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Donc, sans plus tarder, nous allons débuter.
Bienvenue à vous toutes. Aujourd'hui nous examinons le Programme de contestation judiciaire.
Nous accueillons ce matin, du Conseil canadien de lutte contre le racisme, Mme Muyinda.
De l'Association des femmes autochtones du Canada, nous accueillons Beverley Jacobs — bienvenue, nous vous avons déjà reçue par le passé — ainsi que Mme Mary Eberts. Merci de votre présence.
Et du Regroupement québécois des Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, nous accueillons Mme Carole Tremblay.
Ah, j'ai oublié la capitaine Jennifer Lynn Purdy, qui comparaît à titre individuel.
Par téléconférence, nous accueillons Mme Kathleen Mahoney, professeure, de même que Colleen Sheppard, professeure de droit adjointe à l'Université McGill.
Bienvenue à vous toutes. Je pense que nous devrions d'abord entendre les personnes qui se joignent à nous par voie de téléconférence.
Étant donné que nous avons un grand nombre de témoins et beaucoup de questions à vous poser, pourrions-nous vous demander de vous limiter à un maximum de cinq à sept minutes pour votre exposé? Est-ce possible?
Très bien, vous avez dit cinq. Très bien, cinq minutes, c'est parfait.
Nous allons d'abord entendre Mme Mahoney, professeure à l'Université de Calgary.
Je voudrais, tout d'abord, remercier le comité de l'occasion qui m'est donnée de présenter mes vues sur la question que vous examinez. Je dois admettre, toutefois, que je n'ai pas eu beaucoup de temps pour me préparer, puisque tout cela s'est fait très vite. Quoi qu'il en soit, je vais vous faire part de mes réflexions sur le sujet, aussi désordonnées qu'elles puissent vous paraître. Mais, à mon avis, le fait que vous examiniez cette question me semble important, et même si j'aurais aimé pouvoir mieux me préparer, je voulais absolument participer à cette audience.
Pour ce qui est de mon opinion générale du Programme de contestation judiciaire, je dirais que ce dernier est extrêmement bénéfique au Canada. Il s'agit essentiellement d'un programme d'action positive, on pourrait dire, s'adressant notamment aux personnes défavorisées du Canada. Mais, je pense que les avantages complémentaires sont extrêmement significatifs et je dirais que le comité doit également tenir compte de ces avantages-là, en plus de ceux qui profitent aux groupes défavorisés.
Premièrement, l'un des avantages du Programme de contestation judiciaire pour le Canada dans son ensemble est le fait que ce dernier fournissait un véhicule pour l'interprétation, par les tribunaux, de nos lois les plus importantes et de notre Charte des droits. Et, comme le Programme de contestation judiciaire permettrait à diverses personnes de se prononcer sur les répercussions de nos lois sur elles, à mon avis, la possibilité de faire interpréter la loi suprême du Canada de la meilleure façon possible était grandement améliorée, puisque les vues d'une vaste gamme de groupes et de personnes sur les répercussions des lois ont pu être entendues, si bien qu'il était possible de mieux comprendre le contexte de l'application des lois. Voilà donc pour le premier avantage.
L'autre avantage des contestations judiciaires, selon moi, était leur capacité de favoriser la mobilisation de la société. Je suis à la fois universitaire et juriste et j'exerce parfois le droit devant les tribunaux. Et, ce que j'ai découvert… je participais à fond à ces affaires, en tant que membre du Comité juridique du FAEJ, et aussi comme conseillère dans plusieurs affaires importantes, notamment les affaires Keegstra et Butler, et celles qui portaient sur la liberté d'expression. Pour m'être chargée de ces affaires, je peux vous affirmer que j'ai travaillé avec un cabinet d'avocats de Calgary et que tous les membres du cabinet ont appuyé positivement cet effort. Les collègues acceptaient de passer la nuit, littéralement, à préparer les mémoires, à donner leurs conseils sur la plaidoirie, etc. À mon avis, cela a permis de mobiliser toute la profession d'avocats, de même que les médias, dans une large mesure, les universitaires et le grand public.
Je me souviens de l'époque où les premières décisions étaient rendues par la Cour suprême du Canada sur les droits à l'égalité. Ces décisions faisaient la une du Globe and Mail et d'autres journaux, et elles incitaient le public à se demander ce que c'est que d'être Canadien, ce que signifie l'égalité au Canada, ce que signifie la discrimination, la façon dont les gens sont traités et pour quelles raisons ces actions sont intentées au départ. Je veux dire par là que cela a suscité une sorte de débat national, pour la première fois, sur toute la question, ce qui me semble très positif. Pour beaucoup de gens, me semble-t-il, c'était la première fois qu'ils commençaient à réfléchir à leur propre sens de l'identité canadienne. Donc, l'éducation était un avantage complémentaire qui a coïncidé avec la mobilisation de la société en général.
Mais quand on songe à des affaires comme celle de Jane Doe, par exemple, où la police s'est servie d'une femme comme appât pour élucider une affaire de viol qui avait suscité des questionnements de la part du public sur la différence entre de bonnes pratiques policières, des pratiques policières équitables, des pratiques policières qui respectent la dignité de la femme, et celles qui ne la respectaient pas. On peut en arriver aux mêmes résultats — c'est-à-dire, l'arrestation de criminels — mais l'affaire Jane Doe nous a permis de constater à quel point les principes d'égalité sont importants dans le contexte du maintien de l'ordre.
De même, il y a tout ce qu'on a appris au sujet de la propagande haineuse. Dans l'affaire Keegstra, nous avions affaire à un enseignant qui faisait la promotion de la haine devant sa classe. Je pense que cette affaire a permis aux Canadiens de se rendre compte que les enseignants ont des responsabilités importantes. De même, ils ont des pouvoirs importants.
L'affaire Keegstra concernait non seulement la poursuite d'un homme par le gouvernement, mais aussi, quand les groupes revendiquant l'égalité et le FAEJ se sont prononcés sur la question et ont commencé à parler de l'effet des paroles sur les gens, la population canadienne a commencé à mieux comprendre toutes ces questions importantes. Je ne cite que ces quelques affaires, et il y en a beaucoup d'autres qui auraient eu le même effet.
Un quatrième avantage est évidemment l'accès à la justice. Nous avons au Canada des services d'aide juridique, mais ces derniers sont très limités du point de vue de leur application. Ces services sont disponibles uniquement aux personnes qui ont commis des infractions criminelles graves, et ne concernent donc pas toute la jurisprudence qui est nécessaire pour définir le désavantage et l'égalité, et ce que veut dire le Canada lorsqu'il affirme que nous sommes un pays qui respecte les droits humains. Dans une assez large mesure, le Programme de contestation judiciaire a comblé cette lacune en accordant l'accès à la justice à bien d'autres personnes qui n'auraient jamais pu comparaître devant les tribunaux autrement.
Cinquièmement — et je sais que je n'ai presque plus de temps — il y a un autre avantage très considérable — et j'en ai moi-même profité personnellement, dans le contexte de mes voyages à l'étranger — la réputation du Canada à l'étranger s'en est trouvée beaucoup améliorée, surtout par rapport à nos relations avec d'autres pays, parce que dans une démocratie, il est fondamental, si l'on fait partie d'un groupe défavorisé, de pouvoir contester les décisions du gouvernement.
Vous avez sans doute déjà entendu l'expression « speaking truth to power » [la vérité sans détours]. C'est justement grâce aux contestations judiciaires que cela peut arriver. Les pays du monde entier ont reconnu que c'était un acte extrêmement créatif et courageux qui permettait de concrétiser toutes les belles paroles au sujet des droits de la personne que les États prennent plaisir à répéter, pour expliquer leur position. Mais, le Canada a fait quelque chose de concret sur ce plan-là, avec des résultats éloquents.
J'aurais beaucoup plus de choses à dire à ce sujet, mais mon temps est écoulé. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions par la suite.
