:
Bonjour, honorables membres du comité. Nous vous remercions de nous avoir invités ici aujourd'hui.
Je suis ici en qualité d'ancienne présidente dans Groupe d'expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l'égalité entre les sexes. Nous vous remercions. Mme Dorienne Rowan-Campbell et Mme Louise Langevin, que vous voyez à l'écran, étaient également membres du groupe d'expertes pendant l'autonome 2005.
Nous lisons avec intérêt vos délibérations sur les budgets de genre. Avant de répondre à vos questions et de discuter avec vous, j'aimerais vous expliquer notre travail et le situer dans le contexte de vos activités récentes.
Tout d'abord, j'aimerais souligner le fait que je ne suis nullement experte dans le domaine des budgets de genre. Ma collègue Dorienne a davantage d'expérience dans le domaine et sera mieux placée pour répondre à vos questions à ce sujet.
En 2005, la ministre responsable de la condition féminine à l'époque m'a demandé de présider un groupe d'expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l'égalité entre les sexes. Nous étions chargés d'étudier la responsabilisation et de fournir des conseils pour renforcer l'égalité entre les sexes au Canada, en tenant compte de la Charte canadienne des droits et libertés, de la jurisprudence pertinente d'autres pays, ainsi que du rapport du Comité permanent de la condition féminine déposé en 2005 et intitulé L'analyse comparative entre les sexes: Les fondements de la réussite.
Je crois que vous avez déjà des copies de notre rapport. J'aimerais faire certaines observations sur le rapport qui seraient pertinentes dans le cadre de vos discussions actuelles.
Tout d'abord, les budgets de genre n'étaient pas visés par notre étude; à notre avis, les budgets de genre sont un mécanisme de responsabilisation qui s'insère dans un système élargi permettant au gouvernement de réaliser ses objectifs en matière politique. Nous pensions que le système élargi était également extrêmement important et qu'il fallait situer les budgets de genre dans leur contexte.
Les budgets de genre, tout comme les autres analyses comparatives entre les sexes, ne sont qu'un outil et pas le résultat final. Notre rapport reposait sur la prémisse suivante, c'est-à-dire qu'un mécanisme de responsabilisation ne peut être efficace que s'il existe une volonté politique pour réaliser certains résultats concrets. C'est le parti au pouvoir qui décide des résultats concrets.
Deuxièmement, nous avons recommandé que le résultat général ultime devrait être l'égalité de substance, qui est définie à la page 16 de notre rapport comme étant « Que les femmes jouissent des conditions propices au plein exercice de leurs droits fondamentaux et de leur potentiel et qu'elles peuvent contribuer à l'évolution politique, économique, sociale et culturelle du pays, et profiter des résultats ».
Troisièmement, nous avons préconisé une approche sur deux fronts quant à la réalisation de nos recommandations. Lorsque nous avons étudié les mécanismes de responsabilisation au sein du gouvernement en 2005, nous pensions qu'il serait utile de commencer par les politiques et les outils administratifs du gouvernement. Nous percevions également les lois en matière d'analyse comparative entre les sexes comme étant une deuxième étape possible, mais nous savions, tout comme vous, que le processus législatif est plus long et nous étions d'avis qu'il fallait agir immédiatement. Néanmoins, nous avons étudié de façon approfondie des solutions législatives possibles et nous avons inclus certaines suggestions dans notre rapport.
Dans le cas des mesures politiques et administratives, pour lesquelles nous avons recommandé une action immédiate, nous avons donné des exemples d'instruments clés qui pourraient servir à indiquer les priorités du gouvernement ainsi que les résultats escomptés. Par exemple, nous reconnaissons que le gouvernement dispose d'instruments clés, tels que le discours du Trône, qui s'insèrent dans un système global d'élaboration de politiques et qui décrivent comment le gouvernement abordera des problèmes liés à l'égalité de substance.
Le budget fédéral est un autre instrument important dont se sert le gouvernement pour élaborer ses politiques. C'est la raison pour laquelle le ministère des Finances donne l'exemple en effectuant une analyse comparative entre les sexes d'au moins une partie du Budget de 2006. En nous fiant à nos conversations avec les représentants du ministère des Finances à l'époque, nous étions d'avis que l'introduction d'une telle analyse nécessiterait des changements au niveau des attitudes au sein du ministère, l'apprentissage de nouvelles compétences, car il faudrait former les analystes du ministère, et la modification des méthodes de travail. Nous avons donc recommandé une approche relativement lente, et que seulement une partie du budget devait être analysée à la fois.
