:
J'essaierai d'être bref.
[Français]
Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de me présenter devant vous ce matin, dans le cadre de votre étude sur la compétitivité du secteur agricole.
Je ne nomme Adam Fanaki et je suis le sous-commissaire principal intérimaire de la concurrence à la Direction générale des fusions du Bureau de la concurrence. Je suis accompagné par M. Morgan Currie, qui est sous-commissaire adjoint intérimaire de la concurrence à la Direction générale des fusions, et par Denis Corriveau, qui est l'agent principal en droit de la concurrence à la Direction générale des fusions.
[Traduction]
Nous avons été invités ici aujourd'hui pour parler de notre analyse des fusions survenues depuis 2005 dans le secteur canadien de la transformation de la viande et de la vente aux enchères de bétail. Plus spécialement, je parlerai de deux transactions récentes qui ont été examinées par le bureau, soit l'acquisition, en 2005, du groupe d'entreprises Better Beef par Cargill Limitée; et l'acquisition de Lakeside Packers par XL Foods en 2009.
Avant d'aborder ces transactions, cependant, j'aimerais commencer par donner au comité un aperçu du cadre législatif de la concurrence du Canada, ainsi que des récentes modifications qui ont été apportées à notre principale loi, la Loi sur la concurrence.
Le comité a déjà reconnu la compétitivité comme étant un enjeu central pour l'avenir de la productivité agricole et l'avenir des producteurs canadiens, et nous sommes heureux de pouvoir aider le comité dans ses délibérations sur cet important sujet.
En 2007, le comité a recommandé un certain nombre de modifications à la Loi sur la concurrence. Nous sommes heureux de constater que le gouvernement a récemment apporté d'importantes modifications à cette loi, tenant compte de plusieurs des recommandations du comité de même que celles du Groupe d'étude sur les politiques en matière de concurrence. Ces changements, et d'autres modifications aux dispositions de la Loi relative aux affaires civiles et criminelles, de même qu'aux fusions, amélioreront l'efficacité et l'efficience de l'application de la Loi sur la concurrence du Canada.
En ce qui a trait au processus d'examen des fusions, il convient de souligner en premier lieu que les acquisitions d'actions ou d'actifs ou les fusions qui dépassent certains seuils financiers doivent être signalées au Bureau de la concurrence avant la clôture de la transaction. Le bureau examine ces transactions afin de déterminer si elles risquent d'empêcher ou de réduire sensiblement la concurrence sur le marché donné. Si le bureau détermine qu'une fusion va probablement empêcher ou réduire sensiblement la concurrence, la ou le commissaire peut chercher à obtenir un correctif, soit en négociant avec les parties, soit en portant la cause devant le Tribunal de la concurrence. Dans tous les cas, l'objectif du bureau est de protéger la concurrence sur le marché.
On ne saurait trop insister sur l'importance d'examiner rapidement mais à fond les fusions sur la base solide de principes économiques et de faits convaincants. En résumé, le fait de bien examiner les fusions pour déterminer quelles transactions devraient être contestées et lesquelles devraient être autorisées a d'importantes incidences sur l'économie canadienne.
Les modifications récentes à la loi améliorent l'efficience du processus d'examen des fusions en créant un mécanisme plus efficace qui permet d'obtenir toute l'information nécessaire pour procéder à l'examen des fusions qui soulèvent d'importantes préoccupations en rapport avec la concurrence, et la réduction du nombre de fusions pour lesquelles il est nécessaire d'informer à l'avance le Bureau de la concurrence. J'insiste sur le fait que ces modifications seront liées au processus d'examen des fusions. Pour l'essentiel, notre cadre d'examen des fusions demeure le même, y compris l'analyse économique effectuée par le bureau pour évaluer l'effet des fusions sur la concurrence.
