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Afin d'épargner du temps, je vais m'en tenir à mes notes d'allocution. J'aimerais d'abord vous remercier de m’avoir donné l’occasion de m’adresser au comité. Dans le temps que j’ai aujourd’hui, je restreindrai mes commentaires à des considérations sur la compétitivité de l’agriculture canadienne et sur ses liens avec la promotion de l’innovation, les programmes de sélection du blé et le développement des marchés dans l’Ouest canadien.
Permettez-moi de me présenter. Je suis professeur au département des sciences végétales à l’Université de la Saskatchewan et je possède une participation à long terme dans une ferme de la Saskatchewan. J’ai travaillé toute ma vie dans le secteur du blé des Prairies canadiennes et j’ai consacré la plus grande partie des 40 dernières années au développement du blé d’hiver et aux questions qui s’y rattachent.
Depuis 1991, mon programme de sélection a lancé 12 cultivars de blé d’hiver qui ont occupé jusqu’à 95 p. 100 de la surface cultivée du blé d’hiver dans l’Ouest canadien et ont été largement cultivés du Minnesota à l’État de Washington aux États-Unis. Je coordonne les essais coopératifs sur le blé de force roux d’hiver du Centre pour le Prairie Grain Development Committee depuis sa création. Cela m’a permis d’étudier et de comparer, sous un angle privilégié, le fonctionnement des programmes de sélection des plants et de développement des marchés de l’Ouest canadien.
En 2006, j’ai fait une présentation sur les problèmes associés à l’utilisation du principe de distinction visuelle du grain (DVG) dans le programme d’assurance de la qualité du blé canadien au Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire dans le cadre de son examen de la Loi sur les grains du Canada et de la Commission canadienne des grains. Les exigences relatives à la DVG ont été supprimées en août 2008. Bien que le débat se poursuive, je crois qu’il a été clairement établi que la DVG n’a servi que de placebo d’assurance de la qualité pour un système de commercialisation en stagnation conçu pour s’occuper du blé dur ambré et du blé roux de printemps de l’Ouest canadien. Les restrictions imposées par la DVG ont eu pour effet de geler le marché du blé dans l’Ouest canadien dans les années 1940 et ont sérieusement limité les occasions de produire des blés de qualité autres que le blé roux de printemps et le blé dur. L’élimination des exigences relatives à la DVG permet maintenant d'évoluer vers un marché du blé beaucoup plus fluide fondé sur des déclarations d'admissibilité permettant une évaluation immédiate des débouchés commerciaux.
Le système d’amélioration et de commercialisation des cultivars du blé de l’Ouest canadien est unique au monde et a été largement critiqué parce qu’il découragerait l’innovation au lieu de la promouvoir. Il existe deux principaux marchés du blé, soit ceux du blé roux de printemps et du blé dur ambré de l'Ouest canadien. Ces deux classes, qui représentent 88,3 p. 100 de la surface ensemencée en blé dans l’Ouest canadien, sont reconnues à l'étranger pour leur grande qualité.
Le système de contrôle de la qualité du blé de la Commission canadienne du blé comporte quatre éléments clés qui sont énumérés sur son site Web et qui la distingue des systèmes de la concurrence. Deux de ces éléments découragent activement l'innovation. Pour qu’une variété puisse être homologuée dans un grade meunier, elle doit posséder le même rendement fonctionnel que des variétés de référence en ce qui concerne tous les aspects de la qualité. L’uniformité est assurée grâce au système d’homologation en vertu duquel, compte tenu des exigences strictes en matière de qualité, très peu de nouvelles variétés sont introduites.
L’existence de deux classes de blé principales, d’un nombre limité de variétés, de normes strictes pour l’agréage et le mélange régional qui assure l’uniformité des livraisons pour l’exportation sont d’excellents arguments de vente sur le marché industriel du blé où des procédures de mouture et de panification à la chaîne sont utilisées. L’exigence selon laquelle les nouvelles variétés de chacun des grades meuniers doivent avoir le même rendement fonctionnel que les variétés de référence est une protection supplémentaire contre les glissements dans les systèmes de production et de commercialisation de blé de l’Ouest canadien.
Cette approche de copie conforme rigide concernant la qualité du blé convient peut-être très bien au marché principal des exportations, mais elle a eu pour effet d’inhiber l’innovation et de prévenir l’exploration et le développement des marchés à créneaux, caractéristiques d’un marché à maturité. C'est pourquoi les six classes restantes se partagent seulement 11,7 p. 100 de la superficie cultivée, ce qui les relègue au rang de variétés pour marché à créneaux.
Le système d’homologation du blé de l’Ouest canadien est soumis au contrôle rigide des essais coopératifs, des procédures d’homologation et des équipes d’évaluation du Prairie Grain Development Committee (PGDC). Trois équipes d’évaluation déterminent quels cultivars du blé les agriculteurs peuvent cultiver dans l’Ouest canadien. L’équipe d’évaluation de la qualité se compose de représentants des minoteries, de la Commission canadienne du blé, de la Commission canadienne des grains et d'autres, mais c’est la Commission canadienne du blé qui, au bout du compte, détermine les objectifs du marché. L’équipe d’évaluation de la qualité des grains détermine uniquement si les lignées à l’étude ont le même rendement fonctionnel que les variétés de référence pour la classe cible du blé. Seules les lignées qui franchissent avec succès ce système d'homologation peuvent être vendues sur le marché de l'Ouest canadien. Cet aspect restrictif du marché du blé décourage activement l’innovation, provoque des pertes d’occasions et limite la compétitivité.
