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Nous avons le quorum. Commençons.
Mesdames et messieurs les membres du comité, la semaine dernière, nous avons discuté de la budgétisation sexospécifique et annoncé que Mme Clara Morgan nous ferait un bref exposé pour nous expliquer en quoi cela consiste. Vous avez tous reçu un document de l'UIP. Nous l'avons fait traduire sans peine. Il vous donnera un aperçu de la budgétisation sexospécifique, de ses paramètres, et précisera quels pays s'en servent.
Mme Morgan a en main son résumé de cette étude. J'aimerais le distribuer et lui donner l'occasion de nous expliquer ce que comprend ce processus. Ensuite notre comité devra choisir, parmi les éléments de cette budgétisation, ceux qu'il aimerait utiliser. Il faudra que nous soyons rigoureux car le sujet est immense, comme vous allez le découvrir à l'instant, et il faudra nous limiter à certains de ces aspects.
Si Clara nous fait un exposé d'une dizaine de minutes, alors nous aurons le temps de tenir une période de questions, après quoi nous pourrons nous interroger sur l'angle d'étude que nous aimerions privilégier. Est-ce que cela vous convient?
Nous allons donc donner la parole à Clara.
À la fin de la dernière réunion, la présidente m'a demandé de vous donner une brève présentation sur les budgets sexospécifiques. La greffière a distribué par courriel une publication de l'Union interparlementaire, intitulée Parlement, budget et genre. Il s'agit d'un long document — j'en suis désolée, mais c'est le seul document qui était disponible en français et en anglais. Le Secrétariat du Commonwealth possède de l'information sur les budgets sexospécifiques qui n'est pas encore traduite, donc elle est disponible uniquement en anglais. Si vous examinez le chapitre 4 de Parlement, budget et genre, à la page 55 de l'anglais, 61 de la version française, on y présente une perspective sexospécifique sur le budget. C'est donc un chapitre utile. Si nous décidons de mettre l'accent sur un chapitre de ce document, qui nous donne un aperçu solide de la question, c'est le chapitre 4.
Cette publication renferme des renseignements sur les budgets de façon générale, ce qui est utile lorsque l'on aborde les budgets qui prennent en compte le genre parce qu'il faut vraiment être au courant du processus budgétaire, des méthodes budgétaires efficaces et des principes sains en matière de budgétisation.
La présidente avait mentionné qu'il serait utile de distribuer un document auquel j'ai travaillé pendant l'été. Comme le comité avait parlé de la budgétisation sexospécifique tôt en juin, j'ai pensé qu'il serait bon que je me familiarise avec ce sujet parce que je n'y connaissais pas grand-chose. J'ai donc fait des lectures. J'ai fait mes devoirs, et voici ce que j'ai préparé. C'est l'autre document que vous avez entre les mains, le document plus court qui compte environ neuf pages. Je ne suis pas sûre que tout le monde l'a reçu.
Tout d'abord, je tiens à préciser que je ne suis pas une spécialiste des budgets sexospécifiques. Je pense qu'il existe d'autres personnes qui s'y connaissent beaucoup plus en la matière. J'ai certaines connaissances générales sur la question, donc je vais simplement parcourir le document avec vous et vous en décrire très brièvement la teneur.
Le document explique ce qu'est un budget qui prend en compte le genre, pourquoi ce genre de budget est nécessaire, le processus de mise en oeuvre d'un budget prenant en compte le genre, les outils qui permettent une budgétisation efficace prenant en compte le genre et le rôle des parlementaires pour ce qui est d'encourager et de mettre en oeuvre un budget prenant en compte le genre. Bientôt, ce document figurera parmi les publications affichées sur le site Web de la Bibliothèque du Parlement.
Simplement en ce qui concerne les notions de base: qu'est-ce qu'un budget prenant en compte le genre? D'après la documentation qui existe sur cette question, un budget prenant en compte le genre est un budget qui tient compte des répercussions directes et indirectes de l'attribution des dépenses et des revenus gouvernementale sur les hommes et sur les femmes, et sur des groupes de femmes et des groupes d'hommes. Je n'ai pas l'intention de vous lire tout le document, mais je tenais simplement à en souligner les principaux éléments.
Pourquoi des budgets prenant en compte le genre sont-ils nécessaires? Selon la documentation qui existe sur la question et selon le Forum économique mondial, l'inégalité entre les sexes entraîne un manque d'efficacité qui se manifeste par une baisse de la productivité et de la concurrence et une diminution du bien-être. Les spécialistes qui recommandent le recours à des budgets qui prennent en compte le genre savent qu'un budget national peut être un outil important pour favoriser l'égalité des femmes. Donc, les budgets prenant en compte le genre sont des outils qui permettent de favoriser l'égalité des femmes.
