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Merci beaucoup de me donner l'occasion de témoigner devant le comité parlementaire de la condition féminine.
Même si je suis professeur ici à l'Université de Victoria, je dois préciser que j'ai passé 30 ans à Ottawa, au service du gouvernement fédéral. J'ai occupé le poste de sous-ministre adjoint dans plusieurs ministères, y compris à DRHC. J'ai travaillé aussi au Bureau du Conseil privé. J'ai été sous-ministre adjoint de Pêches et Océans, et j'ai également travaillé au Conseil du Trésor.
Dans le cadre de mes fonctions, j'ai participé de très près, à plusieurs reprises, à l'élaboration des budgets, aussi bien à DRHC, qui est très dépensier, qu'au Conseil du Trésor, qui est le gardien des finances. Je suis donc particulièrement heureux d'être ici ce matin, et je vais limiter mes observations à moins de dix minutes afin de laisser assez de temps pour les questions.
Si j'ai bien compris, le comité invitera des témoins des organismes centraux, notamment du Conseil du Trésor, du ministère des Finances et du Bureau du Conseil privé, afin d'examiner le lien entre la question de l'analyse comparative entre les sexes et la budgétisation qui, selon moi, est un sujet important.
Je crois que nous ne devons pas perdre de vue, pour commencer, le caractère fondamental du processus budgétaire et la façon dont on peut de plus en plus s'assurer que d'autres facteurs et d'autres aspects influent sur les budgets.
Rappelons-nous que le budget est un processus fondamentalement analytique ainsi qu'un processus largement politique. Nous l'avons bien vu dans le budget déposé il y a quelques jours, de même que dans tous les processus budgétaires.
Souvenons-nous aussi que lorsque nous examinons des budgets, nous devons vraiment tenir compte à la fois des dépenses et des impôts. Les deux ont des répercussions et des ramifications considérables en ce qui concerne les sexes. Ils ont des impacts différentiels, selon les indicateurs utilisés, tant sur le plan des dépenses que sur celui des impôts — par impacts différentiels, on entend les conséquences des diverses politiques pour les hommes et les femmes.
Une façon d'aborder l'analyse comparative entre les sexes dans le contexte du processus budgétaire, c'est en sachant que tout budget comporte, bien entendu, de nombreux acteurs. On doit donc tenir compte non seulement de ceux qui jouent le rôle de gardiens, principalement le ministère des Finances et le Conseil du Trésor, mais aussi des ministères qui dépensent et militent pour une cause, puis déterminer comment l'analyse comparative entre les sexes peut les cibler et mettre en évidence les répercussions.
De plus, il y a bien sûr ceux qui fixent des priorités. Ces derniers exercent une influence accrue sur le budget. Il s'agit essentiellement de gens qui gravitent autour du Cabinet du Premier ministre et du Bureau du Conseil privé, c'est-à-dire ceux qui sont en première ligne du processus budgétaire et qui ont la haute main sur l'établissement de ces priorités. Voilà qui est donc très important.
Autre point à observer: nous avons beau croire que la budgétisation tient compte d'absolument tout et que chaque année, dans le budget, les gouvernements examinent la gamme complète des budgets, la réalité est que la budgétisation est fondamentalement différentielle.
Si nous regardons le budget déposé il y a deux jours, nous constatons que même si le gouvernement dépense 244 milliards de dollars, le montant des nouveaux crédits attribués dans une année ne s'élève qu'à environ 1,5 milliard de dollars, et c'est vraiment sur ce point que toute l'attention est dirigée. Par conséquent, dans la question fondamentale de l'analyse des politiques de dépenses générales, voire de toute politique publique, la tendance consiste souvent à n'examiner que l'effet différentiel. Pourtant, nous devons aussi examiner la base fondamentale. Voilà un défi de taille, et je pourrai y revenir tout à l'heure.
Le dernier point — et je crois que c'est une bonne nouvelle pour l'analyse comparative entre les sexes —, c'est le fait fondamental qu'on essaie d'axer davantage les budgets sur le rendement. Nous essayons d'examiner le rendement des budgets, c'est-à-dire les résultats que nous en obtenons et les effets qui s'y rattachent.
