Nous entendrons deux témoins aujourd'hui et nous disposons de deux heures. Nous commençons un peu en retard, et il y a un autre comité qui se réunit ici à 13 heures, alors nous ne pourrons pas prolonger notre réunion aujourd'hui non plus. Je le sais, parce que je dois être ici également pour cette réunion.
Je vous souhaite la bienvenue à tous mesdames et messieurs, messieurs les témoins.
Nous poursuivons notre étude des questions liées à la prorogation en vertu de l'alinéa 108(3)a) du Règlement et de la motion adoptée par le comité le jeudi 11 mars 2010. C'est la treizième réunion du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
Je vous remercie tous pour votre bon travail.
Monsieur White, pouvez-vous me donner encore une minute avant de commencer? J'ai quelques nouvelles à annoncer.
Michel, notre attaché de recherche, n'est pas ici aujourd'hui. Sa femme a accouché d'une petite fille, prénommée Rose, la nuit dernière...
Des voix: Bravo!
Le président: ... une petite soeur pour Charles. Elle pèse huit livres. Michel se couche déjà tard à cause d'elle, évidemment. C'est le vrai travail qui commence pour lui maintenant.
Nous lui souhaiterons beaucoup de bonheur lorsqu'il reviendra et, si le comité m'en donne la permission, peut-être que nous lui ferons parvenir une lettre pour lui offrir nos voeux de bonheur et féliciter sa femme pour tout le beau travail.
Cela dit, nous sommes heureux que vous soyez avec nous aujourd'hui, monsieur White. Je vais vous accorder du temps pour votre déclaration préliminaire et, ensuite, les députés des différents partis pourront vous poser des questions. Nous pouvons vous accorder jusqu'à midi, mais pas plus. Et nous vous remercions de vous être déplacé pour nous rencontrer et nous communiquer de l'information aujourd'hui.
Allez-y, s'il vous plaît.
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C'est toujours un plaisir.
Je vais commencer par un mémoire que j'ai préparé.
Le 23 janvier, quelque chose d'étrange s'est produit. Des milliers de Canadiens de toutes les régions et de tous les milieux se sont regroupés à cause d'une procédure parlementaire habituelle qui, jusqu'à l'année dernière, était inconnue de nombreuses personnes.
[Français]
Nous avons représenté des milieux politiques divers, unifiés par notre intérêt à préserver la démocratie et le gouvernement responsable. Même si nous avons été encouragés par des politiciens, notre succès est attribuable à notre capacité de nous organiser, de débattre et de discuter par Internet et dans nos comités.
[Traduction]
On a fait beaucoup de progrès sur la question de la légitimité de l'engagement politique grâce au réseautage social. Certains ont dénigré les 226 000 fiers Canadiens qui se sont inscrits au groupe Facebook « Canadiens Against Proroguing Parliament ». On a laissé entendre qu'il est incroyablement facile de cliquer sur un simple bouton pour « Rejoindre ce groupe », ce qui est vrai, mais j'ajouterais que ce n'est pas plus difficile de faire une croix sur une bulletin de vote. Mais personne ici ne doute de l'importance de ce geste.
Le fait qu'il n'y ait pas beaucoup d'obstacles à l'engagement politique sur Internet est, en fait, l'un des points forts de cette méthode. Communiquer avec des députés, participer à des manifestations et faire circuler des pétitions — tout cela peut être intimidant au début. Le groupe Facebook représentait la première expérience en matière d'engagement politique pour beaucoup de personnes, qui sont nombreuses aujourd'hui à s'autoproclamer « mordus de politique ». Tout politicien qui ne se contente pas seulement de voeux pieux concernant l'engagement des citoyens devrait être encouragé par cela et essayer de trouver des façons d'inciter les électeurs à utiliser ces outils.
[Français]
On a démontré que les Canadiens sont très intéressés par notre démocratie et la manière dont notre Parlement fonctionne. Nous ne nous opposons pas à la prorogation comme telle, mais au flagrant abus de pouvoir qui a été démontré en décembre 2009. C'est maintenant la responsabilité de la Chambre de trouver une solution pour s'assurer que ça ne se répétera pas à l'avenir.
[Traduction]
Je reconnais que tout règlement réellement exécutoire nécessiterait une réforme de la Constitution, ce qui ne semble pas être une option très populaire. J'appuie des propositions visant à présenter de nouvelles conventions par le biais de lois ou de modifications au Règlement. Jusqu'à maintenant, les propositions portaient sur la durée maximale des prorogations, le moment où on peut y avoir recours et la possibilité de mettre la question aux voix.
On devrait trouver comme fondement de toute nouvelle convention le pouvoir de la Chambre, l'entité qui représente la volonté des Canadiens, de décider du moment où elle siège et où elle ne siège pas. On ne peut pas simplement présenter une convention et s'attendre à ce qu'elle soit respectée. Par sa nature, une convention est une pratique volontaire, renforcée par la tradition et les pratiques courantes. Par conséquent, l'orientation de notre gouvernement est en grande partie axée sur des conventions et des ententes entre les différents organes afin qu'ils se comportent avec civilité et se traitent mutuellement avec respect dans l'intérêt des Canadiens. Peut-être que c'est pour cette raison que nous avons des problèmes.
L'objection la plus commune que j'ai entendue au sujet du groupe Facebook est: « Et alors? Qui a besoin du Parlement, de toute façon? » Cela devrait vous faire réfléchir au fait que certaines personnes considèrent votre rôle comme étant destructeur, dans le pire des cas, et non pertinent, dans le meilleur des cas.
La prorogation touche une corde sensible parce qu'elle concerne toute la question du Parlement et de la démocratie et ce qui se passe avec ces deux institutions au Canada. Même si vous appuyez la décision du — ce que je respecte —, vous devez au moins reconnaître les préoccupations de près de 250 000 Canadiens. Si le Parlement ne prend pas son rôle au sérieux, les gens ont entièrement le droit de devenir cyniques.
Nous devons avoir une opposition qui se concentre sur les enjeux, pas qui court après les scandales pour marquer des points sur l'échiquier politique. Notre gouvernement doit répondre directement aux questions, plutôt que de transférer le blâme.
Cela dit, j'ai une raison d'avoir de l'espoir. Le fait que je comparaisse devant vous aujourd'hui est la preuve que le gouvernement prend cette question au sérieux. Une motion récente présentée par le député de Wellington—Halton Hills porte sur la question du décorum à la Chambre et, espérons-le, mènera à l'établissement de nouvelles conventions relatives au respect au sein de la Chambre et à l'égard de la Chambre.
Dans sa décision la semaine dernière, le Président demandait à tous les partis de travailler ensemble, donnant ainsi la chance aux députés de renouveler leur engagement, à savoir servir les intérêts de la population canadienne. La prorogation a donné le coup d'envoi de ce qui, avec un peu de chance, se traduira par un engagement plus marqué des citoyens à l'égard du processus démocratique. Vous pouvez y contribuer en collaborant afin de trouver une solution pour protéger et renforcer le rôle du Parlement dans la prise de décisions qui orientent et façonnent notre pays.
Merci.
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Le hic avec un groupe Facebook, c'est qu'une fois qu'il a passé le cap des 5 000 membres, on ne peut pas y changer grand-chose. À vrai dire, j'aurais voulu changer le nom du groupe afin qu'il tienne compte de son vaste mandat.
Ce qui est vraiment intéressant au sujet du groupe, c'est qu'il a réellement permis de lancer d'autres discussions et d'autres questions au sujet du rôle du Parlement et du gouvernement, des questions comme le rôle de la monarchie au Canada, la représentation proportionnelle, d'autres formes de vote, entre autres. Alors, j'avais vraiment l'intention de changer le nom du groupe afin de tenir compte de cela. Malheureusement, le nom est resté « Canadians Against Proroguing Parliament ».