En plus des changements accordés au processus d'examen des fusions, le projet de loi C-10 a donné lieu à plusieurs autres changements visant la Loi sur la concurrence, dont des modifications des dispositions sur les complots qui permettent de réagir plus efficacement aux formes les plus abusives d'ententes collusoires, sans dissuader les entreprises de prendre part à des alliances, des coentreprises ou d'autres formes de collaboration potentiellement bénéfiques. L'une de ces modifications, qui répond à une recommandation qu'a faite ce comité, permet au Tribunal de la concurrence d'infliger des sanctions administratives pécuniaires pour abus de position dominante. En plus, pour assurer une plus grande flexibilité des stratégies innovatrices d'établissement des prix et de remise, les infractions criminelles concernant certaines politiques de prix ont été abrogées.
J'aimerais maintenant expliquer spécifiquement les fusions dont le comité nous a demandé de parler aujourd'hui, à commencer par celle, survenue en 2005, entre Cargill et Better Beef. Cette transaction prévoyait l'acquisition du groupe d'entreprises Better Beef, une usine intégrée de transformation du boeuf située à Guelph, en Ontario, par Cargill Limitée, qui possède une usine intégrée de transformation du boeuf située à High River, en Alberta. Dans le cadre de notre enquête sur cette fusion, nous avons demandé et obtenu des ordonnances de la cour exigeant que Cargill, Better Beef et des entreprises concurrentes de transformation du boeuf produisent des documents pertinents et des déclarations écrites faites sous serment. Nous avons aussi eu des entrevues et obtenu de l'information de propriétaires de parcs d'engraissement, d'agriculteurs, d'associations de l'industrie, de courtiers en bovins, de détaillants d'épicerie, de même que de représentants du gouvernement fédéral et de certains gouvernements provinciaux. Nous avons obtenu les services de deux experts indépendants — un spécialiste des questions économiques liées à l'agriculture et un spécialiste de l'organisation industrielle — pour nous aider à examiner la transaction.
L'analyse que faisait le bureau de la transaction entre Cargill-Better Beef était axée sur l'impact potentiel de la fusion sur trois aspects différents des activités des partis fusionnés: la concurrence à l'égard de l'offre de boeuf en caisse; la concurrence au chapitre de l'offre de produits du boeuf prêts à vendre au détail et la concurrence touchant l'approvisionnement en bétail.
L'un des principaux enjeux de notre enquête était de circonscrire le marché géographique pertinent, c'est-à-dire la région à l'intérieur de laquelle les produits se font concurrence. Par exemple, l'une des questions évaluées consistait à déterminer si le marché visé par l'offre de boeuf en caisse se limitait au Canada ou à une partie du pays, ou si le marché visé était plus vaste et englobait des fournisseurs de boeuf américains pouvant être considérés comme des concurrents des fournisseurs du Canada. Cet aspect influait sur notre examen visant à déterminer si les entités fusionnées pouvaient être considérées comme faisant face à de la concurrence de fournisseurs situés uniquement au Canada ou si les fournisseurs des États-Unis leur font aussi concurrence.
En ce qui concerne l'offre de boeuf en caisse, on a confirmé qu'en août 2003, quand la frontière américaine a été rouverte aux exportations de boeuf désossé provenant de bovins âgés de moins de 30 mois, un marché nord-américain du boeuf en caisse a été rétabli. De fait, les clients canadiens qui achètent du boeuf en caisse ont clairement fait savoir que les fournisseurs américains faisaient eux aussi concurrence aux fournisseurs canadiens de boeuf en caisse. Dans le contexte de marché géographique aussi vaste pour la vente de boeuf en caisse, nous avons conclu que l'acquisition de Better Beef ne soulevait pas de questions liées à la concurrence sur le marché en aval de l'offre de boeuf en caisse, car l'entité fusionnée continuera d'affronter une importante concurrence de la part des fournisseurs de boeuf en caisse situés au Canada et aux États-Unis.
Le bureau a aussi examiné l'impact potentiel sur la concurrence de la fusion au chapitre de l'offre de produits de boeuf prêts à vendre au détail, c'est-à-dire du boeuf en caisse qui est découpé, transformé et conditionné en portions convenant pour les étalages et la vente au détail. À ce sujet, nous avons conclu que les détaillants avaient suffisamment de pouvoir compensateur, y compris la capacité de découper eux-mêmes leur viande et de contrer toute tentative de l'entité fusionnée d'exercer une emprise sur le marché.
