La Filière biologique du Québec remercie sincèrement le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire d'accepter de nous recevoir afin que nous puissions lui faire part de nos grandes inquiétudes par rapport au projet de Règlement sur les produits biologiques (2009) et de ses répercussions négatives sur la compétitivité de l'industrie biologique canadienne.
La Filière biologique du Québec est un organisme qui a amorcé ses activités en 1994 et qui représente à l'heure actuelle 12 000 opérateurs biologiques québécois. La filière est également membre de la Fédération biologique du Canada.
La filière est d'avis que le projet de règlement doit faire l'objet d'amendements le plus tôt possible, car non seulement il ne répond pas aux objectifs du secteur biologique canadien, mais nous avons la conviction qu'il va complètement à l'encontre de son développement. Voici les principaux arguments sur lesquels se fonde la demande d'étude du règlement auprès du comité permanent.
Le secteur biologique canadien souhaitait avoir un règlement sur les produits biologiques afin de garantir un système crédible de surveillance des entreprises qui se prévalent de l'appellation biologique pour leurs produits. L'accréditation est la police de contrôle des produits biologiques. Or, le projet actuel introduit une délégation de la surveillance des produits biologiques à des organismes d'accréditation basés en dehors du pays. Une telle délégation de pouvoir public à des organisations étrangères est inadmissible et aura des répercussions négatives sur la compétitivité de l'industrie canadienne.
Au Québec, par le biais de sa loi provinciale qui gère le commerce intraprovincial des produits biologiques, ce rôle d'accréditation et de surveillance est confié au Conseil des appellations réservées et des termes valorisants — le CARTV. Cette fonction du CARTV est un atout important pour l'industrie québécoise, et le système d'accréditation québécois est d'ailleurs constamment mis en avant auprès des consommateurs afin de les rassurer sur la crédibilité des produits biologiques québécois.
La filière souhaite que l'industrie canadienne se dote d'un outil semblable pour accroître sa position concurrentielle sur les marchés intérieurs, comme l'ont d'ailleurs fait les États-Unis et l'Union européenne sur leurs propres marchés.
Le secteur biologique souhaitait que le règlement offre un contrôle efficace des exportations de produits biologiques. Or, le projet de règlement actuel n'exige plus, contrairement à la version adoptée en 2006, que les produits exportés du Canada soient certifiés aux normes canadiennes.
Les entreprises canadiennes perdent ainsi la plus-value associée à une certification de qualité et uniforme pour tous les produits canadiens. De plus, les transformateurs canadiens vont connaître des problèmes d'approvisionnement, puisqu'ils n'auront pas accès aux produits certifiés seulement aux normes des pays d'exportation.
Les raisons évoquées pour soustraire les produits exportés du règlement fédéral sont les suivantes. Pour évaluer l'ampleur des répercussions négatives de cette absence de réglementation sur le développement de l'industrie canadienne, il est important de comprendre pourquoi certains opérateurs choisiraient de ne pas demander la certification aux normes canadiennes, même si cela les prive de l'accès au marché interprovincial. Voici donc les principales raisons invoquées pour se soustraire à la réglementation et aux normes biologiques canadiennes: coûts reliés à l'achat des normes; coûts reliés à la certification supplémentaire; coûts reliés à la familiarisation avec les normes; libre marché et compétitivité sur les marchés d'exportation — à cet effet, il faut savoir que sur plusieurs points, les normes canadiennes sont similaires aux normes européennes, qui sont toutes les deux plus strictes que les normes américaines —; et impossibilité de s'approvisionner en ingrédients importés conformes aux normes canadiennes.
Donc, pour ces raisons, certains opérateurs ont clairement indiqué qu'ils n'adopteront pas les normes canadiennes pour la certification de leurs produits. De plus, puisque les réglementations provinciales pour gérer le commerce intraprovincial ne seront pas en vigueur le 30 juin 2009, ces opérateurs pourront également commercialiser leurs produits sur le marché intraprovincial.
La combinaison d'absence de réglementation pour les produits exportés et pour le commerce intraprovincial pourrait s'avérer désastreuse pour les entreprises canadiennes dont le développement et la survie dépendent de l'approvisionnement en produits biologiques certifiés aux normes canadiennes qui seront transigés sur le marché interprovincial.
Des joueurs importants du secteur des céréales et des oléagineux se sont prononcés vigoureusement contre la certification obligatoire aux normes canadiennes. Leurs récoltes ne seront donc pas accessibles pour la production animale, la transformation et la vente au détail au Canada après la mise en vigueur du règlement le 30 juin 2009.
Le secteur de la production acéricole est en attente depuis près de 10 ans de la mise en place d'une réglementation fédérale qui éliminerait les disparités au niveau de la certification biologique des produits exportés, notamment, vers l'Union européenne. Ce secteur devra donc composer avec les effets négatifs de ces disparités qui, si le règlement est inchangé, deviendront un fait permanent dans ce secteur qui pourrait même prendre de l'ampleur.
Dans les productions maraîchères et animales, si un producteur canadien voit un intérêt à fragmenter sa production selon diverses normes pour desservir le marché américain, par exemple, il devra planifier à l'avance la proportion qui sera destinée aux marchés canadien et américain. Les surplus certifiés aux normes canadiennes qui, pour la plupart, seront également certifiés aux normes américaines moins sévères, pourront être écoulés sur le marché américain, mais pas l'inverse, d'où la perte d'accès aux surplus certifiés aux normes américaines pour les transformateurs, les distributeurs et les détaillants canadiens.
L'industrie biologique canadienne, qui entend desservir le marché canadien en certifiant ses produits aux normes canadiennes, s'inquiète également des risques élevés de fraude reliés à la vente d'une partie des surplus certifiés aux normes américaines sur le marché canadien. Ceci induira une forme de concurrence déloyale pour les entreprises qui desservent essentiellement les marchés intérieurs.
Le secteur biologique souhaitait que le règlement offre un contrôle adéquat des importations de produits biologiques. Or, le projet de règlement actuel confie le contrôle des produits importés à des juridictions d'autres pays.
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Or, le projet de règlement actuel confie le contrôle des produits importés à des juridictions d'autres pays avec lesquels le Canada aura signé des ententes d'équivalence.
L'autre alternative proposée pour accepter un produit importé au Canada est la certification aux normes canadiennes. Il n'existe aucune clause qui permettrait de reconnaître une norme de production biologique et un système de contrôle comme étant équivalents aux exigences canadiennes, et ce, de façon unilatérale, c'est-à-dire sans signature d'une entente d'équivalence. Par comparaison, même l'Union européenne et les États-Unis, deux juridictions qui ont beaucoup plus de poids pour imposer leurs propres normes biologiques, disposent de ce type de flexibilité dans leurs règlements.
Une telle flexibilité permettrait au Canada d'avoir une meilleure marge de manoeuvre pour faciliter l'approvisionnement en produits et ingrédients importés qui se conformeraient aux exigences canadiennes. D'ailleurs, le Canada aurait bien besoin de cette flexibilité, car les derniers rapports de l'ACIA indiquent que peu de progrès ont été réalisés en ce qui a trait aux négociations sur l'entente d'équivalence avec l'Union européenne.
De plus, cette flexibilité permettrait également de mieux positionner le Canada lors de la négociation d'ententes d'équivalence avec des pays dont les normes sont moins sévères. En effet, il serait beaucoup plus facile de se retirer d'une négociation qui donnerait des résultats inacceptables s'il existait d'autres possibilités pour gérer l'importation des produits biologiques.
Le Canada importe entre 80 et 85 p. 100 des produits biologiques vendus sur le territoire canadien, et le manque de flexibilité quant à l'acceptation des produits importés aura des répercussions négatives sur la compétitivité des entreprises canadiennes.
L'absence de réglementation des produits exportés et le manque de flexibilité dans l'acceptation des produits importés répondent favorablement au lobby qui prône l'intégration nord-américaine de l'industrie biologique basée sur l'adoption des normes américaines.
Dans la mesure où le marché des produits biologiques est beaucoup plus développé et stable dans l'Union européenne en comparaison avec le marché américain et où la majorité des représentants qui ont créé et développé cette industrie ont de sérieuses réserves sur certaines dispositions des normes biologiques américaines, il est crucial de consolider les principes de base sur lesquels repose l'avenir de cette industrie.
À cet effet, la filière réclame donc que les produits biologiques exportés du Canada soient certifiés aux normes canadiennes par un organisme de certification accrédité par l'ACIA, et que l'article 29(2) du projet de règlement soit remplacé par un article qui permettra l'importation d'un produit biologique seulement si ce produit est certifié à des normes équivalentes à la norme canadienne, par un organisme de certification reconnu par l'ACIA.
En ce qui a trait au système d'accréditation proposé par le projet, la filière réclame également que le système d'accréditation proposé pour le Canada soit harmonisé à ceux des pays industrialisés qui réglementent les produits biologiques, et que l'ACIA désigne, à titre d'organisme d'accréditation, toute instance d'accréditation canadienne constituée nommément en vertu d'une réglementation gouvernementale canadienne de niveau fédéral ou provincial.
Lors de la période de consultation sur le Règlement sur les produits biologiques (2009), la filière a également fait part de certains commentaires sur le design du logo et sur la mise à jour des normes canadiennes, deux autres points déficients du règlement qui contribueront à miner la compétitivité de l'industrie biologique canadienne. La filière vous invite à prendre connaissance de ce document, et vous remercie de votre attention.
Mesdames et messieurs, je suis heureux d'avoir l'occasion de témoigner devant le comité. Je m'appelle Dwight Foster, je vis à environ une demi-heure au sud de la Colline parlementaire et j'ai une ferme de quelque 4 500 acres où je produis des céréales et des oléagineux. J'ai également un parc d'engraissement de bovins de boucherie et je regrette en fait de signaler qu'il s'agit du plus gros parc d'engraissement à l'est de Toronto. Cette industrie se perd rapidement.
Je suis venu vous parler aujourd'hui du secteur des céréales et des oléagineux et de notre désir de voir le gouvernement fédéral mettre sur pied un programme de type AgriFlex. Les choses se sont déjà améliorées. Nous sommes fort encouragés de la disparition du PCSRA. Nous jugeons qu'il ne tenait pas vraiment compte des préoccupations du secteur agricole. Nous sommes très heureux des possibilités qu'offre le nouveau programme. Il n'est pas parfait, mais c'est un pas dans la bonne direction.
J'aimerais parler du financement régional qui s'impose, et plus précisément, de financement provincial. Très souvent, il y a des problèmes dans l'Est ou dans l'Ouest du pays qui doivent être réglés, et il serait possible d'agir plus rapidement au niveau provincial ou régional. À l'occasion, certains problèmes ne sont pas couverts par le programme fédéral; il suffit de mentionner l'ESB.
