:
Je vais vous parler ce soir à la fois comme Sud-Africaine et comme une personne qui a aidé plus de 20 pays et organismes internationaux à établir des budgets tenant compte des besoins des hommes et des femmes. Mes propos concernent en partie l'Afrique du Sud, mais aussi ce que je crois avoir appris de mon travail dans d'autres pays, surtout des pays en développement d'Afrique et d'Asie, mais aussi d'autres parties du monde.
Comme j'ai lu les notes tirées de séances précédentes, je vais tenter de répondre à certaines questions et de ne pas trop répéter ce que vous savez déjà.
J'ai été chargée d'aider le Secrétariat pour les pays du Commonwealth à colliger les réponses à un questionnaire envoyé à tous les ministères des Finances des pays du Commonwealth en vue d'une conférence des ministres des Finances. Ces ministres avaient décidé de distribuer ce questionnaire pour vérifier ce qui s'était passé deux ans après une décision commune visant à prendre des mesures favorisant l'établissement de budgets tenant compte des besoins des hommes et des femmes.
Le ministère canadien des Finances a répondu en indiquant clairement que le gouvernement canadien jugeait qu'il élaborait des budgets tenant compte des besoins des hommes et des femmes. Je crois qu'il est important que le comité sache que votre gouvernement pense élaborer des budgets tenant compte des besoins des hommes et des femmes, que ce n'est pas une nouveauté et qu'il n'est donc pas nécessaire de s'en informer. Il a notamment fait référence à une analyse comparative entre les sexes menée par les ministères et les organismes gouvernementaux fédéraux, conformément au Plan fédéral de 1995 pour l'égalité entre les sexes.
Lorsqu'on leur a parlé de budgets favorisant l'égalité entre les sexes, plusieurs pays développés ont fait référence à des audits généraux selon le genre. Selon moi, l'établissement de budgets favorisant l'égalité entre les sexes est une forme spécialisée d'audit selon le genre qui lui ajoute une note particulière. L'établissement de budgets favorisant l'égalité entre les sexes est donc, selon moi, presque plus large que l'audit selon le genre, en ce sens qu'il passe toutes les autres étapes mais qu'il pose l'importante question monétaire.
Le gouvernement canadien a répondu que, dans les cas appropriés et lorsqu'il existe des données, les diverses directions du ministère des Finances peuvent effectuer une analyse comparative entre les sexes lorsqu'elles élaborent des politiques. Il n'a pas précisé la nature des politiques concernées. Il a aussi dit procéder à une analyse des effets distributifs des politiques sur les Canadiens en fonction du revenu, de la région et du sexe chaque fois que c'était possible ou pertinent. Le comité pourrait peut-être se questionner sur ce que le gouvernement juge être possible ou pertinent, car de tels mots laissent beaucoup de place à l'interprétation.
Le gouvernement a aussi dit que les consultations pré-budgétaires permettaient d'obtenir des données importantes pour l'analyse afin de s'assurer que les politiques n'aient pas de conséquences non voulues sur le « segment de la population incluant les femmes ». Il considère donc que ses propres analyses et les opinions des femmes sont importantes afin de déterminer quelles politiques méritent d'obtenir un budget.
Finalement, d'après ce que je sais du Canada, l'Agence canadienne de développement international a appuyé l'établissement de budgets tenant compte des besoins des hommes et des femmes dans divers pays. J'ai personnellement réalisé des travaux financés par l'ACDI au Malawi, aux Philippines et au Bangladesh. Cela s'est aussi produit en Tanzanie, au Vietnam, au Pakistan et peut-être dans d'autres pays.
Le gouvernement canadien semble donc croire en l'établissement de budgets tenant compte des besoins des hommes et des femmes. Voilà mon premier point.
Mon deuxième point vise des leçons sur le plan international, dont certaines reflètent ce que vous avez déjà entendu.
L'établissement de budgets tenant compte des besoins des hommes et des femmes est toujours plus facile lorsque les pays utilisent une certaine forme de budgétisation fondée sur le rendement ou les résultats. C'est plus facile ainsi qu'avec la budgétisation par objet de dépenses, car la budgétisation fondée sur le rendement ou les résultats examine les résultats et les conclusions physiques au lieu de traiter la budgétisation comme un exercice de comptabilité, ce qui était jadis le cas. Cette leçon indique que le Canada est très bien placé pour établir des budgets tenant compte des besoins des hommes et des femmes, car vous avez votre Politique sur la structure de gestion, des ressources et des résultats, vos rapports sur les plans et les priorités et vos rapports sur le rendement ministériel, qui vous permettent de vous demander où va l'argent alloué et de mesurer physiquement les résultats que cet argent a permis d'atteindre, ce qui pour moi est un élément important de l'établissement de budgets tenant compte des besoins des hommes et des femmes.
Quand nous avons entrepris cet exercice, tout le monde ne pensait qu'à l'argent, mais l'argent est une promesse et le budget est une promesse. Nous devons vérifier que cette promesse se concrétise, et nous le faisons par la surveillance. Vous disposez de rapports pour assurer cette surveillance, s'ils sont bien présentés.
Mon troisième point vise l'Afrique du Sud, car on en a parlé aux séances précédentes comme d'un chef de file et je sais qu'il y a eu des questions sur ce qui s'est passé dans ce pays.
Nos travaux, exécutés par un comité parlementaire, initialement le comité des finances, en collaboration avec deux ONG, ont débuté en 1995, peu après les élections post-apartheid. Les ONG devaient faire les recherches et les parlementaires utiliser ensuite les données et les faits pour faire progresser les choses grâce à leur pouvoir politique.