La troisième question importante que nous avons évaluée consistait à déterminer si la fusion pouvait empêcher ou réduire sensiblement la concurrence au chapitre de l'achat de bétail. Nous avons concentré notre examen sur les bovins engraissés âgés de moins de 30 mois. Le critère imposé par la loi exige que nous déterminions si la transaction peut permettre à l'entreprise fusionnée de réduire profitablement le prix des bovins à un niveau inférieur au prix du marché concurrentiel pendant une longue période.
Je le répète, la principale question à laquelle nous devons répondre dans le cadre de l'analyse de l'effet de cette fusion sur l'approvisionnement en bétail consiste à déterminer quel est le marché géographique pertinent au chapitre de l'approvisionnement en bovins engraissés. Dans ce contexte, ce qui compte, c'est la capacité des vendeurs de bétail de transférer une quantité suffisante de leurs ventes de bovins d'abattage d'un endroit à un autre, en réaction aux variations des écarts de prix entre les deux régions. Nous avons dû déterminer où les fournisseurs canadiens de bétail vendent leurs bovins — par exemple, si les fournisseurs canadiens pouvaient vendre des bovins gras à des transformateurs de boeuf situés aux États-Unis — et nous avons également examiné si les parties à la transaction se livraient concurrence au chapitre de l'achat de bétail.
La définition du marché géographique pertinent exigeait aussi que nous déterminions la mesure dans laquelle l'abattoir de Better Beef à Guelph achetait des bovins engraissés dans l'Ouest du Canada et pouvait influer sur les prix dans cette région. Comme l'usine de Better Beef se trouvait à Guelph, une attention particulière a été accordée aux répercussions potentielles de la fusion au Manitoba. Afin d'élucider cette question, nous avons examiné des éléments de preuve liés au mouvement des bovins d'une province à l'autre et de part et d'autre de la frontière avec les États-Unis, les données sur l'approvisionnement d'origine des principaux transformateurs canadiens, les coûts de transport et les données sur les prix des périodes antérieures et postérieures à la crise de l'ESB.
La preuve a établi que les deux usines de transformation du boeuf des parties à la transaction achetaient des bovins dans des marchés géographiques distincts. Nous avons conclu qu'il y avait deux marchés géographiques pertinents pour les fournisseurs de bétail: il y a celui qui comprend les provinces de l'Ouest du Canada, y compris le Manitoba, et certains États des plaines du Nord des États-Unis; et celui formé de l'Est du Canada et de certains États du Nord-Est des États-Unis.
Je vois que le président me fait signe d'abréger. Vous avez devant vous l'intégralité de mes observations dans notre document, mais peut-être puis-je poursuivre et parler brièvement de la prochaine fusion avant de terminer.
La seconde fusion que nous avons examinée était entre XL Foods et Lakeside. Le bureau a procédé à un examen très complet de cette affaire, interrogeant plus de 50 participants du secteur dans l'Ouest canadien. Comme avec l'autre fusion, l'un des principaux enjeux était le marché géographique pertinent pour l'acquisition de bétail. Comme pour notre examen de la transaction Cargill-Better Beef, nous avons conclu que le marché géographique pertinent pour l'acquisition de bétail était l'Ouest canadien et certains États de plaines du Nord des États-Unis. À la suite de notre enquête de la transaction XL-Lakeside, nous étions aussi d'avis que les transformateurs américains situés dans les États du Nord-Ouest et du Midwest, aux États-Unis, représentaient des alternatives concurrentielles pour les producteurs de bovins de l'Ouest canadien. Les participants du secteur ont confirmé que les transformateurs des États-Unis achetaient d'importants volumes de bovins d'abattage et continueraient d'avoir une influence sur les prix payés aux producteurs de bétail canadiens après la fusion.
L'une des questions qui ont été examinées a été l'impact potentiel de la loi MCOOL. Nous avons décidé que nous devrions continuer de surveiller le secteur et réévaluer l'impact de la transaction sur la concurrence quand nous aurons davantage de détails sur la mise en oeuvre de la loi MCOOL. À cet égard, le bureau communique toujours régulièrement avec divers représentants officiels et participants de l'industrie pour continuer d'évaluer l'incidence de la loi MCOOL.
