Je vous remercie, madame la présidente et honorables députés. Je vous suis très reconnaissante de me permettre de vous adresser la parole aujourd'hui. C'est un honneur. Je crois comprendre que le comité étudie la question de la budgétisation sexospécifique.
Je vais me limiter à 10 minutes, comme on m'a invitée à le faire.
Je dirai d'abord que toute étude de la budgétisation sexospécifique doit tenir compte de l'impôt autant que des dépenses. À l'étranger, la plupart des travaux de cette nature ont porté surtout sur les dépenses, et cela s'explique. Il y a toutefois quelques exceptions.
Au Canada, le volet impôt est très important, de plus en plus important. C'est que le gouvernement fédéral possède de vastes pouvoirs en politique fiscale, mais des pouvoirs bien plus limités en matière de dépenses de programme, comme vous le savez. La fiscalité revêt donc une importance extrême dans le contexte financier au Canada.
Deuxièmement, depuis à peu près 1995, il y a eu une évolution très notable dans la politique budgétaire, et l'attention s'est portée moins sur les dépenses et plus vers les réductions d'impôt. Il est donc d'autant plus important d'examiner le volet impôt du budget selon la perspective des femmes.
Pour les raisons que je viens de signaler, on a de plus en plus tendance à recourir aux dépenses fiscales pour atteindre toute une série d'objectifs sociaux et économiques. Vous savez tous que les dépenses fiscales, ce sont des réductions d'impôt ciblées.
Une politique fiscale non sexospécifique, ce que nous avons généralement ici, c'est-à-dire une politique qui ne tient pas compte expressément des différences entre les sexes, n'est tout simplement pas bonne. Elle repose sur une information incomplète. Voilà selon moi la meilleure raison de faire une analyse sexospécifique de la politique fiscale. Celle-ci sera plus efficace, comme moyen d'atteindre les objectifs déclarés, et plus équitable.
Dans mon mémoire, je passe ensuite aux principes qui devraient guider l'analyse sexospécifique du volet impôt du budget.
Il y a des principes fondamentaux à respecter, peu importe la politique fiscale dont il s'agit. Prenons l'exemple du partage des revenus, car vous êtes saisis d'un autre mémoire que j'ai rédigé avec Nancy Peckford à ce sujet. C'est un excellent exemple des problèmes qu'on éprouve, des erreurs qu'on commet, lorsqu'on ne fait pas une analyse sexospécifique minutieuse avant de modifier la fiscalité.
Le premier principe que je souhaite voir appliqué dans toute analyse sexospécifique de la politique fiscale est celui de l'effet de distribution et de comportement sur les femmes. L'effet de distribution? Il faut voir qui profite de la modification de la fiscalité. Les femmes obtiennent-elles une juste part des avantages du changement? Par effet de comportement, je veux parler de l'impact sur leurs choix. L'impact sur leurs choix sera-t-il différent de ce qu'il est chez les hommes?
Il est très probable que l'effet de nombreuses modifications la politique fiscale est différent sur les femmes parce que leur revenu, en moyenne, est inférieur à celui des hommes, parce que leur revenu provient de sources différentes, parce qu'elles ont des responsabilités non rémunérées beaucoup plus lourdes. À cause de ces trois éléments de leur profil économique, les femmes subiront des effets différents, seront touchées différemment par les politiques fiscales.
Dans le cas du partage des revenus, l'effet de distribution que nous connaissons est que les règles sur le partage des revenus de pension, par exemple, sont beaucoup plus bénéfiques pour les hauts revenus que pour les revenus faibles. Il faut avoir un revenu qui se situe au moins dans la deuxième tranche d'imposition, c'est-à-dire au moins environ 38 000 $ pour tirer quelque avantage du partage des revenus.