Sur une période de trois, quatre ou cinq ans, nous avons analysé les budgets de tous les ministères ainsi que l'argent des gouvernements locaux destiné aux revenus provenant des relations fiscales gouvernementales. Nous étions là pour prouver un argument idéologique : les différences entre les hommes et les femmes existent dans tous les domaines, pas seulement la santé et l'aide sociale. Mais nous avions aussi le sentiment que ce n'était pas à nous de faire cela de façon régulière. Cette tâche revenait aux gouvernements, car il devrait exister un exercice de reddition de comptes selon lequel les gouvernements devraient nous rapporter, ainsi qu'au Parlement, ce qu'ils font avec notre argent.
Pendant environ deux ans, le Trésor national a effectivement inclus l'établissement de budgets tenant compte des besoins des hommes et des femmes dans son rapport annuel, mais il est devenu un peu plus réticent aux environs de 1999-2000. J'attribue cela à deux raisons. D'abord, il n'était plus si facile de blâmer l'apartheid pour tout ce qui n'allait pas, car le gouvernement était maintenant au pouvoir depuis cinq ans environ. Ensuite, le gouvernement disait vouloir s'occuper des questions d'égalité des sexes plus tard, qu'il devait pour l'instant se concentrer sur d'importantes réformes budgétaires comme la budgétisation fondée sur le rendement, et que les choses importantes avaient priorité et devaient être bien faites.
Au niveau national, rien de consolidé n'est en marche, mais deux des provinces ont instauré l'établissement de budgets favorisant l'égalité entre les sexes. La province de Gautend, où se trouve Johannesburg, élabore de tels budgets chaque année depuis 2002--leur rapport est dans le budget annuel--et ma province de Le Cap-Occidental, où est située Le Cap, vient d'entreprendre l'élaboration d'un budget tenant compte des besoins des hommes, des femmes et des jeunes. Cela fera partie du budget qui sera déposé et publié en février ou mars 2008.
Chaque ministère doit indiquer les allocations censées contribuer le plus à l'égalité entre les sexes et au développement de la jeunesse. C'est une approche en quelque sorte semblable à celle de l'Australie-Méridionale, mais nous avons apporté une innovation importante : il doit y avoir un rapport sur les résultats du sous-programme qui obtient le plus d'argent. Nous avons exigé cela pour que les ministères ne se concentrent pas seulement sur les miettes qu'ils accordent aux jeunes et à l'égalité entre les sexes, mais qu'ils nous disent où va le gros de l'argent.
Nous avons un comité parlementaire sur la condition féminine au Parlement national qui, je crois, est semblable à votre propre comité. Fait intéressant, deux fois l'an depuis trois ans, ce comité parlementaire retient mes services et me verse un salaire à même son budget afin que je l'aide à analyser le budget et à préparer son rapport sur le budget, et que je partager d'autres compétences avec eux. Le niveau d'éducation des membres de notre comité est probablement très inférieur au vôtre, et ce genre de soutien est nécessaire en raison de l'intimidation causée par la quantité de documents budgétaires.
C'est vraiment tout ce que j'aimerais dire pour commencer, mis à part le fait que j'ai appris, en travaillant dans de nombreux pays, que l'établissement de budgets tenant compte des besoins des hommes et des femmes n'apparaît pas du jour au lendemain. Il faut de la persévérance. Il faut adapter l'approche en fonction du budget de chaque pays. Il n'existe pas de recette unique à la budgétisation. Je crois qu'il faut garder cette approche simple et non pénible pour que les fonctionnaires continuent de l'appliquer avec une certaine attention. L'exception à cette règle est la France qui, je crois, n'a pas été mentionnée à votre comité. La France produit chaque année un volumineux rapport sur la budgétisation qui tient compte des besoins des hommes et des femmes et qui est déposé en même temps que le budget.
Je m'en tiendrai à cela. Merci.
:
Nous avons préparé un dossier de présentation qui brosse un meilleur aperçu, et non un point de vue en particulier.
[Français]
Qu'est-ce que l'établissement de budgets favorisant l'égalité entre les sexes? Il ne s'agit pas d'un budget distinct pour les femmes. C'est une analyse de la façon dont un gouvernement trouve des revenus et dont il dépense les deniers publics sous l'angle des rapports sociaux entre les sexes. Cela tient compte des incidences sur les divers groupes de femmes et d'hommes et répond à leur réalité. Cela nécessite la participation non seulement pendant l'étape de mise en oeuvre du budget, mais également pendant tout le cycle budgétaire et celui de l'élaboration de politiques.
Parlons maintenant du contexte. Une approche universelle ne convient pas à tout le monde.
[Traduction]
Ce que nous disons en fait, c'est qu'il existe diverses approches dans le monde--vous venez d'en entendre une--et qu'aucune ne semble se démarquer pour l'instant. Certaines approches conviennent davantage aux pays et en développement et aux économies en transition, mais pas au Canada.
[Français]
De façon évidente, le processus politique est influencé par le contexte plus général du pays et du gouvernement. Au Canada, le budget s'inscrit dans le cycle de planification des politiques. Le Canada met l'accent sur la responsabilisation pour l'atteinte de résultats.
[Traduction]
Le Canada se concentre sur la reddition de comptes axée sur les résultats, issue en partie des travaux de ce comité parlementaire sur l'analyse comparative entre les sexes. Cela signifie que si les ministères responsables procèdent à une analyse comparative entre les sexes efficace de leurs activités, de leurs initiatives, de leurs politiques, des objectifs de leurs programmes et de leurs affectations de ressources, cela devrait produire des résultats concrets pour les femmes et se refléter dans le budget.
Il est possible de suivre tout cela grâce aux rapports de rendement ministériels comme la Structure de gestion des ressources et des résultats et le Cadre de responsabilisation de gestion. En réponse aux recommandations du comité permanent, les trois organismes centraux sont engagés dans des activités de formation et dans l'institutionnalisation de l'analyse comparative entre les sexes dans leurs processus--c'est vraiment important--et leurs pratiques pour s'assurer que les ministères rédigent de meilleures politiques publiques qui contribueront à réduire l'écart entre les sexes.