À mon avis, c'est ici que l'analyse comparative entre les sexes peut entrer en jeu, parce que nous savons que les budgets peuvent exercer un impact différentiel sur les sexes, hommes et femmes, et sur les différents groupes qui les composent. Comme nous commençons à voir la budgétisation davantage dans une optique de rendement et de résultats, nous pouvons commencer aussi à examiner les diverses analyses stratégiques requises.
Là où je veux en venir avec toute cette question de l'analyse comparative entre les sexes et son lien avec la budgétisation, c'est que nous devons considérer l'analyse comparative entre les sexes comme un élément fondamental de l'analyse des politiques. En réalité, l'idée est de faire ses devoirs avant même de faire toute annonce et de prendre des décisions sur les nouvelles dépenses ou initiatives fiscales possibles, et de s'assurer que cette analyse n'est pas isolée, mais qu'elle fait partie intégrante de la politique publique.
Tout analyste de politique publique au gouvernement, qui travaille sur des budgets ou des questions stratégiques, examinera de nombreux facteurs qui entrent en ligne de compte dans une décision finale concernant une initiative budgétaire, qu'il s'agisse du partage du revenu, des modifications au régime d'assurance-emploi, des modifications à la politique sur les soins de santé, des modifications aux diverses initiatives en matière de transports, ou je ne sais quoi d'autre. Les impacts seront multiples. L'impact sur les deux sexes ne sera qu'un des nombreux facteurs, dont le tout devra être soupesé et analysé, dans l'espoir de mener à un processus décisionnel plus éclairé.
D'après ce que j'en déduis à la lecture des rapports et à la lumière de mes recherches sur la situation à Ottawa... N'oublions pas que l'analyse comparative entre les sexes a été mise en place officiellement il y a environ dix ans au sein du gouvernement du Canada. Selon moi, il est généralement admis que nous disposons probablement d'un nombre suffisant de règles et de procédures en la matière. Nous avons besoin maintenant de plus d'incitatifs.
À mon avis, il faut considérer l'analyse comparative entre les sexes comme une initiative visant à faciliter une interaction productive et éclairée entre les principaux joueurs, que ce soit dans le processus d'élaboration des politiques, le processus législatif, le processus réglementaire ou, dans le cas qui nous occupe, le processus budgétaire. Je ne crois pas que ce soit quelque chose pouvant être entrepris simplement par une unité spéciale au sein de diverses organisations, que ce soit le Conseil du Trésor, le Bureau du Conseil privé ou les ministères responsables.
Je ne crois pas non plus que nous devions consacrer un temps fou à essayer des exercices de coordination à n'en plus finir dans l'ensemble du gouvernement afin de coordonner ces diverses unités. À mon avis, l'analyse comparative entre les sexes ne devrait pas consister à demander davantage de coordination et de plans d'action; on ne devrait pas non plus se concentrer autant sur les mesures de surveillance pour vérifier si ce genre d'analyse est réalisé.
D'après ce que j'ai cru comprendre, il y a du pain sur la planche puisque le Conseil du Trésor exige actuellement que toute présentation lui étant adressée comporte une analyse comparative entre les sexes; bien sûr, cette exigence s'applique également, de façon générale, aux documents liés aux MC.
Ce qu'il faut éviter, à la longue, c'est l'utilisation de la liste de contrôle, méthode selon laquelle dès qu'une décision est prise, il suffit de cocher les différentes cases pour déterminer s'il y a eu effectivement une analyse comparative entre les sexes. Il vaudrait mieux s'assurer que l'analyse comparative entre les sexes est intégrée au processus décisionnel et qu'elle fait partie d'un tout, de pair avec bien d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte dans les décisions.
Si j'avais à faire une mise en garde, ce serait qu'on ne rende pas l'analyse comparative entre les sexes trop spéciale et trop précieuse pour éviter qu'elle finisse par être complètement isolée du gouvernement. Elle doit être intégrée au tout.