Je crois qu'il compte toujours environ 217 000 membres. De ce nombre, je dirais qu'il n'y en a que quelques douzaines qui demeurent actifs, et les questions abordées aujourd'hui sont plutôt liées à des événements qui se sont passés pendant la semaine. Par exemple, pendant un certain temps, on a parlé de documents relatifs aux détenus afghans, puis de questions récentes, comme le fait que M. Ignatieff ait demandé que le mandat de la gouverneure générale soit prolongé. Les sujets du jour sont abordés, et on les laisse tomber ensuite. Alors le groupe demeure actif. Les gens sont encore intéressés par le sujet de la prorogation parce qu'ils veulent savoir ce qui se passera.
J'ai dit à des gens sur des forums que je comparaîtrais aujourd'hui, et plusieurs sont enthousiastes. C'est vraiment encourageant de voir cela, de voir que l'on souligne leurs efforts et que l'on parle de leurs préoccupations. Alors je vous remercie tous de prendre cette question au sérieux.
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Puis-je vous répondre en anglais? Je n'ai pas vraiment espoir de siéger à la Cour suprême.
Des députés: Ah, ah!
[Traduction]
M. Christopher White: Je tenais à la placer, celle-là.
Une des conséquences intéressantes de la prorogation est que beaucoup de gens — et je m'inclus dans le lot — commencent à réfléchir sérieusement aux différents acteurs qui composent le Parlement. Vous avez tout à fait raison de dire que l'opposition ne fait pas simplement acte de présence; son rôle est aussi important que celui du parti ministériel pour assurer le bon fonctionnement du gouvernement du Canada.
C'est fascinant de voir que tant de gens s'intéressent de plus en plus à la procédure parlementaire et à tout ce qui l'entoure et qu'ils réfléchissent vraiment à la situation. C'est très intéressant. Quand on pense au Parlement, l'image qui nous vient est la période des questions et tous ces gens qui crient, s'interpellent et s'interrompent. C'est très rafraîchissant de voir différents intervenants et différents partis réunis dans un esprit de camaraderie.
Je crois que les gens en sont de plus en plus conscients et qu'ils portent une attention renouvelée aux travaux des comités. La population s'est demandée si la prorogation avait servi à empêcher les membres du comité sur l'Afghanistan de poser des questions et, de fil en aiguille, elle s'est intéressée aux comités et à leur rôle. C'est encourageant de constater que de fréquentes discussions ont lieu sur le sujet et que c'est maintenant devenu un point d'intérêt. Même sur le forum du groupe CAPP, des membres posent des questions et consultent le site Web du Parlement pour y trouver des renseignements pertinents, qu'ils publient ensuite sur le forum aux fins de discussion. C'est très encourageant.
C'est seulement une fois qu'on se retrouve sans voix qu'on s'aperçoit à quel point elle est importante. La situation que nous avons vécue s'est avérée bénéfique, d'une certaine façon. Elle a fouetté les sangs de nombreuses personnes, qui ont commencé à être beaucoup plus attentives aux rouages du système.
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Les gens étaient-ils conscients que c'était la troisième fois que le gouvernement avait recours à la prorogation depuis son élection, il y a quatre ans, pour faire taire l'opposition ou pour ne pas avoir à rendre des comptes dans certains dossiers?
Les raisons ont été à peu près les mêmes les trois fois où on a prorogé le Parlement. Si on regarde ce qu'avait fait le gouvernements précédent, on voit qu'il y a eu quatre prorogations en 10 ans. On peut donc dire que cette utilisation est abusive.
S'il y a prorogation au cours d'une période où les parlementaires sont en congé, par exemple pour la période des Fêtes ou pour la période estivale, verriez-vous d'un bon oeil que les parlementaires soient rappelés à la Chambre pour tenir un débat en vue d'expliquer à la population ce qui est vraiment en train de se passer, afin d'arrêter ce genre de cynisme? On se fait dire qu'on est en vacances, qu'on devrait être content, qu'on est dans notre comté, qu'on ne fait rien. Souvent, les gens ne savent pas ce que les députés font, ils ignorent tout le travail qui est fait dans les bureaux de comté, à moins qu'on ait besoin de voir un député pour telle et telle question. Comment voyez-vous ça? Quand on a appris qu'il y avait prorogation, on était un peu insulté de ne pas revenir au Parlement. Le premier ministre a décidé de proroger le Parlement, et on n'avait pas un mot à dire. On est sans voix, aussi.
Avez-vous songé, peut-être, à une formule où les parlementaires pourraient revenir à la Chambre, où il y aurait une obligation de débat? La Chambre serait prorogée, mais il y aurait une obligation de débat.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Christopher, je suis heureux de vous revoir. Je vous remercie d'être venu aujourd'hui.
Pendant que vous parliez, je me suis rendu compte que si nos âges étaient inversés, je pourrais être le fils de Christopher. Ça lui donnerait une raison de se plaindre.
Laissez-moi juste vous dire que vous êtes vraiment impressionnant. Ce n'est pas facile de venir ici et de présenter un exposé devant un groupe de parlementaires, surtout si l'on songe aux choses loufoques que nous disons parfois. Je crois qu'il est juste de dire que vous êtes un héros populaire, spécialement aux yeux des jeunes Canadiens, et j'espère que vous portez bien ce titre, parce que vous faites maintenant partie du groupe de meneurs vers lesquels se tournent les citoyens pour connaître l'orientation que le Canada devrait prendre. Je vous appuie dans toutes vos entreprises jusqu'ici, je vous souhaite du succès dans vos projets futurs, et j'espère que vous resterez présent dans la vie publique. Je crois qu'il y a un rôle qui vous attend; c'est assez évident.
L'une des choses intéressantes — pour poursuivre l'idée de M. Reid au sujet du phénomène du réseautage social —, c'est la question à savoir si l'activisme serait en train de se transformer, et si aujourd'hui, on peut être activiste en restant assis chez soi toute la journée, sans jamais sortir, le jour comme la nuit, peu importe la température, en se contentant d'un clic de souris de temps à autre. Le véritable test est survenu le 23 janvier: au beau milieu de l'hiver, on a demandé à ces activistes nouveau genre de sortir dehors et de braver les éléments pour faire entendre leur opinion. Eh bien, ils y étaient.
Le 23 janvier, je me trouvais au parc Gore, dans le centre-ville de Hamilton, et il y avait plein de monde. La voix du peuple sortait de haut-parleurs à l'arrière d'une camionnette; il s'agissait d'une action politique du peuple, le plus bel exemple du genre. Les gens éprouvaient une indignation bien compréhensible, comme vous l'avez si bien expliqué: on leur avait enlevé quelque chose, quelque chose qu'ils avaient et qu'ils avaient soudainement perdu.
Vous avez suivi le conseil que l'on vous avait donné, et vous êtes vous-même très instruit, de toute évidence. Vous verrez qu'une question se pose: pourrions-nous faire quelque chose, sans aller jusqu'à une révision constitutionnelle, pour stopper cela? Vous avez mentionné que nous avons un chemin législatif à suivre; nous avons notre Règlement, et une révision constitutionnelle mettrait un frein à cela. Nous nous battrons probablement contre des stratégies de démotivation et d'autres choses, mais surtout — et c'est ce que vous avez fait remarquer —, si nous touchons au Règlement et aux lois pour arriver à nos fins, ce serait le prix politique que le premier ministre devrait payer, par opposition aux pénalités qui existent actuellement, parce qu'on peut en tenir compte. Ce dont on ne peut pas tenir compte, c'est ce que le public fera.
