:
Au Syndicat national des cultivateurs, nous en sommes arrivés au point où nous commencions à nous demander ce qui était arrivé à l'industrie bovine. Qu'est-ce qui se passe? Je vais vous raconter quelque chose. Un jour, à mes débuts, tout près de la circonscription du président, qui se trouve derrière ma ferme, je revenais de réparer une clôture qui avait été endommagée pendant un orage. J'étais sur un genre de petite corniche, et je regardais, en bas, notre bétail. L'idée m'a traversé l'esprit que si mon grand-père avait eu un troupeau de cette taille, il aurait eu le sentiment que ses affaires allaient bien. Pourtant, je devais me dépêcher parce que je devais aller me laver et me rendre à mon travail à l'extérieur de la ferme pour être en mesure de payer les factures de notre exploitation agricole. J'ai pris conscience du fait que quelque chose n'allait pas, et cela a déclenché une discussion générale à l'UNF à propos de la situation dans l'industrie bovine. Qu'est-ce qui s'est passé, et comment en sommes-nous arrivés là?
L'une des choses que nous avons faites, et je vous renvoie au premier graphique de notre document de présentation, consistait à examiner l'évolution de l'établissement des prix dans le temps. Le graphique que vous avez sous les yeux illustre quelque chose qui n'avait jamais été fait auparavant au Canada. Ce graphique montre le rajustement des prix en fonction de l'inflation ou du pouvoir d'achat. Pour expliquer en quoi consiste le pouvoir d'achat, je vais me référer à mon grand-oncle Bill Engel, qui vivait à Elmwood, et qui était donc un électeur de la circonscription du président. Il a vécu presque 100 ans. Il avait l'habitude de dire que, lorsqu'il était jeune, il devait travailler toute une journée pour pouvoir se payer une paire de souliers. Une journée de salaire équivalait approximativement au prix d'une paire de souliers. Aujourd'hui, c'est à peu près la même chose: le salaire d'une bonne journée de travail équivaut au prix d'une paire de souliers. Les montants ont changé, mais le pouvoir d'achat est demeuré le même. Toutefois, cela ne s'applique pas au bétail.
Au moment d'élaborer ce graphique, nous avons constaté qu'il y avait trois périodes distinctes. Le graphique couvre la période qui commence au milieu de la Crise de 1929 jusqu'à aujourd'hui. Vous pouvez constater, et j'y reviendrai, que ce laps de temps contient trois périodes distinctes. Je répète que tous ces prix sont corrigés en fonction de l'inflation, de manière à ce que le prix de l'animal en 1936 équivaille au prix de l'animal en 1986 et en 2006. De cette façon, nous pouvons comparer des pommes avec des pommes. Nous pensions qu'il était important d'effectuer cette analyse parce que nous n'avons jamais véritablement abordé ce genre de questions de cette manière au Canada. Nous ne nous étions jamais réellement penchés sur ce qui s'était passé dans le portefeuille des fermiers.
Je vais être honnête avec vous. Nous avons refait ce graphique plusieurs fois parce que nous croyions qu'il n'était pas exact. Nous doutions de nos propres données. Il nous semblait trop simple que la courbe soit fractionnée de cette manière. Nous nous attendions à observer un déclin à la suite des événements liés à l'ESB. Nous avons entrepris ce travail sans poursuivre d'objectifs précis. Nous voulions simplement savoir. Nous n'avions aucune idée préconçue. Nous nous retrouvons ainsi avec trois périodes, et c'est de cela dont nous allons parler.
Nous avons d'abord la période de la Crise de 1929 et, comme vous pouvez le voir, les prix étaient essentiellement très bas et ont recommencé à grimper jusqu'à 150 $ ou 140 $ le quintal. Il y a ensuite une période de stabilité relative qui s'étend de 1942 à 1989. Les prix montent et descendent, il y a des sommets et des creux, puis l'épisode de fièvre aphteuse, qui donne lieu à une chute importante. Toutefois, pour l'essentiel, les prix se maintiennent dans cette fourchette, et vous pourrez voir, dans le haut du graphique, l'endroit où nous avons tracé une ligne au surligneur.
Puis, en 1989, un changement se produit. Nous pouvons voir que la zone normale commence à se situer au-dessous de la partie inférieure de la zone normale habituelle, de sorte que même le sommet de notre nouvelle zone normale se situe au-dessous du niveau inférieur de l'ancienne zone normale. Par la suite, nous avons commencé à examiner ce qui s'est produit en 1989, et comment les choses se déroulent depuis ce temps.
:
Comme Grant l'a mentionné, lorsque nous avons jeté un premier coup d'oeil à ces chiffres, nous pensions nous être trompés puisque nous n'avions pas considéré l'année 1989 comme un point tournant en ce qui a trait à notre bien-être économique, mais c'est bel et bien ce que le graphique nous montre.
Que s'est-il produit en 1989? Quelques événements importants sont survenus, et nous estimons qu'ils sont liés. Tout d'abord, Cargill s'est installé au Canada et a ouvert sa plus grande usine en Alberta. L'arrivée de Cargill a complètement modifié la structure de l'industrie bovine au Canada. Certains changements se sont produits dans l'immédiat. Dans ce nouveau système, des entreprises ont commencé à fermer leurs portes. Des entreprises qui existaient avant 1989 ont disparu. Nous avons perdu Burns, nous avons perdu Swift Canadian, nous avons perdu Intercontinental, et ainsi de suite. À présent, en Alberta seulement, il n'y a plus que trois usines inspectées par le gouvernement fédéral, alors qu'il y en avait 17 auparavant. À l'heure actuelle, certaines usines abattent 28 000 bovins par semaine, alors que dans le passé, la capacité d'abattage maximale était de 2 800 bovins par semaine. C'est de cette manière que l'industrie s'est restructurée: à l'étape de la transformation.
À l'heure actuelle, en Ontario seulement, la restructuration des trois dernières décennies a fait en sorte que cette province passait de 17 usines de taille moyenne inspectées par le gouvernement fédéral en 1974 à sept usines, et ce chiffre est à présent encore plus bas.
Iowa Beef Packers a également fait son entrée sur le marché. Cette entreprise a repris une usine avant de la revendre à Tyson.
Par conséquent, toute la structure a changé.
Puis, il y a eu l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, qui a donné lieu à une réorganisation de la manière d'effectuer le commerce des bovins en Amérique du Nord. Nous sommes passés d'un système d'approvisionnement canadien est-ouest à un système continental et intégré. L'exportation était au goût du jour. Nous avons dû accroître la production pour satisfaire aux exigences en matière d'exportation, en plus de devoir faire face à la concentration des entreprises qui battait son plein à son moment-là.
Au cours de la même période, nous avons assisté au lancement d'une autre nouveauté, une chose inédite, à savoir l'approvisionnement captif, qui permettait à des abattoirs américains de posséder ou de contrôler d'importantes quantités de bétail. Cette pratique a doublé depuis 1989, et a également fait son entrée au Canada.
À la page 7 du document que nous vous avons remis se trouve un graphique qui indique à quoi ressemblait l'industrie canadienne de l'abattage vendredi matin de la semaine dernière. Les trois principaux acteurs de l'industrie sont Tyson, Cargill et XL Foods, qui est la propriété de Nilsson Bros. Group. Ces trois entreprises détenaient 80 p. 100 de la capacité d'abattage totale du Canada, mais détenaient au moins 95 p. 100 de la capacité d'abattage des bovins gras.
Le graphique qui se trouve à la page 8 illustre la situation de l'industrie à 15 heures vendredi dernier, à la suite de la décision rendue par le Bureau de la concurrence du Canada. À présent, deux abattoirs, Cargill et XL, contrôlent 80 p. 100 de la capacité d'abattage totale et entre 95 p. 100 et 98 p. 100 de la capacité d'abattage de bovins gras au Canada.
À la page 9, on peut voir que la situation a suivi une évolution semblable aux États-Unis. Comme vous pouvez le constater, en 1969, les quatre principaux abattoirs américains contrôlaient 30 p. 100 de la capacité d'abattage totale. En 2007, on peut voir qu'ils en détenaient 84 p. 100, et les lignes pointillées indiquent le rendement des producteurs à mesure qu'augmente la concentration des entreprises d'abattage. Ces changements ont des répercussions, et Grant vous en présentera quelques-unes, qui sont indiquées à la page 10.
:
Revenons au graphique que j'ai décrit au tout début. Au cours de la période de 47 ans qui s'étend de 1949 à 1989, on voit que le prix des bouvillons de boucherie en Ontario n'est jamais descendu sous la barre des 130 $ le quintal ni descendu au niveau du creux atteint pendant la Crise de 1929. Puis, en 1989, le prix descend sous les 130 $ le quintal et, après 1989, le prix continue à osciller, mais, comme je l'ai mentionné, à l'intérieur d'une fourchette de prix inférieur à la normale. Ainsi, entre 1989 et mai 2003, date à laquelle un cas d'ESB a été déclaré, les prix ont fluctué entre 98 $ et 140 $ le quintal plutôt que de se situer entre 130 $ et 280 $ le quintal. Ainsi, je répète que le rendement des éleveurs de bovins a considérablement diminué.
Puis, le graphique de la page 10 indique le prix des vaches de boucherie en Ontario et le prix que le consommateur peut s'attendre à payer à l'épicerie pour une livre de boeuf haché. D'aucuns ont laissé entendre que la consommation avait diminué, que les prix ont donc descendu et que, par conséquent, les éleveurs faisaient moins d'argent. Cependant, il manque une variable à cette équation, qui fait en sorte que, pendant un bon moment, nous avons connu une période de stabilité relative pendant laquelle la différence entre le prix à la livre que recevait un éleveur pour ses vaches de réforme et le prix à la livre du boeuf haché sur le marché était de 1,25 $ environ, et puis, en 2003, cette marge a augmenté à 2 $.
Il ne s'agit donc pas de consommation. La question est de savoir quelle somme revient aux éleveurs, et qui reçoit effectivement ces sommes au sein du système. En 2008, la marge avait de nouveau augmenté à 2,25 $. Ainsi, 1 $ sur le prix de vente à la livre se retrouve dans d'autres poches. Il ne s'agit pas de consommation. Il ne s'agit de rien d'autre que de l'argent qui, auparavant, se retrouvait dans les poches des agriculteurs. Cet argent est à présent intercepté à un autre point du système, et la seule manière de s'en sortir consiste à veiller à donner aux éleveurs les moyens de récupérer ce dollar.
D'aucuns disent qu'il y a beaucoup d'argent à faire en agriculture. Hélas, cet argent ne découle pas des activités agricoles en tant que telles. Comme ce graphique nous le montre, il y a de l'argent à faire dans l'élevage bovin au Canada, mais les éleveurs ne reçoivent pas leur part.