L’Agence canadienne d’inspection des aliments a reconnu les limitations du système d’homologation canadien. Dans une déclaration d’analyse d’impact publiée en juin 2008 dans la Gazette du Canada, elle a relevé le problème suivant:
Le système actuel d’enregistrement des variétés n’a pas la souplesse voulue pour répondre aux besoins particuliers de différents secteurs des cultures dans un environnement agricole qui évolue rapidement. Dans certains cas, le système impose un fardeau réglementaire disproportionné aux créateurs de nouvelles variétés de cultures et dresse des obstacles à l’innovation et à la disponibilité opportune des nouvelles variétés.
J'aimerais maintenant vous présenter un exemple concret. Les dernières années illustrent parfaitement à quel point l'innovation a été réprimée. Avant 1975, près de 98 p. 100 du blé d’hiver produit dans l’Ouest canadien provenait du Sud de l'Alberta. Cette production était écoulée sur le marché intérieur et dans le cadre de programmes d’aide internationale. De nombreux agriculteurs avaient encore leur blé d’hiver en stock près de deux ans après qu’il eut été semé.
En 1972, le Centre de développement des cultures de l’Université de la Saskatchewan a créé un programme pour étendre la zone de production traditionnelle du blé d’hiver au nord et à l’est en Saskatchewan et au Manitoba. Au cours des quelques années qui ont suivi 1977, il n'y a eu essentiellement qu'un seul cultivar, qui était de grande taille, avait une tendance à la verse et était vulnérable à la rouille. En 1991, le cultivar CDC Kestrel, de taille moyenne, résistant à la verse et demi-nain a été mis en circulation. La hausse du rendement, combinée à de nouvelles pratiques de gestion, ont permis aux agriculteurs des régions plus humides de l’est des Prairies de faire passer le rendement cible de 45 à 50 boisseaux/acre à 60 à 90 boisseaux/acre et le vrai potentiel du blé d’hiver a commencé à être reconnu.
Cependant, cette augmentation spectaculaire du rendement s’est accompagnée d’une diminution de la concentration en protéines du grain. Cela n'était pas surprenant, car une évaluation initiale des classes potentielles de qualité pour l’aire élargie de production des Prairies avait indiqué qu’une forte concentration en protéines était le seul obstacle génétique et/ou environnemental à la production de cultivars convenant à toutes les classes du marché. Malheureusement, comme la Commission canadienne du blé se spécialise dans la vente de blé à haute teneur en protéines, elle a tenté à deux reprises de faire annuler l’homologation du CDC Kestrel.
Divers cultivars de blé d'hiver hautement adaptés mais toujours non conformes aux normes de la Commission canadienne du blé ont été mis sur le marché après le CDC Kestrel dans les années 1990. Malgré ce jugement défavorable, ces cultivars ont été largement acceptés par les agriculteurs et, d’après les enquêtes de la Commission canadienne du blé, ils représentaient plus de 95 p. 100 de la surface ensemencée en blé d’hiver dans l’Ouest canadien en 1999 et 2000. Entre 1999 et 2007, le rendement commercial moyen du blé d’hiver a représenté 150 p. 100, 127 p. 100 et 120 p. 100 de celui du blé de printemps au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta, respectivement.
La production de blé d’hiver est passée à 1,5 million d’acres ensemencés en 2007 et le blé d’hiver est maintenant la troisième plus grande classe de blé dans l’Ouest canadien avec 6,6 p. 100 de la surface ensemencée totale. Cette importante expansion du blé d’hiver a été réalisée principalement par la production de cultivars non extra et par le développement des marchés des aliments pour le bétail et des carburants, survenu davantage par hasard que de façon délibérée.
En 2001, la Commission canadienne du blé a entrepris un travail de développement des marchés sur des variétés de blé d'hiver ayant des caractéristiques de mouture et de cuisson supérieures et la classe du blé d’hiver a été divisée en cultivars extra et non extra en 2004. Cependant, les minotiers canadiens continuent d’acheter et d’utiliser des cultivars non extra, surtout si leur concentration en protéines est supérieure à 11 p. 100.
Un autre changement est survenu en 2007 lorsque la classe Blé à des fins générales de l'Ouest canadien (CWGP) a été créée pour de nouvelles lignées de blé destinées à la production d’éthanol et d’aliments spécialisés pour le bétail. Cependant, sa création a aussi éliminé l’option des cultivars non extra du marché de l’agroalimentaire. En conséquence, l’homologation des cultivars de blé d’hiver est maintenant limitée à l’alimentation du bétail et aux usages industriels et à une unique option extra à faible rendement soumise aux restrictions des normes de qualité du grain qui sont une copie conforme du cultivar de référence.
D’autres débouchés existent dans les marchés de l’agroalimentaire, de l’alimentation du bétail et des applications industrielles et dans d’autres marchés et il faut continuer à encourager l’innovation à l’origine des succès récents du blé d’hiver. Je vais vous présenter quelques exemples.
Plus de 60 p. 100 du blé vendu dans le monde chaque année est du blé d’hiver. Il sert à produire une vaste gamme d’aliments dont de nombreux types de pains, de gâteaux, de nouilles, de craquelins, d’aliments pour petit déjeuner, de biscottes, de biscuits, de produits de confiserie, etc.
Au Québec, l'entreprise Première Moisson est un exemple des succès qui peuvent être remportés dans ces prétendus marchés à créneaux. Les efforts de recherche et de développement de cette entreprise comprennent une recherche systématique de nouveaux mélanges de cultivars et de caractéristiques de qualité propres à des pratiques de gestion des cultures qui permettent de mieux approvisionner des marchés en constante expansion.
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D'accord, je vais vous présenter mes solutions.