Un budget national sensible aux différences entre les sexes reconnaît les inégalités sous-jacentes qui existent entre les femmes et les hommes et y remédie grâce à l'attribution des ressources publiques. C'est ce que la documentation indique à propos des budgets sexospécifiques et de la raison pour laquelle ils sont nécessaires: parce qu'ils peuvent corriger le déséquilibre qui existe entre les hommes et les femmes.
Le processus de mise en oeuvre d'un budget prenant en compte le genre. Si nous devions nous pencher sur la question des budgets qui prennent en compte le genre, nous devrions l'examiner dans le cadre du processus complet de mise en oeuvre des budgets prenant en compte le genre, c'est-à-dire le cycle budgétaire proprement dit. Une mise en oeuvre utile d'un budget qui prend en compte le genre doit s'appuyer sur des données. On a besoin de données et d'indicateurs qui sont ventilés. Donc le point de départ, selon la documentation, consiste à disposer des données correctes pour élaborer un budget sensible aux différences entre les sexes. Le document énumère d'autres aspects soulignés par les spécialistes des budgets sexospécifiques, comme le lieu, la portée, le modèle de rapport et les participants au processus.
La documentation sur les budgets prenant en compte le genre fait également valoir qu'un tel budget doit faire partie du cycle budgétaire.
La documentation mentionne différents facteurs qui contribuent à la réussite de la mise en oeuvre d'un budget sexospécifique — par exemple, le gouvernement et les intervenants de la société civile doivent tous manifester leur engagement, et il faut disposer des compétences techniques et des données colligées par sexe. Il y a donc des facteurs qui garantissent la réussite de la mise en oeuvre de budgets sexospécifiques.
Les experts de ce domaine ont mis au point toute une gamme d'outils pour l'élaboration de budgets sexospécifiques efficaces. J'en ai dressé la liste selon les dépenses et les revenus. Je ne suis pas experte en ce qui concerne ces outils. Le comité devra consulter des gens qui possèdent des compétences étendues quant à la façon d'élaborer ces outils et de les utiliser dans le cadre du processus budgétaire.
En fait, il n'y a que trois experts dans le domaine des budgets sexospécifiques qui se soient attaqués à cette question. Il s'agit de Rhonda Sharp, de Debbie Budlender et de Diane Elson. Elles sont toutes trois bien connues pour avoir beaucoup travaillé dans ce domaine.
Le rôle des parlementaires pour ce qui est d'encourager la mise en oeuvre d'un budget sexospécifique est un autre aspect de ce document que j'ai pris en compte. Le document comprend également des analyses que notre comité a entreprises.
Les parlementaires peuvent préconiser une approche sexospécifique en ce qui a trait au budget durant les consultations prébudgétaires ou l'examen des budgets des dépenses du gouvernement et des rapports de rendement ministériels. En outre, les parlementaires peuvent demander aux recherchistes d'effectuer des analyses comparatives entre les sexes plus approfondies sur les budgets, les dépenses du gouvernement et les dépenses de programmes.
Dans son rapport intitulé L'analyse comparative entre les sexes: Les fondements de la réussite, les membres du comité ont signalé qu'il faudrait au Canada une méthode plus efficace pour analyser le budget selon les sexes.
C'était là un bref aperçu. Tout cela se trouve dans le document. Je n'ai rien à ajouter.
Si j'ai bien compris comment cela fonctionnerait, il semble que nous devions au départ examiner le cycle budgétaire et voir comment en dégager les données nécessaires. En soi, ce travail ne sera pas sans difficulté.
Nous avons eu deux réunions, je crois, sur l'analyse comparative entre les sexes au cours de la dernière session. L'analyse du processus budgétaire en fonction des sexes révèle que certains ministères, du moins, font déjà ce type d'analyse. Nous avons même discuté de la mesure dans laquelle le ministère des Finances, plus particulièrement, examine les programmes dans l'optique de la différenciation selon les sexes. Je vais devoir relire nos rapports, mais je me souviens que les efforts que ce ministère a déjà entrepris sont de plus en plus intégrés à sa culture. Il est évident qu'avant de rendre le budget public, cette considération a fait partie intégrante de son élaboration.
C'est une bonne chose que d'essayer d'en savoir davantage à ce sujet, de nous assurer que cela se fait vraiment. Permettez-moi de revenir aux objectifs particuliers que notre comité devrait viser dans son examen des budgets sexospécifiques. Allons-nous entreprendre cette étude afin d'être mieux équipés — par exemple, pour l'examen des budgets des dépenses et des budgets supplémentaires, le moment venu? Si nous avions un objectif clair, il nous serait plus facile de préciser notre démarche.