Il n'y a jamais eu de cas d'ESB en Ontario, et je ne sais même pas s'il y en a eu au Manitoba. Nous savons qu'il y en a cependant eu en Alberta et en Colombie-Britannique, et peut-être même en Saskatchewan. Il est évident que cela a eu des répercussions sur nos résultats, en Ontario et au Québec. C'est un gros problème depuis 2003, et il n'est pas encore réglé. Ce secteur de l'économie est sur le point de s'effondrer en Ontario, et le scénario est assez semblable au Québec. C'est un exemple parfait des circonstances où un programme régional serait plus efficace.
Prenez l'exemple de l'Europe. En cas d'épidémie, la Suisse — un tout petit pays qui pourrait entrer dans le lac Supérieur — ferme sa frontière pour que les pays voisins ne soient pas touchés. À quelle distance se trouve l'Alberta du Québec ou de l'Ontario? Un secteur énorme entre le Manitoba et l'Ontario pourrait rapidement être fermé.
Prenons l'exemple de l'agrile du frêne, dans le secteur forestier. En Ontario, vous ne pouvez même pas transporter du bois de chauffage à l'extérieur de votre comté. Les instances sont intervenues efficacement.
Dans le secteur de l'agriculture, inclure tout le monde, d'un océan à l'autre, dans le même programme est vraiment dysfonctionnel.
Je suis venu vous dire que certaines des choses qui ont été annoncées m'encouragent, mais qu'il y a encore place à beaucoup d'amélioration. J'aimerais que l'on assure une plus grande souplesse pour autoriser un partenariat avec le gouvernement de l'Ontario dans le cadre du PGR qui en est maintenant à sa troisième année. Je ne peux pas vous dire combien d'argent a été versé. Je sais que pendant la première année, beaucoup d'argent a été débloqué. Pendant la deuxième année, très peu — en fait, je n'ai rien reçu. Nous en sommes maintenant à la troisième année, les prix des marchandises sont élevés, et il est fort peu probable que nous recevions quoi que ce soit. Le programme ne coûte donc presque rien à la province. Un appui du gouvernement fédéral permettrait de garantir le maintien du programme, compte tenu du fait que nous en sommes maintenant à la troisième année. Les producteurs de blé planteront leurs semences en août ou en septembre en Ontario, mais ne savent même pas aujourd'hui s'il y aura un programme de stabilisation.
Je suis donc encouragé et j'espère que les programmes du gouvernement fédéral seront plus souples de sorte que certaines mesures puissent être prises au niveau provincial.
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président. Je suis heureuse d'être des vôtres aujourd'hui et je tiens à vous remercier de m'avoir offert l'occasion de comparaître devant le comité.
J'aimerais également saluer mes collègues qui se joignent à moi à la table des témoins. J'ai beaucoup aimé entendre France parler du secteur des produits biologiques, parce que j'ai décidé d'être agricultrice biologique. J'ai obtenu une certification du groupe Organic Crop Producers and Processors de l'Ontario. La certification représente une décision stratégique pour nous les agriculteurs; en fait, cela nous rend plus concurrentiels et plus rentables.
Mes préoccupations se rapprochent de celles dont a fait état France à l'égard de la modification des normes de certification et de la mesure dans laquelle elles seront diminuées. Les normes que je dois respecter comme agricultrice biologique sont très élevées, beaucoup plus élevées que celles que doivent respecter les agriculteurs d'autres pays. Nous importons des produits de ces autres pays, ce qui m'inquiète.
Cela dit, j'aimerais attirer votre attention sur un mémoire que nous avons préparé pour vous. Il a été traduit, vous l'avez reçu, et j'en parlerai ce matin.
J'aimerais faire le point avec vous sur le secteur de l'agriculture. Je fais de l'agriculture depuis plus de 27 ans. Mon père vient du Cap-Breton. Sa famille a fait de l'agriculture et de la pêche au Cap-Breton et avait une magnifique ferme là-bas, dans la région du lac Bras d'Or. Mon père possède toujours 400 acres dans cette région. Nous savons quel effet la concurrence a produit sur l'industrie de la pêche à la morue, et sur la famille de mon père.
Plus tard, après avoir terminé mes études à l'Université de Guelph, j'ai été agricultrice en Australie. Mon mari est australien, et nous produisions des céréales et élevions des bovins dans ce pays. Nous étions fort concurrentiels en Australie. Lorsqu'un autre pays connaissait une catastrophe naturelle, nous avions l'avantage concurrentiel, parce qu'il y avait une pénurie de céréales à l'échelle internationale. La seule fois que nous avons obtenu des prix plus élevés dans les 15 ans où j'ai produit des céréales en Australie, c'est lorsqu'un autre pays a connu une catastrophe naturelle; dans ces circonstances, il y avait une pénurie sur les marchés internationaux de céréales, et le prix qu'on nous payait pour nos produits augmentait. Les amis que j'ai laissés en Australie ont eux aussi de la difficulté à survivre dans ce marché international de l'agriculture concurrentielle.
J'ai aujourd'hui une exploitation agricole à environ une heure au sud d'Ottawa, un tout petit peu plus au sud que Dwight Foster. Je produis du soya. Nous avons également du bétail et nous produisons des cultures horticoles.
Ce que nous constatons depuis 30 ans, et encore plus depuis 10 ans, c'est l'apparition de cartels et les prises de contrôle dans le secteur agricole à l'échelle internationale. D'après le Bureau de la concurrence — et je suis convaincue que vous connaissez bien ce principe —, « quand une entreprise profite de sa position dominante pour nuire à la concurrence, on peut invoquer la Loi sur la concurrence ». Est-ce qu'on invoquera la Loi sur la concurrence pour examiner les répercussions de ces fusions sur les producteurs d'aliments canadiens?
Conformément à la Loi sur la concurrence, des fusions de toutes tailles et dans tous les secteurs de l'économie font l'objet d'un examen par le commissaire de la concurrence, qui doit déterminer si cela va nettement diminuer ou empêcher la concurrence. Parce qu'il n'y a qu'une poignée d'intervenants dominants dans le secteur agricole — par exemple, les abattoirs, les fournisseurs d'engrais, de semences et de produits chimiques, les concessionnaires de matériel agricole et les acheteurs de céréales — les agriculteurs ne peuvent pas être concurrentiels ou même rentables. C'est justement pourquoi nous avons besoin d'un programme AgriFlex.
Aider l'agriculteur à améliorer ses résultats, comme le dit M. Ritz, n'est possible que si nous étudions et éliminons les problèmes qui ont été créés parce que nous avons autorisé les entreprises à exploiter sans relâche les agriculteurs saison après saison. Encourager la concurrence entre les agriculteurs et les citoyens mène à la destruction des collectivités.
Il suffit de songer au thème de la réunion d'aujourd'hui. Pour moi, l'agricultrice, l'idée d'être concurrentielle m'est complètement étrangère et ne fait pas partie de mon idéologie en tant que citoyenne du monde.
Les agriculteurs représentent moins de 2 p. 100 de la population du Canada aujourd'hui; il est clair que nous n'avons pas besoin de nous battre les uns contre les autres pour intéresser les consommateurs; il faut simplement retenir un plus grand nombre de ces consommateurs. Le marché est assez gros pour tous. Il doit simplement être distribué de façon plus équitable entre ceux d'entre nous qui produisons la nourriture. Je sais que ce n'est pas facile, mais c'est une chose sur laquelle nous devons nous pencher de façon plus stratégique.
La fascination et l'intérêt pour l'innovation dans le secteur agricole créera peut-être des façons de produire les denrées alimentaires plus facilement puisque nombre d'entre nous devons avoir d'autres emplois à l'extérieur de l'exploitation agricole. Mais peut-on démontrer que cette innovation permettra d'augmenter les profits d'autres intervenants que les détaillants, les agrofournisseurs et les courtiers en produits?
La société veut que les agriculteurs produisent ce qu'elle veut manger, et c'est pourquoi j'ai réussi dans le secteur agricole; je produis ce que les gens veulent manger. La société a besoin d'agriculteurs qui produisent à proximité du consommateur des produits qui sont bons, sains et sécuritaires.
J'aimerais brièvement mentionner un rapport que nombre d'entre vous avez certainement déjà lu. Il a été parrainé par la FAO des Nations Unies. On nous propose un changement radical puisque l'on suggère de passer d'une agriculture industrielle concurrentielle à une agriculture plus locale et durable. On y dit en fait que l'ancien paradigme de l'agriculture toxique à forte intensité d'énergie et de nature industrielle est un concept du passé dont il faut se défaire.
La concurrence a beaucoup coûté aux agriculteurs. Ils sont plus efficaces que jamais auparavant. Nous n'avons pas le choix, puisque 85 p. 100 des agriculteurs canadiens doivent avoir un emploi à l'extérieur de la ferme même s'ils s'occupent d'exploitations importantes qui demandent beaucoup de gestion et des investissements importants. Je sais que nombre de députés disent qu'ils sont agriculteurs, mais ils ont de très bons emplois à l'extérieur de la ferme. C'est la réalité, peu importe le meilleur accès au marché que nous donnent les ententes commerciales que nous continuons à conclure.
Cependant, les collectivités rurales ont perdu une infrastructure de soutien importante qui nous permettrait de transformer les aliments plus près de chez nous. Cette perte d'infrastructure nous préoccupe vivement et doit être étudiée en détail. L'été dernier, l'Ontario a perdu sa dernière conserverie de l'escarpement de Niagara, et c'était correct de la voir fermer ses portes. J'ai des amis qui ont des exploitations agricoles dans cette région et ils n'ont plus d'endroit où faire transformer leurs pêches et leur nectarines. Cependant, nous importons de la Californie ou de l'Afrique du Sud ou de la Chine ce genre de fruits. Une transformation locale nous permettrait vraiment d'offrir un produit à valeur ajoutée et d'élargir notre marché, ce qui nous rendrait plus concurrentiels — capables d'offrir des aliments produits et transformés au Canada, ce qui donnerait aux consommateurs un meilleur choix de produits locaux.
Des règlements inutiles s'appliquent aux petites installations de transformation de denrées alimentaires, ce qui les empêche de livrer concurrence aux géants du secteur et pousse à la faillite les petits abattoirs, par exemple, simplement parce qu'ils ne parviennent pas à satisfaire tous les règlements qui sont imposés. Parce que nous sommes réticents à étiqueter les aliments convenablement de sorte que les consommateurs puissent faire des choix éclairés et acheter des produits vraiment canadiens, les agriculteurs ne peuvent profiter de la demande toujours croissante de denrées alimentaires produites ici, et non pas simplement transformées et remballées ici.