À la fin de février, nous avons annoncé que, pour le moment, nous ne contesterions pas la transaction entre XL et Lakeside. Cependant, nous avons clairement fait savoir aux parties et au public que nous continuerons à surveiller le secteur et à réévaluer l'impact de la transaction sur la concurrence, à la lumière de tout fait nouveau lié à la loi MCOOL. Les membres du comité peuvent être assurés que le bureau n'hésitera pas à prendre les mesures correctives appropriées si son évaluation devait révéler que la transaction a empêché ou réduit sensiblement la concurrence ou aura vraisemblablement cet effet.
En conclusion, les producteurs agricoles et les Canadiens en général peuvent être assurés que le bureau prend très au sérieux son travail dans ce domaine et reconnaît l'importance de la concurrence comme principal moteur de la croissance, de la productivité et de l'innovation dans le secteur agricole.
Je vous remercie et je répondrai volontiers à vos questions.
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Peut-être aurons-nous le temps d'y revenir, mais j'aimerais passer au sujet de la potasse. Nous y reviendrons peut-être.
Monsieur le président, comme vous le savez, une question dont nous entendons beaucoup parler est le prix de la potasse et la position dominante de trois compagnies du monde qui gèrent nettement l'approvisionnement pour répondre à la demande — je dis bien qui gèrent nettement l'approvisionnement pour répondre à la demande.
Lors d'un appel conférence, Bill Doyle, le premier dirigeant de Potash Corporation, au premier trimestre de 2009... Il a en fait admis gérer l'approvisionnement pour répondre à la demande. Il a dit, et je cite une traduction libre:
Compte tenu de la faiblesse des conditions du marché, nous avons la possibilité d'exercer l'élément défensif de notre stratégie et de faire correspondre la production de potasse avec la demande, selon les besoins. Cette réponse aux fluctuations à court terme de la demande de potasse est la même stratégie qui assure notre succès depuis maintenant plus de 20 ans.
Nous avons entendu ici des représentants de la compagnie d'engrais, il y a un an, qui disaient que les prix de la potasse étaient élevés, qu'ils ne pouvaient vraiment rien y faire tant que de nouvelles mines ne pourraient pénétrer le marché, dont l'une qui est en Russie et l'autre en Saskatchewan.
Ensuite, il y a eu la récession et le recul des prix des matières premières. Soudainement, des travailleurs des mines, en Saskatchewan et ailleurs ont été mis à pied pour gérer l'approvisionnement — et non pas parce que les mines n'étaient pas rentables. Elles l'étaient. Leurs profits n'étaient tout simplement plus aussi faramineux. C'est la réalité.
J'aimerais lire aux fins du compte rendu la traduction libre d'un extrait d'une lettre d'un ancien ministre, Eugene Whelan. Il se disait inquiet au sujet de la potasse:
La recherche m'a amené à croire qu'il y a collusion entre les producteurs de potasse du monde. Ces producteurs ont pu créer une pénurie d'approvisionnement sur le marché mondial et, en même temps, d'obtenir des prix prohibitifs pour le produit. Quand on compare le prix du marché au coût de production de la potasse, ce n'est pas comparable... À mon avis, le prix d'achat actuel d'une tonne de potasse pourrait être au plus de 250 $, et pourtant, quand j'ai parlé à un fournisseur local d'engrais, il m'a cité le prix de 1 035 $ la tonne.
Il découle des actions des compagnies d'engrais que ce produit essentiel pour la production d'aliments est vendu à un coût prohibitif et bien des agriculteurs n'ont pas les moyens de le payer. Les producteurs de potasse disent qu'il n'y a pas de demande pour le produit et ont mis à pied les mineurs. La production de potasse a été réduite.
Tout cela a des effets réels. S'il y a collusion entre ces compagnies...