Ce qui m'amène à mes deux dernières observations.
Le leadership est absolument crucial si l'on veut intégrer ce genre d'analyse, de travail et de nuances dans les processus d'élaboration des politiques et de prise des décisions au gouvernement. Il faut le leadership des plus hautes instances politiques et, à coup sûr, celui du premier ministre devient primordial. Par exemple, la personne choisie comme ministre de la Condition féminine fait toute la différence, selon la façon dont elle travaille et selon l'image de force qu'elle projette en général — et souvent, elle ne figure pas parmi les ministres de premier plan au gouvernement, bien qu'elle soit très qualifiée.
Un autre élément déterminant, c'est lorsque le ou la ministre de la Condition féminine ou n'importe quel autre ministre intervient dans les débats à un comité particulier du Cabinet ou au Cabinet, en posant la question fondamentale suivante: y a-t-il eu une analyse comparative entre les sexes pour ladite question stratégique? Lorsque cette question est lancée, les gens tendent l'oreille. Les hauts fonctionnaires écoutent, de même que les autres ministres. Bien entendu, lorsqu'un ministre reçoit l'aval du premier ministre — non seulement sous la forme d'une lettre de mandat ordonnant la conduite d'une telle analyse, mais aussi sous la forme d'un soutien verbal et d'un appui dans son travail pour s'assurer que ces choses se concrétisent — il y a lieu de croire que cela peut changer le cours des événements.
À mon avis, ce qui compte aussi beaucoup, c'est lorsque le ministre des Finances, à l'instar de l'ancien ministre, déclare publiquement son intention d'entreprendre une analyse comparative entre les sexes.
Là où je veux en venir, c'est que le leadership est crucial; ce n'est pas seulement ce qu'on en lit dans les manuels et les documents.
Le leadership est, bien sûr, également important dans la fonction publique, ce qui nécessite des relations de travail solides entre les sous-ministres, les sous-ministres adjoints et les organismes centraux pour s'assurer que l'on accorde à cette question l'importance qu'elle mérite.
Finalement, il faut une demande. Je crois que la tendance générale, c'est qu'on se concentre tellement sur l'offre qu'on finit par oublier la demande.
Kevin Lynch, greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, a fait un exposé très intéressant l'autre jour. Il a parlé du fait que, de nos jours, on ne met peut-être pas assez l'accent sur la demande en matière de politique publique provenant de la fonction publique, reconnaissant qu'il existe de nombreuses sources. Par conséquent, pour répondre à la demande d'une bonne analyse, tout ministre ou ministère influent veut, de toute évidence, connaître les ramifications de ses actions, que ce soit en matière de politique fiscale....[Difficultés techniques—Éditeur]
Permettez-moi de conclure, madame la présidente, par une ou deux observations relatives aux concepts.
Je crois que les mots comptent. Un ex-premier ministre a déjà dit: « Les mots ont toute leur importance », et je pense que nous devons bien saisir les concepts relatifs à l'analyse comparative entre les sexes.
Tout d'abord, d'après mes lectures, on utilise des expressions comme « budgets de genre » et « budgétisation sexospécifique ». Mais j'estime que nous devrions faire attention lorsque nous utilisons ces expressions.
Prenons le budget de l'autre jour; selon moi, il ne s'agit pas d'un budget sexospécifique ni d'une budgétisation sexospécifique. Beaucoup d'autres facteurs entrent en jeu dans les budgets. Qualifier un budget de sexospécifique est, je crois, erronné par rapport à son contenu parce qu'il y a de nombreux autres éléments. Et cette opinion peut également être partagée par les gardiens fiscaux du système qui examinent de nombreux autres facteurs: les taux d'intérêt, les investissements, l'impact sur les Autochtones, l'impact sur les sans-abris, les répercussions sur le changement climatique, nos dépenses dans le Nord, les conséquences pour l'unité nationale, les grandes villes, les petites villes, les municipalités rurales, etc. Il y a beaucoup trop de facteurs. Je crois donc qu'on doit faire attention de ne pas se limiter à parler de budget sexospécifique ou de budgétisation sexospécifique.
