PROC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 9 mars 2005
¹ | 1535 |
Le président (L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.)) |
M. Peter Aucoin (professeur de sciences politiques, Université Dalhousie) |
Le président |
M. Peter Aucoin |
Le président |
M. Peter Aucoin |
¹ | 1540 |
Le président |
M. David Smith (professeur d'études politiques, Université de la Saskatchewan) |
¹ | 1545 |
Le président |
M. Louis Massicotte (professeur agrégé, Faculté des arts et des sciences - Sciences politiques, Université de Montréal) |
Le président |
M. Louis Massicotte |
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ) |
M. Louis Massicotte |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
Le président |
M. Scott Reid (Lanark—Frontenac—Lennox and Addington, PCC) |
M. Louis Massicotte |
M. Scott Reid |
M. Louis Massicotte |
M. Scott Reid |
º | 1600 |
M. Louis Massicotte |
L'hon. Ed Broadbent (Ottawa-Centre) |
M. Louis Massicotte |
Le président |
Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.) |
M. Peter Aucoin |
º | 1605 |
Mme Françoise Boivin |
M. Peter Aucoin |
Le président |
M. Michel Guimond (Montmorency—Charlevoix—Haute-Côte-Nord, BQ) |
M. Louis Massicotte |
º | 1610 |
M. Michel Guimond |
M. Louis Massicotte |
Le président |
L'hon. Ed Broadbent |
M. Peter Aucoin |
º | 1615 |
L'hon. Ed Broadbent |
Le président |
L'hon. Ed Broadbent |
M. David Smith |
Le président |
M. Louis Massicotte |
Le président |
M. Peter Aucoin |
º | 1620 |
Le président |
M. Louis Massicotte |
Le président |
M. Louis Massicotte |
Le président |
M. Louis Massicotte |
Le président |
M. Dale Johnston (Wetaskiwin, PCC) |
M. Peter Aucoin |
Le président |
M. David Smith |
º | 1625 |
Le président |
M. Louis Massicotte |
Le président |
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester—Musquodoboit Valley, PCC) |
Le président |
L'hon. Ed Broadbent |
M. David Smith |
º | 1630 |
L'hon. Ed Broadbent |
Le président |
M. Peter Aucoin |
Le président |
M. Peter Aucoin |
Le président |
M. David Smith |
Le président |
M. Louis Massicotte |
º | 1635 |
Le président |
M. Peter Aucoin |
Le président |
M. Scott Reid |
M. Peter Aucoin |
M. Scott Reid |
M. David Smith |
º | 1640 |
M. Louis Massicotte |
Le président |
M. Peter Aucoin |
M. Louis Massicotte |
Le président |
L'hon. Ed Broadbent |
º | 1645 |
M. Peter Aucoin |
L'hon. Ed Broadbent |
M. Peter Aucoin |
Le président |
L'hon. Ed Broadbent |
Le président |
M. Peter Aucoin |
M. Louis Massicotte |
Le président |
M. Peter Aucoin |
º | 1650 |
Le président |
M. Peter Aucoin |
Le président |
M. Peter Aucoin |
Le président |
M. Peter Aucoin |
M. David Smith |
Le président |
M. Louis Massicotte |
º | 1655 |
Le président |
L'hon. Ed Broadbent |
Le président |
L'hon. Ed Broadbent |
» | 1700 |
M. Peter Aucoin |
L'hon. Ed Broadbent |
M. Peter Aucoin |
L'hon. Ed Broadbent |
M. Peter Aucoin |
Le président |
M. David Smith |
L'hon. Ed Broadbent |
M. David Smith |
Le président |
M. Louis Massicotte |
Le président |
M. Scott Reid |
» | 1705 |
M. Louis Massicotte |
Le président |
M. Michel Guimond |
Le président |
M. Michel Guimond |
Le président |
M. Michel Guimond |
Le président |
M. Michel Guimond |
Le président |
M. Michel Guimond |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 9 mars 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1535)
[Traduction]
Le président (L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.)): La séance est ouverte.
Chers collègues, nous reprenons aujourd'hui nos audiences relativement à la motion qui a été adoptée le 25 novembre 2004 que je vais vous lire pour vous rappeler que nous examinons ce qui suit :
Que, conformément à l'Adresse en réponse au discours du Trône, la Chambre charge le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre de recommander un processus qui engage les citoyens et les parlementaires dans une étude de notre système électoral en procédant à un examen de toutes les options. |
C'est ainsi que la motion a été rédigée. Conformément à ce mandat, nous recevons aujourd'hui un certain nombre de témoins.
[Français]
Conformément à l'ordre de renvoi du 25 novembre 2004 sur la réforme électorale, nous recevons aujourd'hui les professeurs Peter Aucoin, professeur de sciences politiques à l'Université Dalhousie, David Smith, professeur d'études politiques à l'Université de la Saskatchewan, et Louis Massicotte du département de science politique de la Faculté des arts et des sciences de l'Université de Montréal.
Je souhaite la bienvenue à nos trois témoins.
[Traduction]
Je ne sais pas si vous avez décidé qui présentera d'abord son exposé. Y avez-vous pensé, messieurs?
M. Peter Aucoin (professeur de sciences politiques, Université Dalhousie): Nous ne sommes pas une troïka.
Le président: Professeur Aucoin, voulez-vous commencer, alors?
M. Peter Aucoin: C'est par ordre alphabétique. Il est peut-être préférable de procéder de cette façon.
Le président: Merci beaucoup à tous les trois d'être ici. Veuillez nous présenter un bref exposé, ensuite les collègues interviendront pour vous poser des questions.
Je voudrais rappeler aux honorables collègues que la sonnerie commencera à se faire entendre à 17 h 15. Nous n'y pouvons rien, nous devrons donc conclure nos délibérations à ce moment-là.
Monsieur Aucoin.
M. Peter Aucoin: Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant vous aujourd'hui. J'aimerais traiter des points suivants, et je serai le plus bref possible. Vous avez les grandes lignes de mon exposé.
Je voudrais tout d'abord dire que l'évaluation d'un système électoral—et cela fait partie de votre ordre de renvoi—devrait se faire sur deux plans : d'abord, la mesure dans laquelle il représente les citoyens, ensuite la mesure dans laquelle il fait la promotion d'un gouvernement efficace. Je dis cela car à mon avis il y a un lien avec le processus que l'on met en place. Son incidence n'est pas neutre.
En ce qui concerne votre mandat, il me semble qu'un processus d'examen devrait inclure l'éducation du public fondée sur une recherche bien structurée; un dialogue avec le public et les participants au processus politique; et une évaluation éclairée et impartiale du statu quo en regard des solutions de rechange pratiques. Encore une fois, je vous rappelle qu'il s'agit d'un processus électoral pour un gouvernement parlementaire, non pas seulement d'élire des gens à la Chambre des communes.
Je dirais que l'expérience du Canada démontre que la commission d'enquête est la mieux placée pour faire les choses suivantes : la première consiste à appliquer un programme de recherche crédible et respecté. Je pense que les meilleurs programmes de recherche que nous avons eus sur ces questions dans l'histoire canadienne sont manifestement ceux qui ont été menés par des commissions royales.
La deuxième consiste à informer les citoyens et les participants au processus politique au moyen de divers instruments, notamment les rapports provisoires, qui sont des instruments utiles qui ont été utilisés par plusieurs commissions.
La troisième consiste à discuter avec les citoyens et les participants au processus politique partout au Canada de façon constructive et en temps utile. Je souligne ici plus particulièrement la capacité d'exercer une fonction de contestation de façon à ce que ce ne soit pas uniquement un monologue, de façon à ce que les commissaires puissent contester les objectifs et les priorités qui sont présentés et, plus particulièrement à cet égard, de façon à ce qu'ils contestent les diverses allégations et les faits qui sont présentés. Il n'est pas nécessaire de lire beaucoup de délibérations publiques au sujet de la réforme du système électoral pour trouver des faits et des erreurs un peu partout dans ces discussions.
La quatrième consiste à être impartiale et perçu comme telle en ce qui a trait à son évaluation et à ses recommandations au sujet du système électoral.
Compte tenu de tout cela, et plus particulièrement compte tenu de la nature de la question de la réforme électorale qui a une incidence si fondamentale à la fois sur les élections et sur les candidats aux élections, je pense que les travaux d'une commission devraient être complétés par un comité parlementaire qui s'acquitterait des tâches suivantes : examiner le rapport provisoire de la commission; discuter avec d'autres députés et des représentants des partis non présents à la Chambre et au moins parler avec ces deux groupes de gens. Ici, en particulier, encore une fois, je pense qu'il est extrêmement important de remettre les choses en question de façon à ce que ce ne soit pas uniquement des paroles en l'air, mais que les gens remettent en question ce qu'ils disent mutuellement. Troisièmement, rédiger un rapport public avant la fin des discussions de la commission avec les citoyens et les participants au processus politique de façon à ce que ces questions puissent alimenter le gouvernement, la Chambre, ou un référendum, selon la façon dont la partie suivante du processus se déroule. Je ne ferai cependant pas de recommandation à cet égard, car je ne pense pas que ce soit dans le contexte du mandat particulier de votre comité.
Je dirai cependant en conclusion que je ne recommande pas le recours à une assemblée de citoyens comme celle qui a été utilisée en Colombie-Britannique. Comme des témoins précédents l'ont proposé à votre comité, l'utilisation de divers aspects d'un dialogue de citoyens pourrait être efficace, mais pas le modèle complet de l'assemblée de citoyens. À mon avis, ce ne serait pas du tout pratique à l'échelle nationale, alors vous devez tout simplement oublier cela. Ce n'est pas pratique si on tente de faire les choses que seul ce modèle peut bien faire, de sorte que je ne vois tout simplement pas comment cela pourrait se faire. Et il y a d'autres problèmes liés à ce modèle dont je pourrais peut-être parler plus tard au cours de la discussion.
Je m'arrête ici pour respecter le temps qui m'a été alloué.
¹ (1540)
Le président: Merci, professeur.
Le suivant est le professeur Smith.
M. David Smith (professeur d'études politiques, Université de la Saskatchewan): Je ferai tout simplement quelques observations liminaires. Nous parlons aujourd'hui du système électoral. Il s'agit du système qui permet de déposer et de compter les bulletins de vote. Il est question de changer le système électoral. Personnellement, je n'utiliserais pas le terme « réforme », qui a une signification implicite à mon avis une fois qu'on l'a examiné. Je ne parlerais pas de « réforme ».
Mes observations se divisent en trois parties : la recherche, la consultation et la mise en oeuvre.
En ce qui a trait à la recherche, le Mouvement pour la représentation équitable au Canada, une organisation que vous connaissez peut-être, mentionne dans sa documentation des discussions sans fin et des études redondantes en ce qui a trait au changement électoral. Je ne suis pas d'accord avec cela. Je pense qu'en fait au Canada, on a très peu étudié le système électoral national.
Il y a environ une décennie, la Commission Lortie, la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis, a spécifiquement décidé au départ de garder le scrutin uninominal majoritaire à un tour, ou le système majoritaire uninominal, et n'a pas examiné le système électoral. Au Canada, on ne retrouve aucune étude officielle, institutionnalisée, des questions électorales comme on en retrouve dans la Société Hansard en Angleterre ou dans des organismes électoraux comparables en Australie.
Le Mouvement pour la représentation équitable au Canada et Démocratie en surveillance sont de nouveaux phénomènes au Canada pour ce qui est d'organiser l'opinion sur les questions électorales et politiques. Contrairement à la Société Hansard, ce ne sont pas des organisations de recherche. Elles font campagne pour changer le système électoral. Si on regarde la page Web du Mouvement pour la représentation équitable au Canada en date du 1er mars 2005, on dit que cet organisme a été extrêmement déçu par le discours du ministre sur la réforme démocratique; on parle ici du discours qu'il a prononcé il y a environ une semaine. Le Mouvement pour la représentation équitable au Canada dit vouloir un processus de réforme électorale provenant des citoyens et contrôlé par les citoyens, avec un échéancier spécifique pour un référendum national.
Pourtant, il est nécessaire de faire de la recherche sur un certain nombre de questions pour lesquelles tout changement apporté au système électoral aura des conséquences importantes. Mentionnons entre autres l'équité entre les partis politiques, la représentation efficace des groupes minoritaires et des groupes d'intérêts spéciaux, la représentation efficace des Autochtones, l'intégration politique de la nation, la représentation efficace des électeurs, la participation efficace des électeurs, un gouvernement et un Parlement efficaces, des partis politiques efficaces et, enfin, la légitimité.
