PROC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 13 mai 2010
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte, et nous allons accueillir nos premiers témoins.
Il s'agit de la 15e séance du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, et nous poursuivons notre étude de la prorogation.
Nous recevons aujourd'hui deux témoins, un pendant la première heure et un autre pendant la seconde. Brian Topp passera la première heure avec nous.
Monsieur Topp, nous allons vous inviter à nous faire une déclaration d'ouverture. Je crois savoir que vous avez pour nous des mots de sagesse. Ensuite, les questions occuperont le reste de l'heure.
Monsieur Proulx, vous invoquez le Règlement.
Oui, monsieur le président. Nous passerons la première heure avec le premier témoin, mais que ferons-nous de la deuxième heure?
Très bien. Nous avons donc décidé de ne pas les entendre ensemble pendant la totalité des deux heures.
C'est toujours ce que nous avons voulu faire. Ensuite, le président a peut-être un peu gâché les choses.
Je peux demander une note à ma femme, si vous voulez.
M. Marcel Proulx: Absolument pas.
Le président: Monsieur Topp, pour en revenir à vous... Nous nous entendons plutôt bien, à ce comité, et nous allons veiller à ce que cela continue aujourd'hui. Merci beaucoup. Je vous en prie.
Merci beaucoup, monsieur le président
Pour commencer, on a dit que le Parlement avait été écarté du revers de la main comme une équipe condamnée. On a dit qu'on ne peut se comporter ainsi et que l'autre équipe est trop forte. D'une certaine façon, nous en sommes à la septième partie d'une série.
Qui devrait être notre source d'inspiration au moment d'amorcer la discussion de ce matin? Les Glorieux de Montréal. Tout comme un nouveau jour est arrivé dans la Ligue nationale de hockey avec l'équipe du Canada, j'espère que l'échange que nous aurons aura un effet semblable sur le Parlement et que le Parlement pourra revenir de l'arrière comme Les Glorieux ont commencé à le faire.
Je m'appelle Brian Topp. Je vous remercie de m'accueillir. J'ai lu avec un vif intérêt les transcriptions disponibles des délibérations du comité et j'y ai appris beaucoup de choses. Vos débats ont été très intéressants jusqu'à maintenant, et je suis ici pour ajouter quelques réflexions.
Pendant presque toutes les années 1990, j'ai travaillé au gouvernement de la Saskatchewan. Pendant environ cinq ans, l'une de mes tâches a été de diriger le bureau des affaires de la Chambre, service qui épaule le leader du gouvernement à la Chambre.
Ces antécédents modestes m'inspirent un peu de sympathie, bien déguisée il est vrai, pour les députés ministériels qui sont minoritaires au comité. Vous n'avez sans doute pas toujours la tâche facile.
Au cours des trois dernières élections, je me suis occupé de politique fédérale au Nouveau Parti démocratique du Canada, mais je dois ajouter que ce qui va suivre, ce sont strictement des opinions, et qu'elles ne représentent en rien celles de notre parti, de notre chef ou de notre caucus.
Permettez-moi d'aborder deux sujets: le fonds de l'affaire, puis la mise en oeuvre. Je voudrais parler de la question de la prorogation et de la confiance, que le comité a étudié, puis des solutions envisageables, ce dont vous débattez également, soit le recours au Règlement, à une loi sur le Parlement ou à une modification de la Constitution.
Selon moi, le pouvoir d'accorder ou de retirer la confiance est le pouvoir fondamental de la Chambre des communes. Elle a d'autres pouvoirs essentiels, comme le droit d'être la chambre où sont présentés les projets de loi de finances, mais le droit d'accorder la confiance au ministère et de la lui retirer est au centre de tout. Entre les élections, c'est l'acte central qui fonde la légitimité et le pouvoir politique dans notre régime politique. Cela étant, je soutiens que des acteurs subordonnés ou non élus ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice de ce droit. Je songe ici au Cabinet, au Sénat, au gouverneur général et aux tribunaux. Autrement, on s'attaquerait aux racines mêmes du gouvernement responsable au Canada.
J'estime donc, et j'espère que vous partagerez cette opinion, que la Couronne ne devrait pas et ne devrait plus jamais intervenir pour empêcher la Chambre de siéger lorsqu'elle est saisie dans les règles d'une motion de censure.
Les parlementaires ont formulé à ce sujet un certain nombre de propositions plutôt complexes. J'invite le comité à opter pour la clarté et la simplicité. Je propose que vous trouviez un moyen de dire que, lorsqu'elle est saisie de façon régulière d'une motion de censure, la Chambre ne peut être prorogée et qu'il ne peut y avoir aucune autre ingérence de quiconque, en quelque circonstance et pour quelque raison que soit, tant que le vote sur la motion n'a pas eu lieu.