[Français]
L'avantage de l'établissement des budgets favorisant l'égalité entre les sexes est la réduction des inégalités socioéconomiques entre les sexes. Il ne s'agit pas uniquement d'égalité. Les budgets favorisant l'égalité entre les sexes peuvent également améliorer l'efficacité, l'efficience, la responsabilisation et la transparence des budgets du gouvernement.
[Traduction]
Donc, pour intégrer l'analyse comparative entre les sexes à la politique économique, on peut se poser les questions suivantes : Qui bénéficie des données ventilées selon le sexe? Comment les revenus et les dépenses sont-ils répartis entre les hommes et les femmes? Cela nécessiterait des statistiques sur les dépenses et les revenus ventilées selon le sexe. Quelles sont certaines des incidences à court et à long terme concernant la répartition des ressources selon le sexe? Les dispositions sont-elles adéquates aux besoins des hommes et des femmes?
L'expérience acquise dans d'autres pays démontre que divers outils servent à créer des modèles analytiques permettant notamment d'analyser la répartition des revenus. Ces outils sont par exemple les audits selon le sexe, les évaluations des répercussions sur les sexes, les évaluations des avantages ventilées selon le sexe, l'analyse de l’incidence des dépenses gouvernementales ventilées selon le sexe et les énoncés budgétaires tenant compte des considérations liées à l’égalité entre les sexes.
Nous venons de parler des avantages de la budgétisation favorisant l'égalité entre les hommes et les femmes.
Viennent ensuite les approches.
[Français]
Il existe trois approches fondamentales.
Il y a d'abord le budget pour les femmes. Ce dernier comprend une combinaison de vérifications des dépenses visant expressément les femmes, également connu sous le nom d'exposé budgétaire concernant les femmes, et des recommandations visant à faire avancer l'égalité pour les femmes.
Ensuite, il y a le budget favorisant l'égalité entre les sexes ou le budget sensible aux rapports sociaux entre les sexes. Il ne s'agit pas d'un budget distinct pour les femmes, mais d'une analyse comparative entre les sexes de l'ensemble du budget pour déterminer les répercussions différentes, accompagnée de recommandations possibles de changements pour faire avancer l'égalité entre les sexes.
Enfin, il y a l'intégration de considérations liées à l'égalité entre les sexes, un budget tenant compte des besoins des hommes et des femmes, ou l'intégration des considérations liées à l'égalité entre les sexes dans le processus budgétaire.
Comme vous le savez, il existe divers modèles. Parlons d'abord de l'Australie et du Royaume-Uni.
[Traduction]
Je ne lirai pas cette partie du dossier de présentation, mais c'est là.
Je vais me concentrer sur le Canada pendant quelques minutes.
[Français]
Les trois agences centrales se sont engagées à intégrer l'Analyse comparative entre les sexes, l'ACS, dans leurs pratiques et leurs processus. Cela servira à assurer que les ministères prennent en compte les considérations liées à l'égalité entre les sexes lors de l'élaboration de politiques et de programmes soumis aux agences.
[Traduction]
Quant à la réponse du Canada aux recommandations du comité permanent concernant l'analyse comparative entre les sexes, chaque organisme central a nommé un cadre supérieur champion de l'analyse comparative entre les sexes et l'objectif global consiste à améliorer la coordination des politiques horizontales et à remettre en question les fonctions liées à l'analyse comparative entre les sexes.
Les trois organismes centraux poursuivent également la formation de tous leurs analystes pour s'assurer par exemple, dans le cas du Bureau du Conseil privé, que les mémoires leur étant présentés tiennent compte du fait que le ministère responsable a effectué une analyse comparative entre les sexes. Le ministère des Finances a mené une telle analyse sur les mesures politiques, en particulier les politiques fiscales lorsque les données le permettaient, sur les propositions fiscales présentées au dans le cadre des budgets de 2006 et de 2007, et une formation est maintenant disponible pour l'ensemble du personnel du ministère. Cela fait suite à l'engagement pris ici par le sous-ministre.
[Français]
Les ministères responsables doivent s'assurer que les considérations liées aux rapports sociaux entre les sexes sont inclus dans la présentation budgétaire et tiennent compte des affectations des ressources pertinentes.
[Traduction]
Donc, en ce qui concerne les ministères responsables, les soumissions du Conseil du Trésor sont utilisées comme vous le savez par les ministères pour financer des programmes. Le Conseil du Trésor exige maintenant que ces soumissions contiennent une analyse comparative entre les sexes et posera les questions nécessaires pour s'assurer qu'une telle analyse a été faite. Condition féminine fournit également l'expertise et la formation concernant l'analyse comparative entre les sexes aux ministères et aux organismes centraux.
Il y a aussi les divers modèles ailleurs au Canada. Je ne vais pas les décrire car je sais que vous en avez déjà entendu parler.
[Français]
Quelques succès ont été remportés au Canada. D'abord, il y a une étroite collaboration avec les trois agences centrales.
[Traduction]
En ce concentrant sur l'analyse comparative entre les sexes, ce comité a offert à Condition féminine et aux organismes centraux l'occasion de développer une approche de partenariat actif concernant les questions de reddition de comptes. Je crois que nous avons réalisé des progrès considérables à cet égard.
Il existe des liens croissants entre les organismes centraux, les ministères responsables et les obligations de rendre compte à la suite des mesures sur lesquelles nous avons travaillé. Et nous croyons que grâce à la formation donnée--et à celle qui sera donnée au personnel de la Direction de la recherche parlementaire de la Bibliothèque du Parlement--les parlementaires et les comités parlementaires seront également en mesure de jouer un rôle accru en matière de respect de l'analyse comparative entre les sexes et de reddition de comptes.
