médecins. Nous trouvons des solutions de rechange. Nous nous assurons qu'en fin de compte, le patient reçoit ce dont il a besoin.
Il est peut-être vrai que personne ne s'est vu refuser de médicaments, car nous ne ferions jamais cela à un patient. Nous faisons de grands efforts pour veiller à leur sécurité et à leur santé. J'estime que leur réponse est inacceptable, et c'est tout ce que je puis dire.
La présidente: M. Guse souhaite également répondre à cette question.
M. Ronald Guse: C'est un sujet dont nous pourrions discuter longuement, car il reste encore des questions sans réponse au sujet de la légalité de ce commerce et de la sécurité des patients. Il y a certes un certain nombre de questions politiques qui doivent être résolues des deux côtés de la frontière, par les commissions des États, par les gouvernements des provinces et par les gouvernements fédéraux des deux pays. C'est un sujet pour le moins intéressant.
Pour ce qui est du gouvernement provincial, l'orientation qu'il a manifestée semble avoir été adoptée par la ministre de l'Industrie, du Commerce et des Mines, M. Mihychuk. Il est déconcertant de ne pas avoir obtenu de réponse directe de notre ministre. C'est une question à laquelle nous travaillons, tout comme d'autres.
Ce que nous voulons obtenir de la ministre et du gouvernement, c'est une analyse d'ensemble, car même si ce phénomène est peut-être une manne pour l'industrie et l'emploi au Manitoba, une telle augmentation se fait nécessairement aux dépens d'autre chose. Ce qui nous préoccupe, c'est que cette autre chose, c'est l'accès des Canadiens aux médicaments.
L'Association pharmaceutique du Manitoba a déclaré, à titre d'organisme de réglementation, qu'elle est prête à appuyer cette activité si elle est réalisée de façon sûre et légale et qu'on accorde la priorité aux Manitobains. Je ne crois pas que ces sujets aient été abordés.
M. Rob Merrifield: Parlant de la difficulté que vous avez à obtenir de nouveaux médicaments, vous en avez mentionné deux ou trois. J'essaie de comprendre l'ampleur du problème. S'agit-il d'un problème chronique ou périodique? Va-t-il en augmentant ou est-il stationnaire?
Mme Michele Fontaine: Le nombre des pénuries augmente. Pour ce qui est du caractère chronique du problème, l'approvisionnement de certains médicaments fait chroniquement défaut. Le fabricant du chronovera en dose de 240 mg nous a dit que le médicament ne sera pas disponible avant janvier 2004. Or, on peut se le procurer sur au moins 15 sites Web.
D'autres pénuries sont de moins longue durée. On a manqué de sinemet CR brièvement. On en met quelques bouteilles en marché, puis on en manque.
C'est un peu les deux.
M. Rob Merrifield: Je ne sais pas si vous connaissez la réponse à cette question, mais les pharmaciens et vos collègues des autres provinces ont-ils signalé des pénuries d'un bout à l'autre du pays? Ce problème ne touche pas seulement le Manitoba; il se produit également dans d'autres provinces, et il est certain que l'approvisionnement pourrait venir de ces autres provinces.
M. Ronald Guse: Si vous me permettez de vous répondre rapidement, je crois que c'est un problème national. Je ne peux pas parler au nom de la coalition, mais c'est pour cette raison que nous avons abordé le sujet.
Je sais que la coalition en a parlé clairement ce matin. Il s'agit d'un problème national.
Certains ont peut-être l'impression que ce problème est concentré au Manitoba. Il y a d'autres raisons à cela, que je pourrais vous expliquer en détail, mais il s'agit bien d'un problème national.
Il y a des services de pharmacie internationaux au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta, en Colombie-Britannique, en Ontario et dans l'est. Est-ce que chacune de ces provinces a connu des pénuries comme celle dont on a fait état ici?
Comme certains fabricants ne savent pas exactement ce qui se passe dans les autres provinces, en raison du mode d'octroi de licence aux pharmacies, ils ont d'autant plus de mal à gérer la situation. Sans vouloir parler au nom des fabricants, ils ont des problèmes de dette. Regardons les choses en face. Leur produit est destiné au Canada, et l'idée que leur produit soit livré sur le marché américain les préoccupe.
Dans l'ensemble, l'organisme de réglementation professionnel dit que la chaîne d'approvisionnement des médicaments au Canada était, et reste dans la plupart des cas, phénoménale. Un pharmacien du Manitoba pourrait vendre sa dernière bouteille d'un produit à un patient et la remplacer plus tard la même journée sinon le lendemain matin. C'est ainsi que les choses se passaient.
Je puis vous dire que maintenant les pharmaciens, pas seulement ceux du Manitoba mais de tout le pays, craignent de ne pas pouvoir regarnir leurs étagères.