Considérons les revenus des femmes et des hommes. Les femmes gagnent en moyenne quelque 26 000 $. À ce niveau de revenu, le partage ne donne aucun avantage. Par contre, l'homme a plus de chance d'en profiter. On sait aussi que, plus haut dans l'échelle des revenus, ceux qui gagnent plus de 100 000 $ profiteront du gros des avantages. Or, les femmes ne représentent que 23 p. 100 de ce groupe. Il y a donc une distorsion selon la classe et le sexe.
Quant à l'effet de comportement du partage des revenus, il y a un vrai motif d'inquiétude. Mme Lahey a écrit quelque chose à ce sujet. Il détourne les femmes du travail rémunéré. Le comportement des femmes dans la population active est beaucoup plus influencé par la modification du taux d'imposition que ne l'est celui des hommes. Peut-être Mme Lahey donnera-t-elle de plus amples explications. Le partage des revenus est donc inquiétant par ses effets de distribution et de comportement.
Le deuxième principe, c'est qu'il faut toujours tenir compte de l'effet sur les hommes et les femmes comme particuliers. Autrement dit, il faut aller au-delà de l'analyse au niveau des ménages que font généralement les auteurs des politiques fiscales. On présume que, si on accorde une réduction d'impôt à un ménage, tous ses membres en profiteront également. Je ne suis pas d'accord. Accorder une réduction d'impôt au soutien de famille ne garantit pas que la femme aura droit à sa part.
Ce problème ressort très nettement dans le cas du partage des revenus, car, étant donné les règles, il y a transfert d'une obligation fiscale au conjoint qui gagne le moins — disons que c'est celui qui dispense les soins — sans aucun transfert de revenu. C'est une première au Canada. Toujours, par le passé, les partages de revenus légaux ont exigé que des actifs passent du conjoint à haut revenu à celui qui dispense les soins. Mais voici que, pour la première fois, à cause des règles sur le partage, on peut inscrire des revenus dans la déclaration de la dispensatrice de soins sans avoir l'obligation de partager le revenu avec elle. En réalité, c'est le principal soutien de famille qui a droit à une réduction de l'impôt. L'autre conjoint écope d'une nouvelle obligation fiscale sans qu'il y ait nécessairement augmentation des revenus qu'il contrôle.
Voilà ce qu'on observe en dépassant le niveau du ménage pour considérer les personnes qui le composent. Si on en reste à l'analyse du ménage, cette inégalité disparaît; elle est cachée. L'analyse au niveau de l'individu la révèle.
Un troisième principe veut qu'on tienne compte des différences entre les femmes, de l'impact sur différents groupes de femmes. Je donne quelques exemples dans mon mémoire.
Je m'attarderai seulement au tout premier: le lien entre le sexe et la pauvreté. Les femmes à faible revenu ne profitent pas d'un grand nombre de réductions d'impôt. En 2004, pas moins de 38 p. 100 des femmes qui ont produit une déclaration de revenus n'avaient aucun impôt à payer. C'est que leur revenu était trop faible pour justifier des impôts ou qu'elles avaient déjà droit à d'autres crédits qui ramenaient leur impôt à zéro. C'est dire que ces femmes ne peuvent tirer profit d'aucune autre réduction de l'impôt sur le revenu. Si on abaisse le taux d'impôt ou propose un nouveau crédit d'impôt pour enfants, ces femmes n'en profiteront aucunement.
Le seul type de réduction d'impôt dont peuvent profiter les femmes à faible revenu, ce sont les crédits remboursables. Ce serait un plaisir de donner plus de détails à ce sujet pendant la période des questions. Vous voudrez peut-être envisager comme stratégie de réforme fiscale favorable à l'égalité entre les sexes la conversion d'un plus grand nombre de crédits non remboursables en crédits remboursables, précisément pour que ces femmes à faible revenu en profitent.