Donc, la question que je souhaite vous poser est la suivante: Ne croyez-vous pas que c'est assez? Ne croyez-vous pas que l'on a suffisamment insisté sur le rôle des citoyens, que les citoyens ont compris et que si le premier ministre décidait de faire fi des lois ou du Règlement, qui n'ont pas le même point d'ancrage que la révision constitutionnelle, ils réagiraient à cela et diraient que le premier ministre n'a pas suivi les règles, après avoir jugé que ce n'était pas correct? Sommes-nous en train de bâtir des moulins à vent?
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Soyons réalistes: seule une révision constitutionnelle pourrait avoir assez de poids. Au départ, j'avais en partie créé ce groupe pour mettre un frein à tout cela, pour éviter que cela ne devienne une routine. C'est arrivé deux fois en deux ans; c'est très dangereux.
Si cela devient la nouvelle mode — et je vois au-delà du gouvernement actuel —, un jour, les libéraux retourneront au pouvoir, et il faudra qu'ils acceptent ce qui s'est passé auparavant et qu'ils continuent dans cette direction... Voilà l'excuse que l'on sert constamment dans le gouvernement, soit que les prédécesseurs ont fait la même chose, ou qu'ils ont fait pire.
Ainsi, ils diraient que leur responsabilité commence ici; essayons maintenant de parler de quelque chose qui a un peu plus de sens et de comprendre quel est l'esprit du Parlement dans une démocratie. Je crois qu'aussi longtemps que le public conservera un intérêt et cette capacité de s'investir... Et c'est ce qui est super au sujet des médias sociaux et du réseautage social: ils donnent aux Canadiens des pouvoirs qu'ils n'auraient probablement pas pu avoir il y a 15 ou 20 ans.
Vous voyez cela dans d'autres domaines aussi. On s'est opposé à la vente d'Énergie NB. Il y a eu de très grandes manifestations à ce sujet au Nouveau-Brunswick. Un groupe Facebook a été créé aussi, et il comptait un très grand nombre de personnes. Je sais qu'en Ontario, il y a eu une question touchant les jeunes conducteurs, et beaucoup d'organisations ont donné leur avis en ligne. Ainsi, je crois que nous entrons dans une nouvelle ère. Et je soulignerai encore que bien qu'il n'y ait aucune nouvelle loi ou qu'aucun changement n'ait été apporté au Règlement, une partie de ce qui se passe aujourd'hui contribuera à l'établissement de cette tendance. On reconnaît ici que la prorogation pose problème; un tel pouvoir est absolument nécessaire, mais il faut garder en tête qu'il y a des moments où cette stratégie est appropriée, et d'autres où elle ne l'est pas.
Pour donner suite à vos commentaires au sujet de l'engagement, l'une des choses qui étaient déconcertantes, il y a environ un an... L'aspect politique est une chose, et c'est bien correct, c'est notre domaine. Toutefois, c'était décourageant de voir à quel point il était facile pour le gouvernement de dire aux Canadiens qu'il y avait quelque chose d'inconstitutionnel, qu'il y avait un genre de coup d'État qui se faisait, et que les coalitions étaient en quelque sorte illégitimes. Je me pose bien des questions parce que nous ne connaissons pas les résultats de la prochaine élection et parce que nous ne savons pas où nous serons rendus; nous allons peut-être finir par revivre ce genre de situation.
Il s'agit d'instruction civique. Croyez-vous qu'il y a assez d'indices pour croire que cette peur demeurera bien vivante, et s'il y a un débat, portera-t-il sur les aspects politiques de la question, plutôt que sur les aspects civiques? C'est que beaucoup de Canadiens croient encore que lorsque nous tenons une élection, ils élisent le premier ministre et le gouvernement, et ce n'est pas le cas. Nous élisons les membres du Parlement. Le Parlement choisit qui gouvernera.
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Je ne sais pas. Je suis certes déçu de ce qu'on a pensé l'année dernière de la coalition; cela revient occasionnellement dans le hansard, et l'on parle de temps à autre d'alliance allant contre nature. Mais vous voyez que tous essaient de faire peur aux Canadiens pour arriver à leurs fins, tout spécialement aux alentours des élections; ainsi, il est inévitable que ceux qui se trouvent au pouvoir ou que ceux qui représentent l'opposition essaieront de faire peur aux Canadiens pour qu'ils votent pour eux.
Ce serait super si nous pouvions avoir des politiciens qui motivent les citoyens avec comme seul outil des messages d'espoir, mais la peur est une émotion beaucoup plus primitive, qui frappe les citoyens beaucoup plus facilement que le font les bonnes idées. Mais il est plutôt intéressant de voir qu'il existe une certaine confusion au Canada à savoir si nous élisons les gouvernements ou le premier ministre, ce que nous ne faisons pas. Nous élisons une assemblée législative de représentants, qui, entre eux, choisissent le premier ministre.
La dernière fois où je suis venu en ville, j'ai parlé avec Elizabeth May; des personnes lui ont demandé si nous pouvions destituer le premier ministre, et si ce n'était pas comme cela que notre système fonctionnait. Il semble qu'on se mélange souvent avec le système américain de gouvernement. Il se pourrait très bien que ce soit parce que les gens passent beaucoup plus de temps à... C'est un pays beaucoup plus grand. Tout le monde sait qui est l'épouse de Barack Obama, mais personne ne sait qui est l'épouse de Stephen Harper. Je crois que c'est très intéressant, et très éloquent. Je ne dis pas que nous avons besoin de le savoir, mais cela montre seulement le niveau d'intérêt.
C'est tout le temps dont je dispose?
Je souhaite poursuivre sur un point qu'a abordé mon collègue David Christopherson. Je serai très brève: je parlerai de ce qu'ont dit certaines personnes au sujet de l'entente de gouvernement de coalition entre le Parti libéral du Canada et le Nouveau Parti démocratique du Canada, soit qu'elle allait contre nature, et qu'elle était illégale, inconstitutionnelle, etc., et je parlerai du fait que beaucoup de Canadiens, qui ne savent pas ce qu'est notre démocratie parlementaire constitutionnelle ni comment elle fonctionne, ont cru que c'était la vérité.
De nos jours, des élections ont lieu dans d'autres démocraties parlementaires; au Royaume-Uni, ça fait maintenant des semaines qu'on tient des discussions, qu'on juge parfaitement légitimes, sur l'éventualité que le parti libéral démocrate du pays forme une coalition avec le parti travailliste ou avec le parti conservateur, et personne n'a dit que ces discussions étaient insensées ou inconstitutionnelles, ou que ce qui pourrait en ressortir irait contre nature ou serait contraire aux principes de la constitution.
Ainsi, j'aimerais savoir si le groupe CAPP a su utiliser cela au cours des dernières semaines, et s'il pourrait le faire dans l'avenir, pour donner de l'information à la fois à ses membres et à toutes les autres personnes qui pourraient jeter un oeil au site et le visiter.
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Pour être franc, je dois dire que dernièrement, je n'ai pas été très actif sur le forum du groupe CAPP; l'objectif est certainement que les personnes continuent de discuter. Nous souhaitons faire tomber à l'eau cette idée de coalition parce que nous espérons que cela profitera, avec un peu de chance, à un parti en particulier, ou parce que nous avons d'autres aspirations du genre.
Toutefois, je trouve plutôt intéressant de voir qu'il y a de la confusion et que certaines personnes pourraient essayer d'en tirer avantage. Je crois que ce qui se passe actuellement en Grande-Bretagne est plutôt intéressant; là-bas, on étudie sérieusement cette possibilité. Nous avons fait un copier-coller du système de gouvernement de la Grande-Bretagne, c'est bien vrai, donc si on arrive à faire fonctionner ce genre de système là-bas, nous pouvons en faire autant ici.