[Français]
Plusieurs défis sont encore à relever. Il y a la collecte des données ventilées selon les sexes.
[Traduction]
Nous savons que sans des données précises et pertinentes, il est impossible d'intégrer une perspective de genre dans le processus budgétaire. De plus, les données doivent tenir compte de la diversité entre les hommes et les femmes.
[Français]
Il y a également l'évaluation des domaines prioritaires.
[Traduction]
Je le répète, quand on prend le temps d'examiner la question, beaucoup a été fait à l'échelle internationale sur le plan des dépenses et moins sur le plan des revenus, et cela inclut les politiques fiscales. Comme d'autres témoins vous l'ont déjà dit, il est plus difficile d'examiner les politiques fiscales.
En ce qui concerne les dépenses, au Canada, il serait possible d'explorer certaines possibilités comme le soutien du revenu pour les parents, certaines politiques économiques, certaines politiques en matière de santé mentale, etc.
[Français]
Il faudra réussir à passer de l'analyse aux changements dans les politiques et les budgets.
Il y a aussi les limites de l'intervention législative.
[Traduction]
Nous savons que les législatures, en partenariat avec des experts en matière d'égalité entre les sexes et certains groupes de la société civile, ont parfois joué un important rôle de défense, notamment en Afrique du Sud, d'où vient notre témoin d'aujourd'hui. Je crois qu'il faudrait féliciter le comité permanent d'avoir examiné cette question et convoqué tous ces témoins.
Il y a aussi l'institutionnalisation des outils de budgétisation favorisant l'égalité entre les sexes, qui ont fait l'objet de travaux au Canada.
[Français]
En conclusion, l'expérience internationale met en relief certaines pratiques exemplaires et certains éléments communs, mais le Canada doit choisir ce qui fonctionne dans son contexte particulier.
[Traduction]
Il faut examiner les outils et la formation en matière d'analyse comparative entre les sexes, la reconnaissance de ce type d'analyse et la façon dont elle peut permettre la mise en oeuvre efficace des politiques--c'est d'ailleurs l'une des choses sur lesquelles nous continuons de travailler--, le soutien sur le plan politique et juridique, les arrangements institutionnels et le financement de l'appareil gouvernemental.
[Français]
le dialogue, la surveillance et le compte-rendu des progrès, et l'établissement de nouvelles priorités plutôt qu'une augmentation des dépenses publiques.
[Traduction]
Je crois qu'il est important de noter que cette analyse n'est pas automatiquement synonyme de dépenses supplémentaires. Il peut simplement s'agir d'une réorganisation des priorités afin d'affecter l'argent ailleurs après avoir déterminé l'incidence des dépenses--temps consacré--et qui révélera peut-être d'autres lacunes et solutions.
[Français]
Voilà, j'ai terminé.
Je suis très heureuse d'être ici et enchantée que les membres de ce comité aient décidé d'étudier l'établissement de budgets favorisant l'égalité entre les sexes.
Nous sommes depuis longtemps d'ardents défenseurs de l'établissement de budgets favorisant l'égalité entre les sexes et ce, pour diverses raisons. Nous partageons en grande partie l'avis de Mme Beckton au sujet de cet exercice. Il ne s'agit pas d'établir un budget distinct pour les femmes, et cela ne se limite pas à des affectations budgétaires visant des politiques d'égalité d'accès pour les femmes ou favorisant les femmes. Cela englobe l'ensemble du budget. Je crois que c'est pourquoi votre tâche est si importante aujourd'hui, car vous examinez l'ensemble du budget fédéral, la façon dont on l'aborde et comment assurer des résultats équitables pour les femmes.
Nous avons déterminé en 2005 que l'établissement de budgets favorisant l'égalité entre les sexes constituait une priorité après avoir demandé une analyse rétrospective des budgets fédéraux des 10 années précédentes. Nous avons donc examiné les budgets à partir de 1995, année où le Canada a signé le Programme d'action de Pékin, jusqu'en 2004. Nous avons embauché une économiste, Armine Yalnizyan, qui a témoigné à votre comité, pour qu'elle analyse les domaines prioritaires clés pour les femmes et détermine leurs modes de financement pendant cette période.
Ce que Mme Yalnizyan a découvert pour nous, et dont elle vous a fait part, c'est essentiellement que les domaines sur lesquels les femmes se fiaient pour assurer leur bien-être et celui de leur famille et de leur collectivité étaient généralement sous-financés, voire non financés en période de réduction du déficit. Le financement n'a toutefois jamais été rétabli en période de surplus budgétaire. Nous nous sommes donc retrouvés devant une situation où les femmes ne pouvaient compter avec certitude sur des programmes et des services extrêmement importants pour leur stabilité et celle de leur famille.
Pendant cette étude, soit en 2005, nous avons tenté de savoir ce que le gouvernement fédéral faisait en matière d'analyse comparative entre les sexes. Malheureusement, nous n'avons pas trouvé grand chose. Aucune information n'était disponible. Nous avons pu à l'époque obtenir de la part du ministre Ralph Goodale la promesse d'une analyse comparative rigoureuse entre les sexes dans le cadre des prochains budgets fédéraux, mais rien n'indique qu'une telle analyse de haut niveau a été menée.
Nous cherchons donc depuis quelques années à déterminer ce qui se passe au sein du gouvernement fédéral. Nous reconnaissons que Condition féminine Canada a financé certaines recherches visant à déterminer plus précisément les incidences de la politique fiscale et d'autres mesures budgétaires, mais nous avons été incapables de trouver toute trace d'effort coordonné au sein du gouvernement fédéral, et plus particulièrement du ministère des Finances, visant l'établissement de budgets favorisant l'égalité entre les sexes et les résultats de tels budgets.
