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Bonjour, monsieur le président.
Je suis le président élu de l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire. Je suis accompagné de Sandra Marsden, présidente de l'Institut canadien du sucre et membre du conseil d'administration de l'ACCA. Nous sommes heureux de votre invitation à vous rencontrer aujourd'hui pour parler de la compétitivité du secteur agroalimentaire canadien.
L'ACCA représente des producteurs, des transformateurs et d'autres organisations agricoles et agroalimentaires tournées vers l'exportation. De fait, les secteurs dans lesquels s'inscrivent nos membres — bovins, porcs, sucre, céréales et oléagineux — dépendent du commerce international pour écouler leurs produits. Nombre de nos membres ont déjà comparu ou vont comparaître devant le comité dans les semaines qui viennent pour parler de la compétitivité de leur secteur propre.
Nous allons traiter plus particulièrement des échanges commerciaux, du rôle que le commerce joue à l'appui d'une agriculture et d'un secteur agroalimentaire compétitifs au Canada, ainsi que de l'impératif pour le Canada de continuer à rechercher la libéralisation des échanges et la création et le maintien d'un cadre commercial fondé sur des règles.
L'agriculture canadienne dépend des échanges commerciaux. Nous en sommes tributaires. Selon Statistique Canada, nous avons exporté pour 34 milliards de dollars de produits agricoles en 2007, soit une majoration par rapport à nos niveaux de 2006, chiffre dont on estime qu'il aura cru encore en 2008 pour atteindre 41 milliards de dollars. L'OMC classe le Canada au rang de quatrième plus gros exportateur mondial de produits agricoles et agroalimentaires, derrière l'UE, les États-Unis et le Brésil. Pour mettre cela en perspective, nous avons exporté en 2007 plus de la moitié de notre production de boeuf et de porc, 70 p. 100 de notre production de blé et près des deux tiers de notre production de canola.
Les échanges commerciaux comptent et ils comptent pour nos agriculteurs. Près de 80 p. 100 des recettes totales des exploitations agricoles provenaient de denrées tributaires de l'exportation. Dans chaque province, Ontario et Québec compris, la majorité des recettes à la ferme proviennent aujourd'hui de produits tributaires de l'exportation.
Nous avons là une industrie construite sur l'exportation. Sans elle, nos secteurs agricoles et agroalimentaires souffriraient d'une contraction substantielle. Nous avons besoin de débouchés internationaux et nous avons besoin d'un ensemble de règles transparentes et équitables régissant notre commerce.
Depuis plusieurs années, l'ACCA milite pour la libéralisation des échanges agricoles dans le cadre de l'accord multilatéral négocié sous l'égide de l'OMC. Regroupant de nombreux pays, l'OMC peut couvrir un large éventail d'enjeux et d'obstacles commerciaux, notamment l'accès au marché, les subventions à l'exportation et les soutiens intérieurs, et ce d'une manière transparente et fondée sur des règles.
Fin 2007, l'ACCA a engagé le Centre George Morris afin d'analyser les avantages potentiels d'un accord OMC pour l'agriculture canadienne. Utilisant les modalités proposées par l'OMC en juillet 2007, le centre a estimé que les secteurs canadiens du boeuf, du porc, du canola et des céréales enregistreraient pour 3 milliards d'exportations supplémentaires, grâce à des augmentations de volume et de valeur, dans un monde post-OMC ou post-Doha.
Le plus récent projet de texte et de modalités en matière agricole présenté par l'OMC en 2008 représente un progrès substantiel vers un accord OMC qui offrirait des gains considérables aux exportateurs agroalimentaires canadiens. Ce texte, s'il est adopté, éliminerait les subventions à l'exportation, réduirait sensiblement les soutiens faussant les échanges et ouvrirait l'accès aux marchés d'exportation. Il améliorerait la transparence, l'équité et la discipline.
Le Canada a grandement bénéficié de la réduction des barrières faussant les échanges apportée par l'ALENA et d'autres accords commerciaux. Nous estimons que le Canada et l'agriculture canadienne continueraient de tirer avantage de l'élargissement d'un cadre d'échanges axé sur des règles sous l'égide de l'OMC.
Je vais demander maintenant à Sandra Marsden de dire quelques mots sur l'incidence de l'OMC sur la compétitivité de l'industrie sucrière. Je dirai ensuite quelques mots de conclusion.
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Je remercie les membres du comité.
L'Institut canadien du sucre représente les raffineurs de sucre du Canada. Nous avons des raffineries de sucre de canne à Vancouver, Toronto et Montréal, et une raffinerie de sucre de betterave à Taber, en Alberta. L'industrie compte également deux autres installations de transformation ultérieure en Ontario fabriquant des produits tels que du thé glacé, du chocolat chaud et des desserts à la gélatine.
Notre industrie existe au Canada depuis le milieu des années 1800 et a été fondée sur les principes du libre-échange. Le marché canadien du sucre ne bénéficie d'aucune subvention interne ou à l'exportation et nous ne limitons pas les importations par des barrières restrictives telles que les contingents tarifaires. Notre seule protection et un tarif douanier de 30 $ la tonne — environ 8 p. 100 — qui représente une protection modeste contre les cours du sucre raffiné résiduel sur le marché mondial. Le contraste est frappant entre nous et nos principaux concurrents, les États-Unis et l'UE, qui offrent des soutiens de prix généreux équivalant à deux ou trois fois le cours mondial, des stimulants à l'exportation et de faibles quotas protégés par des tarifs hors contingent élevés. Dans le cas des États-Unis, ces tarifs sont de 150 p. 100, et dans le cas de l'UE, de 175 p. 100, frappant et le sucre raffiné et le sucre brut, ainsi que de nombreux produits alimentaires contenant du sucre.
Le sucre canadien attire le marché mondial. Cela apporte aux consommateurs et fabricants de produits alimentaires canadiens un avantage considérable sur le plan du coût. Cet avantage, combiné à l'élimination graduelle des droits de douane en vertu de l'ALENA frappant de nombreux produits finis contenant du sucre, a entraîné de gros investissements au Canada et encouragé la transformation ultérieure dans des secteurs tels que la confiserie, la boulangerie et la fabrication de biscuits.
Au cours des années qui ont suivi l'ALENA, les principaux fabricants de produits contenant du sucre ont vu leur chiffre d'affaires croître de 4 à 8 p. 100 par an. Depuis 2004, cette croissance s'est considérablement ralentie. Les ventes nationales et internationales de sucre et de produits de confiserie en particulier ont chuté, les grandes sociétés multinationales ayant réaligné leur activité sur la base de l'ALENA et d'objectifs mondiaux. Depuis 2003, les exportations de sucre et de produits de confiserie ont baissé de 12 p. 100, soit 215 millions de dollars.