J'ai également constaté que l'expression « audit selon le genre » est entrée dans l'usage courant. Je crois que c'est un sujet intéressant, mais je n'en dirais pas plus.
Parmi les récentes expressions que j'ai observées, il y a aussi les « budgets différenciés selon les sexes » et les « budgets sensibles aux différences entre les sexes ». Là encore, je crois que la prudence est de mise. Dire qu'un budget est différencié selon les sexes est un facteur parmi tant d'autres qui entrent en ligne de compte dans un budget; toutefois, à mon avis, il est exagéré de dire que tous les budgets doivent nécessairement être différenciés selon les sexes. Il y a de nombreux autres facteurs qui seront pris en considération dans le budget.
Ce que j'aimerais voir, c'est un budget éclairé en fonction des différences hommes-femmes, c'est-à-dire un budget qui est alimenté par l'analyse, les priorités, le dialogue, la réflexion et le débat, pour que les répercussions sur les sexes soient prises en considération, analysées, soupesées et reflétées dans le budget.
Je veux donc tout simplement souligner que la terminologie joue un rôle important dans la façon dont nous abordons nos budgets et la question cruciale des différences entre les sexes dans la société.
Je vais m'arrêter là-dessus, madame la présidente. Je ne prendrai pas plus de votre temps, parce que je sais que les questions sont importantes pour le comité.
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Je suis professeure de droit fiscal. J'ai travaillé pour des gouvernements dans le passé, en consultation avec le ministère des Finances et, plus récemment, des gouvernements à Singapour, au Royaume-Uni, à Hong Kong, en Australie et en Nouvelle-Zélande, etc., dans le but — pour dire les choses telles qu'elles sont — de prendre les femmes au sérieux en matière de politique fiscale.
La position et les observations que je présenterai seront probablement un peu plus précises que celles de M. Good, simplement parce j'aborderai le sujet du point de vue du droit fiscal, mais je promets que ce sera facile à comprendre.
Comme je l'ai mentionné, je suis ravie d'être ici aujourd'hui et je suis surtout emballée que le Canada ait décidé d'appliquer une analyse différenciée selon les sexes aux mesures budgétaires, comme l'ont fait bien d'autres pays. Pour des raisons qui deviendront évidentes, je crois qu'une analyse de ce genre est essentielle pour veiller à ce que les femmes ne soient pas victimes de discrimination par rapport aux hommes dans notre régime fiscal.
Comme je l'ai dit, j'aborde la question du point de vue du droit fiscal. Je suis avocate fiscaliste, et je m'intéresse surtout à la politique fiscale, et ma déclaration d'aujourd'hui portera sur le régime fiscal.
Comme je l'ai mentionné, on m'a remis des copies des analyses comparatives entre les sexes des budgets de 2006 et de 2007. Ces deux documents contribuent grandement à reconnaître les réalités socioéconomiques de la vie des femmes et la manière dont les mesures fiscales, surtout ce qu'on appelle les dépenses fiscales — et je vais y revenir dans un instant —, peuvent avoir des conséquences différentes pour ces femmes selon ces réalités.
Comme l'indique l'analyse, les femmes gagnent habituellement moins et sont beaucoup moins riches que les hommes. Par exemple, nous savons qu'il y a plus de femmes que d'hommes qui s'occupent des soins aux enfants. Nous savons aussi que les femmes âgées seules de plus de 65 ans sont beaucoup plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que les hommes dans la même situation. Bien entendu, nous savons aussi que les femmes ne forment pas un groupe monolithique. Par exemple, les femmes autochtones et les femmes handicapées touchent toutes des revenus bien inférieurs à ceux des autres femmes.
Pourquoi alors le régime fiscal est-il si important? Eh bien, c'est parce que nous ne le considérons pas uniquement comme un instrument pour augmenter les revenus; en fait, nous nous en servons également pour offrir des subventions aux Canadiens.