Á (1135)
M. Rob Merrifield: Est-ce que cela touche les médicaments génériques et les médicaments brevetés, ou seulement...?
M. Ronald Guse: En général, les produits livrés aux États-Unis sont des médicaments de marque déposée, pas des médicaments génériques. Le paradoxe c'est que les médicaments génériques sont considérablement moins chers aux États-Unis qu'au Canada.
M. Rob Merrifield: Ainsi, il n'y a pas de pénurie là-bas.
M. Ronald Guse: Il ne semble pas y en avoir.
La présidente: Merci, monsieur Merrifield.
Monsieur Thompson.
M. Greg Thompson: Merci, madame la présidente.
J'aimerais revenir à la question de la cyberpharmacie ou, comme M. Guse l'appelle, la pharmacie par correspondance. Monsieur Guse, je regarde l'énoncé de mission qui se trouve dans le mémoire que vous avez présenté au nom de l'Association pharmaceutique du Manitoba. Vous dites que cette association est semblable au Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, etc. Vous dites que l'APM veut protéger le public. Dans votre exposé vous dites, et je vous cite : « Cette tâche couvre différentes sphères de responsabilité, notamment le droit d'exercer, l'établissement de normes et le contrôle de leur application, les enquêtes sur les plaintes », etc.
Il me semble qu'on récompense vos pharmaciens pour leur mauvaise conduite. Il y a ici un groupe de pharmaciens qui parlent d'un problème. Vous êtes assis à l'autre tout de la table et il me semble que vous exercez un certain pouvoir à l'égard de ces pharmaciens qui créent le problème que ces personnes ont identifié, mais que vous n'intervenez pas.
Puis on nous dit que le gouvernement provincial—et peut-être le gouvernement fédéral—devrait faire quelque chose. Mais n'avez-vous pas vous-même la responsabilité de faire cesser ce genre d'activité lorsque vous savez qu'il y a un danger pour le public?
M. Ronald Guse: L'Association pharmaceutique du Manitoba détient son pouvoir du gouvernement. Je dois agir dans le cadre d'une loi provinciale, la Loi sur les pharmacies du Manitoba et des règlements d'application de cette loi.
M. Greg Thompson: Mais vous parlez de la protection du public dans votre exposé. Donc, ce n'est pas exact. En d'autres mots, vous n'avez aucun pouvoir ou influence.
M. Ronald Guse: En ce qui concerne ce problème, franchement je suis d'accord. Il nous faudrait d'autres pouvoirs d'enquête non seulement pour découvrir les faits mais également pour transmettre l'information à ceux qui en ont besoin.
M. Greg Thompson: J'entends souvent ce genre de langage codé lorsque je m'adresse à certains groupes. Vous savez que le problème existe puis vous essayez de parler en codes pour que nous ne sachions pas vraiment ce qui se passe. Puis si quelqu'un essaie d'intervenir, vous utilisez un langage flou qui manque de fermeté et de conviction. Il semble que le problème s'éternise.
Peut-être que d'autres membres du comité pourront reprendre cette question, je ne veux pas y consacrer tout le temps dont je dispose. Je pense que nous avons mis le doigt sur quelque chose. Je suis convaincu que M. Robinson et d'autres voudront également soulever cette question.
Vous avez mentionné quelque chose que j'aimerais que vous me précisiez. Vous avez parlé de la codéine—c'est très précis—qui est en vente libre sans ordonnance. Le Tylenol 3 contient de la codéine et c'est l'une des raisons pour lesquelles il est disponible uniquement sur ordonnance. Est-ce exact?
M. Ronald Guse: C'est exact.
M. Greg Thompson: Combien de codéine contient le Tylenol 3 comparativement au Tylenol en vente libre? En d'autres mots, je me demande si le Tylenol en contient une quantité excessive.
M. Ronald Guse: Le Tylenol 3 contient 30 mg de codéine. La teneur en codéine des produits en vente libre ne doit pas dépasser 8 mg.
M. Greg Thompson: Très bien. C'est une question très précise. Je n'ai pas beaucoup de temps et j'aimerais approfondir cette question avec vous.
Mais je pense que Marian parlait en codes au sujet du rôle élargi des pharmaciens. Je comprends le travail d'équipe et la possibilité pour les pharmaciens d'intervenir beaucoup plus. En d'autres mots, j'ai du mal à concevoir que quelqu'un d'aussi instruit que vous et les autres pharmaciens, comptiez des pilules une à une. Greg Thompson est capable de compter des pilules sans aucune formation.
