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Premièrement, je tiens à vous remercier beaucoup de m'avoir invitée à prendre la parole devant votre comité.
Je précise que je suis la directrice de la recherche au Community Social Planning Council de Toronto et je suis économiste. Nous faisons de la recherche et du développement communautaire. Nous travaillons avec le secteur des services communautaires à Toronto. Nous sommes financés par Centraide et par la ville de Toronto.
Le secteur des services communautaires de Toronto compte quelque 1 500 organisations qui fournissent des services directement à des centaines de milliers de résidents et qui touchent la vie de presque tout le monde.
Hier, Statistique Canada a annoncé que Toronto est l'ONU en action: de toutes les villes de la planète, c'est celle qui compte la plus forte concentration de citoyens nés à l'étranger. Je peux vous dire qu'au cours de nos années de travail avec les groupes communautaire dans des communautés très diverses, la réalité qui s'impose avec le plus de force est que les femmes font la différence dans les sociétés, grâce à nos efforts pour améliorer la vie des citoyens de tous les groupes de revenu, dans tous les quartiers.
Je vous remercie énormément de prendre au sérieux la question des budgets favorisant l'égalité des sexes.
Je signale que j'ai mis mes observations par écrit. J'en ai remis le texte aujourd'hui et j'espère qu'il sera traduit et distribué à tous les membres du comité. Le document fait environ cinq pages et je ne le lirai pas textuellement.
Je voudrais d'abord dire que nous accueillons avec enthousiasme cette discussion sérieuse sur la budgétisation tenant compte de l'égalité des sexes.
C'est bien sûr important de discuter non seulement de l'outil, mais aussi de ce que l'on veut faire avec cet outil, de jeter un coup d'oeil sur l'analyse faisant ressortir que les politiques budgétaires et les politiques gouvernementales ont des répercussions différentes sur les femmes et les hommes dans notre pays. Il est généralement reconnu que la pleine participation des femmes et l'égalité des sexes sont des précurseurs essentiel pour assurer la croissance économique, le développement social et la durabilité politique.
En partie, ces trois éléments — la pleine participation des femmes — constituent la raison que l'on donne aux Canadiens pour expliquer pourquoi nos soldats, hommes et femmes, combattent en Afghanistan. Je me rappelle d'avoir été très frappée il y a environ un an et demi quand l'officier militaire qui commande dans la province de Kandahar a dit: « On ne peut pas venir à Kandahar et s'en retourner sans être devenu féministe ». Nous applaudissons chaleureusement les gens qui déploient des efforts là-bas pour que les femmes et les enfants soient intégrés dans le discours politique. Nous vous encourageons à en faire autant ici au Canada parmi nos femmes et enfants marginalisés.
Nous sommes d'avis que l'engagement fédéral de rehausser la qualité de vie des Canadiens ne peut pas être réalisé en l'absence d'un engagement correspondant envers l'égalité des femmes. À ce jour, il n'y a eu aucune analyse gouvernementale disponible publiquement et montrant l'incidence comparative sur les femmes et les hommes des politiques qui ont été adoptées, par exemple les baisses d'impôt, les compressions dans l'assurance-emploi, le logement et l'aide juridique.
Non seulement on n'a fait aucune évaluation de ces changements, mais on n'a pas non plus évalué quelle serait l'incidence, non seulement sur les femmes, mais sur l'ensemble de l'économie, d'investissements publics qui augmenteraient la disponibilité de logements et de garderies abordables ou qui réduiraient le coût de l'acquisition de compétences ou des études supérieures pour ceux et celles qui n'arrivent pas à économiser suffisamment d'argent au moyen des REER et REEE.
La première question que je vous pose est celle-ci: Pourquoi, au départ, voudriez-vous même vous pencher sur la question des budgets favorisant l'égalité des sexes? De quoi s'agit-il et pourquoi s'en soucier?
En bref, la réponse est que, grâce à la budgétisation favorisant l'égalité des sexes, vous pouvez faire l'une de deux choses. Vous pouvez ou bien examiner ce dont les femmes ont besoin et essayer de trouver le moyen de payer pour donner aux femmes ce qu'il leur faut d'après nous, ou bien vous pouvez examiner comment vous répartissez les ressources publiques et qui bénéficie des politiques financières, fiscales et budgétaires.
À vrai dire, la budgétisation sexospécifique, en tant qu'outil, ne sert à rien en soi. Cela sert à mettre en place un plan. Vous demanderez peut-être quel serait ce plan sexospécifique et je vous répondrai que nous avons un tel plan et qu'il est en place depuis au moins 1995.
Mais en fait, tout commence avec ce que nous avons signé en 1948.
Je signale à titre de curiosité qu'en 1946, c'est un avocat de Montréal nommé John Humphrey qui a rédigé les articles de la Déclaration universelle des droits de l'homme, que le Canada a signée, et depuis 1948, le Canada est signataire de l'accord international, dans ses diverses formes, stipulant que les femmes doivent bien sûr s'attendre à pouvoir faire entendre leur voix dans l'arène publique, qu'elles doivent s'attendre à pouvoir vivre dans un environnement sécuritaire; qu'elles doivent s'attendre à obtenir leur part, une juste part de la prospérité, et qu'elles doivent être en mesure de se tailler une place valable dans la vie publique, y compris la vie politique.
Nous avons adhéré à tout cela en 1948 en nous engageant à faire une analyse budgétaire sexospécifique ou des vérifications sexospécifiques. Le gouvernement fédéral donnerait enfin suite aux engagements clés pris en 1995 à Pékin, quand nous avons adhéré au programme d'action de Pékin aux côtés de 188 autres nations; pour cela, il nous faudrait mettre en oeuvre des politiques visant à aplanir les obstacles systémiques auxquels se butent les femmes dans leurs efforts pour se libérer de la violence, avoir accès aux objets de première nécessité, pouvoir réaliser leur plein potentiel, et aussi avoir une voix égale dans la vie publique. C'est là une très courte liste de ce que nous devons faire et que nous avons déjà déclaré vouloir réaliser.