Je crois qu'il est important de comprendre qu'il existe d'autres options. Le cas du Québec est un exemple parfait. Il est aussi important de comprendre que ces options sont utilisées ailleurs dans le monde. Le blé d'hiver constitue un exemple parfait. Des variétés produites dans l'Ouest canadien grâce à mon programme sont cultivées aux États-Unis. Elles font partie de la classe Blé à des fins générales, ce qui signifie que les agriculteurs américains peuvent les cultiver et que le blé peut être revendu au Canada sous forme de farine et d'aliments pour animaux, mais nous ne permettons pas à nos agriculteurs de cultiver ces variétés. C'est la même chose dans le cas des farines importées de France et des États-Unis. Comme ces variétés ne peuvent être cultivées au Canada, nous permettons à des cultivateurs étrangers d'avoir accès à notre marché, chose que nous refusons à nos propres agriculteurs. Si vous lisez ma présentation, vous y trouverez quelques exemples à ce sujet.
Je vais passer à mes recommandations.
La Commission canadienne du blé devrait continuer à commercialiser toutes les classes de blé mais son monopole devrait être restreint au blé roux de printemps de l'Ouest canadien et au blé dur ambré de l'Ouest canadien. Ces deux classes représentent près de 90 p. 100 de la production de blé de l’Ouest canadien et c’est sur elles que la Commission canadienne du blé concentre ses efforts de commercialisation.
La Commission canadienne du blé n’a manifesté aucun intérêt pour le développement des marchés des différents types de qualité des cultivars au sein de la classe Blé à des fins générales de l'Ouest canadien. On ne devrait pas laisser le monopole de la commission empêcher les autres d’exercer leurs activités dans des marchés pour lesquels la commission n’éprouve aucun intérêt. Pour cette raison, le gouvernement fédéral devrait utiliser immédiatement son pouvoir pour accorder des licences du gouverneur en conseil dans le but d’encourager la prospection des marchés et de fournir une occasion d’élargir les marchés du blé produit dans l’Ouest canadien. Cela permettrait aux agriculteurs de la région de l’Ouest du Canada de la CCB de disposer du même accès concurrentiel aux marchés canadiens et internationaux qui s’offrent actuellement aux agriculteurs étrangers et à ceux de l'Est du Canada.
Nous devons continuer à encourager l'innovation. Il faut encourager les récentes tentatives de l'ACIA visant à créer un système plus flexible d’homologation des cultivars du blé.
Finalement, l’élimination des exigences relatives à la DVG et l’utilisation de déclarations d’admissibilité des variétés permettent maintenant une plus grande souplesse et le développement d'un marché plus fluide. Il faut abandonner l’attitude de « jalousie » actuelle qui restreint l’accès aux marchés. Nous devrions plutôt nous consacrer à l'élaboration et à la distribution de cultivars ayant des caractéristiques de qualité particulières qui créent le plus de produits alimentaires et d’autres options de commercialisation possibles afin de pouvoir sans cesse évaluer avec rapidité et précision les débouchés commerciaux en constante évolution.
Je n'ai pas pu énumérer tous les exemples qui sont dans ma présentation, mais j'espère que les membres du comité prendront quelques minutes pour les regarder. En ce moment, l'Ouest canadien est aux prises avec une sorte de problème inversé d'étiquetage indiquant le pays d'origine.
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Monsieur le président, distingués membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à venir vous parler de la compétitivité du secteur.
J'aimerais tout d'abord dire quelques mots au sujet de l'Association canadienne des producteurs pétroliers. Il s'agit d'une association professionnelle regroupant 130 membres producteurs qui produisent divers types d'hydrocarbures, comme du gaz naturel, du pétrole brut, du bitume ou du soufre. Nos membres produisent plus de 90 p. 100 des hydrocarbures du Canada. Nous avons aussi 150 membres associés qui offrent des services complémentaires au secteur d'amont. Il est important de comprendre que nous représentons le secteur d'amont. Nous ne représentons pas le secteur d'aval, celui du raffinage et de la commercialisation, ni celui du transport par pipeline. Cette tâche revient à d'autres associations.
Le secteur d'amont investira environ 34 milliards de dollars en 2009. Même si cela représente une baisse par rapport aux 50 milliards de dollars investis chacune des deux années précédentes, nous formons toujours une part importante de l'économie canadienne. Il convient de noter que quelque 22 milliards de dollars sont investis dans les ressources en pétrole et en gaz classiques, avec le forage d'environ 12 000 puits cette année. Nous employons également environ 500 000 personnes d'un bout à l'autre du pays.
Je crois que ces faits sont pertinents à l'évaluation du succès économique de certaines portions du secteur agricole. Une bonne partie des activités pétrolières et gazières classiques ont lieu dans des régions agricoles du Canada. La main-d'oeuvre saisonnière qualifiée et non qualifiée provient historiquement en très grande partie des collectivités rurales. Les emplois permanents sont également souvent occupés par des membres de familles d'agriculteurs. Ils vont de l'opérateur d'appareil de forage au technicien en géophysique en passant par le conducteur de camion, le soudeur, l'opérateur d'installation, l'ingénieur et le surintendant de secteur.
De plus, les accords conclus avec les propriétaires fonciers relativement à l'accès en surface procurent des revenus à ces derniers. Il arrive que les propriétaires fonciers détiennent les droits d'exploitation du sous-sol et qu'ils s'adressent à notre secteur pour mettre les ressources en valeur à leur place, ce qui contribue aux revenus des collectivités rurales. Tout cela contribue à augmenter les revenus des agriculteurs et à appuyer l'industrie agricole.