Je comprends la nécessité d'élargir le rôle des pharmaciens et je comprends le travail d'équipe. Certains témoins nous ont dit que cette approche donnait de bons résultats. Mais lorsque j'entends ce langage codé, il me semble que certains groupes au sein de l'industrie pharmaceutique voudraient que la personne qui vend la pilule puisse aussi la prescrire. En d'autres mots, je veux vendre la pilule et la prescrire en même temps, alors faisons des pressions en ce sens. C'est l'impression que j'ai et je voudrais que vous me disiez si vous pensez que les pharmaciens devraient avoir le droit de rédiger des ordonnances en plus de vendre des médicaments. Voyez-vous un problème à cela?
Á (1140)
Mme Marian Kremers: À première vue, il semblerait y avoir un conflit d'intérêt, mais en fait, le système actuel crée davantage de conflit d'intérêt car le pharmacien est récompensé financièrement lorsqu'il vend un produit. Si nous choisissons de ne pas exécuter une ordonnance, nous ne sommes pas payés en vertu du système actuel. Si nous pouvions fournir des soins pharmaceutiques, à titre de professionnels, nous pourrions recommander à un patient de cesser de prendre un médicament pour son propre bien sans subir de préjudice financier. Ainsi, ce ne sont pas nécessairement les pharmaciens traditionnels qui travaillent dans une pharmacie communautaire qui établiraient des ordonnances, mais plutôt un pharmacien rémunéré par un organisme gouvernemental, par exemple, pour ses compétences spécialisées en matière d'ordonnances. Ce pharmacien ne serait peut-être pas celui qui exécuterait l'ordonnance et il n'aurait peut-être aucun lien avec une pharmacie commerciale.
M. Greg Thompson: Eh bien, nous voyons que l'industrie récompense toutes sortes de mauvaises conduites. Je voulais simplement...
Mme Marian Kremers: Je n'aime pas que vous parliez d'une industrie. Il s'agit d'une profession, monsieur Thompson. L'industrie, ce sont les fabricants de médicaments.
M. Greg Thompson: Vous jouez sur les mots, mais je pense qu'il est assez évident que les conduites répréhensibles sont récompensées au sein de la profession pharmaceutique.
Mme Marian Kremers: En tant que présidente de la Société manitobaine des pharmaciens, je constate sans cesse la frustration de nos membres qui ne sont pas récompensés adéquatement pour les services qu'ils fournissent aux résidents du Manitoba comparativement aux récompenses que reçoivent certains du ministère de l'Industrie, du Commerce et des Mines.
M. Greg Thompson: On me coupe la parole, mais je vous remercie. Nous aurons peut-être l'occasion de continuer cette discussion lors d'un prochain tour.
La présidente: Merci, monsieur Thompson.
Monsieur Dromisky.
M. Stan Dromisky: Merci beaucoup.
Sur une note positive, d'après ma propre expérience, les pharmaciens sont absolument extraordinaires. Je les regarde faire pendant qu'ils servent d'autres clients. Ils donnent beaucoup de conseils, et fournissent de l'information, etc. Je parle de la manière dont la relation entre le pharmacien et ses clients s'est améliorée ces dernières années. Ceux avec qui je fais affaire depuis des années dans ma collectivité sont de vrais professionnels.
Mme Marian Kremers: Cela fait grand plaisir à entendre.
M. Stan Dromisky: C'est très positif.
Cette relation entre le pharmacien et son client amène celui-ci à lui raconter ce qu'on pourrait appeler des secrets de famille, des choses très personnelles, et il donne de l'information au sujet des médicaments qu'un médecin lui a prescrit. Souvent on les entend dire que les choses ne vont pas bien. En d'autres mots, le pharmacien reçoit de l'information sur les effets indésirables d'un médicament et c'est là-dessus que porte ma question. Est-ce que vous avez, au Manitoba, un réseau ou un autre moyen de partager l'information que vous recueillez, même si elle repose sur des oui-dire, avec le médecin qui a rédigé l'ordonnance ou d'autres pharmaciens? Avez-vous un réseau pour transmettre cette information au fabricant, ou même à d'autres patients qui vous apportent une ordonnance pour le même médicament? Est-ce qu'il y a un suivi?
Á (1145)
Mme Marian Kremers: Oui, il y a de nombreux mécanismes. L'un d'entre eux, évidemment, le plus long, est le programme de déclaration des effets nocifs des drogues.
M. Stan Dromisky: À Santé Canada.
Mme Marian Kremers: C'est exact.
M. Stan Dromisky: Je sais que Santé Canada ne se sert pas de cette information.
Mme Marian Kremers: J'ai tendance à penser comme vous. D'ailleurs, ce n'est que tout récemment que Santé Canada a commencé à accepter les déclarations des pharmaciens. Auparavant, seuls les médecins pouvaient soumettre de tels rapports.