Il y a une autre façon de voir les choses. À la page 11 se trouve un graphique élaboré par CanFax à partir des documents et des données provenant de la Canadian Cattlemen's Association. Nous avons des raisons de croire que, si nous disposions des données pour les années précédant 1999, nous aurions constaté que le pourcentage du prix de détail du bouvillon qui revenait dans les poches du producteur était probablement supérieur à 25 p. 100, et que ce pourcentage a diminué graduellement par la suite. Toutefois, les données dont nous disposons ne nous permettent pas de le démontrer.
Les données de Canadian Cattlemen's Association révèlent qu'entre janvier 1999 et juillet 2008, le pourcentage du prix de détail d'un bouvillon, la somme qui revient à l'éleveur au bout du compte, après qu'il a reçu le bouvillon et qu'il l'a transformé et que celui-ci a été vendu à l'épicerie, eh bien ce pourcentage du prix de détail a diminué de 25 p. 100 à 16 p. 100. Il s'agit d'un changement radical et, là encore, cela n'a rien à voir avec la consommation. Cela concerne la marge de profit provenant du prix de détail du boeuf qui n'est plus remise aux éleveurs.
:
Ce que Grant vient d'exposer demande à être expliqué. En fait, il y a deux explications possibles. On peut d'abord l'expliquer par le fait que la concentration de la propriété dans le secteur de l'abattage et dans celui de la vente au détail est plus importante. On peut également l'expliquer par le fait que les abatteurs et les détaillants sont devenus moins efficients à mesure qu'ils sont devenus plus grands et plus concentrés, et qu'ils doivent prendre une plus grande part. Je vous laisse le soin de choisir l'explication qui vous convient, mais dans les deux cas, elles ont pour effet d'appauvrir les éleveurs.
La question de l'approvisionnement captif n'a fait l'objet d'aucun débat au Canada. Ce n'est devenu un problème que lorsque nous avons décidé que cela constituait un problème. Aux États-Unis, l'approvisionnement captif soulève des préoccupations depuis plusieurs décennies et, au fil du temps, il est presque devenu un enjeu dans le cadre de la loi agricole américaine. À l'heure actuelle, l'administration Obama indique assez clairement qu'elle entend régler la question une fois pour toutes. Pour ce qui est du Canada, les chiffres que nous utilisons — 50 p. 100 à 67 p. 100 — proviennent des études menées par deux économistes qui se sont penchés sur la situation en Alberta. Ces économistes ont découvert que, en moyenne, l'approvisionnement captif représentait de 50 p. 100 à 60 p. 100 de l'abattage total au cours des dernières années et que, certains mois, le pourcentage était encore plus élevé.
Si vous prenez la page 13, vous pourrez voir deux photos tirées de Google Earth. Il s'agit de l'usine de Tyson située près de Brooks, en Alberta. Sur la première photo, on peut voir l'usine, et sur la deuxième, le parc d'engraissement qui se trouve tout près de l'usine, de l'autre côté de la route. Le parc d'engraissement a une largeur d'environ deux kilomètres et demi, et peut contenir 70 000 têtes de bétail. Sur ces photos très bien définies, vous pouvez voir des camions qui transportent le bétail du parc d'engraissement à l'usine. Il s'agit d'approvisionnement captif. Il ne s'agit que d'un des nombreux parcs d'engraissement de cette capacité qui sont utilisés à cette fin.
Lorsque nous examinons ce qui s'est produit au cours de l'intégration qui a été effectuée, nous constatons que dans l'Ouest du Canada, nous avons été poussés à augmenter la production de bétail à la suite de la suppression du tarif du Nid-de-corbeau. On nous a dit que notre industrie allait prospérer si les prix de nos céréales fourragères étaient les plus bas en Amérique du Nord. Il y a toutefois un problème: les agriculteurs ne peuvent produire de céréales en deçà du coût de production. Ils se tournent donc vers des cultures qui leur en donnent plus pour leur argent. Et puis, parce que nous avons perdu notre capacité d'abattage au Manitoba, nous n'avions plus d'endroit pour placer notre bovin fini. Nous avons donc commencé à doubler notre production de veaux pour tenter de maintenir notre niveau de revenu, ce qui nous rendait évidemment dépendants de l'exportation.
Si vous jetez un coup d'oeil au graphique qui illustre l'effet de l'intégration continentale sur nos exportations, vous constaterez que de 1989 à 2008, notre capacité d'exportation a été multipliée par huit. Aucun autre secteur de l'économie canadienne n'a connu un tel succès sur le marché de l'exportation.
Passons maintenant à la page suivante, au graphique sur les exportations de produits alimentaires et le revenu agricole. Ce graphique, je l'appelle l'arme de destruction massive, parce qu'il montre ce que les producteurs ont touché comme bénéfices pour avoir multiplié par huit les exportations canadiennes de produits alimentaires. En 20 ans, nous avons produit pour trois quarts de billion de dollars de produits agricoles et, comme le montre la ligne qui se trouve au bas du graphique, nous n'avons touché aucun revenu pendant cette période. Pourtant, le jeudi précédant la réunion du comité, on nous a dit que la prospérité de l'industrie agricole canadienne dépendait de notre capacité de produire et d'exporter davantage. Vous savez, il y a un facteur dont il faut tenir compte. Pour obtenir des résultats différents, il faut peut-être envisager de faire les choses d'une manière différente.
Nous avons également un certain nombre de recommandations à formuler. Grant présentera les huit premières, et je présenterai les suivantes.
:
Vous ne pouvez pas produire un rapport de ce genre ou faire partie du Syndicat national des cultivateurs sans tenter de vous tourner vers l'avenir et de veiller à travailler dans l'intérêt supérieur des exploitants de fermes familiales.
Nous avons trouvé quelques solutions. Nous ne prétendons pas qu'il s'agit de la panacée. Nous pensons toutefois qu'il s'agit d'un point de départ pour une discussion sur les mesures à prendre pour faire progresser l'industrie. Certaines de nos recommandations donneront lieu à des discussions, mais pour nous, il s'agit d'un point de départ.
Notre première recommandation est d'interdire aux abattoirs de posséder et d'administrer du bétail. Le fait de mettre en vente des bovins dans le cadre d'enchères ouvertes et indépendantes entraîne d'importants avantages: un processus d'enchères plus vigoureux, un mécanisme de détermination des prix transparent, un accès accru des petits exploitants agricoles et des engraisseurs indépendants à des marchés importants, la possibilité pour les petits transformateurs d'acheter des bovins finis, et une protection contre les mesures de rétorsion des abatteurs.
Il faut également tenir compte du fait qu'il y aura toujours des passations de marchés. Celles-ci se traduisent par une réduction du transport, de la manutention et des coûts liés à un processus d'enchère. Des deux côtés, il y aura toujours des gens qui privilégient la passation de marchés. Nous ne laissons pas entendre qu'il est condamnable de vendre ou d'acheter du bétail de cette manière. Nous disons que la procédure de passation de marchés devrait être plus ouverte et plus transparente. Le prix du bétail doit être fixe de manière à ce qu'on ne puisse pas profiter des éleveurs par le recours aux prix d'éviction. De plus, les prix doivent être entièrement divulgués en temps réel.
Cela est lié à la nécessité de restreindre le pouvoir des abatteurs et de faire marche arrière en ce qui a trait à la concentration. Pour que les prix reviennent aux niveaux où ils se sont maintenus des années 1940 aux années 1980, période pendant laquelle ils étaient deux fois plus élevés qu'ils ne le sont aujourd'hui, nous devons mettre fin à la concentration. Ce n'est qu'en remédiant au déséquilibre de pouvoir qui existe au sein de la filière bovine que nous pourrons régler la question de l'équilibre et de la répartition des bénéfices. Nous croyons qu'il est nécessaire de mettre fin à la fusion des entreprises d'abattage, aux prises de contrôle et aux ventes d'usine.
Nous croyons qu'il est nécessaire de collaborer avec le gouvernement des États-Unis en vue d'inverser le processus de concentration dans le secteur bovin en Amérique du Nord. C'est ce qui va se passer aux États-Unis. Au sein d'un marché continental, si nous n'emboîtons pas le pas aux États-Unis, c'est-à-dire si nous ne restreignons pas le pouvoir des entreprises d'abattage et si nous n'interdisons pas purement et simplement certaines de ces pratiques, nous allons mettre les producteurs de bétail du Canada dans une position très, très vulnérable.
Nous devons également élaborer et mettre en oeuvre une stratégie nationale touchant aux questions relatives à la propriété, à l'emplacement et à la direction de nos principales usines d'abattage et faisant en sorte de réorienter notre système de production de viande de manière à mieux répondre aux besoins économiques, nutritionnels et sociaux et à contribuer au développement communautaire. Nous devons créer un système véritablement doté de transformateurs régionaux. Il est possible de collaborer avec les producteurs régionaux et de travailler en vue d'établir un système où les activités ne sont pas toutes concentrées dans un seul lieu. Dans ces lieux uniques, il se passe certaines bonnes choses, mais il s'y passe également un très grand nombre de choses déplorables.
La question de la dissociation des entreprises d'abattage intégrées verticalement est liée à ce qui précède. À l'heure actuelle, les abatteurs commencent à s'approprier les parcs d'engraissement, les entreprises de camionnage, les assurances, et ainsi de suite. Les éleveurs se retrouvent ainsi dans une position très vulnérable.
Nous devons examiner la question du pouvoir des détaillants et des grossistes. Après correction en fonction de l'inflation, nous nous rendons compte que les consommateurs paient aujourd'hui, pour un hamburger, à peu près le même prix qu'il y a 20 ou 30 ans, mais que l'excédent découlant de l'écart de prix est tout simplement intercepté à certains points du système plutôt que d'être remis aux éleveurs. Les consommateurs ont pu profiter d'une stabilité relative des prix, mais ce sont les éleveurs qui en ont fait les frais puisque les éleveurs n'ont pas profité des coûts-avantages des économies qui ont été réalisées.
Nous recommandons également de parvenir à créer des usines d'abattage détenues par les éleveurs. Cela passe en grande partie par des mesures de réglementation.
En outre, nous devons modifier la réglementation sur la salubrité des aliments de manière à stimuler les entreprises d'abattage. Si vous empruntez les routes secondaires, les chemins de concession et les chemins de rang du pays et que vous allez vous entretenir avec de petits transformateurs, ils vous diront que les mesures de réglementation qu'ils doivent respecter sous prétexte d'assurer la salubrité des aliments n'ont souvent presque rien à voir avec la salubrité alimentaire. Ces mesures nuisent plutôt à leur capacité concurrentielle, à leur capacité d'expansion et à leur capacité de travailler avec les marchés locaux.