Permettez-moi simplement de vous donner un exemple pour faire valoir mon argument sur la façon dont nous utilisons notre régime fiscal comme programme de dépenses. Je ne parle pas de percevoir des recettes fiscales, puis de les redistribuer à divers programmes. Ce dont je parle ici, c'est de la manière dont les allégements fiscaux qui engendrent des recettes cédées par le gouvernement prennent tout simplement la place des programmes de dépenses directes. Par exemple, nous avons consacré 780 millions de dollars en 2007 à la déduction pour frais de garde d'enfants, une déduction fiscale conçue pour aider les familles dont les parents travaillent à l'extérieur du foyer et doivent faire garder les enfants.
Autrement dit, les Canadiens ont payé 780 millions de dollars moins d'impôts qu'ils n'en auraient payés autrement parce qu'on leur a accordé une déduction fiscale. Ce chiffre correspond aux recettes fiscales auxquelles le gouvernement fédéral a renoncé. Dans ce cas-ci, le régime fiscal est tout simplement utilisé pour octroyer une subvention destinée à couvrir partiellement les frais de garde.
Le gouvernement aurait bien pu prendre ces 780 millions de dollars pour ouvrir plus de garderies; pour subventionner les garderies existantes; pour offrir une subvention à chaque Canadien ayant un enfant, une subvention directe pour aider à couvrir une partie des frais. Cependant, il a décidé d'octroyer la subvention par l'entremise du régime fiscal.
Je ne suis pas en train de dire que le gouvernement aurait dû prendre l'une ou l'autre de ces mesures en particulier; il vous incombe, en tant que politiciens, de prendre ces décisions. Mais quand vous envisagez des allégements fiscaux comme la déduction pour frais de garde d'enfants, vous devriez d'abord vous demander si le régime fiscal est le meilleur instrument disponible pour mettre en oeuvre cette politique particulière.
C'est un aperçu de mon propos, c'est-à-dire que nous avons compté de plus en plus, au fil du temps, sur le régime fiscal pour offrir des programmes sociaux et économiques évolués, et je crois que l'analyse comparative entre les sexes actuellement appliquée aux nouvelles mesures budgétaires doit aussi l'être aux règles fiscales en vigueur. C'est l'essentiel de mon argumentation. Vous devez regarder, comme l'a dit M. Good, la situation dans son ensemble. Il ne suffit pas d'examiner les nouvelles mesures; celles qui sont en place actuellement doivent aussi faire l'objet du même examen rigoureux.
Si vous vous penchez sur les règles fiscales actuelles en tenant compte de la dimension sexospécifique, cela suscite toutes sortes de questions. Permettez-moi seulement de vous donner quelques exemples simples pour que vous voyiez un peu où vous vous retrouveriez si vous appliquiez une analyse différenciée selon les sexes à certaines de ces règles.
Prenons, par exemple, les régimes enregistrés d'épargne-retraite, les REER. Ils étaient le régime d'épargne favori de tout le monde jusqu'au budget actuel. Le gouvernement dit essentiellement qu'il veut aider les gens à épargner pour leur retraite et qu'il le fera en subventionnant ces économies. En fait, la dépense fiscale pour les REER constitue l'une des plus grandes dépenses fiscales personnelles annuelles, ce qui porte l'allégement fiscal projeté à plus de 16 milliards de dollars pour 2008.
Plus important peut-être, le REER a en fait été conçu en tenant compte des femmes. L'idée, c'était que parce que moins de femmes que d'hommes cotisaient à des régimes de retraite en milieu de travail, le REER leur permettrait d'épargner pour leur caisse de retraite. C'est une politique louable, mais quand on examine le REER du point de vue des femmes, il est clair que celles-ci ne reçoivent pas leur juste part de cet allégement fiscal de 16 milliards de dollars. De toute évidence, l'un des problèmes, c'est que parce que les femmes gagnent moins que les hommes, elles disposent d'un revenu discrétionnaire moindre pour cotiser, c'est ce qu'on constate en regardant les statistiques.