Bien sûr, le pharmacien informe le médecin et c'est même son devoir de le fa, lorsqu'il constate des effets nocifs. C'est ainsi que nous pouvons contribuer à améliorer les soins prodigués aux patients, en informant les médecins lorsqu'il semble y avoir un problème.
M. Stan Dromisky: C'est-à-dire, lorsque vous n'êtes pas trop occupés pour communiquer avec le médecin.
Mme Marian Kremers: C'est le problème en partie, parfois c'est d'obtenir une réponse. Toutefois, ce n'est pas de cela qu'il s'agit, mais nous jouons certainement ce rôle.
Nous partageons évidemment l'information que nous obtenons avec nos collègues. Cela ne fait pas partie d'une notation officielle, et c'est donc disponible sur le réseau. Je ne sais pas comment on peut le faire et continuer à assurer la confidentialité du système.
M. Stan Dromisky: Ma question suivante porte sur une possibilité que M. Thompson a déjà soulevée et que le comité a commencé à explorer. Vous savez qu'il existe des infirmières praticiennes? Or, personne ne connaît aussi bien que vous les produits chimiques et les médicaments. Les médecins savent très peu de choses—je le dis très franchement—et ils se fient beaucoup à l'information et aux conseils que vous leur donnez.
Mme Marian Kremers: Je souhaiterais qu'ils nous fassent un peu plus confiance.
M. Stan Dromisky: Oui, c'est bien possible.
Nous avons un problème dans bon nombre de collectivités isolées ou plus petites, et ce problème est aggravé par le commerce transfrontalier. Vous perdez beaucoup de pharmaciens. Je ne sais pas si on a songé à mettre sur pied un programme intégré, pour harmoniser les programmes de médecine et de pharmacie dans les universités. Un pharmacien pourrait obtenir des crédits et des cours supplémentaires pour devenir pharmacien praticien dans les collectivités où on a grand besoin de quelqu'un qui ferait du travail préliminaire pour les patients, en l'absence de médecin. On pourrait aussi avoir un pharmacien itinérant, comme nous en avons dans diverses collectivités du nord-ouest de l'Ontario et ailleurs au pays. Dans votre profession, a-t-on songé à rehausser ainsi votre rôle, si je peux dire?
Voici comment je vois les choses. Je pense qu'on pourrait améliorer la qualité de vie en faisant plus que simplement dispenser des médicaments, en donnant davantage de conseils. Je sais que cela se fait déjà dans ma circonscription. Le pharmacien a un rôle très important en conseillant les patients, mais j'aimerais bien que cela se fasse de manière plus professionnelle.
Mme Marian Kremers: À l'échelle nationale, l'Association des pharmaciens du Canada s'est adressée au gouvernement pour de nombreuses questions, notamment les pharmaciens prescripteurs, soit des praticiens semblables à ceux que vous décrivez, ainsi que les infirmières praticiennes, des professionnelles qui ont eu une formation supplémentaire. Les gens qui sortent maintenant des universités pourraient toutefois s'acquitter efficacement de ce rôle.
M. Stan Dromisky: Vous parlez de quels diplômés, les pharmaciens?
Mme Marian Kremers: Les récents diplômés en pharmacie sont plus à même de s'acquitter de ce rôle.
M. Stan Dromisky: Pourquoi le sont-ils plus que les diplômés d'il y a 10, 15 ou 20 ans? Y a-t-il des nouveautés dans le programme?
Á (1150)
Mme Marian Kremers: Certainement. Il y a 20 ans, bien franchement, je n'aurais pu assumer ce rôle. Les programmes ont énormément changé au cours de la dernière décennie.
M. Ronald Guse: Si vous permettez, j'aimerais vous en parler un peu. Le programme est maintenant d'une durée de cinq ans. Quand Marian et moi avons reçu notre diplôme, c'était un programme de quatre ans. Dans cette année supplémentaire, on parle d'une intervention accrue du pharmacien. En outre, les médicaments sont beaucoup plus complexes qu'autrefois. Il y a différents domaines d'étude comme la pharmacocinétique, qui en était à ses balbutiements à la fin de mes études. Les choses sont plus complexes et les pharmaciens sont formés en conséquence.
Comme vous et Marian, nous pensons que le pharmacien doit être sollicité davantage, pour faire les tâches que vous décrivez. Il y a de nombreuses questions de ce genre, intéressantes, sur le partage des compétences entre le fédéral et les gouvernements provinciaux. Les médicaments d'ordonnance sont approuvés par le gouvernement fédéral, mais c'est la province qui décide qui peut prescrire ces produits, la plupart du temps.