Nous croyons également qu'il faut mettre sur pied des agences de commercialisation collectives. Il est facile à comprendre que, dans un système concentré comme le nôtre, où trois, voire deux entreprises d'abattage contrôlent la majorité écrasante du système, il est nécessaire que les éleveurs disposent également d'un certain pouvoir collectif.
Pour terminer ma partie de l'exposé, je veux parler des tests de dépistage de l'ESB et des hormones interdites. Le Canada est un pays commerçant. Nous sommes d'accord avec les nombreuses personnes qui disent qu'il est nécessaire que nous exportions notre boeuf. Toutefois, l'un des principaux obstacles auxquels nous devons faire face est constitué par l'interdiction d'effectuer des tests de dépistage de l'ESB. Cela nous empêche de pénétrer dans certains des marchés mondiaux les plus lucratifs. La levée de cette interdiction nous permettrait de maintenir une sorte d'alliance avec les États-Unis par le truchement des abattoirs américains.
L'ironie dans tout cela, c'est que nous en sommes arrivés au point où les coûts liés au dépistage de l'ESB sont considérablement moins élevés que les coûts liés au retrait des matières à risque spécifiées. Actuellement, un test de dépistage de l'ESB coûte beaucoup moins cher que le retrait des matières à risque spécifiées, et pourtant, nous poursuivons dans la même veine. Nous continuons à accabler les éleveurs sous le poids d'innombrables mesures de réglementation. Nous devons à présent prendre en note la date de naissance de nos bovins, nous devons les enregistrer, nous devons vérifier tout en fonction de l'âge du bétail, tout cela pour éviter que nous ayons à effectuer des tests de dépistage de l'ESB.
Il y a une raison pour laquelle ces tests soulèvent des inquiétudes chez les Américains. Pourquoi les éleveurs canadiens doivent-ils continuer de faire les frais de cette crainte? Cela me dépasse complètement.
La question de la réduction de l'utilisation d'antibiotiques est également liée à ce qui vient d'être dit. Nous ne devrions pas utiliser d'antibiotiques à des fins non thérapeutiques au sein du système de protection alimentaire canadien. Je peux vous dire, à titre d'agriculteur, que la plupart des flacons d'antibiotiques qui se trouvent sur mon exploitation agricole deviennent périmés avant même d'être ouverts. Nous en utilisons très peu. Selon bon nombre de praticiens, l'utilisation non thérapeutique de médicaments réduit l'efficacité des médicaments dans le traitement des maladies humaines d'origine bactérienne.
Nous devons développer des marchés pour le boeuf d'embouche. Il existe un marché, mais à l'heure actuelle, la concentration élevée des entreprises dans l'industrie de l'abattage nous empêche de l'exploiter.
Nous devrions adopter une politique d'étiquetage indiquant le pays d'origine et en être fiers. Selon moi, si un consommateur souhaite acheter mon produit, ce dont je suis fier, il a le droit de savoir qui l'a produit, à quel endroit il a été produit et la manière dont il a été produit. J'estime qu'un tel étiquetage nous permettrait de développer des marchés. On pourrait utiliser des dénominations comme « produit du Manitoba », « boeuf de l'Alberta » ou « produit de l'Ontario », et même, tant qu'à y être, des appellations faisant référence au comté ou à l'exploitation agricole d'origine du produit. Nous sommes prêts à accepter toute mesure susceptible d'accroître la confiance des consommateurs à l'égard des produits.
Nous devons mettre davantage l'accent sur les produits alimentaires locaux. Seulement 14 p. 100 du boeuf consommé au Manitoba a été transformé dans cette province. Le reste est envoyé ailleurs aux frais du producteur puis ramené dans la province aux frais du consommateur. Il y a des façons plus efficaces de répondre aux besoins des consommateurs.
Il doit également y avoir un meilleur équilibre entre la production et la consommation. Au moment où un cas d'ESB a été découvert, notre production était de 34 p. 100 supérieure au niveau de consommation intérieure, et c'est 34 p. 100 de bétail excédentaire qui a fait en sorte de nous acculer à la faillite. Si nous nous étions tenus plus près du niveau de consommation intérieure, nous aurions été quelque peu déstabilisés jusqu'à ce que nous parvenions à réorienter le mouvement d'est en ouest, mais nous n'aurions pas subi des pertes de plusieurs millions de dollars ni fait appel aux fonds publics. Cela nous prendra une autre décennie pour nous en remettre.
Une aide doit être offerte immédiatement aux agriculteurs — et c'est ce que le gouvernement de la Saskatchewan a fait, en quelque sorte, l'autre jour. J'ai lu un communiqué de presse où le ministre fédéral de l'Agriculture émettait de sérieux doutes à cet égard et indiquait que nous pourrions recevoir une compensation. D'après moi, lorsque nous nous retrouvons dans une situation où il est impossible d'aider les gens qui connaissent les plus graves difficultés financières de leur vie simplement parce que cela pourrait nuire au commerce, il faut commencer à considérer que le problème, c'est le commerce.
De plus, les éleveurs devraient pouvoir choisir entre les diverses organisations d'éleveurs. Lorsqu'un groupe se présente devant votre comité, demandez-lui ce qu'il fait. Êtes-vous un éleveur-naisseur? Êtes-vous un intermédiaire qui fournit un service dans le domaine de l'approvisionnement captif du secteur de l'élevage bovin? Chacun d'entre nous peut légitimement parler en son propre nom.
En outre, il faut utiliser des instruments de politiques pour pouvoir déterminer le niveau et l'échelle convenables de production. Si vous consultez un numéro récent du magazine The Manitoba Co-Operator, vous apprendrez que, au sein de l'actuel système de gouvernance, un producteur manitobain, à la tête de ce qui était considéré comme l'exploitation agricole la plus efficiente du Manitoba, a touché, à titre de soutien, 1 460 $ par jour, sept jours par semaine, pendant une année complète. On peut se poser la question de savoir s'il aurait été profitable de verser 100 $ par jour à 14 exploitations agricoles, ou 50 $ par jour à 28 exploitations agricoles. On peut toujours se poser la question. Lorsque vous avez une mission sociale et l'objectif de contribuer à la prospérité des collectivités rurales, vous distribuez une telle somme d'une manière différente.
J'aimerais également rappeler aux membres du comité qui considèrent le Manitoba rural et le Canada rural comme leur source d'influence qu'ils doivent faire preuve de prudence et éviter d'affaiblir les électeurs grâce auxquels ils occupent leurs fonctions.
Merci. C'est la fin de notre exposé.
:
Merci beaucoup, monsieur. J'aimerais également remercier le comité de m'offrir la possibilité de m'exprimer en ce qui concerne l'avenir de l'industrie bovine au Canada.
Je veux commencer par vous parler brièvement des activités auxquelles j'ai participé et qui ont donné lieu à la création de l'Alberta Livestock and Meat Agency, qui a radicalement changé la manière dont le gouvernement de l'Alberta interagit avec les entreprises du secteur bovin et des animaux d'élevage de la province.
En 2007 et en 2008, j'ai eu la chance d'occuper le siège de coprésidente de comité du ministre de l'Agriculture, l'honorable George Groeneveld, dont la tâche consistait à examiner l'industrie bovine albertaine. Je suis certaine que vous savez tous que 61 p. 100 de la transformation du boeuf au Canada est effectuée en Alberta, et que 67 p. 100 des bovins finis sont élevés en Alberta. Les exportations albertaines de boeuf, de porc et d'animaux d'élevage s'élevaient à plus de deux milliards de dollars en 2007, les ventes de bovins ont rapporté environ trois milliards de dollars aux éleveurs, et les ventes de viande rouge transformée ont représenté 3,9 milliards de dollars. Il s'agit d'une industrie importante, quel que soit le point de comparaison retenu, mais comme nous le savons tous, cette industrie est en difficulté.
Lorsque notre comité a entrepris ses travaux, nous savions que la valeur élevée du dollar canadien avait fait en sorte d'éliminer le traditionnel avantage sur le plan des coûts dont profitait l'industrie d'exportation du boeuf aux États-Unis. Nous savions que le prix de la moulée avait augmenté de 50 p. 100, voire davantage. Nous savions que notre accès aux marchés étrangers était restreint en raison du cas d'ESB de 2003. Nous savions que l'industrie était aux prises avec de constantes pénuries de main-d'oeuvre, et que les entreprises d'abattage albertaines étaient loin de fonctionner à pleine capacité, et qu'elles avaient même indiqué que, si la tendance se maintenait pendant deux autres années, elles pourraient mettre fin à leurs activités. Nous savions également que les coûts réglementaires avaient pour effet d'ajouter entre 37 $ et 66 $ à la valeur de la bête, selon la personne à qui vous parliez et le bétail particulier dans lequel elle était spécialisée.
En outre, nous savions que les questions environnementales avaient une plus grande incidence sur les activités agricoles et leur rentabilité. Nous avions également appris que depuis 2005, les exploitations de boeuf et de porc avaient chuté et que les importations de bétail avaient augmenté. En 2005, les importations de boeuf au Canada étaient évaluées à 301 millions de dollars, et en 2008, elles étaient évaluées à 747 millions de dollars. De cette somme, le boeuf américain comptait pour 616 millions de dollars. En 2002, avant le cas d'ESB, les exportations de boeuf de l'Alberta étaient évaluées à 1,6 milliard de dollars, et, en 2003, après l'épisode d'ESB, elles avaient chuté à un peu plus de un milliard de dollars. Le plus intéressant, c'est qu'en 2004, les exportations de boeuf de l'Alberta ont remonté à 1,5 milliard de dollars, mais évidemment, il s'agissait non pas de boeuf sur pied, mais de boeuf en caisse carton. Toutefois, en 2007, les ventes à l'exportation sont descendues à un total de 887 millions de dollars, à savoir à peine plus de la moitié des ventes effectuées l'année suivant l'épisode d'ESB.
Il s'agit d'un enjeu important, compte tenu du fait que la Canadian Cattlemen's Association et les producteurs de boeuf de l'Alberta ont insisté sur le fait que le problème résidait dans le fait que l'industrie bovine nord-américaine était entièrement intégrée. Toutefois, hier comme aujourd'hui, cela ne profite à personne en Alberta. La raison pour laquelle cette question nous préoccupe, c'est que de 2002 à 2007, le gouvernement de l'Alberta a investi plus de deux milliards de dollars de fonds publics dans l'industrie bovine pour tenter de la stabiliser. Ça dépasse tout ce que le gouvernement fédéral a versé aux éleveurs de bétail. En 2007, les représentants de l'industrie se sont de nouveau présentés au gouvernement de l'Alberta et ont demandé qu'on leur verse au moins 400 millions de dollars pour les aider à faire face à la plus récente crise qui s'abattait sur eux. C'est à ce moment-là que le ministre nous a demandé, à Jeff Kucharski et moi, de rédiger un rapport pour l'orienter sur les mesures qui devaient être prises pour venir en aide à l'industrie.