La raison pour laquelle j'évoque cela est que, en l'absence d'un accord OMC mettant en marche une réforme des échanges tant de sucre que des nombreux produits alimentaires contenant du sucre, nous ne pouvons guère espérer un meilleur accès au marché et des exportations accrues vers les États-Unis, l'UE et maints autres pays. Depuis le 1er janvier 2008, les États-Unis et le Mexique ont l'accès en franchise de droits pour leur sucre et produits alimentaires contenant du sucre alors que nous nous heurtons toujours à des contingents zéro ou très faibles pour le sucre raffiné et maints produits alimentaires.
Avec la promulgation de la récente loi agricole américaine, les États-Unis ont bloqué l'importation d'un produit important pour notre usine de Taber en Alberta et nos producteurs canadiens de betterave sucrière — le sirop de betterave. Le nouveau programme sucrier de la Farm Bill contient également des dispositions administratives restrictives qui rendront encore plus difficile pour nous l'exportation de sucre raffiné pendant les périodes d'ouverture du marché. Nous ferons face également à une concurrence plus rude sur le marché canadien, du fait que les grands pays producteurs de sucre d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud réclament un meilleur accès au Canada alors que le marché américain nous reste pratiquement fermé.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons fortement un effort renouvelé de dialogue avec les partenaires commerciaux du Canada au sein de l'OMC, en vue de la conclusion d'un nouvel accord sur l'agriculture. Un programme global de démantèlement des barrières commerciales et la réduction des soutiens des prix et autres subventions internes et à l'exportation accroîtrait fortement la compétitivité tant de l'industrie sucrière canadienne que celle de nos clients dans le secteur de la transformation alimentaire.
Je vous remercie.
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En ce qui concerne le risque de protectionnisme, l'agriculture canadienne a eu à franchir quelques années difficiles, avec l'ESB, le circovirus, la hausse du dollar canadien et l'augmentation des coûts d'intrant. Tout cela a mis notre compétitivité à rude épreuve. Mais nous sommes maintenant confrontés à l'une des plus grandes menaces de toutes: les tentations protectionnistes sous l'effet de la crise économique mondiale. Craignant cette tendance, les dirigeants du G-20 ont signé en novembre dernier l'engagement d'éviter les mesures protectionnistes. Dans un rapport publié la semaine dernière, la Banque mondiale a indiqué que depuis le début de la crise financière planétaire, divers pays, dont 17 membres du G-20, ont mis en place 47 mesures commerciales protectionnistes. Dix-neuf autres mesures sont proposées mais n'ont pas encore été mises en oeuvre.
Cette tendance ne se limite pas à l'agriculture et est inquiétante. La Banque mondiale a lancé une mise en garde, disant qu'avec la poursuite de la récession mondiale, le risque est grand que les pays commencent à porter leurs tarifs douaniers aux niveaux de consolidation ou utilisent la marge de subvention inutilisée pour soutenir leurs industries nationales.
Ce n'est certes pas le moment pour les pays de fermer leurs frontières. Si nos débouchés se contractent, il en ira de même de nos industries, de nos emplois et de notre économie. Les échanges commerciaux doivent être l'un des éléments de solution. L'OMC, la Banque mondiale et les dirigeants du G-20 ont tous souligné l'importance de faire avancer le travail de l'OMC. Il est essentiel que le Canada continue lui aussi de soutenir les négociations de Doha de l'OMC.
Sans un accord commercial, la compétitivité future du secteur agricole canadien est en péril. Le Canada sera de plus en plus défavorisé sur les marchés internationaux si les pays appliquent les règles existantes pour maintenir leurs subventions à l'exportation, subventionner davantage leurs producteurs nationaux, et s'ils utilisent la souplesse des règles actuelles pour protéger leur marché contre les importations concurrentielles de pays comme le Canada.
J'aimerais enfin dire un mot sur l'Accord de libre-échange Canada-UE. Depuis son lancement en 2001, le Canada a privilégié l'accord commercial multilatéral négocié sous l'égide de l'OMC. Ce n'est peut-être pas surprenant, vu la lenteur des négociations multilatérales, que l'accent ait été mis récemment davantage sur les accords commerciaux bilatéraux.
Il existe maintes raisons de préférer une entente commerciale multilatérale. L'ACCA est favorable à des accords commerciaux bilatéraux exhaustifs, de haute qualité. En particulier, nous encourageons le gouvernement fédéral à poursuivre les négociations en vue d'un accord de libre-échange avec l'UE. Mais nous soulignons que, pour être efficace, tout accord doit être exhaustif. Dans cet esprit, nous encourageons le gouvernement à adopter un mandat de négociation large pour tous les produits agricoles et à veiller à ce que rien ne soit exclu d'emblée.
Monsieur le président, nous vous remercions de nouveau de votre invitation et sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
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Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés et autres invités.
Je suis Doug Robertson. Je suis le président des Producteurs de grains du Canada.
Je suis accompagné de notre directeur exécutif, Richard Phillips.
J'aimerais tout d'abord vous remercier de votre invitation à comparaître aujourd'hui pour vous faire part de nos réflexions sur la compétitivité du secteur agricole canadien, particulièrement sur le plan des échanges commerciaux.
Les Producteurs de grains du Canada représentent des associations de producteurs de céréales, d'oléagineux et de légumineuses de toutes les provinces du Canada hormis le Québec, mais même là nous sommes en train de former une coalition afin de collaborer avec la FPCCQ pour le financement de recherches publiques.
Je vais parler tout d'abord des échanges internationaux, puis de la compétitivité sur le marché intérieur, puis aborder quelques domaines où des investissements et des progrès sont nécessaires si l'on veut que les producteurs canadiens restent compétitifs.
Darcy vient d'évoquer les accords bilatéraux, qui sont une bonne chose en ce sens qu'ils permettent de cibler des marchés clés pour les exportations canadiennes. Par exemple, nous avons l'ALENA. Nous avons l'Accord avec la Corée du Sud, le projet d'accord avec l'UE en cours de négociation, mais ces accords peuvent aussi nous faire du tort. Ils peuvent être néfastes parce que nous ne représentons pas un gros marché d'importation, et nous n'avons pas le même poids dans les négociations qu'un pays comme les États-Unis, mettons. En Corée du Sud, par exemple, les États-Unis peuvent négocier un meilleur accord bilatéral parce qu'ils sont un gros marché d'importation de marchandises coréennes, ce qui intéresse les Coréens. Ainsi, les exportateurs canadiens se trouvent enfermés de manière permanente dans une situation concurrentielle défavorable sur le plan des tarifs douaniers.