Ce sont là des questions complexes car la représentation, le produit de tout système électoral, est en soi un sujet complexe. Par exemple, permettez-moi de souligner le sommaire du rapport de la Commission du droit du Canada intitulé Un vote qui compte : La réforme électorale au Canada. Là, plusieurs concepts de représentation, dont certains à mon avis s'excluent mutuellement, se retrouvent juxtaposés : premièrement, la représentation en tant qu'activité, c'est-à-dire le député qui fait quelque chose que je lui demande de faire; deuxièmement, la représentation en tant que miroir, lorsque le député me ressemble ou ne me ressemble pas; ou troisièmement, même l'absence de représentation, lorsque le député n'est pas la personne pour laquelle j'ai voté. Il y a différentes façons de concevoir la représentation et elles ne sont pas nécessairement compatibles.
Dans toute étude du changement électoral au Canada, il est extrêmement important de faire une étude bien équilibrée de toutes les options et de leur incidence sur les questions que je viens de mentionner. À mon avis, cette recherche ne devrait pas se limiter aux chercheurs canadiens ou aux données canadiennes. Il y a beaucoup de documents qui font autorité au Royaume-Uni et aux États-Unis, dans des pays qui utilisent le système majoritaire uninominal depuis plusieurs centaines d'années.
Je ferais la même mise en garde que Philip Norton, un universitaire britannique, a faite dans son mémoire à la Commission Jenkins, c'est-à-dire la Commission indépendante du Royaume-Uni sur le système électoral, lorsqu'il a dit qu'il serait intellectuellement malhonnête et potentiellement désastreux de comparer les points faibles du système actuel aux points forts des autres options.
Voilà pour la recherche.
En ce qui concerne la consultation, je pense qu'il y a en fait deux modèles possibles. Le professeur Aucoin en a mentionné un, l'assemblée des citoyens, qui a été utilisé tout récemment en Colombie-Britannique. Il s'agit en réalité d'une assemblée constituante, dans ce cas-ci de deux personnes de chaque circonscription regroupées selon le sexe et l'âge pour représenter la population provinciale. Ils ont eu recours à des colloques, à la création d'un rapport d'étape, des audiences publiques au sujet de ce rapport, à des présentations, des délibérations et à une décision, et cette décision sera présentée aux citoyens de la Colombie-Britannique lors d'un référendum en mai prochain.
¹ (1545)
Le modèle de l'assemblée des citoyens n'est pas possible sur le plan logistique pour tout le pays; il est trop compliqué. Mais sur le plan philosophique, à mon avis, il est également vicié car selon ce modèle, le changement du système électoral ne relève plus du Parlement comme il le devrait.
Le deuxième modèle est celui d'une commission analogue à bien des commissions qu'on pourrait nommer, la Commission Romanow sur le régime de soins de santé, plus récemment. Ce modèle comporte deux étapes, la première étant consacrée à la recherche et à la production d'un rapport provisoire, suivie d'une deuxième Commission Romanow, qu'on appelle un dialogue avec les gens et l'utilisation du rapport provisoire comme base de la discussion, le tout suivi d'un rapport final au Parlement.
Le modèle de la commission serait bien appuyé par la recherche et, à mon avis, étant donné l'immensité et la diversité du Canada, serait mieux à même que le modèle de l'assemblée constituante de faire ce que stipule l'ordre de renvoi de votre comité : engager les citoyens et les parlementaires dans une étude de notre système électoral. Il ne fait aucun doute qu'il faut engager les citoyens. De nos jours, on ne pourrait envisager de changer le système électoral sans engager les citoyens.
Enfin, la mise en oeuvre. Des études d'experts et l'engagement public sont des éléments essentiels de toute proposition en vue de modifier le système électoral. Quoi qu'il en soit, la mise en oeuvre devrait relever du Parlement. C'est au Parlement de décider quel système électoral le pays doit avoir, tout comme au cours des décennies, c'est le Parlement qui a décidé d'élargir le droit de vote, de modifier le système de remaniement électoral, d'introduire un régime de dépenses électorales et davantage. Ce serait une abdication de la responsabilité constitutionnelle du Parlement si on déléguait cette décision à toute autre partie, notamment aux citoyens du Canada.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Professeur Massicotte, c'est votre tour.
M. Louis Massicotte (professeur agrégé, Faculté des arts et des sciences - Sciences politiques, Université de Montréal): Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je parlerai en français, et je tenterai plus tard de répondre aux questions dans l'une ou l'autre langue.
[Français]
Le président: Vous n'avez pas à nous expliquer pourquoi vous utilisez une langue ou l'autre.
M. Louis Massicotte: Bien sûr, c'était pour les avertir.
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): On aime quand on parle français, aussi.
M. Louis Massicotte: Je suis très heureux d'avoir des auditrices et des auditeurs.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, j'ai hésité avant d'accepter votre invitation, parce que le mandat de votre comité porte sur le processus de la réforme et non sur le contenu de celle-ci, alors que mon expertise se situe plutôt dans le domaine du contenu. Je n'ai pas de formule originale de consultation publique à vous suggérer, mais je vais quand même tenter de vous offrir quelques réflexions sur ce sujet.
Dans les milieux friands de réforme électorale, il y a deux idées qui font leur chemin ces dernières années et, vu la teneur de celles-ci, il est préférable que je vous dise tout de suite qu'elles me laissent sceptique.
La première idée est qu'il n'y a rien à attendre du Parlement, parce que celui-ci est habité par de méchantes personnes qu'on appelle des politiciens, que les politiciens, par définition, doivent leur siège au système électoral en vigueur et qu'ils vont donc s'asseoir dessus et torpiller toute réforme jusqu'à la fin des temps.
La seconde idée est qu'une question comme celle du mode de scrutin doit être complètement retirée des mains des parlementaires et ne peut, dans une démocratie digne de ce nom, être tranchée que par référendum. En fait, aucune réforme électorale ne peut être dispensée, d'après cette thèse, d'être soumise à référendum.
Ces deux postulats sont étroitement liés entre eux. Si on ne peut rien attendre des parlementaires, à part une glorification du statu quo, certains vont s'incliner, mais beaucoup vont en conclure que l'attitude des politiciens nécessite leur exclusion plus ou moins complète du processus et le recours à des formes d'implication citoyenne plus directes, si on veut aboutir à quelque chose. Ces deux idées reviennent fréquemment dans le débat public et font figure, aux yeux de certains, d'évidences indiscutables. Pourtant, si on les confronte à la réalité historique canadienne et internationale, l'une et l'autre se révèlent assez fragiles.
Commençons par la première idée. Il y a certainement des contextes où les parlementaires sont allergiques à toute réforme. S'ils sont sur ce point en porte-à-faux avec le public, la situation est regrettable. Mais si c'était vrai partout et en tout temps, j'aimerais qu'on m'explique pourquoi, dans des dizaines de pays, depuis un siècle et demi, les parlementaires ont modifié le système électoral sur des points fondamentaux et, dans certains cas, l'ont fait plusieurs fois.
Dans les provinces canadiennes en particulier, on relève une bonne demi-douzaine de réformes du système électoral entre 1920 et 1960. Dans certains cas, la majorité gouvernementale a imposé sa volonté à l'opposition. Dans d'autres cas, la décision a été davantage consensuelle. Partout, le processus a été strictement parlementaire. Donc, il n'est certainement pas vrai, à mon avis, de postuler qu'aucun changement n'est possible par la voie parlementaire. Les politiciens ne sont pas nécessairement, comme certains le postulent, un bloc compact hostile au changement. Certains ont intérêt au statu quo, d'autres non.
Examinons maintenant le deuxième postulat selon lequel un référendum est indispensable. Je ne suis pas opposé, par principe, aux référendums. Si on décide d'en tenir un sur la réforme électorale, je ne commencerai pas une grève de la faim sur la Colline du Parlement. Mais les référendums sont-ils indispensables? Voyons cela. J'ai passé récemment au peigne fin l'histoire des référendums dans le monde pour voir combien avaient porté sur le mode de scrutin. Vous avez peut-être remarqué qu'on cite toujours les mêmes exemples, et ce n'est pas pour rien. C'est parce qu'on peut littéralement compter sur les doigts d'une seule main les pays où il y a eu un référendum sur ce sujet au niveau national. En d'autres termes, l'immense majorité des réformes électorales sont passées par le canal parlementaire habituel.
Un des problèmes que suscite l'outil référendaire, à mon humble avis, en matière de réforme du mode de scrutin, c'est que le sujet ne passionne pas les foules. Il passionne peut-être des professeurs comme nous et quelques députés, mais il ne passionne pas les foules. C'est une observation selon le sens commun.
Pour gagner un référendum sur ce sujet, il faut exciter les électeurs. On est obligé, dans le feu de l'action, de faire flèche de tout bois, de présenter la réforme comme une sorte de panacée, une baguette magique. On dit que la discipline de parti va disparaître, que les parlements vont se féminiser massivement, que la participation électorale va grimper dans la stratosphère, que la politique va devenir du jour au lendemain un exercice consensuel fondé sur la seule règle de l'amour infini. On dit que la proportionnelle va donner droit de cité à la tendresse.
¹ (1550)
Croyez-le ou non, cela a été dit. En d'autres mots, on risque de tomber dans le piège d'une rhétorique quelque peu démagogique. Le public pourrait alors découvrir après coup, dans le cas où ça aurait fonctionné, qu'en matière de promesses en l'air, certains réformateurs électoraux ne sont pas en reste sur certains politiciens.
Ces deux postulats, soit l'immobilisme parlementaire et la fuite en avant populiste, représentent autant d'écueils à éviter dans le cadre de vos travaux. Soyez bien conscients que d'une certaine façon, le premier conduit au second. Si, tout au long de vos travaux, votre attitude et vos conclusions font que vous donnez l'impression d'avoir l'esprit totalement fermé, beaucoup concluront que la seule voie possible est ce qu'on pourrait maintenant appeler le paradigme britanno-colombien. Il s'agit ici de chercher des façons de contourner le Parlement par le biais d'une assemblée de citoyens excluant systématiquement et presque fièrement toute contribution parlementaire.
Mais attention: si ce paradigme s'implante dans l'esprit du public, il pourrait bien un jour se trouver un politicien de très haut rang qui, pour jouer la carte populiste, mettrait le doigt dans un engrenage de ce type. C'est Gordon Campbell, en Colombie-Britannique, qui a lancé le processus britanno-colombien, il ne faut pas l'oublier. On risquerait alors de se retrouver, en matière de réforme proposée, avec un système qui aurait été façonné dans l'ignorance complète de vos préoccupations, même les plus légitimes. Il s'agirait en fait d'un système conçu d'abord pour être vendu à une population par voie référendaire, avec comme principal argument que les méchants politiciens ayant été exclus du processus, cette formule ne pourrait qu'être parfaite.
Je n'ai malheureusement pas beaucoup de temps pour vous parler de la démarche qui est élaborée présentement au Québec à l'échelle provinciale en matière de réforme électorale, démarche à laquelle j'ai été associé au cours des dernières années en tant que conseiller technique. Elle est originale, en ce sens qu'elle tente d'éviter les deux écueils que je viens de décrire. Le gouvernement actuel a voulu donner à la démocratie représentative la chance de produire des résultats. Ainsi, plutôt que d'ignorer les interrogations que peut susciter chez les parlementaires le système mixte compensatoire ou MMP, comme on l'appelle en anglais, nous avons fait un gros effort documentaire pour répondre à ces questions.
L'avant-projet de loi électoral déposé le 15 décembre dernier par le ministre Jacques Dupuis a bénéficié des consultations tenues par le ministre auprès des députés et des autres intervenants. La présentation de cet avant-projet constitue une réussite majeure dans le domaine, simplement parce que pour la première fois dans l'histoire du Québec, un gouvernement a pu proposer un texte législatif précis, appuyé sur une réflexion très détaillée, après l'avoir soumis au caucus. Ce texte sera maintenant soumis à un débat public. L'avenir dira si le gouvernement avait raison de faire ce pari. On devrait le savoir avant la fin de l'année.
Je vous remercie.