Il existe d'autres types d'échanges entre nos deux secteurs. Le plus évident est peut-être le fait que le secteur pétrolier et gazier d'amont fournit des hydrocarbures bruts qui servent de combustibles au secteur agricole. Des politiques et des réglementations appuyant un secteur d'amont concurrentiel permettent un approvisionnement énergétique sûr et fiable.
Les deux secteurs ont également en commun le fait qu'ils contribuent à la variété des sources d'énergie disponibles. Malgré le ralentissement économique actuel, la demande énergétique mondiale devrait augmenter de façon exponentielle à mesure que des marchés comme la Chine et l'Inde continueront de croître. Même si le secteur des hydrocarbures classiques continuera d'assurer la majeure partie de l'approvisionnement énergétique dans un avenir prévisible, les énergies renouvelables et les biocarburants en particulier peuvent jouer un rôle de plus en plus grand. Il sera bien sûr important que ces formes d'énergie soient concurrentielles dans une économie de marché. En d'autres mots, il est important de laisser le marché décider de la nature des sources d'énergie en s'assurant qu'il existe des politiques et qu'elles sont équitablement appliquées.
De plus, comme le Canada et l'Amérique du Nord tentent de définir les règles entourant la gestion des émissions de carbone, les biocarburants connaîtront du succès si leurs émissions sont comprises et gérées en fonction du cycle de vie. Cela ne signifie pas que nous devrions déterminer les gagnants ou les perdants en fonction d'un profil d'émissions semblable à celui des biocarburants. Nous devrions plutôt nous assurer que tous les types de carburants disposent des mêmes occasions concurrentielles dans un cadre politique et réglementaire commun.
En ce qui concerne les changements climatiques, le secteur agricole a le potentiel nécessaire pour devenir un important puits de carbone. Les politiques doivent le reconnaître et encourager des pratiques agricoles qui favorisent la séquestration du carbone. Plus précisément, s'il existe une barrière monétaire pour les agriculteurs, il faut la faire tomber pour s'assurer qu'il s'agisse d'une option viable. Il pourrait s'agir d'un traitement fiscal pour les agriculteurs, d'argent en échange de crédits, d'une combinaison des deux ou d'autres solutions. Même si certains incitatifs de ce genre existent déjà, je crois qu'il faut s'assurer d'instaurer les mécanismes nécessaires en vue d'une utilisation plus généralisée d'un bout à l'autre du pays. Selon nous, de tels mécanismes devraient être peu exigeants sur le plan administratif afin d'offrir une valeur maximale aux participants.
Le secteur d'amont a d'importantes interactions et relations avec le secteur agricole et ce, à bien des égards. J'ai déjà parlé des accords et des avantages financiers. Il y a aussi le fait que l'agriculture et le secteur pétrolier et gazier d'amont sont tous deux fondés sur les ressources de la terre et partagent souvent les mêmes terrains, ce qui peut entraîner des différends.
L'utilisation et la qualité de l'eau posent parfois problème, car les deux secteurs sont en concurrence pour une ressource limitée. En fait, selon les réglementations provinciales, l'utilisation de l'eau à des fins industrielles n'est permise que si des tests confirment qu'une telle utilisation ne nuira pas aux autres titulaires de permis et utilisateurs locaux. De plus, notre industrie est soumise à des exigences en matière de tests de puits d'eau afin d'assurer l'intégrité de l'approvisionnement local en eau.
Des règles sur la bonification des terres précisent les critères de restauration afin de ramener le potentiel des sols à un niveau équivalent. Bien entendu, un loyer continue d'être versé au propriétaire foncier jusqu'à ce que la province accorde un certificat de bonification.
Le secteur pétrolier et gazier a instauré un programme concernant les puits orphelins. L'industrie finance et exécute des travaux de restauration sur des sites abandonnés ou que les sociétés ne jugent plus viables, déchargeant ainsi le propriétaire foncier de toute responsabilité. Nous avons dépensé jusqu'à présent environ 100 millions de dollars pour faire disparaître ces installations orphelines. Les organismes de réglementation ont accepté de procéder à un bilan de santé mensuel de chaque société pétrolière et gazière afin de réduire à l'avenir le nombre d'installations orphelines.
L'ACPP et ses membres font partie de nombreux groupes synergiques ou multilatéraux visant à encourager le dialogue sur divers sujets et à créer des liens.
Je soulève tous ces points afin d'indiquer que nous sommes conscients des problèmes et des préoccupations et que nous y sommes sensibles, qu'il existe de nombreux règlements provinciaux rigoureux pour contrôler les activités de notre industrie dans ces domaines, et que nous avons volontairement entrepris des initiatives afin de promouvoir des relations harmonieuses entre voisins et éliminer les risques de fardeau de responsabilité.
En résumé, il existe des interfaces clés entre nos deux secteurs. L'industrie pétrolière et gazière offre des emplois permettant d'augmenter les revenus agricoles. Le secteur pétrolier et gazier d'amont constitue une source énergétique sûre et fiable permettant de répondre aux besoins en combustibles du secteur agricole. L'augmentation de la demande énergétique signifie que tous les types de carburants, y compris les biocarburants, peuvent contribuer à satisfaire cette demande, mais pour qu'une énergie soit durable elle doit trouver sa place sur le marché et être concurrentielle. Le secteur agricole peut jouer un rôle important dans la gestion du carbone en servant de puits de carbone. Finalement, les deux secteurs partagent les mêmes terrains, ce qui peut entraîner des différends. Toutefois, les réglementations provinciales et des stratégies de gestion des relations peuvent contribuer à gérer ces différends et y parviennent.
Merci. J'ai réussi à ne pas dépasser la limite de temps.
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Merci, monsieur le président.