Je vous en dirai davantage un peu plus tard sur ce que nous croyons qui se passe actuellement, et je suis persuadée que Clare sera heureuse d'élaborer également.
Selon nous, l'établissement de budgets favorisant l'égalité entre les sexes est nécessaire pour diverses raisons. Les Nations Unies ont ciblé des lacunes en matière d'égalité dans divers domaines au Canada qui ont un effet réel sur la vie quotidienne des femmes. Ces lacunes comprennent la pauvreté, la violence faite aux femmes, l'emploi, les soins aux enfants, le logement, l'aide juridique, la discrimination à l'égard des femmes autochtones, des immigrantes et des réfugiées, et l'accès à l'assurance-emploi.
Selon nous également, et vous avez sans doute mené une étude à très long terme sur la sécurité économique des femmes, celles-ci se situent à un niveau différent dans l'économie, en particulier à cause de leurs responsabilités à titre d'aidantes naturelles, ces responsabilités ayant une incidence sur leur participation au marché du travail. Je crois qu'il est bon de reconnaître, aux fins de ce comité, que 70 p. 100 des emplois à temps partiel au Canada sont occupés par des femmes. Les femmes ne cessent de dire à Statistiques Canada qu'elles passent plus de temps en dehors du marché du travail pour prodiguer des soins, qu'elles prennent davantage de congés de maladie et de journées de congé pour des motifs familiaux, et dans bien des cas qu'elles choisissent un emploi à temps partiel, si leur situation financière le permet, afin de mieux équilibrer obligations familiales et emploi.
Il faudrait aussi reconnaître, et je suis persuadée que vous en avez déjà entendu parler, que près de 40 p. 100 des Canadiennes qui déclarent leurs revenus ne paient pas d'impôts, car leurs revenus sont insuffisants. C'est vraiment important lorsqu'on examine la tendance des budgets fédéraux des dix dernières années à se fier de plus en plus au système fiscal pour offrir une politique sociale.
Nous notons particulièrement l'utilisation des crédits d'impôt. Il s'agit d'un moyen utilisé depuis un certain temps déjà--un peu plus de dix ans--par le gouvernement fédéral pour offrir un soutien du revenu, mais c'est parfois inefficace pour les femmes, dont l'assujettissement à l'impôt est si limité qu'un crédit d'impôt ne signifie rien pour elles.
Alors, je considère qu'il s'agit, pour nous et pour vous, d'un élément important du contexte dans lequel se déroule actuellement l'étude sur l'établissement de budgets favorisant l'égalité entre les sexes.
Compte tenu de ces réalités, nous avons essayé de mieux comprendre ce qui se passait au ministère des Finances. Entre autres problèmes, on observe dans ce ministère et au sein du gouvernement fédéral un sérieux manque de transparence. J'estime que c'est ce qui explique le peu d'importance des mesures jusqu'à maintenant. Il est très difficile de parler franchement et publiquement de ce qu'on fait lorsque, comme je le crois, on agit essentiellement à la petite semaine et on fait des choix quelque peu arbitraires.
Nous savons qu'il y a eu des analyses comparatives entre les sexes des mesures contenues dans le budget fédéral depuis 2005. Nous n'avons pas examiné ce qui se faisait avant cela. L'information dont nous disposons nous porte à croire qu'on en faisait très peu. Peut-être que nous avons tort, mais nous n'avons pas pu obtenir d'information le démontrant. À l'instar des experts de l'établissement des budgets favorisant l'égalité entre les sexes, nous croyons que la transparence est un aspect vraiment important de la démarche.
Pour mieux comprendre ce qui se mijote au ministère des Finances, nous avons fait des demandes d'accès à l'information. Nous avons découvert qu'on y avait fait des analyses comparatives entre les sexes, mais qu'elles étaient souvent très superficielles et qu'elles n'avaient pas nécessairement été réalisées dans un cadre de travail axé sur les droits à l'égalité.
Permettez-moi de vous renvoyer à un rapport de Diane Elson, qui est reconnue par l'ONU à titre d'experte de l'établissement de budgets favorisant l'égalité entre les sexes. Ce rapport s'intitule Budgeting for Women's Rights: Monitoring Government Budgets for Compliance with CEDAW. L'abréviation CEDAW désigne la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Je ne sais pas pourquoi Mme Elson n'est pas venue témoigner devant vous, mais je pense qu'elle pourrait vous aider énormément.
Le rapport de Mme Elson indique que l'établissement de budgets favorisant l'égalité entre les sexes doit se faire en tenant compte de ce qui désavantage économiquement les femmes , en particulier dans leur milieu. Il peut être nécessaire de se concentrer sur certains groupes de femmes.
Nous savons que le Canada a présenté un rapport lors de la réunion des ministres des Finances du Commonwealth pour faire suite à l'engagement de ces ministres d'établir des budgets favorisant l'égalité entre les sexes. Nous avons pu obtenir ce rapport, mais nous avons dû encore une fois faire une demande d'accès à l'information, faute de pouvoir l'obtenir autrement. On constate dans le rapport que les analyses comparatives entre les sexes au Canada ont tendance à se limiter à l'analyse elle-même et à ne pas mettre l'accent sur les résultats. Je pense que l'État fédéral doit changer d'approche et examiner aussi les indicateurs de rendement.
Je crois que Debbie a raison de dire que le Canada est bien placé pour envisager de plus près l'établissement de budgets reposant sur des indicateurs du rendement. Nous pensons que les analyses ne vont pas assez en profondeur. Clare vous dira si nous avons raison. Les analyses ne tiennent pas compte du lieu où se trouvent les femmes. Elles ne distinguent pas les administrations publiques les unes des autres. Or, sans analyse bien faite, on reste dans le domaine des simples relations publiques. Personne ne s'intéresse à ce genre d'analyses. Elles ne sont pas utiles et ne font aucunement avancer les femmes. J'invite fortement le comité à se servir d'indicateurs de rendement ayant comme critères les engagements pris par le Canada à l'égard de l'égalité, au pays et sur la scène internationale.