Je voudrais vous remercier de m'avoir invitée à participer. J'enseigne le droit constitutionnel, la discrimination et le droit et la théorie juridique féministe. Je travaille aussi avec le Centre des droits de la personne et du pluralisme juridique de l'Université McGill.
Par le passé, j'ai travaillé, en tant que bénévole, pour l'Association nationale Femmes et Droit, pour la préparation d'une contestation constitutionnelle, soit l'affaire Gosselin, de même qu'avec le Fonds d'action et d'éducation juridiques. J'ai également travaillé de concert avec le Centre de recherche-action sur les relations raciales, dans l'affaire Lavoie, en vue de contester les préférences de l'État en matière de citoyenneté, et aussi avec l'Association des Métis autochtones de l'Ontario.
Je voudrais aborder quatre points. Comme c'est le cas pour Mme Mahoney, je n'ai pas eu le temps de faire des recherches approfondies au préalable, étant donné qu'on m'a demandé de comparaître devant le comité à la fin de la semaine dernière seulement.
D'abord, je voudrais préciser que je félicite le comité de s'intéresser à cette question. On m'a demandé d'aborder tout particulièrement les répercussions pour les femmes et, notamment, l'ensemble des collectivités féminines diverses, y compris les femmes autochtones et les femmes appartenant à des communautés racialisées. Je pense qu'il importe de se rappeler que l'égalité des sexes nous amène à adopter une démarche inclusive qui tient compte des conséquences de l'inégalité pour la vie de différentes femmes qui font face à des formes de discrimination qui se recoupent, y compris le sexisme, le racisme, les effets permanents du colonialisme, la pauvreté, la discrimination fondée sur l'âge, les exclusions liées aux incapacités, l'orientation sexuelle et la langue.
Je félicite le comité d'avoir voulu s'intéresser à la situation des femmes et au problème de la discrimination contre les femmes dans une perspective globale et inclusive. À mon avis, il importe que vous teniez des consultations avec une vaste gamme de femmes venant de toutes ces collectivités différentes dans le cadre de vos délibérations.
Dans un deuxième temps, je voudrais aborder un point d'ordre constitutionnel. Quand on songe à l'impact de l'abolition du Programme de contestation judiciaire, notamment sur les femmes autochtones et les femmes émanant de communautés racialisées, il importe d'être sensible à la façon dont la répartition des compétences influe sur toute cette question.
Comme vous le savez, le Programme de contestation judiciaire permettait de financer des actions en justice visant à contester la validité de lois, de politiques et de programmes fédéraux. Même si des initiatives parallèles devraient sans doute être élaborées au niveau provincial, il reste que bon nombre des pouvoirs du gouvernement fédéral influent de façon importante sur les femmes autochtones et les femmes émanant de communautés racialisées.
Je vais vous en nommer une ou deux. Si vous regardez la Loi constitutionnelle de 1867, par exemple, vous allez voir qu'on y précise que le gouvernement fédéral a des compétences expresses dans les domaines suivants, soit « Les Indiens et les terres réservées pour les Indiens »; « Naturalisation et les aubains »; les pénitenciers fédéraux; le droit criminel; « Mariage et divorce »; l'assurance-chômage, qui comprend les prestations de maternité et parentales; de même que le partage avec les provinces des compétences relatives aux pensions de la vieillesse, aux allocations au survivant et aux prestations d'invalidité.
À mon avis, il suffit d'énumérer ces différents domaines de compétence pour comprendre que bon nombre d'entre eux revêtent une importance critique pour la vie des femmes autochtones et des femmes émanant de communautés racialisées.
Si je ne m'abuse, vous avez reçu les témoignages, la semaine dernière, de Sharon McIvor au sujet de sa contestation des dispositions limitatives de la Loi sur les Indiens. D'autres exemples de questions liées à l'égalité dans des domaines relevant de la compétence du gouvernement fédéral comprennent, notamment, l'immigration et le droit des réfugiés, la situation des travailleurs domestiques, le parrainage des conjoints, la violence familiale et la reconnaissance du statut de réfugié, le trafic des personnes et le commerce du sexe, les préférences en matière de citoyenneté dans la fonction publique, les pensions de survivants et les femmes âgées, le traitement des femmes autochtones dans les pénitenciers fédéraux, les biens familiaux sur les terres de réserve des premières nations, des questions sur le traitement des femmes racialisées dans le cadre du système de justice pénale et l'exclusion de travailleurs précaires de différents régimes d'avantages sociaux du gouvernement.
Je n'ai pas fait énormément de recherche sur toutes les affaires liées à l'égalité qui ont été financées par l'entremise du Programme de contestation judiciaire, mais je sais que bon nombre des actions qui ont été financées par le biais de ce programme portaient sur certaines des questions que je viens d'énumérer. Vous pouvez examiner vous-même les rapports annuels, ou encore demander à vos attachés de recherche d'examiner les rapports annuels du Programme de contestation judiciaire, pour avoir toute la liste des affaires qui ont été financées.
Mon troisième point est celui-ci: pour moi, le Programme de contestation judiciaire est particulièrement important parce qu'il a permis d'assurer un certain financement à des organismes de la société civile et communautaire dont le mandat consiste à faire avancer la cause des droits de la personne. Ces organismes ont joué un rôle critique pour ce qui est de s'assurer que les besoins et intérêts des personnes appartenant à des groupes sociaux défavorisés sont représentés et renforcés dans le contexte de leur lutte pour obtenir justice en passant par le système judiciaire. Selon moi, l'appui accordé à de tels organismes par le gouvernement est tout à fait fondamental pour garantir la solidité de l'infrastructure publique du point de vue de la protection des droits humains.
S'agissant maintenant de la législation de protection des droits de la personne et antidiscrimination, nous avons des commissions des droits de la personne qui ont été mises sur pied afin de garantir un accès équitable à la justice à l'ensemble des citoyens. Mais, même dans le contexte de ce modèle, les organismes communautaires ont joué un rôle tout à fait critique. Bon nombre d'entre vous vous souviendrez de l'affaire Action travail des femmes, l'une des affaires touchant la discrimination structurelle et l'égalité homme-femme les plus significatives à avoir jamais été jugée en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et Action travail des femmes a joué un rôle critique dans ce contexte, puisqu'il a trouvé et préparé toutes les preuves pertinentes au nom des femmes qui étaient concernées.
S'agissant maintenant de la Charte, nous n'avons pas de commissions des droits de la personne, si bien que les particuliers sont obligés d'intenter eux-mêmes des poursuites devant les tribunaux en passant par la filière normale. Or cela suppose un travail de grande envergure. Le fait est que les groupes et les particuliers, notamment s'ils font partie de groupes vulnérables ou socialement défavorisés, sont peu susceptibles de posséder les ressources ou les connaissances requises pour mener à bien leur action en tant que particulier. J'estime, par conséquent, que le financement de ces organismes par l'entremise du Programme de contestation judiciaire était essentiel pour faire avancer la cause de l'égalité des sexes.
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Bonjour, et merci de l'occasion qui m'est donnée ce matin de m'exprimer devant le comité.
Je vous parle aujourd'hui au nom du Conseil canadien de lutte contre le racisme, qui est un organisme non gouvernemental et non partisan menant ses activités à l'échelle nationale. Le CCLR regroupe environ 150 organismes nationaux, régionaux, locaux et communautaires, de même qu'une soixantaine d'organismes associés. Il compte, parmi ses membres, un certain nombre d'organismes autochtones. Par le biais du CCLR, ces organismes peuvent agir comme porte-parole nationaux pour dénoncer le racisme, la racialisation et toutes formes semblables de discrimination et d'intolérance.
Donc, de qui parlons-nous au juste en parlant de femmes racialisées? Comme vous le savez, les femmes racialisées sont souvent décrites, dans les textes gouvernementaux officiels, comme membres d'une minorité visible, immigrantes de pays non occidentaux ou de nouvelles arrivantes venant de pays sous-développés qui sont touchées par d'autres facteurs, tels que l'ethnicité, la langue, le pays d'origine, le lieu de résidence, l'incapacité, l'âge, l'orientation sexuelle, la pauvreté et bien d'autres facteurs. Pour cette raison, les affaires financées par le Programme de contestation judiciaire qui sont liées à l'un ou l'autre des motifs énumérés à l'article 15 de la Charte influent nécessairement, de façon directe ou indirecte, sur les femmes racialisées.