Comme nous l'avons déjà dit, nous avons proposé au gouvernement provincial des façons de recourir aux pharmaciens pour améliorer l'accès aux médicaments d'ordonnance pour les patients. Je ne pense pas que nous soyons là pour dire qu'un pharmacien est un expert, ou pourrait devenir un expert en diagnostic, capable de dire exactement ce qui ne va pas chez un patient; mais pour des problèmes mineurs, c'est possible.
Il faudrait toutefois, bien entendu, qu'un médecin pose le diagnostic. Mais quand il s'agit de savoir quel médicament est préférable pour traiter une maladie, le pharmacien peut collaborer avec le médecin, je pense. Et pour les objectifs de traitement fixés par le médecin, qui veut amener un patient à un certain état de bien-être, s'il faut recourir à des médicaments, comme c'est souvent le cas, le pharmacien peut s'en occuper.
La présidente: Merci, monsieur Dromisky.
C'est à vous, monsieur Robinson.
M. Svend Robinson: Merci beaucoup à tous nos témoins ce matin.
Mes questions portent sur deux sujets.
Plus tôt ce matin, dans le premier groupe de témoins, nous avions un médecin praticien, le Dr Katz, qui nous a parlé d'un programme informatique qu'on a au Manitoba. Quand un patient reçoit une ordonnance pour un médicament donné, toutes les autres ordonnances s'affichent et un avertissement est donné s'il y a un risque d'interaction médicamenteuse. Il y a un avertissement. On nous a aussi dit que cela fonctionne pas. D'après le Dr Katz, du moins, les pharmaciens ne communiquent pas avec les médecins pour leur faire part des avertissements reçus sur les effets indésirables découlant d'interaction médicamenteuse. Il nous a dit qu'en dix ans de pratique, il n'a jamais reçu d'appel, alors qu'il y a pourtant eu des circonstances où le risque d'effet indésirable résultant d'interaction médicamenteuse était manifeste.
J'aimerais que vous nous m'expliquiez pourquoi il en est ainsi et pourquoi le système ne semble pas fonctionner.
Mme Marian Kremers: Peut-être que le Dr Katz n'est pas très disponible pour prendre des appels.
M. Svend Robinson: Il dit n'avoir jamais reçu d'appel.
Mme Marian Kremers: Je fais confiance aux pharmaciens pour régler le problème, dans tous les cas. Peut-il pouvaient-ils régler le problème sans communiquer avec le médecin. Je trouve assez étrange que le Dr Katz, en tant que médecin, n'ait pas reçu d'appel. Quand j'étais en pratique, je téléphonais souvent aux médecins. Je ne comprends pas pourquoi on n'a pas communiqué avec le Dr Katz. Peut-être que Michelle ou certains de nos pharmaciens qui pratiquaient encore récemment peuvent répondre à cette question.
Mme Michele Fontaine: Parfois, les interactions sont présentées sous forme de codes. Il y a les codes ME1, ME2, ME3. Il y a aussi la série des MY, MZ et MW. Parfois, ils passent inaperçus à cause de la quantité de codes affichés. C'est une bonne chose qu'on puisse les voir, mais ils peuvent nous échapper. Si c'est ME1, c'est le niveau le plus élevé d'interaction. Dans ces cas-là, il faut appeler le médecin. C'est parfois pour une courte période. On peut peut-être trouver une solution, par exemple, en recommandant au patient de ne pas prendre son Lipitor pendant qu'il consomme de l'érythromycine.
Je crois qu'au départ, quand ce programme a été lancé, le pharmacien était peut-être dépassé par la quantité de codes, incapable de les identifier et d'agir en conséquence. Je pense que ce système s'améliore. Les nouveaux diplômés savent mieux se servir du système. Les codes ont été simplifiés. Le système s'améliore probablement. Il n'est peut-être pas parfait, mais il est utile, j'en suis sûre.
Á (1155)
M. Ronald Guse: L'exemple du Dr Katz est peut-être l'exception qui confirme la règle. Si vous parliez à bon nombre de médecins, ils se plaindraient probablement du contraire, soit d'être constamment dérangés par les pharmaciens qui, gentiment, j'espère, leur fournissent ce genre de renseignements. Le système est utilisé.
M. Svend Robinson: Vous êtes des professionnels et j'espère que si cet avertissement est affiché, vous serez les premiers à le voir. Je présume que c'est ce qui se passe, mais vous comprendrez que quand on entend ce genre de témoignage, on s'inquiète.
Mes autres questions portent sur les pharmacies sur Internet. J'aimerais essayer de les comprendre.
Tout d'abord, pourquoi a-t-on créé en juin dernier la Coalition for Manitoba Pharmacy? Il y a déjà la Manitoba Society of Pharmacists et il me semble que si elle se penche déjà sur cette question, il n'était pas nécessaire de créer un organisme distinct. Jusqu'ici, les représentants de la Manitoba Society of Pharmacists ont été muets sur cette question. Je leur demande donc directement quelle est leur position? Pourquoi une coalition spéciale a-t-elle été jugée nécessaire?