Le gouvernement doit cesser d'ajouter au déficit concurrentiel et interdire toute fusion ou prise de contrôle non essentielle par des sociétés qui ne songent qu'à leurs actionnaires et non aux Canadiens, des sociétés qu'Agriculture Canada et l'ACIA semblent protéger.
J'aimerais vous parler de ce qui s'est passé dans les deux dernières semaines, des mesures prises par les représentants du Canada lors de la réunion de l'organe directeur du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture. Les délégués canadiens ont retardé l'adoption d'une résolution en cours de négociation qui visait à confirmer le droit des agriculteurs de conserver, d'utiliser, d'échanger et de vendre leurs propres semences. Cette intervention du Canada sur la scène internationale, qui a empêché le consensus confirmant les droits des agriculteurs à l'égard des semences, est un exemple frappant du fait que notre société ne comprend même plus les principes généraux des sociétés civilisées. L'utilisation et le partage des semences n'est pas simplement un droit, mais un besoin fondamental; cependant, nous continuons à manipuler les semences et la nourriture et à les réduire à l'état de marchandises de manière à pouvoir accélérer l'innovation qui nous permettra d'amener plus de produits vers les marchés plus rapidement. Je suis une agricultrice et je me demande pourquoi nous agissons de cette façon; quels produits, pour qui, et à quelle fin?
Si Agriculture Canada se préoccupe vraiment des tendances à venir quant aux demandes des consommateurs, il faudrait peut-être comprendre un peu mieux ce qui se produit actuellement. Les consommateurs demandent aux agriculteurs comme moi de produire des denrées alimentaires qui sont sécuritaires, de façon éthique, dans le respect de l'environnement: des produits qui ont tout simplement bon goût. Nombre d'agriculteurs le font. Ce faisant, nous rétablissons un système alimentaire local durable qui a été détruit parce qu'on s'était exagérément attardé sur la concurrence et sur la compétitivité. Nous devons continuer à nous demander qui paie la note et qui aura les profits.
Comme je l'ai dit, je fais de l'agriculture depuis déjà 27 ans, et notre ferme enregistre une augmentation marquée des ventes; et ce n'est pas tout, nous pouvons conserver une plus grande partie de nos revenus à la ferme. Peu importe notre position concurrentielle, nous devons commencer à produire au Canada les aliments que les Canadiens veulent manger et que nos partenaires commerciaux veulent acheter de nous.
Je vous remercie de m'avoir donné cette occasion.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier chacun d'entre vous d'avoir pris le temps, malgré vos horaires chargés, de comparaître aujourd'hui.
Monsieur Tait et madame Ross, je m'adresserai d'abord à vous. Premièrement, j'ai lu votre mémoire, et, honnêtement, vous présentez des faits incroyablement convaincants.
J'aimerais donc aborder la question de la souveraineté alimentaire. Si j'essaie d'imaginer l'avenir de notre système agricole, dans peut-être 50 ou 60 ans, je vois très peu d'agriculteurs, et de grandes entreprises qui détiennent les installations de production. Franchement, rien ne nous garantit que ces entreprises seront canadiennes. Ce qui m'inquiète, c'est que les Canadiens ne soient plus en mesure de cultiver, transformer et vendre leurs propres aliments aux autres Canadiens.
Dans votre mémoire, vous parlez d'une mesure législative américaine, la Livestock Marketing Fairness Act. Selon vous, le président Obama reconnaît l'existence d'une anomalie et l'absence de concurrence qui en découle. Pourriez-vous nous en parler davantage et nous donner des pistes de solutions?
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Oui, merci. J'imagine que je peux répondre.
J'exploite une ferme mixte en Saskatchewan. En fait, je suis le coordonnateur du SNC pour la province. Nous cultivons des céréales et élevons du bétail, et je suis au courant du rapport sur la crise de l'élevage produit il y a peu de temps par le Syndicat national des cultivateurs. Il est question d'interdire l'approvisionnement captif, c'est-à-dire les animaux que les entreprises de transformation conservent dans les parcs d'engraissement et utilisent pour faire baisser le prix des bovins aux enchères au besoin. L'exemple le plus flagrant est celui de Brooks, en Alberta. Sur un cliché aérien de l'usine de transformation de Brooks, on peut voir l'usine moderne et très efficace. Juste de l'autre côté de l'autoroute, on constate un immense parc d'engraissement de bovins.
Lorsqu'une entreprise de transformation participe aux enchères — et je pense que ce marché lui appartient également — elle présente des offres d'achat pour des bovins. Si le prix grimpe trop à son goût, et qu'elle souhaite se retirer des enchères, il n'en tient qu'à elle: elle peut toujours compter sur ses propres parcs d'engraissement pour alimenter son usine, qui ne ferme jamais ses portes. Évidemment, lorsque l'entreprise se retire des enchères, le prix des bovins baisse. S'il diminue suffisamment, l'entreprise reprend les enchères, reconstitue ses stocks et remplit son parc d'engraissement et son usine.
Si on interdit l'approvisionnement captif, ce que les Américains ont essayé de faire par leurs mesures législatives, on empêche les entreprises de transformation de contribuer à l'érosion des prix au détriment des éleveurs de bétail.
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Je suis également diplômée de Guelph. J'ai étudié la science animale, qui était ma spécialité. J'ai également pris quelques cours de phytotechnie. C'est en effet un problème. J'ai obtenu mon diplôme au début des années 1980 — je ne suis plus toute jeune. C'était différent quand j'y étais. Les étudiants avaient davantage accès à des fonds publics et leurs recherches portaient principalement sur les questions les plus pressantes en matière de demandes des consommateurs. Ou alors, on essayait de prévoir l'évolution de la demande des consommateurs, ou encore les problèmes de santé animale qu'on estimait d'actualité.
C'est un problème. Je travaille encore avec l'université, en tant qu'experte-conseil dans le cadre de certains projets, et je siège à certains comités. Je peux vous dire que cette question a vraiment divisé le corps professoral. Il est extrêmement important d'offrir un financement public à la recherche qui soit indépendant de l'industrie. L'Université de Guelph a même été surnommée l'Université de Monsanto, et certaines serres sur le campus appartiennent exclusivement à ces entreprises de produits chimiques.
Vous avez parlé de souveraineté alimentaire. L'un des principes fondamentaux de ce concept, c'est que les citoyens et les agriculteurs doivent jouer un rôle de premier plan dans l'établissement des politiques alimentaires et agricoles à l'échelle nationale et internationale. Ce n'est pas le cas aujourd'hui: ce sont plutôt des entreprises, comme Monsanto, Cargill, ADM, Syngenta et Dow, qui dictent les politiques agricoles, pas seulement au Canada, mais partout dans le monde. Je me suis rendue dans les pays d'Afrique, en Inde, et j'ai passé beaucoup de temps en Australie et dans les pays européens, et je peux vous dire que ces sociétés sont des tyrans. Elles influencent non seulement nos établissements d'enseignement, mais aussi, malheureusement, nos gouvernements, et ce dans une large mesure. Je voudrais que les citoyens puissent façonner eux-mêmes les politiques et les régimes alimentaires et agricoles, afin de répondre à leurs besoins.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous de vos témoignages.
Madame Gravel, vous avez fait des observations très intéressantes qui me portent à m'interroger sur les décisions de n'importe quel ordre de gouvernement. Un gouvernement va souvent parler des deux côtés de la bouche en même temps. On veut favoriser la compétitivité, s'assurer que les consommateurs aient de bons produits, que les producteurs aient de bons prix, et ainsi de suite. En même temps, on adopte des lois ou des règlements pleins de trous ou qui mettent carrément des bâtons dans les roues des producteurs, de l'industrie et des consommateurs.
Ce que vous venez de dire sur la certification biologique en est un exemple patent. J'ai l'impression que c'est la même chose pour l'allégation « Produit du Canada ». Le comité a fait une étude et a déterminé que, pour porter l'allégation « Produit du Canada » 85 p. 100 du contenu de l'aliment devait être canadien. Le gouvernement a dit qu'il avait fait beaucoup de consultations et a établi ce pourcentage à 98 p. 100. Aujourd'hui, plus personne n'est en mesure d'utiliser l'allégation « Produit du Canada ». Je ne veux pas m'étendre sur ce sujet, mais j'estime que cela constitue un parallèle intéressant.
Vous avez mis l'accent sur le fait que cela affecte la crédibilité de l'industrie biologique canadienne et québécoise. En ce qui concerne les produits que l'on va acheter, peut-on être sûr que c'est vraiment biologique, que l'homologation est sérieuse, bien faite? En bout de ligne, cela touche la confiance du consommateur. Quand il voit le logo, il décide de l'acheter car c'est certifié biologique.
J'ai posé une question à la Chambre des communes, le 28 avril dernier. Le ministre d'État à l'agriculture m'a répondu. Je ne sais pas ce qu'en pense le ministre de l'Agriculture, puisque ce n'est pas lui qui m'a répondu. Je lui ai demandé de rendre des comptes sur le règlement qui concerne les produits étrangers qui pouvaient se retrouver sur nos tablettes, qui ont le même logo que les produits homologués au Canada, mais qui ont été homologués selon les normes d'un autre pays, par exemple la Corée du Sud. Il m'a répondu, et je cite:
[...] il est important d'avoir des normes qui ne sont pas toutes croches par rapport au système international. Il faut avoir des normes cohérentes entre nos pays respectifs. Un système de vérification ISO sera mis en place, ISO 17011. Il fera en sorte que tout le monde saura où on s'en va à ce sujet.
Cette réponse vous rassure-t-elle?
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Je peux peut-être répondre à cette question. La grande catastrophe de ce règlement, c'est qu'il y a deux façons d'importer un produit au Canada. La première est de demander au producteur à l'extérieur du Canada de respecter toutes les normes et d'être certifié par un certificateur accrédité au Canada qui respecte les normes canadiennes. On sait que ce ne sera pas très fréquent dans le monde parce que notre marché est petit. On a donc besoin de flexibilité au niveau des importations.
La deuxième façon d'importer un produit au Canada est de négocier des ententes d'équivalence avec les autres pays. Lundi, on a appris que le Canada va probablement annoncer la signature d'une entente d'équivalence avec les Américains. Or, le contenu de cette entente soulève beaucoup d'inquiétude. Si on ne signe pas d'entente avec les Américains, il n'y aura presque plus de produits qui pourront entrer au Canada, ce qu'on ne veut pas.