C'est une idée que je propose pour que nous en discutions.
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Merci, madame la présidente.
Je pense qu'il pourrait y avoir un certain nombre d'objectifs. Bien sûr, le premier est de s'assurer que la budgétisation qui favorise l'égalité entre les sexes qui se fait à l'heure actuelle soit faite correctement dans toutes les circonstances. D'après ce que j'ai retenu de notre dernière rencontre avec des fonctionnaires du ministère des Finances, ceux-ci n'utilisent pas de données ventilées selon le genre, ce qui, déjà, donnerait des résultats différents. Je me souviens qu'un des témoins ou un des membres du comité avait posé cette question. Je me souviens bien que cette question a été soulevée.
L'audition d'experts nous permettrait de voir comment on le fait ou non à l'heure actuelle, car si nous ne sommes pas sur la bonne voie, nous constaterons dans cinq ans que nous ne faisions pas le genre de budget qu'il fallait, du moins pas d'une manière valable. En outre, j'espère que cela nous permettrait également de voir quel ministère, le cas échéant, essaie de faire ce genre de budget, de manière résolue ou non. J'ai l'impression qu'au gouvernement il y a des exemples brillants, comme à l'ACDI, puis il y a ceux qui en parlent, sans vraiment le faire. Je pense qu'il faudrait insister sur la manière de le faire et sur les résultats qui sont possibles lorsque c'est bien fait. Par exemple, je pense que nous devrions examiner la budgétisation qui favorise l'égalité entre les sexes et l'impact qu'elle a dans le cadre de notre étude.
Nous devrions probablement identifier trois ou quatre domaines que nous pourrions utiliser comme modèles pour montrer quel résultat on obtient lorsqu'on utilise cette méthode. J'aimerais suggérer que l'on prenne l'exemple de la pauvreté et des travailleuses pour montrer quel effet l'analyse comparative entre les sexes peut avoir sur les résultats des politiques visant à éliminer la pauvreté; les femmes et le système judiciaire — ce n'est pas un phénomène tellement répandu, mais c'est une question d'une importance capitale: l'accès des femmes au système judiciaire et le traitement qu'on leur réserve une fois qu'elles sont dans le système —; les femmes et les forces armées, c'est-à-dire les conjointes, mais également les femmes soldats; on pourrait également ajouter les femmes discriminées en fonction de la race. Si nous prenions mes quatre suggestions et que nous en faisions une ventilation, nous pourrions dire que nous faisons une budgétisation qui favorise l'égalité des sexes, mais que nous l'appliquons à ces secteurs au fur et à mesure que nous apprenons avec l'aide des experts. Quel aurait été le résultat si cette budgétisation avait été bien faite?
Je pense qu'il y a des gens, comme les femmes qu'on vient de mentionner, qui pourraient nous aider à comprendre, et nous pourrions nous concentrer sur un certain nombre de secteurs et identifier les problèmes qui s'y trouvent. Je pense que cela nous permettrait d'être concrets et précis.
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Merci, madame la présidente.
J'ai constaté que lorsque des initiatives donnent de bons résultats, on mentionne combien d'entre elles relèvent des divers ordres de gouvernement. Je sais, par exemple, qu'à London, on examine certaines de ces questions et qu'on essaie de cibler — comme Mme Minna vient de le dire — les plus pauvres parmi les pauvres, j'ose dire, et c'est le groupe qui est ciblé.
L'Ontario Association of Food Banks a tenu une réunion la semaine dernière où les nombreux participants ont essayé de convaincre les administrations municipales et les gouvernements provinciaux de suivre cet exemple et de tenir compte des genres. Nous essayons d'établir des liens avec les collectivités autochtones du nord de l'Ontario. J'ai visité la région l'été dernier, ce n'était pas aussi pire que ce que j'ai vu en Afrique, mais c'est certainement ce que j'ai vu de pire au Canada. Cela a amené notre groupe à se dire qu'il ne faudrait surtout pas oublier ces groupes.
Par votre entremise, madame la présidente, j'aimerais demander aux autres membres du comité, car certains d'entre eux sont peut-être au courant, s'il y a des modèles de réussite au Canada, que ce soit au niveau provincial, municipal ou même communautaire, puisque vous parlez de trouver des partenaires aux différents ordres de gouvernement? Vous dites ici que les modèles qui donnent les meilleurs résultats sont le résultat d'initiatives communautaires.