Depuis, le personnel du bureau de la Condition féminine nous a dit qu'on a tenté d'instaurer l'analyse comparative entre les sexes dans un plus grand nombre d'organismes, et je suis sûre que vous avez entendu les représentants du ministère des Finances.
Enfin, et je vais demander à ma collègue Dorienne d'en parler plus longuement, nous soulignons non seulement l'importance du travail qui se fait au sein du gouvernement, mais aussi l'importance de faire appel aux intervenants pour que les citoyens soient mobilisés et participent à la recherche de solutions.
Je vais inviter Dorienne et Louise à faire une déclaration si elles le souhaitent, puis nous répondrons volontiers à vos questions.
Dorienne.
:
Mesdames et messieurs les députés, merci de votre invitation. Je me sens privilégiée d'être ici aujourd'hui, comme d'avoir fait partie du groupe d'experts.
Mais ce privilège comporte beaucoup de responsabilités, si bien que je me sentais obligée de suivre ce qui s'est fait par la suite. Je trouve très encourageant de voir qu'on a donné suite à certaines de nos recommandations. Nous ne pouvons pas dire que c'est à cause de nous, mais nous espérons avoir contribué au processus, à ce partenariat pour le changement.
Ce matin, je vais parler surtout des budgets de genre et réitérer ce que nous avons indiqué dans l'annexe H de ce rapport, avec peut-être un peu plus de précisions. Ces précisions reposent sur mon expérience personnelle et non sur le travail du groupe d'experts.
Il y a de nombreuses années, j'ai été la gestionnaire canadienne qui a mise en place le programme femmes en développement, maintenant appelé programme de genre, au Secrétariat du Commonwealth. Je pris beaucoup de mesures initiales qui ont mené à l'établissement de budgets de genre, particulièrement dans les pays du Commonwealth. Je vais donc essayer de vous en parler un peu. C'est de ce point de vue que je me placerai pour répondre à vos questions. Par ailleurs, j'ai travaillé à titre de conseillère dans les pays où on essaie d'établir des budgets de genre.
Permettez-moi de rappeler tout d'abord que même si beaucoup de groupes que vous avez consultés ont parlé de budgets pour les femmes, ce que nous avons recommandé n'était pas l'établissement d'un budget pour les femmes qui serait distinct du budget pour les hommes, mais bien un budget qui serait analysé de manière à mettre en évidence les répercussions potentielles de toute mesure tant sur les femmes que sur les hommes et sur l'égalité des sexes. Le terme genre n'est pas une autre façon de dire les hommes et les femmes, mais de désigner un outil d'analyse comparative. C'est un terme relatif. Nous voulons savoir quels sont les effets d'un budget sur les hommes, sur les femmes, et à l'intérieur de ces catégories, sur les hommes âgés, les hommes jeunes, les femmes âgées et les femmes jeunes, de même que sur les fillettes et les garçons. C'est un outil permettant de prévoir les effets sur des personnes et de savoir où apporter des changements. Mais je crois qu'au Canada ce que nous faisons est un peu différent, car des groupes parlent d'établissement de budgets pour les femmes.
Par ailleurs, et comme l'a signalé Georgina, à notre avis, le discours du Trône et le budget annuel sont deux des instruments politiques centraux les plus importants qui déterminent notre façon de nous gouverner et de répartir nos ressources; d'où l'importance d'un bon suivi de l'utilisation de ces ressources. Mais à présent, l'établissement de budgets de genre est utilisé comme moyen d'enlever les oeillères aux gens pour qu'ils puissent comprendre que l'analyse comparative entre les sexes est un outil à cet égard. Nous n'avons pas besoin de mettre en place un système totalement nouveau. Le système existe déjà; il s'agit simplement de le doter de points d'ancrage très précis.
Je pense que nous avons franchi beaucoup d'étapes très importantes et je vous félicite des efforts que vous avez déployés pour entretenir la flamme. Je salue également le travail très difficile accompli par Condition féminine dans le domaine de l'établissement de budgets de genre et les services fournis aux ministères à cet égard.
Mon deuxième commentaire porte sur l'analyse comparative entre les sexes. Nous avons souligné à quel point les connaissances techniques sont importantes. J'ai trouvé très intéressant de voir les représentants du Conseil du Trésor vous dire: « Nous avons mis sur pied un genre de camp d'entraînement pour les fonctionnaires du Conseil du Trésor et tous nos employés doivent suivre la formation ». C'est exactement ce que nous souhaitions.