Les femmes racialisées se trouvent souvent marginalisées de par leur association avec des hommes racialisés. Donc, quand les hommes racialisés subissent les effets négatifs des lois, des politiques ou des pratiques, les femmes racialisées en subissent également les contrecoups. Dans mon exposé, je vais vous citer des exemples qui concernent principalement des hommes racialisés — par exemple, des cas médiatisés de profilage racial — et ont eu des conséquences pour l'ensemble des membres de groupes racialisés. J'espère que mon exposé n'enlèvera rien à ma conviction que les femmes racialisées sont les principales intéressées.
Pour les membres de groupes racialisés, l'inclusion dans la notion d'égalité, telle qu'elle est définie à l'article 15 de la Charte, constitue depuis longtemps une grave préoccupation — par exemple, sur des questions d'emploi et d'immigration. L'accès à la justice continue d'être un sujet de discussion, et d'aucuns continuent à s'inquiéter du caractère discriminatoire de certaines politiques et pratiques et l'application de ces dernières d'une manière discriminatoire. On s'inquiète également des lacunes de lois visant à protéger les femmes racialisées, leurs enfants et leurs partenaires.
Étant donné la situation des femmes racialisées, ces dernières souhaitent vivement que le Programme de contestation judiciaire continue d'exister, puisqu'il a aidé à financer des contestations judiciaires visant des lois qui les excluaient. Il a permis de corriger les lacunes de certaines lois et de financer des contestations judiciaires visant des politiques et pratiques gouvernementales qui étaient appliquées de manière discriminatoire. À ce chapitre, je répète que les domaines qui nous intéressent tout particulièrement sont: l'immigration, les douanes, la discrimination sur le plan de l'emploi en ce qui concerne surtout le recrutement et les promotions, le profilage raciale, la détermination de la peine et l'exclusion des programmes de financement…
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En fait, l'incidence de l'élimination du programme sur les femmes racialisées est mieux décrite en se fondant sur la cause type liée à la taxe d'entrée imposée aux Chinois et la Loi d'exclusion des Chinois. La cause en question a été financée par l'entremise du programme, mais la requête préliminaire a été rejetée. Il reste que cela a préparé les négociations qui ont suivi, puisque le Conseil national des Canadiens chinois a reçu des crédits, par l'entremise du Programme de contestation judiciaire, en vue d'éventuelles négociations. Cette stratégie de négociation a aidé la communauté concernée à élaborer une position qui lui a permis de faire comprendre aux gouvernements de MM. Chrétien, Martin et Harper que la taxe d'entrée imposée aux Chinois était injuste, ce qui a conduit par la suite à la présentation d'excuses par le Parlement en 2006 et l'annonce de mesures réparatrices faites par le gouvernement actuel.
Ce programme a également financé la préparation de causes par des femmes racialisées souhaitant éventuellement d'intenter une action sur le recrutement de membres de minorités visibles dans la fonction publique et leur accès aux promotions et notamment aux postes de gestion de niveau supérieur; il a financé le travail de femmes racialisées souhaitant préparer des contestations judiciaires sur des questions touchant l'admissibilité à l'assurance-emploi et leur manque d'accès aux prestations qui sont normalement payables en raison des doubles facteurs de la pauvreté et de la race. Malheureusement, la préparation de ce genre de causes ne peut plus être financée, étant donné que le programme a été éliminé.
Il a également été possible de financer des travaux de recherche sur le lien entre la race et d'autres motifs inscrits dans la loi. Par exemple, les recherches menées sur la race et l'invalidité ont permis de mieux comprendre les obstacles auxquels se heurtent certains membres de groupes racialisés ayant une incapacité.
Les recherches et les consultations sur le profilage racial ont permis de préparer un débat sur la nécessité de rassembler des données sur la race et la pertinence de ces dernières. Ces activités ont aidé à mettre en relief le fait que les forces policières et agents qui travaillent à la frontière ont fréquemment recours à la technique du profilage racial. Les cas de Richards et de Decovan Brown en sont une parfaite illustration.
Les consultations qui correspondaient aux deux parties du Programme de contestation judiciaire — soit celles portant sur les droits linguistiques et celles portant sur les droits à l'égalité — concernaient les obstacles auxquels font face les immigrantes racialisées qui parlent le français — puisqu'elles constituent une minorité au sein d'un groupe racialisé. Les femmes en question voulaient se rassembler afin de discuter de leur situation et de cerner les problèmes liés aux multiples couches de préjugés et d'obstacle auxquelles elles se heurtent en essayant d'accéder aux services. Elles voulaient aussi en savoir plus long sur les droits à l'égalité protégés par la Charte, dans la mesure où ces droits étaient liés à leur lutte pour obtenir un logement et un emploi.
Par conséquent, ce programme est considéré comme l'un des moyens par lesquels le gouvernement peut s'assurer de la présence de poids et de contrepoids au sein du système judiciaire canadien. Pour les membres de groupes racialisés — et notamment les femmes qui viennent de pays répressifs — la transparence, la responsabilisation et la possibilité de faire modifier en profondeur des lois, des politiques et des pratiques, par le biais du Programme de contestation judiciaire, étaient grandement appréciées. Cela prouvait que le Canada était résolu à préserver un système démocratique et à respecter les droits à l'égalité protégés par la Constitution. Pour les femmes racialisées, les compressions budgétaires constituent un recul important de la part du gouvernement pour ce qui est de l'avancement des droits à l'égalité et linguistiques.
Contrairement à l'argument voulant que le financement du Programme de contestation judiciaire est une perte d'argent puisque le gouvernement finance des poursuites judiciaires contre lui-même, ce financement reflète un processus qui permet aux personnes marginalisées de faire connaître les lois et les pratiques qui sont discriminatoires, et ce de façon à respecter leurs droits. Il s'agit pour le Canada de vouloir être un chef de file mondial de par son engagement à respecter les droits humains et les droits à l'égalité à l'aide d'une démarche qui fait comprendre que le gouvernement est responsable et transparent dans sa façon de faciliter l'accès à la justice pour tous.
En raison des réductions budgétaires qui ont fait disparaître le programme, les débats qui constituent la première étape dans l'élaboration de stratégies visant à combattre le racisme ne peuvent continuer, puisqu'il n'y a pas les crédits nécessaires pour les maintenir.
Ces réductions budgétaires nous font perdre une entité qui avait la souplesse de pouvoir accepter de nouveaux arguments ou de nouvelles idées pour que les personnes marginalisées aient accès à la justice.
Nous avons perdu ce forum et nous avons perdu la possibilité de recenser les lacunes qui existent par l'entremise de consultations menant à la préparation de causes types.
Nous avons perdu ce lieu de dialogue sur les problèmes qui sont particuliers aux femmes racialisées, ainsi qu'aux membres d'autres groupes racialisés.
Ces réductions budgétaires signifient qu'il ne sera plus possible de soulever et d'explorer rapidement des questions importantes. Par exemple, la question des accommodements raisonnables au Québec et l'incidence de ce discours sur la communauté racialisée auraient pu être soulevées par des femmes racialisées, et ce genre d'exploration aurait sans doute été financée par le programme. Le discours sur le port du niqab dans l'isoloir, par exemple, donne une idée des autres questions qu'il aurait été possible d'explorer de cette façon.
Je voudrais conclure en exhortant le gouvernement à rétablir le financement du Programme de contestation judiciaire en raison des avantages importants qu'il apporte aux membres de groupes racialisés.
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Je vous remercie de donner la chance au Regroupement québécois des Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel de participer aujourd'hui aux travaux du comité.