La principale recommandation que nous avons présentée au ministre était de s'éloigner d'un modèle fondé sur des aliments de base et de commencer à offrir des biens différenciés. En d'autres termes, il faut offrir des produits de marque. À cet égard, l'un des meilleurs exemples est le boeuf Angus, et la manière dont cette marque est annoncée actuellement dans les restaurants et les commerces. Le boeuf Angus obtient un franc succès, et ceux qui en sont à l'origine ont réussi par leurs propres moyens. Nous recommandons de diversifier notre marché d'exportation et de mettre davantage l'accent sur les marchés qui paient un supplément pour le boeuf, comme l'Asie, et de ne plus dépendre d'un seul marché d'exportation, à savoir les États-Unis.
Nous recommandons la création d'une agence albertaine sur le bétail et la viande qui placera au centre de ses préoccupations l'ensemble du bétail et de la viande produits en Alberta, y compris le boeuf, le porc, le mouton, le bison et les cervidés. Nous avons également recommandé de répondre aux besoins de nos clients à l'étranger, en mettant l'accent notamment sur la vérification de l'âge, la traçabilité et la capacité d'effectuer un suivi de l'alimentation et des médicaments ingérés par chacune des bêtes, de manière à satisfaire aux exigences des marchés comme l'Europe, qui ne veulent que du boeuf exempt d'hormone de croissance, ou l'Asie, qui exige une vérification de l'âge de la bête avant même d'envisager de l'acheter.
Nous avons dû considérer toute l'industrie comme une filière intégrée faisant intervenir les producteurs, les éleveurs et les abatteurs, et à l'intérieur de laquelle l'information circule dans les deux sens de manière à ce que les abatteurs puissent emballer leurs produits pour des destinations précises, mais également de manière à ce que le producteur puisse obtenir de l'information quant à la coupe et à la catégorie de chacune de ses bêtes.
Nous croyons que le gouvernement a un rôle à jouer. Son rôle consiste non pas à subventionner constamment une industrie privée, mais plutôt à soutenir l'industrie sur le plan de la commercialisation, de la recherche et de la production. En l'occurrence, on entend par production un système fournissant de l'information relative à la traçabilité, à la vérification de l'âge et aux programmes de salubrité des aliments à la ferme. Par recherche, nous entendions des recherches sur des questions de génomique ou sur des questions relatives à l'ESB, à la commercialisation technologique et, dans la mesure du possible, au développement.
Lorsque nous parlons de développement des marchés, le mot « marchés » désigne autant le marché mondial que le marché intérieur. Le développement des marchés signifie également que nous devons donner une image de marque à nos produits et les annoncer comme les meilleurs au monde, et faire preuve de dynamisme pour prendre notre place dans le segment de marché haut de gramme. Il ne suffit pas de coller une feuille d'érable sur un emballage: nous devons montrer au reste du monde que notre boeuf est sécuritaire, sain et de qualité supérieure. Nous devons permettre aux spécialistes en marketing de faire le nécessaire pour vendre nos produits du boeuf.
Nous avons demandé au gouvernement de mettre en phase le financement qu'il offre avec la stratégie que nous avions élaborée, ce qui signifiait un changement d'orientation total du ministère de l'Agriculture de l'Alberta, et que le financement actuellement alloué à l'intérieur et à l'extérieur du ministère à l'industrie bovine et porcine soit redistribué à la nouvelle agence.
Nous avons dû nous réorienter vers un changement systémique à long terme et mettre fin aux paiements ponctuels axés sur une vision à court terme. Il est impératif que le gouvernement cesse de fausser les signaux du marché de cette industrie, et j'estime que c'est ce qu'il fait chaque fois qu'il verse un autre paiement ponctuel à court terme.
Enfin, le gouvernement devait s'assurer que les mesures législatives, les règlements et les politiques soient en phase avec une vision de l'industrie.
Je crois également que nous devons non pas nous opposer aux mesures législatives américaines concernant l'étiquetage du pays d'origine, mais plutôt adopter de telles mesures. Il est trois ans trop tard pour s'y opposer. Où était notre plan? Pendant trois ans, on nous a dit qu'il était sur le point d'être présenté. Eh bien, maintenant, nous avons un plan, et nous n'avons pas trois autres années pour le modifier.
Notre échec en ce qui a trait à la question du bois-d'oeuvre, et même un litige frontalier survenu il y a quelques années en ce qui concerne le porc, sans mentionner les mesures prises par R-CALF pour que la frontière demeure fermée, aurait dû nous apprendre la nécessité de mieux planifier. À présent, plutôt que de nous préparer à mener un combat sur cette question, nous devrions mettre en place nos propres mesures législatives. Nous devrions encourager les Canadiens à soutenir leurs propres industries de l'alimentation et du bétail.
Sous la direction du premier ministre Stelmach et du ministre Groeneveld, l'Alberta a donné l'exemple en jetant les bases d'une industrie du boeuf et des produits du boeuf axée sur le marché et les consommateurs et offrant des produits distincts, sécuritaires et traçables. Il faut que le gouvernement fédéral prenne position au lieu de se contenter d'agir en spectateur et de subir les contrecoups du déclin inévitable de l'industrie bovine.
Nous devons changer la réalité, non pas en misant sur la faiblesse du dollar canadien et des céréales fourragères à bon marché, mais en offrant des produits distincts et de qualité supérieure qui répondent aux attentes des consommateurs du monde entier.
Nous avons versé des milliards de dollars par le truchement de programmes comme le Programme d'aide au revenu en cas de catastrophes, le PCSRA et Agri-stabilité, et pourtant, l'industrie continue de se détériorer. Nous devons cesser d'investir dans le passé et commencer à investir d'une façon qui se révélera proactive et, au bout du compte, grandement profitable à toute la chaîne de valeur, plutôt qu'à certaines de ses composantes.
Nous devons cesser de viser le plus petit dénominateur commun et commencer à aller de l'avant, ce qui signifie revoir nos pratiques en matière d'étiquetage, mettre en oeuvre des mesures de vérification de l'âge, et surtout, nous devons réussir à placer nos produits de viande, qui comptent sans doute parmi les meilleurs au monde, sur le marché des produits haut de gamme.
L'Alberta a fait preuve de leadership, mais nous avons besoin que le gouvernement fédéral s'exprime et prenne sa place dans la discussion. Tous les intervenants, qu'il s'agisse de l'ACIA ou des ambassades et des consulats du Canada, doivent tenir un rôle, mais à partir d'une position stratégique. D'après moi, nous avons trouvé cette position en Alberta, et nous vous demandons non pas d'inventer de nouveaux programmes et de nouvelles subventions, mais plutôt de vous joindre à nous.
Merci de m'avoir accordé votre temps.
:
Merci, monsieur le président. Je vous remercie sincèrement de me donner l'occasion d'être ici et de vous faire part de ce que nous avons découvert au cours d'une enquête sur l'industrie bovine de l'Ontario.
Je m’appelle William Jeffrey. Je suis né et j’ai grandi sur une ferme laitière et d’élevage de bœuf près de Stratford, Ontario, dans le comté de Perth. Avec ma femme depuis 34 ans, j’ai élevé quatre garçons, et nous avons exploité une ferme d’élevage de bœuf.
Aujourd’hui, nous nous spécialisons dans l’engraissement final du bétail. Nous avons un parc d’engraissement d’une capacité de 900 bêtes par année. Nous achetons des veaux d’environ 600 livres et nous les portons à 1 400 livres, puis nous les vendons directement à l’abattoir.
J’élève du bétail depuis 50 ans et je suis membre de l’Ontario Cattlemen’s Association et de l’Association des éleveurs de bœuf du comté de Perth. Je suis dans la troisième année de mon mandat de président de cette association. La crise financière qui se fait sentir depuis un bon moment dans l’industrie du bœuf, pas seulement sur notre ferme, mais dans toutes les fermes d’élevage de l’Ontario, m’a amené à penser que nous ne pouvons plus continuer de commercialiser notre bœuf comme nous le faisons depuis 50 ans.
Récemment, j’ai trouvé une définition du mot « folie ». La folie, c'est quand on continue de faire toujours la même chose en pensant qu’on va obtenir des résultats différents. C'est pour ça que j’ai pris l’initiative de former un comité de quatorze membres issus des six comtés du Sud-Ouest ontarien. Nous sommes tous des représentants élus qui occupons les postes de président, vice-président et administrateurs de comtés. Nous avons retenu les services d’un conseiller en gestion, Ken Strawbridge de la firme Alpha Strategic Consulting Inc., pour nous aider à réaliser une enquête approfondie de toute l’industrie, en commençant par le consommateur et en remontant toute la chaîne, soit du détaillant au grossiste, au transformateur, à l’abattoir, au parc d’engraissement et à l’éleveur-naisseur. Nous pensions qu’il était temps de penser autrement et de porter un regard neuf sur l’ensemble de notre industrie.
Dans le passé, en Ontario, nous nous sommes tournés vers deux centres de recherche pour y trouver compréhension et orientation. Les éleveurs de bœufs ont toujours pensé qu’ils pouvaient commercialiser leur produit de manière indépendante, mais notre comité se rend compte aujourd’hui que l’indépendance s’arrête à la porte de la ferme. Les éleveurs de bœufs que j’ai rencontrés, non seulement en Ontario, mais partout au Canada, sont indépendants. J’ajouterais même que, selon moi, les éleveurs de bœuf sont farouchement indépendants. Pour qu’une entreprise soit viable, il faut obtenir à la ferme un prix qui couvre les frais de production, y compris les salaires. Pour durer, il faut obtenir un rendement raisonnable sur l’investissement.
Depuis quelque temps, on s’efforce de créer des programmes de gestion du risque pour aider les producteurs à traverser les périodes difficiles, perçues comme des phénomènes normaux dans une industrie cyclique. Cette façon de se contenter de réagir lorsqu’il se produit un creux de vague ne réglera jamais le problème et ne produira aucun revenu. Il est temps d’agir en améliorant les méthodes de gestion et de contrôle de l’ensemble de l’industrie. Nous ne pouvons pas continuer dans la direction actuelle qui non seulement exploite les producteurs de bœufs mais favorise l’importation de bœuf élevé selon des méthodes interdites au Canada. Si nous continuons de perdre nos jeunes éleveurs, qui ont été forcés de trouver des sources de revenu d’appoint et maintenant quittent l’industrie, qui va produire la nourriture de la population, non seulement celle de l’Ontario, mais aussi celle de tout le Canada?