L'agriculture canadienne fait partie d'un environnement global hautement compétitif et est un joueur clé sur les marchés internationaux. La valeur des exportations agricoles et agroalimentaires canadiennes a presque triplé depuis le début des années 1990, passant de 10,7 milliards de dollars en 1990 à 28 milliards de dollars en 2006. Cela représente environ 4 p. 100 du total des échanges de produits agricoles dans le monde. La production canadienne dépasse largement la demande intérieure pour bien des récoltes et des animaux. Le maintien d'un avantage concurrentiel pour l'agriculture canadienne est essentiel à la viabilité économique à long terme de l'industrie agroalimentaire du pays.
Même si le secteur agricole et agroalimentaire canadien ne cesse de croître tant en valeur qu'en importance, des divergences entourant les objectifs des politiques, les types de produits, la taille des entreprises agricoles, les types d'exploitants et d'autres facteurs ont nui à la compétitivité générale des exploitations agricoles et, inévitablement, à l'ensemble de l'industrie agricole. Des changements dans les politiques nationales et la réglementation, la mise au point de nouvelles technologies et des modifications dans les règles et les procédures commerciales internationales ont affecté la compétitivité du secteur agricole et agroalimentaire canadien.
De nombreux exemples illustrent comment des changements dans les politiques agricoles ont considérablement amélioré la compétitivité de l'agriculture canadienne. L'élimination des tarifs de transport subventionnés pour les grains et les oléagineux des Prairies ainsi que l'expiration du programme provincial « Crow Offset » a stimulé la croissance du secteur des viandes rouges au Canada. Avant la crise de l'ESB, en 2003, où il est devenu impossible d'exporter de la viande de boeuf et des bovins vivants, les exportations de boeuf canadien s'élevaient à environ 4 milliards de dollars par année. De la même façon, au milieu des années 1990, des changements aux règlements de mise en marché du porc permettant aux conditionneurs de viande de négocier avec chaque producteur ont entraîné des investissements qui ont fait passer le nombre de truies reproductrices de 1,1 million en 1996 à 1,6 million en 2006 et la valeur des exportations de porc canadien de 1,1 milliard de dollars en 1998 à 2,7 milliards de dollars l'an dernier.
Outre le fait de modifier les politiques publiques, il serait possible d'améliorer la compétitivité du secteur agricole et agroalimentaire canadien en assurant un meilleur accès aux produits agricoles et agroalimentaires canadiens sur les marchés étrangers, en modifiant certaines réglementations qui nuisent à la productivité, en stimulant les investissements provenant des secteurs public et privé et en augmentant la recherche et l'innovation.
Au cours de cette courte présentation, j'aimerais mettre l'accent sur la recherche et l'innovation dans le secteur agricole et agroalimentaire canadien. La recherche est le fondement d'une productivité accrue dans ce secteur. Une productivité accrue suppose une plus grande production ou une production de meilleure qualité avec la même quantité de ressources. Cela stimule la croissance économique de l'industrie et entraîne des revenus plus élevés et un bien-être général.
De nombreuses études ont démontré que les investissements dans la recherche agricole ont un taux de rendement relativement élevé. J'ai mené deux études, qui ont démontré que les investissements de fonds publics dans la recherche sur le boeuf et l'amélioration du blé au Canada ont permis d'obtenir des rendements annuels de 30 p. 100 et plus. D'autres économistes agricoles canadiens ont constaté des taux de rendement élevés semblables des investissements dans la recherche agricole.
La recherche agricole est fondamentalement différente de la recherche dans la plupart des autres industries. Premièrement, le secteur agricole est composé de nombreuses entreprises généralement trop petites pour mener leurs propres recherches. Deuxièmement, une grande partie de la recherche agricole est de nature séquentielle, c'est-à-dire que les découvertes dépendent de recherches antérieures. Troisièmement, comme une bonne partie des recherches agricoles ne peuvent être brevetées, cela n'incite pas le secteur privé à y investir. La principale raison qui pousse les gouvernements à investir dans cette importante activité qui améliore la compétitivité de l'agriculture canadienne est le bien collectif.
Au début des années 1990, le gouvernement canadien a décidé de modifier le financement de la recherche agricole et agroalimentaire. En adoptant la Loi sur la protection des obtentions végétales, en 1991, le gouvernement a vu une occasion de réduire l'importance de ses investissements dans certains types de recherche agricole, de nombreuses entreprises d'amélioration des plantes y voyant d'excellentes possibilités d'investissements. Effectivement, au cours des 10 années qui ont suivi l'adoption de la Loi sur la protection des obtentions végétales, les investissements de nature privée dans l'amélioration des plantes ont à peu près triplé. Des centaines de nouvelles variétés ont été brevetées et un pourcentage élevé de ces plantes ont été offertes aux producteurs agricoles.
Alors que le gouvernement a réduit ses dépenses dans la recherche sur l'amélioration des plantes, il a investi davantage dans la recherche destinée à accroître la productivité plus haut dans la chaîne de valeur ou dans des recherches jugées susceptibles de donner des résultats plus rapidement. La majorité des recherches du secteur privé se sont toutefois concentrées sur de nouveaux cultivars de canola, de soja et de maïs, tandis que le financement total des recherches destinées à des céréales classiques comme le blé et l'orge ont diminué.
Tout cela a eu pour effet que les investissements totaux pour la recherche et le développement dans l'agriculture canadienne n'ont absolument pas augmenté depuis 1990, et que la productivité totale des facteurs, une mesure de la compétitivité, du secteur des récoltes des Prairies a diminué pour atteindre en moyenne 0,51 p. 100 par année au cours des 15 dernières années. C'est beaucoup moins élevé que le taux de croissance historique d'environ 2 p. 100 par année.