Le comité se pose des questions plus larges sur le droit de la Couronne de proroger la Chambre même s'il n'y a aucun vote dont l'enjeu est la confiance. Mon conseil reste le même: que les choses restent simples pour que les sanctions et les conséquences ne deviennent pas des coûts acceptables dans les affaires parlementaires.
S'il vous semble nécessaire d'adopter des règles sur la question plus large de la prorogation lorsque la Chambre n'est pas saisie d'un vote de censure, je propose que vous disiez que le premier ministre ne peut recommander la prorogation de la Chambre sans une autorisation préalable votée par tous les députés, jamais, en aucune circonstance et à aucun moment du calendrier parlementaire.
Permettez-moi de dire quelques mots des votes de censure. On comprend généralement que, si le gouvernement perd un vote sur un projet de loi de finances, il perd du même coup la confiance de la Chambre. Toutefois, les premiers ministres Pearson et Martin, peut-on soutenir, ont essuyé des défaites dans des situations comparables, mais se sont maintenus grâce à ce qu'on pourrait qualifier de manoeuvres habiles. C'est aussi malheureusement un usage de longue date au Parlement du Canada que le gouvernement en place peut désigner toute question comme engageant la confiance.
C'est là une forme de chantage politique qui va nettement à l'encontre de l'objet de ces votes. Au lieu d'être un moyen d'exiger des comptes, ils deviennent un moyen de renforcer le pouvoir de l'exécutif.
Si nous disons que la Chambre ne peut être prorogée lorsqu'elle est saisie d'une motion de censure, il faut définir le vote de censure. Voici ce que je propose.
Je propose que vous envisagiez de définir le vote de confiance comme une motion, privilégiée et importante, proposée par un parlementaire pour mettre fin immédiatement au mandat du gouvernement en place et obtenir l'un ou l'autre des résultats suivants: une adresse loyale au gouverneur général lui demandant respectueusement d'autoriser la tenue d'élections, ou une adresse loyale lui demandant de remplacer le ministère en place par un ministère de rechange précis. Bien entendu, les gouvernements ont toujours la possibilité de démissionner ou de menacer de le faire pour n'importe quel enjeu de leur choix.
Pour illustrer le fonctionnement de pareille disposition, je vous renvoie à l'article 67 de la constitution allemande. Ce mécanisme, le « vote de censure constructif », a fonctionné sans difficulté en octobre 1982: le remplacement du gouvernement social-démocrate d'Helmut Schmidt par un gouvernement conservateur sous la conduite d'Helmut Kohl. Je ne me félicite pas de l'issue politique, mais je donne un exemple de la façon dont un Parlement peut gérer en souplesse les votes de censure et le remplacement d'un ministère par un autre d'une façon non controversée, qui ne soulève aucun problème de légitimité.
L'Espagne a une disposition semblable aux paragraphes 113(1) et 114(2) de sa constitution. La Hongrie en a une aussi, au paragraphe 39/A(1) de sa constitution.
Cela nous amène rapidement à la question de l'application. Vous en avez discuté: faut-il recourir au Règlement, à un projet de loi ou à une modification de la Constitution? Je m'en remets évidemment aux nombreux savants légistes et professeurs qui ont comparu devant le comité, mais je ne peux m'empêcher d'ajouter mon grain de sel.
Tout d'abord, je constate que le comité a réfléchi un certain temps aux moyens d'exécution, ce qui est crucial pour le choix des modalités à choisir. Selon moi, vous ne devriez pas trop vous en inquiéter.
Si vous légiférez clairement et simplement, en éliminant les échappatoires et les mots ambigus, vous pouvez compter, selon moi, que le premier ministre et le gouverneur général se comporteront en conséquence. Autrement dit, je suis d'accord avec Thomas Hall pour dire, comme il l'a fait dans son exposé, au début de vos délibérations, que, si les règles sont claires, le gouverneur général, du moins, les respectera. Dans le cas contraire, des questions fondamentales sur la fonction de gouverneur général et l'avenir de la Couronne au Canada risquent de surgir, et vous pouvez vous attendre à ce que le gouverneur général en tienne compte.
Cela étant, mon conseil, pour ce qu'il vaut, est qu'il faut modifier immédiatement le Règlement et proposer une loi acceptable qui consacre ces principes. Si je dis qu'il faut modifier le Règlement immédiatement, et je le dis en toute déférence, c'est que le ministère actuel ne peut probablement pas vous en empêcher.