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Je sais que mon équipe a aussi fait une recherche relativement au budget. On a trouvé qu'environ 60 pays, comme la Norvège, la Suède, etc., se livraient aux exercices que nous voulons mener.
Ces pays ont étudié trois principales catégories. La première s'intitule « Les affectations ciblant un sexe ou l’autre ». Les ressources ciblent tout particulièrement les femmes ou les hommes. On appelle également cela un budget axé sur le besoin des femmes, lorsque le groupe ciblé n'est composé que de femmes, autrement dit des femmes avec des femmes.
La deuxième s'intitule « Les affectations générales ». Cette catégorie englobe la plupart des dépenses. Le défi consiste à déterminer si ces affectations répondent aux besoins des femmes et des hommes dans les différents groupes de la population, comme on le disait, dans les différents groupes et les divers gouvernements.
La troisième est fort intéressante, étant donné que les femmes sont différentes des hommes. Elle s'intitule « Les affectations pour l'égalité des chances en matière d'emploi ». Cela a pour but de promouvoir l'égalité entre les sexes dans la fonction publique. C'est aussi ciblé parce que les femmes et les hommes sont différents, ils n'ont pas les mêmes besoins en milieu de travail.
Il est certain que les femmes et les hommes n'ont pas la même sensibilité. Il y a des différences, nos besoins sont différents de ceux des hommes. Les recherches que nous avons faites ont donné cela; je voulais le partager.
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Merci, madame la présidente.
C'est en effet un très vaste champ d'étude, ce n'est pas évident. J'écoutais ce que Mme Minna disait, ce que vous disiez et ce que M. Stanton a dit. Les paroles de M. Pearson m'ont également beaucoup touchée, parce que je suis très préoccupée par la situation des femmes des premières nations et des femmes innues.
Je lisais un rapport dans lequel il était fait mention qu'une femme avait dû appeler un refuge pour femmes battues parce qu'elle n'avait pas d'endroit où rester. Pour elle, c'était plus facile d'appeler un refuge pour femmes battues pour s'assurer d'être au chaud pour la nuit, deux nuits, trois nuits, parce qu'elle ne pouvait pas se procurer un logement à coût raisonnable. Cela me fait dire qu'on doit s'attarder vraiment à des pans de société où il y a des difficultés évidentes et où les difficultés sont de plus en plus marquées.
Je pense que les femmes des premières nations et innues connaissent des difficultés de plus en plus marquées. C'est le cas pour l'ensemble de la population de ces communautés, les hommes ayant aussi des difficultés. Mais je pense que si on adapte l'analyse selon le genre pour la budgétisation, on pourra probablement trouver des espaces où cela peut faire une véritable différence en termes de santé, de logement, d'éducation et de nourriture. On peut probablement trouver des espaces où notre action peut améliorer les choses. Cela me ferait grand plaisir parce que cela relève de la compétence du gouvernement fédéral. Je serais donc encore bien plus contente, parce que c'est un domaine où je ne dirai pas que c'est de compétence provinciale; laissez-nous tranquilles. Vous auriez mon appui complet et entier.
Je pense que, comme le disait Mme Minna, il faut faire une étude plus particulière sur certains côtés, comme l'aspect légal, mais il ne faut pas faire l'ensemble des sujets. Autrement, on va se perdre pour longtemps.
Donc, si j'ai bien compris, il y a consensus pour que nous ciblions bien la question. Nous avons déjà fait une étude de la sécurité économique des femmes et de la pauvreté des femmes, particulièrement dans les régions rurales, parmi les Autochtones et les immigrantes, et la clé pour nous a justement été de bien cibler la question. Nous pourrions donc examiner l'analyse comparative entre les sexes, en tenant compte des suggestions qui ont été faites, sous l'angle de la pauvreté et des femmes.
Ensuite Mme Minna a proposé qu'on examine la question des femmes et du système judiciaire. Je pense que tout le monde a lu l'article au sujet de cette femme de 19 ans qui est morte en prison. C'est incroyable. Qu'est-ce qui se passe? Pourquoi y a-t-il une telle différence dans la façon de traiter les femmes et les hommes et quelle est la cause du problème? On peut donc aborder la question du point de vue économique et du point de vue juridique. Cela intéresse un grand nombre de femmes qui se demandent ce qui se fait dans ce domaine.