¹ (1555)
Le président: Merci beaucoup, professeur Massicotte.
Je donne la parole à M. Reid, de l'opposition officielle.
[Traduction]
M. Scott Reid (Lanark—Frontenac—Lennox and Addington, PCC): Puis-je demander à M. Massicotte pour commencer... Vous avez dit que vous pouviez les compter sur les doigts d'une main, alors j'imagine que c'est cinq pays, dont la Nouvelle-Zélande, naturellement, et la Suisse, en 1919.
Quels sont les autres pays?
M. Louis Massicotte: J'ai ici la liste complète. Donnez-moi une seconde pour la trouver.
M. Scott Reid: Pendant que vous faites cela, j'aimerais mentionner que je ne suis pas certain d'être d'accord à 100 p. 100 avec vous lorsque vous dites que ce processus n'engage pas nécessairement le public. En Suisse, en 1919, le débat au sujet de ce qu'ils appelaient la démocratie proportionnelle a été en fait une question extrêmement chaude. C'est peut-être moins le cas en Colombie-Britannique à l'heure actuelle, mais...
M. Louis Massicotte: La question est de savoir si nous allons au-delà des normes de l'humanité démocratique civilisée si nous ne tenons pas de référendum là-dessus. Voilà la question, à mon avis. Ma réponse est la suivante : Eh bien, si c'est le cas, il y a de nombreux pays qui sont des hors-la-loi démocratiques.
Il y a de nombreux pays. Commençons par la Suisse qui est en fait un exemple. Il y a eu trois référendums en Suisse. Malheureusement, je ne peux pas trouver le papier, mais si j'ai bonne mémoire, il y a eu trois tentatives dans le cadre de l'initiative constitutionnelle qui avait été introduite en 1891. La première tentative a été faite en 1910. Le résultat a été négatif; l'initiative a été rejetée. Elle a été rejetée également quelques années plus tard. Elle n'a été acceptée qu'en 1918 ou en 1919.
La raison pour laquelle ils ont dû recourir à l'initiative c'est qu'à l'époque, le Parti radical dominait la vie politique suisse. Il est clair que ce parti avait le contrôle. Il est clair qu'il a été favorisé par le système de scrutin de ballottage, et il y avait le statu quo, mais l'initiative permettait aux opposants d'utiliser ce moyen pour obtenir un changement, ce qu'ils ont fait.
L'Italie est un autre exemple, comme vous le savez, mais le cas de l'Italie est très révélateur. Il y a bien des gens qui ont tendance à oublier cela, qui ne tiennent pas compte de ce fait spécifique. En 1992, il y a eu une initiative de référendum d'abrogation en Italie. Le but de cette initiative était d'abroger un article spécifique de la loi électorale pour le Sénat de la république. Le succès du référendum a été compris comme un signal, et la classe politique a décidé d'adopter la nouvelle loi pour les deux chambres. Aucun projet de loi n'a été soumis à un référendum. Le référendum n'a été utilisé que pour lancer la procédure, pour envoyer le message, mais le résultat final n'a jamais fait l'objet d'un référendum. Il s'agissait strictement d'un processus parlementaire.
M. Scott Reid: Nous n'avons que cinq minutes pour les questions et les réponses, alors je m'excuse, mais je dois aborder la principale question qui me préoccupe et que j'ai soulevée lorsque nous avons parlé de la situation par le passé.
Inévitablement, chacun d'entre nous, de chacun des partis, peut faire le calcul et voir quel système serait le plus avantageux ou le moins avantageux pour nous. À mon avis, il s'agit là d'un problème. Je me demande comment il est possible d'avoir ce que j'appellerais le voile d'ignorance rawlsien, de façon à ne pas savoir au départ quel parti sera bénéficiaire, de sorte que l'on se demande tout simplement ce qui serait avantageux pour la population en général. Je ne sais pas si vous avez des commentaires à faire au sujet de cette question spécifique.
º (1600)
M. Louis Massicotte: Vous soulevez un point tout à fait pertinent. Franchement, même après avoir examiné cette question pendant des années, je ne peux pas vous dire avec certitude quels sont les intérêts de chaque parti dans chaque situation, car nous ne connaissons tout simplement pas l'avenir.
Il est très facile de prendre les résultats des élections précédentes et de dire ce qui serait arrivé avec la formule A, la formule B ou la formule C. C'est le genre de choses que nous avons faites lors de nos délibérations.
Cela est pertinent, et nous sommes certainement satisfaits de ce qui a été fait, mais cela est incomplet lorsqu'il s'agit de prendre une décision pour chaque parti, car on ne sait tout simplement pas quels seront les résultats des élections futures. Cela est essentiellement imprévisible. Donc même pour un parti au sein d'un parti, on a différents...
Un parti n'est pas un bloc...
[Français]
Il n'y a pas de jeu de mots, bien sûr.
[Traduction]
L'hon. Ed Broadbent (Ottawa-Centre): Le Bloc est un parti.
M. Louis Massicotte: Une entité compacte composée de gens qui sont tout à fait différents.
Je suis sûr qu'on me comprend bien.
Un parti est composé de diverses personnes. Les membres ne voient pas leur propre intérêt de la même façon, alors imaginez ce qu'est l'intérêt public. L'intérêt général est également quelque chose de difficile à trouver.
En Nouvelle-Zélande, permettez-moi de vous rappeler que le système mixte proportionnel n'a été adopté qu'à 54 contre 46 p. 100, ce qui signifie que bien des gens voyaient l'intérêt public d'une façon qui était très différente de ce qui prévalait.
[Français]
Le président: Merci beaucoup, professeur. Madame Boivin, vous avez la parole.
Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.): Je pose la question aux trois témoins, s'ils ont envie d'en discuter. Il n'y a pas longtemps, on a reçu des experts qui nous parlaient de l'importance de faire un diagnostic au début. On parle de réforme—je sais que l'un d'entre vous n'aime pas l'expression « réforme électorale »—, de faire la révision de notre système électoral. Avant d'aborder différentes approches, il faut faire un diagnostic, afin de déterminer quel est le problème de notre système.
J'écoutais le professeur Aucoin et je sentais que l'impact sur le public, l'impact des Canadiens viendrait à la fin, une fois qu'un rapport aurait été conçu pour qu'on puisse leur donner des idées. Est-ce que j'ai bien saisi ce que vous avez dit? Ne devrait-on pas aller les voir plus tôt dans le processus? C'est peut-être moi qui ai mal compris votre propos à ce sujet. Quand l'impact des Canadiens va-t-il se faire sentir dans le processus, d'après vous?
[Traduction]
M. Peter Aucoin: Il est important de faire en sorte que les gens participent le plus tôt possible au processus. Mais en même temps, il me semble qu'on se fait une fausse idée de la façon de procéder pour obtenir le point de vue des citoyens sur ce genre de questions. On doit pouvoir demander aux citoyens de remettre en question leur évaluation du statu quo par rapport au changement possible.
Votre comité a beaucoup parlé des valeurs et du fait qu'il fallait les définir, mais comme David l'a souligné, ces valeurs ne veulent rien dire tant qu'elles ne deviennent pas des objectifs qui motivent une évaluation de la réforme. Il faut les ramener plus bas à partir de ce niveau élevé—et rappelez-vous, bon nombre se font concurrence. Il faut avoir un processus qui permet de parler le plus tôt possible—non seulement aux citoyens; je pense qu'il est extrêmement important de parler aux participants au processus politique. Je ne dis pas cela parce que je suis devant un comité parlementaire. Tout le monde a un rôle d'intervenant à jouer, mais surtout les citoyens qui sont prêts à participer au processus politique, comme vous. Vous avez ici un rôle d'intervenant que d'autres citoyens n'ont pas, car vous vous êtes portés volontaires de cette façon.
Cela signifie par ailleurs que vous avez un rôle particulier à jouer, parce que, pour revenir à ce que nous disions précédemment, vous avez également des intérêts, et cela complique les choses. Cela ne veut pas dire que vous servez vos propres intérêts, mais cela veut dire que vous avez des intérêts. C'est pour cette raison qu'à mon avis il est extrêmement important qu'une commission prenne une position ferme au sujet du système et permette ensuite aux gens qui ont un point de vue et des intérêts comme vous, de prendre position, c'est-à-dire se prononcer pour ou contre la réforme ou une réforme en particulier, de la même façon que vous pouvez présenter cela au public.
Il ne sert cependant à rien de demander aux gens de participer à moins de leur présenter un genre de document. Sinon, qui se manifestera? Des gens comme nous ou comme vous ou des gens qui ont tout simplement un point de vue sur la question. Il est particulièrement intéressant de produire un document. L'un des documents que j'aimerais pouvoir produire est un document qui aborderait bon nombre des mythes et des inexactitudes. Chaque fois qu'on lit une procédure sur le système, on le fait comme un professeur et on dit « faux », « faux », ou encore « vrai », mais on ne comprend pas vraiment. Je ne dis pas cela pour être condescendant, je dis tout simplement que les faits sont faux. Ce n'est pas une différence d'opinions, ce ne sont que les faits. Il est terriblement important à mon avis de tirer cela au clair.
Si vous voulez un dialogue avec les citoyens, ces derniers doivent être prêts à participer à ce dialogue. Vous devez les mettre au défi. Je pense que c'est là un des points forts des commissions royales. Le président de notre commission royale, Pierre Lortie, a dialogué avec les gens, plutôt que de simplement les écouter pendant les audiences de la Commission royale Lortie. Lorsque les gens disaient des choses sans preuves à l'appui, ils les mettaient au défi. Je pense que l'on voudrait avoir ce genre de dialogue au cours du processus.
º (1605)
[Français]
Mme Françoise Boivin: L'un d'entre vous avait-il tenté de voir comment joindre M. et Mme Tout-le-Monde?
[Traduction]
À part vous—les professeurs, les experts—comment proposez-vous que nous joignons ces personnes?
M. Peter Aucoin: Je pense qu'il y a plusieurs choses que vous pourriez faire, et vous avez entendu certains témoins qui ont des compétences à cet égard. Vous pouvez tenir simplement des audiences publiques, pour lesquelles vous faites de la publicité afin d'inviter les gens à comparaître. Vous pouvez faire préparer des rapports provisoires à l'intention des gens. Vous pouvez tenter de choisir des gens au hasard, presque comme on le fait lors d'un sondage. Vous pourriez imiter certains aspects du modèle de l'assemblée en Colombie-Britannique. Franchement, je pense que vous avez toutes ces choses à votre disposition, car vous pouvez attirer différents types de gens pour participer à... Vous voulez que le plus grand nombre de gens possible participent.
Cependant, tout le monde ne va pas participer. C'est toujours un système de représentation, et les gens qui participent auront des intérêts. L'assemblée des citoyens en Colombie-Britannique ne résisterait pas à une contestation en vertu de la Charte. Vous avez été exclu, et il n'y a rien qui pouvait être démontré comme étant dans l'intérêt public pour justifier d'exclure des gens de ce processus. Comme Louis l'a dit, nous sommes dans un système où il faut changer certaines de ces choses. Il y a quelque chose qui ne va pas du tout avec la culture politique.
Une voix : C'est certain.
[Français]
Le président: Merci beaucoup. Monsieur Guimond.
M. Michel Guimond (Montmorency—Charlevoix—Haute-Côte-Nord, BQ): Merci, monsieur le président. Messieurs, merci de témoigner devant nous cet après-midi. Ma question s'adresse au professeur Massicotte.
Il y a une dizaine de jours, M. Claude Béland, qui a présidé les États généraux sur la réformedes institutions démocratiques au Québec, est venu témoigner devant ce comité. Il nous a parlé du processus utilisé pour colliger les informations, aussi bien celles des consultations régionales que des états généraux.
Nous avons le mandat de trouver une méthode de consultation. Nous recommanderiez-vous l'approche utilisée par M. Béland et son équipe? Si les travaux de la Commission Béland sont familiers aux autres professeurs, ils peuvent commenter. Peut-être avez-vous déjà répondu... Normalement, on n'a pas le droit d'invoquer les absences de certaines personnes, mais j'invoque ma propre absence lors de vos présentations, tout en m'en excusant: j'accordais une entrevue téléphonique à un journaliste.