Les accords multilatéraux sont plus favorables à la compétitivité canadienne, comme l'accord mondial en cours de négociation. Le processus multilatéral est crucial car c'est la seule façon de réellement s'attaquer aux problèmes primordiaux que sont les subventions intérieures et les subventions à l'exportation. Il est essentiel, à l'heure où un nouveau gouvernement américain se penche sur sa politique commerciale et où l'Inde procède à ses élections, que le Canada prenne l'initiative et pousse à la reprise des pourparlers à l'OMC.
Les subventions des autres pays peuvent être directes et indirectes, par exemple les subventions de l'UE à l'avoine. Bien que l'UE n'exporte pas au Canada d'avoine à bas prix, elle en vend aux États-Unis, ce qui pèse sur nos prix au Canada car les États-Unis sont notre principal débouché. Nous n'avons pas la possibilité de vendre à l'UE du fait de ses restrictions.
Chaque pays du monde veut protéger ses agriculteurs, et c'est pourquoi une multitude de subventions et de tarifs entravent l'entrée de produits agricoles dans tous les pays du monde. Nous ne sommes pas seuls à vouloir protéger nos agriculteurs. Un accord multilatéral établit des règles de commerce équitables que tout le monde est obligé de suivre, que l'on soit un grand pays puissant ou un petit comme le Canada. Il instaure également un mécanisme de règlement des différends pour résoudre des désaccords qui perdurent depuis des années.
Un autre élément qui améliorerait notre compétitivité serait l'harmonisation des réglementations de nos partenaires commerciaux, particulièrement les États-Unis et l'UE. Le programme PIAPDA est un excellent exemple de la difficulté à importer des États-Unis un produit virtuellement identique bien que de plus faible coût. S'il ne s'agit certes pas de risquer la salubrité des aliments ou d'abaisser nos propres normes, le fardeau administratif pour importer même des produits identiques semble énorme. Le programme tel qu'il existe ne marche pas. Il ne faut pas oublier que l'objectif ultime est d'obtenir que les mêmes tests scientifiques effectués au États-Unis et au Canada et dans l'UE soient reconnus par chaque pays, afin que les producteurs canadiens aient accès aux mêmes produits agricoles que ceux dont nos concurrents américains et européens disposent déjà. Le problème est qu'en l'état actuel des choses, si vous voulez faire homologuer un produit au Canada, ou même dans une autre province canadienne si le produit arrive déjà au Canada, il faut effectuer des tests coûteux supplémentaires et les entreprises ne peuvent pas recouvrer ces coûts vu notre marché restreint. C'est ce que l'on appelle l'homologation des produits d'usage limité.
Ainsi, les agriculteurs canadiens sont empêchés d'acheter un produit utile et souvent plus sûr et moins cher. Si les réglementations étaient harmonisées, ce désavantage artificiel disparaîtrait et chaque province en bénéficierait.
Sur le plan national, certains dossiers requièrent également des mesures. La réglementation intelligente en est un. Le gouvernement précédent avait lancé une vaste initiative visant à rationaliser le cadre réglementaire canadien, mais cela fait quelque temps que l'on ne parle plus de ce dossier qui semble en panne. Nous encourageons fortement le gouvernement à en faire une priorité. Des règlements qui alourdissent inutilement les coûts ou les délais d'agrément ne font que décourager l'innovation, laquelle est la clé de notre compétitivité au Canada.
Sur le front de la recherche publique, c'est probablement le domaine qui engendre une solidarité complète entre tous les groupes de producteurs et tous les groupes de denrées du Canada. Nous sommes en train de former une coalition avec la FPCCQ, le groupe des céréaliers de l'Ontario et la Western Grains Research Foundation afin de sensibiliser à cette question et d'obtenir que des ressources soient consacrées à la recherche publique.
Le secteur privé investit lourdement dans le maïs, le soja et le canola, mais dans notre système le retour sur l'investissement dans le domaine des céréales et des légumineuses ne suffit tout simplement pas à financer le niveau de recherche privée qui serait nécessaire. Des cultures comme le blé, l'orge, l'avoine et les pois ne peuvent se passer de la recherche publique. Souvent, les producteurs paient des prélèvements sur ces cultures et sont très disposés à contribuer au financement de la recherche, mais nous avons besoin que le gouvernement fédéral joue son rôle et devienne un partenaire encore plus important dans ce domaine primordial de la compétitivité.
La recherche agronomique, c'est-à-dire la recherche fondamentale, a souffert de la plus grande négligence alors que nos techniques d'ensemencement — semis directs ou cultures avec travail réduit du sol — sont radicalement différentes de ce qu'elles étaient il y a 20 ans. Des méthodes telles que l'épandage sélectif d'engrais, la rotation céréales-légumineuses, et l'optimisation des engrais et produits chimiques, pour des raisons tant écologiques qu'économiques, sont cruciales pour la viabilité à long terme de l'agriculture.
Une autre crainte sérieuse est que lorsque la génération actuelle de phytogénéticiens partira à la retraite, il n'y ait personne pour les remplacer et que leurs programmes disparaissent avec eux. Avant de perdre ces experts, leurs remplaçants doivent travailler sous leur direction, sinon la R et D agricole au Canada va dépérir et il faudra des années pour la reconstruire.
Les dépenses d'entretien des installations existantes ont fait l'objet de coupures et dans certains cas nous avons des laboratoires flambants neufs, mais sans crédits pour acheter les équipements ou les outils qui leur permettraient de travailler. Cela se passe à l'Agri-food Discovery Place à Edmonton — c'est un merveilleux bâtiment, mais il est presque vide.
La recherche et le développement dans l'agriculture primaire représentent la colonne vertébrale de notre compétitivité nationale, qui exige des cultures qui vont prospérer dans notre climat canadien difficile. Il est ridicule de penser que l'on pourrait simplement importer une formule de financement et de recherche d'un autre pays — comme l'Australie, par exemple — comme solution à tous nos problèmes. Il nous faut une solution proprement canadienne qui tienne compte de nos réalités.
En ce qui concerne le transport du grain, le défi perpétuel que représente l'expédition des céréales et d'autres produits en temps voulu et de manière prévisible fait l'objet d'une étude du niveau de service par Transports Canada. Le gouvernement doit prendre des mesures fermes et rapides pour donner suite aux conclusions de ce groupe, car il a fallu des années de travail de la part des expéditeurs pour arriver à ce stade.
En ce qui concerne les filets de sécurité, nous appuyons les efforts de la Canadian Canola Growers Association, qui a déjà commencé à travailler sur la prochaine génération de filets de sécurité pour les secteurs des grains, des céréales et des légumineuses. Des filets de sécurité fiables et prévisibles sont primordiaux si l'on veut que les cultivateurs canadiens puissent prendre les décisions d'investissement et de production qui améliorent notre compétitivité. Cette initiative suppose que l'on regarde de près les avantages et inconvénients d'un certain nombre de programmes anciens et actuels, puis de repartir de zéro afin d'appliquer à ces programmes les meilleures idées. Nous-mêmes et les Canola Growers serions ravis de vous faire part de nos conclusions dans un avenir proche.