J'ai apporté avec moi les 23 recommandations faites par le comité des Nations Unies sur la discrimination à l'égard des femmes, conformément à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Je pense que ces recommandations constituent un bon point de départ lorsque vient le temps de se fixer des objectifs relativement aux budgets favorisant l'égalité entre les sexes.
Je conclus avec deux points. Premièrement, je pense qu'il manque une âme dirigeante assez forte. Condition féminine Canada a fait son possible pour encourager le ministère des Finances à agir, mais le ministère des Finances ne s'est pas approprié cette question en tant que chef de file pour que le dossier progresse vraiment. Il faudrait que ce ministère collabore avec Condition féminine Canada, mais je pense que nous n'en sommes pas encore là.
Je sais que la Direction de la politique de l'impôt du ministère des Finances semble vouloir entreprendre une analyse comparative entre les sexes, mais je ne pense pas que cette analyse suffira, compte tenu de ce qu'on y considère comme utile pour les femmes. Si les analyses étaient suffisamment approfondies, on verrait diverses mesures apparaître dans les budgets fédéraux. Or, ce n'est pas ce que l'on voit. Les crédits d'impôt et les autres allègements fiscaux auxquels on a abondamment recours ne tiennent pas compte, selon moi, de la dépendance des femmes à l'égard des dépenses publiques et à l'égard de la recherche de l'intérêt général. Je pense donc qu'il nous faut une autre façon de gouverner et un autre contexte.
J'ajouterais qu'à mes yeux, les organismes de la société civile n'ont pas été consultés adéquatement. Cela s'explique en partie par l'insuffisance des moyens à leur disposition, comme nous le savons tous. Au Canada, les organismes de défense des femmes ne s'y connaissent pas tellement en matière de budgets favorisant l'égalité entre les sexes, en partie parce que, selon ce que nous avons pu observer, l'État n'agit pas de façon bien transparente. Notre apport a été peu important dans ce domaine parce qu'il y règne une certaine obscurité.
L'année dernière, seulement deux groupes ont été invités aux tables rondes avec le ministre des Finances dans le but de préparer le budget. Selon l'information fournie par le ministère des Finances, il s'agissait de REAL Women of Canada et de l'Association des femmes autochtones du Canada. J'en conclus que les consultations ne sont pas assez vastes et que le gouvernement ne s'adresse pas à un nombre suffisant d'organismes pour avoir un portrait fidèle de la situation économique et sociale des femmes. Des interlocuteurs étant ignorés, les budgets destinés à favoriser l'égalité entre les sexes ne porteront pas fruit. Les mesures n'auront pas suffisamment d'effet et on n'obtiendra peut-être même pas des résultats bénéfiques.
En dernier lieu, permettez-moi de vous dire que le Parlement devrait selon moi exercer une surveillance comme il le fait dans d'autres domaines. Par exemple, il y a un commissaire à l'environnement qui examine la planification relative au développement durable qui est faite dans les ministères. Je ne vois pas pourquoi il ne serait pas envisageable de faire un peu la même chose dans le domaine de l'égalité entre les sexes et des budgets la favorisant. En tout dernier lieu — veuillez m'excuser mais je vais parler de ce dernier point —, j'aimerais vous dire que, bien que l'État fédéral ait pris une bonne décision en demandant aux ministères de soumettre leurs analyses comparatives entre les sexes au ministère des Finances, il devrait en faire davantage sur ce plan, selon moi. Je ne crois pas qu'il soit suffisant de se fier aux ministères pour réaliser ces analyses. Certains d'entre eux n'ont pas de service capable d'effectuer ces analyses. Alors, je ne crois pas que l'État fédéral soit suffisamment outillé et je ne crois pas non plus qu'il s'y fasse assez de surveillance.
Je vais m'arrêter ici.
:
Le Parlement exige qu'après le dépôt du budget, tous les comités en discutent. Comme tous les autres comités, le comité de la condition féminine doit présenter un rapport exprimant son point de vue sur le budget.
Ce qui complique la tâche du comité de la condition féminine, c'est que, contrairement aux autres comités, qui sont de nature sectorielle et qui se concentrent par exemple sur les sommes consacrées à la santé ou sur d'autres sommes en particulier, il doit examiner l'ensemble du budget.
Je m'occupe de rédiger un rapport pour les membres du comité. Puis, dans le cadre d'un atelier, nous examinons ce rapport. Le comité lui apporte les modifications qu'il souhaite et le soumet au Parlement en son nom.
Au cours des quatre ou cinq dernières années, le comité s'est concentré sur ce qu'il considère comme les principaux problèmes affligeant les femmes en Afrique du Sud, soit le sida, la pauvreté, le chômage et la violence qu'elles subissent. Alors, pour aider le comité, je commence par repérer les mesures qui, dans tous les ministères, pourraient être utiles pour résoudre ces problèmes. Je détermine ce que les ministères promettent d'accomplir et je trouve les rapports budgétaires produits par eux l'année précédente.
En ce qui concerne le caractère semestriel de mon travail, le comité m'appelle habituellement à la fin de l'année. Cette année d'ailleurs — c'était en fait le mois dernier —, j'ai essayé de lui montrer comment il pouvait se servir des rapports annuels des comités qui sont déposés en septembre, pour voir ce qu'il advient du budget précédent.
En somme, comme je le disais et comme Nancy le disait, il faut non seulement s'occuper des sommes allouées, mais également des sommes effectivement dépensées et des résultats qui en découlent.