L'analyse comparative entre les sexes n'est pas une idée saugrenue sortie de nulle part. Ce genre d'analyse n'est pas extraordinairement complexe, mais elle doit se fonder sur certaines compétences techniques. Et il semble qu'à l'intérieur des systèmes gouvernementaux, on essaie à tout le moins d'acquérir cette compétence technique.
Un des éléments dont nous avons parlé et qui ressortent de vos délibérations avec différents intervenants intéressés à l'établissement de budgets de genre du monde entier c'est que, par exemple, le groupe de femmes écossaises et les groupes de San Francisco et de plusieurs autres régions sont des organismes non gouvernementaux. Nous avons très fortement recommandé de subventionner le secteur bénévole et souligner la nécessité d'établir un partenariat avec la société civile, parce que c'est essentiel aussi bien pour la surveillance que pour la reddition de comptes. Et, en dernier ressort, c'est à ses citoyens que tout gouvernement doit rendre des comptes, et la société civile, ce sont les citoyens.
Il est très important de renforcer ce partenariat et de permettre aux organisations d'exprimer leur avis — avis qui est peut-être critique mais qui est toujours utile — au sujet de la direction. Les destinataires de services et de biens ou des mesures quelconques prévues dans le budget doivent permettre de dire si cela leur profite ou non... Avons-nous fait du bon travail ou non? Cela me semble très important.
Or, pour y arriver, la recherche est très importante. En prenant connaissance du budget de Condition féminine, j'ai remarqué que les ressources destinées à la recherche avaient été réduites. On semble avoir comprimé les fonds de recherche — et probablement pas seulement ceux de Condition féminine — qui permettraient de recueillir des données probantes auprès de la société civile afin de réfléchir à la question. Cette lacune risque de miner la reddition de comptes et je crois qu'il faut se pencher sur la question.
Je sais que Condition féminine avait amorcé des recherches sur les indicateurs d'égalité des sexes, recherches qui sont à mon sens extrêmement importantes. Vous avez besoin de ces indicateurs pour élaborer un système d'évaluation qui vous permettra de savoir où vous allez. Vous savez peut-être où vous voulez aller, mais ces indicateurs vous indiquent où il faut intervenir. Ils vous permettront de savoir si vous avez atteint votre but. Je vous exhorte d'appuyer fortement l'élaboration d'indicateurs pertinents d'égalité des sexes, avec différents ministères, selon les objectifs visés.
Bien que les organismes centraux — le Conseil du Trésor, le ministère des Finances et le Conseil privé — ont commencé à adhérer à certaines de nos préoccupations et recommandations, un facteur demeure très important, et c'est encore un élément fondamental à l'échelle mondiale, et c'est la volonté politique. Il doit y avoir au Cabinet du premier ministre un mécanisme de reddition de comptes, quelque chose qui enverrait le message suivant: « Voici ce qui est important et nous tenons à ce que vous reconnaissiez tous que c'est important. » Nous n'avons rien vu dans le discours du Trône qui souligne l'importance de l'égalité des sexes.
L'appui de la classe politique, appui qui existe systématiquement dans l'administration publique, doit également s'exprimer aux plus hauts niveaux, ce qui ne s'est pas encore fait. C'est une des questions dont on discute dans le monde entier. Comment susciter la volonté politique? Nous pouvons bien instaurer des systèmes qui favoriseront le changement, mais nous devons compter sur l'appui des détenteurs du pouvoir.
:
Mon exposé sera en français. Ce sera plus facile pour moi et plus rapide.
[Français]
Je voudrais remercier les membres de votre comité de me permettre de témoigner devant vous aujourd'hui. Je tiens à vous indiquer que vos travaux sont très importants pour la condition des femmes au Canada. Le Canada joue un rôle modèle en matière de condition féminine dans le monde.
J'ai lu une partie des témoignages que vous avez entendus dernièrement sur les budgets sexospécifiques. Il me semble que bien peu a changé depuis novembre 2005, au moment où mes deux collègues et moi-même avons témoigné devant vous au sujet de l'ACS, l'analyse comparative entre les sexes. Condition féminine Canada nous a cependant dit qu'il y avait une certaine ouverture au sujet de l'ACS depuis juillet dernier. Je m'en réjouis. Je ne suis pas une spécialiste des budgets sexospécifiques, quoique je sache à quoi ils servent et comment on procède pour les faire.
Je veux rappeler aux membres du comité, ce qu'ils et elles savent déjà. Le Canada est signataire de la CEDEF, la convention sur les femmes, depuis 1982. Il a signé d'autres documents en matière de protection des droits fondamentaux. Je rappelle également que le Canada a adopté une Charte des droits dans sa Constitution. Parmi les droits fondamentaux qui sont protégés, on retrouve le droit à l'égalité, dont le droit à l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est certainement une valeur fondamentale de la société canadienne. Le gouvernement canadien a donc pris des engagements juridiques envers les Canadiens et les Canadiennes en matière d'égalité.