Troisièmement, si je vous ai bien comprise, il y a les femmes dans les forces armées. Les femmes militaires et les conjointes de militaires ont parlé à plusieurs d'entre nous de l'inégalité à laquelle elles sont confrontées. Nous pourrions donc choisir trois ou quatre sujets de ce genre pour notre étude — nous devrons d'abord nous entendre — puis déterminer quelles ressources il nous faudra et quels genres d'experts nous voudrons consulter. Il y aura des fonctionnaires, car nous devons comprendre ce qui se passe dans les ministères. Comme Mme Minna l'a mentionné, lorsque l'ACDI donne de l'argent aux organismes donateurs, elle exige qu'ils établissent des budgets favorisant l'égalité des sexes et qu'ils soient sensibles aux besoins des deux groupes, alors que nous ne le faisons pas nous-mêmes. Il y a peut-être certains ministères fédéraux qui sont mieux outillés que d'autres, et nous nous engageons peut-être dans une mission de recherche qui nous permettra de trouver de très bons repères et modèles que nous pourrons reprendre.
La première chose à faire est donc de nous entendre sur les aspects que nous allons cibler. La deuxième, c'est d'établir la liste des témoins et la troisième, d'établir un calendrier.
Madame Boucher.
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Merci, madame la présidente.
Je ne conteste pas où nous en sommes à l'heure actuelle, mais je ne suis pas sûr de la manière dont on établit le lien entre les quatre secteurs proposés: les travailleuses, la justice, l'armée et la race. Ce sont quatre domaines où tout le monde conviendra qu'il y a des groupes de femmes qui méritent d'être étudiés de près.
Mais comment relier ces groupes à la budgétisation sexospécifique? On parle de budgétisation, autrement dit essentiellement de finances, de l'allocation de fonds. Nous associons des mots à l'image ici. Je vais aller directement au but. La question est-elle de savoir si les programmes gouvernementaux attribuent comme il se doit des fonds à ces groupes? Cela nous amène à nous demander si les programmes gouvernementaux suffisent à assurer la sécurité économique. Vous voyez combien il est facile de détourner le cours de la discussion. Comment faut-il comprendre cela?
Pour moi, quand on parle de budgétisation, il pourrait s'agir de trois choses. D'abord, combien est affecté à tels groupes en particulier, peut-être en grande partie comme ce qu'on a vu ici. Deuxièmement, il pourrait s'agir du processus de prise de décision. Tient-on compte des questions d'égalité entre hommes et femmes? Ensuite, il y a ce qui arrive après coup. Une fois qu'un programme ou un budget est mis en oeuvre, observe-t-on les résultats souhaités? Même si toutes les bonnes décisions ont été prises, les obtient-on?
Ce n'est toujours pas clair pour moi. Peut-être y a-t-il quelque chose qui m'échappe, mais j'aimerais bien que quelqu'un m'aide.
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Je vais essayer, et mes collègues autour de la table vont m'aider si je n'y arrive pas.
Ce n'est pas tant combien d'argent est attribué à quelle enveloppe, même si cela a évidemment des conséquences au bout du compte en termes de ce que la politique du gouvernement à ce moment-là se trouve à être. Très souvent, il s'agit de la façon dont les programmes sont ensuite conçus pour dépenser l'argent et des critères qui les entourent.
Je vais vous donner un exemple. À la fin des années 80, je travaillais avec des immigrantes qui avaient désespérément besoin de formation et de recyclage. Le programme offert par RHDSC à l'époque exigeait d'avoir fait sa 12e année et de parler assez bien l'anglais pour y avoir accès. Eh bien, ça signifie que toutes ces immigrantes étaient exclues. Les critères les écartaient. C'est pourquoi j'ai mis « discriminées en fonction de la race » ainsi que les autres lignes.
J'ai un autre exemple: une politique comme le crédit d'impôt pour enfants. Ça vaut à peu près 7 000 $. Si vous avez de l'argent à dépenser, vous pouvez en profiter, mais si vous êtes quelqu'un de pauvre ou à faible revenu, et une femme surtout, même si vous faites partie de la population active, vous ne pouvez pas y avoir droit parce qu'il faut de l'argent pour pouvoir le toucher. Ce n'est pas un crédit remboursable.
Ce ne sont que deux exemples. Ce que je constate, c'est que les critères et la politique, et la façon dont la politique est élaborée puis appliquée, n'atteignent peut-être pas l'objectif voulu. Veut-on faire disparaître la pauvreté? Veut-on corriger le problème? N'y arrive-t-on pas parce qu'on n'a pas fait la bonne analyse et que les critères établis écartent une grande partie de la population? Très souvent, ce sont les femmes, et d'habitude les minorités, qui sont les plus pénalisées.