Depuis le début, on réclame que le règlement prévoie un mécanisme nous permettant d'évaluer unilatéralement si une norme et un système de contrôle nous conviennent, comme le font les Européens et les Américains. C'est un besoin urgent parce que les règlements et le dossier qu'on a présentés à l'Union européenne en 2006 étaient tellement mauvais — et ils le sont toujours — que les Européens ne veulent même plus nous parler. Le Bureau Bio-Canada envoie des courriels et est en négociation avec l'Europe. Il n'a même pas reçu d'accusé de réception ou de réponse; le dialogue est rompu.
Personnellement, ça me dépasse. La flexibilité dans le contrôle des importations qu'on demandait n'était pas si compliquée à mettre en place. C'était très simple. On a fait cette demande très à l'avance, depuis qu'on a pris connaissance des nouvelles dispositions sur le contrôle des importations qui ont été présentées. Ces dispositions ont été soumises à l'industrie bio en septembre 2008. Il y a eu des rencontres à huis clos et on a rencontré des gens de l'agence plusieurs fois. Ils n'ont pas voulu acquiescer à notre demande et on se demande toujours pourquoi.
Cela nous causera des problèmes pour ce qui est de l'importation des produits biologiques. Cela nous place dans une position de grande faiblesse dans nos négociations avec les Américains. Les normes américaines posent problème pour certains types de productions. Tous les directeurs des associations provinciales du reste du Canada appuient notre position à cet égard, ce même que celle sur les produits exportés. Les producteurs et les transformateurs canadiens sont bien au fait des problèmes que cette réglementation va leur causer.
Dans la conjoncture actuelle, on semble penser que la seule façon de se sortir de cette impasse est de pénétrer de nouveaux marchés. C'est une bonne chose, et c'est ce que le gouvernement fait, mais si les gens perdent de l'argent, il faut réagir. Peut-être faudrait-il emboîter le pas à nos partenaires commerciaux s'ils interdisent l'approvisionnement captif. J'espère que le comité aura l'occasion d'étudier la question à l'automne.
La souveraineté alimentaire est un sujet d'actualité. Je fais une tournée nationale pour préparer le rapport que mon parti présentera au gouvernement concernant la politique alimentaire nationale. C'est une question d'équilibre entre la maîtrise de notre approvisionnement alimentaire et le commerce. La question est de savoir comment faire les deux, comment demeurer une nation commerçante tout en garantissant notre propre approvisionnement en aliments. Par exemple, je me suis rendu dans les provinces de l'Atlantique, il y a quelques semaines, pour constater que les producteurs de boeuf de la région ne produisent pas assez pour nourrir le Canada atlantique. Ils perdent de l'argent, mais nous ne pouvons saisir ce marché en raison de la libre circulation du boeuf.
Dwight, nous avons déjà parlé du concept de la gestion de l'offre, pour savoir s'il s'applique à l'industrie bovine. Puisque nous voulons subvenir à nos besoins alimentaires, nous devons nous demander s'il est possible de contrôler notre affouragement. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Troisièmement, nous sommes sur le point de permettre la culture de luzerne génétiquement modifiée. Le produit a été approuvé par Santé Canada et Environnement Canada et est sur le point d'obtenir sa certification. L'industrie de la biotechnologie exerce également des pressions pour commercialiser du blé génétiquement modifié. On me dit que si nous accédons à cette demande, nos marchés en souffriront, puisque les acheteurs délaisseront le blé canadien. Dans le cas de la luzerne, le problème de la contamination se pose. L'organisation Saskatchewan Organic Directorate, par exemple, s'est fortement opposée à cette initiative. Devrions-nous empêcher la culture d'autres organismes génétiquement modifiés au Canada afin de protéger nos marchés et l'industrie biologique?
Voilà mes questions. Commencez, et nous verrons s'il est possible de répondre à toutes en sept minutes.
Merci.
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Comme personne ne semble vouloir répondre à la question, je me lance.
Je me suis rendue au Mali en 2007, pour la tenue du premier Forum international sur la souveraineté alimentaire à Sélingué, à environ trois heures de Bamako. J'ai participé au forum et j'ai même siégé au comité qui a rédigé la déclaration internationale finale. Plus de 500 personnes de 120 pays différents y étaient rassemblées, et nous avons tout de même pu rédiger un document international faisant consensus. C'est tout un exploit, que d'atteindre un consensus entre 500 pêcheurs, paysans, petits et grands exploitants agricoles, femmes et jeunes, qui en plus parlent différentes langues. Cet accomplissement témoigne admirablement du processus civilisé permettant de façonner nos systèmes alimentaires.
Je dirais qu'un pays sans souveraineté alimentaire n'est pas souverain, ni sûr. En tant qu'agricultrice et consommatrice, je pense que nous devrions tous nous sentir concernés. Personnellement, je m'inquiète certainement de la souveraineté alimentaire de notre pays.
Je suis de ceux qui, à l'épicerie, regardent d'où viennent les aliments. Ça me consterne de voir ici des fraises de la Californie en février et du maïs sucré de la Californie en février et mars. Avant même que l'on puisse récolter nos propres asperges, nous pouvons en acheter du Mexique et du Guatemala. Nous avons perdu notre culture alimentaire. Nous n'attendons plus l'arrivée dans nos marchés des premiers fruits et légumes frais de la saison. Les tablettes de nos épiceries regorgent déjà de pêches et de nectarines du sud des États-Unis, bien avant qu'elles soient en saison ici. Lorsqu'elles arrivent des régions du Niagara ou de l'Okanagan, elles n'ont plus rien de spécial. C'est un vrai problème.
Avons-nous vraiment besoin de plus d'innovation et de technologie du côté alimentaire? Je n'ai jamais entendu personne dire: « Ah! si seulement c'était génétiquement modifié! » ou « J'aimerais tellement qu'on invente un aliment nouveau ». Je vous pose la question encore une fois: qui paie et qui en profite? Dans ma région, on fait déjà la culture de plantes tolérantes au glyphosate, et je sais que Glenn cultive du canola génétiquement modifié, ce qui fonctionne bien pour lui dans son plan de rotation. Mais n'est-ce pas suffisant?
Nous effectuons la rotation de trois cultures dans ma collectivité, comme dans plusieurs régions de l'Ontario. Dwight le fait peut-être aussi. Nous faisons pousser du blé d'automne et de printemps et du soya. Nous ne cultivons plus le maïs; nous avons adopté une autre culture. Mon exploitation est biologique, mais mes voisins pratiquant l'agriculture classique vont-ils devoir faire pousser du maïs résistant au Roundup, puis du soya résistant au Roundup, et enfin du blé résistant au Roundup? Comment se débarrasser des sujets spontanés? On ne peut certainement pas se débarrasser des sujets spontanés de maïs résistant au Roundup avec du Roundup. Il faut employer un autre herbicide. En agriculture classique comme biologique, nous n'avons pas besoin d'une autre culture résistante au glyphosate.
Je m'y oppose et c'est difficile. Je sais que ce que je vous demande aujourd'hui n'est pas facile, parce que nous nous sommes avancés tellement loin sur la voie de la haute technologie avec notre système alimentaire industriel mondialisé qu'il faut maintenant faire marche arrière. Par exemple, monsieur Valeriote, vous avez indiqué que le secteur agricole au Canada allait se consolider et s'industrialiser davantage, mais on voit de jeunes gens qui recommencent à s'intéresser à l'agriculture. Ils veulent saisir les occasions qui se présentent ici, parce qu'ils savent que les gens en ont assez, qu'ils veulent acheter des aliments cultivés dans leur collectivité, ou du moins dans leur province ou leur pays, qu'ils veulent savoir comment ces produits ont été récoltés et qui sont les agriculteurs. Une vague de jeunes gens reviennent aux sources.
Je vous incite à vous renseigner sur la Collaborative Regional Alliance for Farmer Training, CRAFT. Il s'agit d'un groupe d'agriculteurs comme moi qui ouvrent la porte de leurs fermes à des jeunes. Un étudiant à la maîtrise en ingénierie qui travaille pour une entreprise d'ingénieurs basée ici à Ottawa passe deux jours sur ma ferme — il y est en ce moment, à travailler — parce qu'il veut apprendre comment faire. Il veut devenir agriculteur.
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Merci, monsieur le président.
Madame Ross et monsieur Tait, je trouve vos propos très intéressants, et je tiens à vous souhaiter la bienvenue ici aujourd'hui. Je suis content que vous soyez des nôtres.
Je vais revenir à ce que vous disiez à propos des consommateurs qui veulent être en contact avec les cultivateurs. Ils veulent savoir ce qui se passe sur la ferme. Ils veulent pouvoir toucher le produit, ou du moins avoir une idée d'où il vient.
J'ai un peu de difficulté à saisir la position du SNC concernant la Commission canadienne du blé, parce qu'il y a quelques années, un groupe d'agriculteurs dans le sud de la Saskatchewan a justement essayé de faire ça. Ils ont essayé de mettre sur pied leur propre moulin à farine de blé durum, afin de pouvoir en vendre le produit eux-mêmes directement. Évidemment, la commission leur a mis des bâtons dans les roues.
J'imagine que, si vous voulez établir des liens plus étroits avec les agriculteurs, vous seriez prêt à demander à cet organisme de réglementation et de commercialisation, ce boulet, d'être plus permissif ou plus souple pour qu'on puisse y arriver, n'est-ce pas?
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Merci, monsieur le président.
Pour ce qui est de l'exploitation, il ne fait pas de doute que lorsque les 550 millions de dollars en dédommagement pour l'ESB ont été accordés, les abattoirs se sont approprié de tout. Dans les faits, ils ont volé 500 millions de cette somme. On l'a dit devant votre comité. Nous avions un document sur le sujet et s'il y a eu de l'exploitation, c'est bien là.
Je ne veux pas discuter de la Commission canadienne du blé, sauf à dire que pour ce qui est des faits concernant les usines de transformation, si l'on compare le Midwest américain à l'Ouest du Canada, il y a plus d'usines de transformation qui relèvent de la Commission canadienne du blé qu'il n'y en a sur le marché non réglementé. Tels sont les faits.
En ce qui concerne l'offre captive, nous avons le projet de loi que les États-Unis préconisent. Il semble, Dwight, que vous êtes peut-être en faveur de cette façon de faire. L'Association canadienne des éleveurs de bétail sera sûrement contre, et je ne comprends pas pourquoi. Pouvez-vous nous donner plus d'information là-dessus? Je pense que casser le maillon entre l'abattoir et le producteur est une piste que l'on devrait explorer. Nous avons essayé de le faire pour le secteur de la pomme de terre par le passé et nous n'y sommes pas parvenus.