M. Louis Massicotte: J'ai suivi de loin l'exercice que présidait M. Béland. Je n'y ai pas participé parce que j'ai senti qu'on n'était pas trop intéressé à entendre les experts. On voulait mettre les experts de côté et aller voir la population directement. Que voulez-vous, si on n'est pas intéressé à nous entendre, on n'ira pas faire le siège de la commission pour faire valoir notre point de vue.
J'ai quand même suivi attentivement cet exercice. Il y a eu deux moments importants, d'abord l'automne 2002, quand les audiences régionales ont eu lieu, et le début de 2003. Ils entendaient des gens. On sentait que les membres de l'organisation souhaitaient entendre le plus grand nombre de gens possible. Ainsi, on limitait les interventions à quatre minutes. Cela devait être un peu frustrant pour quelqu'un qui avait une pensée très structurée et qui avait réfléchi pendant des années à ce sujet. Mais on voulait visiblement...
º (1610)
M. Michel Guimond: Je m'excuse de vous interrompre, monsieur Massicotte. Puisque j'ai la réputation de poser de longues questions et de ne pas laisser assez de temps à mes collègues, je vous demanderais de ne pas revenir sur le processus. M. Béland nous l'a très bien décrit. Je veux avoir votre opinion. Pourrait-on utiliser un tel processus dans le cadre d'une réforme éventuelle des institutions démocratiques et de la représentation au Canada? Je vous demande votre avis à ce propos.
M. Louis Massicotte: Dans le genre populiste, très franchement, je préfère l'assemblée citoyenne de Colombie-Britannique, pour toute une série de raisons. Je pense qu'ils ont eu plus de temps pour procéder et davantage de ressources. Il y a eu un intéressant mélange d'implication populaire et de savoir expert. C'est un modèle qui est peut-être plus en vogue actuellement. Un des handicaps de M. Béland est d'avoir dû travailler, comme vous le savez, à la fin d'une législature et de devoir remettre un rapport à la veille d'une campagne électorale. Si vous voulez aller dans cette direction, je regarderais plutôt du côté de Vancouver.
Le président: Monsieur Broadbent, vous avez la parole.
L'hon. Ed Broadbent: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
J'aimerais demander à chacun d'entre vous ce que vous pensez de la question d'un référendum après autre chose, après le travail qui a été fait par un autre processus pour en arriver à un référendum.
J'ai déjà été un fervent du processus de la Colombie-Britannique jusqu'à ce que je découvre que les politiciens avaient été exclus, ce qui équivaut à concevoir un système de soins de santé sans consulter les médecins. Je suis plutôt en faveur d'un modèle qui examine ce qui est fait dans chaque province et ce qui a été fait ailleurs, un modèle qui combinerait à la fois une consultation des experts et des députés d'une part, et des citoyens d'autre part. J'aimerais poser cette question aux trois témoins.
Une possibilité serait d'avoir un comité de députés qui se rendrait partout au pays pour demander l'avis des suspects habituels, notamment des politologues et d'autres qui ont les compétences et l'intérêt. Une autre possibilité serait semblable à ce qu'a fait la Commission Romanow, c'est-à-dire une commission qui n'aurait aucun lien avec les députés, qui ne serait pas composée de députés. On tenterait ainsi de savoir quelles valeurs les citoyens aimeraient voir représenter dans le système électoral.
On pourrait donc avoir ces deux processus parallèles, et par la suite, il serait à mon avis souhaitable que cette commission ou peu importe comment on l'appelle, qui examine les valeurs fasse rapport à un comité de députés. Après avoir consulté les suspects habituels et d'autres, ce comité tiendrait ensuite compte du rapport de valeurs—un document qui devrait également à mon avis être rendu public même avant que les députés ne le reçoivent—et présenterait une recommandation au Parlement, disons, en vue d'un changement. Nous pourrions ensuite en arriver à la question. J'aimerais vous demander ce que vous pensez de ce processus. Le Parlement pourrait donc finalement adopter quelque chose.
Je vous invite à faire des observations au sujet du processus que je vous ai brièvement décrit, et j'ajouterai la question suivante : Une fois que le Parlement a pris une décision, cette dernière devrait-elle faire l'objet d'un référendum?
M. Peter Aucoin: J'ai lu vos commentaires précédents à ce sujet, monsieur Broadbent, et je les ai étudiés attentivement avant de tirer mes propres conclusions. Je crois qu'un processus parlementaire est nécessaire en raison de la nature du sujet, et je suis d'accord avec les arguments que vous avez fait valoir à cet égard. Je crois également qu'il faut un processus indépendant précisément en raison de la nature du sujet aussi. Louis a parlé plus tôt de la difficulté que nous avons dans notre pays avec le mythe selon lequel les politiciens ne pensent qu'à leur propre intérêt et que par conséquent la réforme sera impossible. C'est donc une opinion à laquelle vous devez faire face. Elle est peut-être fausse, mais elle existe. Je crois que dans ce domaine il est particulièrement important d'établir ces deux processus parallèles.
Je crois que le comité des députés pourrait parcourir le pays, mais le temps dont vous disposez pour le faire est limité. Sur le plan logistique, il y a des limites à ce que peut faire un comité parlementaire. Une commission est nettement mieux en mesure de se déplacer. Cela ne veut pas dire qu'un comité de députés ne devrait pas se déplacer, mais la majeure partie des consultations avec un grand nombre d'intervenants, qui est d'ailleurs l'argument dont on a parlé plus tôt, doit être assumée par la commission. Sur le plan pratique, elle est en mesure de le faire.
Je n'établirais pas de séparation radicale entre les valeurs et l'autre aspect, mais on pourrait faire en sorte que même si les députés ne font pas rapport à la commission, leur rapport serait rendu public afin que la commission puisse en prendre connaissance. Au bout du compte, je crois qu'il est important qu'un rapport soit préparé par une instance qui est considérée indépendante du Parlement, même si le Parlement lui aussi prépare un rapport. On pourrait dire que cela n'a pas vraiment beaucoup d'importance étant donné que ces deux instances font rapport, et jusqu'à un certain point cela est peut-être le cas, mais il ne faut pas négliger l'aspect symbolique car d'une certaine façon, la commission a probablement fait beaucoup de travail elle aussi.
º (1615)
L'hon. Ed Broadbent: Professeur, excusez-moi de vous interrompre, mais j'aimerais faire un rappel au Règlement.
Combien de temps me reste-t-il? J'aimerais entendre ce que les deux autres témoins ont à dire.
Le président: Votre temps est déjà écoulé. Mais laissons les deux autres témoins nous faire part brièvement de leurs commentaires.
L'hon. Ed Broadbent: Je vous en remercie.
M. David Smith: Comme je l'ai dit lors de ma présentation, je crois qu'il est extrêmement important que le processus soit perçu comme un processus indépendant et impartial. Je considère qu'il faudrait confier à des experts le soin d'étudier toutes les répercussions qu'un changement au système électoral pourrait entraîner sur le plan de l'unité nationale et de la représentation. Je ne comprends pas vraiment pourquoi cela pose problème, à l'exception de l'argument selon lequel dans le cadre du système électoral actuel, la proportion des sièges ne reflète pas la proportion des votes. Mais les systèmes électoraux jouent un rôle beaucoup plus important que cela, et il me semble que c'est le type d'études qu'il faudrait faire. Les députés de toute évidence ont une opinion légitime à ce sujet, et c'est une opinion qu'il faut faire connaître aux citoyens du pays. Mais nous devons aussi entendre le point de vue des citoyens du pays.
En ce qui concerne le référendum, j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi cette question devrait faire l'objet d'un référendum. Si elle fait l'objet d'un référendum, pourquoi toute autre décision ne fait-elle pas elle aussi l'objet d'un référendum? Si la Charte des droits n'a pas fait l'objet d'un référendum, pourquoi un changement au système électoral devrait-il faire l'objet d'un référendum? Quelles sont les raisons qui justifient une telle façon de procéder? Quelles que soient les raisons, il me semble qu'il n'y aura pas de raisons à l'avenir pour refuser un autre référendum, mises à part toutes les dépenses que pourraient entraîner une telle logistique. Je crois que c'est le rôle historique du Parlement, tout comme le rôle qu'il exerce à l'égard de toutes les autres questions électorales.
[Français]
Le président: Monsieur Massicotte, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Louis Massicotte: Ce que vous proposez ressemble beaucoup à ce qu'on a fait au Québec à l'automne 2002. D'un côté, il y avait la Commission permanente des institutions, composée de députés. On y faisait comparaître les suspects habituels, en l'occurrence quatre politicologues, incluant votre humble serviteur. Malheureusement, c'est tout ce que le comité parlementaire a trouvé le temps de faire. Ces gens étaient très occupés: ils avaient d'autres mandats à respecter. Ils sont venus entendre les témoins au début de mars 2003, je crois, et comme vous le savez, le déclenchement de l'élection était alors imminent.
C'est finalement le Comité Béland qui a joué le deuxième rôle. Il y avait deux consultations parallèles, et bien que la rencontre avec les députés ait été remarquable, il n'y a pas eu de rapport. En outre, ce que l'histoire publique a retenu, ce n'est pas tant la contribution des députés que l'aspect « Romanow Committee » de leur présentation.
Bref, un des désavantages des comités parlementaires est qu'il ne s'agit pas de comités spéciaux traitant de la question. Vous risquez donc de voir le temps monopolisé par d'autres mandats.
Le président: Merci, professeur.
Avant de commencer un autre tour, j'aimerais poser une question.
[Traduction]
Professeur Aucoin, la commission royale que vous préconisez, ou une commission quelconque... Vous étiez l'attaché de recherche ou la personne ressource principale pour la Commission Lortie il y a quelques années, si je ne me trompe pas, et vous n'avez pas fait de recommandation en ce sens à l'époque. Pourriez-vous, en deux minutes environ, nous rappeler simplement les raisons pour lesquelles la Commission Lortie n'a pas recommandé la représentation proportionnelle, si c'est bien ce qu'elle a dit? Ce ne sont peut-être pas les paroles exactes, mais essentiellement, c'est ce qui en a résulté. La Commission Lortie n'a pas recommandé la représentation proportionnelle, bien entendu. Quelles ont été les raisons invoquées à l'époque et, à votre avis, si je peux vous poser la question, ces raisons sont-elles toujours valables?
M. Peter Aucoin: À l'époque, la perception assez répandue était que cela ne faisait pas partie du mandat de la Commission Lortie ou que la Commission Lortie s'était fait dire de ne pas s'en occuper. Ce n'est pas ce qui s'est passé. Elle a décidé assez tôt de ne pas s'en occuper. Elle considérait que le mandat qui lui avait été confié était très vaste et qu'il aurait été d'autant plus compliqué de tâcher de préparer, essentiellement, deux volumineux rapports portant sur des systèmes électoraux différents. C'est le premier aspect.
Cependant, lorsque j'ai joint la commission à titre de directeur de la recherche—c'est-à-dire peu de temps après la création de la commission mais pas au tout début—on m'a demandé si nous devrions revoir cette question. À ce stade, je n'en voyais pas la raison. Aucune exigence en ce sens n'avait été exprimée par la population. Aucun des intéressés habituels ne réclamait cet examen à l'époque. Deuxièmement, j'étais aussi coordonnateur de la recherche pour la Commission Macdonald, et nous avions formulé plusieurs recommandations sur cette question à la Chambre des communes et au Sénat, auxquelles ils n'avaient pas donné suite. À ce moment-là—c'était seulement deux ou trois ans auparavant—j'ai dit pourquoi revoir la question? Je ne voyais tout simplement pas l'utilité de le faire. Je crois qu'à ce moment-là, ce n'était pas une erreur.
º (1620)
Le président: Je vous remercie; ces renseignements sont utiles.
[Français]
Oui, professeur Massicotte?
M. Louis Massicotte: J'aimerais ajouter une chose, monsieur le président.
J'étais employé au Parlement à cette époque. Je n'étais pas partie prenante du processus décisionnel, mais je peux vous dire que, parmi les raisons qui ont pu jouer, il y a le fait qu'ultimement, le rapport de la commission devait être soumis aux parlementaires. Or, tout le monde savait à cette époque que les députés ne voulaient absolument pas d'une éventuelle réforme du mode de scrutin.
La Commission royale d'enquête sur la réforme électorale et le financement des partis politiques aurait perdu son temps si elle s'était engagée sur cette voie, alors qu'il y avait beaucoup d'enjeux, d'une nature peut-être moins importante, qui demandaient une action immédiate.