Un autre problème, c'est que l'allégement fiscal pour cotiser à un REER est une déduction fiscale, qui rapporte plus aux personnes qui ont un revenu élevé, dont le taux d'imposition est plus élevé. Pour donner un exemple simple, vous et moi versons 10 000 $ dans un REER; je touche un revenu faible et paie de l'impôt à un taux moyen de 10 p. 100; vous avez un revenu plus élevé et payez de l'impôt à un taux moyen de 40 p. 100. J'économiserais 1 000 $ et vous, 4 000 $, en impôt que nous aurions autrement payé. Autrement dit, nous faisons la même cotisation, mais parce que votre revenu est plus élevé, votre subvention est quatre fois supérieure à la mienne. Franchement, vous en avez probablement moins besoin puisque vous gagnez plus.
Je vous ferai grâce de toutes les statistiques, mais quand on examine les statistiques fiscales, on peut voir que même si plus de femmes que jamais cotisent à des REER, elles reçoivent une part beaucoup moindre que les hommes de cette subvention de 16 milliards de dollars, en partie parce que leur revenu est plus faible.
Permettez-moi de vous donner un autre exemple qui, d'après moi, soulève certaines questions concernant l'équité de la règle fiscale actuelle quand on l'examine en tenant compte de la dimension sexospécifique. Je parle ici de ce qu'on appelle le crédit d'impôt pour conjoint légal ou de fait.
Les contribuables qui subviennent aux besoins de leur conjoint ont droit à un crédit d'impôt d'un peu plus de 1 000 $ par année, même si ce crédit est réduit quand le revenu du conjoint dépasse 700 $ environ et baisse graduellement à mesure que le revenu du conjoint augmente. Beaucoup plus d'hommes que de femmes réclament le crédit et ce sont habituellement des hommes touchant des revenus élevés qui subviennent aux besoins de leur conjointe.
Quand on examine la mesure du point de vue du conjoint — habituellement la femme —, plusieurs questions se posent.
Tout d'abord, la mesure est clairement conçue pour favoriser la dépendance économique dans le couple, ce qui a poussé des groupes de femmes, entre autres, à en demander l'abrogation, compte tenu des conséquences négatives pour l'autonomie des femmes. Travailler à l'extérieur de la maison engendre des coûts fiscaux — c'est-à-dire, la perte du crédit de 1 000 $ —, ce qui est une réelle mesure de dissuasion pour les femmes qui veulent peut-être se trouver sur le marché du travail. Je pourrai en parler plus tard dans le contexte du partage du revenu si vous avez des questions à ce sujet.
Ensuite, même si la mesure se justifie du fait que la capacité de payer du contribuable — généralement l'homme — est réduite parce qu'il subvient aux besoins de sa conjointe et devrait donc avoir droit à un allégement fiscal, d'autres prétendraient que c'est préférable ainsi, car la conjointe travaille gratuitement dans la maison à garder les enfants ou à s'acquitter d'autres tâches ménagères. Il en coûterait nettement plus que 1 000 $ au contribuable pour payer quelqu'un qui effectuerait ces tâches ménagères.
Enfin, certains sont d'avis que si nous voulons offrir une telle subvention, elle ne devrait certainement pas être versée au conjoint qui soutient financièrement le foyer, mais plutôt à la femme qui ne touche aucun autre revenu.
Dès 1970, la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada, la commission Bird, a recommandé l'abrogation de cette disposition. Des dispositions semblables ont été abrogées dans la plupart des pays maintenant, y compris le Royaume-Uni, où les revenus engendrés grâce à l'annulation du crédit ont servi à financer un nouveau crédit d'impôt pour enfants.
Pour conclure, je parlerai des documents actuels que j'examine. L'un des points que l'on soulève souvent dans l'analyse budgétaire comparative entre les sexes de 2006-2007, c'est que même si les femmes ne profitent pas autant de certaines propositions fiscales en économies d'impôt, elles en profitent peut-être légèrement plus si on examine la question sous l'angle du pourcentage d'impôt payé.
Par exemple, quand on regarde ces documents, les changements au crédit d'impôt pour enfants signifient que les femmes économisent moins que les hommes au chapitre de l'impôt à payer — elles ne reçoivent pas une part aussi importante de la subvention —, mais si on examine la question du point de vue du pourcentage d'impôt payé, les hommes et les femmes sont pratiquement dans la même situation.