En 1995, le gouvernement fédéral, ayant signé le programme d'action de Pékin, a déclaré que pour réaliser ses engagements pris à Pékin, « La pierre d'assise du plan fédéral est une politique qui prévoit que les ministères et organismes fédéraux procéderont à une analyse comparative entre les sexes des futures politiques et mesures législatives. » Nous attendons toujours que cela se fasse. Nous vous encourageons fortement à prendre cela très au sérieux et à poursuivre les discussions sur la manière de faire en sorte que la budgétisation favorisant l'égalité des sexes devienne réalité, parce que ce sera le catalyseur qui nous permettra de passer aux autres engagements pris envers les femmes en 1995.
Compte tenu des mesures prises l'année dernière par le gouvernement fédéral pour museler les ONG de femmes qui préconisaient explicitement une égalité plus poussée entre les sexes, et non pas seulement un traitement égal, il est réconfortant de constater que le gouvernement fédéral est actuellement en train d'étudier comment on pourrait réexaminer ces objectifs à l'interne pour s'assurer que les politiques ne soient pas sexistes, c'est-à-dire qu'elles ne favorisent pas les hommes, et qu'elles n'aient pas paradoxalement comme conséquence d'accentuer les avantages dont profitent déjà certains éléments de notre société.
Les ONG ont toujours dit que la tâche dépasse les ressources disponibles dans notre secteur et qu'en fait, il incombe au gouvernement d'effectuer cette analyse avant de décider comment dépenser notre argent.
Je voudrais passer en revue très brièvement ce que nous avons signé. D'après la Déclaration universelle des droits de l'homme, signée en 1948, d'après le programme d'action de Pékin, d'après les objectifs de développement du millénaire que nous avons adoptés en 2000 et, plus récemment, quatre provinces et deux partis fédéraux ayant indiqué que nous devons adopter une stratégie globale de lutte contre la pauvreté, je dirais que nous avons une quantité plus que suffisante de plans quant à la manière de s'y prendre pour garantir une plus grande égalité des femmes dans notre pays.
Toutes ces initiatives avaient de nombreux éléments en commun et les quatre principaux — lesquels, en passant, ont l'appui d'une écrasante majorité de Canadiens, quelle que soit leur préférence politique, comme l'a montré le sondage fait par Environics — les quatre mesures prioritaires que la majorité des Canadiens appuient sont le logement abordable, une éducation postsecondaire abordable, des garderies abordables et une hausse du salaire minimum.
Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans tout cela et, quel que soit le parti qui prendrait l'initiative à cet égard, celui ou celle qui prendrait sur lui ou sur elle de faire avancer l'un ou l'autre de ces dossiers pourrait compter sur l'appui de l'Immense majorité des Canadiens dans toutes les régions, dans toutes les catégories de revenu, sans distinction de préférence politique.
Vous remarquerez que ces mesures ne sont pas sexospécifiques. Cependant, elles bénéficient de manière disproportionnée aux femmes.
Je crois qu'on vous a parlé la semaine dernière des conséquences des baisses d'impôt pour les femmes, en comparaison des hommes. Pour sauver du temps, je ne vais pas vous expliquer maintenant comment faire une meilleure analyse sexospécifique des budgets, mais je tiens à dire que depuis longtemps, les politiques fédérales — il y a ici une petite lacune dans mon exposé et je vais improviser. Je crains de manquer de temps.
Je tiens cependant à faire le lien avec la dépendance de notre gouvernement fédéral, dépendance qui date de très longtemps, envers la politique d'immigration. Nous allons compter sur les immigrants comme piliers de la croissance économique, encore davantage au cours de la prochaine décennie, durant laquelle nous assisterons à une transformation en profondeur de la population active de notre pays, puisque les gens prendront leur retraite en plus grand nombre que jamais auparavant.
Il est absolument incongru que nous invitions les gens à venir plus nombreux dans notre pays. Ils sont attirés par les poles de croissance de notre économie, précisément là où ils n'ont pas accès à des logements abordables et où l'infrastructure publique, matérielle et de service, est déjà à la limite de sa capacité.
Les paliers supérieurs de gouvernement possèdent les outils fiscaux nécessaires pour répondre à ce besoin, mais les villes et les municipalités assument des responsabilités de plus en plus lourdes pour ce qui est de faire fonctionner le système et je veux donc m'attarder un instant au déséquilibre fiscal qui existe.
Je tiens à dire que l'orientation politique qui a été adoptée par tous les partis politiques aux deux ordres supérieurs de gouvernement entre 1996 et 2004 n'a pas visé à réaliser l'un ou l'autre des objectifs que j'ai énumérés — logement abordable, garderies abordables, éducation postsecondaire abordable, hausse du salaire minimum, laquelle ne coûterait pas un sou aux gouvernements —, cette politique ayant plutôt consisté à réduire les impôts.
Je dirai simplement qu'à mon avis, ce groupe de gens que nous avons ici pourrait critiquer férocement une politique qui consisterait à réduire encore davantage les impôts. Nous avons déjà dépensé 250 milliards de dollars en réductions d'impôt entre 1996 et 2004. Le gouvernement fédéral actuel a passé les 21 derniers mois au pouvoir à mettre en place une nouvelle baisse d'impôt de 191 milliards de dollars.
Nous avons besoin d'investissements et il vous incombe de nous aider à préconiser et obtenir ces investissements dans les domaines où, nous le savons, nous pouvons faire une grande différence dans la vie des femmes, en appuyant un programme axé sur les femmes, en trouvant le moyen d'appuyer un programme qui fait la promotion de la sécurité économique, du développement humain et de la stabilité politique pour tous.