En ce qui concerne les biocarburants, le règlement d'application de la loi adoptée au printemps dernier semble être enlisé dans un ministère qui est soit réticent soit incapable de faire avancer ce dossier dans un délai raisonnable. Les biocarburants engendrent une forte demande, ce qui établit un prix plancher favorable au revenu agricole. Vous devez veiller à ce que ce règlement reçoive une attention prioritaire afin que cette industrie devienne opérationnelle en 2010.
En résumé, ce ne sont là que certains des nombreux enjeux sur lesquels nos membres nous demandent de travailler ici, à Ottawa, mais si votre comité donne son soutien à ces initiatives, ce serait un excellent début pour l'amélioration de la compétitivité, tant nationale qu'internationale, de notre secteur.
Le dernier point à retenir aujourd'hui est que, pour tout ce qui concerne l'agriculture et l'innovation et la recherche dont nous avons besoin, les décisions doivent être fondées sur des données scientifiques fiables.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Je suis Brian Otto, président de la Western Barley Growers Association, et je suis accompagné de M. Rick Strankman, un autre membre du conseil d'administration.
Mon exposé va être un peu plus terre à terre. Nous représentons les producteurs d'orge de l'Ouest du Canada, et je vais donc tenter de centrer mon propos sur les cultivateurs canadiens de l'Ouest et leur production.
Mon exposé va traiter de deux grands sujets. Le premier est celui de l'agriculture de production et les problèmes grandissants que nous rencontrons sur le plan de la culture, de la commercialisation et du transport. L'autre enjeu très important, que nous considérons comme primordial pour l'agriculture de l'Ouest canadien, est la valeur de la recherche publique.
J'aimerais commencer avec le volet production de l'agriculture, et j'aimerais commencer par vous faire part d'une expérience personnelle que j'ai vécue lorsque je suis allé en Australie rendre visite à quelques amis agriculteurs en novembre dernier. J'ai eu l'occasion de faire un peu de moissonnage. J'ai moissonné un peu de blé dur blanc australien. J'ai aussi eu l'occasion d'accompagner le fils de mon ami dans son camion pour acheminer ce grain directement au port, à une heure de distance. Nous n'avons rencontré aucune restriction de livraison à des chemins de fer ou élévateurs car le grain était livré directement au port.
Ce que j'ai retiré de cette expérience, c'est que la différence entre leur agriculture et la nôtre, avec les problèmes que nous connaissons dans l'Ouest du Canada, réside dans le fait que nous sommes nettement défavorisés par le transport lorsque nous sommes en concurrence avec l'Australie dans un marché. Cela m'a frappé. Ce qui aggrave encore la situation, dans mon esprit, c'est que l'Australie vend sur les mêmes marchés du sud-est asiatique que nous. En sus du prix de transport terrestre de 30 $ à 40 $ la tonne que je paie pour acheminer mon orge de mon exploitation jusqu'à Vancouver pour exportation, je dois payer un taux de transport maritime bien plus élevé que ce qu'ils paient en Australie.
Cela m'a fait comprendre que nous allons devoir agir dans l'Ouest canadien si nous voulons rester compétitifs avec les produits que nous cultivons, et que nous allons devoir mettre l'accent davantage sur la transformation locale de notre production. Nous ne pouvons plus nous contenter d'exporter notre produit brut.
Malheureusement, la Commission canadienne du blé privilégie l'exportation du produit brut. Elle s'intéresse très peu à la création d'une industrie de la transformation dans l'Ouest du Canada, et cela me dérange.
J'étais à une réunion avec le ministre Ritz il y a un peu plus d'un an, en janvier 2008, où nous parlions du choix de mise en marché des producteurs d'orge de l'Ouest du Canada, choix pour lequel la Western Barley Growers Association a milité pendant pas mal d'années. À cette réunion, Canada Malting a déclaré publiquement qu'elle envisageait de développer sa capacité de maltage dans le monde, mais qu'elle n'envisageait pas de le faire dans l'Ouest du Canada parce qu'elle ne voulait pas devoir acheter son orge dans un système de commercialisation à comptoir unique tel que la Commission canadienne du blé.
Il y a trois ans, il y avait un projet de construction d'une usine de maltage dans l'Ouest du Canada. L'entreprise qui la construisait a fini par opter pour Great Falls, au Montana, parce que elle était très consciente de la difficulté à se fournir en orge par le biais du système de commercialisation de la Commission canadienne du blé.
La semaine dernière, Agriweek a indiqué que le Canada est un importateur net de farine américaine. Cela me dérange. Pourquoi importons-nous de la farine américaine dans l'Ouest du Canada alors que nous sommes le premier producteur de blé roux vitreux de printemps? C'est tout simplement insensé. Dans cet article on lit que c'est l'Ouest canadien qui perd le plus de capacité de mouture. Comment cela se fait-il? Je pense que notre structure de mise en marché est l'un des facteurs. Nous ne pouvons continuer à avoir un comptoir de vente unique alors que nous cherchons à développer une industrie de transformation à valeur ajoutée au Canada.
Les trois derniers exemples montrent clairement que nous devons instaurer un climat d'investissement positif dans l'Ouest du Canada de façon à attirer les investissements dans la transformation à valeur ajoutée. Il y a forcément quelque chose de défectueux chez nous et nous persistons à penser que c'est notre système de commercialisation.
La Commission canadienne du blé aime croire qu'elle reproduit un système de marché libre, un système de choix de commercialisation, avec ce qu'elle offre sous forme de contrats à prix fixe, de contrats de base, de contrats cash-plus et d'autres programmes. Le problème est que dans tout autre pays, lorsque vous offrez un contrat de base, un contrat à prix fixe, ou ce qu'ils appellent un contrat cash-plus — un contrat direct entre les malteurs et les producteurs d'orge — il faut plusieurs enchérisseurs pour ce contrat. À l'heure actuelle, nous n'avons que la Commission canadienne du blé. Elle a le monopole. Il faudrait plusieurs acheteurs pour avoir un système clair de détermination des prix. C'est pourquoi je ne crois pas que son approche particulière de ce qu'elle appelle le choix commercial fonctionne. Les cultivateurs ne disposent pas de signaux clairs du marché qui leur permettraient de prendre de bonnes décisions commerciales. Nous avons besoin de signaux clairs du marché, et ces signaux sont masqués avec le système actuel.