Vous dites ne pas avoir de budget. Votre coalition reçoit-elle un quelconque financement du secteur pharmaceutique?
M. Lothar Dueck: Nous n'avons actuellement pas de financement.
M. Svend Robinson: Aucun financement.
M. Lothar Dueck: Nous n'avons pas de financement, nous sommes bénévoles.
M. Svend Robinson: Revenons à la société des pharmaciens.
M. Scott Ransome (directeur exécutif, Manitoba Society of Pharmacists): La Manitoba Society of Pharmacists représente tous les pharmaciens, notamment, comme on l'a dit plus tôt aujourd'hui, ceux qui pratiquent dans le domaine de la pharmacie internationale, soit jusqu'à 20 p. 100 de l'ensemble des pharmaciens du Manitoba. Nous représentons aussi les pharmaciens qui travaillent dans les hôpitaux et ceux qui travaillent dans les pharmacies communautaires. Notre organisation représentent tous les pharmaciens et il va de soi qu'une bonne partie de nos membres travaillent en pharmacie internationale.
M. Svend Robinson: N'êtes-vous pas aussi préoccupé par certaines questions éthiques soulevées au sujet de ceux que vous représentez, à savoir que des ordonnances sont exécutées sans communication directe entre le médecin et le patient?
M. Scott Ransome: Il va de soi que cela nous préoccupe. Nous avons une position officielle sur le sujet. Notre position est à mon avis assez équilibrée, mais nous signalons à tous les pharmaciens en pratique qu'ils doivent se conformer aux lois provinciales, fédérales, internationales de même qu'au code d'éthique ou de conduite du Manitoba. Nous n'encourageons personne à faire fi de ses responsabilités professionnelles.
M. Svend Robinson: Parlons de la relation entre le médecin et le patient.
D'après le mémoire de la coalition, au Manitoba, les médecins ne peuvent rédiger ce genre d'ordonnances. Pour les obtenir, si j'ai bien compris, il faut s'adresser à un médecin d'une autre province. Une question se pose alors : Pourquoi des médecins des autres provinces rédigeraient-ils des ordonnances pour des patients qu'ils n'ont jamais vus? N'y a-t-il pas des codes de conduite semblables pour les autres provinces, qui empêchent les médecins d'agir ainsi, sous peine de perdre la possibilité d'exercer la médecine?
M. Ronald Guse: J'aimerais répondre à cette question, si vous permettez. Je vais essayer de parler clairement.
Quand nous disposons de ce genre de renseignements, notre loi provinciale, la Loi sur les pharmacies nous empêche d'en faire part aux ordres professionnels des autres provinces. Je ne peux pas vous dire que cela ne se fait pas, puisque si je vous le disais, comme la coalition l'a dit, je ne pourrais même pas confirmer que cela se produit. Je ne peux même pas vous confirmer que les pharmacies qui envoient des médicaments aux États-Unis ont recours aux médecins d'autres provinces.
M. Svend Robinson: Vous ne pouvez pas le confirmer?
M. Ronald Guse: Je ne peux pas vous le confirmer parce que si je le faisais, il pourrait s'agir de renseignements que j'ai constatés dans le cadre de vérifications sur place, c'est-à-dire des renseignements confidentiels.
Nous venons de vivre un procès contre moi, contre l'association dans son ensemble, mais dont j'étais la cible. Je n'ai pas enfreint la loi. D'après leur interprétation, j'avais enfreint la loi, mais c'est faux. Il en est résulté une longue procédure pour nous bâillonner, l'association et moi, en tant que registraire.
 (1200)
M. Svend Robinson: C'est scandaleux. Si vous pouvez trouver des médecins d'autres provinces ou territoires qui donnent des ordonnances en contravention de leur responsabilité morale... Vous êtes aux premières lignes. Pourquoi ne pourriez-vous pas les dénoncer directement, afin qu'il y ait un suivi dans les administrations de qui relèvent ces médecins, afin qu'ils ne puissent pas s'en tirer?
Je ne sais pas si vous voulez formuler des commentaires, mais à mon avis, cela va de soi.
M. Ronald Guse: Vous comprenez maintenant mon cauchemar.
Mme Michele Fontaine: Si vous permettez, mes propos répondront en partie à la question de M. Thompson . La coalition a été créée en réaction à l'accord de médiation conclu entre la MIPA, soit la Manitoba InternationalPharmacists Association, et la MPhA.