Je vous remercie de m'avoir écoutée et j'ai hâte d'aborder la prochaine étape du processus.
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Merci beaucoup. Merci de m'avoir invitée.
Je prends la parole devant vous aujourd'hui à titre de personne qui s'occupe de budgétisation tenant compte de l'égalité des sexes depuis la mise en place de ce programme en Australie au milieu des années 1980. Cela fait donc quelque 22 ans. Je voulais simplement vous faire part de quelques réflexions et leçons que j'ai apprises durant ce long cheminement.
Premièrement, je pense qu'il vaut la peine de signaler que dans la majorité des pays, le budget du gouvernement est la principale source de financement pour l'égalité entre les sexes et l'habilitation des femmes. Par conséquent, si nous voulons vraiment promouvoir l'égalité entre les sexes et l'avancement des femmes, nous ne pouvons pas négliger l'incidence du budget gouvernemental.
Cela dit, il n'y a pas de méthode simple et claire quant à la manière de faire en sorte que le budget du gouvernement atteigne ces objectifs. Ce n'est pas tellement un problème technique ou d'ignorance; bien qu'il y ait des problèmes techniques et que nous ayons besoin de données de plus en plus précises, en particulier des données et une analyse sexospécifique, le problème est plutôt de nature politique.
Je ne vous apprends probablement rien quand je vous dis qu'au coeur du processus budgétaire, il y a un processus politique qui exige la contestation. Il faut aussi un engagement au plus haut niveau si nous voulons faire changer les choses dans le domaine de l'égalité entre les sexes.
Je voudrais souscrire aux propos de la dernière intervenante. J'ai trouvé cela intéressant parce qu'en Australie, nous suivons une voie politique semblable en ce sens que nous mettons énormément l'accent ces jours-ci sur les baisses d'impôt comme instrument politique. Les baisses d'impôt et les dépenses fiscales, ce que j'appelle des concessions fiscales, ont d'énormes conséquences sexospécifiques et passent pourtant par le processus budgétaire quasiment sans être remises en question car l'hypothèse admise est que c'est bon pour tout le monde. Or ce n'est pas le cas.
Je voudrais faire une autre observation. Dans n'importe quel pays industrialisé, il est peu probable que l'on n'ait pas envisagé à un moment ou à un autre de rendre le budget du gouvernement mieux adapté à l'équité et l'égalité entre les sexes. Par conséquent, tout ce processus de budgétisation sexospécifique n'est pas tout à fait nouveau.
Je lisais l'autre jour un très bon document publié par Condition féminine Canada. On y traitait de l'incidence particulière des dépenses fiscales sur le revenu de retraite des femmes. Voilà un exemple d'un élément de la budgétisation tenant compte de l'égalité des sexes, c'est-à-dire une analyse sexospécifique de l'incidence du budget.
Je pense que depuis 1995, depuis l'adoption à Pékin du Programme d'action dans lequel on recommandait que les budgets gouvernementaux soient scrutés à la loupe pour en déterminer l'incidence sexospécifique, nous entrons de plus en plus dans une ère où nous nous demandons précisément comment nous pouvons scruter le budget explicitement et systématiquement et amorcer des processus et prendre des mesures qui entraîneront un véritable changement. Il y a probablement eu des éléments de budgétisation sexospécifique dans les pays industrialisés depuis que nous avons élaboré des plans pour promouvoir l'égalité des sexes et favoriser l'avancement des femmes, mais ce qui manquait dans le passé, c'est justement ce lien explicite et systématique avec le processus budgétaire.
Je pense que j'ai également compris que c'est un geste politique de nommer les choses. Si nous proclamons officiellement que nous adoptons une politique budgétaire favorisant l'égalité des sexes, cela nous impose parfois des contraintes. Je voudrais que la budgétisation sexospécifique devienne de plus en plus la norme, que cela s'inscrive dans le travail quotidien des politiciens, des ONG et des fonctionnaires, surtout ceux des ministères des Finances ou du Trésor.
En Australie, nous avons pris l'habitude de dire que nous faisons des « budgets de femmes », comme nous appelions cela au milieu des années 1990. En bout de ligne, cela devient donc un projet plutôt que le train-train quotidien.
Quand j'en ai parlé à mes collègues de Nouvelle-Zélande, ils m'ont dit: « Nous ne faisons pas de budget sexospécifique ». Je leur ai dit: « C'est intéressant, pour un pays industrialisé qui a une politique des femmes très appuyée ». J'ai donc commencé à déconstruire le processus en leur demandant ce qu'ils faisaient pour mettre en oeuvre leur politique pour les femmes. Il est très vite devenu évident qu'à un certain nombre de niveaux importants, en particulier au ministère des Finances, ils veillent à dégager des ressources suffisantes pour appuyer les projets qui sont nécessaires en vue de mettre en oeuvre leur plan et que les nouveaux projets font l'objet d'une analyse sexospécifique qui va jusqu'au cabinet. Mais ils vous diront: « Nous ne faisons pas de budgétisation favorisant l'égalité des sexes », ce à quoi je rétorque qu'ils se livrent bel et bien à cette politique, en particulier — peut-être moins maintenant, mais encore dans un passé récent — dans le cadre d'une politique néo-libérale très affirmée qui rendait difficile de nommer l'égalité des sexes et la promotion des femmes comme objectifs prioritaires.
Je vais maintenant vous énumérer quelques leçons clés que j'ai apprises au cours de mes 22 années de travail dans ce domaine.