Le président: Oui. mais il faut quand même être renseigné. Si j'ai bien compris le professeur Aucoin, ce n'est pas que les gens ne voulaient pas l'être, c'est plutôt que, d'une part, on avait fait un exercice similaire peu de temps auparavant et que, d'autre part, ce n'était pas clairement le mandat de la commission. Ce n'est pas, contrairement à ce que nous dit le professeur Massicotte, qu'on n'aurait pas voulu entendre les réponses.
M. Louis Massicotte: C'est une supposition de ma part, mais je peux vous dire qu'en 1983-1984 le Comité mixte spécial sur la réforme du Sénat, composé de députés et de sénateurs de tous les partis, s'était fait recommander par presque tous les témoins universitaires d'instaurer la proportionnelle pour un sénat élu au suffrage direct. La délibération avait été absolument et totalement négative, d'à peu près tous les côtés.
Le président: D'accord. Au niveau du Sénat.
M. Louis Massicotte: Et des députés.
Le président: D'accord.
Mr. Johnston, your turn.
[Traduction]
M. Dale Johnston (Wetaskiwin, PCC): Je vous remercie, monsieur le président.
Dans sa présentation, le professeur Aucoin a dit qu'il n'était pas très favorable au processus utilisé en Colombie-Britannique. L'une des raisons qu'il a invoquées par la suite, c'est que les personnes qui seraient le plus touchées par cette réforme, c'est-à-dire les politiciens, n'avaient pas la possibilité d'y participer. Pourriez-vous préciser les autres raisons pour lesquelles vous n'êtes pas un ardent partisan de ce processus? Quels sont par conséquent les changements que vous apporteriez à ce processus pour l'améliorer?
M. Peter Aucoin: Tout d'abord, je crois que l'assemblée des citoyens peut être efficace si vous pouvez opter pour la formule adoptée en Colombie-Britannique. Il y a un certain nombre de mesures à prendre pour que le processus soit valable, et ils y sont parvenus; des groupes suffisamment petits; 25 conditions qui devaient être réunies et qui, d'une certaine façon, l'ont été, et en partie, la nouveauté de la chose.
En plus de l'exclusion des députés, je crois qu'il existe d'autres problèmes. L'idée qu'un groupe choisi au hasard est forcément un groupe vertueux parce qu'il n'a pas d'intérêts est fausse. Toutes les personnes choisies avaient leurs propres intérêts. Le fait que ces groupes n'étaient pas constitués en partis politiques n'a rien à voir avec la question. C'est une des préoccupations exprimées.
L'autre préoccupation, c'est que beaucoup considèrent ce processus comme un grand jury, et il présente cet avantage. Je sais qu'on a dit qu'il ne s'agissait pas d'un jury. Et ce n'est pas un jury. Tout d'abord, il ne s'agit pas d'un processus accusatoire. Il n'y a pas de procureurs, il n'y a pas d'avocats de la défense. Deuxièmement, aucune décision n'est rendue en fonction de la preuve devant la loi. Donc de quoi s'agit-il? Il ne s'agit pas d'un grand jury mais plutôt d'une mini-assemblée législative qui se réunit pour adopter une loi.
Comme David et d'autres personnes l'ont dit, cela n'est pas pratique à l'échelle nationale; je considère donc qu'il est préférable d'abandonner cette idée. Si vous optez pour une mini-version d'une assemblée de citoyens, cela risque de se retourner contre vous.
Le président: Professeur Smith, avez-vous des commentaires à ce sujet?
M. David Smith: Simplement en ce qui concerne cet aspect, si vous calquiez le modèle utilisé par la Colombie-Britannique, cela donnerait 616.
Les rapports indiquent en fait qu'ils avaient assuré une représentation selon le sexe et l'âge qui correspondait à la population provinciale. Je pense qu'il serait très difficile d'essayer de reproduire cela à l'échelle nationale. D'une part, en plus du sexe et de l'âge, il y a d'autres critères dont il faut tenir compte pour une instance nationale. Il ne faut pas non plus oublier que le mode de répartition au Canada est structuré—dans ma propre province, nous avons 14 sièges, mais si on les répartissait en fonction de la population, il devrait y en avoir 9. On finit par vraiment fausser le système si on essaie de suivre ces règles et de les reproduire au niveau national. Compte tenu de ce problème et sans aborder l'aspect philosophique, je crois que dans la pratique, cela présente de réelles difficultés.
Ils consultaient différentes parties intéressées en groupes de huit environ. La même question se pose : Comment pourriez-vous le faire dans tout le reste du pays?
º (1625)
[Français]
Le président: Voulez-vous ajouter quelque chose?
[Traduction]
M. Louis Massicotte: J'aimerais aborder brièvement certains points.
Le premier, c'est qu'il ne faut jamais perdre de vue le fait qu'une assemblée de ce genre a plus ou moins un parti pris contre le statu quo. Ces personnes sont habilitées à décider si une initiative doit être proposée directement à la population en court-circuitant l'assemblée législative. En fait, c'est l'attitude que des personnes qui se trouvent dans cette situation sont nettement portées à adopter : « Nous n'allons pas simplement consacrer le statu quo, mais nous devons proposer une alternative. Si nous arrivons simplement à la conclusion que le statu quo est la meilleure option, nous n'avons plus de rôle à jouer et il n'y aura pas de référendum ». Donc, cela leur donne d'immenses pouvoirs et a tendance à orienter le résultat dans un sens précis.
Deuxièmement, il est vrai, comme Peter l'a dit, qu'il ne s'agit pas d'un processus accusatoire où il y a une partie poursuivante et une partie défenderesse. Pourtant, je dirais, pour défendre le processus, que d'importants efforts ont été déployés par les attachés de recherche de l'assemblée pour présenter les deux côtés de la question. J'ai été frappé par l'équilibre qu'ils ont tâché de maintenir entre les divers points de vue. C'était un très bon exemple de la façon dont on peut utiliser l'avis des spécialistes pour contribuer à éclairer l'assemblée et non pour orienter les gens dans une voie précise.
[Français]
Le président: Merci beaucoup.
[Traduction]
Monsieur Casey, avez-vous une question à poser?
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester—Musquodoboit Valley, PCC): Non.
[Français]
Le président: D'accord.
Monsieur Broadbent.
[Traduction]
L'hon. Ed Broadbent: J'aimerais revenir à la question.
J'ai été un peu étonné d'apprendre que le professeur Smith semble croire que l'unique raison pour laquelle un changement au système électoral est envisagé, c'est l'absence de proportionnalité. Un grand nombre d'autres systèmes partout dans le monde, en fait 90 p. 100 d'entre eux, si je comprends bien la réalité démocratique, sont fondés sur la représentation proportionnelle absolue ou une représentation proportionnelle mixte qui inclut aussi le système majoritaire uninominal... Parmi les autres raisons invoquées par les partisans de ces systèmes, figurent les préoccupations à propos de la représentation des hommes et des femmes et de la représentation des minorités visibles, en plus de la proportionnalité. Dans un pays comme le Canada, la Commission du Nouveau-Brunswick était très préoccupée par le rôle des francophones et des anglophones. Au niveau national, il y a aussi la valeur de la représentation régionale, par exemple, qui peut être souhaitable dans chacun des caucus élus à la Chambre des communes. Je préciserais que c'est une question qui me préoccupe beaucoup depuis 50 ans maintenant.
Ne croyez-vous pas qu'un grand nombre de valeurs sont absentes du système actuel?
M. David Smith: C'est certainement le cas en ce qui concerne la proportionnalité, effectivement.
Je crois qu'en ce qui concerne, par exemple, le pourcentage de femmes ou de minorités dans la population et leur représentation au Parlement, c'est effectivement le cas. Je crois qu'il faut examiner la façon dont un système électoral peut être conçu pour modifier cette situation. D'après ce que j'ai lu au sujet des systèmes électoraux, j'ai l'impression que ce n'est pas le système électoral même, mais les partis politiques qui très souvent en ce qui concerne les nominations... il ne s'agit pas simplement de modifier le système électoral. Si vous examiniez le système de listes, il s'agit de déterminer la place des candidats sur le bulletin de vote, et cela concerne les partis politiques—à moins qu'on veuille aller plus loin et que l'on prescrive, par voie législative, la composition du bulletin de vote.
Cela peut poser des problèmes et c'est à d'autres d'en décider. Mais si l'on décide qu'il s'agit de problèmes, il me semble alors que pour y remédier, il n'est pas immédiatement évident qu'un changement au système électoral permettra d'obtenir le résultat que vous recherchiez. Je crois qu'il faudrait faire des études pour permettre de répondre à cette question ou pour fournir d'autres raisons qui permettront d'être certain de la réponse.
º (1630)
L'hon. Ed Broadbent: Je crois qu'il y a un grand nombre d'études universitaires qui indiquent que des systèmes autres que le nôtre assurent une représentation nettement meilleure pour ce qui est de toutes les variables dont j'ai parlé, et le système majoritaire uninominal.
Même si vous êtes tous trois ici principalement pour parler du processus—et je comprends et respecte très bien que vous ayez mis l'accent sur cet aspect—j'aimerais demander à chacun d'entre vous, parce que vous êtes tous d'éminents politologues, de nous indiquer en une ou deux phrases si vous estimez qu'il faut modifier le système ou non. Croyez-vous, d'après votre propre expérience, que le statu quo est tout compte fait satisfaisant? Devrions-nous simplement le conserver? Si vous estimez qu'un changement s'impose, quelle est, de façon générale, l'orientation que nous devrions suivre?
Le président: Il faudra que les réponses soient brèves, compte tenu des restrictions de temps. Je suis sûr que vous pourriez nous donner à tous un cours à ce sujet.
M. Peter Aucoin: Pourrais-je très brièvement tâcher de situer cette question dans le contexte du processus?
Le président: Très bien.
M. Peter Aucoin: En ce qui concerne la représentation des femmes, il n'y a pas d'indication probante d'une façon ou d'une autre. Pour ce qui est des minorités visibles, on dispose de peu d'indications. Là où le problème est vraiment évident, c'est au niveau de la proportionnalité et du déséquilibre entre les sexes. Ce sont donc les aspects du système en vigueur au Canada dont il y a lieu de s'inquiéter.
Je dirais qu'il existe également un troisième facteur, à savoir la concentration du pouvoir qui existe au sein du système et l'absence de freins et contrepoids. Parmi tous les systèmes de Westminster, c'est le Canada qui possède le moins grand nombre de freins et de contrepoids, pour des raisons sur lesquelles je ne m'étendrai pas, mais c'est un sujet de préoccupation.
Quant à savoir si l'adoption des autres systèmes qui existent à l'heure actuelle permettra de résoudre votre problème, cela n'est pas certain et c'est pourquoi la prudence est de mise. C'est la raison pour laquelle je considère qu'il faut vraiment examiner la situation attentivement. Je crois que Louis et David ont raison lorsqu'ils disent que nous n'avons pas étudié de façon vraiment approfondie la situation dans le contexte canadien. Il y a énormément de documentation à ce sujet, mais je crois qu'il faut un processus efficace pour tirer au clair la situation.
Le président: Monsieur Smith.
M. David Smith: Je ne voudrais pas répondre dans un sens ou dans l'autre en ce qui concerne le système actuel. Il me semble que la question qui se pose est la suivante : Qu'attendons-nous du système électoral? J'inscrirais en tête de liste l'unité nationale, qui est un thème d'une importance historique. Est-ce qu'un type de système électoral permettra de mieux parvenir à ce résultat qu'un autre type de mesure?
Comment pourra-t-on apaiser les doléances de l'Ouest en modifiant le système électoral? Est-ce que cela donnera le résultat voulu? Je l'ignore. Il faut que l'on étudie ces questions, car elles sont très importantes.
Un autre groupe très important dont il faut tenir compte, ce sont les Autochtones. Un changement dans le système électoral leur sera-t-il utile?
Je crois que nous devons préciser l'objectif visé. Si quelqu'un pouvait me dire que le système électoral A permettra d'atteindre ces trois objectifs plus efficacement que le système B, cela me convaincrait sans doute d'examiner sérieusement le système A.
[Français]
Le président: Professeur Massicotte.