Vous demandez pourquoi la MPhA n'a pas de mordant. Je comprends et je crois que la MPhA faisait des inspections et essayait d'élaborer des règlements. C'est un organisme de réglementation. Le gouvernement du Manitoba a permis à la MIPA, ceux d'Internet, appelez-les comme vous voudrez, de venir lui parler, et il a fallu soudainement que l'organisme de réglementation participe à un processus de médiation qui, si j'ai bien compris, a eu pour aboutissement un accord qui permettait l'existence de la pharmacie par Internet, enlevant à l'association tout pouvoir.
L'accord a été conclu, je ne me souviens plus bien de la date et ils pourraient m'aider, mais ils se sont fait dire de ne pas parler à l'ensemble des pharmaciens avant un mois. L'accord n'a été divulgué que quelques jours avant l'élection, et les pharmaciens n'avaient qu'une semaine pour digérer l'information avant le vote qui portait sur l'adoption de cet accord de médiation.
En une semaine, 300 pharmaciens ont signé une pétition demandant que le vote soit reporté afin que tous puissent lire l'accord, le déchiffrer et essayer de le comprendre. Ils n'ont pas obtenu ce répit. Sur environ 1 000 membres, 307 se sont prononcés contre l'accord.
Pourquoi la MPhA n'a-t-elle pas de mordant? Vous pouvez poser la question à M. Chomiak.
M. Svend Robinson: Je pense que nous aurons de nombreuses questions à poser à M. Chomiak.
M. Greg Skura: J'aimerais ajouter que comme Ron l'a dit, il fait l'objet de poursuites. Il y en avait quelques-unes. Le gouvernement faisait la promotion de la pharmacie internationale et a déclaré que notre association, dont Ron est le registraire, devait faire en sorte que ça marche. Ron n'avait pas le choix. Il avait cette poursuite à titre personnel, parmi d'autres. Ils disposent de la jolie somme d'un million de dollars, juste pour le contentieux.
M. Svend Robinson: Puis-je poser une dernière, très courte question? Je suis désolé d'empiéter sur votre temps, mais c'est une question d'importance que nous voulons connaître à fond.
Voyons comment cela fonctionne. Quand vos membres, ceux du groupe de 20 p. 100 que vous représentez aussi—ce qui justifie votre prudence—reçoivent une ordonnance signée par un médecin de l'Alberta ou de la Saskatchewan, par exemple, et qu'ils constatent qu'elle vient d'une personne qu'ils reconnaissent comme un pharmacien sur Internet qui fait des achats répétitifs, par exemple, rien ne peut être fait? Je présume qu'ils ne veulent rien faire parce que c'est bon pour leurs affaires, mais est-ce que l'un ou l'autre de vos organismes peut agir, en pareil cas?
Vous dites que vous avez les mains liées, que même si vous savez ce qui se passe... On peut présumer que vous connaissez bien les pharmaciens par Internet. Vous savez très bien qui ils sont. Ils arrivent avec une ordonnance signée par un médecin de la Saskatchewan. Vous savez ce qui se passe, vous devez bien le savoir. Mais vous dites ne rien pouvoir faire.
Mme Marian Kremers: Non, nous ne pouvons rien faire parce que nous ne sommes pas un organisme de réglementation, mais...
M. Svend Robinson: Ma question s'adressait plutôt à...
M. Ronald Guse: D'après la loi, je peux communiquer l'information à mes collègues, et aux organismes, associations ou commissions de réglementation professionnelle. Je peux communiquer l'information à l'organisme de réglementation professionnelle des médecins du Manitoba, mais c'est tout.
M. Svend Robinson: Mais si vous en faites part à l'organisme qui délivre les permis d'exercice de la médecine, c'est-à-dire au Collège des médecins et chirurgiens, n'est-il pas lui-même habilité à en saisir ses homologues des autres provinces?
M. Ronald Guse: Notre conseiller juridique—et je peux vous signaler que nous avions un budget de 6 000 $ pour les questions juridiques en 2001 et que nous en sommes déjà à 91 000 $, alors que l'année n'est même pas terminée—a formulé son avis dans des termes que je pouvais comprendre, et il dit qu'on ne peut pas faire par des moyens détournés ce qu'il est interdit de faire au grand jour. Je peux donc en faire part à quelqu'un qui... Je peux aller du point A au point C, mais on ne me permet pas d'aller du point A au point B, puis du point B au point C. C'est interdit.
 (1205)
M. Greg Skura: Me permettez-vous de répondre brièvement?
Je sais que le Collège des médecins et chirurgiens du Manitoba a envoyé des lettres à tous les médecins en disant que cette pratique n'était pas bonne, puisque le médecin ne rencontre pas physiquement le patient. C'est au médecin de savoir s'il doit signer l'ordonnance ou non. Il reçoit de 10 $ à 15 $ pour chaque ordonnance, et c'est donc pour lui une autre source importante de revenus.