Je représente le regroupement des CALACS. Notre organisation regroupe la grande majorité des organismes qui viennent en aide aux adolescentes et aux femmes victimes d'agression sexuelle au Québec. Nous aidons également les proches de ces victimes. Nous apportons une aide directe à environ 8 000 personnes par année, sans compter les interventions effectuées dans le domaine de la prévention, où nous rejoignons, bon an mal an, environ 11 000 personnes, principalement des jeunes.
Aujourd'hui, mon intervention aura deux volets. Je ferai d'abord un bref historique qui démontre l'impact positif qu'a eu le Programme de contestation judiciaire pour les femmes victimes d'agression sexuelle. Le deuxième volet de mon intervention portera sur l'importance de maintenir ce programme dans son intégralité pour l'avenir.
Parlons d'abord des impacts positifs du programme. Le fait que l'article du Code criminel qui vise à interdire la publication du nom de la victime ou tout renseignement permettant de l'identifier dans le cadre d'un procès criminel n'ait pas été invalidé est attribuable à l'aide financière accordée en vertu du Programme de contestation judiciaire aux parties qui sont intervenues devant la Cour suprême du Canada pour le défendre. Rappelons que le maintien de cet article a eu pour effet d'encourager certaines victimes d'agression sexuelle à porter plainte, en leur épargnant le traumatisme occasionné par la gêne et l'humiliation qui résultent souvent des procès pour agression sexuelle largement médiatisés. Si cet article de loi n'avait pas été âprement défendu, il y a fort à parier qu'il aurait été invalidé. La conséquence de cette annulation aurait été un taux de plaintes moins élevé et, par conséquent, une forme d'immunité pour les agresseurs qui commettent ce type de crime.
De plus, l'aide financière accordée en vertu du Programme de contestation judiciaire a permis de défendre le régime introduit dans le Code criminel qui fait en sorte qu'un accusé n'a pas accès automatiquement et sans limites au dossier personnel de la victime. Rappelons que ce régime de protection des droits des victimes d'agression sexuelle a pour effet de mettre les droits des victimes et ceux des accusés sur le même pied. Si ce régime de protection n'avait pas été âprement défendu, il est très probable que plusieurs victimes ne se seraient pas prévalues de leur droit de porter plainte, de crainte de voir leur vie privée étalée au grand jour dans le cadre du procès ou de crainte de devoir mettre fin à leur suivi d'aide psychologique, puisque le contenu de celui-ci était désormais susceptible de servir automatiquement la défense de l'accusé.
Quant à l'importance de maintenir l'intégralité de ce programme à l'avenir, nous soumettons les arguments suivants.
Premièrement, malgré des avancées notables, les victimes de violence sexuelle, principalement des femmes et des enfants, demeurent un groupe défavorisé en matière d'égalité, et elles font encore l'objet de préjugés tenaces et de stéréotypes importants.
Deuxièmement, l'histoire démontre qu'il y a des attaques imprévisibles et répétées pour tenter d'anéantir les protections légales accordées aux victimes. Nous en avons vu deux, tout à l'heure, lors de mon intervention précédente.
Troisièmement, en raison de l'obligation de neutralité du poursuivant en matière criminelle, il est primordial que les victimes puissent, dans certaines circonstances, être représentées par des plaideurs indépendants de l'État lorsque leurs droits risquent d'être bafoués.
Enfin, le dernier argument n'est probablement pas une nouveauté, puisque vous avez dû l'entendre auparavant. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour obtenir un meilleur accès aux tribunaux et à la justice. Il s'agit, en maintenant le Programme de contestation judiciaire, de rendre effectifs des droits consignés par écrit.
Je vous remercie.
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Mesdames et messieurs membres du comité, merci.
[Français]
Je suis capitaine dans les Forces canadiennes et j'ai 13 ans d'expérience. Je suis une étudiante de quatrième année en médecine à l'Université d'Ottawa. En mai prochain, je recevrai mon diplôme et je serai médecin.
[Traduction]
En octobre 1995, j'avais 22 ans et j'étais élève-officier en deuxième année au Collège militaire royal du Canada à Kingston. J'étais vierge. Un soir, je suis allée à une soirée organisée par le CMR dans la base. J'étais saoule ce soir là, et un élève-officier en troisième année m'a demandé si je voulais me promener avec lui. Comme je ne soupçonnais rien, j'ai accepté et nous avons quitté la fête. Dès que nous nous sommes retrouvés seuls, il m'a agressée et m'a violée. En tant qu'élève-officier au CMR, nous sommes conditionnés à ne jamais faire preuve de faiblesse de quelque façon que ce soit. Je suppose que j'étais incapable d'accepter ce qui m'était arrivé, par conséquent, j'ai refoulé mes souvenirs de l'incident en question.
Neuf ans plus tard, en octobre 2004, je venais, deux mois auparavant, de commencer ma première année à l'école de médecine. J'ai décidé un week-end de suivre un cours d'autodéfense, parce que c'est quelque chose que je voulais faire depuis longtemps, sans savoir pourquoi. Pendant le cours, j'ai eu mon premier flashback. Depuis, on a établi que je souffrais de stress post-traumatique, de la dépression et de deux troubles du sommeil.
Dès que j'ai eu ces flashbacks, j'ai consulté le Code criminel et j'ai découvert que ce dernier ne prévoit pas de délai de prescription pour les agressions sexuelles. Je me suis donc adressée à la police militaire pour déposer une plainte. Je me rends compte maintenant à quel point j'ai été naïve, puisqu'il ne m'était jamais venu à l'esprit qu'on pourrait me refuser l'accès à la justice simplement en raison de mon sexe.
Mais, comprenez-moi: j'ai été très bien traitée par la police militaire, et je devrais en être contente, car j'ai appris que bien des femmes se font traiter comme des criminelles lorsqu'elles déposent une plainte d'agression sexuelle, du moins lorsqu'elles s'adressent à des forces policières civiles. Par contre, ni la police, ni les avocats concernés n'ont fait preuve de compétence en instruisant ma plainte. En fait, ils ont fermé le dossier car, selon les deux avocats, les actes sexuels en question avaient été consensuels. En fait, la lettre du procureur de la Couronne indiquait que, puisque j'étais sur le dos et ne pouvais pas m'échapper, la question du consentement ne se posait pas.
Depuis que j'ai commencé mes études de médecine, j'ai consacré plusieurs centaines d'heures à faire des recherches, à me renseigner sur le droit et à déposer diverses plaintes concernant le traitement de mon dossier. J'ai déposé une demande de réparation, mais cette demande a été refusée. J'ai écrit une lettre au ministère de la Défense nationale et au vice-chef de l'état-major de la Défense. J'ai déposé une plainte auprès de la police militaire. Cette dernière a conclu, au terme de son enquête, qu'aucune erreur n'avait été commise.
J'ai donc déposé une plainte auprès de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. Le résultat a été le même. J'ai écrit aux procureurs généraux fédéral et provincial, à mon député fédéral, et à mon député provincial, mais je n'ai encore reçu aucune réponse. J'ai épuisé tous les recours possibles, à part le plus coûteux, c'est-à-dire une action en justice.
Si j'ai gain de cause, les forces policières et les avocats du Canada entier devront changer leur façon de faire. Peut-être une femme aura-t-elle alors la chance de pouvoir supposer que les personnes chargées de mener une enquête sur l'agression dont elle a été l'objet feront preuve de professionnalisme, de compétence et d'intégrité, contrairement à ce qui arrive le plus souvent maintenant. Je sais que les droits à l'égalité qui me sont garantis en vertu de l'article 15 de la Charte ont été violés. J'espère que cette action en justice sera le catalyseur qui conduira à une meilleure protection des droits garantis aux femmes par la Charte, s'il leur arrive d'avoir à signaler une agression sexuelle.
Une action en justice coûte cher — tellement cher, en fait, que d'aucuns reconnaissent à présent que la justice est accessible uniquement aux personnes les plus pauvres et les plus riches. Des citoyens de la classe moyenne, comme moi, doivent risquer de perdre leur maison, mais je m'empresse d'insister sur le fait que la plupart des femmes canadiennes n'ont même pas autant de ressources financières que moi. Je suis tout à fait disposée à perdre ma maison, mais cela n'aurait jamais été nécessaire si le Programme de contestation judiciaire n'avait pas été annulé.