Premièrement, il n'y a aucun doute qu'il est important de dégager des crédits ciblant spécifiquement les femmes et les filles, ou les hommes et les garçons. Mais nous ne devons pas perdre de vue que ces crédits sont minuscules par rapport au budget total. Toutes les évaluations — j'en ai fait une moi-même dans mon État d'Australie-méridionale — montrent que cela représente toujours moins de 1 p. 100 du budget total. Il est donc important, quand on parle de budgétisation favorisant l'égalité des sexes, de se pencher vraiment sur le reste des dépenses gouvernementales, les 99 p. 100 qui ne sont pas sexospécifiques, mais qui ont des conséquences importantes et différenciées selon les sexes, comme les politiques de revenu de retraite, les politiques familiales, les politiques relatives à l'infrastructure, les baisses d'impôt, etc. On nous dit souvent que ces politiques ne sont pas conçues en fonction des femmes ou des hommes, mais il s'agit justement de voir quelles sont exactement leurs conséquences et de les changer si elles ne nous plaisent pas.
Certains pays persistent à mettre l'accent sur des crédits budgétaires ciblés selon les sexes. Je ne veux pas dénigrer cette politique. Je dis simplement que nous devons comprendre clairement qu'il s'agit là d'un élément seulement de la budgétisation sexospécifique et que ce n'est pas le plus important en termes de montants ou d'incidences.
Une autre observation que j'ai faite non seulement chez moi en Australie, mais dans tous les pays du monde où j'ai travaillé, est que le contexte économique et politique global, en particulier la stratégie macro-économique qui est en place et les discours sur le rôle du gouvernement, joue un rôle fondamental pour ce qui est de décider de ce que l'on peut réaliser en termes d'égalité des sexes, mais surtout, tout aussi important, cela influence la conception de tout exercice de budgétisation tenant compte de l'égalité des sexes que l'on voudrait mettre en oeuvre.
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Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître. Je suis ici à titre de bénévole représentant UNPAC Manitoba. UNPAC est un sigle qui veut dire United Nations Platform for Action Committee.
À Winnipeg, je suis travailleur autonome. Je fais des travaux de recherche en grande partie consacrés à l'égalité entre les sexes et à la santé et la situation socio-économique des femmes.
UNPAC Manitoba existe depuis 1995. Quarante-cinq Manitobaines ont assisté à la quatrième Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes à Pékin. À leur retour, comme Armine l'a mentionné, elles ont voulu, avec beaucoup d'enthousiasme, poursuivre le travail et ont insisté auprès du gouvernement pour que le Canada honore ses engagements au titre du Programme d'action de Pékin.
UNPAC fonctionne depuis cette époque. De 2003 à 2007, UNPAC a reçu une aide financière de Condition féminine Canada pour son projet de budget tenant compte de la différence entre les sexes. UNPAC a aussi reçu une aide financière de la province du Manitoba, et espère que CFC continuera à le financer pour qu'il poursuive son travail. En ce moment, un certain nombre de membres du personnel ont été licenciés à cause des coupures budgétaires.
J'aimerais vous parler quelque peu du projet de budget tenant compte de la différence entre les sexes, dont le but ultime est de réduire la pauvreté chez les femmes. Effectuer des études abstraites des budgets des gouvernements fédéral et provinciaux ne nous intéresse pas. Les politiques et les décisions budgétaires gouvernementales peuvent atténuer ou exacerber le fardeau de la pauvreté qui accable les femmes de façon disproportionnée.
UNPAC a utilisé l'éducation, la consultation et la collaboration avec les décideurs pour atteindre ses objectifs; le comité a adopté une démarche où il intervient à la fois « au sommet et à la base » en travaillant avec les décideurs et avec les femmes des localités.
À la « base », cette stratégie a permis d'organiser 46 ateliers communautaires sur une période de deux ans, de 2005 à 2007. Ces ateliers, qui se sont déroulés en divers lieux du Manitoba, visaient à présenter à des femmes ayant pour la plupart un faible revenu les processus gouvernementaux d'établissement d'un budget. Ils avaient aussi pour objet de découvrir les priorités de ces femmes en ce qui a trait aux recettes et aux dépenses gouvernementales. Ces ateliers étaient conçus pour être amusants et interactifs.
UNPAC a aussi créé un personnage de bande dessinée appelé « La Femme Fiscale ». Vous pouvez en voir un dessin à la page 2 de mon texte. Ce personnage a paru dans des bandes dessinées et sur des cartes postales destinées à populariser ces questions. La Femme Fiscale a aussi comparu en personne à l'Assemblée législative du Manitoba, où elle a commenté les budgets provinciaux de 2006 et de 2007.
Les ateliers qui ont eu lieu un peu partout dans notre province sur une période de deux ans ont permis de dégager un certain nombre d'enjeux. Les thèmes — Armine et moi n'avons pas planifié cela — sont remarquablement semblables. Premièrement: le logement, le logement et le logement; deuxièmement, les services de garde d'enfants; troisièmement, un transport en commun abordable; quatrièmement, l'emploi, le travail et le revenu — des emplois correctement rémunérés, l'équité salariale et de meilleures possibilités d'emploi pour les femmes; la santé, en mettant l'accent sur la prévention; l'intersectionnalité, c'est-à-dire des programmes qui tiennent compte de la manière dont tous ces facteurs contribuent à créer des obstacles pour les femmes; les programmes gouvernementaux — avec un financement stable, à long terme et des ressources adéquates et un personnel sensible aux besoins et aux expériences des femmes à faible revenu; et les recettes gouvernementales.
Comme les deux intervenantes précédentes l'ont mentionné, les perspectives des femmes qui ont participé à ces ateliers n'étaient pas vraiment en synchronisme avec les initiatives du gouvernement fédéral actuel. Collectivement, elles ont réclamé ce qui suit: une hausse de l'impôt sur les sociétés; une augmentation de l'impôt sur le revenu personnel pour les particuliers ayant des revenus élevés; des taxes sur le luxe et le vice, notamment une taxe sur les aliments-camelote, et des taxes vertes.
Voilà pour le volet « base » du travail de UNPAC. Mais qu'en est-il du volet « sommet »?