Même si l'entreprise privée a investi beaucoup d'argent dans la recherche sur le classement des produits agricoles, elle a été limitée par des questions de concentration de l'industrie, d'emprise sur le marché, de liberté de mouvements et d'effets externes liés à la santé humaine et à l'environnement. Le manque d'incitatifs concernant des recherches de nature privée liées à la santé des plantes et des animaux, à la sécurité alimentaire, à la biosécurité, à l'environnement et au besoin de disposer d'une capacité de réaction permet de conclure que les recherches financées par les deniers publics sont essentielles dans ces domaines.
Il semble évident que le gouvernement canadien devrait revoir ses engagements financiers en ce qui concerne la recherche agricole. L'importance de son rôle historique dans l'accroissement de la compétitivité du secteur agricole et agroalimentaire canadien est manifeste. Il faut consolider les recherches dans le domaine agricole réalisées dans des dizaines d'établissements publics, dont les universités, les organismes provinciaux et le Conseil national de recherches.
Même si un financement public accru serait le bienvenu dans le domaine de la recherche agricole, il est important de tenir compte des effets des réglementations existantes sur les incitatifs pour les chercheurs et, par conséquent, leur capacité d'améliorer la compétitivité du secteur agricole et agroalimentaire canadien. Comme M. Fowler l'a dit plus tôt, j'ai aussi noté dans une étude précédente que les sélectionneurs de blé canadiens se concentrent rarement sur de nouveaux cultivars qui offrent des rendements beaucoup plus élevés. À cause du système hautement réglementé d'homologation des nouveaux cultivars, les sélectionneurs doivent être conscients que chaque nouveau cultivar doit égaler ou surpasser toutes les caractéristiques de qualité et de résistance aux maladies spécifiées par les comités d'attribution qui exercent leurs activités sous l'égide de la Commission canadienne des grains.
L'exigence liée à la DVG, abandonnée en août 2008, constituait un autre obstacle majeur au développement de cultivars offrant des rendements plus élevés. Même si cette exigence a été abandonnée, on constate que le système des comités instauré pour approuver la distribution de nouveaux cultivars dans l'Ouest canadien souffre de sérieuses lacunes et qu'il nuit au développement de cultivars à rendement plus élevé, comme je l'ai indiqué dans des études précédentes. Les principaux concurrents du Canada disposent de systèmes beaucoup plus épurés qui permettent aux nouveaux cultivars de parvenir plus rapidement jusqu'aux agriculteurs et qui offrent des incitatifs aussi importants aux chercheurs qu'aux producteurs céréaliers.
Je considère que l'amélioration de la compétitivité est le problème à long terme le plus important auquel est confrontée l'industrie agricole et agroalimentaire canadienne. Le gouvernement du Canada a grandement contribué à rendre cette industrie concurrentielle, mais les concurrents du Canada ne restent pas les bras croisés et l'industrie canadienne ne peut se permettre de tirer de l'arrière. Cela entraînerait des pertes de revenus pour les agriculteurs et une baisse significative des exportations canadiennes. Même s'il existe de nombreuses façons d'améliorer la compétitivité de l'industrie canadienne, la recherche et l'innovation n'en demeurent pas moins fondamentales. Le gouvernement canadien devrait réexaminer le rôle historique qu'il a toujours joué dans cette industrie.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci, chers députés, de me donner l'occasion d'être ici aujourd'hui.
Je voudrais commencer par deux constats. Premièrement, mon travail avec les agriculteurs, les agrofournisseurs et les fabricants de produits alimentaires de partout au Canada m'a permis, au cours des dernières années, d'arriver à la conclusion que, compte tenu des perspectives de marché qui s'offrent à nous pour l'avenir, l'agriculture et l'industrie agroalimentaire canadienne ont la capacité, les ressources et le capital humain pour être parmi les plus innovatrices et les plus prospères au monde.
Deuxièmement, j'ai eu la chance, au cours des années 1980 et 1990, pendant les mandats de deux gouvernements fédéraux, de diriger le groupe de travail et le conseil sur la compétitivité. Nous avons notamment essayé de définir le mot « compétitivité ». Nous sommes arrivés à la conclusion qu'on pouvait définir la compétitivité comme la capacité de tirer de manière durable un bénéfice d'une entreprise ou d'un secteur ou encore d'en maintenir la part de marché. Vous avez entendu deux ou trois personnes vous dire que, dans deux ou trois domaines, notre part du marché est déjà en train de diminuer. Lorsqu'on regarde l'ensemble des données, on s'aperçoit que notre part du marché est généralement en train de diminuer au Canada, malgré les ressources, le capital humain et les capacités que nous avons. Avec cette définition, la compétitivité peut être mesurée. Nous nous efforçons depuis un certain temps de produire de l'information indiquant le degré de compétitivité du secteur agroalimentaire.