En refusant de faire de façon systématique et sérieuse l'analyse comparative entre les sexes et en refusant de faire des budgets sexospécifiques, le gouvernement canadien viole donc ses propres engagements. Le Canada tente d'intégrer l'ACS, une méthode de gestion, depuis plus de 1978. Depuis la Conférence mondiale sur les femmes tenue à Beijing en 1995, il a pris des engagements fermes. Cependant, après 13 ans, les résultats tardent à se manifester. C'est pourquoi, dans notre rapport de 2005, nous avons suggéré l'adoption d'une loi imposant l'ACS aux ministères et agences, avec des objectifs spécifiques à atteindre.
En terminant, j'aimerais mentionner au comité que l'Université Laval sera l'hôte d'une conférence internationale des femmes dans la Francophonie, au mois de septembre prochain. Le sujet portera sur le financement de l'égalité des femmes dans la Francophonie. Il me semble donc assez paradoxal que ces femmes des pays de la Francophonie se réunissent à Québec au mois de septembre pour parler de l'ACS, de budgets sexospécifiques, de financement des mécanismes de condition féminine au Canada, qui est perçu à l'étranger comme un modèle, alors qu'il y a un recul au Canada même. Cela me semble gênant et cela me gêne que le Canada marque un recul dans ce domaine. C'est pourquoi votre travail est très important à ce moment-ci.
Je vous remercie.
:
Je pense que le secteur bénévole, le secteur de la société civile, a beaucoup à offrir et ce secteur n'est peut-être pas utilisé comme il le devrait. Certains établissements de la société civile font de la recherche mais ils manquent de financement. Certaines organisations féministes faisaient autrefois de la recherche mais désormais, étant donné les exigences pour le financement, elles trouvent difficile d'avoir accès à des fonds pour effectuer ce type de recherche.
Quand j'étais au Secrétariat du Commonwealth, je ne pouvais pas prendre d'initiatives sur le plan de l'orientation tant que je n'avais pas fait faire la recherche permettant d'établir des données vérifiables confirmant la nécessité des mesures à prendre afin de pouvoir signaler à tous les gouvernements du Commonwealth quels étaient les enjeux essentiels et la façon d'y faire face.
Je pense qu'il existe actuellement au Canada un écart dénotant que nous ne faisons pas assez usage de ce genre de partenariat. Cela ne signifie pas nécessairement que nous allons embrasser le résultat de la recherche faite par des tiers. Ces résultats peuvent être tout à fait contraires à ce que nous estimons être la situation mais cela ne veut pas dire qu'ils sont dénués de valeurs.
Statistique Canada fait de la très bonne recherche. Il nous faut toutefois également pouvoir compter sur certaines organisations externes qui font de la recherche dans les domaines qui les intéressent de plus près. Quand on entreprend l'ACS, on découvre les zones grises qui pourraient amener le gouvernement à se rendre compte qu'elles exigent des politiques.
Je vais vous donner un exemple dans un secteur où je fais du travail bénévole, le logement — abordable, adéquat. Les femmes sont celles qui souffrent le plus. Elles sont celles qui sont touchées le plus négativement par l'itinérance. Ces chiffres nous sont fournis essentiellement par les organisations qui tiennent un registre sur celles qui dorment dans les rues et sur le nombre de fois qu'elles ont été clientes d'un abri.
Ce genre de renseignement et une recherche solide sont utiles pour qu'un gouvernement se demande s'il y a là un problème qui réclame attention. Le gouvernement pourra se demander s'il faut élaborer une politique nationale de logement et lancer un débat. Il se peut qu'il conclue qu'une politique nationale sur le logement n'est pas nécessaire, mais qu'il faut prendre certaines mesures. Ce partenariat est donc très important. Ainsi, le gouvernement et les gouvernés sont à l'écoute les uns des autres et c'est ce qui fait que notre système est épatant.
:
Je pense que Mme Langevin pourrait faire des commentaires, mais je voudrais d'abord dire quelque chose.