Au « sommet », la stratégie était conçue pour transmettre un message aux décideurs clés au sujet de l'importance de l'analyse comparative entre les sexes et des priorités des femmes.
À la fin de chaque atelier, les participantes pouvaient écrire à leur député provincial pour lui demander que cette analyse comparative soit intégrée au processus budgétaire et pour lui communiquer leurs propres priorités budgétaires. Des copies de ces lettres étaient transmises au ministre des Finances et à la ministre responsable de la Condition féminine.
UNPAC a aussi rencontré le ministre des Finances provincial, l'honorable Greg Selinger, et d'autres ministres clés tels que la ministre responsable de la Condition féminine et le ministre des Services à la famille et du logement.
Grâce à l'aide du ministre des Finances, ces rencontres ont été suivies par une série de réunions avec des hauts fonctionnaires qui ont permis de discuter des moyens qui s'offrent au gouvernement d'utiliser les résultats des consultations au niveau communautaire.
À la suite de ces initiatives, le ministre des Finances a déclaré qu'il souhaitait que les compétences en matière d'analyse comparative entre les sexes et d'analyse de la diversité soient améliorées chez les fonctionnaires provinciaux. UNPAC a encouragé ces efforts et a appuyé le lancement de projets-pilotes pour tester l'utilisation de l'analyse comparative entre les sexes (ACS) et renforcer sur le plan interne les compétences dans ce domaine.
Lors de cette première étape, la province a établi un ordre de priorité pour les analyses de la situation des femmes et des hommes, des garçons et des filles autochtones, ainsi que des femmes et des hommes, des garçons et des filles handicapés. Et comme professionnelle, j'ai été pressentie pour prendre la direction de ce projet.
Nous avons commencé par un cours de formation à l'analyse de la diversité et de l'égalité entre les sexes à l'intention des gestionnaires de programmes et des analystes de politiques. Ensuite, quatre projets pilotes ont vu le jour. Ils portaient sur des enjeux prioritaires identifiés par les ministères. Le premier par le ministère des Affaires autochtones et du Nord, le deuxième par la Direction des services des bibliothèques publiques, le troisième par les Services à la famille et au logement, que je vous décrirai plus en détails, et le quatrième par le ministère manitobain de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Initiatives rurales.
Dans le reste de mon exposé, je mettrai l'accent sur une partie du travail effectué dans le cadre du projet-pilote du ministère manitobain des Services à la famille et du logement. Le ministère souhaitait obtenir plus de données démographiques sur les Manitobains ayant « un besoin impérieux de logement », pour reprendre le vocabulaire de Statistique Canada.
Et si vous avez la version anglaise de mon mémoire, la définition de ce concept figure à la page 5, dans une note en bas de page. Trois éléments caractérisent cette notion: l'abordabilité, l'adéquation et le nombre suffisant de pièces.
Le ministère voulait avoir une idée plus précise de la population manitobaine ayant un besoin impérieux de logement afin de mieux planifier l'aménagement et le réaménagement de logements sociaux dans notre province, et particulièrement à Winnipeg.
On publie habituellement les données relatives aux ménages ayant un besoin impérieux de logement. Intuitivement, cela paraît logique, mais en fait, cela masque les différences entre les sexes dans l'incidence des besoins impérieux de logement.
À la page 5 de la version anglaise de mon mémoire, vous pouvez voir un tableau standard représentant cette réalité. À Winnipeg, tout comme au Manitoba et dans l'ensemble du Canada, le pourcentage de ménages éprouvant un besoin impérieux de logement a augmenté entre 1991 et 1996, puis diminué de 1996 à 2001. Depuis 1996, la proportion des ménages ayant un besoin impérieux de logement à Winnipeg demeure inférieure à celles du Manitoba et du Canada. Par conséquent, où est le problème? Pourquoi vous plaignez-vous toutes?
En 2001, plus de 60 000 habitants de Winnipeg avaient un besoin impérieux de logement. En tenant compte du sexe dans notre analyse, nous avons découvert qu'il était plus fréquent que les femmes aient un besoin impérieux de logement. À Winnipeg et au Manitoba dans son ensemble, 100 hommes étaient dans cette situation par rapport à 125 femmes. D'entrée de jeu, on peut donc voir que la simple désagrégation des données selon le sexe a fait une grande différence pour ce qui est de notre compréhension de la situation. Le tableau 2, à la page 6 de la version anglaise de mon mémoire, illustre cette situation.
Nous voulions également examiner les besoins impérieux de logement chez les hommes et les femmes pendant tout leur parcours de vie. Nous avons constaté que le groupe le plus important d'habitants de Winnipeg ayant un besoin impérieux de logement était formé par les enfants, près de 21 000, et par les jeunes adultes âgés de 18 à 44 ans, en particulier les jeunes femmes. Environ 13 600 jeunes femmes avaient un besoin impérieux de logement dans ma ville en 2001. Le tableau 3 illustre ce fait.
La vice-présidente (Mme Patricia Davidson): Madame Donner, il vous reste une minute.
Mme Lissa Donner: D'accord.
Notez que la proportion de personnes ayant un besoin impérieux de logement est plus faible chez les hommes âgés que chez les jeunes en âge de travailler. Elle est plus élevée chez les femmes âgées que chez les femmes plus jeunes.
Je me rend compte que mon temps de parole tire à sa fin. J'aimerais attirer votre attention sur le tableau 4 qui fait intervenir l'état de personne handicapée. Encore une fois, les femmes handicapées sont plus susceptibles que les hommes handicapés d'avoir un besoin impérieux de logement. C'est la même chose pour les femmes autochtones comparativement aux hommes autochtones et aux femmes non autochtones. La même situation se répète si l'on compare les hommes et les femmes selon leur statut d'immigrant.
Selon les participants aux ateliers communautaires de l'UNPAC, le logement constitue une des principales sources de préoccupations budgétaires pour les femmes, quel que soit leur lieu de résidence dans la province.