[Traduction]
M. Louis Massicotte: Vous avez demandé de quel côté nous penchions. Je suis partisan de la réforme. C'est une conviction qui s'est accrue avec les années. Je suis porté à opter pour une réforme axée sur le système mixte proportionnel. Je suis l'un des artisans du projet de réforme qui a été rendu public en décembre dernier au Québec. Nous avons proposé un ratio de 60-40, avec 40 p. 100 des sièges de listes qui sont compensatoires, pas simplement supplémentaires ou parallèles. Il faut qu'il y ait réellement compensation.
Il ne s'agit pas d'un système électoral proportionnel proprement dit. Nous avons nettement tenu compte de la géographie du Québec. Certains théoriciens auraient préféré que l'on établisse un système de listes entièrement provincial selon la représentation proportionnelle. Je ne crois pas qu'ils se rendent compte que nous représentons l'un des plus grands territoires dans l'ensemble de l'Amérique du Nord, à l'exception des trois territoires proprement dits. Donc, à mon avis, il est irréaliste de proposer un système de listes provincial. Il faut qu'il soit régional, et les régions de préférence doivent être petites en raison de la superficie du territoire et du caractère dispersé de la population. Je dirais que ce type d'approche est sans doute celle qui sera la plus efficace.
J'ai été frappé par le débat qui se déroule au sujet de notre formule. Bien entendu, il y a ceux qui tiennent à conserver le statu quo et ceux qui préconisent l'adoption d'un système de représentation proportionnelle en bonne et due forme. Mais je suis assez satisfait de constater que nous avons réussi à trouver des gens qui privilégient la position intermédiaire et qui considèrent qu'il s'agit vraiment d'un pas dans la bonne direction. Ce système est plus proportionnel que celui qui existe et permet d'éviter parallèlement la multiplication des partis et un accès trop facile au Parlement, en partant du principe que le caractère démocratique d'un pays ne se mesure pas au grand nombre de partis qui y existent.
º (1635)
Le président: Très bien.
Monsieur Aucoin, vous pouvez ajouter brièvement quelque chose, après quoi nous passerons à la prochaine question.
M. Peter Aucoin: Je tenais à ajouter un élément pour souligner la grande importance du processus. Si vous envisagez de modifier le processus pour assurer une forme quelconque de proportionnalité au système, vous devez envisager le fait que la Chambre des communes devra compter un nombre beaucoup plus important de députés. C'est un élément dont il faut tenir compte, et M. Casey, au cours de réunions précédentes, en a parlé. La géographie du Canada ne nous permettra pas de réduire et d'augmenter la taille des circonscriptions et le nombre de personnes représentées.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Reid.
M. Scott Reid: Je suis généralement assez favorable au dernier argument que vient de présenter M. Aucoin. Je pense que si nous voulons remédier à l'inégalité fondamentale qui existe à l'heure actuelle et selon laquelle certaines circonscriptions, particulièrement en Ontario, en Colombie-Britannique et en Alberta, sont tout simplement beaucoup plus populeuses que les circonscriptions de provinces comme la Saskatchewan ou le Nouveau-Brunswick, il faut accroître la taille de la Chambre des communes compte tenu des restrictions constitutionnelles qui empêchent d'enlever des sièges à d'autres provinces. Donc, pour cette seule raison, je crois qu'il existe des arguments solides en faveur d'une telle initiative.
Je voulais en fait revenir à toute la question des régions. Il me semble que l'un des avantages que présente le modèle de l'assemblée de citoyens—analogue au modèle utilisé en Colombie-Britannique—, c'est qu'il permettrait en fait de s'assurer de la participation de personnes provenant de provinces différentes au pays. Et l'un des aspects dont nous devons tenir compte ici au Canada, comme en Suisse, c'est qu'étant donné que dans notre cas la taille des provinces et dans leur cas la taille des cantons varient énormément, cela signifie que s'il existe un système, il aura des conséquences différentes dans une petite province que dans une province plus grande. La proportionnalité sera nettement moins importante à l'Île-du-Prince-Édouard qu'en Ontario, par exemple. Et il me semble que c'est un avantage. Il s'agit plutôt d'une observation, mais vous pouvez m'indiquer si vous considérez que j'ai tort ou que j'ai raison.
Pour ce qui est des référendums, il me semble qu'en Colombie-Britannique, l'une des erreurs qu'ils ont commises—et je l'ai constaté lorsque j'ai vécu en Australie et qu'on y a tenu un référendum pour décider s'il fallait abolir la monarchie et la remplacer par une république—c'est qu'on a établi le modèle de l'assemblée de citoyens et ensuite le projet a été confié à des bureaucrates. Dans le cas de l'Australie, le projet de loi a été préparé avant le vote des citoyens, et les citoyens ont voté contre la complexité du projet de loi.
En Colombie-Britannique, d'après ce que je crois comprendre, la loi ne sera terminée qu'après le référendum, ce qui signifie que certaines personnes, du moins, je crois, hésiteraient à voter en faveur de cette loi parce qu'elles ne sont pas absolument sûres de la loi qui finira par être adoptée. Je me trompe peut-être, mais j'aimerais que vous m'indiquiez quel pourrait être le meilleur moyen de procéder si le processus comportait un référendum.
M. Peter Aucoin: Je suis désolé. Je n'ai pas saisi la dernière partie de la question.
M. Scott Reid: Si nous tenions un référendum dans le cadre de notre processus, ne devrions-nous pas tâcher de le tenir à la toute fin une fois que la loi est établie et que les gens savent précisément ce pour quoi ils votent, ou devrions-nous le tenir plutôt au moment de la conception du projet de loi? J'arrêterai là.
M. David Smith: Je serais porté à répondre immédiatement que la difficulté qui se pose lorsqu'on tient un référendum sur des changements à apporter au système électoral, c'est que nous ignorons sur quoi nous votons. Nous pourrions peut-être faire comprendre à la population qu'il s'agit du vote unique transférable, ou du vote préférentiel, ou quoi que ce soit, mais comme le professeur Massicotte l'a indiqué, personne ne sait les répercussions qu'entraînera un changement apporté au système électoral. Personne ne sait même à quoi ressembleront les prochaines élections, et encore moins les quatrièmes élections en bout de ligne. C'est là où le changement intervient.
J'étais en Australie pour le référendum sur la république, mais j'étais également là-bas lorsqu'ils ont célébré—au moins les 50 personnes en Australie qui s'intéressent à la question—le 50e anniversaire de l'introduction de la représentation proportionnelle dans les élections sénatoriales de 1999, et une réunion a eu lieu dans les édifices du Parlement. Mais parmi les choses intéressantes que j'ai apprises, c'est que la représentation proportionnelle a été introduite en Australie en 1949 par le Parti travailliste parce qu'il savait qu'il allait perdre les prochaines élections et voulait obtenir des sièges au Sénat et croyait pouvoir y parvenir grâce à la représentation proportionnelle—et ils ont eu raison parce que c'est ce qui s'est produit—mais à l'époque, il s'agissait simplement d'un régime de dualité de partis en Australie. Il a fallu 30 à 40 ans avant que les complexités du système de représentation proportionnelle commencent à se manifester et où aucun parti... Il est vrai que le gouvernement actuel possède une majorité au Sénat, mais c'est la première fois depuis 25 à 30 ans.
Une fois qu'ils se sont rendu compte que des tierces parties au Sénat pouvaient réellement influer sur les lois adoptées par le Parlement à Canberra, alors la situation a réellement changé, mais cela a pris beaucoup de temps. Il a fallu plusieurs décennies avant que l'on en comprenne toutes les incidences.
Là où je veux en venir, c'est qu'on ignore les conséquences de changements au système électoral et il s'agit vraiment d'un acte de foi.
º (1640)
M. Louis Massicotte: Je vais tâcher de rendre justice aux deux points que vous avez soulevés.
En ce qui concerne le premier, à propos de la Suisse—et la Suisse effectivement démontre, comme vous l'avez dit, que si vous avez un pays très divers qui comporte de petites et de grandes régions, cela est extrêmement important lorsqu'il s'agit du système électoral. En Suisse, d'après les derniers renseignements dont je dispose, il existe quatre ou cinq cantons où la représentation proportionnelle existe pour la forme, mais dans la pratique, il s'agit dans tous les cas de circonscriptions uninominales—donc vous pouvez dire qu'il s'agit de représentation proportionnelle, mais au bout du compte... Donc vous avez pratiquement deux systèmes électoraux différents, pour la simple raison que la Suisse compte un grand nombre de toutes petites régions, et qu'il est impossible de procéder autrement, à moins d'augmenter le nombre de membres du Conseil national qui s'élèverait à 1 000 par exemple, ce qui bien sûr serait ridicule.
Deuxièmement, vous avez soulevé la question de l'expérience australienne lors de la convention constitutionnelle, de l'assemblée constituante. À peu près à cette époque, j'ai justement passé environ six mois en Australie, si bien que j'étais particulièrement bien placé pour observer l'expérience de près. Quelle leçon ai-je tirée du référendum de la République australienne? Que même si la question posée lors d'un référendum découle d'un processus plus populiste, le succès est loin d'être assuré. Comme vous le savez, la convention s'est heurtée à une défaite. Chacun des six États, plus le territoire du Nord, s'est prononcé contre. Apparemment, seuls les gens de Canberra y voyaient une bonne chose—la majorité, du moins.
Si la réponse a été non, d'après ce que je comprends, ce n'est pas parce que les politiciens au sein de la convention constitutionnelle avaient perverti le résultat. La convention, composée de deux chambres égales (politiciens nommés et personnes ayant été directement élues) était parvenue à un accord, sur un modèle républicain spécifique : un président élu par le Parlement. Il y avait juste un hic : c'était un modèle dont la plupart des Australiens ne voulaient pas. Dès le départ, il y a donc eu un fossé entre ce qui était proposé et ce que les gens voulaient.
Pour essayer toutefois d'amener les gens à voter oui, on a eu recours à une rhétorique nationaliste, « Nous Australiens » étant répétés 40 fois en quatre pages. Comme quelqu'un l'a dit, les Australiens étaient invités à fermer les yeux et à penser à l'Angleterre, sauf que cette fois il s'agissait de couper les liens avec l'Angleterre. Quoi qu'il en soit, cela n'a pas fonctionné. J'espère que les réformateurs de la Colombie-Britannique auront plus de chance.
[Français]
Le président: Professeur Aucoin.
[Traduction]
M. Peter Aucoin: Il ne faut pas oublier qu'en Nouvelle-Zélande, il y a eu d'abord une commission d'enquête royale sur la question, puis deux référendums : le premier sur l'opportunité de changer le système; le second sur l'adoption du modèle proposé.
Il faut souligner que dans ce contexte, le premier référendum a eu lieu à cause d'une situation particulière, en Nouvelle-Zélande : l'élection d'un gouvernement à la surprise générale. Il y a eu un choc devant les conséquences de ce type de modèle, sans les freins et contrepoids qui existent dans d'autres systèmes.
À mon sens, tenir un référendum est un moyen sûr s'annuler toute réforme. C'est souvent ce qui se passe, dans ces cas, parce que les citoyens élargissent le débat. Ils n'en restent pas à la question posée, cela devient un débat élargi, le type de débat généralisé...
Cela dit, c'est un débat politique légitime. S'il y a une leçon à tirer de l'expérience australienne, c'est qu'il ne faut pas s'en inspirer si l'on veut faire adopter un changement constitutionnel. L'expérience le montre un peu au Canada également.
M. Louis Massicotte: Oui, 36 échecs sur 44 tentatives.
Le président: Monsieur Broadbent, vous avez une autre question? Allez-y.
L'hon. Ed Broadbent: Je voudrais revenir à la suggestion d'adopter le modèle du Québec, avec une formule 60-40. L'idée me paraît bonne à deux égards. Tout d'abord, il existe dans chaque province des circonstances spécifiques; quelle que soit la formule adoptée pour les assemblées législatives, elle va varier, à mon sens, de province en province. Mais il m'a semblé entendre quelqu'un dire que l'adoption d'une représentation proportionnelle quelconque au niveau national nécessiterait une augmentation importante du nombre de sièges.
Personnellement, j'ai trouvé convaincants les arguments présentés par la Commission du droit du Canada en faveur d'une ventilation au niveau provincial accompagnée d'une formule un tiers, deux tiers au niveau national, plutôt que 60-40. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette idée.