Je propose la présentation d'une loi conçue pour rendre ces règles moins vulnérables à un acte de l'exécutif d'un gouvernement majoritaire ou d'un regroupement majoritaire. Je doute que pareille loi puisse être adoptée pendant la législature en cours, étant donné la majorité actuelle au Sénat, mais je propose qu'elle soit présentée et que tous les partis qui partagent des vues semblables la représentent à chacune des sessions de sorte que, lorsque l'idée sera mûre, elle puisse être adoptée. Lorsque, à un moment donné, les circonstances actuelles auront changé, les chances seront sans doute meilleures et une modification législative sera adoptée.
Jusque-là, la majorité à la Chambre peut, devrait et doit s'exprimer clairement et avec autorité, ce qui peut se faire grâce au Règlement. Je vous exhorte à ne pas laisser passer l'occasion.
Merci.
Merci, monsieur Topp.
Madame Jennings, vous serez la première. Chacun a sept minutes. Nous vous demandons de partager votre temps avec les témoins, et nous verrons bien si nous pouvons caser deux cycles de questions dans la première heure.
Merci, monsieur le président.
Merci de votre exposé, monsieur Topp.
Je voudrais avoir un peu plus d'information ou une description plus poussée. Vous dites qu'il faut trouver un moyen simple de dire clairement que, lorsque la Chambre est saisie selon les règles d'une motion de censure, la Couronne ne peut s'ingérer pour empêcher la tenue du vote.
D'abord, avez-vous déjà une idée du libellé d'une règle semblable?
Deuxièmement, si une telle règle était ajoutée au Règlement, il faudrait une définition concrète du vote de confiance. Là encore, je demande si vous avez un libellé précis en tête et, dans l'affirmative, si vous pouvez le communiquer au comité dès aujourd'hui ou dans un proche avenir, par l'entremise du président ou de la greffière.
Enfin, lorsque vous dites de ne pas nous inquiéter de l'application de la règle, prévue dans le Règlement ou une loi ou encore les deux, est-ce parce que vous croyez que, si un article du Règlement est adopté, et qu'une loi l'est ensuite — ou ne l'est pas, dans le cas de la loi —, le gouverneur général respecterait automatiquement le Règlement? Si tel est le cas, partagez-vous l'opinion de témoins antérieurs qui estiment que, étant donné que, aux termes de la Constitution, le Président peut communiquer avec le gouverneur général, il pourrait être chargé par la Chambre d'informer le gouverneur général de la règle, de la définition du vote de censure, etc.?
Merci.
Merci de ces questions.
L'expérience, une dure expérience, m'a appris qu'il fallait s'en remettre aux juristes pour rédiger des textes. Ce qui convient, selon moi, c'est de discuter des instructions à donner aux rédacteurs et de l'intention que le texte doit traduire. Il faut d'après moi commencer avec une grande clarté, car la clarté a bien servi le Parlement par le passé, et dire que le but visé est que, lorsqu'un vote de censure doit avoir lieu à la Chambre, celle-ci ne peut être prorogée.
Nous savons que la Chambre des communes ne peut donner d'ordre à la Couronne et que l'histoire du Parlement qui a débuté dans un champ en 1215 est une suite lente d'actes qui peuvent s'interpréter comme des actes de lèse-majesté par lesquels nous avons respectueusement demandé à la Couronne d'avoir la bonté de ne pas fermer la Chambre du peuple lorsqu'elle est saisie d'une question de censure, puisque son rôle central est en cause.
Il faut donc trouver un libellé clair. J'ai étudié les articles de constitution dont j'ai parlé. Eux et les trois constitutions en cause ont été rédigés avec beaucoup d'élégance, avec une concision et une clarté qui ne prêtent pas aux erreurs d'interprétation, avec une intention qui est claire. C'est tout ce que je vous demande. Je crois que le juriste peut y arriver.
Je crois aussi, comme je l'ai soutenu, que si, comme je vous y exhorte, vous en arrivez à ce que la Chambre dise clairement qu'elle ne doit pas être prorogée lorsqu'elle est appelée à prendre un vote de censure, la notion de vote de censure doit être définie. Peut-être pas une définition exclusive, car c'est une tâche ardue, mais certainement une définition plus claire que celle d'aujourd'hui.
Il y a un modèle de vote qui dit: « Il y aura maintenant des élections. » C'est souvent le sens qu'on prête à un vote de censure. Par exemple, lorsque le gouvernement Clark a essuyé la défaite, tout le monde savait qu'il y aurait des élections. Je crois que cette pratique de plus en plus importante des votes de défiance avec interprétation est également très utile, car elle élimine toutes les questions de légitimité autour du rôle du Parlement dans le choix du ministère, ce qui est bien entendu au coeur du principe du gouvernement responsable.