[Traduction]
Madame Boucher, si vous vous reportez à la page 61 de notre rapport, vous y trouverez des suggestions sur d'éventuelles dispositions législatives. Vous pourrez trouver cela dans la version française. À vrai dire, nous avons pris pour modèles certaines lois existantes qui visent des enjeux très précis: la Loi sur l'équité en matière d'emploi, la Loi sur l'évaluation environnementale, la Loi sur les droits de la personne, la Loi sur les langues officielles, la Loi sur le multiculturalisme. Nous estimons qu'un texte législatif visant à promouvoir une solide égalité entre les sexes pourrait s'en inspirer. Comme je l'ai dit tout à l'heure, avec une loi, la surveillance incomberait désormais au Parlement plutôt qu'à l'organe exécutif, ce qui est le cas aujourd'hui. Actuellement, comme on l'a dit, une grand partie de la surveillance est exercée par l'intermédiaire du Secrétariat du Conseil du Trésor, aidé jusqu'à un certain point par Condition féminine Canada.
À mon avis — et c'est mon opinion personnelle — il faudrait probablement que ce soit la ministre de Patrimoine canadien, exerçant ses responsabilité de ministre de Condition féminine Canada, qui dépose ce projet de loi. Manifestement, le comité a un rôle à cet égard et s'il estimait qu'une loi est importante, il pourrait en faire la recommandation. Il incomberait ensuite à la ministre du Patrimoine d'agir, car légalement elle a la responsabilité de Condition féminine Canada.
[Français]
Je sais que Mme Langevin s'intéresse beaucoup à l'aspect législatif.
Louise, as-tu des commentaires à faire?
D'abord, une loi qui n'a pas de mécanisme de surveillance ne peut pas fonctionner. Cette loi va prévoir des obligations pour les ministères. Il va y avoir un plan d'action pour tous les ministères et organismes, qui devront définir leurs propres mesures et résultats en vue d'atteindre l'égalité pour les femmes.
En vertu de ce plan d'action, chaque année, le ministère aura l'obligation de faire un rapport sur les progrès réalisés. C'est le ministre qui présentera ce rapport à la Chambre des communes. Cette loi impose à tous les ministères d'adopter un plan d'action, pour ensuite pouvoir l'atteindre.
Notre rapport dit également qu'il devrait y avoir un mécanisme de plainte, car il y aurait des sanctions. Un commissaire ou un ombudsman pourrait voir à l'application de cette loi, appuyé des rapports annuels, évidemment, un peu comme on le fait dans le cas des autres lois. Je pense à la Loi sur les langues officielles ou à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. On sait très bien que le gouvernement canadien ne peut pas construire un édifice s'il ne fait pas une évaluation environnementale.
La loi dont on parle ferait la même chose, c'est-à-dire qu'elle imposerait à tous les ministères et agences l'obligation de faire une analyse sexospécifique pour tous ses programmes, de se fixer des objectifs annuels et, ensuite, de voir quels sont les résultats. Cette analyse nécessiterait l'engagement de ressources. Cette loi impose aux fonctionnaires de faire ce qu'ils font déjà, par exemple en matière de langues officielles ou d'environnement.
:
Permettez-moi de répondre à cette question.
[Français]
Je vais parler de la différence entre l'égalité formelle et l'égalité de substance. L'égalité formelle, c'est lorsque des personnes dans des situations identiques sont traitées de la même façon. Cette approche de l'égalité formelle a été rejetée par la Cour suprême du Canada depuis 1989. L'égalité, ce n'est pas lorsque tout le monde est traité de la même façon. L'égalité, c'est l'égalité de substance, substantive equality. L'égalité réelle, l'égalité dans les faits, c'est traiter différemment les personnes pour leur permettre d'atteindre l'égalité réelle.
Je vais utiliser l'exemple d'une course. On a souvent l'impression que la vie quotidienne est une course. L'égalité des chances, c'est lorsque tous les coureurs, les citoyens et les citoyennes, sont sur la ligne de départ. Dans la course de la vie, certaines personnes courent plus fort et plus vite parce qu'elles sont plus musclées. D'autres personnes courent moins fort parce qu'elles sont handicapées et n'ont qu'une jambe. D'autres encore ont des poids sur les épaules: elles s'occupent d'enfants, de personnes âgées, de malades. Donc, des personnes très en forme et très jeunes vont gagner la course, alors que d'autres ne vont jamais franchir le fil d'arrivée.
L'égalité de substance permet aux personnes qui courent moins fort ou moins vite, pour toutes sortes de raisons, de franchir la ligne d'arrivée. La vraie définition de l'égalité, c'est l'égalité de substance. C'est celle qui tient compte de la discrimination systémique, qu'on ne voit même plus.
J'espère que cela répond bien à votre question.
:
Je vous remercie, madame la présidente.