Notre enquête a permis de mettre le doigt sur ce qui a causé la situation actuelle de l’industrie canadienne du bœuf et sur ce qui doit changer si nous voulons durer et être viables. Malgré toute l’activité déployée dans le secteur du bœuf pour tenter d’améliorer les choses, il y a eu finalement bien peu de changement durable. Dans les cinq ans qui ont suivi l’éclosion d’EBS, il n’y a eu que deux mois pendant lesquels le producteur de bœuf moyen a pu couvrir ses coûts de production. Ce qui s’annonce, c'est la forte probabilité que la viande de bœuf nous provienne désormais et de plus en plus de l’étranger.
Les éleveurs du Canada ne pourront plus produire de bœuf, car ils seront dans l’incapacité chronique de couvrir leurs coûts. Et quand la source première de l’approvisionnement disparaît, tous les autres intervenants de l’industrie en souffrent.
Nous avons établi trois objectifs auxquels les intervenants estiment devoir adhérer. En alignant l’offre et la demande de bœuf sur ces objectifs, il devrait être possible pour tous les participants à l’industrie de réussir sans impact négatif sur les autres. On pourra livrer ce qui est requis, à ceux qui en ont besoin et le faire de manière constante. Alors seulement, pourrons-nous avoir un avenir viable et une industrie durable.
La portée de notre étude nous a obligés à porter un regard inclusif sur le marché. Pour gérer les influences entre intervenants, nous avons dû établir les facteurs clés d’une production structurée allant du producteur au consommateur. Nous avons tenté de mettre au point un modèle de gestion qui nous indiquerait comment être plus d’affaires et mieux centré sur le client.
Enfin, pour garantir un avenir viable, il faut des objectifs réalisables, un bon rendement sur investissement et un produit qui témoigne de l’excellence de nos méthodes.
Nous avons rencontré des groupes de consommateurs, des fonctionnaires de la santé, des banquiers, des détaillants, des transformateurs, des récolteurs, des abatteurs, des producteurs, des représentants de compagnies pharmaceutiques, des exploitants de parcs d’engraissement ainsi que des fonctionnaires du gouvernement provincial. Les groupes de consommateurs insistent sur l’équilibre entre consommation et industrie. Il est clair que cette question n’est pas perçue de la même façon par tous les intervenants et qu’à cet égard, l’industrie doit s’améliorer.
Le consommateur d’aujourd’hui réclame plus que de la qualité et de la saveur, il se préoccupe aussi de santé, de sécurité, de méthodes d’élevage et d’environnement. L’industrie du bœuf, par contre, tout en reconnaissant certains aspects de la qualité, a tendance à se concentrer sur le prix. Ce qui veut dire que d’autres intervenants, plus haut dans la chaîne, doivent devenir les arbitres de la différence.
Dès le début de notre enquête, nous nous sommes intéressés aux pratiques commerciales durables, et nous avons découvert que les pratiques favorables à l’environnement sont la clé de la survie à long terme. Il est vrai que l’industrie doit se plier aux exigences du gouvernement qui visent à réduire nos émissions de carbone. Il y a beaucoup à faire pour évoluer vers un environnement plus vert dès aujourd’hui et dans les générations futures, au Canada et partout dans le monde. Nous estimons qu’il doit exister des normes de réglementation de la qualité et que ces normes doivent s’appliquer à tous. Mais à l’heure actuelle, ces normes ne sont pas appliquées de façon uniforme. Nous n’avons aucune objection à de telles normes, mais nous savons que les pratiques de gestion de la qualité doivent être les mêmes pour tous.
Il est évident que les programmes de subventions gouvernementales, bien que réclamés avec de bonnes intentions, ont en réalité fait du tort à l’industrie. Toutes proportions gardées, ce sont les plus subventionnés qui survivent en bout de piste. Où est le consommateur dans tout ça? Pourquoi élever du bœuf? Peut-on garantir que le producteur qui a mis sur pied une entreprise de haut niveau survivra? On sait depuis longtemps que les subventions sont perçues comme de l’argent gratuit et suscitent la mauvaise habitude d’en demander toujours plus. La volonté de toucher un rendement sur ses investissements pousse au contraire à miser davantage sur la viabilité de l’entreprise. Bref, mettons fin aux subventions — elles nous tuent.
Depuis trop longtemps, nous nous contentons de mettre du bœuf sur le marché. Il est temps de penser à ceux qui consomment notre produit, et de nous doter d’une structure souple qui nous permettra de traverser les périodes prospères autant que les temps durs. Notre enquête a montré qu’il n’existe pas dans notre industrie de normes de gestion des activités de production. Il faut de toute urgence adopter de telles normes si nous voulons améliorer nos méthodes de gestion et de contrôle. Au rythme où tout change autour de nous et sans mécanisme d’adaptation, notre industrie risque de partir à la dérive comme un navire sans capitaine ni gouvernail. Nous serons à la merci des vents et des courants. C’est incroyable. Pouvez-vous prédire l’avenir? Non. La même chose est arrivée à l’industrie du bœuf, qui n’avait pas prévu les fluctuations du dollar, ni l’ESB. Ce que nous ne savons pas ne nous fait pas de mal.
Les fluctuations du dollar, les risques de maladie, les changements de réglementation, le coût des intrants tels la moulée, l’engrais et le carburant, ainsi que les pressions exercées par le bœuf importé de l’étranger ne cessent de nous ballotter. Nous n’avons aucun mécanisme nous permettant de réagir à de telles pressions, qui risquent de nous pousser au naufrage.
:
C'est exact. Comme M. Miller l'a dit, je m'appelle Ed Fossen et je suis propriétaire d'une ferme d'élevage à Rock Creek, dans l'Intérieur Sud de la Colombie-Britannique. Notre ferme d'élevage est située à environ 40 kilomètres à l'Est d'Osoyoos, sur la route 3, tout près de la frontière américaine. L'extrême sud de notre propriété se trouve à deux kilomètres environ de la frontière.
Notre ranch se trouve sur une parcelle de terre cédée de 1 700 acres, et nous disposons d'environ 60 000 acres de terres publiques sur lesquelles nous avons le droit de posséder un troupeau de 250 têtes constituées de vaches reproductrices, de génisses nécessaires à la relève et de taureaux. Nous louons également à des voisins une parcelle d'environ 300 acres qui sert de pâturage à des génisses nécessaires à la relève. Nous sommes autosuffisants pour ce qui est des aliments pour nos animaux puisque nous engrangeons approximativement 800 tonnes de foin et d'ensilage pour nourrir notre troupeau de 400 têtes pendant l'hiver. Dans notre région, le climat est plutôt sec et, pour notre niveau de production de céréales fourragères, nous dépendons de 300 acres de terres irriguées.
Mon épouse Louise et moi avons acheté notre ranch et déménagé à Rock Creek en 1976. Nous y avons élevé nos quatre enfants. À présent, mes deux fils, avec leur famille respective, dirigent ensemble les activités et les affaires du ranch. Une entreprise contractuelle de désherbage et une entreprise d'agriculture à forfait ont été mises sur pied pour soutenir le ranch.
Lorsque nous avons commencé nos activités d'élevage dans cette région, à une époque que j'appelle pré-ESB, les bovins circulaient librement d'un côté et de l'autre de la frontière canado-américaine. Les bovins canadiens étaient engraissés à façon aux États-Unis, et les bovins américains étaient engraissés au Canada, en fonction des fluctuations du dollar et des marchés. Les autres éleveurs et nous achetions des taureaux de reproduction de l'autre côté de la frontière, et les Américains en achetaient chez nous. Nos ventes de bovins suscitaient toujours l'intérêt des Américains, qui venaient à nos enchères locales pour y acheter des veaux, des bouvillons de un an et des bovins finis pour fournir des bêtes supplémentaires aux parcs d'engraissement et aux abattoirs de l'autre côté de la frontière.
Cet automne, il a été annoncé qu'en raison de l'absence d'acheteurs américains et des préoccupations relatives à l'étiquetage du pays d'origine, le prix moyen des veaux avait diminué de 150 $ environ. Dans notre région, à l'époque pré-ESB, l'industrie était totalement intégrée, et les bovins circulaient d'un côté et de l'autre de la frontière. Nous entretenions de bonnes relations de travail avec les éleveurs, les parcs d'engraissement et les abattoirs américains. Il y avait un bon nombre d'abattoirs dans la vallée du Bas-Fraser, de même que des établissements de transformation dans l'intérieur de la Colombie-Britannique, ce qui faisait en sorte que nos bovins étaient vendus par voie de mise en concurrence.
En Colombie-Britannique, nous avons perdu la plupart des usines d'abattage qui, par le passé, avaient servi nos intérêts en accroissant la concurrence sur le marché pour ce qui est de nos bovins. Tout a changé avec l'apparition du premier cas d'ESB en mai 2003.
Depuis six ans, notre industrie bovine intégrée, qui était solide, prévisible et concurrentielle, nage dans l'incertitude, et tous les producteurs de notre région sont en proie aux difficultés économiques. J'estime que l'organisation R-CALF profite de la crise prolongée de l'ESB et des mesures législatives relatives à l'ESB pour déstabiliser notre industrie solide et intégrée et dans l'espoir d'atteindre ses objectifs à court terme. Par ailleurs, je suis certain que l'argent et le temps qui ont été consacrés pour tenter de faire en sorte que notre boeuf ne fasse plus partie de la donne nord-américaine a nui à la croissance de notre industrie bovine.
Pendant que nous étions occupés à nous disputer, d'autres pays se sont emparés de nos marchés dans le reste du monde. L'industrie du poulet et du porc ont gagné des parts de marché en raison de nos problèmes. L'EPO est un autre instrument dont se servent R-CALF et ses alliés politiques pour mettre d'autres restrictions au commerce du boeuf canadien aux États-Unis.
L'été dernier, ma famille et moi, de même que d'autres producteurs bovins de l'Intérieur Sud et de l'État de Washington avons été invités à visiter le parc d'engraissement de Agri-Beef, qui compte 60 000 têtes de bétail, de même que l'abattoir à la fine pointe de la technologie situé à Yakima, dans l'État de Washington. On peut y traiter quotidiennement 1 700 bovins, et de 40 à 50 p. 100 des 60 000 têtes de bétail contenues dans le parc d'engraissement de Agri-Beef proviennent du Canada. Ce parc d'engraissement, avec d'autres parcs de moindre envergure, fournissaient les 1 500 à 1 700 bovins quotidiens nécessaires au maintien des activités de cet abattoir moderne et efficient.
Après notre visite, nous avons discuté de l'étiquetage du pays d'origine avec le gestionnaire de l'usine. Il n'avait aucune idée de la manière dont il allait s'y prendre pour s'adapter à la réglementation relative à l'EPO qui allait être implantée. Cette réglementation pose un problème de nature logistique, dans la mesure où son système croulerait sous le poids de la nécessité de tenir compte de nombreuses gammes de produits de marque et de la séparation entre le boeuf canadien et américain. Il était catégorique: l'industrie américaine ne veut pas que l'EPO soit entièrement mis en oeuvre, et elle a besoin de nos bovins.