Je voudrais soulever trois points clés en guise de conclusion.
Premièrement, lorsque le premier ministre Harper a annoncé que le Programme de contestation judiciaire ne serait plus financé, il a laissé entendre que ce programme ne profitait qu'aux avocats. Mais, si j'ai gain de cause devant les tribunaux, voilà que les forces policières et les avocats qui oeuvrent au sein du système judiciaire seront obligés de changer leur façon de traiter les agressions sexuelles. Voilà qui profiterait à l'ensemble des femmes; je vois mal comment cela pourrait profiter aux avocats.
Deuxièmement, en tant qu'hétérosexuel blanc, valide, anglophone et appartenant à la haute bourgeoisie, le premier ministre Harper, de même que la plupart des membres de son cabinet, ne comprendra jamais ce que c'est que d'être traité de façon injuste par la société canadienne. Lorsqu'il a décidé d'imposer ses compressions budgétaires, il ne tenait aucun compte des droits de personnes qui n'ont pas la chance d'avoir les mêmes caractéristiques personnelles que lui.
Enfin, dans les Forces canadiennes, on nous apprend que, face à un problème, il faut proposer une solution. Or la décision a été prise d'éliminer le Programme de contestation judiciaire, même si les femmes et les groupes minoritaires ne sont toujours pas traités de façon équitable par la loi. Quel autre mécanisme existe-t-il à présent pour faciliter les contestations judiciaires, en vue de garantir la protection des droits de tous en vertu de la Charte?
Je vous remercie.
Je vais me présenter dans ma langue. C'est ma présentation habituelle.
[Le témoin s'exprime en Mohawk.]
J'ai dit: « Salutations de paix à vous », dans ma langue mohawk. Je suis du clan de l'Ours mohawk, du Territoire des Six Nations de la rivière Grand, et de la Confédération de Haudenosaunee. Le clan de l'Ours mohawk m'a donné comme nom Gowehgyuseh, ce qui veut dire « elle est en visite ».
Je désire vous remercier de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de vous parler de l'incidence de l'élimination du Programme de contestation judiciaire, notamment sur les femmes et les jeunes filles autochtones.
Par le passé, le Programme de contestation judiciaire offrait un moyen, quoique limité, aux femmes autochtones qui sont marginalisées à tant d'égards au sein de la société canadienne de se battre pour l'égalité et un traitement équitable en préparant des contestations judiciaires invoquant la Charte. Malheureusement, les femmes et les jeunes filles autochtones n'ont jamais pu s'attendre à ce que le gouvernement fédéral reconnaisse ou protège leurs intérêts. Le racisme et la discrimination colonialiste inscrits dans la Loi sur les Indiens et les politiques du MAINC défavorisent les peuples autochtones en général, et plus précisément les femmes et les jeunes filles autochtones.
Les femmes autochtones ont interjeté appel de décisions prises en vertu de cette loi et de ces mêmes politiques en ayant recours aux procédures administratives du MAINC dans bien des domaines. Normalement ces appels ne donnent rien et, en conséquence, les femmes autochtones continuent de subir une discrimination institutionnalisée et systémique aux mains du gouvernement fédéral. Par exemple, les femmes autochtones ont interjeté appel de décisions relatives à l'inscription aux termes de la Loi sur les Indiens — à la fois avant et après les modifications apportées à la Loi sur les Indiens en 1985 — qui influent de façon négative sur les femmes et leurs enfants d'une manière qui ne touche pas les hommes autochtones. Typiquement, cependant, ces appels ne donnent rien.
Les femmes autochtones se heurtent à des obstacles en essayant de faire renverser ces décisions du fait d'être défavorisées d'une autre façon, en ce sens que les décisions qui annulent leur inscription font en sorte que les gouvernements autochtones ou les conseils de bande ne peuvent plus les aider, étant donné qu'elles ne sont plus considérées comme des membres. Je sais que Sharon McIvor a fait un exposé devant le comité à ce sujet. Elle en est un bon exemple.
Le Programme de contestation judiciaire permettait ainsi aux femmes autochtones de remettre en question de mauvaises lois et de mauvaises politiques en leur assurant un soutien qu'elles ne pouvaient obtenir ailleurs. Ce programme assurait aux femmes autochtones une portion de l'aide financière qu'il leur fallait pour être en mesure de faire opposition au gouvernement fédéral qui, de par son envergure, possède des ressources inégalables.
Même si l'aide fournie en vertu du Programme de contestation judiciaire ne permet aucunement de mettre tout le monde sur un pied d'égalité, au moins elle faisait comprendre aux femmes autochtones opprimées qu'elles pouvaient préparer une contestation, qu'elles bénéficieraient d'une aide en ce sens et qu'elles auraient à l'occasion gain de cause.
La nécessité de maintenir un tel programme est reconnue aux niveaux supérieurs de la communauté internationale. Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale et le Comité des droits de l'homme des Nations Unies ont tous les deux demandé au Canada de mieux assurer l'efficacité et l'accessibilité des systèmes d'instruction de plaintes liées à la discrimination raciale et d'améliorer son système judiciaire afin que toutes les victimes de discrimination aient un accès intégral à des recours efficaces.
De plus, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nation Unies a recommandé en 2006 que le Canada élargisse le Programme de contestation judiciaire de façon à financer des contestations judiciaires touchant les lois et les politiques provinciales et territoriales.
Par conséquent, l'Association des femmes autochtones demande au gouvernement fédéral, au minimum, de maintenir le Programme de contestation judiciaire sous la forme qu'il prenait précédemment. Le gouvernement fédéral ne devrait pas craindre l'examen de lois et de politiques justes et équitables par l'entremise de ce programme.
De plus, le Programme de contestation judiciaire permettait aux femmes d'apporter le fruit de leurs expériences au gouvernement pour que ces expériences influencent les lois et les politiques gouvernementales. C'est très positif, étant donné que les personnes qui rédigent les lois et les politiques n'ont généralement aucune expérience directe ou personnelle de la réalité des collectivités autochtones ou des réalités particulières des femmes autochtones vivant dans ces collectivités et ne comprennent pas l'interaction entre divers facteurs, tels que le colonialisme, le racisme et la misogynie qui continuent d'être une source d'oppression pour les femmes autochtones de nos jours.
Merci. Nia:wen.
Je précise que mes remarques s'appuient sur mon expérience en tant que conseillère juridique auprès de l'Association des femmes autochtones du Canada depuis 1991 et en tant que cofondatrice du FAEJ. Mais, je vais me concentrer aujourd'hui sur l'expérience des actions en justice de l'Association des femmes autochtones, actions en justice qui ont été rendues possibles grâce au Programme de contestation judiciaire. À ce sujet, j'ai essentiellement deux arguments à avancer.
Premièrement, le Programme de contestation judiciaire favorise l'adoption d'une approche qui est à la fois ordonnée et respectueuse de la loi par rapport au changement social. Il assure l'accès à la primauté du droit à des personnes qui ne bénéficient pas d'avantages et qui n'ont pas les moyens d'accéder au système judiciaire grâce à leurs propres ressources. Ainsi ce programme soutient l'infrastructure fondamentale de notre démocratie.
En deuxième lieu, je voudrais vous signaler que les différentes activités entreprises en vertu du Programme de contestation judiciaire ont servi à compléter, plutôt qu'à déplacer, l'activité législative du Parlement canadien. Je peux même vous en citer quelques exemples.
Il n'est pas vrai que les bénéficiaires des crédits versés grâce au Programme de contestation judiciaire s'en servent pour attaquer des lois fédérales. Comme Mme Tremblay nous l'a fait remarquer, les groupes défavorisés ont parfois eu recours à ces crédits pour se présenter devant un tribunal afin de défendre des lois adoptées par le Parlement qui protègent leurs droits. Tel est le cas des victimes des crimes violents, par exemple, qui ont bénéficié de financement en vertu du Programme de contestation judiciaire pour défendre les mesures de sauvegarde inscrites dans le Code criminel à leur intention.