Je souhaite la bienvenue aux témoins. Je dois dire que c'est un grand honneur de vous avoir toutes les trois ici aujourd'hui. J'ai trouvé votre rapport extrêmement complet et il fait suite à ce que je considère comme un travail très exhaustif de la part du comité, y compris la réponse du gouvernement en place.
J'aimerais tout d'abord, madame Langevin, répondre aux commentaires que vous avez faits lorsque vous avez laissé entendre qu'à l'heure actuelle il n'existe en fait aucune volonté politique de la part du gouvernement pour s'occuper des questions liées au genre. C'était une déclaration plutôt catégorique. Je signale certaines initiatives — et je comprends, par ailleurs, que certains observateurs peuvent examiner cette question et avoir des opinions qui divergent, et j'accepte le fait que certains aimeraient constater une plus grande volonté politique, mais de laisser entendre qu'il n'existe aucune volonté politique, je crois que c'est une déclaration assez dure.
Nous attirons votre attention, à titre d'exemple, sur le Budget de 2008 dans lequel nous nous sommes engagés à établir un plan d'action pour l'égalité. Des changements apportés au mandat récent de Condition féminine Canada, en particulier au programme des femmes, témoignent de cette évolution.
Le comité a entendu des témoignages selon lesquels même si certains conviennent que nous ne sommes pas encore parvenus à encrer l'analyse comparative entre les sexes dans la culture de la planification, de la prise de décisions et de l'établissement des budgets, nous avons réalisé certains progrès à cet égard.
Voulez-vous répondre à ces commentaires?
:
Bonjour, madame la présidente et membres du comité. Je tiens à vous remercier, au nom de mes collègues, de m'avoir donné l'occasion d'être ici aujourd'hui.
En 2003, la responsabilité de l'analyse comparative entre les sexes était centralisée dans l'unité de l'analyse comparative entre les sexes de la Direction générale des politiques stratégiques de Citoyenneté et Immigration. En 2005, la fonction de l'analyse comparative entre les sexes a été transférée à ma direction, au sein de Secteur des services corporatifs, de Citoyenneté et Immigration. Cela a permis de renforcer et d'intégrer davantage cette analyse dans les processus de planification et de rapport du ministère que je suis également chargé de coordonner.
À Citoyenneté et Immigration, l'analyse comparative entre les sexes tient compte de la diversité non seulement parmi les femmes et les hommes, mais aussi comment des variables tels l'âge, la race, l'orientation sexuelle, l'ethnicité, la religion et la culture entre autres, sont interreliées avec le genre. Cette approche permet une analyse plus vaste et plus approfondie des incidences sur les politiques et les programmes.
Dans l'ensemble de Citoyenneté et Immigration, l'analyse comparative entre les sexes se fait au niveau des directions générales, où se fait la majeure partie du travail relatif aux politiques et aux programmes. Pour appuyer l'intégration de l'analyse comparative entre les sexes, ma direction fournit des services consultatifs. Nous mettons au point des outils, nous offrons de la formation, nous facilitons le partage de l'information, préparons des guides et aidons les directions générales à formuler des plans pour leur direction. Nous coordonnons également les contributions au rapport annuel au Parlement sur l'immigration.
En fait, Allison Julie et moi-même ne sommes pas des spécialistes des politiques d'immigration. Nous appuyons plutôt les spécialistes, comme Jeff Daly qui représente le secteur des politiques concernant les réfugiés.
Nous travaillons à accroître la capacité de Citoyenneté et Immigration d'intégrer l'analyse comparative entre les sexes dans son travail en se fondant sur les quatre principes suivants du cadre stratégique quinquennal: le premier principe c'est que la politique, la loi, les programmes et les services sont conformes aux objectifs en matière d'égalité des sexes. Le deuxième principe, c'est que l'analyse comparative entre les sexes fait partie intégrante des analyses stratégiques et législatives, de l'élaboration des programmes et de la prestation de services. Le principe trois c'est que la qualité des conseils est renforcée quand il est tenu compte des conséquences sur le genre. Et le quatrième principe, c'est les progrès qui passent par l'innovation, par exemple dans la collecte et l'analyse de données et la formation du personnel.
Aujourd'hui, j'aimerais faire avec vous le point des progrès accomplis dans le renforcement des capacités et des résultats de Citoyenneté et Immigration en matière d'analyses comparatives entre les sexes. Ce faisant, je ferai de mon mieux pour traiter des points que vous souhaitez, me semble-t-il, examiner: le cadre législatif et la structure de rapport actuels en ce qui concerne l'analyse comparative entre les sexes à Citoyenneté et Immigration, le processus qui a conduit à l'adoption d'un modèle législatif et l'incidence de ce modèle sur la mise en oeuvre de l'analyse comparative entre les sexes à Citoyenneté et Immigration.