º (1645)
M. Peter Aucoin: C'est moi qui ai dit qu'il faudrait augmenter le nombre de sièges à la Chambre.
Il y a un point qu'il ne faut pas perdre de vue : au Canada, la représentation proportionnelle ne se traduira pas par 20 p. 100 des votes et 20 p. 100 des sièges, parce que nos élections ne s'effectuent pas au niveau national, mais au niveau provincial. Toutes nos limites électorales sont au sein d'une province, ce dont il faut tenir compte. De plus, les résultats vont être faussés dès le départ, vu que l'Île-du-Prince-Édouard dispose de quatre sièges. Avec un système mixte, il faut tenir compte de la contrainte des limites des provinces et des résultats faussés que cela entraîne au niveau mathématique.
À mon sens, il va y avoir des sièges énormes en certains endroits, parce que, pour les mettre sur la liste, il faut en supprimer d'autres. Utiliser un système mixte dans un tout petit pays comme la Nouvelle-Zélande, c'est une chose; le faire dans l'immense étendue appelée Canada en est une autre. C'est pourquoi, si on voulait faire les choses correctement...
L'hon. Ed Broadbent: Avec deux tiers, un tiers dans chaque province, où serait le problème?
M. Peter Aucoin: Au Québec et en Ontario, cela ne fonctionnerait pas mal, mais ailleurs, non.
Le président: Vous causez des difficultés aux interprètes. Veuillez parler un à la fois.
L'hon. Ed Broadbent: Désolé.
Le président: Poursuivez, s'il vous plaît.
M. Peter Aucoin: Si vous vouliez avoir un bon système de représentation proportionnelle, il conviendrait d'augmenter le nombre de sièges à la Chambre, afin d'avoir la proportionnalité voulue, sans que certains sièges ne représentent un trop grand nombre d'électeurs. Dans une Chambre trop petite, le système n'apporterait pas la proportionnalité voulue. L'amélioration serait minime et on se plaindrait encore du manque de proportionnalité, tant nationale que régionale.
M. Louis Massicotte: Pour moi, l'une des faiblesses du modèle proposé par la Commission du droit, était la création d'un système proportionnel à deux vitesses,
[Français]
une proportionnelle à deux vitesses.
[Traduction]
En Ontario et au Québec, par exemple, la compensation s'effectuerait pour des régions tellement énormes que la proportionnalité serait quasi parfaite dans ces deux provinces. Dans d'autres provinces, par contre, ayant forcément un plus petit nombre de sièges, la compensation serait vraiment problématique, même si on utilisait l'ensemble de la province comme unité. Et, dans le cas de l'Île-du-Prince-Édouard, elle serait vraiment, vraiment problématique.
C'est d'ailleurs un des dilemmes auxquels nous nous sommes heurtés en concevant notre modèle pour le Québec. Nous avons envisagé cinq découpages du territoire différents : d'un côté, quelque 26 districts, de cinq sièges pour la plupart; de l'autre, l'ensemble de la province comme une seule unité, le rêve des partisans de la représentation proportionnelle; entre les deux, divers découpages. L'un de ces découpages impliquait une très grande région pour Montréal et de très petites régions hors de Montréal; cela correspondrait aux limites administratives de la province. Mais le système serait profondément injuste, vu que les Montréalais auraient droit à une représentation proportionnelle quasi parfaite, tandis que les choses laisseraient beaucoup à désirer hors de la région de Montréal.
À mon avis, il serait bon d'aller plus loin que ne l'a fait la Commission du droit et de fractionner également l'Ontario et le Québec, si l'on souhaite avoir partout de plus petites régions.
Le président: Merci.
Mettons qu'on ait un système à deux tours et que, dans l'Île-du-Prince-Édouard, trois députés sont élus au premier tour, le dernier à la proportionnelle. Que vont dire les candidats ayant obtenu 45 p. 100 des voix contre 55 p. 100 et se retrouvant sans aucune représentation? Ne vont-ils pas avoir l'impression d'être revenus exactement à la case de départ?
M. Peter Aucoin: C'est là où je voulais en venir au sujet des petits territoires. Ça ne fonctionne tout simplement pas sur le plan des chiffres. Il faut qu'il y ait un certain nombre d'électeurs, et même dans ce cas, ainsi que Louis le soulignait, les résultats peuvent être plutôt rudimentaires.
N'oubliez pas que le système électoral canadien n'est pas totalement disproportionné. À la Commission Lortie, nous nous sommes penchés sur ses antécédents par rapport aux régimes de la représentation proportionnelle. Ces derniers obtenaient une note de 90 à l'indice de proportionnalité, le meilleur se trouvant en Allemagne, avec un indice de près de 99 p. 100, en raison du facteur de compensation. Cependant, malgré le fait que son système électoral n'est pas vraiment proportionnel, le Canada atteignait un score de 89 p. 100, signe qu'il ne s'écarte pas tout à fait d'une représentation proportionnelle.
À mon avis, la situation s'est quelque peu dégradée, et c'est cela que nous avons abordé ici. La question régionale a toujours joué. Toutefois, il faudrait qu'on ait plus de sièges pour obtenir une véritable proportionnalité.
º (1650)
Le président: Comment vous situez-vous par rapport au point suivant? Dans ma circonscription, certains électeurs ont peut-être voté pour le Parti libéral, d'autres pour le programme libéral, d'autres encore pour le premier ministre, et quelques-uns peut-être pour Don Boudria, mais je n'ai pas la moindre idée de la proportion de chacune des catégories. Tout ce que je sais, c'est que j'ai besoin de la somme de toutes ces catégories pour être élu à la Chambre des communes.
Si tel est bien le cas, pourquoi faut-il poser comme postulat que lorsqu'on perd, 100 p. 100 des suffrages appartiennent au parti politique et que personne n'a jamais eu l'intention de voter pour le candidat?
M. Peter Aucoin: Pour répondre brièvement, si l'on se reporte à certains de nos sondages, ce qu'on appelle le vote pour la personne, au maximum, oscille entre 6 et 7 p. 100.
Le président: J'ai entendu parler de cinq.
M. Peter Aucoin: C'est une réalité internationale; on l'observe partout où il y a des partis politiques.
Les gens votent pour d'autres raisons aussi : pour le chef de parti, pour le programme du parti ou pour son idéologie. Et cela ne porte nullement atteinte à l'importance des candidats.
Le président: Non, non. Vous affirmez que le facteur de correction est de quelque 7 p. 100.
M. Peter Aucoin: En moyenne, oui, lorsqu'on vote pour la personne. Par ailleurs, lorsque les suffrages s'expriment contre vous, par exemple, et pour reprendre l'expression utilisée par certains, lorsque vous obtenez 40 p. 100 des voix et que 60 p. 100 des électeurs ont voté contre vous—en fait, ils n'ont pas voté contre vous mais pour les candidats d'autres partis. Si vous adoptez un système électoral différent, ils vont aussi encore voter de manière stratégique, mais différente. L'une des choses que les gens nous ont laissé savoir, c'est qu'ils ne veulent pas d'un système les obligeant à indiquer un second choix, car cela favoriserait indûment les libéraux, si bien que ces derniers seraient au pouvoir ad vitam aeternam.
À moins que cette dynamique ne change, il faudrait donc envisager d'autres systèmes électoraux favorisant la représentation proportionnelle. Ici, il faut faire preuve de prudence lorsqu'on envisage une autre forme de représentation, ainsi que le disait David.
M. David Smith: Si l'on passe au vote unique et transférable ou à quelque chose d'approchant, il faut marquer sa préférence. Le seul moyen d'éliminer l'argument du vote gaspillé, c'est justement de permettre à l'électeur d'indiquer une telle préférence; or cela n'existe pas dans notre système.
À ma connaissance, dans le passé, cela ne préoccupait pas outre mesure les gens. Ils ne songeaient pas particulièrement au fait que X l'a emporté, et que puisqu'ils avaient voté pour B, leur voix avait été exprimée en vain. Ce n'est pas ainsi que le système de représentation anglo-américain a fonctionné dans l'histoire. Et à mon avis, le système traditionnel est peut-être demeuré le même aujourd'hui. Toutefois, certains diront que dans un système proportionnel, leur vote n'est pas gaspillé.
J'aimerais toutefois qu'on étudie davantage ce sentiment, afin qu'on sache dans quelle mesure il est répandu dans le public, et non seulement chez les chercheurs universitaires.
[Français]
Le président: Monsieur Massicotte, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Louis Massicotte: Monsieur Boudria, Peter vous a dit l'exacte et décevante vérité en ce qui a trait au pourcentage des votes qui ont été exprimés en raison de l'identité du candidat. C'est la conclusion à laquelle aboutissent toutes les recherches.
Certaines personnes voient de façon très négative la possibilité que quelqu'un puisse être défait dans une circonscription et néanmoins être élu parce que son nom apparaît sur la liste. C'est le cas, par exemple, de la Commission du Nouveau-Brunswick sur la démocratie législative qui a décidé, comme vous le savez, d'établir une cloison étanche entre les circonscriptions et la liste.
Dans notre recherche sur le Québec, nous avons beaucoup traité de cette question. À mon avis, la double candidature—le fait de pouvoir jouer sur les deux tableaux—est non seulement recommandable dans le cas d'un système mixte proportionnel, mais pratiquement indispensable.
N'hésitez pas à poser ces questions lors de vos visites, notamment en Allemagne. Vous verrez que cette règle est très, très courante. C'est la meilleure façon d'éviter, en bout de ligne, qu'on ait deux classes de députés. La meilleure façon d'éviter qu'il y ait deux groupes de députés est de faire en sorte que vous puissiez jouer sur les deux tableaux.
[Traduction]
Je devrais peut-être passer à l'anglais. Cette question est d'un intérêt général.
Lorsque des étrangers demandent aux Allemands s'ils n'ont pas un grave problème, en raison de l'existence de deux catégories de députés, d'habitude, ces derniers réagissent avec étonnement et presque agacement.
Selon tous les documents portant sur le sujet, il n'y a pas d'affrontement entre ces deux catégories de députés au Parlement allemand. Pourquoi est-ce ainsi?
À mon avis, une partie de l'explication, d'ailleurs appuyée par les experts, tient au mélange des deux catégories dès le début de la carrière politique. Chaque candidat s'efforce en effet d'être élu à la fois député avec circonscription et député de liste. Certains obtiennent plus de succès que d'autres.
Par conséquent, quel genre de députés de liste est-ce que cela donne? En règle générale, le député de liste est un candidat de circonscription défait. Pour devenir candidat de circonscription, on ne peut se contenter de figurer sur la liste et de se laisser porter par la vague de popularité de son parti pendant la campagne électorale. Il doit lutter dans sa circonscription et sa candidature a dû être choisie dès le point de départ. Aussi, le député de liste a des fonctions à exercer dans la circonscription parce que la prochaine fois, il s'attend à être choisi de nouveau comme candidat de circonscription.
Autre fait intéressant... et qui est le fruit de nouvelles recherches, jamais effectuées même en Allemagne. Nous nous sommes demandé combien de fois au cours d'une carrière parlementaire, un député passait d'une catégorie à l'autre? Lors d'un scrutin, la chance vous favorise et vous êtes élu dans une circonscription. La fois suivante, vous jouez de malchance et vous vous retrouvez député de liste, et le reste. Eh bien, sur une période de 50 ans, nous avons observé que 20 p. 100 des députés du Bundestag, donc un député sur cinq, avaient changé de catégorie.
Pouvez-vous en imaginer l'effet? On ne dénigre pas l'autre catégorie lorsqu'on risque de s'y retrouver dans une proportion de 20 p. 100, si tant est qu'on n'a pas déjà fait partie de cette autre catégorie.
Ce genre de contrepoids est utile et important, et il explique pourquoi ce problème n'existe pas.
º (1655)
[Français]
Le président: Merci.
Il nous reste du temps pour entendre une ou deux questions, s'il y a lieu.
Monsieur Broadbent, allez-y.
[Traduction]
L'hon. Ed Broadbent: Concernant cette question des nombres à la Chambre des communes, tout le monde reconnaîtra que si l'on cherche à instaurer la seule représentation proportionnelle, on se trouve par le fait même à éliminer les circonscriptions. Une fois qu'on commence à mêler les deux catégories cependant, cela aura une incidence sur la proportionnalité, tout comme si l'on se met à régionaliser le mode de scrutin.