Nous sommes convaincus de l'importance de la recherche et Doug Robertson en a beaucoup parlé. Je vous renvoie à une étude effectuée il y a trois ans par Richard Gray, un économiste de l'Université de la Saskatchewan. Il parle du retour sur l'investissement dans la recherche sur le blé et l'orge. Chaque dollar investi dans la recherche sur le blé produit un rendement net de 4 $, et chaque dollar investi dans la recherche sur l'orge produit un rendement net de 12 $. Cela démontre clairement la valeur de recherches financées sur fonds publics, non seulement pour l'agriculture mais toute l'économie canadienne.
Je vais vous faire part d'une expérience que j'ai vécue dans mon exploitation aux premiers jours de la culture du carthame. Il y avait un petit programme de recherche mené au Lethbridge Research Centre par M. Hans-Henning Mündel. C'était un programme d'amélioration du carthame. Il a mis au point une variété appelée Saffire qui était adaptée aux régions de culture les plus méridionales de l'Ouest canadien. Un groupe de cultivateurs s'en est emparé et a commencé avec des parcelles expérimentales, pour voir si nous pouvions cultiver la plante. Nous sommes passés à des essais en grand et finalement à ce que nous appelions la production commerciale. Pendant tout ce temps nous avions besoin de l'aide de M. Henning, qui faisait la sélection, et de M. Bob Blackshaw, qui s'occupait du contrôle chimique des mauvaises herbes.
Au bout du compte, nous nous sommes regroupés à plusieurs pour monter une entreprise et notre propre société de commercialisation. Nous avons des débouchés au Japon et aux États-Unis, et nous avons créé une clientèle dans tout le Canada. C'est un petit exemple de la valeur de recherches financées sur fonds publics et des résultats produits, mais il en existe de nombreux autres exemples.
Il ne me reste qu'une minute et encore beaucoup de choses à dire, mais je vais m'en tenir là.
Je veux souligner l'importance d'un budget de base pour le financement de la recherche publique. Il faut continuer à financer notre recherche. Nous ne pouvons continuer à retrancher des fonds et à les réaffecter à d'autres postes de dépenses. Les producteurs fournissent leur part. Nous avons mis en place des prélèvements pour financer la recherche, mais nous avons besoin que le gouvernement manifeste son appui. Il faut tenir compte de l'inflation des coûts de la recherche qui a entamé la capacité de la mener.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci de ce renseignement, Darcy. Je me suis toujours posé la question et je ne vous l'avais jamais posée.
Un aspect clé que vous avez tous souligné est que les États-Unis et l'Union européenne subventionnent certainement leurs producteurs primaires beaucoup plus que nous.
Je ne suis pas en désaccord avec vous en ce qui concerne votre position commerciale — encore que je ne sois pas tout à fait d'accord avec vous sur la gestion de l'offre — en ce sens qu'il nous faut arriver à une situation commerciale beaucoup plus équitable qu'elle ne l'est aujourd'hui. Cependant, si l'on regarde les chiffres des 20 dernières années, et nous le constatons bien, on voit que si les exportations ont augmenté selon une courbe d'environ 30 ou 45 degrés, les revenus agricoles ont baissé.
Les chiffres sont absolument dramatiques si on les exprime en dollars constants. Le fait est que nos avons perdu 3 600 exploitations agricoles par an au cours des cinq dernières années. L'endettement des agriculteurs est quatre fois supérieur par exploitation au Canada qu'aux États-Unis, et atteint 54 milliards de dollars.
Si l'objectif d'un terrain égal est peut-être bon, qu'allons-nous faire dans l'intervalle? J'entends par-là que nous ne pouvons pas laisser faire et regarder notre industrie s'effondrer, messieurs. C'est simplement exclu. Que préconisez-vous que nous fassions dans l'intervalle?
Je sais que je vais bientôt manquer de temps, mais m'adressant aux Producteurs de grains, je ne sais pas lequel d'entre vous l'a dit, mais peut-être pourriez-vous indiquer un peu plus précisément vis-à-vis de quelle sorte de recherche publique le gouvernement fédéral doit faire sa part. Je suis d'accord à 100 p. 100. Mais notre recherche semble viser le court terme. Nous vivons encore des résultats de la recherche publique effectuée à la fin des années 1960 et au début des années 1970. C'était souvent une recherche faite à l'aveuglette, mais elle était payée par le public.
Voilà les deux questions. Que faisons-nous dans l'intervalle pour nos agriculteurs? Les États-Unis placent les agriculteurs au premier rang et le commerce au deuxième. Au Canada la tradition, que ce soit sous un gouvernement conservateur ou libéral, est de placer le commerce au premier rang et les agriculteurs au deuxième. Cela ne peut plus durer.
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J'aimerais apporter une précision.
Évidemment, je sais qu'on ne fait pas pousser d'oranges, et c'est pourquoi j'ai précisé que dans le cadre de cette réflexion, il n'était pas question d'interdire tout commerce. Il s'agit de mettre les priorités à la bonne place. Que priorisons-nous? Le fait que les produits des agriculteurs d'ici soient essentiellement destinés à la population? Procéder de cette façon ne signifie pas qu'on s'isole. Bien sûr, dès qu'on a la possibilité d'exporter des marchandises, on le fait. Je pense notamment au sirop d'érable du Québec. Au Japon, par exemple, les gens adorent le sirop d'érable, et c'est tant mieux. Je ne dirais pas aux producteurs de garder ce produit pour le Québec. C'est en demande partout dans le monde. C'est le cas aussi du boeuf, du porc et des céréales de l'Ouest canadien.
Cependant, je reviens à la base de cette question. Faisons-nous de plus en plus primer le commerce sur les personnes? Faisons-nous en sorte que la nourriture devienne une marchandise comme une autre? Si c'est le cas, n'y aurait-il pas lieu d'envisager de revenir à la base et de s'assurer avant tout que l'agriculture est viable chez nous? Ensuite, ce qu'on peut exporter, on l'exporte.
Une philosophie, à laquelle vous adhérez, je crois, veut que ce soit du commerce, point à la ligne, et que l'essentiel soit de vendre au plus offrant la plus grande quantité possible de nos produits.
Premièrement, j'ai passé ma fin de semaine à faire un peu de sirop d'érable. C'est du très bon sirop d'érable ontarien, et l'on n'en produit pas seulement au Québec.
Nous produisons beaucoup de choses même pour le marché intérieur. Nous assistons à une énorme croissance, surtout autour des centres urbains, où les gens veulent acheter dans le cercle des 100 milles et ainsi de suite. Il y a beaucoup plus de production locale pour la consommation locale. Il y a un marché pour cela, et je pense qu'un certain nombre de cultivateurs et de marchés de cultivateurs se portent très bien. Il y a beaucoup de croissance dans ce domaine. Mais nous sommes bénis par une terre très riche et une grande capacité de production. C'est pourquoi, avec une population restreinte, il y aura toujours aussi le volet exportation. Je pense qu'il y a place pour les deux.