Maintenant, M. Doyle n'est pas sous-payé. Il a touché en 2007 un salaire de 324 millions de dollars, en plus des primes. C'est un salaire assez important. C'est le premier dirigeant le mieux payé du pays, et de loin.
Il se passe quelque chose, messieurs, avec les compagnies de potasse du monde. Avez-vous des recommandations à nous faire? Peut-être pourriez-vous vous pencher sur la question, au Bureau de la concurrence du Canada, je ne sais pas, mais de plus en plus, il y a collusion, à l'échelle mondiale, entre les entreprises, ce qui soit fait monter les prix pour les agriculteurs du côté des intrants, soit réduit les prix que reçoivent les agriculteurs du côté de la production. Il faut y mettre un terme.
Auriez-vous des recommandations à faire, ou pouvez-vous nous dire ce qui est en votre pouvoir?
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Je pourrais essayer — en laissant de côté la question des salaires — de parler de ce que fait la Loi sur la concurrence et de ses dispositions. Je ne peux parler du cas particulier de la potasse ni des divers autres éléments que vous avez abordés dans votre question.
Il est important, je pense, que l'on reconnaisse que ces prix élevés, en soi, ne sont pas en contravention avec la Loi sur la concurrence. Je comprends que les Canadiens s'inquiètent, à juste titre, de voir les prix monter, mais il est important de rappeler que les entreprises sont généralement libres de fixer leurs propres prix, à n'importe quel niveau, tant que le marché peut le supporter.
Ce dont se soucie le Bureau de la concurrence, cependant, et ce à quoi s'applique la loi, c'est lorsque ces prix élevés sont la conséquence d'une contravention à la loi, comme les accords de fixation des prix entre compétiteurs. Les réformes qui ont récemment été proposées avec le projet d loi C-10 constitueraient notamment un mécanisme plus efficace pour lutter contre ces formes plus flagrantes d'ententes collusoires, comme les ententes de fixation des prix entre entreprises, qu'elles soient conclues au sein du Canada ou en dehors, et qui ont une incidence sur le Canada.
Je dirais qu'une réponse partielle, au moins, à votre question, c'est que dans la mesure où ces prix élevés sont la conséquence d'une infraction à la loi sous forme d'accord de fixation des prix entre sociétés concurrentes, nous avons, par les modifications proposées récemment avec le projet de loi C-10, un moyen efficace de lutter contre ces formes d'ententes collusoires.
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En parlant de position dominante, ce qu'on vient d'entendre est assez scandaleux. M. Easter rapportait les propos qui ont été entendus lors de cette conférence téléphonique à laquelle était présent le grand patron de la compagnie PotashCorp.
Toutefois, j'aimerais poursuivre avec un autre dossier, toujours lié à la question de position dominante. Récemment, chez nous et un peu partout au Québec et au Canada, beaucoup de petits producteurs, de fournisseurs et de petits transformateurs ont reçu une lettre de la part des épiciers Loblaws. Ceux-ci les informaient que leur association était maintenant terminée, à moins qu'ils ne soient capables de s'inscrire sur la liste du registre des articles de leur entrepôt. Ainsi, par exemple, la miellerie de ma circonscription, qui fournissait Loblaws qui n'était qu'à quelques kilomètres de distance, devra dorénavant envoyer une grande quantité de miel à l'entrepôt de Toronto et payer les frais afférents pour être inscrite au registre des articles de l'entrepôt. On compte à peu près 500 producteurs, petits transformateurs et fournisseurs au Canada qui ont reçu cette lettre et qui ne sont maintenant plus capables de vendre leurs produits sur les tablettes de Loblaws.
Pourtant, on est à une ère où on dit qu'on encourage le marché de proximité, qu'on veut contrer les impacts des gaz à effet de serre provenant du transport et qu'il vaut mieux favoriser le plus possible l'achat de produits locaux— évidemment, quand c'est possible.
Or une compagnie comme Loblaws occupe 75 p. 100 du marché avec Sobeys. Ces gens sont impuissants face à ces puissances du marché économique agroalimentaire.