J'estime que le montant brut est une mesure d'équité beaucoup plus importante que le pourcentage payé. Cela est dû au fait que les mesures que nous examinons sont peut-être intégrées dans les lois fiscales, mais elles sont en fait des programmes sociaux, et le régime fiscal est tout simplement le mécanisme de prestation. Nous devons les considérer comme des programmes sociaux ou économiques — la prestation fiscale pour enfants, la déduction pour frais de garde d'enfants, le crédit pour TPS, et je pourrais continuer. Nous devons les voir comme étant des programmes sociaux ou économiques, et quand c'est ce que l'on fait, ce qui compte vraiment c'est l'avantage que l'on en retire.
Il est quelque peu incongru d'évaluer une économie par rapport au pourcentage d'impôt payé. Ce qui importe vraiment pour le bénéficiaire, c'est combien il économise réellement en impôt qu'il aurait autrement dû payer. Comme on le voit dans les analyses comparatives entre les sexes de 2006 et de 2007, les femmes reçoivent une part nettement inférieure d'un grand nombre de ces subventions fiscales.
Pour conclure, ce que je veux que vous reteniez principalement, c'est que l'analyse comparative entre les sexes en cours constitue un excellent départ, mais je crois qu'il est extrêmement important que l'analyse soit élargie et appliquée aux règles fiscales actuelles de même qu'aux nouvelles mesures budgétaires.
Merci.
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C'est une excellente question.
Si nous devions considérer l'analyse différenciée selon les sexes uniquement comme un document que nous examinerions après la prise d'une décision — et j'ai jeté un coup d'oeil aux analyses comparatives entre les sexes, ou ACS, des budgets de 2006 et 2007 —, je ne pense pas que ce serait suffisant. Les commentaires de Mme Young en ce qui a trait à la politique fiscale sont très importants. Concentrons-nous là-dessus pour un moment, car à certains égards, c'est réellement le plus difficile.
D'après mes observations, pour véritablement avoir une ACS valable, il faut la présence de deux intervenants, que j'appellerais les chargés des dépenses et les gardiens — autrement dit, il faut des analystes de la politique de l'impôt au ministère des Finances et des responsables des programmes dans le ministère axial — qui participeront à une sorte de processus où l'on examinera les ramifications et les options. Pour ce qui est d'un certain nombre d'initiatives de politique fiscale — et nous avons une grande quantité de dépenses fiscales dans le domaine social et tous les autres — la tendance n'a pas été, par le passé, d'avoir une grande interaction entre les ministères et la politique fiscale. On tend à en faire l'élaboration principalement au ministère des Finances, pour diverses raisons très importantes.
S'il y a une réforme que nous devons entreprendre, elle consiste à ouvrir le processus de manière plus fondamentale, pour qu'on puisse considérer les options si l'on souhaite mettre en oeuvre une initiative particulière et déterminer s'il y a de meilleures façons de faire, par exemple les dépenses directes; l'utilisation de crédits au lieu de déductions, car nous pourrions éviter une partie des effets des déductions agissant comme une subvention à rebours; et l'utilisation de crédits d'impôt remboursables, qui permettent aux gens de recevoir des montants qui, normalement, ne font pas partie du régime fiscal, que ces gens soient riches ou pauvres, hommes ou femmes. Il y a toute une série d'autres options. Les dépenses directes peuvent être utilisées très efficacement à cet égard.
Quand il est question de politique fiscale, je pense qu'il n'y a aucune doute à y avoir quant à la personne qui détient le pouvoir. C'est le ministre des Finances; c'est ainsi que notre système fonctionne. Mais s'il y a une chose que nous devrions faire en la matière, c'est ouvrir à la discussion le processus décisionnel, en y faisant participer davantage de gens. Ce processus tend à être extraordinairement technique, de même qu'à être confié aux experts et dominé par le ministère des Finances en particulier, pour toute une série de raisons importantes d'ordre institutionnel.