Nous nous sommes rendus chez un détaillant qui vend leurs produits du boeuf à Yakima. Le gestionnaire du magasin a clairement indiqué qu'il ne voulait pas que l'EPO soit intégralement mis en oeuvre, pour la simple raison qu'il n'avait pas suffisamment d'espace sur ses tablettes et que la séparation des produits en provenance du Canada poserait des problèmes logistiques.
Notre industrie a traversé une période extrêmement difficile sur le plan économique au cours des six dernières années. Je souhaite que le gouvernement du Canada conteste la Loi sur l'étiquetage du pays d'origine. À mon avis, sur le plan économique, l'EPO enfoncera le dernier clou dans le cercueil de l'industrie des éleveurs-naisseurs de l'Intérieur Sud de la Colombie-Britannique.
Au cours des six dernières années, nous avons été touchés par la crise de l'ESB, par la sécheresse, par les fluctuations du dollar, par la hausse constante du coût de nos intrants et par la faiblesse des marchés. Je suis certain que la mise en oeuvre de l'EPO aura une incidence négative sur notre industrie, sur mon ranch et sur ma famille. Notre gouvernement doit veiller à ce que la mise en oeuvre de cette réglementation possiblement destructrice soit harmonieuse.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Vendredi dernier, j'ai été invité à m'adresser au comité, et on m'a demandé d'être disponible pour répondre à des questions et faire quelques brefs commentaires. Vous pourrez donc vous attendre à ce que je formule quelques brefs commentaires.
J'exploite une ferme d'élevage au Sud-Est du lac Manitoba, à environ une heure de route au Nord de Winnipeg, dans le bas de ce que l'on nomme le district d'Interlake, au Manitoba. La majeure partie de la région n'est pas très propice à l'agriculture. Le sol y est mince — une couche arable d'environ quatre pouces — et rocailleux, le drainage est mauvais, et un pourcentage important de la région ne convient qu'aux pâturages des ruminants, particulièrement le veau de naissage, ou peut-être le bison.
La région a fait les manchettes à quelques reprises l'été dernier en raison d'importantes inondations provoquées par les pluies abondantes qui sont tombées sur nous tout au long de l'été, et qui ont eu pour effet d'envenimer les choses.
Au cours des cinq dernières années, la valeur nette des activités du secteur bovin s'est effritée. Il ne reste plus beaucoup de marge de manoeuvre. Les fonds de secours en cas de catastrophes n'ont pas été distribués de manière très efficace. Des représentants de la région ont demandé à l'Agence du revenu du Canada une exonération fiscale, parfois accordée à certaines régions touchées par la sécheresse et grâce à laquelle les éleveurs sont autorisés à réduire leurs troupeaux et à étaler le revenu provenant des ventes de bétail jusqu'à un certain point dans l'avenir, ce qui leur permet de racheter ultérieurement du bétail sans répercussions fiscales. À ma connaissance, cela n'a pas été fait. Ce serait une chose relativement simple à faire.
Ce n'est peut-être pas le bon moment d'entrer dans les détails complexes du PCSRA. Les intentions à l'origine de ce programme étaient bonnes, mais il ne permet pas de faire face à la situation qui règne actuellement dans l'industrie bovine. Il n'y a plus aucune marge de manoeuvre. Nous sommes incapables d'aller de l'avant. Dans notre région, cela s'est traduit par une liquidation de vaches, qui ont été bradées à des prix considérablement inférieurs aux taux qui ont cours partout au pays. Cette mesure a été prise sous l'effet des conditions économiques, et cela est dommage puisque, dans notre région, l'utilisation de la terre aux fins du pâturage des ruminants est l'une des options les plus logiques, en plus d'être respectueuse de l'environnement.
Le Manitoba se trouve véritablement au centre du marché du boeuf nord-américain. Le commerce du bétail ou de la viande s'effectue selon l'axe est-ouest, et l'engraissement intérieur s'est longtemps effectué au sud. Pour autant que je sache, ce marché intégré, comme l'a mentionné l'intervenant précédent, existe depuis très longtemps. Il a vu le jour il y a un siècle, lorsque le boeuf était envoyé au nord, dans les camps miniers canadiens. À peu près au tournant du siècle, Matador, une entreprise d'élevage, a commencé à envoyer ses troupeaux au nord, en Saskatchewan. L'intégration du marché bovin ne date pas d'hier.
L'intégration a été renforcée en 1992 par la ratification de l'ALENA, qui a officialisé l'entente officieuse qui existait déjà. Nous avons alors cru que tout était en place. Dans les années 1980, l'Alberta a mis en oeuvre son programme du Nid-de-Corbeau pour offrir aux utilisateurs de céréales fourragères une compensation de l'ordre de 14 $ la tonne. Cela a été l'un des facteurs qui ont contribué à l'effondrement de l'industrie de l'engraissement et de l'abattage au Manitoba. Les usines d'abattage ont fermé leurs portes les unes après les autres, et la capacité d'engraissement s'est déplacée en Alberta. Depuis les 15 dernières années environ, la seule option viable qui s'offre à l'industrie manitobaine est d'abattre son bétail pour se défendre sur le plan économique. En 1995, le programme du Nid-de-Corbeau a pris fin. La même année, pendant une certaine période, le gouvernement a activement fait campagne en faveur de la production de viande rouge dans les Prairies. On n'avait de cesse de répéter que l'époque des grandes exportations de blé étaient révolues. Ces exportations, principalement vers la Russie, n'ont d'ailleurs jamais été profitables. Le gouvernement du Canada a pris les frais à sa charge. Ce modèle devait être remplacé par la production de viande rouge dans les Prairies. Nous devions conquérir le monde avec des produits à valeur ajoutée provenant de protéines animales de grande valeur.
Cela a eu un certain succès, grâce à une période pendant laquelle les prix des céréales étaient bas et les conditions, favorables aux échanges. Cela s'est concrétisé par de très importants investissements dans toute la région des Prairies, dans les étables, dans les abattoirs, dans le secteur du transport, dans les usines de fabrication d'aliments et ainsi de suite.
Puis, évidemment, il y a eu le 11 septembre. Les États-Unis ont érigé une forteresse autour de leur frontière. Ensuite, en 2003, avec la crise de l'ESB s'est ouverte une période pendant laquelle toute vision d'avenir a été mise sur la glace. L'ensemble du système en a souffert considérablement.
Quelle est, selon moi, la responsabilité du gouvernement? En tant qu'éleveur, il est peut-être de ma responsabilité de réagir aux signaux du marché et de tenter de produire en deçà des coûts de production, mais j'estime que le gouvernement doit s'accrocher à sa vision des choses et faire en sorte que les frontières demeurent ouvertes. J'estime que, pour l'essentiel, deux choix s'offrent au gouvernement du Canada: travailler d'arrache-pied et remettre en vigueur la vision d'avenir que nous avions pour les Prairies, à savoir le siège d'une industrie de produits de la viande à valeur ajoutée, ou revenir en arrière et recommencer à ne produire que des aliments pour le marché intérieur. Toutefois, nous devons savoir que nous exportons près de 60 p. 100 de notre boeuf, et que l'on pourrait faire face à une radiation massive des investissements qui ont été consentis au cours des 15 ou 20 dernières années, ce qui réduirait probablement la production de 50 ou 60 p. 100. Les gens perdraient leur gagne-pain, sans que cela ne soit de leur faute. Le produit intérieur brut diminuerait de plusieurs milliards de dollars. Et il serait difficile d'en évaluer les retombées sur le plan social et écologique.
C'est anecdotique, mais j'ai discuté avec quelqu'un qui habite dans les dunes de l'Est du Nebraska. Traditionnellement, il s'agit d'une région d'éleveurs-naisseurs. Au cours des 10 ou 15 dernières années, l'empire de Ted Turner a mis la main sur une partie de la région. Cet homme possède actuellement environ 250 000 acres de terre où sont élevés des bisons. Les gens de cette région affirment que le tissu social a disparu. Une fois par année, une équipe se rend sur le terrain et s'occupe des bisons. L'été, pendant environ une semaine, une équipe se rend sur place avec tout le matériel nécessaire pour s'occuper du clôturage. Et puis c'est tout. Les villes sont mortes.
À l'heure actuelle, je crois que 80 p. 100 de nos exportations se rendent aux États-Unis. Nous sommes tous bien au courant des répercussions de l'EPO. Pour ma part, J'aimerais que l'on porte davantage attention à cette question. Lorsqu'il a subodoré que le programme d'aide de l'administration Obama serait doté d'une clause d'exclusion, notre gouvernement a bougé à vitesse grand V. Stockwell Day et tous les autres se sont démenés sans relâche pour réclamer une solution au problème de l'exclusion de l'acier canadien. Je n'ai pas observé le même niveau d'activité en ce qui a trait à la question de l'EPO.
Ainsi, le modèle original que nous avions conçu pour faire des Prairies le siège de la production de viande à valeur ajoutée a été relégué aux oubliettes? Je l'ignore. Pour ce qui est du porc, nos concurrents sont le Danemark et la Hollande, où les coûts de production sont clairement plus élevés que ceux des Prairies.
À l'heure actuelle, dans la région d'Interlake, au Manitoba, il y a environ un demi-million de vaches d'élevage de boucherie, je crois, ou un peu plus. La région compte pas moins de un million de personnes. Chaque habitant peut très bien manger la moitié d'un boeuf — peut-être le dixième de cela. Devrions-nous réduire notre troupeau de bovins à 10 p. 100 du niveau où il se trouve actuellement et abandonner toute cette terre? Je ne le crois pas.
À Hong Kong, on fabrique de très bons jouets, mais très peu de bon boeuf. Dans la région d'Interlake, nous produisons du très bon boeuf, mais je ne pense pas que nous allons nous mettre à produire des jouets de mauvaise qualité.
Merci beaucoup.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les invités de leur présence aujourd'hui, alors qu'ils pourraient être chez eux, sur leur ferme.
Je dois féliciter l'UNF du rapport qu'il a présenté. De grands efforts ont été investis dans ce travail. Ce rapport m'a perturbé, mais il ne m'a pas étonné, compte tenu du revenu touché par nos agriculteurs. J'ai peine à croire que le ministre de l'Agriculture puisse prendre la parole à une réunion de la Fédération canadienne de l'agriculture et affirmer que tout va bien dans nos fermes.