Même les représentants d'épiciers indépendants sont venus ici à plusieurs reprises pour nous dire à quel point cette situation inacceptable leur causait également des problèmes. Ils nous aussi ont dit que le Bureau de la concurrence pourrait intervenir, d'autant plus que des modifications ont récemment été apportées à la loi. Une telle intervention mettrait un peu de plomb dans la tête des gens de ces grandes entreprises qui ne semblent pas penser qu'aujourd'hui, il faut préférer l'achat local. Ils doivent avoir toutes sortes de raisons qui leur sont propres, sans doute des raisons de profitabilité. Il n'y a sûrement pas d'autres raisons que celles-là.
J'aimerais savoir si l'on interprète bien la loi. Quand des sanctions sont prévues dans des situations de position dominante comme celle-ci où l'on vient interférer dans le marché, le Bureau de la concurrence a-t-il les pouvoirs nécessaires pour agir?
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La motion est la suivante:
Que le Bureau de la concurrence du Canada reçoive instruction de fournir dans les deux langues officielles les documents requis aux termes de la motion adoptée le 24 mars 2009 par le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire; et que les documents soient envoyés à la greffière du comité au plus tard le 18 septembre 2009.
Je vais expliquer brièvement l'objet de cette motion. Il y a environ deux mois, notre comité avait adopté une motion ordonnant au Bureau de la concurrence de remettre, au moins quatre jours avant leur comparution ici, des copies de n'importe quelle étude et document d'information ou d'analyse concernant l'approbation ou le rejet de toutes les ventes, fusions et acquisitions d'installations d'abattage, d'emballage et de transformation de la viande et d'installations de vente aux enchères de bétail au Canada entre 2005 et maintenant.
Maintenant, d'après ce que j'ai compris, vous avez remis au comité environ 800 pages constituées, qui sont surtout des ordonnances de la cour et des produits de ces ordonnances, sans traduction. De toute évidence, la règle empêche la distribution de ces documents. J'ai discuté avec la greffière de la nature des documents, et apparemment il ne s'y trouverait ni étude, ni document d'information ou d'analyse. Autrement dit, ce n'est pas ce que nous avions demandé dans notre motion.
La motion reprend, en gros, ce que j'avais demandé pour septembre. C'est là simplement l'objet de ma démarche.
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Par cette question, vous soulevez en fait des problèmes qui relèvent des dispositions relatives à l'abus de position dominante de la Loi sur la concurrence. Laissez-moi parler brièvement des « mesures coercitives ». Comme je l'ai indiqué, cette disposition a récemment été modifiée en vertu du projet de loi C-10 afin d'autoriser le tribunal à imposer des sanctions administratives pécuniaires à hauteur de 10 millions de dollars, et ce, afin d'assurer une meilleure conformité à la disposition sur l'abus de position dominante.
Le reste de votre question concerne toutefois deux autres problèmes, dont un a trait à ce que nous appelons les frais d'étalage, les indemnités de listage ou d'autres restrictions sur l'espace alloué sur les tablettes des épiceries. L'autre aspect concerne ce que j'appellerais des rabais de fidélisation ou des avantages d'exclusivité. Permettez-moi d'expliquer un instant la manière dont la loi aborde ces pratiques, toujours dans un contexte général, sans parler d'entreprises ou de problèmes en particulier. Ces informations figureront dans les lignes directrices; donc, si des explications supplémentaires sont nécessaires, elles s'y trouveront.
Lorsqu'une entreprise ou un groupe d'entreprises bénéficie d'une position dominante sur un marché, les lignes directrices stipulent que l'imposition de frais en échange d'espace sur les tablettes, étant donné que cet espace n'est pas illimité, peut avoir pour effet d'exclure certains concurrents ou catégories de concurrents. Lorsqu'une entreprise jouissant d'une position dominante impose de telles restrictions, il est à craindre qu'elle tente d'acquérir l'exclusivité ou d'accaparer suffisamment d'espace de tablette pour empêcher ses concurrents de percer le marché ou d'y élargir leur présence. La question est traitée plus en détails dans les lignes directrices comme telles.