Parfois les gens profitent de ce financement pour explorer de nouvelles applications de lois qui sont déjà en vigueur. L'Association des femmes autochtones a justement reçu des crédits en vertu de ce programme afin d'approfondir le moyen de défense de l'autodéfense. S'agissant du contexte, c'était une femme autochtone qui avait été très mal servie par les forces policières, au point où l'État lui avait appris que son seul moyen de défense, face à un homme deux fois plus grands qu'elle, consistait à réagir de la même façon. Donc, elle invoque les lois actuellement en vigueur en demandant que ces dernières soient interprétées de façon à reconnaître son droit à l'égalité.
De même, les actions en justice ne représentent qu'une partie du processus d'élaboration des politiques. L'Association des femmes autochtones du Canada a intenté des poursuites contre le gouvernement fédéral pour l'absence totale de dispositions relatives aux biens familiaux dans les réserves indiennes. Cette situation a surgi en 1986 à la suite d'un jugement de la Cour suprême. En fait, c'est après que l'Association des femmes autochtones, grâce aux crédits qui lui ont été versés par l'entremise du Programme de contestation judiciaire, a attiré l'attention du public sur ce problème, par l'entremise d'une action en justice qui invoquait l'article 15 de la Charte, que l'on a commencé à élaborer de nouvelles politiques. Jusqu'alors, le gouvernement — c'est-à-dire, tous les gouvernements — avait dit: c'est bien dommage, mais nous ne savons pas quoi faire pour régler le problème. C'est uniquement après que nous avons traîné le gouvernement fédéral devant les tribunaux que ce dernier a commencé à élaborer de nouvelles politiques.
En dernier lieu, je voudrais dire que, dans un environnement comme celui que connaissent les femmes autochtones, ces dernières, selon nous, sont influencées et contrôlées presque exclusivement par les lois adoptées par le gouvernement fédéral. La Loi sur les Indiens exerce un contrôle étouffant sur la vie des gens qui y sont assujettis. En l'absence d'un programme comme le Programme de contestation judiciaire, les femmes qui subissent la discrimination inhérente de la Loi sur les Indiens n'ont aucun moyen de se défendre contre une source d'influence qui se manifeste avant leur naissance et qui continue après leur mort.
Je vous remercie.
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Merci, madame la présidente.
Je dois dire, après avoir entendu les commentaires des unes et des autres ce matin et, bien sûr, à d'autres réunions, que je suis attristée d'avoir à vous dire que tout cela ne me surprend aucunement. Je sais, et nous savons, ce qui se passe, et c'est pour cette raison que je suis en faveur du Programme de contestation judiciaire. Personnellement, je trouve tout à fait accablant de savoir que la situation des femmes n'a toujours pas progressé et n'est pas celle qui devrait exister.
Ceci dit, j'ai été tout à fait fascinée par les observations de nos invitées qui nous parlent par voie de téléphone et qui sont présentes avec nous dans la salle, et je pense que bon nombre de ces éléments donneront lieu à de bonnes recommandations.
Je voudrais soulever un certain nombre de points spécifiques, parce que je n'ai pas besoin d'être convaincue de la nécessité de conserver ce programme. Je dois dire que je suis d'accord avec tout ce qui a été dit aujourd'hui.
Je voudrais néanmoins poser une question à la capitaine Purdy, qui a dit quelque chose tout à l'heure au sujet de laquelle j'ai besoin d'un éclaircissement. Les avocats vous ont dit que, puisque vous étiez sur le dos, vous n'étiez pas en mesure de dire non; par conséquent, il fallait que ce soit un oui. Est-ce que j'ai bien compris?
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Oui. Le fait est que l'enquêteur policier a commis l'erreur de me montrer les deux avis juridiques qui avaient été préparés — l'un par un avocat des Forces canadiennes, et l'autre par un procureur du ministère public de la province et, ce faisant, a violé le secret professionnel.
Quoi qu'il en soit, le troisième paragraphe de la lettre du procureur du ministère public, qu'on m'a montrée ce jour-là, disait ceci, et je paraphrase: « Comme l'élève-officier Purdy l'a avoué elle-même, le type en question était sur elle, si bien qu'elle ne pouvait pas s'échapper; par conséquent, on ne peut parler d'un manque de consentement. »
En ce qui me concerne, il s'agissait surtout, ce jour-là, d'une mission d'enquête. Malheureusement, j'ai commis l'erreur de ne pas demander une photocopie. J'ai donc engagé un enquêteur privé pour voir ce qu'il pourra me trouver comme information.
Deux jours plus tard, j'ai écrit au procureur du ministère public en lui disant, naïvement: « J'aimerais vous rencontrer, car je ne comprends pas pourquoi mon dossier a été fermé. J'ai lu les divers jugements de la Cour suprême, j'ai lu le Code criminel et je ne comprends pas surtout pourquoi vous avez dit ceci… » en reproduisant la phrase pertinente.
J'ai reçu une réponse un jour ou deux plus tard dans laquelle on ne répondait même pas à mes questions. Ce dernier a simplement recommandé que je demande l'appui de mon commandant. Mais quand j'ai enfin décidé de demander l'accès à mon dossier, pour prendre connaissance de ces deux lettres, j'ai constaté que c'est une autre lettre qui se trouvait dans mon dossier.
Mais, c'est effectivement cela que j'ai lu; c'est ça qui était écrit dans la lettre.
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Je vous remercie beaucoup, mesdames, d'être ici ce matin.
Nous avons entendu plusieurs témoins, et je suis très découragée et fâchée par tout ce que j'entends. Je pense que je vais quand même poser ma question à Mme Purdy. Toutes les autres femmes ont bien indiqué que dans la plupart des cas, ce sont des situations où les femmes sont lésées dans leurs droits qui rendait le programme si important.
Mais je vais poser ma question à Mme Purdy pour une autre raison.
Madame Purdy, je sais que c'est très difficile de témoigner ainsi de ses vulnérabilités devant tout le monde. Vous devez donc être à une étape de votre vie où vous le faites parce que vous ne voyez pas d'autre avenue possible. Vous devez témoigner de ces vulnérabilités devant le monde entier, pour ainsi dire, pour nous mettre au courant de la difficulté que vous avez connue. Je vais aussi vous poser cette question parce que vous ne me semblez pas être une féministe enragée. Or, la semaine dernière, on s'est fait dire que le Programme de contestation judiciaire ne servait qu'aux féministes enragées.
Madame Purdy, pouvez-vous me dire ce que cela représenterait de pouvoir faire reconnaître ce qui vous est arrivé dans votre vie? Vous étudiez maintenant pour devenir médecin et vous faites partie des forces armées. Le fait d'avoir fait appel au Programme de contestation judiciaire vous a-t-il nui dans votre carrière militaire? Cela vous a-t-il nui par rapport à vos collègues? Avez-vous une famille? Cela vous nuit-il à cet égard aussi?
J'aimerais que vous nous disiez cela pour démontrer au gouvernement qu'il n'y a pas que des féministes enragées qui fassent appel à ce programme, pour démontrer l'importance de celui-ci pour toutes les femmes, mais aussi pour tous les hommes, bref pour toutes les personnes lésées.
:
Je vais essayer de répondre en français autant que possible. Pour moi, une féministe, c'est quelqu'un qui cherche l'égalité. Elle ne brûle donc pas son soutien-gorge sur la place publique comme cela se faisait dans les années 1960.
Peut-être a-t-on dit de moi que j'étais une féministe enragée, mais je suis une féministe. Je cherche l'égalité, c'est tout.
[Traduction]
Je vais continuer en anglais.
[Français]
parce que mon français est un peu laborieux
[Traduction]
et je voudrais présenter un certain nombre d'arguments.