Par conséquent, si nous tenons à un processus pratique pour les besoins du Parlement, au cas où il y aurait une réforme, il faudra probablement un mélange des deux—des députés et un certain degré de proportionnalité.
Sur le plan politique, il y a une autre considération pratique à prendre en compte, à savoir s'il est acceptable d'augmenter le nombre de sièges à la Chambre des communes, surtout de l'augmenter de façon considérable. Si on reconnaît cela compte tenu du nombre actuel de sièges... Certains d'entre nous affirment qu'il faut un changement. Nul besoin de recourir à un amendement constitutionnel, ni d'augmenter nécessairement le nombre de sièges.
Je reviens donc à la question suivante : si nous n'augmentons pas le nombre de sièges... en reconnaissant pleinement que l'aspect proportionnel sera réduit dans la mesure où l'on conservera des sièges individuels et une forme de régionalisation. Bien entendu, c'est compliqué par le fait que l'Île-du-Prince-Édouard doit conserver quatre sièges.
Dans un sens, je vous demande de réfléchir à haute voix, car le pays est manifestement beaucoup plus complexe que n'importe laquelle de ses provinces. J'en reviens donc à la solution de deux tiers, un tiers, qui me paraît encore appropriée. Ça n'est d'ailleurs pas une de mes idées, mais plutôt celle de la Commission du droit.
Qu'y a-t-il de si mauvais dans le fait que... Prenez l'exemple de l'Île-du-Prince-Édouard tel que soulevé par notre président. Si je me rappelle bien ce qui a été recommandé, il y aurait une circonscription rattachée à un député, mais les trois autres seraient élus en fonction d'un système proportionnel.
Le président: C'est plutôt le contraire. Sinon, on se ramasse avec bonnet blanc blanc bonnet.
L'hon. Ed Broadbent: Non. Je croyais qu'il s'agissait d'un siège individuel parce qu'ils avaient ce problème et il leur fallait avoir la représentation proportionnelle. Ils ont fait deux tiers, un tiers pour toutes les provinces mais rendus au tour de l'Île-du-Prince-Édouard, ils ont renversé la chose—me semblait-il. Si c'était le cas, est-ce que ce serait vraiment si grave? Si on s'y intéresse, nous, les parlementaires, ceux d'entre nous qui veulent un système mixte, qui veulent traiter d'une réalité politique et qui préfèrent une réforme qui aurait lieu au XXIe siècle plutôt que d'attendre encore 50 ans...
» (1700)
M. Peter Aucoin: En réalité, vous avez dit que la représentation proportionnelle absolue serait l'idéal et qu'un système mixte ne le serait pas.
L'hon. Ed Broadbent: Non, pas pour moi, ce n'est pas le cas.
M. Peter Aucoin: Non, je le sais, je le comprends, mais la manière dont... En réalité, ce n'est pas vraiment le cas. Dans la vraie vie, vous obtiendrez une plus grande proportionnalité grâce aux divers systèmes mixtes. Si vous ne choisissez pas l'option des 308 circonscriptions électorales sans limite de circonscriptions électorales provinciales, ce que vous ne pouvez pas faire... C'est le système israélien. Le système mixte fonctionne mieux, en réalité. La Nouvelle-Zélande et l'Allemagne se trouvent plus haut dans l'échelle parce que ces pays compensent, voyez-vous; ils compensent pour les déficiences.
L'hon. Ed Broadbent: Oh, c'est vrai.
M. Peter Aucoin: Alors le système mixte est toujours le meilleur. Encore une fois, le problème du Canada c'est sa géographie et c'est pour cela que si vous éliminez 20 p. 100, 30 p. 100, 40 p. 100 ou 50 p. 100 des sièges, chacune des circonscriptions électorales au pays va doubler en importance du fait même.
Je comprends que l'idée d'une députation plus nombreuse ne soulève peut-être pas l'enthousiasme de la foule. Dans cette mesure, c'est une partie de votre problème.
Mais je ne crois pas que cela doive servir d'argument contre la représentation proportionnelle. Ce n'est pas ce que je dis. Si cela devait être une inquiétude et que vous cherchiez un bon procédé pour tirer les choses au clair—la représentation proportionnelle versus le statu quo—à mon avis, David a mis le doigt sur ce qui devrait constituer votre inquiétude principale : l'unité nationale. La représentation proportionnelle a un genre d'effet fractionnel qui ne vous aidera pas à résoudre le problème dont vous avez fait état dans vos documents précédents : l'assurance qu'il y aura des libéraux venant de l'Alberta et des conservateurs venant de l'Ontario.
Si les choses se déroulaient ainsi, vous pourriez dire que c'est fantastique, mais il n'y a pas de certitude absolue en la matière. Voilà à quelle enseigne logerait ma plus grosse inquiétude.
Le président: Professeur Smith, vous vouliez demander...
M. David Smith: Il s'agit plutôt d'une question, parce que je crois qu'il faudra faire une certaine recherche; peut-être que le professeur Massicotte connaît la réponse. Si on avait un tiers, deux tiers, dans une province comme la Saskatchewan, ou toute autre province, cela signifie-t-il que le tiers—celui de la représentation proportionnelle, ce résultat, sera décidé par le vote urbain? Ce siège devient-il soudainement un siège urbain parce que c'est le vote urbain qui décidera du vainqueur?
Cela fait une grosse différence, pas vrai? Par opposition à tous ces pays de l'Europe, non seulement le Canada couvre un territoire énorme, mais la population n'y est pas très nombreuse non plus. Il me semble que ce serait plutôt comme un raz-de-marée. Je ne sais pas. Est-ce une fausse inquiétude? Qu'est-ce qui se passe dans ce cas-là? Si Regina et Saskatoon votent en faveur des un ou deux sièges assurant la représentation proportionnelle, ce raz-de-marée ne pourrait-il pas emporter le vote rural?
Disons qu'il y en avait trois ou quatre. Est-ce que ce ne serait pas un raz-de-marée, là aussi? Je ne connais pas vraiment la réponse, mais il me semble que si c'est fait tout simplement...
Puisque la population de ces deux villes représente à peu près la moitié de la province...
L'hon. Ed Broadbent: Eh bien, c'est peut-être très démocratique.
M. David Smith: Mais, comprenez que c'est très différent... On obtiendrait un résultat très différent de ce à quoi les gens peuvent s'attendre. N'est-ce pas? On voudrait peut-être ajouter des précisions concernant cette urbanisation de la représentation.
Le président: Bon, arrêtons-nous ici.
Monsieur Massicotte, avez-vous des études sur ce qui vient d'être énoncé par M. Smith? Autrement, nous donnerons tout de suite la parole à M. Reid, pour la dernière question, parce que nous devrons bientôt aller voter.
M. Louis Massicotte: Pour répondre à la préoccupation de M. Broadbent, disons simplement qu'il est presque mathématiquement impossible d'avoir exactement le même rapport entre les sièges de circonscription et les sièges de liste, pour l'ensemble du pays. En fait, dans notre proposition pour le Québec, il y a un district—c'est le terme employé pour les régions—où il y a quatre sièges plus trois. Dans la plupart des cas, c'est trois plus deux : trois sièges de circonscription et deux de liste. Nous avons quatre districts dans des régions éloignées; dans ces cas-là, il a fallu reconnaître les réalités géographiques de la province et accepter qu'il fallait que ce soit deux plus un, ce qui signifie bien entendu deux tiers plus un tiers. Il y a donc certaines variations.
Si vous allez en Allemagne, vous constaterez qu'en fait, dans chaque länder, pour des raisons qu'il serait trop long d'expliquer, le rapport moitié-moitié officiellement appliqué dans l'ensemble du pays n'est pas respecté partout. Dans le länder de l'Est, le rapport réel est plus près de 60-40.
Le président: Bien. Monsieur Reid, vous avez droit à la dernière question et ensuite, nous devrons aller voter.
M. Scott Reid: Bien. Très brièvement, monsieur Massicotte, vous avez suscité ma curiosité en parlant de l'Allemagne et de l'application du modèle allemand au Québec. Quand vous parlez du modèle choisi pour le Québec et de votre tentative de concevoir des systèmes différents—essentiellement, il s'agit de tenir compte des zones rurales et urbaines, de la dissémination de la population, mais comment décidez-vous où...? Comment éviter que des politiciens comme nous profitent du découpage électoral un jour? Comment fixer des limites qui tiennent vraiment compte des problèmes des régions éloignées qui, d'après ce que je comprends du nord du Québec, sont extraordinaires, tout en tenant compte aussi des problèmes des régions urbaines, en fixant des limites qui ne favorisent pas plus un parti qu'un autre? Je présume que si la proportion est plus élevée, plus encore dans des régions qui favorisent le parti A, et moins dans les régions qui favorisent le parti B, si on vote différemment en zones urbaines et en zones rurales, on pourrait d'une certaine façon influencer le nombre de sièges que le parti A ou le parti B obtiendra à la Chambre.
» (1705)
M. Louis Massicotte: Nous ne savons pas encore quelles seront les limites de circonscription si le projet est adopté un jour. Nous ne savons tout simplement pas. Nous n'avons fait qu'un exercice mathématique, un modeste exercice de transposition que j'ai effectué moi-même, à partir des résultats électoraux de 1998 et de 2003. Nous n'avons certainement pas pris en compte la répartition habituelle du vote selon les partis. Nous avons simplement demandé aux responsables chez le directeur général des élections de transposer les résultats électoraux provinciaux dans les 75 districts électoraux fédéraux. Bien entendu, cette proposition n'a pas été établie en fonction des intérêts des partis provinciaux.
Ensuite, pour délimiter les régions, nous avons simplement regroupé les districts ne comptant qu'un membre, en petits groupes de trois, auxquels nous ajoutions deux sièges provenant éventuellement d'une liste, pour toute une zone. Il n'était pas très difficile, dans la plupart des cas, de déterminer quelles devaient être les limites puisqu'il y a de nombreuses régions du Québec qui sont naturellement regroupées par cinq : le Saguenay-Lac St-Jean, la Mauricie et l'Outaouais. Tout cela cadrait très bien, dans la plupart de ces cas. Toutes les décisions qui ont été prises—et je parle de décisions mathématiques—visant à ajouter deux sièges à un, plutôt que trois à deux, se fondaient strictement sur le facteur de l'éloignement. Tout le monde comprend d'instinct que pour l'Abitibi, la Côte-Nord ou la Gaspésie, peu densément peuplées, il aurait été imprudent d'avoir deux grands districts.
[Français]
Le président: C'est bien.
Nous disposons de peut-être deux minutes; la cloche n'a pas encore sonné. Allez-y.
M. Michel Guimond: D'autres collègues du Parti libéral veulent-ils poser des questions?
Le président: Un député libéral en a posé.
M. Michel Guimond: D'autres veulent-ils poser des questions? Je suis prêt à laisser la place aux députés libéraux.
Le président: Non, je n'en ai pas d'autres à poser, monsieur Guimond.
M. Michel Guimond: Vous êtes président. Vous n'êtes pas membre du Parti libéral, vous êtes président. Vos collègues ont-ils des questions?
Le président: Si vous avez une question, ça va. Les autres sont partis, évidemment, pour le vote.
M. Michel Guimond: Nous ne votons pas?
Le président: On va y aller immédiatement après votre question.
M. Michel Guimond: Non, je n'ai plus de questions.
Le président: J'en profite pour remercier nos trois témoins, les professeurs Massicotte, Aucoin et Smith.
[Traduction]
Merci beaucoup d'être venus, cela a été très édifiant pour nous.
Je tiens à rappeler à mes collègues qu'à la fin de la prochaine séance, je vous consulterai au sujet de nos travaux futurs. De plus, comme notre voyage est imminent, à la fin de la séance de demain je pense qu'il serait très souhaitable que nous mettions au point certaines choses. En outre, au retour de notre voyage, il nous faudra discuter des autres témoins qui viendront nous parler du même sujet. Quelques groupes organisés ont demandé à comparaître. Un parti politique aussi. Il faut décider si nous voulons ou non accueillir des partis politiques, en invités, etc. Comment ferons-nous? Quoi qu'il en soit, commencez à y réfléchir et nous réglerons ces questions demain.
Je suis prêt à recevoir une motion d'ajournement.
Une voix : Monsieur le président, je propose la levée de la séance.
Le président : La séance est levée.