Un dernier principe doit, selon moi, occuper une place centrale dans une analyse sexospécifique des budgets. Il s'agit, en fiscalité, de tenir compte de l'impact sur les femmes à la fois comme travailleuses rémunérées et comme dispensatrices de soins non rémunérées. J'espère que toute analyse sexospécifique évitera d'isoler ces deux rôles l'un de l'autre, car ils sont étroitement liés entre eux comme problèmes d'égalité des femmes, et la majorité des femmes doivent au cours de leur vie concilier ces deux rôles d'une façon ou d'une autre.
Selon moi, les politiques fiscales devraient viser à abolir les obstacles qui gênent la participation au marché du travail. Elles doivent aussi appuyer les femmes qui dispensent des soins en leur versant un soutien financier directement et non par l'intermédiaire d'un autre membre du ménage.
Enfin, pour conclure rapidement, quels processus peut-on adopter pour améliorer la qualité et la transparence de l'analyse sexospécifique du budget? J'ai écrit dans le mémoire qui a été distribué que tout processus avait une dimension interne et une dimension externe. D'excellentes publications parues à l'étranger montrent que les processus les plus efficaces dans le monde associent ces deux dimensions. Ils sont moins efficaces si on ne tient compte que de l'une d'elles.
Dernier point, puisque mon temps de parole est presque terminé. Le ministère des Finances doit jouer un rôle. C'est lui qui joue le rôle central dans l'élaboration de la politique fiscale. Il prépare le budget de façon hautement confidentielle, comme vous le savez. Au point que des gens de l'extérieur — autrement dit, les fonctionnaires d'autres ministères ou les membres de comités parlementaires — font l'analyse sexospécifique et qu'ils sont très limités dans ce qu'ils peuvent faire, puisqu'ils sont réduits à critiquer après coup la politique, une fois qu'elle a été rendue publique. Ils ne participent pas à l'élaboration de la politique.
Comme la politique fiscale est une affaire extrêmement complexe et technique, il est très difficile pour les députés, les comités parlementaires ou les autres ministères de saisir, comprendre et analyser à fond les effets sexospécifiques.
Nous devons déployer les compétences du ministère des Finances. Si elles ne sont pas exploitées dans le processus d'élaboration d'un budget favorable à l'égalité entre les sexes, l'effet sera limité. Bien sûr, j'appuie tout ce que peut faire n'importe quel autre ministère ou comité, mais le ministère des Finances est essentiel.
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Merci, madame la présidente et honorables députés.
Je suis très heureuse d'être parmi vous et de pouvoir vous communiquer une information qui, je l'espère, vous aidera à choisir l'orientation que vous voulez donner à cette étude.
Premier point, il est on ne peut plus urgent de discuter d'une analyse budgétaire sexospécifique de façon très encadrée et faisant appel au Cabinet. Depuis la fin des années 1990, le Canada a perdu son premier rang remarqué dans l'indice du développement humain et l'indicateur sexospécifique de développement humain, dans les rapports de l'ONU sur le développement humain. Il perd du terrain d'année en année, surtout en ce qui concerne les femmes. Il s'est retrouvé récemment au septième rang dans le monde, alors qu'il était au premier il y a à peine quelques années.
Un nouvel ensemble d'indicateurs qui mettent davantage l'accent sur le fonctionnement économique des indicateurs plaçait le Canada au 14e rang en 2006 et au 18e en 2007 pour ce qui est de l'écart entre hommes et femmes. Les femmes régressent donc au Canada en termes monétaires.
Je crois, comme bien d'autres personnes, qu'un budget sexospécifique permettra à tous de considérer avec beaucoup plus de réalisme la condition féminine jusqu'à maintenant. J'ai distribué un document marqué Annexe A. C'est une page extraite d'un rapport que j'ai rédigé pour Condition féminine Canada sur des enjeux de cet ordre. J'ai utilisé un logiciel de microsimulation pour établir le profil des revenus relatifs des hommes et des femmes en 2004.