Je serais vraiment mécontent de voir un gouvernement essayer de semer la confusion chez les Canadiens de sorte qu'ils aient du mal à évaluer la légitimité de différentes façons de gouverner. Ce que je veux dire, c'est que tous les partis politiques, par leur nature, sont des coalitions. Par exemple, songeons à la fusion des deux partis conservateurs, qui est un exemple très éloquent. Dans les années 1990, un genre de scission s'est produite au sein du NPD, et des dissensions ont toujours existé au sein du Parti libéral. Ainsi, les partis sont eux-mêmes des coalitions.
Même le Parlement doit obtenir une certaine forme de consensus lorsqu'il souhaite faire passer quelque chose. Je ne suis certainement pas le seul à penser que nous tombons en quelque sorte dans une période où se succéderont, les uns après les autres, des gouvernements minoritaires. Ainsi, des coalitions, qu'elles soient officielles ou non — nous avons vu le NPD appuyer le gouvernement actuel, nous avons vu les libéraux fournir leur appui en ayant recours à l'abstention, et nous avons été témoins d'autres formes d'appui —, vont continuer de se former, et nous avons vraiment besoin de bien comprendre la question et d'en informer les Canadiens.
Je vous remercie, monsieur White, de votre présence.
Je veux aussi vous dire que j'ai bien aimé que vous précisiez que vous ne présentez pas votre candidature à la Cour suprême. Si vous m'en donnez la permission, j'aimerais bien reprendre votre expression à l'occasion.
Je reviens à un sujet dont on entend parler par les temps qui courent: la coalition. Je crois que ce qui distingue la discussion qui a cours au Royaume-Uni, où la campagne électorale bat son plein, de celle qui a eu lieu au Canada à la suite des élections de 2008, c'est que l'idée de former une coalition a fait surface après les élections et non avant la campagne. C'est peut-être pour cette raison que l'attitude n'est pas la même au Royaume-Uni; les gens là-bas savent à quoi s'attendre. S'ils s'y opposent, ils peuvent exprimer leur désaccord avant les élections — ils ne seront pas pris de court après coup.
Cela m'amène à la question que je voulais vous poser. Comment se faisait la diffusion de l'information au sein de votre groupe? En fait, j'ai cru comprendre d'après vos remarques et votre exposé que bien des gens qui se sont joints à votre groupe Facebook — sinon la plupart d'entre eux — ne se considéraient pas vraiment comme actifs sur le plan politique avant de s'y joindre.
J'ai donc l'impression que l'apprentissage s'est fait assez rapidement si vous en êtes venus à discuter de modifications constitutionnelles. Je me demande tout simplement dans quelle mesure vous avez informé — vous ou d'autres membres de votre groupe — les membres ni vraiment engagés ni spécialistes sur le plan politique au sujet des mesures visant à mettre un frein ou un terme à la prorogation.
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Oh, c'est peut-être ce que je devrais faire. J'irai vous voir après la rencontre.
J'imagine que la raison pour laquelle je suis ici, c'est que j'ai écrit en janvier une lettre qui a fait boule de neige d'une manière qui dépassait mes attentes. Elle a été signée par près de 300 universitaires — en grande partie des professeurs de droit et de sciences politiques, mais aussi certains autres philosophes excentriques comme moi.
Cette lettre abordait deux ou trois questions qui, je crois, font maintenant partie depuis quatre ou cinq mois du débat public. D'ailleurs, je crois que ce qui est agréable avec cette lettre, c'est que bien des éléments que j'aborderai — et qui se trouvent dans cette lettre — seront maintenant pour vous d'une redondance ennuyante. Ça ne l'était peut-être pas autant en janvier lorsque nous avons écrit la lettre.
Je ne voudrais pas vous insulter en entrant trop dans les détails, mais nous voulions faire comprendre aux Canadiens que notre système parlementaire est très particulier. Je présume qu'ils le sont tous, mais les particularités de notre système font que le contrôle des différents pouvoirs ne repose pas, contrairement au système américain, sur des règles précises qui ont été écrites noir sur blanc, mais plutôt sur des conventions — dont certaines datent de quelques centaines d'années et remontent à la tradition parlementaire britannique — et aussi sur la très importante notion de confiance.
Des pouvoirs particulièrement importants sont confiés au cabinet du premier ministre, des pouvoirs beaucoup plus importants que ceux que le président des États-Unis détient. Comme nous l'avons vu au cours des derniers mois pendant le débat sur les soins de santé, on peut être un président populaire et détenir une majorité dans les deux Chambres sans pour autant réussir à faire adopter quoi que ce soit.
Si on fait la comparaison, les pouvoirs détenus par le cabinet du premier ministre sont beaucoup plus importants, même dans le contexte d'un gouvernement minoritaire — comme ceux que nous avons depuis quelques années. La notion de confiance est par conséquent extrêmement importante puisque l'on sait que ces pouvoirs peuvent ouvrir la porte à des abus. Ils ne sont pas régis par des règles écrites noir sur blanc que l'on peut pointer du doigt. On peut abuser de ces pouvoirs, et la confiance du Parlement et des Canadiens envers leurs représentants est fondée sur la présomption que cette confiance ne sera pas trahie.
Lorsqu'on y pense, la prorogation est un pouvoir considérable — même si personne ne connaissait ce mot jusqu'à il y a environ un an et demi ou pensait qu'il s'agissait d'un mets polonais.
Contrairement à l'ajournement ou aux vacances parlementaires, la prorogation permet réellement de tout redémarrer, de remettre les compteurs à zéro. On comprend que cela peut s'avérer nécessaire dans la vie d'un gouvernement. Le programme législatif peut arriver à sa fin, même si tous les projets de loi n'ont pas été adoptés. On peut parfois avoir l'impression qu'un gouvernement a besoin de repartir à zéro.
Là où la confiance entre en jeu, c'est que la population en général — dont la confiance en cette institution est extrêmement importante — et les parlementaires doivent être persuadés que lorsque le compteur est remis à zéro, c'est que quelque chose de cet ordre s'est produit, et les deux côtés de la Chambre doivent estimer qu'il ne servirait à rien de continuer avec le programme législatif annoncé lors du précédent discours du Trône.
Je pense qu'au cours des quelques dernières années, ce pouvoir a fait l'objet d'abus préoccupants et qu'il tend maintenant à être utilisé à des fins plus partisanes, plus stratégiques.
Rétrospectivement, nous aurions peut-être dû nous y attendre. Nous connaissons une période de gouvernements minoritaires — tout d'abord un gouvernement minoritaire libéral, et maintenant un gouvernement minoritaire conservateur — et on ne sait pas combien de temps elle durera. Il est naturel que le cabinet du premier ministre et le parti au pouvoir utilisent les outils qui sont à leur disposition pour compenser le manque de pouvoir relatif ou le pouvoir affaibli que le fait d'être un gouvernement minoritaire entraîne par rapport à un gouvernement majoritaire.
Il est difficile d'imaginer une situation — autre qu'une rébellion dans les rangs du parti au pouvoir — qui pourrait amener un premier ministre à utiliser le pouvoir de proroger le Parlement de la manière dont cela a été fait.
Je ne suis pas politicologue, mais ma compréhension des forces politiques qui sont en jeu me laisse croire que nous sommes en train d'entrer dans une période de gouvernements minoritaires successifs à moyen terme. Il nous faut réellement réfléchir longuement à ce quelque chose auquel nous n'avons pas eu à penser lorsque les gouvernements majoritaires étaient la norme.