Je vous assure que dans le secteur de la pomme de terre cette année, au moment où le prix des engrais culmine et que les compagnies qui achètent les pommes de terre fournissent aussi les engrais, certains producteurs m'ont dit que ces compagnies leur disent essentiellement: « Si vous n'achetez pas notre engrais, nous n'allons pas acheter votre produit. » C'est de la vente liée et c'est grave, mais personne n'est prêt à le dire publiquement, parce qu'ils n'auront pas leur marché.
Sur ce point, pouvez-vous nous donner d'autres choses que nous pourrions utiliser? Vous pouvez y réfléchir.
Les recommandations ici, madame Gravel, sont excellentes et je pense que nous devons essayer de les appliquer, mais j'ai deux questions.
Vous demandez que « les produits exportés du Canada soient certifiés aux normes canadiennes. » Par qui? Il faut que ce soit plus précis.
Puis vous demandez que « l'article 29(2) du projet de Règlement soit remplacé par un article qui permettra l'importation d'un produit biologique, seulement si ce produit est certifié... ». Pouvez-vous nous donner une idée de l'article?
Le secteur bio est le secteur de l'agriculture qui croît le plus rapidement. Nous devrions nous en occuper maintenant. Je suis tout à fait renversé par ce qu'a dit Mme Belzile à propos du fait que vous ne recevez même pas de réponse du centre. À qui avez-vous envoyé cette lettre, à quel organisme? Peut-être pouvons-nous écrire une lettre et demander pourquoi la question reste entière.
Les questions portent donc sur l'offre captive et le bio. Allez-y.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous nos témoins d'être venus ici et d'avoir fait leur exposé.
Je pense qu'il est très opportun de discuter de la direction que nous prenons et de ce que l'avenir nous réserve. La seule constante, dans le domaine agricole, c'est que les choses changent tout le temps. Ces dernières années, ou plutôt ces 25 dernières années, la donne a changé avec les fusions, les acquisitions et la consolidation de l'industrie de la transformation, ce qui a eu une incidence considérable sur notre secteur. Je ne crois pas que la situation soit unique au Canada; c'est ce qui se passe dans le monde entier.
Si l'on regarde la rentabilité à long terme des agriculteurs et leur situation par rapport à ce qui se passe à l'échelle internationale, il faut rester concurrentiel. Dans l'Ouest canadien, nous sommes de grands exportateurs de céréales alimentaires et de bétail, et nous devons ouvrir nos marchés pour saisir ces possibilités d'augmenter nos revenus et notre rentabilité.
Je suis éleveur de bétail et mon père est dans l'agriculture biologique. Son bétail n'est pas biologique, mais sa culture l'est et les affaires vont bien, grâce à la rotation des cultures fourragères que nous avons mise en place. C'est par choix que j'ai décidé de devenir député, et non pas pour avoir un revenu supplémentaire, parce qu'en étant ici à Ottawa, cela n'aide pas mon exploitation agricole. Je voulais venir ici pour aider à changer les politiques publiques et les lois pour aider le secteur agricole.
Je crois qu'il y a une chose dont on a parlé, c'est la question de l'offre captive dans le secteur de l'élevage bovin. Je suis un éleveur-naisseur. Je m'inquiète de ce qui se passe. Je comprends également que les entreprises de conditionnement sont aussi celles qui achètent mes veaux et je suis de très près ce qui se passe aux États-Unis et ce qui se dit au Congrès. Je crois qu'il faut bien distinguer les activités dont se chargent les entreprises de conditionnement et celles qu'elles donnent à contrat. Nous voulons toujours que les éleveurs de bovin disposent des outils de gestion du risque qui sont offerts sur le marché, que ce soit par contrats ou autrement, et je suis sûr que c'est la même chose pour les autres marchandises. Mais c'est bien d'avoir ce contrat et de savoir ce que vous aurez à la fin de la période de grossissement, plutôt que de jouer aux dés et d'attendre de voir ce qui se passe.
J'aimerais avoir l'avis des témoins sur certaines choses.
Comment avoir tout cela tout en disposant des capacités de gestion du risque offertes sur le marché et en améliorant la position concurrentielle des agriculteurs, en améliorant leur rentabilité? Je sais que le SNC a parlé de bloquer les fusions. XL Beef Inc. en est un bon exemple. Si l'on avait bloqué cette fusion, Tyson aurait tout simplement laissé tomber Brooks. En fait, il ne reste qu'un seul joueur, et nous perdons une forte capacité de notre secteur. Il faut se demander que faire, dans ce genre de situations? Comment trouver de nouveaux joueurs, des gens pour combler le vide laissé sur le marché?
Je vous laisse penser à cela. Monsieur Foster, vous voudrez peut-être commencer, puis le SNC et nos amis du secteur biologique suivront. J'aimerais savoir ce qui s'est passé.
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Je vais faire de mon mieux. Une grande partie de ce qu'il a dit décrit exactement notre situation.
Je vais commencer par parler des programmes de gestion des risques.
Merci de m'avoir donné l'occasion de comparaître aujourd'hui. Je viens vous parler au nom des intervenants de divers secteurs, à savoir, les exploitants agricoles, les exploitants d'abattoirs, les transformateurs et les traiteurs. Nous faisons aussi de l'agro-tourisme.
L'Ontario a mis en place un programme de gestion des risques pour les producteurs de céréales de l'Ontario. Il a été conçu pour les agriculteurs et par les agriculteurs, de manière à être abordable et acceptable par les banques, et à correspondre au coût de production. Il est assorti d'une prime et est conforme aux règles commerciales avec les États-Unis.
Une initiative semblable est aussi en cours d'élaboration dans le secteur de la viande rouge. Le secteur porcin a besoin d'une aide immédiate. La perte par animal s'est située entre 30 $ et 80 $ au cours des trois dernières années. Le gouvernement a réagi en consentant des prêts, puis a accepté de surseoir à la mise en défaut. Plutôt que de surseoir à la mise en défaut, ce qui ne fait que reporter le remboursement des prêts du PPA à septembre 2010, les prêts devraient avoir fait l'objet d'une remise. Nous pourrions alors obtenir de nouveaux prêts, jusqu'en septembre 2010, date à laquelle nous verrions où en est rendue l'industrie.
Ce prêt constituait déjà une solution ponctuelle à une situation préoccupante qui aurait dû être correctement réglée, étant donné que les prêteurs ne pouvaient plus continuer d'assurer un soutien dans le contexte de la perte constante de revenus. En ajoutant un an, on en arrive à quatre ans. Je ne crois pas qu'il sera plus facile de s'en sortir à ce moment-là. Il faut aborder ce problème avant l'ajournement de la Chambre, ou une grande partie des quelque 70 000 emplois créés par cette industrie disparaîtront avant que la Chambre reprenne ses travaux.
De plus, le programme américain COOL d'étiquetage indiquant le pays d'origine, et l'épidémie de grippe — que l'on n'aurait jamais dû appelé grippe porcine, ce qui est incorrect — ont fait chuter nos prix d'encore 20 p. 100.
Le gouvernement fédéral a décidé de ne pas participer au plan de gestion des risques de l'Ontario, ni d'appuyer le secteur porcin qui demandait une aide par tête de bétail, mais il a décidé d'appuyer le secteur de l'éthanol au moyen d'un filet de protection calculé par litre. En avril, l'usine d'éthanol de Chatam a obtenu une garantie de 72,7 millions de dollars de la part du , selon l'annonce de , notre député fédéral, pour assurer la rentabilité de l'usine pour les 10 prochaines années. On leur a offert 10 ¢ par litre de production sous forme de subvention. En quoi cette mesure diffère-t-elle d'un paiement par tête de bétail pour le secteur porcin?
Nous, les agriculteurs, en tant que producteurs primaires, sommes toujours encombrés de programmes qui ne fonctionnent pas pour la plupart des producteurs. Je ne veux pas attaquer le secteur de l'éthanol, mais nous sommes tout de même des producteurs primaires qui n'avons jamais bénéficié d'un programme fonctionnel ou d'une relation attrayante d'une durée de 10 ans avec un gouvernement et qui plus est, avec une garantie de profit. Les agriculteurs pourraient déterminer les buts et l'orientation d'un tel programme. Nous obtenons des programmes de trois ans qui mettent deux ans à démarrer; ou plus rarement, nous obtenons un programme quinquennal qui met aussi deux ans à démarrer. Il y a d'autres obstacles comme les critères d'admissibilité et le paiement des primes, puis on se rend compte qu'on n'est pas admissible. Et de toute façon, les fonds sont épuisés avant la fin de la cinquième année.
Ceci dit, les prix des céréales et des oléagineux sont de 30 p. 100 inférieurs à l'an passé, et les coûts de tous les intrants ont augmenté. Je sais que vous en avez discuté ce matin. La production d'azote a cessé en Alberta en janvier, celle de la potasse en février en Saskatchewan, et cela a forcé nos prix à demeurer de 35 à 45 p. 100 plus élevés que l'an passé. Les prix des marchandises sont maintenant à la baisse. Un dollar canadien faible est une bonne chose pour l'agriculture canadienne; un dollar fort est néfaste. Il serait logique d'offrir un financement de type AgriFlex pour appuyer notre programme de gestion des risques en Ontario et pour donner à la province davantage de souplesse pour nous en faire bénéficier.
Vos propres études ont démontré que chaque dollar investi dans l'agriculture primaire, au niveau des producteurs, donne un rendement de 7 $ dans la même année financière. Il y a un surplus de plus de 700 millions de dollars dans le budget de l'agriculture. Une injection immédiate de 800 millions de dollars dans l'industrie porcine se traduirait par un rendement d'environ 6 milliards de dollars. Si vous avez un meilleur plan de relance que celui-là, compte tenu de la récession et du fait que l'agriculture est le deuxième secteur en importance en ce qui concerne les rendements bruts et la création d'emplois, dite-le nous. Si non, il faut se pencher immédiatement sur ce qu'il est possible d'offrir à l'agriculture, en particulier, l'industrie porcine.