Selon ce profil, l'écart entre le revenu moyen des hommes et celui des femmes, entre les âges de 16 et 17 ans et la toute fin de la vie, dans les 90 ans, est énorme et impossible à refermer. J'établis ce profil depuis maintenant 20 ans. Les chiffres augmentent un peu, mais le profil ne change pas de forme. L'écart a changé quelque peu, mais je prévoyais il y a 20 ans que, au rythme où il diminuait, il disparaîtrait au plus tard en 2008. Nous sommes en 2007, et je dis maintenant qu'il va revenir aux niveaux d'avant 1986, probablement d'ici 2015. La situation est grave à ce point.
Mme Philipps a tout à fait raison d'attirer l'attention sur le régime fiscal, qui est bien connu comme moyen d'offrir aux femmes une foule de résultats financiers qui sont très difficiles à percevoir, à définir, à mesurer et à contrôler.
On pourrait mettre en place un budget qui tient compte de la sexospécificité. Il serait conçu de préférence selon le modèle du budget des dépenses fiscales que le ministère des Finances publie depuis 20 ans et qui rend compte de centaines, voire de milliers de postes concernant les divers impôts perçus par le fisc fédéral. Il serait alors possible de dissocier les divers facteurs fiscaux qui éloignent les salaires moyens des hommes et des femmes les uns des autres et de mettre le doigt avec précisions sur les mesures fiscales et les dépenses qui sont les plus grandes causes de la disparité croissante entre les revenus des hommes et ceux des femmes. Il serait également possible d'imaginer avec une grande exactitude les types d'impôts et de dépenses qui seraient les plus efficaces, au moindre coût, pour commencer à refermer l'écart qui ne cesse de se creuser entre les revenus des hommes et ceux des femmes.
Le résultat net, le rapport le plus récent de l'ONU sur les revenus totaux des hommes et des femmes au Canada le donne: globalement, les revenus des femmes ne représentent que 64 p. 100 de celui des hommes. On vous dit peut-être que l'écart salarial est faible et diminue, mais si on considère le montant total que les femmes reçoivent, il n'atteint pas encore les deux tiers de celui que les hommes touchent tous les ans.
Comme Mme Philipps l'a dit, malgré ces revenus réduits, les femmes ont non seulement des responsabilités plus lourdes — environ 81 p. 100 des parents seuls sont des femmes, et on n'est pas un parent seul si on n'a pas au moins un enfant à la maison —, mais aussi la charge d'une part bien plus importante du travail non rémunéré qu'il faut pourtant accomplir.
Un sondage réalisé en 2004 par le Barreau du Haut-Canada sur le travail non rémunéré des femmes juristes, qui avaient la même semaine de travail que les hommes, a montré que, en moyenne, l'homme faisait 13 heures de travail non rémunéré par semaine et la juriste 35 heures, tout en abattant le volume de travail nécessaire pour que leur exercice du droit soit rentable. En somme, les Canadiennes sont extrêmement surchargées: revenus faibles, lourde charge de travail et responsabilités plus grandes à l'égard des enfants. Pourtant, le régime fiscal les désavantage encore plus.
Je voudrais maintenant aborder les éléments précis du régime fiscal qui, à mon avis, sont les principales causes du maintien du statu quo. Le premier est l'effet conjugué des taxes à la consommation et de la structure des taux existante, prévue par la Loi de l'impôt sur le revenu.
Si on considère la façon dont le revenu aux niveaux les plus bas est réparti et si on regarde l'annexe A, on constate que les revenus moyens des femmes ne dépassent guère environ 30 000 $ par année, ce qui n'est pas beaucoup, au départ. Là-dessus, il faut prélever les 7 p. 100 de la taxe de vente en Ontario, plus la part de la TPS qui, si je suis à jour, est d'environ 6 p. 100 et peut-être bientôt de 5 p. 100. Qui sait? En tout, cela représente environ 13 p. 100 de chaque dollar dépensé par une femme, car tout produit de consommation peut être taxé à ce taux.