En 2005, l'unité de l'analyse comparative entre les sexes a travaillé avec l'ensemble de ses partenaires à Citoyenneté et Immigration pour préparer notre cadre stratégique 2005-2010, qui trace une voie pour répondre à l'exigence de faire rapport au Parlement. Le cadre prévoit de renforcer progressivement les capacités de CIC en matière d'analyses comparatives entre les sexes. Il s'agit de faciliter également l'intégration de ce type d'analyse dans le travail de CIC afin que les politiques, les programmes et la loi reflètent mieux les engagements pris pour favoriser les progrès vers l'égalité entre les hommes et les femmes.
De manière générale, nous procédons de deux façons. Il y a d'abord l'initiative de renforcement des capacités d'analyse comparative entre les sexes que j'ai décrite plus tôt et dont ma direction est responsable. Puis, il y a les plans d'action définis par les directions générales en se fondant sur leur analyse des questions.
Depuis la création du cadre, nous avons pris certaines initiatives. Nous avons élaboré, puis amélioré un programme de formation exhaustif et interactif dispensé sur deux jours. D'autres ministères continuent de manifester leur intérêt envers le programme que nous avons élaboré. Le comité n'a pas encore pris connaissance de ce programme. Nous nous ferons un plaisir de vous le communiquer. Il vaut la peine d'en prendre connaissance.
Nous avons formé plus de 200 employés. Nous avons mis au point un modèle que nous avons par la suite amélioré, pour faciliter la planification dans les directions générales. Nous avons également pris les premières mesures pour intégrer la planification de l'analyse comparative entre les sexes dans le processus de planification annuelle du ministère.
Des plans sont en place dans les directions générales en ce qui concerne l'intégration, l'immigration, la direction Métropolis, les réfugiés, l'atténuation du risque et la politique stratégique. De plus, nous avons établi un plan pour notre programme de citoyenneté qui n'est pas du ressort de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, ce qui témoigne à mon avis de l'importance de l'engagement pris par le ministère envers l'analyse comparative entre les sexes.
Nous avons un groupe de travail actif au ministère qui fait part des leçons apprises et des pratiques exemplaires, qui s'attaque aux questions horizontales et aux sujets d'intérêt commun, qui met à l'essai de nouvelles idées et qui partage certaines des nouvelles initiatives plus générales en cours au gouvernement.
Nous avons terminé un sondage auprès des gestionnaires qui nous indique les améliorations à apporter. Par exemple, ce sondage nous a appris que nous avions besoin d'un atelier sur mesure pour les gestionnaires à un échelon plus élevé afin de mieux les préparer à diriger leur équipe dans la mise en oeuvre de l'analyse comparative entre les sexes.
D'autres représentants de CIC qui ont comparu devant le comité permanent et notre rapport annuel au Parlement sur l'immigration vous ont indiqué les types de résultats tangibles que nous avons obtenus. Cela m'amène aux questions que vous avez posées sur les incidences de notre loi sur la mise en oeuvre de l'analyse comparative entre les sexes au CIC. Comme vous le savez, nous sommes le seul ministère fédéral qui est tenu par la loi de faire rapport au Parlement des incidences de ses politiques et programmes sur le genre.
Il ne fait aucun doute dans mon esprit que les progrès réalisés par CIC dans le renforcement de ses capacités et de ses résultats en matière d'analyse comparative entre les sexes sont, dans une large mesure, attribuables aux dispositions législatives de 2002, énoncées dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Ce sont ces dispositions qui ont donné lieu à la création de notre unité de l'analyse comparative entre les sexes et à l'élaboration de notre cadre stratégique quinquennal. Elles inscrivent notre travail dans la durée en raison de l'obligation annuelle continue de faire rapport.
L'obligation de faire rapport au Parlement, qui est prévue par la loi, rend le dossier encore plus pertinent et renforce l'engagement à cet égard. Elle nous aide à faire comprendre l'importance et la priorité de ce dossier à nos collègues. Elle nous met au défi de bien réfléchir à ce qu'il faut faire pour obtenir des résultats positifs. En bref, les incidences ont été importantes et positives.
J'aimerais toutefois souligner que la prescription de la loi même est très simple. Elle énonce simplement que le rapport annuel sur l'immigration devra inclure une analyse comparative entre les sexes des répercussions de la présente loi. C'est la prescription de la loi. Je ne caractériserais donc pas cette exigence comme un cadre.