Si une chose est nécessaire, c'est un examen plus minutieux de ces éléments par les ministères concernés.
Par exemple, l'examen de DRHC concernant tout un ensemble de questions liées à la retraite devient très important. Et en ce qui a trait aux questions liées à la santé — on recourt fortement aux dépenses fiscales dans ce domaine —, une interaction nettement meilleure entre ce ministère et celui des Finances devient cruciale dans le cadre du processus. Et les moyens que nous utiliserons pour parvenir à ces résultats quand nous commencerons à examiner les nouveaux budgets et les nouvelles initiatives mises en oeuvre revêtent une grande importance.
Quant à la question plus générale de savoir comment nous y prendre, à partir des dépenses existantes ou des dépenses fiscales existantes, cela soulève une toute autre question. Nous pourrons peut-être en discuter plus tard au cours de la séance.
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Je crois que la forme que cela prendrait, c'est la construction, la reconstruction et le renforcement de nos capacités d'analyse des politiques au sein des ministères. Et cela est principalement effectué par les unités des politiques stratégiques et les services d'analyse des politiques des ministères. Dans une certaine mesure, cette fonction a été amoindrie il y a environ 10 ans lorsque le gouvernement, bien sûr, en pleine crise financière, a dû appliquer énormément de réductions dans l'ensemble du gouvernement. Mais on reconstruit tout cela, et plutôt bien, je crois. Cependant, j'estime qu'un meilleur équilibre des individus et des capacités est nécessaire dans le cadre de cet exercice.
On a mentionné plus tôt que les fonctionnaires du ministère des Finances allaient parfois travailler dans d'autres ministères. Je crois que c'est un aspect très important. D'après mon expérience, lorsque cela se produit, très souvent, l'expertise qui peut être apportée à des ministères axiaux par des responsables des politiques fiscales, des analystes de politiques et autres fonctionnaires des organismes centraux, peut être extrêmement utile pour positionner cette analyse ainsi que le travail d'établissement des priorités. Donc, les interactions — et c'est là où je veux en venir — entre les ministères axiaux, qu'il s'agisse de DRHC, du ministère du Patrimoine canadien, de Santé Canada et ainsi de suite, et le Bureau du Conseil privé et le ministère des Finances, peuvent avoir lieu à un niveau poussé et élevé, de sorte que l'analyse et les faits peuvent faire une différence.
C'est grâce à une interaction sur ces dossiers qu'on peut régler les problèmes, à mon avis. Cela permet d'avoir un point de vue sur les dépenses et la prestation des programmes, en plus de permettre aux gens qui sont les plus proches des clients, et qui se soucient davantage de ce genre de questions, de s'en occuper au sein du ministère des Finances et autres organismes centraux qui pourraient y être un peu moins sensibles, en grande partie parce qu'ils mettent l'accent sur des questions d'intérêt plus général et sur toutes sortes de préoccupations.
Je pense que l'interaction au sein du gouvernement devient très importante. Ce contre quoi je m'insurge, c'est l'isolation flagrante de ces unités, que ce soit au sein d'un ministère ou entre les ministères. Ces unités doivent être intégrées à la capacité d'analyse des politiques pour qu'on puisse examiner tous les tenants et aboutissants.
J'aimerais faire une dernière remarque. S'il y a une question qui a des résonnances politiques, je pense que c'est celle des sexes. Le sexe a une incidence quant aux types d'individus, à leur opinion et à leur vote. Il devrait donc y avoir une demande pour ces types d'analyses, afin de connaître les ramifications et les impacts respectifs pour les hommes et les femmes. Quels seront les effets pour les dames âgées, jeunes, seules ou pauvres, les mamans-soccer de la région du 905, les femmes des collectivités éloignées, les agricultrices, etc.?
Il y a là un incitatif naturel qui, selon moi, peut être utilisé, et devrait être exploité. Je répète qu'à mon avis, c'est grâce aux interactions entre les organismes centraux et les ministères que cet exercice prend de l'importance, et pas en vase clos, là où ces unités sont en place.