Les outils qu'on avait coutume de considérer... D'abord, je voudrais que l'on ait des audiences avec des spécialistes de la budgétisation sexospécifique pour comprendre les critères qui sont nécessaires pour en faire correctement et voir quelques exemples où on aurait pu en faire une. Ensuite j'examinerais certains des domaines qu'on a énumérés pour voir si, appliquée correctement, elle aurait pu marcher pour certaines des politiques qui existent actuellement dans le système. À partir de là, on pourrait faire des recommandations sur les correctifs à apporter puis recommander que le modèle soit utilisé à l'échelle de l'administration toute entière pour la préparation des budgets. Si l'on effectue la bonne analyse budgétaire sexospécifique au préalable, il y a moins de risques que les budgets produisent de mauvais résultats.
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Monsieur Stanton, vous avez une question très valide. Et il y a deux outils que vous pourriez utiliser.
J'ai des antécédents dans les finances publiques. Je ne suis pas comptable, mais j'ai des antécédents dans les finances publiques. Il y a deux façons d'établir des budgets — vers le bas ou vers le haut. L'établissement d'un budget vers le bas se fonde sur les recettes du ministère des Finances et l'établissement vers le haut, sur l'analyse sectorielle à la base effectuée par les ministères.
On peut utiliser deux des outils que nous a donnés l'analyste: l'analyse des effets des dépenses publiques ventilées selon le sexe et l'évaluation des politiques sous l'angle de l'égalité entre les sexes. C'est ce que nous demandons aux experts de faire. Cependant, essentiellement, on peut prendre la question de la pauvreté par exemple et se dire voici ce que nous, le gouvernement, dépensons pour les programmes sociaux. Il faut que cela ait un impact, car nous voulons éliminer ou réduire la pauvreté. On peut ensuite se demander si cela a un impact.
Lorsque nous avons fait notre étude sur la sécurité économique des femmes, nous avons constaté qu'il y avait de nombreux cas où cela ne se produisait pas. Nous devons donc revenir à la case de départ et nous demander pourquoi. Il y a quelque chose qui ne va pas. Nous sommes tous des contribuables. Il y a quelque chose qui ne va pas si le système ne permet pas de régler ce problème très important, et nous dépensons beaucoup d'argent en ce sens.
Est-ce que je vous ai vu lever la main, monsieur Cannan?
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Merci, madame la présidente.
Je suis nouveau au comité; je remplace quelqu'un d'autre et j'écoute.
Je suis d'accord avec ce qu'a dit mon collègue Bruce. Je suis tout simplement assis ici et je réfléchis à ce que vous dites au sujet des finances publiques et des budgets vers le bas ou vers le haut. Le fait est que peu importe combien d'argent on dépense si le programme ne va pas dans la bonne direction. Nous devons donc prendre du recul.
Et il ne s'agit pas nécessairement du budget, mais du coeur du système. Comme Bruce le disait, il s'agit du mandat du comité et des politiques et des critères.
J'ai du mal à comprendre qu'il faut étudier les budgets, si on examine les programmes.
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Non, et je comprends que vous êtes nouveau.
Il s'agit de l'établissement de budgets sexospécifiques, et nous avons examiné l'établissement de budgets sexospécifiques et leur impact.
Les ministères établissent leurs budgets et les présentent au ministère des Finances. À son tour, le ministère des Finances dit eh bien, quelle est la valeur de ce programme et est-ce qu'il correspond à la philosophie du gouvernement, etc., etc.? C'est bien, il y a un aspect politique à cela. Il y a cependant également un aspect social, et les ministères, lorsqu'ils présentent leurs budgets, doivent le faire en tenant compte des besoins des deux sexes. Est-ce que cela a un impact?
Supposons que vous vouliez réduire la pauvreté chez les enfants. Pour réduire la pauvreté chez les enfants, il faut mettre des mesures en place — des garderies, par exemple, ou des garderies abordables. Si c'est là le mandat, alors il faut se demander si cela a un impact.
Nous ne le savons pas. Nous sommes le Comité permanent de la condition féminine, et notre travail consiste à nous assurer que nous aidons les femmes qui vivent dans la pauvreté, ou les familles qui vivent dans la pauvreté, pour résoudre leurs problèmes.
Si le ministère des Finances détermine par exemple qu'un revenu de 21 000 $ est trop élevé pour qu'une personne puisse avoir accès au crédit d'impôt pour enfants ou que 21 000 $ n'est pas assez pour qu'une personne ait accès à une économie d'impôt, alors on se demande si c'est là le seuil de la pauvreté. Ce sont les analyses que nous devrons faire ou les questions que nous devrons poser, car nous devons poser des questions intelligentes afin de pouvoir faire des recommandations intelligentes. Je pense que c'est sur quoi nos discussions porteront.