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En ce qui concerne l'étude relative aux ministres des Finances du Commonwealth, je pense que ce que Mme Beckton a ajouté nous a beaucoup éclairés et m'a confirmé ce que je soupçonnais. À vrai dire, à mon avis, le rapport du Canada, comme celui de beaucoup d'autres pays, présentait un tableau un peu trop idyllique. Je fais ce travail depuis plus de dix ans et j'ai appris à être cynique.
Ainsi donc, pour évaluer quelle en était, selon moi, la pertinence réelle, je leur ai demandé ce qu'ils considéraient être possible ou pertinent. Il est inquiétant d'entendre Mme Beckton dire que les rapports à partir desquels l'analyse a été faite ne sont pas disponibles. Je pense que le comité devrait dire qu'il veut voir la preuve des résultats de l'analyse. Dans quels cas était-ce possible et dans quels cas croyait-on que cela n'était pas possible, mais que cela aurait pu être pertinent? Je ne peux pas répondre à ces questions. Je pense que vous devriez vous-mêmes poser ces questions au ministère des Finances et à d'autres ministères.
Cela m'inquiète aussi un peu qu'on parle beaucoup d'analyse comparative entre les sexes, mais que cette dernière ne comprenne pas nécessairement de volet relatif au budget. J'essaierais donc de savoir si, au moment d'effectuer cette analyse comparative entre les sexes, les questions d'argent ont été abordées.
Quant au fait d'être simple et d'éviter d'être pénible, la plupart des fonctionnaires que j'ai rencontrés considèrent qu'ils travaillent vraiment fort et ils ne veulent pas en avoir encore plus à faire. Alors plutôt que de créer un long rapport séparé, pourquoi ne pas trouver une méthode d'évaluation de la pertinence des budgets en matière d'égalité des sexes qui s'intègre à la manière dont le rapport est déjà établi, ce qui lui accorderait une valeur ajoutée avec un minimum d'efforts? Je pense aussi que si vous réussissez à l'intégrer au rapport existant, il y a plus de chances que d'autres gens, qui ne s'intéressent pas particulièrement à la question de l'égalité des sexes, en prennent connaissance. C'est donc peut-être une façon plus efficace de faire passer le message.
Ce que nous avons fait en Afrique du Sud, dans le Cap-Occidental, c'est d'inclure un chapitre dans un des deux livres du budget principal, appelé l'examen du budget. Ce chapitre contient les déclarations sommaires de tous les ministères. Ces derniers présentent l'impact qu'aura leur plus ambitieux sous-programme, celui qui reçoit la plus importante affectation de fonds, sur les dossiers des jeunes et de l'égalité des sexes et précisent comment cet impact sera mesuré. Ensuite, ils indiquent les deux ou trois autres sous-programmes qui apportent une contribution significative. La formule est très simple. Un petit paragraphe analyse le contexte, ce qui rappelle la raison pour laquelle ils prennent la peine de se livrer à un tel exercice. Quel est le problème des femmes, des hommes et des jeunes du pays auquel il faut s'attaquer? Un petit paragraphe présente ce que le gouvernement projette de faire, combien d'argent est alloué à cette fin, quels sont les trois indicateurs sur lesquels le rapport de l'année suivante sera fondé pour montrer ce qui a été accompli, ainsi que les défis particuliers auxquels le gouvernement est confronté et qui sont susceptibles d'expliquer pourquoi il n'atteindra pas ses objectifs au cours de l'année qui vient.
C'est simple et c'est court, ce qui le rend plus facile à lire. Il s'agit vraiment de renseignements de base qui permettraient à un comité ou à un membre de la société civile de reconnaître que le projet est intéressant et qu'il veut en apprendre davantage.
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Certainement. Je pense que d'autres témoins ont formulé des observations sur le fractionnement du revenu.
Selon nous, le fractionnement du revenu comporte un certain nombre de problèmes. Le fait de produire une déclaration conjointe ou, plus précisément, de transférer symboliquement, aux fins de l'impôt, une partie du revenu le plus élevé à l'autre conjoint, dont le revenu est moins élevé ou inexistant, est problématique, en ce sens que c'est une initiative très coûteuse. Les études faites donnent à penser que ce sont les personnes dont le revenu se situe dans les tranches d'imposition les plus élevées qui profitent le plus de cette mesure. Si les deux conjoints ont un revenu à peu près égal, par exemple si l'un touche 35 000 $ et l'autre environ 50 000 $, les économies d'impôt sont plutôt négligeables. C'est vraiment dans les tranches d'imposition les plus élevées — à partir de 80 000 $ — que les économies d'impôt sont les plus importantes, lorsqu'un conjoint gagne beaucoup d'argent, tandis que l'autre n'a presque aucun revenu. Par conséquent, nous pensons que ce n'est pas une mesure rentable, compte tenu des personnes qui en profitent.
Mais ce qui est encore plus pertinent, si vous croyez que les femmes devraient accéder à l'autonomie économique, c'est qu'il est très illogique d'autoriser le fractionnement du revenu, notamment parce que vous transférez l'assujettissement fiscal, mais non les ressources financières. Les études révèlent que, dans d'autres pays où diverses formes de fractionnement du revenu sont en place, ce sont souvent les femmes qui se retrouvent dans une situation où elles doivent de l'argent sur un revenu qu'elles n'ont pas gagné et qui ne leur a jamais été transféré.
Selon nous, cette situation pose un énorme problème. En cas de dissolution ou de rupture du mariage, ou en cas de séparation, si l'un des conjoints a produit une déclaration fiscale au nom des deux, en vertu d'une entente de fractionnement du revenu, l'un des deux conjoints risque, après la séparation, de se retrouver avec un très gros montant d'impôt à payer.
Notre préoccupation est en partie liée au fait que cette mesure compromet l'autonomie économique des femmes, au lieu de l'améliorer. Si vous ne transférer pas les ressources, si vous ne transférez pas le revenu à la femme, qui a tendance à avoir le revenu le moins élevé, vous créez une vulnérabilité qui, selon moi, ne peut qu'exacerber l'insécurité économique des femmes.