Les recherches effectuées dans le cadre d'un projet d'analyse de la diversité et de l'égalité des sexes pour la province du Manitoba ont aidé à documenter le fait que ce sont surtout les femmes qui avaient un besoin impérieux de logement; elles ont aussi aidé les employés provinciaux à mieux prendre conscience de l'importance de la diversité et de l'égalité des sexes dans la planification des programmes gouvernementaux.
En conclusion, j'aimerais dire une chose importante, soit que le ministère manitobain des Services à la famille et du logement a déclaré que ces données l'aideront à formuler ses décisions futures au sujet de l'aménagement et du réaménagement d'unités de logements sociaux.
Nous nous permettons de rappeler au comité l'obligation du Canada, en vertu du Programme d'action de Pékin, d'oeuvrer en faveur de l'égalité des sexes et d'entreprendre une analyse comparative entre les sexes. La question qui se pose est de déterminer comment procéder pour intégrer cette analyse au budget et non de décider si, oui ou non, cela doit se faire.
Nous recommandons au comité d'encourager le gouvernement fédéral à appuyer les collaborations entre les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux afin de mieux comprendre les incidences différentes des initiatives budgétaires sur les hommes et les femmes, et d'agir en conséquence. Comme cette étude de cas le montre, les politiques et les programmes dans le domaine du logement peuvent paraître « non sexistes » au premier abord, mais il est fréquent qu'ils le soient dans la pratique.
Merci beaucoup.
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Je dois dire, monsieur Pearson — je vous remercie beaucoup pour votre question — que ce n'est pas quelque chose de flou. En fait, ce qui est en jeu, c'est beaucoup plus la réduction de la pauvreté que n'importe quoi d'autre, comme Lissa l'a dit. En fait, il s'agit seulement de progresser dans les dossiers où nous n'avons pas investi.
Sauf votre respect, il faut revenir au milieu des années 1990. Vous savez, on entend souvent dire que les pauvres ont été les plus durement touchés par les efforts en vue de remettre de l'ordre dans nos finances, et je dois répéter encore et encore que ce sont les femmes qui ont accusé le coup. Ce sont les femmes qui étaient les principales bénéficiaires des programmes que l'on a supprimés. Ce ne sont pas les femmes qui sont les principales bénéficiaires des baisses d'impôt.
Nous semblons avoir beaucoup d'argent à dépenser à droite et à gauche. Je dois vous rappeler que nous sommes la neuvième économie au monde en dépit de notre population réduite. Pour moi, en tant qu'économiste, c'est un chiffre qui me saute aux yeux, le fait que nous soyons la neuvième économie au monde. Nous sommes la seule économie des pays industrialisés avancés à enregistrer des surplus budgétaires. Nous l'avons fait au cours des 10 dernières années et cela continuera d'être le cas dans un avenir prévisible, maintenant que les gouvernements provinciaux ont eux-mêmes des surplus... et nous ne semblons pas avoir assez d'argent pour lancer un projet national du logement qui, nous le savons, améliorerait sensiblement la vie des femmes.
Les femmes n'ont personne vers qui se tourner. Les refuges pour femmes victimes de violence sont pleins. Elles s'en vont dans les refuges d'urgence avec leurs enfants, alors que ce n'est pas un endroit convenable pour les femmes et les enfants.
Je trouve cela incompréhensible. Nous invitons les immigrants à venir. Où vont-ils? Ils vont à Toronto, Montréal et Vancouver. Où trouve-t-on les pires crises du logement dans notre pays? À Vancouver, Montréal et Toronto. Nous n'avons aucune politique nationale. On considère que ce sont les villes qui doivent s'en occuper. On ne peut pas le faire sans que tout le monde soit à l'unisson. Les villes n'ont pas les ressources voulues pour répondre aux besoins suscités par les conditions de vie.
Donc, pour moi, de toutes les mesures que vous pourriez prendre, le logement serait l'élément le plus important et qui pourrait faire la plus grande différence dans la vie des femmes, mais ce n'est pas sexospécifique. Quand on étudie l'incidence des baisses d'impôt — on vous en parlé la semaine dernière —, on s'aperçoit que les principaux bénéficiaires des baisses d'impôt sont les hommes. Il suffit de consulter les données fiscales pour s'en convaincre. Où se situent les femmes dans l'échelle des revenus? Au milieu et au bas de l'échelle. Qui touche la part du lion des baisses d'impôt? Ceux qui se situent depuis le milieu jusqu'au sommet. C'est ainsi que cela fonctionne.
Par conséquent, si vous voulez dépenser notre surplus de manière à investir dans l'avenir, le logement serait l'élément numéro un, le fait de s'assurer que les gens aient un toit...
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Puis-je simplement dire à quel point il est facile d'effectuer une analyse budgétaire sexospécifique sur l'incidence d'une mesure fiscale? Il suffit de suivre la filière de l'argent. Pourvu qu'on dispose d'un personnel compétent pour le faire, on peut déterminer l'incidence d'une réduction d'impôt bien précise. Il y a fort à parier que le ministère des Finances se livre déjà à cet exercice, mais sans le rendre public.
Je ne pense pas que ce soit bien compliqué. Ce qui est plus difficile à faire, c'est déterminer qui sont les bénéficiaires des dépenses.
À l'heure actuelle, on fait une très bonne analyse du développement du capital humain en se fondant sur l'éducation. C'est une analyse coûts-avantages des plus simples. Elle se fait sur une base individuelle: on investit x dollars dans l'éducation postsecondaire d'un jeune homme ou d'une jeune fille, et cela se traduit par des revenus pendant le reste de leur vie. C'est une analyse coûts-avantages classique.