Je pense que malgré les mots durs qui ont été prononcés lorsqu'il y a eu prorogation l'an dernier et l'année précédente, on peut comprendre, avec le recul, que pour un gouvernement qui essaie de se garder la tête hors de l'eau, un gouvernement mêlé aux estocades des affaires parlementaires, il est naturel d'essayer d'utiliser tous les outils qui existent pour compenser le certain manque de pouvoir ou le pouvoir affaibli qui va de pair avec le statut minoritaire. Or, étant donné l'importance du fait que les parlementaires et les Canadiens en général estimaient que ce pouvoir de premier plan était utilisé pour le bien commun plutôt qu'à des fins tactiques, nous avons cru nécessaire d'attirer l'attention des Canadiens — et nous n'avons pas été les seuls à le faire — sur le fait que cela cachait peut-être quelque chose de plus technique et de plus difficile à saisir dont les ramifications étaient complexes, dans la mesure où cela pourrait compenser l'équilibre très subtil, non dit et non écrit des pouvoirs qui est inscrit dans les fibres de notre institution — au lieu de faire l'objet de règles clairement établies.
J'ai parcouru — et je m'arrêterai là-dessus — le document d'information qui a été préparé pour ce comité et j'ai découvert qu'on y disait que le pouvoir de prorogation était... était-ce le vilain petit canard ou un partenaire silencieux? Il n'y a pas grand chose d'écrit là-dessus. Nous devons nous fier aux conventions, aux traditions, à ce que l'on croît être la bonne manière d'utiliser ce pouvoir pour servir le bien commun.
Je dirai peut-être une dernière chose, si vous me permettez. Dans les mois qui ont suivi, il y a eu une avalanche de propositions intéressantes provenant des universitaires et des partis d'opposition — le NPD et les libéraux — concernant les règles qui pourraient être mises en place pour régler ce problème.
Je vous inciterai seulement à la prudence concernant ce type d'approche. Bien que cette réaction soit parfaitement naturelle et que je me sois posé la même question après la prorogation — quelles règles pourrait-on mettre en place pour rendre ce processus plus ardu? —, j'en suis venu à la conclusion suivante, que j'ai présentée lorsque j'ai été invité par le parti libéral à l'une de leur rencontre qui a eu lieu pendant la période de prorogation: tout système de réglementation peut être contourné. Tout système de réglementation peut être détourné à des fins politiques partisanes. Je n'ai encore jamais rencontré de règles infaillibles. Lorsque j'ai présenté cela il y a deux ou trois mois, j'ai fait une analogie avec le hockey et Sean Avery. Je ne le ferai pas maintenant, bien que je le pourrais si on me posait la question.
Je pense donc qu'au moment où nous pensons aux règles qui pourraient être mises en place, nous devons demeurer lucides sur le fait que les règles et les procédures ne seront probablement pas suffisantes et que ce qu'il faut, c'est en quelque sorte une nouvelle culture politique de gouvernance minoritaire qui, d'une certaine manière, insuffle la philosophie des parlementaires autant que le font les règles.
Lorsque j'examine les propositions qui ont été présentées, nombre d'entre elles sont parfaitement plausibles au premier regard. Mais dans la mesure où elles signifient qu'il faut renvoyer la balle au Parlement, la joute des forces partisanes pourrait se terminer par la reprise du pouvoir de celles-ci. Voici donc quelques remarques sceptiques concernant certaines des pistes de réflexion que nous pourrions emprunter. Nous avons peut-être besoin de nouvelles règles, mais nous ne pouvons ignorer la tâche beaucoup plus ardue qui nous incombe de réfléchir à la manière dont nous pourrions créer une nouvelle culture et une nouvelle philosophie de gouvernance pour les situations minoritaires qui semblent faire partie de notre futur prévisible.
Je m'arrêterai là, et je vous remercie beaucoup.
Le professeur Russell a posé une autre question dans son point 13:
Que se passerait-il si le Règlement de la Chambre était modifié dans l’esprit de la motion Layton..., mais que les conservateurs... s'opposaient toujours à la motion? Un tel ajout au Règlement lierait certainement autant le premier ministre que toutes les autres dispositions du Règlement. Le non-respect du Règlement par un premier ministre pourrait entraîner une décision ou une conclusion d'outrage au Parlement et peut-être l'adoption d'une motion de censure. D'après la convention constitutionnelle, un gouverneur général pourrait démettre le premier ministre qui refuserait de démissionner ou de demander la dissolution après avoir perdu un vote de confiance à la Chambre.
Selon moi, le professeur Russell pousse à l’extrême l’idée d’un ordre permanent qui servirait de paramètre à un premier ministre désireux de demander à la gouverneure générale d’user de son pouvoir pour proroger le Parlement. D’autres ont suggéré, comme vous, qu’il vaudrait peut-être la peine d’insérer quelque chose dans le Règlement, mais en s’efforçant d’éviter de lier le Parlement et de le mettre en position plus conflictuelle encore. Il faudrait que ce soit fait de façon à donner au Parlement la possibilité de s’exprimer sur ce qui s’est produit — avant la prorogation si l’on prescrivait un délai ou un nombre donné de jours de préavis, ou, si ces échéances n’étaient pas respectées, à la reprise d’une nouvelle session — sans donner lieu obligatoirement à un vote de censure.
Il ne s’agirait pas de forcer un choix, ou de brandir une grosse massue, mais de laisser la simple possibilité au Parlement de s’exprimer à un moment donné. Si un tel ordre permanent était adopté, le Président serait en droit de demander de rencontrer la gouverneure générale pour l’informer du Règlement, après l’adoption de l’ordre permanent.
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Quand on réfléchit aux façons de créer au fil du temps une philosophie de la gouvernance en situation minoritaire à long terme, c’est-à-dire une situation où les partis politiques successifs sont au pouvoir en position minoritaire, j’estime de façon générale que tout ce qui exacerberait la nature conflictuelle du Parlement serait malvenu.
Nous n’avons pas l’habitude des gouvernements minoritaires. En Europe, c’est une situation courante et les coalitions sont aussi chose courante. Les Anglais, dont la tradition parlementaire est apparentée à la nôtre, sont en pleine période électorale, et le spectre d’un Parlement sans majorité et d’une coalition possible, qui ramènerait la situation de 1974, suscite une espèce d’épouvante.
Je crois que cela n’est pas nécessaire. Des démocraties européennes parfaitement fonctionnelles en sont parvenues, chacune à sa façon, à une situation où les coalitions sont une nécessité. Mais il est bien plus facile de construire une coalition si on évite de mettre les gens dans une situation conflictuelle, et un ordre permanent exécutoire risquerait d’exacerber les conflits.
D’une certaine façon, il faudra peut-être du temps pour créer une méthode plus consensuelle pour exercer les pouvoirs conférés au premier ministre, et pour le faire sans solution miracle. Je crois que nous devons nous défier des solutions miracles, des potions magiques qui régleront ce problème une fois pour toutes, et surtout de celles qui risquent d’empirer la situation, parce qu’au risque de me répéter...
Je viens d’entendre un bip. Je parle depuis trop longtemps?
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Moi aussi. Il faudra que je fasse graver cet épisode sur ma pierre tombale.
Vous avez dit que le nœud de notre problème est la culture politique, ce qui est un argument très intéressant. Je suis d’accord avec vous. J’estime que notre culture politique suppose un gouvernement majoritaire, qu’elle est habituée à un gouvernement majoritaire, qu’elle s’attend au genre de mesures pris par un gouvernement majoritaire, et qu’elle définit le leadership décisif à la lumière d’un gouvernement majoritaire.
Je peux fournir deux ou trois exemples récents. Je reçois régulièrement des lettres d’électeurs, qui s’expriment un peu comme ceci: « Vous formez le gouvernement depuis plusieurs années déjà. Pourquoi n’avez-vous pas promulgué une loi abrogeant le registre des armes d’épaule? Vous dites que vous êtes en faveur, mais je commence à mettre en doute votre sincérité ». Je dois alors leur répondre que je suis en faveur, comme l’est aussi le gouvernement, mais que la majorité parlementaire ne l’est pas, et que c’est ainsi que fonctionne le système.