Pour ce qui est de l'étiquetage, les nouveaux règlements sur l'étiquetage sont les pires que nous ayons jamais eus. Quatre-vingt-dix-huit pour cent, c'est un niveau qu'il est presque impossible d'atteindre s'il y a transformation. Par exemple, l'utilisation du sucre de canne, du sel de mer ou d'épices orientales changent les règles de base. Le produit peut alors recevoir l'étiquette « Fait au Canada », qui n'exige que 2 p. 100 de contenu canadien, sans que soit indiqué où ces produits alimentaires ont été cultivés. On a donc l'étiquette « Fait au Canada », mais on ne sait pas d'où proviennent les produits, comment ils sont produits, en application de quels règlements sur l'utilisation des produits chimiques, des pesticides ou des herbicides, ou de quelles normes fédérales d'inspection du pays d'origine. Moins de 2 p. 100 de ces produits seront inspectés lors de leur entrée au pays. Il est alors impossible de leur faire concurrence sur un pied d'égalité. Nos règlements interdisent de nombreux herbicides et pesticides. Cela représente un risque très grave pour la santé. Sinon, toute la recherche faite ici par notre gouvernement n'est qu'un énorme gaspillage de l'argent des contribuables, et les données sont totalement fausses.
Si les données sont exactes, les produits qui contiennent ces substances interdites ne devraient pas pouvoir être importés au Canada, surtout pas avec une étiquette « Fait au Canada », qui ne vous dit rien sur le contenu ou la provenance, ce qui laisse le consommateur dans l'ignorance totale puisqu'on lui donne des renseignements faux ou trompeurs.
La norme de 85 p. 100 de contenu canadien suggérée par la KFA, la FAO et la FCA était équitable et avait été acceptée par l'ACIA après de nombreuses discussions et négociations. Toutes les parties sentaient que c'était une grande réalisation, que c'était réalisable et que cela améliorerait l'agriculture au Canada. Les consommateurs auraient des étiquettes claires et faciles à comprendre, et qui ne sont pas trompeuses. Cela permettrait aux consommateurs d'acheter des produits locaux ou canadiens.
Comment peut-on envisager une norme de 98 p. 100 de contenu canadien alors qu'on avait dit à nos négociateurs que le contenu canadien serait de 85 p. 100? On nous avait dit que l'accord avait été conclu. Il faut changer cette situation immédiatement pour économiser de l'argent, préserver des emplois et assurer la transformation de vrais produits agricoles canadiens au Canada. L'agriculture en sera plus rentable, et les impôts demeureront ici plutôt que de se retrouver dans les coffres d'un pays étranger.
Cela n'a rien à voir avec des obstacles au commerce ou des sanctions. Nous devons respecter les producteurs ordinaires. Comment les consommateurs peuvent-ils croire qu'ils achètent des produits alimentaires sains et propres avec l'étiquette « Fait au Canada » alors qu'ils ne savent pas du tout d'où proviennent vraiment ces produits? C'est complètement injuste envers les consommateurs. Nous avons tous eu notre lot de psychoses alimentaires et de rappels de produits contaminés, que ce soit accidentellement ou à des fins intentionnelles de profit. Les consommateurs doivent pouvoir choisir où les produits qu'ils consomment sont cultivés et transformés.
Nous ne pouvons pas faire concurrence aux pays qui n'ont que peu ou pas de normes sur les salaires et les conditions de travail, alors que notre salaire minimum continue d'augmenter. Il y a un déséquilibre injuste dans les domaines de l'inspection, de la salubrité alimentaire, des normes du travail, de la production, de l'étiquetage et de la bureaucratie. Nos producteurs canadiens méritent de survivre et d'être sur un pied d'égalité. Nous pouvons nous mesurer aux aliments les meilleurs et les plus sains s'ils doivent tous respecter nos règlements.
Nous sommes accablés de règlements et de paperasse à la source d'emplois qui n'ont rien à voir avec la salubrité alimentaire. On a déjà dit que toutes les usines de transformation devraient être soumises à un seul ensemble de règlements. C'est une déclaration irresponsable si l'on pense à la paperasse nécessaire pour une entreprise de deux ou trois employés qui transforme des lots de 10 kilos de produits à la fois, comparativement à une entreprise de 500 employés ou plus qui transforme des lots d'une tonne métrique. Il faut à l'une et l'autre autant de temps pour remplir les documents, mais la petite entreprise ne peut se permettre de payer un employé à temps plein pour le faire. Je ne dis pas que les formulaires sont inutiles; je dis qu'il est irréaliste de s'attendre à la même paperasse et au respect des mêmes règlements pour les petites et les grandes entreprises.
Combien de problèmes sanitaires y a-t-il eu dans les petites usines? Une petite entreprise ne survivrait pas à une maladie alimentaire telle que la listériose — elle serait morte. Avec la mise en oeuvre des nouveaux règlements, nous sommes passés de 420 abattoirs actifs à 175 au cours des cinq dernières années. C'est principalement la situation en Ontario. Un certain nombre des exploitants des 175 abattoirs restants sont si frustrés qu'ils pensent à cesser leurs activités. Nous ne pouvons jamais nous conformer aux règlements, parce qu'ils changent continuellement et nos recettes ne nous permettent pas de nous adapter. Les établissements de crédit se sont retournés contre nous et nous ne pouvons pas vendre nos entreprises parce qu'elles ne sont pas rentables.
Il y a une guerre de paperasse avec des partenaires commerciaux potentiels qui exigent de plus en plus de documents afin de limiter le commerce. Nous payons afin de nous conformer aux nouveaux règlements qui devraient nous ouvrir les portes du marché de l'exportation — pour constater ensuite qu'il y a encore une fois un nouvel ensemble de règles. Afin de pouvoir exporter dans certains pays, on crée une nouvelle bureaucratie et des nouveaux formulaires, mais ces mêmes pays changent ensuite leurs règles. Est-ce qu'on a pu entrer sur leur marché? La réponse est non. Combien de temps allez-vous continuer d'appuyer cette guerre de la paperasse alors que cette mentalité continue de nuire à notre compétitivité?
Merci.
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Sachez que je n'ai jamais rencontré ces personnes avant aujourd'hui. Ils disent tous la même chose et je ne sais pas pourquoi je devrais m'exprimer. J'ai droit à 10 minutes et je vais m'en prévaloir en entier, alors accrochez-vous.
Bonjour à tous. Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de présenter mes préoccupations devant ce comité. Je vous parle ici au nom des nombreuses petites entreprises de transformation de la viande qui sont aux prises avec des règlements similaires qui limitent notre compétitivité dans le secteur de la distribution de détail.
Je me présente, Carl Norg, propriétaire de Carl's Choice Meats, à Brantford, Ontario. Nous avons ouvert notre petite entreprise familiale en 1986. Nous avons une superficie d'environ 2 400 pieds carrés, dont 720 pieds carrés sont utilisés par le magasin et environ 500 pieds carrés par la production. Nous employons trois personnes à temps plein en plus de moi-même. Nous avons également un stand dans deux établissements Farmer’s Markets.
Nous vendons, depuis 22 ans, de bons produits de grande qualité à une clientèle toujours croissante. Nous avons toujours passé sans problème l'examen fort bienvenu de nos bureaux de santé locaux. Cependant, nous rencontrons aujourd'hui de sérieuses difficultés en raison de la nouvelle réglementation, sachant que les inspections relèvent désormais du ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales de l'Ontario.
J'aimerais vous parler aujourd'hui de la compétition injuste, en ce qui concerne les revenus et la rentabilité, et par conséquent de la fin de la petite boucherie rurale. Dans mon exposé aujourd'hui, j'aimerais couvrir deux préoccupations particulières : le fardeau de paperasserie inutile à remplir à la fin de la journée, et les exigences structurelles requises pour être conforme à la nouvelle réglementation.
Les grandes entreprises — celles qui ont au moins 10 employés — ont besoin de procédures écrites pour veiller à ce que tous les employés puissent suivre les mêmes directives. Cette méthode de communication est essentielle lorsque le nombre d'employés dépasse la capacité à communiquer avec eux de manière efficace. Ces protocoles sont également en place pour que l'inspecteur, lorsqu'il se présente, puisse confirmer que tout le monde fait ce qu'il faut pour répondre à une norme cohérente.
Au nombre des bienfaits dont bénéficie le propriétaire qui gère une petite boucherie telle que la nôtre, je citerai la variété de nos activités au quotidien. Bien que chaque semaine ressemble à la précédente, les petites entreprises doivent toujours être prêtes à faire des ajustements rapides découlant de changements dans le flux de clientèle, la disponibilité des produits, les exigences relatives aux périodes de congés, voire ce que nous avons en stock. Compte tenu du fait que nous sommes tributaires de la clientèle, ce que nous prévoyons faire chaque jour consiste en grande partie à répondre aux besoins de nos clients. Dans une petite entreprise, c'est généralement le propriétaire qui établit la norme et qui veille à ce que les employés respectent ses exigences. Si la norme est laxiste, le flux de clientèle risque fort de diminuer, alors que si les exigences sont plus élevées, nous avons de grandes chances de voir des clients heureux et, dans le cas de l'industrie de la viande, en bonne santé.
Adhérer à des protocoles aussi stricts que déraisonnables est lourd et difficile, et s’accompagne d'une perte de temps précieux des employés. Les protocoles sont rédigés pour être suivis. Dans une petite entreprise comme la nôtre, travailler avec ces protocoles est laborieux et inefficace et, par conséquent, présente un certain danger. Nous sommes pour la plupart en affaires depuis suffisamment longtemps pour savoir comment obtenir les résultats savoureux et sûrs que nous souhaitons, et pour utiliser les processus nécessaires à cette fin.
Les protocoles écrits s'accompagnent par ailleurs de listes de contrôle qui doivent être remplies chaque fois qu'une tâche vient d'être achevée. Tout comme pour les protocoles écrits, dans une petite entreprise de transformation de la viande, il n'est pas très logique de remplir toutes les listes de contrôle qui sont exigées, là encore en raison du temps de travail que cela exige. La quantité de listes de contrôle interrompt à elle seule le rythme de travail dans une petite entreprise. L'inefficacité se traduit par une perte de production et une chute de revenu. Parce qu'il est facile de manipuler ces listes pour tromper le système d'inspection, cette approche crée des experts en tromperie plutôt que des maîtres bouchers. Nous sommes nombreux à consacrer, à l'heure actuelle, une grande partie de la semaine de 40 heures à remplir toute la paperasserie correctement. Si cette paperasserie est facile à manipuler (et elle l'est) ou si elle n'est pas remplie correctement, pourquoi alors se donner tant de mal?
Le fardeau administratif pèse sur le budget, notamment en raison de ces heures qu'il faut payer. Ce qui implique ensuite l'obligation d'augmenter nos prix, de baisser nos revenus disponibles et en fin de compte notre compétitivité sur le marché. Cela se traduit finalement par moins de profits et moins de souplesse pour apporter les changements nécessaires à l'amélioration de nos installations, recruter de nouveaux employés ou augmenter les salaires pour nos employés existants. La réalité actuelle qui fait qu'une boucherie familiale n'est plus désormais rentable, et qu'elle n'a plus les moyens de faire vivre une famille, oblige les petites boucheries rurales à fermer leurs portes.