Il est acquis que si l'on investit un montant x cela aura un impact macroéconomique. On peut utiliser un modèle entrées-sorties, ou un modèle prévisionnel, il y en a de toutes sortes. Il y a une multitude de trucs que l'on peut utiliser pour savoir ce que l'on obtiendra en investissant un dollar dans l'éducation. Bien sûr, la plupart des Canadiens considèrent l'accès à l'éducation comme la meilleure voie pour sortir de la pauvreté et accéder à des emplois plus rémunérateurs.
On peut sans doute affirmer que le meilleur investissement consisterait à injecter des fonds dans les services de garde, favoriser un meilleur accès aux cours d'anglais langue seconde dans les écoles, par exemple, et dans l'enseignement postsecondaire. Cela serait assez facile à faire. En outre, nous savons comment nous y prendre dans le domaine des infrastructures publiques. Essentiellement, nous faisons des investissements en immobilisations dont la courbe de rendement traduit les avantages qu'en retire une société. C'est la seule intervention macroéconomique que nous faisons.
Là où c'est impossible à faire, c'est dans le domaine des dépenses sociales car les effets sont trop éparpillés. Si j'investis 100 milliards dans les soins de santé cette année, comment puis-je savoir quelle a été l'incidence de cet investissement?
La seule façon de ne pas le savoir, c'est de ne pas dépenser cet argent. Il n'y a pas de groupe témoin. Il faut qu'il y ait un groupe témoin. Il faut pouvoir dire: « Ce groupe a reçu des soins de santé et ce groupe n'en a pas reçus. Voyons l'Incidence de cette décision sur les deux groupes. »
C'est un domaine très complexe et je ne vous suggère pas d'y consacrer beaucoup de temps. Nous savons que si l'on investit davantage dans les soins de santé, les gens seront en meilleure santé et produiront davantage. Il n'est pas nécessaire de se prendre la tête pour quantifier la grandeur scalaire à partir de laquelle ces investissements publics sont bons.
Il est plus difficile de cerner dans quelle mesure l'assurance-emploi répond aux besoins des gens lorsqu'ils perdent leur emploi. Mais nous savons que c'est un phénomène contracyclique.
Nous traversons depuis 12 ans une phase d'expansion économique ininterrompue. Que se passera-t-il lorsqu'une récession frappera? Nous avons réduit au minimum tous les stabilisateurs économiques. L'expérience des années 20 et 30 nous a appris que l'une des façons de traverser une récession est de permettre aux gens de conserver leur pouvoir d'achat. Voilà pourquoi nous avons des mécanismes comme l'assurance-emploi.
Nous avons fait une expérience sociale dont nous ne connaîtrons les coûts qu'au moment de la prochaine récession. À l'heure actuelle il semble que si une récession survient ce sera un cas de prophétie qui se réalise. Cette situation déclenchera des effets multiplicateurs en tous genres car les gens ne pourront pas dépenser. Il est difficile de chiffrer ces coûts, mais l'histoire nous a enseigné qu'il ne faut pas répéter les erreurs de la dernière décennie.
Pas besoin d'être un génie pour comprendre cela. Nous connaissons les effets macroéconomiques. J'aurais aimé que l'on apporte des correctifs à certains d'entre eux plus tôt car il semble que nous ayons trouvé 10 milliards de plus par année pour le secteur militaire. De plus, nous avons déniché des sommes d'argent faramineuses pour les ponts et chaussées, non pas à l'échelle du pays, mais à la frontière.
Si nous disposons de tellement d'argent que nous pouvons nous permettre d'en consacrer 191 milliards à des baisses d'impôt et 37 milliards à la dette, ne pourrions-nous pas remédier à certains problèmes en sachant que cela nous permettrait d'améliorer les conditions de vie des gens et d'aplanir les difficultés économiques advenant que cette tuile nous tombe sur la tête, ce qui pourrait semble-t-il arriver au cours de la prochaine année civile?
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Merci, madame la présidente.
Je suis une ex-porte-parole en matière de condition féminine et je suis allée à Beijing. Il y avait alors un élan assez extraordinaire et on avait bon espoir que les différents programmes soutenant les femmes seraient améliorés au fil des ans.
Le premier pas du gouvernement, qu'il soit libéral ou conservateur, qui aille en ce sens est le Transfert social canadien. Vous voulez qu'on puisse améliorer certains programmes, les bonifier, mais vous interpellez aussi les différents gouvernements provinciaux et fédéraux.
Si le Transfert social canadien en santé, en éducation et en ressources humaines... Vous en avez parlé tout à l'heure. Tout cet argent n'a pas été rétabli pour les provinces. Les gouvernements provinciaux doivent répondre aux besoins de leur population, dont ceux des femmes. C'est donc un peu décevant de voir comment présentement...
La question que posait ma collègue est très pertinente. Au Québec, il y a le Conseil du statut de la femme. Il y avait un pendant fédéral de cet organisme, mais les libéraux l'ont aboli. Qui peut conseiller le gouvernement? C'était un organisme indépendant, mais il n'existe plus. On a dit aux ministères de faire des études sur les programmes, sur l'impact sur les femmes. De telles études n'existent plus. On ne sait pas ce qui arrivera. On avait dit qu'on ferait rapport à la Chambre.
Comment un gouvernement, qui est en place pour une période très courte, peut-il arriver à bien cibler les enjeux et à voir les impacts sur chaque programme? On dit qu'il faudrait que le ministère des Finances... Ne pensez-vous pas qu'il est un peu difficile d'arriver à quelque chose de concret et de bien senti? Un organisme indépendant pourrait conseiller le gouvernement et le ministre, mais on a aboli celui qu'on avait. Les libéraux l'ont aboli et les conservateurs sont très loin de vouloir un comité consultatif constitué de femmes. De plus, il faut des gens très spécialisés, vous l'avez dit. Où va-t-on chercher des conseils quand on n'a pas un tel comité? Le Conseil du statut de la femme a pour but de conseiller le gouvernement du Québec. Je pense qu'il y a des directions différentes, l'impact des programmes...