Par ailleurs, nous sommes d'avis que c'est une mesure très coûteuse. La Direction de la recherche parlementaire a estimé que cette mesure coûterait environ 5 milliards de dollars annuellement. La Fédération canadienne des contribuables a dit que cette initiative pourrait coûter encore plus cher, du fait qu'elle risque d'entraîner un changement de comportement. En conséquence, nous pensons que ces recettes perdues pourraient être utilisées plus judicieusement à des mesures dont toutes les femmes bénéficieraient.
Je pourrais aussi mentionner le fait que cette mesure profite aux familles biparentales. Si vous êtes un parent seul, vous n'allez pas bénéficier du fractionnement du revenu. Si vous êtes deux salariés à faible revenu, ou même deux salariés à revenu moyen au Canada, le montant d'impôt que vous allez épargner en vertu du fractionnement du revenu est très modeste. Il s'agit vraiment d'une mesure fiscale qui est particulièrement avantageuse pour les couples dont un conjoint gagne un revenu élevé, tandis que l'autre touche un revenu faible ou nul. Selon nous, ce n'est pas une politique fiscale équitable.
Nous sommes conscients du fait que ce fractionnement a été autorisé l'an dernier, dans le cas du revenu de pension. Je pense que tous les membres du comité ont pu prendre connaissance de l'analyse des problèmes liés au fractionnement du revenu de pension. Nous savons que c'est une politique qui peut plaire à un grand nombre de Canadiens, mais je pense que si vous regardez les chiffres, et si vous tenez compte de l'importance que vous accordez à l'autonomie économique des femmes, cette mesure n'a pas de sens.
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Je pensais que vous alliez me demander depuis combien d'années je fais ce travail. Cela m'aurait déprimée.
Des voix: Ah, ah!
Mme Hélène Dwyer-Renaud: On a vu de la lumière au bout du tunnel il y a environ seulement deux ans, et pas seulement au Canada. C'est un mouvement global. Quand on transmet nos rapports aux Nations Unies, on s'aperçoit qu'effectivement, là où les gens vont faire la différence, c'est au chapitre de la responsabilisation ou de l'imputabilité.
Depuis plusieurs années, on transfère des notions de données partout dans le monde, mais encore faut-il commencer à retracer les résultats. Pour ce faire, il faut un mécanisme. Or, cela fait seulement deux ans, peut-être cinq, que les ministères doivent démontrer que leurs programmes ont produit de vrais résultats. Depuis environ deux ans, nous demandons de quelle façon un programme donné tient compte des différences entre les sexes.
C'est quelque chose de nouveau pour les agences centrales. On doit les louanger: ces gens sont intéressés et curieux, ils veulent savoir comment cela fonctionne. Chaque ministère doit produire des rapports faisant état des activités prévues et faire part ensuite des résultats qu'il a obtenus. On travaille actuellement avec les ministères à l'établissement d'un cycle visant à intégrer la notion de différences entre les sexes tout au long de ce cycle. Les agences centrales vont alors commencer à faire un genre de travail de challenge auprès des ministères, parce que, effectivement, le ministère des Finances vous dira que les ministères sont responsables de tenir compte des genres dans leurs processus et leurs programmes.
Cependant, ces gens sont d'accord. Ils ont commencé à poser des questions, à pousser l'enveloppe chez les ministères et même à leur dire que s'ils ne démontrent pas qu'ils assument ce genre de responsabilité, il pourrait leur être difficile d'obtenir de l'argent auprès d'eux.
Depuis septembre, le Conseil du Trésor demande à tous les ministères qui font des soumissions, c'est-à-dire quand ils demandent de l'argent au Conseil du Trésor, de démontrer qu'ils ont utilisé l'analyse comparative entre les sexes dans l'élaboration de leur soumission. C'est tout nouveau. Les ministères commencent tout juste à être conscients de cette réalité. Alors, c'est du pain sur la planche pour nous, mais c'est peut-être la façon dont on s'y prend, plutôt que de faire un grand transfert de notions dans l'ensemble de la fonction publique, qui pourrait entraîner des résultats à très long terme.
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J'aimerais vous remercier, Mme Budlender. Il est minuit et demie pour vous. Je vous informe que la greffière communiquera avec vous parce que vous avez mentionné des ressources.
Avant que je vous donne à toutes la parole pendant une minute pour vous permettre de combler toute lacune d'information, d'après ce que je comprends, le comité se demande si nous devrions examiner la question de l'établissement de budgets favorisant l'égalité entre les sexes et vous nous avez donné suffisamment d'information pour nous dire que, oui, cela est important.
À maintes reprises, les témoins nous ont dit qu'il nous fallait un cadre, car l'établissement de budgets favorisant l'égalité entre les sexes suppose véritablement une redéfinition des priorités et une réorientation des politiques et ne met pas de grosses sommes en jeu. Nous devrons donc veiller à discuter pour savoir si cela doit prendre la forme de crédits d'impôt ou d'investissement dans les programmes sociaux...
Pourriez-vous, en une minute, nous parler de vos préférences quant à ce sur quoi nous devrions porter nos efforts, parce que viser le gouvernement dans son ensemble, c'est trop. Nous pourrions cibler certains problèmes.
Je pense que c'était la question de Mme Minna. Devrions-nous cibler les Ressources humaines? Le ministère des Finances? Mais, en ce qui concerne ce dernier, les budgets découlent de différents ministères, ce qui veut dire qu'il est le négociateur final qui dit: « Je ne vous donnerai pas cette somme. » Donc, ce sont les ministères qui décideront d'amputer ce programme. D'après vous, que devrions-nous faire?
Nous allons commencer par vous, Mme Budlender.