Je suis une femme seule. J'ai 34 ans. Il est évident que le fait d'avoir été violée m'a beaucoup perturbée, parce que j'ai refoulé tous ces souvenirs pendant neuf ans. Pendant neuf ans je ne suis jamais sortie avec quelqu'un, et je n'ai jamais eu de partenaire. Si je peux en parler plus ouvertement maintenant, c'est parce que, premièrement, j'ai réussi à composer avec ce qui m'est arrivé; et, deuxièmement, j'estime être bien placée pour en parler. La plupart des femmes ne se sentent pas suffisamment à l'aise pour en parler. Bien des femmes de cultures différentes peuvent ne pas être en mesure d'en parler, car dans certaines cultures, c'est encore tout à fait inacceptable. Évidemment, ce n'est pas la faute de la femme, mais on estime néanmoins que c'est tout à fait inadmissible.
En tant que futur médecin et capitaine des Forces canadiennes — bien que je vous parle aujourd'hui à titre individuel; il convient de vous le rappeler — j'ai l'impression de jouir d'une certaine crédibilité en vous parlant de ce problème. Pour moi, il est essentiel que quelqu'un en parle, parce que ce genre d'incident est plus fréquent à présent, même s'il est difficile de trouver de bonnes statistiques. Il reste que les agressions sexuelles sont commises fréquemment — beaucoup trop au Canada — et j'estime que si moi et d'autres personnes aussi engagées que moi n'acceptent pas d'en parler directement et ouvertement, cette épidémie restera essentiellement inconnue.
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
[Français]
Y a-t-il d'autres...
:
Pour vous dire la vérité, je n'en sais rien pour le moment.
[Français]
Je n'ai pas demandé la permission des forces armées pour me présenter ici aujourd'hui.
Je viens aussi d'ouvrir un site Web, www.stoprape.ca, avec Velvet LeClair, une amie qui est ici aujourd'hui. On a vu qu'il n'y avait pas de site Web
[Traduction]
à l'échelle nationale qui porte sur la question.
Je ne sais pas quel effet cela pourrait avoir sur ma carrière dans les Forces canadiennes. En tant que médecin de famille, étant donné la pénurie chronique des médecins, à la fois dans les Forces canadiennes et dans le monde civil, je ne pense pas que cela puisse vraiment poser problème. Il est possible qu'on ne m'offre pas certaines promotions. Honnêtement, je n'en sais rien. Mais, du point de vue du progrès de la déontologie, il est bien préférable que j'en parle ouvertement, même si cela cause un certain inconfort à des membres de mon organisme. Il est évident que ce choix n'est pas facile à faire. Si je voulais rester capitaine toute ma vie, je n'aurais pas besoin de m'inquiéter.
Merci.
:
Si je peux commencer par répondre à cette question, je peux vous dire qu'en tant qu'avocate ayant plus de 30 ans d'expérience, je constate que je cherche souvent différents moyens de soulever ces questions, d'attirer l'attention du public là-dessus et d'obtenir justice pour les femmes et pour mes clientes.
Il est certainement juste de dire que nous ne recommandons pas de lancer une importante contestation judiciaire en vertu de la Constitution du Canada ou de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec à moins qu'il n'existe aucun autre moyen, car si on a la possibilité de déposer une plainte concernant les droits de la personne, et si on peut intenter une poursuite civile contre une autre personne, ou encore faire réformer le droit en faisant du lobbying auprès du gouvernement — autrement dit, si vous pouvez faire l'une ou l'autre de ces choses-là, c'est moins difficile que de préparer une cause de grande envergure. Cela coûte moins cher. Les causes qui sont financées par le Programme de contestation judiciaire le sont parce qu'il s'agit d'un dernier recours, lorsqu'il n'y a aucune autre solution.
Les personnes qui présentaient une demande en vertu du Programme de contestation judiciaire devaient justement répondre, sur le formulaire de demande, à la question que vous venez de poser: qu'avez-vous fait d'autre? À moins de pouvoir affirmer qu'on avait tout essayé, qu'on avait pensé à tout et qu'aucun autre moyen ne serait efficace, on refusait de vous financer. C'est aussi simple que cela.
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Je voudrais simplement compléter les propos de Mary Eberts au sujet de l'admissibilité au financement en vertu du Programme de contestation judiciaire, et c'est un élément d'information qu'il est important de rappeler. Des fonds ne sont pas accordés en vertu du Programme de contestation judiciaire à moins que l'action ne touche un grand nombre de personnes. Il ne s'agit donc pas d'un fonds d'aide servant à financer les actions individuelles, comme l'aide juridique. Il vise plutôt à aider les personnes qui subissent les contrecoups généraux des lois. Voilà donc une première précision que je voulais apporter au débat.
Quant à savoir si on pourrait l'améliorer, je dirais que c'est possible, comme pour tout. Toutefois, il ne fait aucun doute que le Programme de contestation judiciaire est un très bon programme. Il serait meilleur s'il avait un champ d'application plus large — c'est-à-dire, s'il était possible de plaider en faveur du maintien, de l'annulation ou de l'interprétation de loi provinciales de façon à favoriser l'inclusion et la protection des droits de la personne.
Un certain nombre d'affaires jugées importantes qui ont été influencées par des jugements invoquant la Charte ont bénéficié de l'apport de divers intervenants. Cela a fait évoluer l'interprétation des lois provinciales. Je songe, par exemple, à des affaires traitant de questions telles que la discrimination fondée sur la grossesse, le harcèlement sexuel et la propagande haineuse au niveau provincial. Si le Programme de contestation judiciaire n'avait pas existé et si ces affaires n'avaient pas pu être réglées en s'appuyant sur la Charte, nous n'aurions peut-être jamais eu ces décisions-là au niveau provincial. Il est difficile de savoir combien de personnes pourraient en bénéficier ou de quelle façon la société pourrait bénéficier de différentes interprétations des lois provinciales par l'entremise d'un programme semblable. Mais, si l'on se fonde sur les affaires qui ont été jugées, et qui ont été influencées par des jugements invoquant la Charte par le biais du Programme de contestation judiciaire, on peut supposer que le potentiel est immense.
Troisièmement, la plupart des actions intentées en vertu du Programme de contestation judiciaire ont pris la forme d'interventions, c'est-à-dire qu'il ne s'agissait pas de partir de zéro et d'aller jusqu'au bout de la poursuite en passant par les différents niveaux du système judiciaire. Une intervention n'est pas la meilleure façon d'intenter une poursuite car, quand vous intervenez au niveau de la Cour d'appel, c'est-à-dire devant la Cour suprême du Canada, vous êtes essentiellement pris avec le jugement du tribunal de première instance, pour ce qui est des faits qui ont été exposés au juge de première instance au moment où les justiciables ont présenté leurs arguments.
Lorsqu'on fait une demande d'intervention…
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Merci, madame la présidente.
J'ai une question à laquelle les témoins qui le désirent pourront répondre. Je suis conscient du fait que mon temps est limité.
Il y a une chose qui ressort très clairement des résultats du Programme de contestation judiciaire, et c'est que ce dernier ne coûte pas cher. Il dispose d'un budget annuel d'environ 2,75 millions de dollars pour aider les personnes préoccupées pas des violations de leurs droits linguistiques ou de leurs droits à l'égalité. Parmi les groupes bénéficiaires, comme cela a déjà été mentionné, mettons les Canadiens chinois qui demandent d'être indemnisés pour la taxe d'entrée. De plus, des militants handicapés nous ont fait savoir qu'eux, aussi, avaient reçu une aide financière afin de contester les pratiques de VIA Rail.
Il est évident que ce programme ne peut avoir un impact significatif sur les budgets. Son financement correspond à une infime partie des budgets. La communauté des personnes handicapées a pu faire reconnaître certains droits de mobilité, et le gouvernement a présenté ses excuses pour l'imposition de la taxe d'entrée aux immigrants d'origine chinoise. Donc, lorsqu'on tient compte de tous ces éléments, on peut vraiment se demander pourquoi le gouvernement a cru bon d'éliminer le Programme de contestation judiciaire. Qu'est-ce qui a pu justifier une telle décision? Pourquoi a-t-il agi ainsi?