Pour ce qui est maintenant de l'exclusivité — et je déteste avoir l'air de ressasser la même rengaine —, c'est un aspect examiné de manière assez détaillée. Selon les lignes directrices, les ententes accordant des rabais de fidélisation ou une exclusivité pourraient avoir pour effet de fermer le marché, de nuire à la concurrence ou de faire en sorte qu'il soit bien plus difficile de percer le marché. Lorsqu'une entreprise ayant une position dominante agit de la sorte avec l'intention d'exclure ses concurrents et avec pour conséquence de réduire sensiblement la concurrence, le tribunal pourrait entreprendre des démarches contre elle.
Essentiellement, c'est le genre de...
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Monsieur Fanaki, je vous remercie beaucoup de témoigner aujourd'hui.
Nous avons recueilli les commentaires d'un certain nombre de témoins, particulièrement de petits agriculteurs qui se sentent, dans une certaine mesure, dominés par de grandes sociétés, qu'elles contrôlent les intrants qui entrent dans leur exploitation ou, à l'autre extrémité du processus, la transformation et la distribution.
On peut donner comme exemple la position dominante dont bénéficient certaines entreprises de transformation et de distribution, peut-être Cargill et d'autres grandes sociétés, qui disposent de leur propre parc d'engraissement et approvisionnent leur propre bétail; ces entreprises réussissent à prendre une telle expansion que, comme le fait souvent valoir M. Easter, 3 500 à 3 600 fermes disparaissent chaque année.
Lorsque vous examinez ces fusions, considérez-vous ce que pourraient faire ces grands distributeurs et transformateurs après les faits?
Vous y avez peut-être fait déjà allusion en répondant à la question de M. Horback, mais pouvez-vous imposer des conditions sévères et peut-être impératives dans le cadre de ces fusions afin d'empêcher les intéressés de se conduire d'une certaine manière ultérieurement, et ce, pour que les petits exploitants ne soient pas laissés pour compte ni pénalisés?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Ce que les membres du comité vous disent, c'est qu'ils sont très inquiets parce que les agriculteurs subissent bien des contrecoups, ce qui influe sur le prix des intrants et sur leurs ventes. Ce sont eux les perdants dans tout cela. On vous le dit sous diverses formes, en abordant différents sujets.
J'aimerais revenir sur la question de la potasse, parce que les agriculteurs ont de sérieuses préoccupations en ce qui concerne les prix de la potasse, ainsi que l'offre et la demande.
M. Doyle, président-directeur général de PotashCorp, a fait des déclarations. Vous les avez probablement déjà lues, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Il a parlé, par exemple, de faire correspondre la production de potasse à la demande. Il a parlé de générer de la valeur, ce qui signifie en fait de maintenir les prix élevés et d'assurer une production suffisante à l'avenir. Il précise que nous traversons une période difficile et qu'il ne veut pas se précipiter du haut d'une falaise. Je le comprends. Personne ne souhaite que sur le plan de la production, une entreprise fonctionne à plein régime quand elle dévale une falaise. Les gens et les entreprises doivent s'adapter.
Mais je pense qu'il y a une limite à partir de laquelle les gens commencent à sentir qu'ils se font exploiter, que les prix sont trop élevés pour la conjoncture et que cela nuit considérablement à leurs activités agricoles. Je pense que nous en sommes déjà là, d'après ce que nous avons entendu ici au comité et d'après ce que j'ai moi-même entendu. Je sais que c'est difficile à analyser, car les entreprises sont autorisées à ajuster leur production et à fixer leurs prix. Il y a les conditions du marché. Toutefois, comme je l'ai dit, il vient un moment où les gens commencent à poser des questions, à demander des justifications et à dire que c'est inacceptable.
En fait, on a diminué la production pour maintenir les prix élevés, et cela a un tel impact qu'on craint beaucoup que les agriculteurs n'achètent pas de potasse ou en achètent très peu la saison prochaine. J'ai même lu des articles dans les revues agricoles dans lesquels on encourage les agriculteurs en leur disant: « N'arrêtez pas d'acheter de la potasse, parce que cela va avoir des conséquences sur votre rendement et sur la qualité du produit. » C'est une préoccupation bien réelle, et une conséquence naturelle de la situation actuelle.