Il nous faut convaincre notre industrie que nous pouvons être plus propres, plus sûrs et plus salubres au chapitre des produits de viande que nous transformons et que nous produisons. Nous n'y parviendrons pas en ajoutant ou en détournant le temps des employés avec un fardeau de paperasserie supplémentaire. Le gouvernement a déjà pris conscience du problème en mettant en place son Initiative de réduction de la paperasserie en 2005.
Comment régler ce problème? Je suis convaincu que le meilleur moyen de le régler sans alourdir le fardeau des petites boucheries qui doivent payer cher les heures gaspillées, tout en satisfaisant l'intention du gouvernement qui est d'assurer la salubrité alimentaire, c'est de procéder à un échantillonnage de contrôle des services et des produits. Il conviendrait de donner aux inspecteurs la compétence nécessaire pour arriver à l'improviste, n'importe quel jour, et prendre au hasard des échantillons des produits et des prélèvements des surfaces. Si les échantillons se révèlent propres, alors il n'y a pas de problème. Mais si plus d'un test revient avec des résultats défavorables ou en dehors des ratios acceptables, des mesures correctives doivent alors être prises. Si les échantillons positifs ou posant problème sont trop nombreux, en cas de résultats de tests inacceptables ou si le problème est récurrent, il conviendra alors d'imposer une amende, une restriction de la production ou une perte de permis. Cette sanction pourrait être publiée de sorte que les consommateurs soient dûment informés et, par conséquent, en mesure de prendre leurs propres décisions concernant leur fréquentation du commerce ainsi mis en cause.
Deuxièmement, les exigences structurelles de la nouvelle réglementation: comme je l'ai mentionné plus tôt, le bâtiment de Carl’s Choice Meats couvre environ 2 400 pieds carrés, dont à peu près 500 pieds carrés d'espace pour la production. Nous sommes une petite entreprise qui peut se permettre d'employer un maximum de cinq à six personnes. Parce que nous sommes une petite boucherie rurale, la période la plus occupée est la fin de la semaine au marché; par ailleurs, le flux de la clientèle n'est pas suffisant pendant la semaine pour justifier le recrutement d'un commis à temps plein. Il est rare que les clients fassent la queue pour se faire servir. Ils se présentent de manière sporadique tout au long de la journée, ce qui signifie qu'il n'est pas nécessaire qu'une personne soit toujours présente derrière le comptoir.
Lorsqu'un client se présente, quelqu'un quitte la zone de production pour le servir. Cela présente en effet un problème, sachant que la personne qui vient de servir le client ne peut pas pénétrer de nouveau dans la zone de production sans avoir auparavant changé de coiffe, de blouse de protection et chaussé des chaussures aseptisées. La nouvelle réglementation stipule par ailleurs que nous devons nous équiper d'une zone particulière pour la coupe de la viande fraîche, d'une zone séparée pour la production prête à consommer, d'une zone particulière et séparée dans laquelle nous conservons nos épices et nos sacs en plastique, et enfin d'un sas qui sépare ces zones du magasin.
Compte tenu de la taille réduite de notre installation, nous ne disposons pas d'une zone de réception dédiée. Notre réception est une aire commune par laquelle nous accédons à l'immeuble et à la chambre froide, et c'est par ailleurs un passage entre la zone de coupe et la chambre froide ou le magasin, la salle des machines ou le fumoir. Pour respecter la réglementation, nous devons procéder à la séparation complète de ces différentes zones. Cela signifie qu'il nous faudrait complètement réaménager le bâtiment afin qu'il comporte les zones requises, ce qui nous coûterait environ 300 000 $.
Nous avons demandé à un expert-conseil et à un ingénieur d'évaluer nos besoins en vue de satisfaire à la nouvelle réglementation, et de dresser des plans. Le prix estimatif était de 300 000 $. Tous ces changements s'intégraient dans le bâtiment actuel sans ajouter le moindre espace supplémentaire. Cela dit, une telle dépense ne nous poserait pas de problème particulier si notre plan d'activité nous montrait que c'est financièrement viable. Malheureusement, tous nos plans d'activité montrent que de tels travaux ne créeraient pas davantage de profits ni davantage de ventes susceptibles de nous permettre de rembourser le prêt nécessaire au financement d'un tel projet.
Autre préoccupation: s'il faut créer davantage de salles ou de zones, ces petites pièces encombrées ne seraient pas utilisées de manière continue. Les pièces à faible circulation tendent à être moins bien entretenues que celles dans lesquelles nous travaillons plus souvent. Ceci aurait une incidence sur les conditions sanitaires et créerait une situation dangereuse plutôt que bénéfique. Dans un concept ouvert, non seulement tout le monde serait plus en sécurité, mais le nettoyage serait plus fréquent et les conditions sanitaires bien plus faciles à respecter.
Comme je l'ai déjà dit, 300 000 $ est une somme inacceptable pour notre entreprise parce que c'est un coût que nous ne pouvons pas recouvrer.
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Nous allons peut-être nous rendre à la fin.
La décision avec laquelle nous nous débattons à l'heure actuelle, bien que nous aimions notre travail et que nous ayons toujours espéré que notre fils prendrait le relais, est soit de changer la nature de notre activité ou simplement de fermer notre établissement. Si cela se produit, il y aura une boucherie de moins sur la carte. Fermer notre boucherie se traduirait par la mise à pied de quatre employés à plein temps et de six autres à temps partiel. Dix familles subiraient les effets de cette fermeture, et bien que ce nombre semble modéré, je vous rappelle que je parle au nom de ma petite entreprise familiale, mais qu'il y en a bien d'autres dans la province.
Pour avoir discuté avec d'autres propriétaires de boucherie qui connaissent les mêmes difficultés, je sais qu'ils envisagent la même issue. S'il n'y a aucun retour sur investissement, à quoi bon investir dans des règlements coûteux.
Pour résumer, je vous ai présenté les deux préoccupations principales qui nous freinent en tant que petites boucheries et qui, par conséquent, inhibent notre compétitivité par rapport aux grandes usines de transformation de la viande et aux chaînes d'épicerie. Tout d'abord, le fardeau administratif superflu qui rogne sur notre temps et par conséquent notre rentabilité, et deuxièmement les critères structurels qui exigent beaucoup de capitaux qu'il ne nous est pas possible de récupérer.
Oui, nous avons besoin d'une réglementation de gestion des risques appropriée. Il importe avant tout que les Canadiens puissent avoir confiance en la salubrité des aliments qu'ils consomment. Toutefois, il importe aussi que la réglementation soit axée sur les résultats et non édictée par les processus; il faut faire en sorte qu’elle soit impossible à manipuler en vue de tromper le système des inspections.
Veuillez prendre en considération le fardeau financier des centaines de petites entreprises culturellement diverses de cette province, et nous aider à en faire don aux générations qui nous suivent.
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Votre récit me rappelle notre ferme. Nous avions notre propre boucherie; nous faisons notre propre abattage et vendions du boeuf haché au détail. À cause des inspections et autres choses de ce genre, nous avons fini par devoir fermer.
Ce qui est vraiment renversant, c'est qu'il y a 12 heures, le comité achevait son rapport sur la listériose. Une de nos conclusions, c'est qu'il n'y avait pas suffisamment d'inspecteurs. Les grands abattoirs n'en ont pas assez. À l'inverse, vous, vous en avez trop et c'est ce qui vous amène à fermer boutique. Ça ne tient pas debout.
Ce que veulent la plupart des consommateurs, c'est un produit local sûr. D'abord local et ensuite, évidemment, sûr. Les bureaucrates ont là aussi un problème. Bien souvent, quand ils pondent un règlement, ils sont installés dans leur tour d'ivoire et proposent des choses qu'ils pensent être les bonnes et essaient de les appliquer sans vraiment comprendre ce que cela va coûter au boucher.
Faudrait-il inverser un peu la situation et demander aux premiers ministres de l'Agriculture fédéral et provinciaux de discuter entre eux de ce que l'on veut faire et de ce que l'on fait vraiment? Sert-on vraiment au mieux l'intérêt du consommateur? Sert-on vraiment les chambres de commerce locales et les petites boucheries? Ou sommes-nous vraiment déconnectés de la réalité? Peut-être que certains de ces ministres se retrouvent à la tête de ces portefeuilles — et les ministres changent à peu près tous les deux ans — et les bureaucrates sont déjà sur leur lancée et il n'est pas possible pour eux de changer ces programmes.
Ne pensez-vous pas qu'il faudrait se confronter à la réalité et voir ce qui se passe dans le système d'inspection, d'autant plus qu'il y a un système fédéral et un système provincial? Faut-il faire une enquête ou voir dans les faits où tout ceci nous mène?
Veuillez excuser mon ignorance: je connais les règlements du Québec, mais pas ceux de l'Ontario. Quand j'étais jeune, un boucher venait en camion nous livrer de la viande à la maison. Je trouvais ça amusant. Il la coupait devant nous. C'était un vrai boucher de village. Comme vous pouvez le constater, je n'en suis pas morte.
Je dois vous dire aussi que j'achète rarement ma viande dans les supermarchés parce que leurs produits viennent de l'Alberta. Or, je sais que la maladie de la vache folle vient de l'Alberta, et c'est pour cette raison que je suis un peu réticente. Je fais toujours mes achats chez une agricultrice qui vend de la viande biologique. Je n'ai pas peur de dire que sa viande est vraiment bonne et spéciale. Par contre, cette agricultrice ne m'a jamais parlé de paperasse. À un moment donné, l'inspecteur va se présenter chez elle et va vérifier ses installations. Je ne pense pas qu'il y ait de la paperasse à remplir pendant trois jours.
Croyez-vous sincèrement, comme monsieur l'a dit plus tôt, que le gouvernement abandonne ses responsabilités, pour ce qui est d'engager de vrais inspecteurs, et que vous devez compenser ce manque de vision à long terme en matière d'inspection des viandes? Pensez-vous que pour assurer la salubrité de vos aliments, il est plus payant pour le gouvernement de vous laisser payer des gens plutôt que d'engager de vrais inspecteurs?
Chacun d'entre vous peut répondre.
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Je vais commencer par la livraison de la viande à domicile. En Ontario, pour aussi longtemps que j'ai été boucher, cela a toujours été illégal. Vous ne pouvez pas quitter vos locaux à moins d'avoir un magasin sur roues. Autrement dit, il faut être entièrement équipé, avoir quatre éviers et quelques glacières pour servir le client.