Comme producteurs, l'un de nos défis, surtout dans l'Ouest canadien, est que nous continuons à exporter de gros volumes de produits de faible valeur. Nous cherchons des façons d'ajouter de la valeur. Par exemple, si les céréales sont à 300 $ la tonne et que vous payez 50 $ la tonne en frais de transport, nous aimerions mieux ajouter de la valeur, car le coût de transport devient une proportion tellement élevée du prix, ce qui nous défavorise dans la concurrence avec d'autres pays plus proches de la mer. Nous aimerions donc ajouter plus de valeur, de façon à expédier des produits valant 1 000 $ ou 2 000 $ la tonne, de telle façon que le transport représente un plus petit pourcentage.
Il existe beaucoup d'autres possibilités d'agir qui produiront davantage de revenus à la base. Il y aura plus d'emplois locaux, plus de production, toutes les industries de service correspondantes. Nous pensons qu'il y a énormément de potentiel, si nous pouvons cesser d'être simplement des vendeurs de produits de faible valeur. Nous pensons que c'est là une façon importante d'aider les producteurs.
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Merci d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.
Dans la même veine, j'organise des audiences à travers le pays où l'on parle de souveraineté alimentaire et de sécurité alimentaire. J'écoute les gens. Beaucoup disent que nos obligations commerciales font qu'il est difficile de préserver notre souveraineté alimentaire, et qu'il est difficile pour nombre d'agriculteurs de gagner leur vie.
Il y a quelques années, notre comité a formulé un certain nombre de recommandations sur la sécurité alimentaire. L'une était que nous devrions encourager notre gouvernement à adopter une politique d'achats locaux pour les institutions fédérales. Le ministre de l'époque a opposé une résistance, disant qu'il fallait être prudent à cause des obligations commerciales. Je dois réitérer que le commerce semble être la considération principale. Pourtant, dans le secteur de l'élevage bovin, au cours des 20 dernières années, et bien que les exportations aient été multipliées par trois, les éleveurs font faillite et touchent moins de la moitié du revenu qu'ils avaient il y a 20 ans. Nous venons de signer un accord. Nous sommes en train de signer des accords avec certains pays européens qui vont décimer à toutes fins pratiques notre industrie navale, parce que nous avons décidé de ne pas la protéger.
Voilà le problème avec lequel nous nous débattons tous. Quelle est la solution?
Je crois que c'est vous, monsieur Robertson, qui avez mentionné que rien ne devait être exclu à l'OMC — ou bien peut-être était-ce vous, monsieur Davis. Cela signifie-t-il que nous devons signer à tout prix? Cela signifie-t-il que nous oublions la gestion de l'offre dans les secteurs où les producteurs arrivent à gagner de l'argent? Je crois savoir que chaque producteur laitier perdrait 70 000 $ si nous signons. Quant à la Commission du blé, si nous signons, nous n'aurons plus les garanties d'emprunt.
Nous parlons d'un monde idéal où nous aurions le libre-échange, où ces accords seraient signés. Depuis la crise financière, divers pays ont mis en place 47 mesures protectionnistes. Ne devrions-nous pas avoir un plan de secours? Ne devrions-nous pas aborder cela très prudemment? Nous essayons d'obtenir ces ententes idéales, mais nous voyons bien ce qui se passe. Ne devrions-nous pas faire quelque chose pour protéger nos agriculteurs et garantir un approvisionnement alimentaire souverain? Je pense que c'est une question qui concerne tous les secteurs de l'agriculture. Je ne sais pas quelle est la réponse. Je suis sûr que nous y réfléchissons tous.
Nous avons le protectionnisme; nous avons l'harmonisation. Au cours de ma tournée, beaucoup de gens ont estimé que tous les fruits et légumes importés au Canada devraient répondre à nos normes relatives aux pesticides, un point c'est tout. Si nous importons des pommes ou des oranges d'un autre pays, elles devraient respecter les mêmes normes élevées que celles en vigueur chez nous, pour ce qui est de la teneur.
Voyons si nous pouvons obtenir quelques réponses.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je veux remercier tous les témoins d'avoir pris le temps de venir pour parler avec nous de cette question très importante de la compétitivité de notre agriculture.
Je veux commencer par un propos de M. Robertson. Vous avez évoqué certaines considérations très importantes relativement aux cadres réglementaires. Vous avez tout à fait raison lorsque vous parlez du programme IUP et dites qu'il faut améliorer le programme PIAPDA, en le rendant plus rapide, plus efficient et plus compétitif. Il ne fait aucun doute qu'il y a eu une disparité de prix dans le passé, mais l'IUP a aidé nos agriculteurs à aplanir cette disparité de prix dans certains secteurs.
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous concernant les accords bilatéraux. Je pense qu'il est très important dans le marché actuel de cibler les échanges bilatéraux aussi agressivement que le fait le ministre. Vous parlez des États-Unis. Je pense que le problème tient parfois, en partie, à ce que nous sommes obnubilés par les États-Unis. En ce qui concerne le marché sud-coréen, à ma connaissance, le principal pays à occuper le vide qui s'était créé est l'Australie, qui a une population de 21 millions d'habitants, comparé à nos 32 millions. Il ne fait aucun doute que nous pouvons concurrencer ces gars-là si nous pouvons mettre le pied dans la porte et conclure de bonnes ententes bilatérales. Je suis d'accord avec vous sur ce plan.
L'autre sujet dont j'aimerais parler avec vous est la déclaration des droits des expéditeurs. M. Easter parle d'un examen des coûts par opposition à un examen du niveau de service, mais ce qu'il omet de dire, c'est que notre gouvernement a fait quelque chose lors de la dernière législature que nos producteurs et nos expéditeurs réclamaient depuis très longtemps. Comme vous êtes nombreux à le savoir, j'ai travaillé avec vous à un rapport de 24 pages, que j'ai remis au ministre, sur une déclaration des droits des expéditeurs. Celle-ci énonçait ce qu'il fallait à cet égard et indiquait qu'il fallait se battre pour les bonnes choses. Cette déclaration des droits introduisait l'idée de cet examen du niveau de service, qui émanait directement de nos producteurs et expéditeurs. Il disait que la première chose à faire était de réaliser cet examen des niveaux de service.
Je vous remercie de vos propos encourageants à ce sujet. Veillons à terminer ce travail, et à le faire correctement, puis passons à l'étape suivante, mais faisons les choses une à la fois.
Ce dont je veux principalement vous parler aujourd'hui est la compétitivité à l'intérieur de nos secteurs. Je suis de l'Ouest du Canada et mes producteurs ne sont pas compétitifs dans un secteur ouvert, concurrentiel, parce que les partis d'opposition plombent les épaules de nos producteurs depuis trois ans en nous empêchant de réformer la Commission canadienne du blé.