J'aimerais vous poser deux questions simples et directes. Comment trouvez-vous la stratégie de PotashCorp et les déclarations de son président-directeur général? Que pensez-vous de ce qu'il a dit et de ce que fait l'entreprise?
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Je vais vous donner un aperçu des réformes proposées dans le projet de loi C-10 en vous parlant brièvement des changements et de leurs effets sur l'application de la loi.
Le premier changement n'entrera pas en vigueur avant environ un an; c'est la modification, dans la Loi sur la concurrence, de la disposition qui porte sur les cartels et les complots. Elle vise à réagir plus efficacement aux formes les plus abusives d'ententes collusoires — c'est-à-dire des ententes entre concurrents pour fixer les prix, attribuer des parts du marché ou diminuer la production —, sans dissuader pour autant les entreprises de prendre part à des alliances, des co-entreprises ou d'autres formes de collaboration potentiellement bénéfiques.
La décriminalisation des dispositions sur la fixation des prix va donner aux entreprises une plus grande souplesse pour adopter des stratégies innovatrices d'établissement des prix et de remise. L'ajout de sanctions administratives pécuniaires pour abus de position dominante, conformément à la recommandation du comité, va favoriser un plus grand respect de cette disposition.
Nous avons également un nouveau processus d'examen des fusions, qui permet de mettre en place un mécanisme plus efficace pour obtenir toute l'information nécessaire des parties à la fusion et réduit le nombre de transactions pour lesquelles il est nécessaire d'informer à l'avance le Bureau de la concurrence.
En général, on a alourdi les sanctions prévues dans les dispositions sur les comportements criminels afin de favoriser une plus grande conformité à ces dispositions.
Messieurs, avant que nous nous quittions, j'aimerais vous dire qu'il y a bon nombre de choses qui ont été dites aujourd'hui qui me préoccupent. Vos témoignages alimentent les suggestions et les recommandations contenues dans le rapport du comité. Je constate qu'il y a un thème commun et un avis partagé par la plupart des membres du comité.
J'aimerais savoir quels sont les pouvoirs législatifs ou réglementaires qu'il vous faut pour accroître la concurrence dans les quatre domaines qui touchent le plus l'agriculture, à savoir les secteurs de l'essence, des engrais, du conditionnement et de l'élevage du bétail proprement dit. Nous savons tous que le fait de posséder du bétail n'est pas illégal, mais les abattoirs peuvent ainsi fixer le prix du marché, que ce soit intentionnel ou non. Il faut donc apporter des changements pour rectifier la situation. Je ménagerai mes propos, mais nous savons tous que le secteur des engrais jouit d'une très belle marge. Nous avons entendu des représentants du secteur qui l'ont pratiquement avoué. Pour moi, c'est de l'arnaque. Il nous faut des règles.
Les épiceries sont un autre joueur qui influe non seulement sur les agriculteurs, mais également sur les consommateurs. J'aimerais savoir quels seraient les pouvoirs nécessaires pour éliminer la capacité des épiceries de facturer l'espace d'étalage. À mon avis, c'est semblable aux rackets du bon vieux temps, lorsque les gangsters locaux allaient dans chacun des commerces de la ville pour demander des paiements de protection. À mon avis, c'est de l'extorsion légalisée. J'espère que je jouirai du soutien de tout le comité aujourd'hui. Ce que je recherche, c'est une recommandation à l'intention du gouvernement pour limiter cette pratique.
Enfin, le projet de loi C-10 vous accorde-t-il les pouvoirs nécessaires relativement aux problèmes que j'ai décrits? Je crois que ce n'est peut-être pas le cas, mais c'est déjà une grande amélioration. Si la réponse est non, quels seraient les pouvoirs supplémentaires dont vous auriez besoin pour rectifier certains de ces problèmes? Pouvez-vous nous donner votre avis aujourd'hui, et ensuite nous écrire au courant des 10 prochains jours afin que nous puissions inclure votre réponse dans notre rapport?