C'est encore plus embrouillé pour vous qu'auparavant, n'est-ce pas? Eh bien, c'est tout à fait normal pour quelqu'un de nouveau à notre comité. La budgétisation sexospécifique est... Ce n'est pas que nous nous en prenons au ministère des Finances, mais nous demandons au ministère de comparaître devant notre comité et nous devons choisir les questions sur lesquelles nous voulons nous concentrer. C'est pour cette raison que nous nous demandons, si la pauvreté sert de cadre d'examen, si nous mettons l'accent sur les femmes immigrantes, les femmes qui vivent dans des régions rurales et les femmes autochtones. Nous pourrions ensuite demander également au ministère des Affaires indiennes, par exemple, ce qu'il fait lorsqu'il présente son budget au ministre des Finances? Sous quel angle est-ce qu'ils examinent tout cela?
Pour moi, ce sont des choses faciles, je suppose, mais c'est peut-être très difficile à comprendre.
:
Oui. Si vous regardez à la page 60 de ce que vous avez reçu de l'UIP, cela vous donne un cadre pour mesurer.
[Français]
Je ne sais pas où c'est en français.
[Traduction]
Il est écrit Encadré 35, puis si on va à la partie sur le Royaume-Uni, qui correspond à l'encadré 41, on peut comprendre le cadre utilisé pour mesurer l'égalité entre les sexes. Je pense, madame Boucher, que cela revient à ce que vous disiez au sujet de l'emploi et de la pauvreté.
Pour la gouverne de la greffière, pouvons-nous présenter une demande spécifique afin qu'elle puisse la limiter, et nous serons ensuite tous sur la même longueur d'onde?
Madame Mathyssen, pourriez-vous répéter ce que vous avez dit? J'espère que vous n'avez pas oublié.
:
Merci, madame la présidente.
Examinons les autres points qui ont été discutés. Nous avons six réunions prévues la semaine prochaine. Nous avons déjà dit qu'une demi-heure lundi servira à l'étude du plan de travail, et il y aura aussi la présentation de Condition féminine Canada. Nous devons également examiner le Budget supplémentaire des dépenses. Et nous avons mentionné les rapports.
Quant au programme de contestation judiciaire, nous sommes tous conscients qu'il y a des débats politiques entourant ce sujet. Je crois sincèrement que nous devrions faire du travail qui sera constructif. Je comprends l'intérêt de l'opposition à proposer ce type de sujet. Nous savons que les décisions prises ont créé la controverse. Mais, très sincèrement, nous avons du travail urgent à faire.
Je suis d'accord avec la suggestion de Mme Demers. Certains de ces points s'intégreront dans les discussions que nous aurons avec les témoins pendant l'étude sur la budgétisation sexospécifique. Mais nous avons le budget des dépenses, nous devons étudier les rapports de la dernière session, nous avons aussi la budgétisation sexospécifique devant nous, ce qui nous amènera dans la nouvelle année, et je suggérerais, pour ce que ça vaut, de continuer comme cela.
Pour les discussions sur le plan de travail, je vois, par exemple, que nous avons d'autres motions de Mme Mathyssen et de Mme Demers et que le gouvernement en a également, et nous avons aussi ce document très complet que nous pouvons utiliser pour l'étude des autres sujets.
C'est mon opinion. Je sais que d'autres membres auront un point de vue différent, mais je n'appuie pas l'idée de mettre à notre ordre du jour une étude du programme de contestation judiciaire.
:
Je pense que Mme Demers avait demandé que cela se fasse simultanément et quant à M. Stanton, il a demandé que l'analyse comparative entre les sexes se fasse sous de multiples facettes.
Je propose tout simplement qu'au moment où nous étudierons le plan de travail, nous y incluions autre chose, si cela se révèle faisable. Nous avons le Budget des dépenses supplémentaire à étudier. Nous avons invité tous les ministres à répondre à notre rapport. Nous n'avons pas encore reçu d'acceptation de leur part, si bien que nous disposerons de temps. À cet égard, je m'en remets aux membres du comité afin qu'ils me disent ce qu'ils souhaiteraient faire. Nous ne pouvons pas annuler de réunions. Il nous faut être proactifs et prévoir nos travaux. Une suggestion, et c'est celle de Mme Minna, est l'étude du programme de contestation judiciaire. Nul besoin de politiser cette étude, que nous pouvons faire. Toutefois, je m'en remets aux membres du comité.
Mme Minna, suivie de Mme Demers et de Mme Mathyssen.
[Français]
Ce sera ensuite le tour de Mme Boucher.
:
Merci, madame la présidente.
Monsieur Stanton, je regrette beaucoup, mais on est en politique. Ce n'est pas l'école du dimanche. Il y a des sujets qu'il faut absolument vider, et je pense que celui-ci doit l'être à un moment donné.