La Commission canadienne du blé se vante souvent des prix avantageux qu'elle offre à nos agriculteurs à tous les niveaux, et pourtant nous payons 60 millions de dollars en surfrais de transport, dont 30 millions sont imputables aux denrées relevant de la Commission du blé. Je ne vois pas celle-ci se battre pour nos agriculteurs et arracher les prix les plus avantageux dans ce domaine.
J'aimerais demander à M. Strankman, qui vient d'une région voisine de la mienne, s'il considère que la Commission du blé fait un bon travail s'agissant d'obtenir pour nos producteurs les prix les plus avantageux tout au long de la chaîne de valeur.
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Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins présents aujourd'hui. Il est toujours bon d'entendre les associations d'agriculteurs, mais encore plus important d'avoir l'occasion d'écouter les producteurs qui sont l'objet des politiques dont nous parlons ici. Je veux particulièrement souhaiter la bienvenue à M. Robertson qui est agriculteur dans la région de Carstairs, ma circonscription.
Monsieur Davis, j'apprécie que vous soyez venu également. Vous avez rejoint le nombre croissant de témoins que nous avons reçus ici et qui ont souligné l'importance des exportations et dit apprécier l'orientation de notre gouvernement dans ce domaine et ses efforts pour ouvrir les marchés. J'aimerais vous donner l'occasion d'en traiter, mais j'aimerais passer quelque temps sur la Commission du blé. J'apprécie vos remarques et le fait que vous reconnaissiez que le gouvernement va dans la bonne direction pour ce qui est des exportations.
Je veux consacrer la plupart de mon temps à la Commission du blé. Les céréaliculteurs de ma circonscription se plaignent à moi sans cesse de ne pouvoir choisir eux-mêmes leurs méthodes de commercialisation. Les agriculteurs sont parmi les gens les plus industrieux et novateurs de notre pays, mais ils sont gravement handicapés par l'incapacité de mettre en marché leurs propres produits du fait du monopole de la Commission canadienne du blé. Ils réclament leur faculté de choisir de commercialiser leurs produits par l'intermédiaire de la Commission du blé ou de les vendre eux-mêmes sur le marché mondial. Notre gouvernement reconnaît certainement cette nécessité et le seul obstacle en travers du chemin sont les partis d'opposition en face de nous. Je sais que cela ferait une énorme différence pour nos agriculteurs et je sais combien cela est important.
L'an dernier, nous avons vu la Commission du blé réaliser un chiffre d'affaires de 7 milliards de dollars, le résultat de la combinaison de cours mondiaux records des céréales et d'une forte production de blé dur et d'orge par les agriculteurs des Prairies. Cependant, des millions de dollars d'argent des cultivateurs — et je souligne que c'est l'argent des cultivateurs — ont été perdus du fait des mauvaises pratiques de gestion des risques de la Commission canadienne du blé.
La Commission du blé a fait des déclaration disant qu'elle comprend l'importance de la reddition de comptes directe à tous les producteurs et s'engage à communiquer les résultats d'un examen entrepris.
J'aimerais revenir sur la question de M. Storseth, car je sais que M. Robertson souhaitait l'occasion d'y répondre et j'aimerais la lui donner. Pensez-vous qu'une enquête sur les pertes de la Commission du blé s'impose?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Je tiens à faire savoir que je suis déçu que mes collègues passent tellement de temps à démolir la Commission du blé. La Commission du blé représente des agriculteurs et nous devrions l'écouter.
Quoi qu'il en soit, j'ai deux questions qui, à mon avis, s'imposent concernant la scène internationale. Ma première intéresse l'OMC. Les négociations semblent traîner en longueur. Ma première question est de savoir si vous pensez que, puisque notre négociateur en chef, Steve Verheul, a maintenant été investi d'autres fonctions, l'équipe est maintenant affaiblie? Pensez-vous que nous perdons un peu de vue les négociations à l'OMC? Voilà ma première question.
J'ai lu tout récemment un article dans l'Economist qui disait que des sociétés ou des particuliers achètent à tour de bras de la terre dans le monde — des terres agricoles. On entend dire que les Saoudiens achètent de la terre, ainsi que de grosses sociétés privées. Jim Rogers achète de la terre partout dans le monde, à tour de bras, pour contrôler l'offre de nourriture à l'avenir, je suppose. Mes deux autres questions — je les adresse à vous tous — sont de savoir quelle est votre position à ce sujet. Faudrait-il autoriser cela chez nous? Où allons-nous à cet égard? Aurons-nous une situation telle que les agriculteurs deviendront en fait des employés, un peu comme on le voit dans le secteur du poulet dans les États du Sud, où l'agriculteur ne fait que payer les aliments et il touche le prix dicté par Tyson quand il lui vend ses poulets? Est-ce le chemin que va emprunter notre agriculture? Y a-t-il là un danger?
Voilà donc trois questions. La première concerne l'OMC. Avez-vous des préoccupations concernant notre équipe? Les deux autres questions portent sur ce phénomène qui se déroule dans le monde qui fait que les agriculteurs n'auront plus le contrôle de leur production et la maîtrise de leur destin.
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Je vais peut-être aborder un peu cela, car cela met en jeu l'utilisation des terres et ce genre de choses. Cela relève réellement des municipalités. Faites très attention. Nous voyons la même chose dans l'Ouest où l'on raconte que les Hutterites vont manger toutes les terres et finiront par être seuls à les cultiver.
La clé ici, et cela nous ramène tout droit à la raison de notre présence ici, c'est de savoir comment rendre l'agriculture compétitive et les agriculteurs compétitifs, afin que nous puissions gagner notre vie? Les cultivateurs sont des gens plutôt individualistes et nous trouverons le moyen de gagner des sous si cela est le moindrement possible, s'il n'y a pas quelque chose en travers de notre route comme les règlements, les entraves, les signaux du marché, etc. Peu m'importe réellement le prix que le marché attribue à quelque chose. Par exemple, si le prix de l'orge est de 1,75 $ et que je sais qu'il me faut 2,50 $ le boisseau pour couvrir mes frais, je ne vais pas cultiver d'orge cette année-là — sauf pour des raisons de rotation des cultures, mais généralement non. Les agriculteurs savent assez bien s'ajuster à ce genre de choses. Il nous faut réfléchir à la façon de devenir suffisamment compétitifs pour que les agriculteurs veuillent cultiver.
J'ai dû encourager mon propre fils à ne pas devenir cultivateur parce qu'il ne pourrait pas y gagner sa vie. Il enseigne, il peut gagner sa vie à enseigner et cultiver à temps partiel. C'est regrettable. Nous perdons beaucoup de jeunes qui ont l'expérience et qui aimeraient cultiver la terre.