Il y a deux ou trois ans, je me suis rendu dans une exploitation aux États-Unis. Il s'agissait d'une usine de production de poulets à griller qui travaillait pour le compte de Tyson. La personne à qui j'ai parlé m'a dit très clairement qu'il achetait les aliments d'engraissement à Tyson, qu'il achetait les poulets à Tyson, qu'il les revendait à Tyson, et qu'il recevait un imprimé. Il m'a dit expressément qu'il était en quelque sorte un éleveur locataire. Toutefois, il possède les installations, mais il ne touche pas suffisamment d'argent pour investir dans ses bâtiments.
Pourquoi est-ce que je vous raconte cette histoire? Ma question est la suivante: est-ce que nous nous sommes engagés sur une pente dangereuse, qui nous mènera à une situation ou nous continuerons d'avoir d'énormes usines de transformation et où les éleveurs seront pris au piège et n'auront d'autres choix que d'acheter les approvisionnements et d'obtenir un rendement? C'est ma première question.
Ma deuxième question est la suivante: croyez-vous que nous devrions abolir l'intégration verticale de ces abattoirs? Devrions-nous les passer en examen ou les abolir?
Je crois que l'un de nos témoins a évoqué la responsabilité des détaillants à cet égard, et j'ai aussi entendu quelqu'un parler du boeuf d'embouche et du fait que cette production n'était pas reconnue ni soutenue par les détaillants et les transformateurs.
Ma troisième question est la suivante: pouvez-vous nous fournir de plus amples renseignements à ce sujet et nous dire ce que les détaillants doivent faire pour mieux aider les producteurs de boeuf du Canada?
:
Je vais répondre à la question concernant les détaillants.
Nous avions un problème très important, parce que nous n'arrivions pas à déterminer qui s'accaparait quelle part de la richesse que nous, les agriculteurs, produisions. Nous savons que cette richesse disparaît. Nos diagrammes le prouvent. Il n'y a pas matière à débat à cet égard.
Ce qui nous serait utile, c'est que le comité fasse comparaître les deux parties, c'est-à-dire les exploitants d'abattoirs et les détaillants, qu'il ouvre les livres et détermine où l'argent va et s'il y a de l'abus alors qu'il ne devrait pas y en avoir. Comme je l'ai souligné déjà, il y a deux choses. Leur taille a fait en sorte qu'ils sont maintenant si inefficaces qu'ils doivent prendre une part plus importante, et, si c'est le cas, c'est un bon argument en faveur de la réduction de leur taille. L'autre chose, c'est que, si leur taille leur permet de prendre une part plus importante, c'est aussi un bon argument, parce que, bien entendu, cette situation ne peut durer. Les gens s'en trouvent appauvris à l'échelle locale.
À cet égard, lorsque vous avez parlé d'une personne qui produit des poulets à griller aux États-Unis, l'industrie vise la plus grande concentration possible. Dans le secteur du poulet, elle prend tout, et l'agriculteur n'est qu'un locateur qui exploite les installations. C'est la situation maintenant dans le secteur du porc au Manitoba.
Dans le secteur du veau de naissage, ça ne peut pas fonctionner ainsi, alors ils prennent ce qu'ils peuvent, et c'est ce qui pousse notre secteur agricole vers le système des parcs d'engraissement. Ils s'accaparent tout ça. Et, dans le cadre d'un système d'approvisionnement captif, ils jouent dur avec tous ceux d'entre nous qui essayons de faire notre petite affaire et d'engraisser quelques bovins.
Je vais vous laisser ajouter quelque chose là-dessus, Grant.
Messieurs Tait et Robertson, un des éléments clés de votre rapport porte sur la concentration des entreprises. Vous dites cependant que certains petits abattoirs n'étaient pas rentables ou encore qu'ils étaient inefficaces, et que c'est peut-être la raison pour laquelle on a moins d'abattoirs. C'est le cas en Alberta, par exemple, où l'on a déjà compté 17 abattoirs de bovins de taille moyenne. De plus en plus, de grandes entreprises mettent en place de très gros abattoirs. Notamment, on sait que si Tyson Foods réussit à vendre son abattoir de Brooks, en Alberta, à la compagnie XL Foods, cette dernière et Cargill Foods détiendront 80 p. 100 des abattoirs au Canada.
Parmi les pistes de solution que vous soulevez dans votre rapport, vous parlez de réussir à créer des usines de transformation de la viande qui appartiendraient aux fermiers. Cela tourne autour de toute la question de la capacité d'abattage. Il reste un seul abattoir de taille acceptable au Québec, en fait dans tout l'est du Canada, soit celui de Levinoff-Colbex situé à Saint-Cyrille-de-Wendover, pas tellement loin de ma circonscription. On a beaucoup de difficulté à faire intervenir le gouvernement fédéral, même si l'on entend depuis quelques années que le fédéral est ouvert à l'idée d'offrir une aide pour maintenir l'abattoir en place. Depuis l'imposition des normes relativement au MRS, soit le matériel à risque spécifié, cela devient très difficile. Outre cette ouverture qu'on entend verbalement, rien de concret n'a été fait.
Dans le budget de 2009, on a annoncé 50 millions de dollars, mais il faut comprendre que c'est distribué sur trois ans et destiné à l'ensemble du Canada. De plus, le budget parle de nouveaux abattoirs. Il est loin d'être sûr que l'abattoir chez nous réussira à se qualifier pour recevoir de l'aide.
Selon ce que vous mentionnez dans votre rapport, la solution, ou l'une des solutions, serait de favoriser l'éclosion d'un plus grand nombre d'abattoirs dans différentes régions. En même temps, comment évite-t-on de revivre la fermeture des plus petits abattoirs moins efficaces? Multiplier les abattoirs pour ensuite être obligé de les fermer, ce n'est pas une solution.
Merci à vous tous d'être ici. J'aimerais d'abord remercier les gens de l'UNF du rapport qu'ils ont rédigé. Je le trouve très clair. Grâce à ce rapport, je comprends un peu mieux le fonctionnement du secteur. Selon moi, il exige du gouvernement qu'il procède à une analyse stricte et critique, peut-être en consultation avec votre organisation et avec la Cattlemen's Association.
J'aimerais nous voir avancer dans ce dossier. Nous ne faisons qu'avancer et reculer, depuis que j'ai été élu. Tout le monde a de bonnes intentions. Que ce soit le ministre, ou encore les députés ici présents, nous semblons tous réagir, mais je n'ai pas l'impression que nous avons beaucoup avancé. Je pense que ce rapport est peut-être un point de départ pour envisager la question. J'aimerais faire valoir que le moment est peut-être venu que le gouvernement fasse quelque chose en collaboration avec nous tous, et j'aimerais l'encourager à le faire.
J'ai une question à poser à chacun d'entre vous, et je vais essayer d'être très bref pour vous donner à tous la chance d'y répondre. Je vais commencer par poser les questions, puis nous reviendrons aux réponses.
Madame Haley, vous avez dit que le gouvernement fédéral doit agir. J'aimerais savoir précisément ce que vous aimeriez que le gouvernement fédéral fasse.
Bill, merci d'avoir participé à notre tournée sur la salubrité alimentaire à Stratford. Vous avez parlé de la mise en marché collective et de l'indépendance. Vous avez dit — je ne l'oublierai jamais — que l'éleveur n'est indépendant que jusqu'à l'entrée de son ranch. Vous l'avez dit encore une fois aujourd'hui. Vous avez parlé des mises en marché collectives. La gestion de l'offre peut-elle fonctionner dans le secteur de la production bovine? C'est une question que les gens ne veulent pas aborder, mais est-ce que ça peut fonctionner?
Ed, qu'arrivera-t-il si nous contestons l'EPO et que nous n'avons pas gain de cause? Que se passera-t-il si nous n'y arrivons pas? Qu'arrivera-t-il si le processus de consultation dure deux ou trois ans? Quelle est la solution pour faire en sorte que le secteur du boeuf survive?
Monsieur Rosing, la question que je veux vous adresser est dans la même veine, j'imagine. Vous avez parlé de deux possibilités: rétablir le secteur de la production de viande à valeur ajoutée pour le marché national seulement ou exporter le boeuf. D'après ce que je comprends, l'Ontario, par exemple, importe la majeure partie du boeuf qui est consommée dans cette province des États-Unis, tandis que dans l'Ouest, on exporte quelque chose comme 60 p. 100 du boeuf qu'on produit, et ça va dans les deux sens. Je ne suis pas sûr de l'exactitude des chiffres. Est-il peut-être temps d'envisager l'idée d'encourager davantage la consommation au pays du boeuf produit au Canada? Le cas échéant, comment allons-nous y arriver?
Ma dernière question s'adresse à vous, Grant et Fred. De toutes ces recommandations, si nous pouvions commencer à les appliquer dès demain, quelles sont les deux ou trois que vous nous recommanderiez d'appliquer immédiatement?
Cela dit, peut-être pouvons-nous commencer par Mme Haley.
:
Merci, monsieur le président.
Je suis heureux de participer de nouveau à une séance du Comité de l'agriculture, de rencontrer des amis, et aussi des ennemis, qui ont été appelés à se pencher sur cet enjeu important qui soulève de grandes préoccupations dans tout le pays, mais surtout dans ma circonscription, Selkirk—Interlake.
Je fais toujours partie du secteur de l'élevage de bovins. J'ai un frère qui fait de l'élevage en Saskatchewan, et un autre qui en fait avec mon père dans l'Ouest du Manitoba. Il ne fait aucun doute que nous avons subi un coup réel et dur, et nous devons faire quelque chose à cet égard.
Merci à tous d'avoir pris le temps, malgré vos horaires chargés, d'être venus ici et de nous avoir présenté des exposés aujourd'hui. Dans l'exposé de l'UNF, il y a en fait des choses avec lesquelles je suis d'accord. La question de la mainmise des abattoirs sur les troupeaux de bovins me préoccupe, et surtout celle de la propriété des abattoirs, mais je ne veux pas que nous nous emportions et que nous oubliions d'utiliser certains des outils de gestion du risque qui sont à notre disposition, comme les contrats à l'étranger. Comme producteur — et je sais que c'est le cas de beaucoup de producteurs —, je veux avoir accès à ces outils de gestion des risques. Nous devons donc faire attention de ne pas nous emporter et laisser nos paroles dépasser notre pensée.
Ce que j'espérais entendre aujourd'hui de la part de l'UNF, cependant, c'était des excuses. J'espérais un peu que Neil Peacock serait ici pour parler de ce qu'il faisait à une réunion de R-CALF au Montana. Je regarde les communiqués du 13 et du 19 et les lettres à la rédaction de Stewart Wells. Il n'y a là-dedans aucune question, aucune dénonciation de R-CALF et du comportement de cette organisation quant à l'EPO et quant au fait que ça cause un tort important aux éleveurs, que ça enlève de l'argent dans nos poches aujourd'hui en raison du fait que l'organisation bénéficie du soutien de M. Vilsack et de tout ce qu'on fait aux États-Unis pour limiter l'afflux de biens canadiens, de bovins canadiens et de bœuf canadien sur ce marché.