Je le précise parce que nous avons un cadre stratégique et qu'aucune des activités énoncées dans notre cadre et dont j'ai parlé plus tôt, comme la formation et la mise en place de plans de directions générales n'est exigée par la loi. Je dirais donc que la prescription de la loi est un fondement important — un élément essentiel —, mais qu'elle ne suffit pas à elle seule pour expliquer les progrès que nous avons réalisés à CIC.
Sans le cadre stratégique soigneusement élaboré par mes prédécesseurs, sans l'appui de Condition féminine Canada, sans le leadership, l'engagement et l'innovation dont j'ai été témoin à Citoyenneté et Immigration Canada depuis le peu de temps que je suis dans ce ministère, je ne crois pas que nous aurions constaté le même genre de progrès. Sans aucun doute, je dirais que nos progrès sont également attribuables au fait que les considérations liées aux genres font partie intégrante du travail de CIC.
Nous pensons naturellement au genre et il en est régulièrement question dans l'examen des différentes politiques qui sont proposées, qu'il s'agisse de réunir des familles, d'éviter que des travailleurs étrangers vulnérables soient exploités ou maltraités ou qu'il s'agisse d'aides familiaux résidents. Les considérations liées au genre sont primordiales et nous les prenons très au sérieux.
Dans le cadre des cours de langue pour les immigrants au Canada, par exemple, nous fournissons des services de garde d'enfants afin de nous assurer que la formation linguistique est accessible à tous les clients admissibles. La garde d'enfants vise à supprimer les obstacles auxquels font souvent face les femmes immigrantes et les parents-substituts.
Enfin, j'aimerais dire que même si la loi a eu un effet catalyseur sur nous, je ne suis pas sûr qu'elle était le seul moyen de parvenir à ce résultat pour Citoyenneté et Immigration Canada. Peut-être aurait-on obtenu les mêmes résultats par d'autres moyens — entre autres une obligation de faire rapport dans le Budget principal des dépenses, de faire rapport sur les plans et priorités dans le rapport de rendement ministériel. C'est ce que nous faisons de toute façon, mais cela aurait pu être une approche envisagée.
Une politique du Conseil du Trésor aurait pu être tout aussi efficace pour nous. On aurait pu aussi recourir au cadre de responsabilité de gestion, qui permet au Conseil du Trésor d'évaluer les ministères chaque année. Nous produisons un plan ministériel chaque année et nous sommes tenus de le faire. Il aurait peut-être été tout aussi efficace d'exiger l'analyse comparative entre les sexes dans notre plan ministériel.
Ce ne sont là que quelques-unes des possibilités que le comité a étudiées, je crois. J'ai pris connaissance d'un grand nombre de ces possibilités dans le rapport d'avril 2005 intitulé Les fondements de la réussite.
Je vous remercie de votre temps et de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui.
Merci beaucoup pour vos exposés ce matin.
Nous avons entendu de nombreux spécialistes dans le domaine de l'analyse et de la budgétisation de genre. Il y a une question que je voulais vous poser, puisque votre ministère fait des analyses comparatives entre les sexes.
Nous avons rencontré un témoin qui faisait une analyse experte du budget. Dans son témoignage, on peut lire:
Le but de l'analyse sexospécifique est d'éliminer les différences existantes au niveau du revenu, de la richesse, de l'habilitation, et d'autres indicateurs entre les femmes et les hommes pour faire la promotion d'un développement complet et équitable des femmes; et d'appuyer l'accession à l'égalité des femmes.
Le témoignage continue:
Une analyse sexospécifique complète des mesures budgétaires cherche à déterminer si chaque mesure budgétaire aura un effet négatif, neutre ou positif sur la condition féminine comparativement à celle des hommes.
Ensuite, le témoin analyse les résultats des effets des différentes politiques et nous présente les résultats, à savoir si elles ont, en fait, creusé davantage le fossé entre les hommes et les femmes, ou si elles ont fait en sorte que la situation des femmes ne s'est pas dégradée, ou si elles ont réellement amélioré la situation des femmes.
Et ensuite, nous avons rencontré des témoins experts qui nous ont dit qu'il ne s'agit pas d'une question de « hommes contre femmes ». Il faut analyser les effets sur tous les secteurs de notre société, que ce soit les hommes, les femmes, les enfants, qui que ce soit.
Pouvez-vous m'expliquer le fonctionnement de votre processus? Est-ce qu'il comprend une analyse générale globale ou est-ce qu'il ne fait qu'une analyse des femmes seulement?