J'ai encore déposé des pétitions à la Chambre aujourd'hui. Jusqu'à maintenant, 5 425 femmes ont signé, et les pétitions continuent de circuler dans tout le Québec et le Canada pour que ce programme soit rétabli.
Je ne savais pas que Mme Minna voulait qu'on en discute, mais je pense que c'est une très bonne idée si on peut le faire de façon non partisane. C'est politique, effectivement, mais on peut discuter du fait que le programme ne soit plus en place, afin d'essayer de voir quelles sont les conséquences pour les femmes. Quels groupes sont le plus affectés? Comment sont-ils affectés? Peut-être va-t-on trouver une conclusion ensemble. On suggérera peut-être au ministre de revoir ce dossier parce qu'on trouve que les personnes ont raison. Par contre, on dira peut-être que cela ne vaut vraiment pas la peine. Il est possible que nous considérions, nous aussi, que cela ne vaut pas la peine. Mais je pense qu'il ne faut pas baisser les bras avant. Il ne faut pas s'empêcher d'examiner un programme parce qu'on a peur que ce soit politique. On est ici pour cela.
Je ne veux pas vous haïr. Vous êtes mon adversaire, vous n'êtes pas mon ennemi. Mais à un moment donné, il faut qu'on puisse discuter des vraies choses.
[Traduction]
Un point c'est tout.
:
En réponse à Mme Demers, je dirai que c'est vrai qu'on est en politique; je le comprends tout à fait. Cependant, il faut aussi être logique. Dans tous les comités, depuis un an, on en a parlé. J'ai participé à plusieurs comités et, nous en avons parlé dans tous les comités. Alors, tous les comités ont étudié cette question.
Je travaille de façon à ce qu'on veuille trouver des solutions. Alors, je n'ai pas envie d'étudier quelque chose dont on parle depuis un an et demi. En fait, si on veut un rapport, il y en a dans tous les comités. Par exemple, il y en a un au Comité permanent des langues officielles, au Comité permanent du Patrimoine canadien et ailleurs aussi. C'est marqué partout.
J'étais membre du Comité permanent des langues officielles. Nous avons fait une tournée pancanadienne l'année dernière et nous en avons entendu parler. Il y a également le Comité permanent du patrimoine canadien qui s'est penché sur la question. Il y a des dossiers complets sur ce sujet.
Alors, je suggérerais qu'on étudie autre chose pour aider les femmes, puisque cette question a déjà été étudiée dans d'autres comités.
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Merci, madame la présidente.
Je n'étais pas au courant que le programme de contestation judiciaire avait été étudié par trois comités, mais l'incidence de son annulation pour les femmes touche la raison d'être même de notre comité.
Je peux vous citer une affaire que je connais bien. Il s'agit de l'affaire Sharon McIvor, en Colombie-Britannique. À la suite de dispositions législatives mises en application par le gouvernement en 1986, en l'occurrence le projet de loi C-31, les femmes autochtones ont perdu leur statut. Cette loi, par mégarde, diminuait le statut des femmes autochtones qui avaient des enfants.
Sharon McIvor a contesté ces dispositions devant les tribunaux — étant donné leurs conséquences directes sur les enfants — grâce au programme de contestation judiciaire, et elle a obtenu gain de cause. Elle a obtenu gain de cause à la Cour suprême de la Colombie-Britannique.
Le gouvernement du Canada, à son tour, interjette appel en Cour suprême du Canada, mais désormais, Mme McIvor ne dispose plus des ressources du programme de contestation judiciaire pour se défendre en Cour suprême. Voilà un exemple concret qui illustre les conséquences très lourdes que cette décision a pour la vie des femmes autochtones.
Il y en a sans doute d'autres, et j'estime important que nous nous penchions là-dessus, que nous en discussions et que nous fassions des recommandations. Peu importe si ces recommandations sont retenues, je pense qu'il est important que ces faits soient du domaine public.
Premièrement, j'aimerais qu'on puisse voir ces rapport qui ont été produits. Aujourd'hui, on demande de passer à autre chose, mais on ne voit pas ces rapports. J'aimerais les lire avant de me prononcer.
De plus, je pense que même si on a discuté de cela dans d'autres comités, il ne faut pas oublier que l'angle que ça va prendre ici sera fort différent de ce qu'il a pu être dans tous les autres comités. Donc, pour cette raison, je pense que cela peut donner davantage d'arguments. Si cela peut contribuer à la remise en place de ce programme, je ne voudrais pas qu'on se prive d'amener plus d'éléments démontrant qu'il est vital, même si d'autres comité se sont penchés là-dessus.