Je ne pense pas que le gouvernement de l'Ontario essaie de nous obliger à fermer nos portes ou de nous faire payer les inspecteurs. Je ne pense pas que ce soit le cas. Je comprends qu'il essaie d'assurer la salubrité des aliments en Ontario, et c'est le cas. À l'exclusion de la listériose chez Maple Leaf Foods, je n'ai aucun souvenir d'un problème dans les viandes. Le problème a toujours été dans les légumes ou à cause de la manipulation incorrecte des aliments. Comme je l'ai dit, je n'en ai aucun souvenir.
Ce contre quoi j'en ai, c'est la façon dont il adopte des règles en fonction des grandes usines et des magasins d'alimentation pour les imposer ensuite aux petits artisans comme moi. Comme je l'ai dit, je suis une quantité négligeable. Je suis le seul dans mon commerce. Mes fils ne me prête plus main-forte; ils sont autonomes et il n'y a que moi dans l'entreprise.
Je suis un petit artisan, une quantité négligeable. Négligeable sauf pour ma clientèle d'origine britannique, comme moi. Ils m'ont interdit d'emballer ma saucisse et de la déposer dans un autre magasin britannique, qui aurait pu la vendre à ses clients. Ils ont dit que ma boucherie n'était pas aménagée pour faire l'emballage correctement, y apposer l'étiquetage qu'il faut, la transporter dans un véhicule réfrigéré, même si je sais que ce n'est pas nécessaire. Ce qui compte, c'est que le produit arrive sur place à la bonne température, mais il vous force à avoir un véhicule réfrigéré.
Je présente mes excuses. J'ai une autre réunion à 13 h 30, donc je vais pouvoir utiliser mes cinq minutes.
Dans une certaine mesure, je veux répéter ce que a dit. Il a dit que les gens veulent consommer des aliments locaux et des aliments sains. Pendant les audiences du sous-comité, j'ai entendu que la salubrité des aliments passe en premier, et la provenance locale est la deuxième priorité. Peu importe d'où viennent les produits, les consommateurs veulent avoir la certitude que les aliments qu'ils achètent sont sains.
Je vous remercie tous d'avoir souligné le fait que les produits des abattoirs locaux sont sains. Je ne pense pas que la salubrité de ces produits a jamais posé problème. Nous avons beaucoup parlé de ces enjeux, et je vous dirais que si vous faites le tour de cette table, vous verrez que les gens sont complètement en faveur des systèmes que vous avez dans les collectivités locales, car nous reconnaissons l'importance de votre production d'aliments sains et de qualité pour vos clients et pour nos collectivités.
Nous avons beaucoup parlé de la question d'une seule norme d'octroi de permis pour la transformation de viande dans les abattoirs, plutôt que d'avoir les deux normes que nous avons actuellement. Pourriez-vous nous faire quelques observations très rapidement, car j'ai encore trois ou quatre autres questions à vous poser?
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C'est exact, et malheureusement ils ont investi beaucoup d'argent dans cet endroit. Ils avaient reçu des subventions du gouvernement. Lors de l'épisode d'ESB, le gouvernement leur a donné 1 ou 1,5 million de dollars pour qu'ils abattent les vaches, parce que personne ne voulait le faire à cause de l'ESB.
Je me suis toujours demandé pourquoi il y avait eu des conséquences sur l'industrie du boeuf, parce que jamais je n'ai touché à une vache, que ce soit dans mon entreprise ou dans une autre où j'ai travaillé. Nous vendons du boeuf, nous ne vendons pas des vaches.
C'était un abattoir qui fonctionnait à plein régime mais maintenant ils ne sont en opération qu'à temps partiel. Ils peuvent travailler trois jours par semaine.
C'est parce qu'un inspecteur du MAAARO leur a rendu visite et leur a dit qu'ils avaient bien travaillé pendant toutes ces années et qu'ils avaient graduellement respecté tous les règlements... Voilà ce qui se passe: vous êtes conformes une année, mais l'année suivante vous ne l'êtes plus, parce qu'ils examinent maintenant les portes d'entrée, ou le type de détergent que vous utilisez, ou ils veulent savoir si vous avez assez d'éviers — vous en avez besoin de quatre ici, et maintenant, si vous faites de la cuisson, vous en avez besoin de quatre là-bas.
L'inspecteur leur a dit qu'ils avaient besoin d'un bureau. Ils lui ont répondu qu'ils pouvaient utiliser une partie de la remorque qu'ils utilisaient, et lui ont fourni un nouveau téléphone et un ordinateur dont ils n'avaient pas besoin parce qu'ils n'étaient pas assez occupés. L'inspecteur leur a dit qu'il avait besoin d'un bureau fermé. Il avait aussi besoin de sa propre toilette. Il y a quatre toilettes sur les lieux, mais il avait besoin d'une toilette privée. Juste au cas où c'était une femme inspecteur qui venait la semaine suivante, s'il était en vacances, elle aurait donc besoin d'une toilette privée; cela ne pouvait pas être une toilette mixte.
Il a aussi dit qu'il avait besoin d'une dînette. L'entreprise emploie 20 personnes, qui mangent à un certain endroit. Il ne pouvait pas manger au même endroit; il avait besoin de sa propre dînette. Il a aussi dit qu'il voudrait peut-être se laver en fin d'après-midi, alors il avait besoin d'une douche. En fait, il fallait deux douches, au cas où c'était une femme qui venait faire l'inspection pendant qu'il était en vacances.
Ils ont évalué que cela coûterait environ 75 000 $ pour construire ces installations, alors ils ont dit qu'ils en avaient assez et qu'ils ne le feraient pas; ils n'en feraient pas plus. Alors on leur a dit, c'est bien, maintenant vous ne pouvez fonctionner qu'à temps partiel. Et ils ont dû mettre à pied deux tiers de leur personnel.
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Merci pour tous ces exposés francs et directs. Je pense que cela démontre que le système que nous avons manque de gros bon sens. Il n'en a tout simplement pas.
Je pense qu'Alex a raison. Si l'on passe dans cette province de 420 à 175 abattoirs — ils créent des emplois, des marchés et un approvisionnement en produits locaux, et nous les perdons —, c'est d'après moi un exemple de bureaucratie hors de contrôle. Il s'agit surtout d'une question provinciale, mais je crois, monsieur le président, que nous devons agir même si c'est difficile. Nous ne voulons pas intervenir dans les affaires provinciales, mais il faut agir pour que la ministre provinciale comprenne qu'elle doit examiner la situation. Nous savons tous comment les bureaucraties fonctionnent et, dans ce cas, elles sont allées un peu trop loin.
De toute façon, j'ai deux questions.
Louis, vous avez parlé du porc. Vous avez dit qu'il faut régler la situation avant que le Parlement ajourne, et que le programme en place n'aide pas les producteurs. Je sais que le ministre, cette semaine — je pense que c'était cette semaine, ou peut-être la semaine dernière — a rejeté la demande de 30 $ par porc du Conseil canadien du porc, mais je maintiens que l'industrie porcine ne survivra pas si elle ne reçoit pas une aide ponctuelle. À quel genre d'aide pensez-vous?
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Je croyais arriver ici hier, mais j'ai été fortement retardé parce que deux agriculteurs juste à côté de nous, deux cousins qui travaillent ensemble et qui avaient 850 truies, avaient commencé à les euthanasier après que cette déclaration ait été prononcée. Ils ne pourront pas s'en tirer.
Nous avons l'impression qu'en Ontario, au moins 50 p. 100 feront faillite au cours des trois prochaines semaines. En vérité, depuis cette déclaration, les banques en ont assez, les gens du Crédit agricole en ont assez, et les fournisseurs d'aliments pour le bétail n'offriront plus de crédit. Les ventes devront se faire au comptant.
Nous savons tous ce qui s'est passé avec l'industrie automobile, et c'est un grave problème également, mais en réalité, vous savez, on peut fermer les portes, éteindre les lumières, et tout régler. L'industrie de l'automobile reprendra ses activités, mais on ne peut pas faire la même chose avec l'industrie porcine ou tout autre secteur du bétail. Si vous fermez vos portes, vous avez un grave problème parce que vous ne pouvez pas nourrir vos animaux, et vous irez en prison de toute façon. Si vous abandonnez vos opérations, quelqu'un vous poursuivra parce que vous n'avez pas respecté vos obligations financières, ou c'est la Société protectrice des animaux qui vous pourchassera parce que vous ne prenez pas soin des animaux. Mais si vous n'avez pas d'argent ni aucune façon de vous en occuper, vous ne pouvez rien faire, vous avez les mains liées, c'est un grave problème.
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Votre période est terminée.
À l'ordre, s'il vous plaît.
Sur le même sujet, monsieur Roesch, permettez-moi de vous poser une courte question.
Quand j'étais agriculteur, avant de me lancer en politique fédérale, je me sentais piqué au vif chaque fois que j'entendais parler des importations de boeuf provenant des États-Unis, de l'Argentine ou de l'Australie, car je suis moi-même éleveur de boeuf. Je pensais que ce n'était pas juste. Mais quand on se retrouve du côté gouvernemental, qu'on voit l'ensemble de la situation et qu'on se rend compte... Souvent, nous autres, agriculteurs, nous sommes accaparés par nos tâches quotidiennes; nous aimons ce que nous faisons, mais nous sommes parfois notre pire ennemi lorsqu'il s'agit de commercialiser notre production. Généralement, nous ne sommes pas très forts en commercialisation. Mais lorsqu'on voit le pourcentage réel de notre production de boeuf et de porc — et spécialement ces deux produits d'élevage, mais aussi, dans une moindre mesure, notre production d'agneau — qui part à l'exportation, comme nous produisons beaucoup alors que notre population est très modeste par rapport à la superficie du pays, nous avons ce... Lorsqu'on veut envoyer sa production vers d'autres pays et dans le monde entier, la dernière chose à faire est de fermer ses frontières.
En définitive, nous devons affronter la concurrence. Ma question est la suivante: pensez-vous que les contribuables doivent subventionner la surproduction? Lorsqu'on ne peut pas surpasser la concurrence et qu'on n'obtient pas un juste prix sur le marché mondial pour le produit qu'on vend, on se retrouve en difficulté. C'est comme au jeu. Parfois on gagne, parfois on perd.
Je ne fais pas d'ironie; le problème, c'est que si nous voulons exporter, nous devons affronter la concurrence. Nous avons actuellement un dollar qui augmente et nous savons tous que c'est la pire chose qui puisse arriver pour l'agriculture. Un dollar à 75 ¢, c'est parfait. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?