Vous parlez bien de ce que R-CALF a fait par rapport à l'ESB. Je peux vous dire que le président du comité et moi avons été présents dans les salles d'audience des tribunaux de Seattle, de Portland et de Sioux Falls pour nous assurer que la position du Canada était exprimée dans ces endroits. Je vois que la CCA prend part à toutes ces audiences, alors ça fait plaisir de constater que l'UNF a finalement pris position et dit que la contestation fondée sur l'ESB par R-CALF est quelque chose de mauvais. Mais l'UNF ne dénonce pas ce que R-CALF fait à notre marché aujourd'hui et le tort qui est fait à nos producteurs avec l'EPO. J'espérais donc un peu que vous diriez: « Nous sommes désolés d'être allés là-bas. Nous sommes désolés d'avoir trahi les éleveurs canadiens, désolés d'être allés là-bas et d'avoir donné une légitimité à une organisation qui ne peut justifier son existence au sein des milieux de l'élevage de bovins les plus progressifs de l'Amérique du Nord. »
La chose dont nous devons prendre conscience, quant à l'étiquetage indiquant le pays d'origine... comme producteur — et je sais que lorsque j'étais président du comité et que nous nous sommes rendus à Washington pour rencontrer nos homologues, nous avons signalé aux Américains que ce qu'ils font est totalement contraire aux lois commerciales —, je n'ai pas peur d'indiquer sur l'étiquette que mon produit est canadien. Nous savons que c'est un bon produit. Nous savons que nous pouvons le vendre et que, lorsque les consommateurs vont manger notre bœuf, ils vont l'adorer.
Le problème, c'est que ça fait en sorte qu'il y a un coût supplémentaire pour l'ensemble du système de production, et on utilise cela comme outil pour faire diminuer la valeur de notre produit plutôt que pour la faire augmenter et pour nous permettre de nous accaparer une plus grande part du marché. C'est donc un problème, parce que l'étiquetage est obligatoire. Cette lettre que M. Vilsack a envoyée aux intervenants de l'industrie a soulevé encore davantage de préoccupations, ce qui fait que les prix ont chuté encore plus. Plutôt que de parler d'adopter l'étiquetage indiquant le pays d'origine, nous devons donc plutôt parler de nous débarrasser de l'aspect obligatoire de la chose, et si nous pouvons tirer parti de la possibilité d'ajouter de la valeur grâce à l'étiquetage, je pense que ce serait une meilleure voie à suivre.
Vous avez également parlé — et j'ai aussi entendu M. Jeffrey en parler — d'un meilleur équilibre entre la production et la consommation. Je suis très préoccupé. Je suis d'accord avec M. Fossen et M. Rosing sur le fait qu'il faudrait que 60 p. 100 de nos producteurs cessent leurs activités, que 60 p. 100 du troupeau doit disparaître. Ça ne tient même pas compte des vaches laitières du secteur qui ne vont pas disparaître parce qu'elles font partie du système de gestion de l'offre. La question qui se pose, donc, c'est: qui doit partir? À qui allons-nous imposer une réduction pour retrouver le niveau moyen? Quel est ce niveau exactement? Que va-t-il advenir de nos collectivités rurales?
M. Rosing a dit que, dans Selkirk—Interlake, dans notre circonscription, tout ce que nous pouvons faire, c'est élever des bovins. Il n'y a pas d'autres possibilités. Si nous devons réduire nos chiffres de 50 p. 100 ou plus, toutes nos petites villes vont disparaître. Nous allons perdre nos écoles, perdre nos hôpitaux, et les répercussions socioéconomiques seront trop graves pour qu'on puisse même y faire face.
Je veux adresser mes questions à M. Fossen et M. Rosing pour qu'ils me disent comment nous devrions nous y prendre selon eux pour stimuler nos économies rurales plutôt que de voir nos collectivités d'éleveurs décimées.
:
Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins qui sont venus témoigner et qui viennent de la plupart des régions du pays. Je pense que c'est toujours une bonne chose.
Nous avons entendu toutes sortes d'opinions au sujet du secteur de l'élevage de bovins, de l'idée d'assurer une très grande protection à celle d'y voir une occasion pour le secteur de repousser ses limites dans le domaine de l'exportation et la façon dont nous pourrions faire cela. Je pense que c'est une bonne chose. L'une des choses que notre ministre a faites pour donner suite à un certain nombre d'observations...
Pour que le secteur soit durable — et c'est l'avis des producteurs de bœuf de ma région — l'idée, c'est que, pour survivre, il faut avoir accès à des marchés. L'une des choses que, je pense, nous avons tendance à oublier, certainement comme personnes, c'est que lorsqu'on vend un animal sur le marché, l'intention, c'est d'en vendre toutes les parties. Si on prend cet animal vivant et qu'on l'habille, il y a de nombreuses parties de cet animal que nous, les Canadiens, ne considérons pas comme étant des coupes de choix ou des produits que nous aimerions voir sur notre table. Néanmoins, dans d'autres pays, ces parties sont considérées comme des morceaux de choix. Il y a des gens qui sont prêts à payer un prix élevé pour ça.
Comme vous l'avez vu, notre ministre se rendant dans de nombreux pays d'Asie, nous nous penchons sur des façons de vendre les animaux en entier et d'en obtenir un meilleur prix. Je pense que M. Fossen, entre autres, a quelque chose à dire là-dessus.
L'autre chose, c'est le problème de l'EPO. Nous avons des divergences d'opinion à cet égard. Assurément, avant que M. Vilsack, le nouveau secrétaire, n'arrive, il y avait eu des changements importants et avantageux pour le secteur de l'élevage de bovins du Canada dans le dossier de l'EPO.
Madame Haley, je me demande si vous pourriez nous dire quelque chose là-dessus. Par rapport à l'EPO, étions-nous dans une bonne situation avant l'arrivée de M. Vilsack?
J'ai noté un commentaire intéressant de l'Union des fermiers selon lequel la question de l'interdiction d'accès aux bovins pour les abattoirs a pris le dessus. Je suis d'accord avec mon collègue. Je pense que c'est toujours une préoccupation. Je ne veux pas que nous perdions notre démocratie, mais nous devons nous assurer de mettre en place des outils qui vont nous permettre de nous protéger.
En tout cas, je vais m'en tenir à ces deux questions pour l'instant. Si nous avons le temps, j'en poserai d'autres.
:
Merci. C'est une bonne question.
L'Union nationale des fermiers est une organisation favorable aux exportations. Nous savons que nous avons besoin d'exporter nos produits pour arriver à bien vivre. Ce que nous voulons dire par trop grande dépendance, c'est que nous nous sommes mis dans une situation où nous étions pratiquement totalement dépendants — ou du moins trop dépendants — envers le marché américain, et nous avons perdu des occasions un peu partout dans le monde en faisant certaines des choses que nous avons faites et qui font que nous sommes prisonniers du marché nord-américain. Certains des marchés les plus lucratifs du monde nous échappent à cause des hormones, des tests d'ESB et d'autres choses du genre.
Nous pensons simplement que nous devons faire avancer ce genre de choses de façon à nous accaparer ce genre de marchés d'exportation, mais nous ne pouvons pas non plus mettre tous nos oeufs dans le même panier. Pendant que nous cherchions à conquérir des marchés d'exportation, nous avons perdu une bonne part de nos propres marchés, et nous pensons qu'il faut faire quelque chose pour trouver un meilleur équilibre et mettre l'accent sur le fait de reprendre nos propres marchés.
Les Canadiens adorent le boeuf canadien. La crise de l'ESB a été grave, mais cela aurait pu être pire — si difficile que ce soit à imaginer —, si les Canadiens n'avaient pas autant soutenu, par leur voix et par leur appétit, le secteur de la production bovine du Canada. Ils savent que c'est un produit de bonne qualité, qui respecte les normes les plus élevées dans le monde en matière de santé, et pourtant, nous perdons nos propres marchés qui vont à la concurrence étrangère, entre autres.
Nous avons mis tous nos oeufs dans le panier de l'exportation. Nous avons vu, dans l'une des figures que nous avons examinées tout à l'heure, que nous avons en fait subi des pertes au chapitre du revenu de nos éleveurs. Nous exportons et nous exportons, et nous n'obtenons rien en retour. Ce que nous proposons, c'est simplement de revenir un peu plus à une situation d'équilibre. Nous n'affirmons pas que nous devrions arrêter d'exporter ni même que nous ne serons pas principalement des exportateurs. Nous disons simplement que nous devons nous assurer que tout est en ordre au pays et que nos propres marchés nous appartiennent — c'est un marché d'une grande valeur, dans lequel il y a beaucoup d'argent —, pour nous assurer que ce sont les éleveurs qui en profitent. Une fois que ce sera fait, allons conquérir tous les marchés du monde que nous pouvons nous accaparer. En ce moment, nous nous sommes bloqué l'accès à des marchés à cause de la façon dont nous avons réglé certains des problèmes de notre système de production du boeuf au Canada. Nous pensons qu'il faut aussi suivre cette voie.
:
Merci à tous les témoins d'être venus.
Je veux préciser une chose que vous avez dite, monsieur Robertson. Vous avez laissé entendre que je n'étais pas juste avec tout le monde. Ça m'irrite beaucoup. Lorsque les témoins présentent leur exposé, il arrive parfois qu'ils disent des choses sur lesquelles les gens présents ne sont pas d'accord avec eux, mais les personnes qui écoutent n'ont pas le droit de les interrompre. Lorsqu'un député pose une question, peu importe qui c'est, c'est lui qui décide comment il utilise ses cinq minutes ou ses sept minutes. C'est lui qui décide s'il veut ou non qu'un témoin donné réponde à ses questions. Je voulais simplement le préciser. Une des choses qui me tiennent à coeur, c'est de traiter tout le monde de façon équitable, et je trouve votre remarque insultante.
Je voudrais simplement dire, pour terminer, à titre de président et aussi d'éleveur de bovins, que je pense que nous sommes tous préoccupés par la question de l'approvisionnement captif, et je pense qu'il y a probablement une divergence d'opinions quant à la façon de régler le problème. Je ne pense pas me tromper là-dessus.
Pendant la dernière session parlementaire, j'ai essayé de faire en sorte, avec l'appui du comité, qu'on s'occupe de la question de la concurrence. Je continue de le faire. M. Storseth a une motion à cet égard qui, je pense — ou j'espère — va être approuvée à l'unanimité à un moment donné. C'est une question à laquelle il faut évidemment travailler.
Là-dessus, je remercie tous les témoins d'être venus.
Et merci beaucoup, madame Haley, de vous être jointe à nous par le moyen des ondes.
Madame Bonsant.