Si on ne met pas un terme à la pharmacie sur Internet, les médecins vont commencer...
M. Svend Robinson: Vous dites dans votre mémoire que c'est déjà interdit au Manitoba.
M. Greg Skura: Au Manitoba, oui, mais les médecins peuvent le faire à l'insu de tout le monde.
M. Svend Robinson: Les médecins du Manitoba?
M. Greg Skura: Oui.
M. Svend Robinson: Ils commettent donc une infraction?
M. Greg Skura: Ils commettent une infraction, mais ils ne vont pas... C'est à ce niveau qu'on ne peut prévenir personne... nous ne sommes pas Internet, et je ne vois donc pas les médecins qui signent ces ordonnances. Des ententes ont été signées entre Internet et les médecins, et l'affaire est tellement lucrative que personne ne pourra obtenir d'information à ce sujet.
La plupart des médecins—je dis la plupart d'entre eux, car je ne fais partie de la MPhA. De nombreux médecins viennent des Maritimes, du Nouveau-Brunswick, de la Colombie-Britannique ou d'ailleurs car il y a là des médecins qui ont leur propre site Internet et qui ne font que ça. Je crois qu'il y en a trois. C'est ce qu'on a vu dans le Globe and Mail il y a quatre mois. Mais tout le monde fait de l'argent avec cette formule.
Je connais un médecin du nord du Manitoba à qui on a proposé 15 000 $ par semaine pour signer des ordonnances sur Internet. Cela s'est produit il y a trois mois. Et c'est pourtant interdit par la loi. Il y a de l'argent à faire...
M. Svend Robinson: C'est assez tentant.
M. Greg Skura: Effectivement.
Mme Marian Kremers: Le véritable problème, c'est la Loi sur les pharmacies du Manitoba qui fait référence à tous les médecins reconnus au Canada, alors que dans la plupart des provinces, la loi ne s'applique qu'aux médecins de la province.
La présidente: Par conséquent, un changement mineur pourrait empêcher les médecins des autres provinces de signer ces ordonnances, n'est-ce pas?
Mme Marian Kremers: Je n'irais pas jusque là, mais cela aiderait beaucoup côté réglementation.
M. Ronald Guse: Madame la présidente, permettez-moi de clarifier ceci.
Si mon avocat était à côté de moi, il dirait qu'il y a des informations que nous pouvons partager avec les autorités de réglementation médicale d'autres provinces, mais les informations qu'il leur faudrait pour intervenir sont des informations que nous ne pouvons pas leur donner.
Nous pouvons donc amener les choses jusqu'à un certain niveau, mais une fois que nous avons piqué leur intérêt, nous ne pouvons pas aller au-delà.
Pour ce qui est de ce qui peut être prescrit et par qui cela doit être prescrit, j'ai dit tout à l'heure que le gouvernement fédéral occupait une partie du terrain et le gouvernement provincial le reste. Selon notre loi, toute ordonnance prescrite par une personne qui a une licence canadienne est valide.
Or, cette loi a été adoptée bien avant que n'existe Internet, et je suppose que cette loi a été adoptée pour que les Manitobains puissent se faire soigner sans problème dans une autre province. Nous sommes comme toutes les autres provinces. Nous avons des villes frontalières et des patients qui traversent la frontière pour se faire soigner en Ontario ou en Saskatchewan. C'est une pratique médicale tout à fait autorisée, pour le bien des patients et il faut accepter les ordonnances. Cependant cette loi n'avait pas prévu des patients américains avec des ordonnances signées par des médecins qu'ils n'ont jamais rencontrés, pas plus qu'elle ne devait leur faciliter l'accès à nos produits canadiens moins onéreux.
M. Greg Thompson: Madame la présidente, pourrais-je dire un mot, et c'est un simple commentaire.
Selon moi il y a eu violation du code. J'ai vraiment beaucoup apprécié votre témoignage et je sais que la présidente vous dira probablement la même chose, mais votre témoignage a vraiment été utile et je vous en remercie infiniment.
La présidente: C'est intéressant. Pendant la pause, M. Dromisky et moi nous sommes dit que la chose que nous avons apprise aujourd'hui, c'est que les Manitobains sont tellement honnêtes qu'ils n'ont pas vraiment autant besoin d'un code que les autres administrations. Je vous remercie infiniment de la franchise de votre évaluation de la situation et de nous avoir alertés comme on ne l'avait pas encore fait sur l'importance de ces problèmes. Vous nous en avez donné une bonne idée au mieux de vos connaissances.
Merci beaucoup.
Mesdames et messieurs, nous interrompons la réunion jusqu'à 13 heures.