Quant à l'impôt sur le revenu, des modifications ont été apportées en 1987, il y a 20 ans. Le taux le plus bas de l'impôt fédéral était de 6 p. 100 — j'ignore si quelqu'un ici s'en souvient — et de 9 p. 100 en ajoutant la part de la province. Lorsque cet impôt est passé de 6 à 17 p. 100 à cause des modifications apportées en 1987 à la Loi de l'impôt sur le revenu, on a vraiment fait augmenter l'impôt payé par les contribuables les plus pauvres au Canada. Actuellement, l'exemption prévue par la Loi de l'impôt sur le revenu n'est que de 9 000 $.
Le résultat final, dans ce cas, est qu'un fardeau lourd, écrasant, semble identique pour les deux sexes, mais les femmes sont beaucoup plus touchées en raison de l'effet cumulatif de la TPS, de la TVP, de l'impôt fédéral sur le revenu, de l'impôt provincial sur le revenu. Et les femmes ne peuvent pas s'y soustraire, car elles tirent la majeure partie de leurs revenus d'un emploi, de sorte qu'elles peuvent faire peu de déductions.
Ajoutons le nombre croissant de dispositions fiscales visant les conjoints. J'en ai traité en détail dans l'étude réalisée pour Condition féminine Canada et dont vous avez des extraits. Je voudrais confirmer ce que Mme Philipps a dit du partage des revenus, plus expressément. Si on considère la répartition de cet avantage fiscal, on voit que le revenu médian des couples à la retraite est d'environ 40 000 $, ou plutôt de 42 000 $ actuellement. Il est tout à fait vrai que les gens qui ont un revenu de 40 000 $ ou moins ne tireront aucun avantage du partage des revenus. Plus le revenu augmente, plus l'avantage est important. Il peut même atteindre 11 000 $ par couple. Soixante-dix-sept pour cent des Canadiens croient que le partage des revenus est bon pour les contribuables, mais il est bon pour moins de la moitié d'entre eux. Il nous faut mieux faire connaître la fiscalité.
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Merci, madame la présidente.
Dans un document que vous avez signé et que j'ai lu, madame Lahey — et je crois que Mme Philipps a dit la même chose —, vous signalez que les femmes occupent au fond une sphère économique différente de celle des hommes dans notre société. Je comprends bien vos explications. Madame Lahey — ou peut-être vous deux —, pourriez-vous donner un peu plus de précisions pour que nous comprenions quels sont les fondements de cette affirmation et comment nous devons, à mon sens, déconstruire la fiscalité telle qu'elle est structurée et imposée, et aussi mener la bataille sur le terrain, face à des attitudes et à des comportements profondément ancrés qui sont à la base de la structure de notre société? La tâche ne sera pas facile, mais c'est un travail dont, de toute évidence, nous ne pouvons pas faire l'économie.
Madame Lahey — ou probablement vous deux —, pourriez-vous donner plus de précisions, car c'est très important, vu le travail que nous allons devoir faire? Vous avez parlé de la culture, madame Lahey, disant que le régime fiscal est structuré en fonction de la famille nucléaire, ce qui suppose certains a priori, un certain rôle pour les femmes, des stéréotypes profondément ancrés dans cette structure. Pourriez-vous, vous ou toutes les deux, expliquer davantage et peut-être nous donner des idées sur la façon d'entreprendre cette déconstruction? C'est un travail redoutable. Par où pourrions-nous commencer?
Je termine en vous demandant de commenter un dernier point. Que pensez-vous du revirement en matière de fiscalité qui s'est fait en 1987, lorsque Mulroney était au pouvoir? Le taux le plus bas est passé de 6 à 17 p. 100 et ce taux s'appliquait à ceux qui gagnaient le moins, la plupart étant des femmes. On a donc placé le fardeau fiscal sur les épaules de la plupart des Canadiens à faible revenu. Cela pourrait bien... Je m'en remets à vous. J'en demande beaucoup, je sais.