Quelque chose du même ordre m’est arrivé récemment. Une personne qui connaît bien le système politique m’a écrit ceci: « Que se passe-t-il? Pourquoi avez-vous laissé la Chambre des communes adopter la mesure législative qui oblige à nommer des juges bilingues à la Cour suprême? » Je lui ai fait remarquer que cette mesure était voulue par la majorité de la Chambre des communes actuelle et que tous les Conservateurs en présence avaient voté contre, parce que nous ne sommes pas en faveur. Mais c’est ainsi que les choses se passent dans un gouvernement minoritaire.
C’est une chose qui échappe en fait au pouvoir de décision des politiciens. La question est plus large.
Y a-t-il quoi que ce soit qui puisse nous amener à changer notre culture politique et nos attentes vis-à-vis des politiciens, que ce soit des députés du gouvernement ou de l’opposition?
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Je crois que le temps est probablement un élément de la réponse. Vous avez parfaitement raison. Notre pays est dirigé par des gouvernements minoritaires depuis six ans maintenant, ce qui est un instant, un battement de cil, et je pense que des gens littéralement élevés dans une culture politique faite de gouvernements majoritaires en viennent tout naturellement à se demander, quand ils accèdent au pouvoir, qu’est-ce qui est à leur disposition pour leur permettre d’agir comme s’ils avaient une majorité. Le pouvoir de prorogation figure parmi les différentes choses qu’on peut...
Mais je crois que le génie du peuple canadien, si je peux m’exprimer ainsi, semble le pousser à rechercher un gouvernement plus consensuel à cette période de notre histoire, un gouvernement qui fait des compromis et qui est pour ainsi dire obligé d’écouter l’adversaire. Il est possible que cette période cesse.
J’assistais à une conférence à mon université. Ce que j’ai à dire ici ne fera sans doute plaisir à personne. Un mangeur de chiffres du département de science politique essayait d’évaluer la probabilité que les Libéraux ou les Conservateurs parviennent à une majorité, en fonction d’un certain nombre d’hypothèses assez solides. Il se trouve que la probabilité est très faible.
Une nouvelle génération de politiciens ne se fait pas attendre 30 ans, mais se compose de gens élus pour la première fois il y a trois ou quatre ans. Je crois donc que la génération qui vient en politique aura un ensemble de principes différent de celui qu’ont apporté les gens qui sont actuellement au sommet de l’échelle. Dans une certaine mesure, ce genre de chose — un simple changement dans les circonstances de travail et le fait que les gens n’iront pas rechercher des principes qui étaient tout à fait raisonnables jusqu’au début du nouveau millénaire — exercera davantage d’effet que tout ensemble de règles que nous pouvons inventer. Il est d’ailleurs possible de manipuler un ensemble de règles, quel que soit l’ingéniosité de sa conception, si l’intention première des gens est de l’utiliser à des fins partisanes et de transformer une minorité en une situation qui ressemble à une majorité.
Pour répondre à votre question — je sais bien que la réponse ne plaira pas à un comité comme le vôtre, qui recherche vraisemblablement une espèce de réponse miracle — j’estime que le temps jouera sans doute en notre faveur à cet égard, s’il est vrai que nous sommes au début d’une période à moyen ou long terme, dans laquelle un gouvernement minoritaire sera la norme plutôt que l’exception. Mais j’estime que ce n’est pas une mauvaise chose, parce que les modifications apportées au fil du temps en conséquence de changements dans les circonstances, et de changements dans la culture de la Chambre, se révéleront sans doute plus robustes. Ces modifications seront certainement plus profondément ancrées en nous que si nous essayons de faire appel à des règles.
Mes étudiants vous diront qu’il est rare que je leur parle sans emprunter une analogie au hockey. Je peux?
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Pour moi, la réaction a été étonnante sur tous les plans. Au départ, écrire cette lettre constituait vraiment un exercice d'autoclarification. Je dois le reconnaître, j'ai été outré à l'annonce d'une deuxième prorogation en l'espace d'un an. Je voulais m'expliquer à moi-même ma réaction— je suis un philosophe, après tout — pour savoir si c'était simplement un coup de colère sans justification ou si, au contraire, il y avait quelque chose que je pouvais mettre en mots, qui justifierait le fait que je ressente que quelque chose de fondamental et pas seulement d'épisodique s'était produit. J'ai envoyé la lettre à deux ou trois personnes. C'était durant le temps des Fêtes, donc une période où les gens ne lisent pas nécessairement leurs courriels immédiatement, et ça a fait boule de neige d'une manière qui m'a vraiment étonné. Sans que je veuille moi-même organiser une sorte de campagne, j'ai recueilli près de 300 signatures de professeurs. Mais au-delà de ça, j'ai vraiment été agréablement étonné, quand la lettre a été publiée, de la réaction par courriel et des invitations à m'exprimer en public dans des contextes non seulement universitaires, mais aussi communautaires.
C'est sûr qu'on ne s'attend pas à ce que le sujet de la prorogation, contrairement à celui des accommodements raisonnables au Québec ou à de sujets plus sexy, mobilise la population. À mon étonnement, il y avait un réel intérêt, une réelle volonté de comprendre les règles — et ça, c'est quelque chose qui devrait plaire à notre président, ici. J'ai entendu des gens me demander à répétition, par exemple, comment il se faisait que ces choses ne s'enseignaient pas à l'école et comment les enfants pouvaient sortir de l'école sans comprendre le minimum quant au fonctionnement de nos institutions parlementaires. Il faudrait qu'on apprenne ça aux enfants pour que eux soient plus vigilants qu'on ne l'a été.
Alors, jusqu'à cinq mois après la publication de la lettre, et surtout en janvier et en février, la réaction a été très intense, aussi bien de la part des médias que des chattering classes, comme on les appelle, mais également de la base de la population. J'ai été très encouragé de voir que la population est à l'écoute et qu'elle est prête à s'engager face à des questions vraiment techniques. Je pense qu'il y a eu perception d'un danger. Parfois, on peut ne pas être d'accord avec un gouvernement ou un autre sur certaines politiques qu'il pourrait mettre en avant, mais on ne va pas pour autant en faire une cause à défendre. Dans ce cas-ci, on a perçu, peut-être de façon une peu inchoative, pas toujours bien exprimée, que ça allait au-delà d'un désaccord quant à des politiques. C'était quelque chose qui avait trait au fonctionnement même de nos institutions qui était en jeu, et la réaction a été très encourageante.
Le fait que nous fassions une foule d'autres choses quand nous ne sommes pas en classe n'apparaît pas nécessairement sur le radar des gens. Nous administrons, nous assurons un suivi auprès des étudiants. Il en va de même pour les parlementaires et leur travail. Je pense qu'une opération de relations publiques devrait être mise en oeuvre à ce sujet.
J'ai vécu quatre ans en Angleterre pendant mes études. J'ai donc des raisons personnelles de suivre les élections britanniques, outre le fait que je suis accro à la politique. L'élection actuelle est 100 fois plus intéressante que celles auxquelles j'ai assisté lorsque j'étais là-bas. Un gouvernement majoritaire, c'est essentiellement un gouvernement qui prend le pouvoir et dirige le pays pendant quatre ans. En revanche, avec un gouvernement minoritaire, sur le plan humain, stratégique, politique, on peut faire quelque chose qui engage beaucoup plus le citoyen.
En Angleterre depuis le début de la campagne, les cotes d'écoute en matière d'actualité sont phénoménales. Les gens sont fascinés. On commence à parler de 75 circonscriptions situées dans des endroits complètement perdus de l'Angleterre qui pourraient faire basculer toute l'affaire. Les gens deviennent des experts. Les chauffeurs de taxi commencent à se demander ce qui va se passer dans telle ou telle circonscription.