Alors, comment faire? Entre autres, nous devons mettre un terme à cette idée fixe que nous avons, nous les Canadiens, que nous ne pouvons faire autre chose qu'exporter un produit brut. C'est fou. Il nous faut exporter, c'est sûr. Nous devrions ajouter de la valeur à ces produits et garder ces emplois au Canada, de façon à ce que les collectivités aient des emplois, les gens aient des emplois, les agriculteurs soient employés. Nous avons des situations à l'heure actuelle où je suis empêché de cultiver mon propre grain et de monter ma propre entreprise pour fabriquer un produit en utilisant mon blé ou mon orge. Je n'ai pas le droit. Je dois vendre par le biais de la Commission du blé et racheter mon propre grain. C'est de la folie. Quelle sorte de système est-ce là? Comment vais-je ajouter de la valeur? Nous avons essayé de monter une usine de pâtes dans les Prairies, où les gens livraient leur propre grain à leur propre usine, et on nous l'a refusé. Il faut écarter ces obstacles de notre route.
L'ajout de valeur nous aiderait beaucoup.
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Merci aux témoins d'être venus nous rencontrer.
Monsieur Robertson ou monsieur Phillips, une chose que nous avons entendue à plusieurs reprises aujourd'hui, et je suis d'accord avec vous, très franchement, c'est que les décisions doivent être fondées sur des faits scientifiques solides. Cela nous a été dit pas seulement aujourd'hui, mais déjà les jours précédents.
Malheureusement, lorsque nous faisons cela, nous nous heurtons à des problèmes. Dans ma province de l'Ontario, nous avons maintenant une interdiction d'emploi des pesticides. Une loi sur la protection des animaux est imminente. Nous avons une chasse du phoque — c'est un problème national — fondée sur la science, du point de vue de la méthode d'abattage, du point de vue de la protection des animaux et de la cruauté. Il semble que tout se termine toujours comme dans le cas des pesticides. C'était une décision provinciale. Je peux vous dire que cela va toucher tous les agriculteurs du Canada. Tout cela est fondé sur la science.
Ma question est celle-ci: comment pouvez-vous nous faire comprendre et faire comprendre au public que les connaissances scientifiques ne sont pas quelque chose que l'on peut accepter ou rejeter par simple commodité? C'est ce qui semble se passer. Comment pouvez-vous nous aider à faire comprendre cela au public?
Je demanderais à M. Phillips, monsieur, si vous voudriez...
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Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux témoins.
Je suis l'une de ces personnes qui ont passé 34 années à enseigner pour financer mon vice, l'agriculture.
J'aimerais revenir sur certains des événements de l'année dernière. Évidemment, nous avons vu s'envoler les cours des céréales, principalement parce que beaucoup de capitaux cherchaient un refuge après la crise des prêts hypothécaires à risque. Et bien sûr, nous avons vu grimper les coûts d'intrants, parce que tous ceux qui ont quelque chose à vendre aux agriculteurs disaient qu'ils espéraient que cela se produise depuis plus de cinq ans, et ils regardaient les projections disant que l'argent disponible serait de tant et tant. Nos prêts d'exploitation ont augmenté probablement de 60 p. 100 par rapport aux montants antérieurs, et aujourd'hui nous nous retrouvons à essayer de rembourser ces dettes avec les prix d'il y a deux ou trois ans.
Je regarde plusieurs choses. Lorsque les prix étaient extrêmement élevés, on parlait des problèmes qui allaient se poser avec la transformation des produits alimentaires en carburant et tout le reste. Toutes ces perspectives qui s'ouvraient aux céréaliculteurs, pour approvisionner le marché de l'éthanol, et cetera, a commencé à engendrer des récriminations ailleurs.
Avez-vous des commentaires sur les problèmes que ce marché particulier a pu causer à l'agriculture, et peut-on faire comprendre aux gens que lorsque la science s'en mêle, du point de vue de l'éthanol, peut-être faut-il être prudent.
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Tout ce tollé autour de la nourriture transformée en carburant était réellement un faux débat dans les médias il y a un an. La science avance au galop, surtout dans le domaine des biocarburants, et nous en serons bientôt au point où il ne sera pas économique de faire quoi que ce soit sauf sur une base cellulosique. Les bactéries cellulosiques sont maintenant pas mal avancées et la technique progresse chaque mois au grand galop. Regardons les choses en face. Nous, au Canada, ne serons probablement pas ceux qui allons utiliser la cellulose de toute façon, car on en produit des tonnes et des tonnes au Brésil sous forme de déchets.
Mais cette histoire de biocarburant... C'est paradoxal, car cela nous ramène à tout ce que nous disions concernant la compétitivité. L'une des solutions proposées était de faire simplement comme les Américains et les Européens: déverser des paquets d'argent sur l'agriculture chaque année pour soutenir nos producteurs. Le problème, comme Brian l'a dit, c'est que ces subventions deviennent capitalisées en l'espace de quelques années. Les Américains s'en rendent compte. J'ai parlé à beaucoup de gars aux États-Unis qui étaient impliqués dans les phases initiales, et ils m'ont dit qu'ils pensaient vraiment que ce serait la panacée. Ils touchaient de l'argent... Un plaisanterie circulait: « J'ai manqué faire faillite l'an dernier: ma boîte à lettres est tombée et les chèques du gouvernement ne m'arrivaient plus ». Puis, tout d'un coup, ils ne disaient plus que c'était un avantage, car toutes ces subventions se sont retrouvées capitalisées dans le prix des terres, dans le prix de tous les intrants, dans le prix de tout. Donc, ils ont de nouveau perdu cette marge, et maintenant ils ont besoin des versements de l'État, sinon ils ne peuvent pas survivre.
Au Canada, nous n'avons jamais eu ces versements, et ils n'ont donc pas été capitalisés dans nos exploitations. Je n'appellerais pas cela un avantage — nous devons soutenir la concurrence de ces gars-là. Pendant des années, nous avons subi les prix américains parce que leurs subventions pesaient sur les cours des céréales. Lorsque le biocarburant est arrivé aux États-Unis, leur loi agricole a été intégrée à leur politique de sécurité énergétique et nous avons enfin vu au Canada des prix pour nos céréales fourragères plus proche du cours mondial — pour l'orge, et cetera, ainsi que pour nos oléagineux, avec le canola. Cela a contribué à la hausse des prix que nous avons connue.
Indirectement, les biocarburants aux États-Unis nous ont aidés en ce sens que les subventions ne venaient plus casser les prix. Et c'est réellement la clé: si nous n'avons pas des signaux de prix directs, comme agriculteur je ne peux pas prendre de bonnes décisions.