Aujourd'hui, j'ai des données portant sur la compétitivité du secteur agricole. Dans l'industrie alimentaire, la productivité de la main-d'oeuvre canadienne est moins bonne que celle de la main-d'oeuvre étasunienne, lorsqu'on calcule la valeur ajoutée pour chaque dollar versé en rémunération. De plus, l'écart est en train de se creuser. Essentiellement, aux États-Unis, la valeur ajoutée est d'environ 5 $ pour chaque dollar versé à la main-d'oeuvre, tandis qu'au Canada, la valeur ajoutée est d'environ 3 $. Si l'on fait le calcul pour chaque secteur de l'industrie alimentaire, le constat est semblable, de même que pour l'ensemble du secteur secondaire au Canada. La productivité a diminué au fil du temps, ce qui s'ajoute à une deuxième série de données, qui montrent que, pendant sept des neuf dernières années, les investissements de l'industrie alimentaire canadienne ont été moins élevés que la dépréciation des équipements. Autrement dit, la valeur des immobilisations de l'industrie alimentaire est en train de s'effriter. Aux États-Unis, pendant la pire année de la même période, les investissements de l'industrie alimentaire ont été équivalents à 1,2 fois la dépréciation. On a donc investi 20 p. 100 de plus que la dépréciation des équipements, ce qui signifie qu'au Canada, on ne profite pas des innovations. Je parlais de la productivité de la main-d'oeuvre, mais en fait, la productivité est déterminée par les investissements que sont les dépenses en immobilisations. En effet, presque toutes les dépenses en immobilisations augmentent la productivité de la main-d'oeuvre. Au Canada, les investissements ne sont pas au rendez-vous, ce qui fait augmenter les coûts de production par rapport à nos concurrents. Les fabricants canadiens de produits alimentaires sont de moins en moins capables d'acheter les produits des agriculteurs canadiens, et ainsi de suite.
Pour ce qui est du secteur primaire, c'est-à-dire de l'agriculture comme telle, je voudrais vous parler aujourd'hui de deux variables que nous avons mesurées. C'est la première fois qu'il en est question publiquement. Nous avons essayé de comparer la compétitivité des exploitations agricoles au Canada à la compétitivité d'exploitations de même taille et de même type aux États-Unis. Pour ce faire, nous nous sommes servis de très grosses bases de données. Nous en avons tiré les deux variables dont je vais vous parler. La première variable est le bénéfice avant les intérêts, l'impôt et la dépréciation, c'est-à-dire le bénéfice d'exploitation, comme on l'appelle communément, exprimé sous la forme d'un ratio, plus précisément sous la forme d'un pourcentage des produits d'exploitation. La deuxième variable est le bénéfice d'exploitation également, mais exprimé en pourcentage de l'actif. C'est une mesure approximative du rendement du capital.
Les données que nous avons générées... Nous avons fait nos calculs pour plusieurs années, selon le type de production agricole et selon la taille de l'exploitation, soit de 250 000 à 500 000 $ de revenu brut, de 500 000 $ à 1 million de dollars et 1 million de dollars et plus. On constate, pour les deux variables, que les producteurs de céréales et d'oléagineuses des États-Unis obtiennent de meilleurs résultats que les producteurs canadiens. Au cours des deux dernières années, l'écart s'est rétréci un peu, mais, sur l'ensemble de la période étudiée, les États-Unis tiennent le haut du pavé.
Les éleveurs de bovins des États-Unis sont, dans l'ensemble, plus productifs que ceux du Canada si l'on se fie à la première variable, c'est-à-dire le bénéfice d'exploitation par rapport aux ventes. Si l'on se fie à la deuxième variable, ils sont également plus productifs dans le cas des petits élevages, mais pas dans le cas des grands élevages, où le Canada obtient de meilleurs résultats. Les éleveurs de porc des États-Unis arrivent loin devant les éleveurs de porc du Canada pour les deux variables.
Il est intéressant de voir les chiffres dans le cas des producteurs laitiers. Le Canada arrive premier pour les exploitations de petite et de moyenne taille selon la première variable, c'est-à-dire le bénéfice d'exploitation par rapport aux produits d'exploitation. Selon la deuxième variable, soit le bénéfice d'exploitation par rapport à l'actif total, ce sont les producteurs canadiens qui sont premiers si l'on considère seulement les producteurs dont les ventes dépassent 1 million de dollars. Mais, si l'on considère l'ensemble des producteurs, ce sont les États-Unis qui sont premiers.
Donc, il y a des données vraiment inquiétantes qui montrent que le Canada est derrière les États-Unis pour ces variables et que c'est un phénomène généralisé.
Il y a d'autres données qui me semblent plus anecdotiques. Les deux intervenants précédents ont parlé du blé. C'est constamment l'orge qui retient mon attention. Il se trouve que j'ai des données pour l'Alberta, mais peu importe que ce soit l'Alberta, la Saskatchewan ou le Manitoba, les résultats sont les mêmes. Entre 1985 et 2007, le rendement des cultures de maïs aux États-Unis est passé de 2,75 tonnes par hectare à 4,35 tonnes par hectare. Au cours de la même période, le rendement des cultures d'orge en Alberta est passé de 1,2 tonne par hectare à 1,4 tonne par hectare. Autrement dit, c'est à peine si le rendement a changé. Il faut examiner le graphique de la production d'orge à la loupe pour y déceler une tendance.
Il me semble que c'est un constat important, car les effets ne se font pas sentir uniquement sur le secteur des grains. Cette stagnation finit par avoir des conséquences importantes pour le secteur de l'élevage. Évidemment, dans le secteur des grains, si l'on examine les données du Brésil et de l'Argentine, on y observe la même tendance qu'aux États-Unis. Donc, malgré l'augmentation du prix des intrants, leurs coûts de production peuvent diminuer ou rester semblables, pour une quantité donnée de produits, parce que leurs rendements augmentent. Au Canada, les rendements obtenus par les producteurs n'augmentent pas. Donc, si le prix des intrants augmente, les coûts de production augmentent, ce qui finit par avoir des conséquences énormes pour les éleveurs parce que, comme Kurt l'a dit, si l'élevage a pris de l'ampleur dans l'Ouest canadien, c'est en partie à cause de la présence d'une énorme production de céréales fourragères. Si cette production n'augmente plus, les éleveurs canadiens deviennent vite de moins en moins concurrentiels en raison des coûts. Je pense que c'est ce qui explique en partie les difficultés actuelles du secteur porcin, dont je vous ai parlé tout à l'heure.