La situation que l'on vit actuellement peut être perçue comme étant problématique — peut-être pas par le Bloc québécois — parce que les partis traditionnels voudraient être au pouvoir de façon majoritaire, j'imagine. Je pense que c'est une occasion à exploiter, en ce sens que ça favorise une reprise de contact entre le Parlement et les citoyens. Ça laisse plus de place à la coalition, à une entente entre les partis. On l'a vu quand il y a eu une tentative de coalition l'an dernier. En outre, ça suscite un nouvel intérêt dans la population, simplement en raison du caractère beaucoup plus fluide de la situation.
À mon avis, c'est une occasion qu'il ne faut pas laisser passer.
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Merci, monsieur le président.
Merci, professeur, pour votre exposé intéressant.
J'ai une question semblable à celle que j'ai posée à M. White tout à l'heure.
En ce qui concerne l'amendement constitutionnel, il semble que nous serons incapables d'en arriver à une entente ferme sur ce qu'il faut faire et ne pas faire. Toutefois, nous avons des solutions en ce qui concerne le Règlement et d'éventuelles lois. Mais au bout du compte, tout dépend de ce que la population canadienne juge acceptable et inacceptable.
À propos de ce que vous avez dit concernant le manque de leçons civiques données aux étudiants qui sortent de nos écoles. N'eut été de la prorogation, ils n'auraient même pas pu faire la différence entre la minorité et la majorité, mais ils se donnent tout de même le droit de parler de notre président et de tout le reste. C'est incroyablement frustrant. Mais compte tenu de tout ça, pensez-vous que les mesures politiques dissuasives — parce qu'on parle bien de dissuasion procédurale — seront suffisantes? Nous faisons-nous des illusions en ce sens qu'aujourd'hui, nous considérons qu'il s'agit là d'un enjeu important, mais dans cinq ans, ce pourrait bien être simplement de l'histoire ancienne? Et si nous passons à un gouvernement majoritaire et qu'il n'y a pas de problème de prorogation, aurons-nous perdu notre temps? Autrement dit, si nous nous trompons sur l'établissement des règles, les gens diront que ce n'est pas correct et que nous violons le Règlement.
Là où je veux en venir, c'est que le gouvernement a adopté une loi concernant les élections pour ensuite faire demi-tour et violer l'esprit même de sa propre loi, et ça n'a pas dérangé la majorité des Canadiens.
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Pour des raisons qui reviennent à ce que je disais avec Mme Jennings, dans le contexte d'un climat politique tendu et très partisan comme celui que nous connaissons en ce moment, il faut être très prudent quand vient le temps d'instaurer de nouveaux mécanismes pour lesquels il pourrait ne pas y avoir de seconde chance...
En fait, je ne suis même pas certain que c'est ce que les Canadiens veulent. Une chose à propos de notre système gouvernemental — et je crois que les Canadiens l'apprécient, surtout quand ils voient le débat qui anime nos voisins du sud à propos du régime de soins de santé et de la réforme financière —, c'est que nous voulons sincèrement des dirigeants qui agissent de temps en temps. C'est une chose d'être cavalier dans la façon de mener son mandat — c'est une autre chose que d'être impotent dans sa capacité de... Vous savez, « Si vous votez pour moi, je promets de faire ceci », mais il leur est impossible de tenir parole parce qu'il y a trop de points sous-jacents.
Nous devons absolument pouvoir compter sur un système davantage axé sur les probabilités que sur la recherche d'un coupable, ce qui ne fait que dissuader davantage les gens.
Vous avez raison sur la question de l'élection. Mais d'un autre côté, j'imagine que le gouvernement y réfléchirait longuement et sérieusement. Les sondages s'en sont bien fait ressentir, même si c'était temporaire. On aurait pu croire que les questions de prorogation et les autres questions techniques de la procédure parlementaire n'intéressaient pas les Canadiens, surtout à Noël, et même si... Eh bien, je ne sais pas; je ne suis pas un spécialiste en sondages, alors je ne saisis pas très bien la portée. J'imagine, compte tenu de tout le temps pendant lequel on en a parlé — les médias en ont traité pendant quelques semaines, et même quelques mois — que le gouvernement y réfléchirait longuement et sérieusement avant de refaire la même chose. Après la lettre, après l'initiative de Chris sur Facebook, le gouvernement a dit certaines choses qui m'ont donné l'impression qu'il ne faisait que lancer des ballons d'essai. Dans une entrevue qu'il a donnée, le premier ministre a essayé de banaliser la chose et a indiqué qu'il pourrait bien décider de faire cela chaque année et qu'il n'y avait pas de quoi en faire un plat. Je ne pense pas que le discours a passé. Il ne l'a jamais redit dans les entrevues qui ont suivi.
Il ne faut pas non plus demander à la population d'être vigilante tous les jours, en tout temps, surtout pendant les séries éliminatoires, mais je pense que nous l'avons peut-être sous-estimée. Je pense qu'ici, le rôle de l'opposition... C'est aussi notre rôle, le rôle des gens qui essaient de garder l'attention du public sur les affaires publiques dans une certaine mesure; c'est en quelque sorte un rôle conjoint que nous avons, les partis de l'opposition, les universitaires, les experts, de nous assurer que l'opinion du public, même si elle est parfois discrète, soit claire à l'égard des questions fondamentales comme celles-ci, et qu'elle puisse se faire entendre lorsqu'elle s'élève. Nous devons y porter attention.
Encore une fois, je crois qu'il s'agit maintenant de la perception du gouvernement — mais je suis certain que les Libéraux ont aussi compris le message — que quiconque agit ainsi pour servir des intérêts partisans le fait à ses propres risques, parce que la population ne semble pas du tout apprécier et semble avoir des raisons de morale et de principes pour ne pas apprécier.
Une des choses les plus rassurantes était de recevoir des courriels des conservateurs, de gens qui disaient « Je suis conservateur et je n'aime pas ça du tout ». Quand il n'est pas question simplement de telle ou telle politique ou de son opinion sur le point de vue du gouvernement concernant le bilinguisme dans les tribunaux — on parle ici de la protection de nos institutions, des institutions que nous, Conservateurs, Néo-démocrates, Libéraux et Bloquistes, partageons tous —, je pense que l'opinion publique sur cette question peut avoir un grand effet dissuasif.
Il s'agit de la démocratie. Nous ne pouvons pas ignorer l'opinion publique sous prétexte de ce qui s'est passé à l'élection.
M. David Christopherson: Merci.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Weinstock, merci d'être avec nous ce matin.
Vous êtes de l'Université de Montréal, donc vous avez une compréhension du Québec probablement plus précise que le témoin précédent, qui a admis que ce n'était pas tout à fait sa force. Quel genre d'impact pensez-vous que peut avoir la traduction française d'un site Web sur Facebook comme celui que notre ami a produit? Jusqu'à quel point pensez-vous que ça peut influencer la démarche, non pas sur le moment comme tel, mais à la longue? Il y a un effet d'entraînement: une personne participe et si c'est bon pour elle, c'est bon pour l'autre. Ça se passe beaucoup comme ça dans les sites Web sociaux, si on peut les appeler ainsi. Mais à moyen et à plus long termes, quel genre d'impact pensez-vous que ça peut avoir sur la population, sur des gens qui sont plus ou moins désabusés de la politique, si vous voulez, et qui, tout à coup, deviennent membres d'un groupe sur le Web qui proteste? Pensez-vous qu'il y a un effet un peu plus permanent qui dépasserait la simple excitation du moment?
C'était vraiment intéressant, parce que vous avez parlé de plusieurs choses, et pas seulement de la prorogation mais aussi de la culture même à la Chambre des communes et parmi les députés. Les médias font aussi partie de cette culture. Nous travaillons dans un milieu, ici, à Ottawa, où les médias cherchent des extraits audio et vidéo à se mettre sous la dent, mais on ne parle pas d'un comité comme celui-ci qui se réunit pour travailler ensemble; on parle plutôt d'antagonistes qui cherchent la personne qui pourra leur donner la meilleure prise ou dire les choses les plus méchantes pour faire les bulletins de nouvelles. C'est dans ce contexte que nous travaillons ici.