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Je n'ai pas vu de méta-étude qui établirait une corrélation entre les réponses budgétaires et l'évolution des indicateurs internationaux comme l'indice de développement humain et l'indicateur sexospécifique de développement humain, par exemple, mais il est très clair, à l'examen des corrélations, qu'une étude semblable donnerait les preuves que vous cherchez. Je n'en doute aucunement.
Autre chose: si je peux me servir du logiciel limité de microsimulation que Statistique Canada laisse le public utiliser et dire exactement quels groupes, à quels âges, à quels niveaux de revenu, y gagnent ou y perdent si nous modifions une disposition particulière — une dépense ou un impôt —, que la différence soit de quelques dollars ou de quelques centaines de dollars, peu importe, et si je peux dire qui en profite, qui sont les gagnants et les perdants, il est probable que le ministère des Finances peut en faire autant, probablement même lorsque tout va mal. L'information est là. Le Canada a les compétences voulues. Ensemble, Statistique Canada et le ministère des Finances ont les moyens techniques nécessaires.
Persévérer, cela dépend beaucoup de la volonté politique. Voilà ce qui s'est passé en Australie. C'est pourquoi la budgétisation sexospécifique est devenue plutôt symbolique, si on compare avec ce qui se fait dans certains pays nordiques.
La vraie question est de savoir comment s'y prendre. Permettez-moi de revenir au budget des dépenses fiscales. C'est une entreprise énorme dont le ministère des Finances est venu à bout en fort peu de temps, à la fin des années 1970, lorsqu'on s'est aperçu que beaucoup de mesures de dépenses étaient déguisées en mesures fiscales et échappaient aux rigueurs du processus budgétaire. Le ministère a mis sur pied une équipe qui a été chargée d'élaborer un budget des dépenses fiscales et d'expliquer pourquoi il avait retenu les divers éléments. Ce budget a été élaboré en fort peu de temps, et il existe toujours.
La capacité est là. On dirait que c'est une entreprise énorme, mais c'est en partie parce que c'est une entreprise énorme d'accepter dans le processus budgétaire de parler de l'égalité entre les sexes. C'est presque un obstacle social à surmonter plutôt qu'un obstacle technique.
Quant à la réalisation de ce type de budget, je dirais que ce devrait être l'oeuvre commune de Condition féminine Canada, du ministère des Finances et d'un groupe d'experts conseils de l'extérieur, un groupe représentant tous les partis, qui peut peut-être, par des changements au gouvernement, avoir un effet modérateur qu'on pourrait décrire comme l'objectivité universitaire. Mais nous comprenons tous que tout le monde ne sera pas d'accord pour reconnaître cette objectivité à telle ou telle personne. Une structure comme celle-là permettrait d'amorcer le travail.
Si le comité estime qu'il est trop difficile de s'attaquer à l'ensemble de la question tout d'un coup, je lui conseillerais de faire une étude approfondie du partage des revenus de retraite. J'ai fait une microsimulation de ce qui se passerait si le partage des revenus se faisait pour tous les contribuables au Canada. Les effets seraient catastrophiques. Il faut voir la courbe à l'annexe A. En un an, la situation deviendrait beaucoup plus dramatique.
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Vous avez parlé d'abord du partage des revenus, je crois.
Ce partage a été proposé pour les revenus de retraite dans un effort pour imiter la méthode américaine de partage des revenus, système de déclaration des revenus qui a été adopté délibérément après la Seconde Guerre mondiale pour empêcher les États de continuer à adopter des lois sur la communauté de biens. C'est qu'un certain nombre de gens, au département du Trésor du gouvernement américain étaient très contrariés à la vue de toutes ces lois des États sur la communauté de biens qui donnaient aux femmes 50 p. 100 des biens et des revenus du ménage. C'était inédit.