Je vous donne un autre exemple anecdotique, même si je n'ai pas les données dans mes notes. Il s'agit de l'horticulture. Nous venons de réaliser une étude pour un groupe de l'Ontario, étude qui indique que la part de marché des producteurs de fruits de verger de l'Ontario est en train de diminuer en Ontario, au profit de leurs concurrents des États-Unis et du Chili. Cela s'explique par toutes sortes de raisons très intéressantes.
Quels sont les obstacles? Quelles sont les causes de cette perte graduelle de compétitivité? Je pense que les causes sont nombreuses, mais comme je dispose de dix minutes seulement, je vais me borner à parler de trois causes.
L'une des difficultés les plus importantes que nous ayons au Canada — et ces deux personnes en ont parlé — est le système de réglementation. Mardi dernier, nous avons publié une étude à Ottawa, parrainée par les fabricants de produits alimentaires et de consommation du Canada. Il s'agit d'une analyse de la réglementation sur les aliments de Santé Canada. Nous avons fait 12 études de cas dont les résultats peuvent être résumés très sommairement ainsi: les fabricants de produits alimentaires et les agriculteurs du Canada ont perdu des ventes de 400 millions de dollars parce qu'ils ont raté des occasions qui se sont présentées.
Nous sommes tout simplement trop lents et pas assez sévères. Nous prenons les décisions très, très lentement à partir des mêmes données que tout le monde. Mais, ailleurs, les produits sont homologués plus vite. Il existe de nombreux exemples de produits nouveaux qui ont été conçus au Canada, mais qui ne peuvent pas y être vendus parce qu'ils n'y sont pas homologués. Alors, les gens vont aux États-Unis, et ce sont les États-Unis qui récoltent les bienfaits économiques.
La conclusion est la même lorsqu'on examine le travail de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, un organe de réglementation relevant de Santé Canada qui est censé homologuer les nouveaux produits de santé et qui comprend une direction des médicaments vétérinaires. Ces médicaments sont notamment destinés au bétail. Nous avons fait les mêmes études que Kurt a faites sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments et sur le secteur des grains. Nous avons obtenu les mêmes résultats que lui.
Par surcroît, notre gestion de la chaîne de valeur est très mauvaise. Et, comme le Canada dépend largement de ses exportations, l'un des plus grands problèmes pour une bonne partie de l'industrie est le manque d'accès aux marchés. Les secteurs bovin et porcin font face à des tarifs douaniers d'environ 70 p. 100 lorsqu'ils essaient d'exporter dans le reste du monde, sans compter les barrières non tarifaires.
Que faire? J'ai cinq suggestions.
Premièrement, il faut changer le système de réglementation. Il faut qu'il soit sévère, mais rapide. Il doit avoir comme objectifs d'accroître notre compétitivité et de nous assurer une protection adéquate.
Deuxièmement, il faut investir beaucoup dans la recherche et le développement.
Troisièmement, il faut investir beaucoup dans la formation.
Quatrièmement, il faut améliorer l'accès aux marchés étrangers.
Cinquièmement, il faut changer les politiques fiscales pour stimuler les investissements dans l'agriculture et dans la fabrication des produits alimentaires. Il y a eu déjà passablement de changements fiscaux dans cette optique au cours des deux ou trois dernières années, du moins à l'échelon fédéral.
Merci.
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Merci beaucoup, messieurs, d'être présents ici aujourd'hui.
La question des exportations et de l'accès aux marchés est liée à notre manque de compétitivité. Nous souhaitons une amélioration sur ce plan.
Monsieur Martin, vous avez parlé d'une diminution de la part de marché dans le secteur des produits alimentaires et vous avez donné des statistiques montrant que le ratio de la valeur ajoutée sur les coûts de main-d'oeuvre est de cinq pour un aux États-Unis et de trois pour un au Canada. Pourquoi en est-il ainsi? Est-ce en raison des salaires? Le cas échéant, faudra-t-il verser des salaires moindres au Canada pour être concurrentiel?
Je sais que, dans la péninsule du Niagara, la dernière usine de produits alimentaires vient de fermer ses portes. Alors, comment faire pour que les fabricants de produits alimentaires ne ferment pas leurs usines et pour qu'ils puissent y transformer la production locale, comme c'était le cas de l'usine qui vient de fermer? C'est un problème actuellement. Les producteurs n'ont plus de débouché pour leurs fruits de verger, leurs pêches.
Vous avez parlé de la diminution de la part de marché des producteurs de fruits de verger. Comme je l'ai déjà dit, c'est en grande partie attribuable aux accords commerciaux. Par exemple, avec l'accord de libre-échange et l'ALENA, nous pouvions appliquer des tarifs douaniers pendant les récoltes locales, ce qui permettait aux producteurs de légumes de gagner leur vie. Maintenant, avec les accords que signe le Canada, ce n'est plus possible.
Les pomiculteurs américains pratiquent le dumping au Canada. Dans la région d'où je viens, le Sud de la vallée de l'Okanagan, de nombreux producteurs se font viticulteurs parce qu'ils ne sont pas concurrentiels autrement. C'est le résultat des accords commerciaux. Pourtant, on entend dire qu'il faut conclure davantage d'accords pour exporter davantage.
J'aimerais vous entendre au sujet des parts de marché. Certains accords sont-ils un obstacle? On observe, au Canada, un mouvement pour la consommation d'aliments produits localement. Ne devrions-nous pas essayer non seulement de protéger les agriculteurs canadiens, mais aussi de leur permettre de gagner leur vie en vendant leurs produits au Canada?
Je vais m'arrêter ici, je crois, parce que j'aurai d'autres questions à poser, si j'ai le temps.