J'ai vécu une certaine situation pendant la prorogation. Trois semaines auparavant, je me suis rendu en Californie avec mon père de 80 ans et son cousin de 92 ans. J'y suis allé parce que je devais travailler à certains dossiers concernant Haïti, pour venir en aide aux gens juste après le séisme. Le premier jour de la prorogation, un blogueur a repris un rapport publié deux semaines plus tôt et dit que j'étais alors en Californie. Nous avons demandé aux médias de corriger l'information, mais ils ne l'ont pas fait, ou à peu près pas. Trois jours plus tard, j'ai été sévèrement critiqué par un journal local qui disait que les politiciens étaient tous des mauvaises personnes parce qu'ils prenaient des vacances pendant la prorogation, ce qui était absolument faux. S'il avait pris la peine de décrocher le téléphone et de m'appeler, il aurait su que j'étais à mon bureau. Mais il semble qu'ici, à Ottawa, si je peux taper sur la tête de Mme Gagnon, je dois le faire parce qu'autrement, les médias ne me prendront pas au sérieux. Comment peut-on changer cette culture? C'est tout un défi.
Si j'en reviens à la prorogation, je dois dire que je me demande si le vent de protestation portait réellement sur la prorogation comme telle, ou si ce n'est pas plutôt la culture entourant la prorogation qui a fait déborder le vase.
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Je pense que vous avez tout à fait raison quand vous dites qu'il faut voir la prorogation dans le contexte global. Ce n'est que le symptôme d'un malaise plus grand, qui touche peut-être à la fois l'institution et la perception de l'institution par la population canadienne. C'est aussi pour cette raison que nous établissons des règles. Nous pourrions régler la question de la prorogation... Maintenant, Sean Avery ne peut plus agiter les bras devant Martin Brodeur comme il l'a déjà fait, parce qu'il y a maintenant une règle pour ça, mais il peut continuer de faire autre chose de tout aussi désagréable. Si on ne change pas la culture, on crée d'autres Sean Avery et on risque d'être aux prises avec le problème.
J'aimerais ajouter une chose à propos des médias, et ça revient à la discussion que nous avions. Il peut vous sembler, parce qu'ils parlent de vous, qu'ils sont tout puissants, mais les médias traditionnels sont en ce moment extrêmement vulnérables. Combien de journaux seront toujours présents au pays dans 10 ans? Je ne le sais pas — pas beaucoup. Les jeunes ne lisent plus les journaux. Même la télévision... Les médias traditionnels sont en état de crise. Je pense que ce sur quoi nous devrions nous concentrer, ce n'est pas tellement de changer les médias existants, mais plutôt de chercher des moyens d'exploiter, au sens positif du terme, j'entends, les nouveaux médias qui naissent pour les utiliser dès le début de façon plus productive et non partisane que ce que l'on a connu par le passé.
C'est la troisième ou la quatrième fois que je comparais devant un comité comme celui-ci. Il y a un monde de différence entre ce que l'on peut lire dans les journaux et ce qui se passe réellement à la Chambre. Ici, les gens travaillent ensemble. Ce que je veux dire, c'est que tout le monde devrait avoir la possibilité d'assister à une de ces réunions pour vraiment sentir toute la force de notre démocratie, mais ce n'est pas ce dont on parlerait.
Je pense que nous vivons un changement générationnel, surtout dans la façon dont les gens de ce pays, les jeunes surtout, consomment l'information. Ils ne le font pas par les médias traditionnels, ils consomment l'information sur Internet. Et je crois que nous avons un défi à relever en tant que société pour nous assurer que ces nouveaux véhicules d'information ne fassent pas dans le journalisme empoisonné, cherchant...
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C'est un jeu de mots, en passant. C'est mon second prénom.
Voici ce que je voulais vous demander. Je me ferai l'avocat du diable en ce qui concerne les nouveaux médias et l'autre côté de la médaille. Je fais partie d'une génération qui, vous l'avez dit, en est arrivée à cela avec le temps, ça ne fait pas partie de nous. Je le vois bien avec ma fille de 17 ans. C'est totalement différent.
Toutefois, j'ai fait de la politique pendant très longtemps, et ce, dans les trois ordres de gouvernement, et je sais que les politiciens et la politique peuvent très bien s'adapter aux nouvelles situations. Lorsque la radio a été inventée, on pouvait dire qu'elle allait permettre une nouvelle conscientisation de la population. C'est ce qui s'est passé, mais les politiciens se sont adaptés. Lorsque la télévision a été inventée, la même situation s'est produite. Les politiciens se sont adaptés. À présent, nous avons tous les sites de réseautage social — Twitter, par exemple. Vous savez, il nous semble à présent normal d'avoir des blogues, mais ils n'existaient pas il y a quelques années à peine, et maintenant des gens tiennent des blogues régulièrement. Autrement dit, des politiciens ont embauché des gens.
Purement et simplement, peu importe ce que la population essaie de faire, nous trouverons un moyen, et le système trouvera un moyen de parvenir à ses fins et tentera de faire de la manipulation, au moins pour avoir une prise sur les résultats, sinon pour sauver les apparences. Nous sommes dans une situation très semblable à la création d'un film d'Hollywood. Il faut regarder ce qui est derrière ce qu'on voit.
On croit que cela donnera de nouvelles capacités à la population, afin que celle-ci participe de façon différente à la politique. Je constate cependant que les politiciens et la politique sont en mesure de s'adapter afin de tirer leur épingle du jeu, ce qui nous ramène à la case départ à la suite d'un processus de transformation.
Qu'en pensez-vous?
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Je crois qu'une personne qui consulte Internet en ce moment afin de déterminer ce que les gens pensent de la prorogation peuvent constater qu'il s'agit d'un espace beaucoup plus démocratique.
Je ne fais pas l'éloge d'Internet parce que je vois l'autre côté de la médaille, à savoir, bien entendu, le contrôle de la qualité. Demain, je vais participer à une réunion du nouveau comité sur l'éthique et la santé publique créé par M. David Butler-Jones, et je sais qu'une des questions préoccupantes qui sera abordée sera l'incidence d'Internet sur la santé publique. Il ne s'agit pas de déterminer si nos enfants deviennent obèses en utilisant Internet, mais plutôt de déterminer si on leur donne toute sorte d'information insensée concernant la santé.
Toute chose étant égale par ailleurs, il en va de même pour la politique. Il y a beaucoup plus d'information. Internet est donc plus démocratique et peut-être plus neutre, car les responsables en place ont plus de difficulté à contrôler l'information. Mais d'un autre côté, il y a probablement beaucoup plus de charlatans.
À mon avis, la baisse des coûts d'utilisation a des répercussions positives.
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Merci, monsieur le président.
Merci d'être ici, monsieur le professeur. J'ai trouvé tout cela très instructif. Merci d'avoir souligné que les députés peuvent en réalité travailler tout aussi dur dans leur circonscription qu'ici.
Mon fils est enseignant dans une école secondaire, et je le taquine en lui disant qu'il y a deux bonnes raisons d'être enseignant — juillet et août. Mais je sais qu'il travaille pendant l'été également.
En ce qui concerne la lettre que vous avez rédigée en janvier, je crois que je la qualifierais d'assez percutante. C'est ce que j'en pense. Puis aujourd'hui, vous avez déclaré que comme nous étions en situation de gouvernement minoritaire, il est naturel pour nous d'utiliser les outils qui, comme vous l'avez dit, n'auraient pas été nécessaires dans d'autres situations. Si vous deviez rédiger votre lettre aujourd'hui, le résultat serait-il différent?