Je suis donc assez pessimiste présentement face à tout ce qu'on nous dit. Cet avant-midi, il y a eu une question à ce sujet à la Chambre des communes. Je ne me souviens pas du montant — 2 ou 3 millions de dollars —, mais il n'y a pas d'impact sur les programmes parce qu'on ne les voit pas. On peut bien dire qu'on investit 1,6 million de dollars dans le logement social, mais qu'est-ce que cela veut dire exactement?
J'aimerais vous entendre à ce sujet.
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Je vous remercie beaucoup pour cette question.
Oui, c'est décourageant pour celles d'entre nous qui faisons partie du mouvement des femmes depuis des décennies, d'avoir ainsi perdu tout ce terrain depuis deux ans.
Cela dit, comme notre collègue d'Australie l'a dit, on ne peut pas y arriver en comptant seulement sur les institutions et les experts au gouvernement. On ne peut pas y arriver non plus en comptant seulement sur les parlementaires à titre de champions. On ne peut pas le faire non plus en comptant seulement sur la société civile. Il faut que tout le monde, partout, se fasse le champion de cette cause et il faut que l'expertise acquise ne soit jamais perdue. Nous n'avons pas dans le mouvement des ONG la capacité de travail qui existe au Trésor ou aux Finances. Avec un peu de chance, des comités comme le vôtre peuvent faire avancer le processus, pour qu'une partie du travail se fasse là où il doit se faire: au coeur même du gouvernement.
Mais cela ne suffit pas, comme l'a dit notre collègue d'Australie. Il faut que la société civile fasse pression et, à vrai dire, même si nous disparaissions pendant les 20 prochaines années, nous avons la pierre de touche qu'est la Déclaration universelle des droits de l'homme pour nous dire quels sont les besoins des gens. Les gens ont besoin d'être à l'abri de la peur et de la violence. Les gens ont besoin d'avoir accès à un endroit abordable où ils peuvent se sentir en sûreté, bref des refuges. Les gens ont besoin de manger à leur fin. Les gens ont besoin d'eau potable. Les gens ont besoin de soins de santé et d'éducation. La liste est très courte. Nous savons ce qu'il faut faire pour répondre aux besoins des gens; nous savons que lorsque nous dépensons de l'argent neuf, la manière dont nous le dépensons fait une différence. Pas besoin de la tête à Papineau; ce n'est pas complexe. Ne tombons pas dans le piège de croire que c'est complexe.
Comprenons bien que le problème n'est pas la complexité de la pauvreté, mais bien la persistance de la pauvreté. Dans un pays qui est aussi riche en ressources économiques et financières que le nôtre, ne pouvons-nous pas faire quelque chose pour s'assurer que tous aient des chances égales, que tous puissent participer à la course au bonheur: hommes et femmes, enfants des deux sexes, immigrants aussi bien que les gens qui sont nés ici.
Il n'y a aucune raison que nous ne fassions pas mieux, et si je comprends tout à fait votre frustration, je ne crois pas que ce soit la fin de la lutte. La lutte n'est jamais finie, tant qu'il y a des gens comme vous, à ce comité, qui sont disposés à relever le défi pour que cela fasse partie intégrante de la vie politique.
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Nous progresserons beaucoup plus lentement dans la réalisation du programme dont nous avons parlé, parce que cela correspond en partie à ce que nous entendons de part et d'autre: les tiroirs sont vides.
Il semble que les États-Unis vont entrer en récession en 2008. Étant donné le degré d'intégration de nos économies, nous pouvons nous attendre à un certain ralentissement. Sachant que vous avez effacé 191 milliards de dollars de surplus pour les quelques prochaines années, vous pouvez dire à juste titre: « Les tiroirs sont vides; nous ne pouvons pas vous aider» . Mais les femmes attendent depuis longtemps, en période de bombance ou de vaches maigres.
C'est décourageant. C'est immensément décourageant. Cela dit, on ne peut pas dire que nous n'avons pas d'argent et que nous ne pouvons rien faire. Il nous reste encore de l'argent. Nous pouvons dire que, collectivement, comme société, nous voulons payer pour tout cela, mais c'est là qu'il y a recoupement entre politiciens et société civile. Ce que nous faisons est totalement politique. Ce n'est pas par manque d'argent. Nous avons un billion de dollars de plus par année aujourd'hui qu'il y a 25 ans.
D'une manière ou d'une autre, nous perdons l'accès aux soins de santé, à l'éducation et à tout le reste. Nous nous débattons pour conserver ce que nous avons déjà. Ce n'est pas une question d'argent; c'est à nous de décider que nous voulons dépenser l'argent que nous avons pour façonner le type de société que nous voulons, et j'espère bien que nous entrons en fait dans une nouvelle période politique au cours de laquelle nous pourrons discuter de tout cela raisonnablement, que nous comprendrons que c'est le patrimoine de ma génération, de la génération d'après-guerre, que nous démantelons l'infrastructure publique dont nos propres enfants ne pourront plus bénéficier, et que nous ne savons même pas avec certitude comment ils pourront gagner leur vie au cours des 20 prochaines années. J'espère ardemment que nous n'agirons plus en somnambules et que nous discuterons de la manière dont nous voulons mieux partager la prospérité que nous avons en abondance dans notre pays, en comparaison de la plupart des autres pays.
Donc, ces 191 millions de dollars sont disparus. Comme le dit le Dr Phil, on ne peut pas défaire les gestes stupides que nous avons posés. Nous l'avons perdu, à moins qu'un gouvernement quelconque, voulant se faire élire, dise ouvertement que nous n'avons pas besoin de renoncer à cet argent. Mais pour cela, il faut du courage politique et c'est peut-être ce qui nous attend, une ère de courage politique durant laquelle nous allons payer pour bâtir le pays dans lequel nous voulons vivre.