Je pourrais parler avec certaines d'entre vous par la suite, mais vous nous avez déjà fourni d'excellents renseignements.
Je voudrais très rapidement adresser une question à Mme Eberts et à Mme Jacobs, même si je ne devrais peut-être pas vous la poser.
Madame Eberts, vous avez dit tout à l'heure que la Loi sur les Indiens est une loi tout à fait directive qui contrôle entièrement la vie de femmes autochtones. En comité, nous avons examiné la question de l'analyse comparative entre les sexes et des budgets sexospécifiques. À votre connaissance, cette loi a-t-elle déjà fait l'objet d'une analyse comparative entre les sexes et, dans l'affirmative, peut-on contester sa validité en insistant sur son caractère discriminatoire à l'égard des femmes autochtones? C'est peut-être un peu extrême, mais peut-être pour ne plus avoir à traiter chaque problème séparément…
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Je vais commencer par vous parler des affaires qui ont été financées, mais je voudrais revenir un peu en arrière.
Quand le profilage racial se décrivait au moyen de l'expression « conduite en état de négritude », tout le monde s'en fichait jusqu'au moment où des membres de groupes racialisés se sont adressés au Programme de contestation judiciaire en disant qu'ils faisaient l'objet de profilage racial, mais sans avoir quoi que ce soit qui puisse le prouver. Le Programme de contestation judiciaire a donc permis de financer des recherches sur ce phénomène. Il a également permis de financer des recherches sur toute la cause, et notamment la préparation de l'affaire Richards, où un tribunal a défini pour la première fois la notion de profilage racial. Le programme a ensuite financé l'affaire Decovan Brown, qui avait justement fait l'objet de profilage racial. Voilà qui a permis d'établir une fois pour toutes que ce concept était réel. Maintenant les tribunaux l'acceptent… et les gens savent ce que c'est que le profilage racial et c'est justement grâce au Programme de contestation judiciaire, où le tout à commencé.
Pour ce qui est du financement dont a pu bénéficier le CCLR sur la question de la race, je peux vous dire que nous avons reçu des crédits pour effectuer des recherches sur le concept de la race dans la mesure où cette dernière est liée à d'autres motifs de distinction illicites qui sont inscrits dans la Charte — par exemple, la race et l'invalidité, la race et l'orientation sexuelle, la race et le sexe, et sur l'incidence de l'article 15 touchant les droits à l'égalité sur les membres de groupes racialisés et la mesure dans laquelle la situation de ces derniers a pu progresser au cours des 20 dernières années.
Ce qui est clair, c'est que personne ne s'intéressait à la question et que personne ne s'est jamais intéressé à la promotion des enjeux des membres de groupes marginalisés, et notamment les membres de groupes racialisés. Par l'entremise du Programme de contestation judiciaire, de telles personnes ont pu accéder aux tribunaux. Elles ont pu leur parler du lien entre ces différents éléments. Elles ont pu s'asseoir ensemble et élaborer des stratégies pour attaquer le problème. C'est justement de là qu'est venu l'idée de rassembler des données sur la race.
Oui, je pense que tout le monde en pâtit. En tant qu'organisme, nous nous investissons dans les questions d'égalité depuis 33 ans. D'ailleurs, si l'Association des femmes autochtones du Canada existe, c'est à cause de l'iniquité qui caractérise nos propres collectivités. En tant que peuples autochtones, nous sommes présents sur ce territoire depuis des centaines et des centaines d'années. Mais les femmes autochtones sont devenues les personnes les plus marginalisées au sein de cette collectivité marginalisée. Donc, si nous examinons les écarts entre les groupes et l'incidence de toute cette iniquité au Canada, je ne comprends pas pourquoi cette situation persiste encore et s'est même aggravée.
Donc, si notre situation s'aggrave, où se trouve ce fameux équilibre? Il n'y a pas d'équilibre pour les femmes autochtones et les femmes non autochtones. Donc, tout le monde en pâtit. Tous les membres de notre collectivité et de la société en général en pâtissent quand la société n'est pas consciente de tous ces problèmes de discrimination dont nous parlons aujourd'hui. Si nous avions la possibilité de prendre des mesures positives, comme le Programme de contestation judiciaire nous aidait à faire, tout le monde en bénéficierait. Donc, oui, tout le monde en pâtit: notre communauté, nos femmes et nos enfants.
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Mme Jacobs a déjà parlé des conséquences fâcheuses de cette situation pour la population canadienne. D'autres sont victimisés du fait de ne pas pouvoir réaliser leur potentiel.
Je dirais également que le pays dans son ensemble progresse moins vite sur le plan économique, dans une certaine mesure, quand les personnes marginalisées ne peuvent, pour une raison ou une autre, réaliser leur potentiel. Que ce soit parce que ces dernières sont membres d'un groupe minoritaire ou sont des femmes, on ne leur réserve pas le même traitement qu'un homme de race blanche. Et, si cela se produit dès le jour de votre naissance — parce que vous êtes traitée de façon injuste par la Loi sur les Indiens, par exemple — vous vous heurtez à de nombreux obstacles dans la vie qui font qu'il vous est plus difficile d'atteindre l'égalité au sein de notre société.
Je lisais des documents au sujet de l'agression sexuelle. En fin de compte, selon Statistique Canada, ce problème est à l'origine d'un manque à gagner annuel pour l'économie canadienne de plusieurs milliards de dollars, en raison de coûts à la fois directs et indirects; le coût global est difficile à évaluer.
Et là, je parle uniquement des agressions sexuelles. Si nous examinons le traitement réservé aux groupes minoritaires, aux francophones, aux Autochtones et surtout aux femmes autochtones au sein de notre société, on peut comprendre ce que tout cela représente comme coût économique. En tant que responsable politique, je pourrais décider de ne pas voter en faveur d'une mesure — car il arrive fréquemment que les élus et les gens en général ne tiennent compte que de l'aspect financier. Mais, sur le plan financier, le Programme de contestation judiciaire est justement très valable, comme le sont également les efforts déployés pour défendre l'égalité.
À mon avis, l'égalité représente un idéal qui a l'appui général de la population canadienne, même si elle ne s'est pas encore concrétisée. À bien des égards, nous constatons que les problèmes d'iniquité ne font que s'aggraver à cause de la mondialisation. Nous assistons à une augmentation du nombre d'emplois précaires et une intensification de la violence systémique, si bien que nous devons en conclure que l'inégalité demeure un problème grave.
Pour conclure, je voudrais dire que les citoyens du Canada vous ont confié — à vous, en tant que comité et en tant que députées — la responsabilité de faire progresser nos droits, notre démocratie et nos conceptions de la citoyenneté et de l'égalité. J'espère que vous pourrez, dans le cadre de vos délibérations et de vos travaux, examiner cette petite pièce du puzzle, c'est-à-dire le Programme de contestation judiciaire, et réfléchir au rôle qu'il joue par rapport aux objectifs et aux valeurs que nous chérissons au Canada.
En résumé, je voudrais dire que le Programme de contestation judiciaire correspond à une excellente politique d'intérêt public. C'est dans l'intérêt du public de conserver et d'améliorer ce programme.
En conclusion, je vous dirais que quiconque doute de cette affirmation n'a qu'à examiner les affaires financées par le passé par le truchement du Programme de contestation judiciaire. Je mets quiconque au défi de prouver que l'un quelconque de ces résultats n'est pas dans l'intérêt public, parce que le fait est qu'il a été possible de réaliser des progrès très considérables pour une bouchée de pain, comme on l'a dit tout à l'heure. L'investissement était minime, mais le rendement de cet investissement était énorme.
Donc, détruire ce programme sans raison n'est pas dans l'intérêt public et ne bénéficiera pas aux Canadiens, parce que le racisme, le sexisme et toutes les autres formes de discrimination sont répréhensibles et, en conséquence, il s'agit de faire notre possible pour favoriser la disparition de tous ces éléments négatifs.