On a adopté délibérément le partage des revenus pour faire disparaître l'incitation fiscale à demander, sur le plan politique, la communauté de biens, et un certain nombre d'États ont immédiatement révoqué leurs lois sur la communauté de biens. Donc, les lois qui s'appliquaient à Irene Murdoch ont prévalu dans presque tous les États-Unis, appuyées par le partage des revenus.
Je dirais que toutes les Canadiennes devraient avoir une compréhension plus poussée du partage des revenus.
La Prestation universelle pour la garde d'enfants est un bon exemple de dépense directe pour les particuliers qui n'a pas été précédée d'une analyse sexospécifique. Le problème, c'est qu'elle ne représente pas assez d'argent — l'analyse sexospécifique au niveau statistique le montrerait, et des gens l'ont faite — pour permettre à une personne à faible revenu de surmonter les obstacles financiers qui l'empêchent de prendre assez de travail rémunéré pour survivre. Mais pour ceux qui peuvent se permettre de vivre d'un seul revenu élevé, il s'agit au fond d'un cadeau qui n'a pas à être comptabilisé. C'est un cadeau très coûteux à faire aux gros revenus, dans un pays où la pauvreté est encore très répandue.
Les différentes récupérations dont la prestation nationale pour enfants fait l'objet sont la conséquence de son administration au moyen de la Loi de l'impôt sur le revenu. C'est ainsi que pensent les responsables de la politique fiscale: ils veulent s'assurer que personne ne reçoit plus que ce à quoi il a droit. Mais cela a pour effet d'ajouter d'autres barrières à la participation au travail rémunéré pour ceux qui doivent s'occuper d'enfants et ont aussi des revenus très faibles.
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La première question est celle du nombre de personnes à engager et des coûts. Je l'ignore, mais il n'est pas étonnant qu'il se soit déjà fait autant de recherche au Canada sur une foule d'enjeux.
Prenons par exemple les dépenses en défense. Certains diront que, comme les femmes représentent 51 p. 100 de la population, elles reçoivent 51 p. 100 des avantages qui découlent de ces dépenses. C'est une façon de voir. Il y en a une autre, et c'est de commencer à regarder combien de femmes touchent un salaire, reçoivent des prestations d'emploi, ont des occasions de formation précises, etc. grâce aux dépenses militaires. Et aussi combien de femmes reçoivent après le service les soins qui sont offerts aux militaires et comment le soutien public et social est réparti par l'entremise de diverses organisations sur les bases militaires entre les femmes et les hommes. Des questions comme celles-là permettent de commencer à voir comment les dépenses ont des effets différents selon le sexe. Ce travail a un certain coût, mais si l'ONU, le FMI et la Banque mondiale ont raison de dire que le PIB augmentera plus rapidement lorsque les femmes et les hommes travailleront de la façon la plus productive économiquement, je crois que les gains économiques à long terme l'emporteraient sur les coûts.
Je suis tout à fait d'accord avec vous au sujet de la diversité, mais il a été montré que, tant que l'analyse sexospécifique n'est pas en place, il est très difficile de voir clair dans les autres caractéristiques de cette diversité, car, lorsqu'on analyse les impacts selon la race, le handicap, l'orientation sexuelle, l'âge — on peut prendre toutes les caractéristiques démocratiques qu'on voudra — les femmes sont toujours au deuxième rang. Il faut donc une analyse sexospécifique. On peut commencer par faire une analyse sexospécifique globale, ce qui enrichit toujours l'analyse et aide à mieux cibler les politiques efficaces du gouvernement ou on peut faire la ventilation selon d'autres caractéristiques et réunir à la fin toutes les données sur l'égalité des sexes.
À mon avis, il faut commencer par le sexe, puisque c'est l'une des divisions les plus fondamentales, homme et femme — on lui donne peut-être beaucoup trop d'importance, du reste. Qui décide de ce qui est un avantage et un inconvénient? Je crois qu'il faut écouter l'avis des gens.