À propos de la question passionnante de l'application, ce serait selon moi une erreur, à ce stade-ci, de prévoir des mesures d'exécution dans ces dispositions, car cela risque de banaliser la question centrale du gouvernement responsable: le Parlement peut-il choisir qui formera le ministère?
Parlons sans détours. Je me suis déjà trouvé de l'autre côté de la table, dans une assemblée législative provinciale, précisons-le, car c'est tout autre chose. Devant le choix entre la défaite et le remplacement du ministère et l'obligation de renoncer à des jours d'opposition, bien des gouvernements accepteraient de renoncer aux jours d'opposition. Nous courons donc le risque de banaliser l'exercice du gouvernement responsable et de la reddition des comptes en prévoyant des sanctions. Nous risquons de ramener les sanctions à un coût à consentir pour mener les activités. Comme il s'agit du pouvoir central du Parlement, ce serait très peu sage.
Selon moi, il faut employer à propos de ce pouvoir central les termes qui conviennent, sans complexité ni banalisation, et je crois que le gouverneur général saisirait le message s'il était exprimé clairement, comme ce fut maintes fois le cas par le passé. Par exemple, le principe voulant que les projets de loi de finances aient leur origine à la Chambre des communes a été voté par celle-ci.
La révélation intéressante du fait que le gouverneur en conseil doit écouter ce que le Président a à dire, ce qu'il aurait été utile de savoir dans un passé récent, est un bon mécanisme qui pourrait peut-être servir à faire comprendre que le gouverneur général écoute la Chambre des communes avant de s'ingérer dans la fonction centrale qu'elle exerce au Parlement.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, monsieur Topp, de votre présence parmi nous. J'ai lu votre livre avec un vif intérêt et je profite de l'occasion pour vous en féliciter. Il est très bien écrit. L'ancien historien que je suis sait apprécier l'extrême précision de votre écriture. Il est évident que la tâche vous a été facilitée par le fait que vous meniez vos conversations sur un BlackBerry. Ceux qui liront l'ouvrage remarqueront un grand nombre de mentions comme celle-ci: « À 18 h 15, j'ai reçu ce courriel et j'ai répondu à 18 h 17. »
Il reste que c'est très bien fait. J'aurais bien voulu que quelqu'un d'aussi précis que vous ait été présent aux débats de la Confédération et ait pris des notes aussi soignées que les vôtres.
Je voudrais aborder un point qui me semble important. Soit dit en passant, je suis content que, des deux prorogations des dernières années, vous ayez parlé de celle qui est importante du point de vue constitutionnel.
Selon moi, ce que vous faites dans votre témoignage de ce matin, c'est employer à propos du sujet qui nous occupe un discours constitutionnel, mais vous vous situez en fait à un niveau plus élevé en demandant ce qui est juste dans notre évolution constitutionnelle depuis Runnymede. En adoptant cette perspective, on n'est pas tellement placé devant une lutte entre le Parlement et la Couronne, mais plutôt devant une question centrale: en fin de compte, c'est le peuple qui doit accorder le mandat de gouverner, peu importe le cadre constitutionnel dans lequel on se situe.
Le problème évident qui est le mien, en considérant ce qui s'est passé lorsque la coalition se préparait, c'est que le peuple, comme les sondages le disent, n'était pas en faveur d'un gouvernement de coalition.
Vous pourriez probablement parvenir, au moyen des mécanismes que vous avez expliqués, à une situation où il serait possible d'appliquer la proposition que vous préconisez. Si cela se faisait, je présume que, par la suite, les électeurs seraient pleinement conscients de ce qui se passe et voteraient en conséquence. En 2008, seul un chef de parti, celui de votre parti, M. Layton, a dit ouvertement pendant la campagne qu'il était prêt à participer à une coalition.
M. Dion ne l'était pas. Il a même ouvertement rejeté cette idée, et c'est pourquoi, selon moi, les sondages étaient aussi opposés à cette proposition. La chose n'avait pas été envisagée et ce n'était pas une possibilité dont les électeurs pensaient qu'elle était sur la table.
Comment aborder ce type de problème de légitimité qui existait en 2008? J'avoue que, dans des élections à venir, si les mécanismes que vous proposez ont été mis en place, les électeurs se présenteraient très probablement au bureau de vote pleinement conscients qu'une coalition était une issue probable, et ils en tiendraient compte dans leur décision.
D'abord, je vous félicite de vos achats de livres. Je vous promets, comme je l'ai dit avant la séance, de vous dire quelle partie de mon avance j'ai dû rendre.
Merci de votre question.
Il est vrai, bien sûr, que les électeurs doivent accorder le pouvoir de gouverner. La question est la suivante: à qui le mandat est-il remis? Dans un régime parlementaire, il est remis au Parlement, et il appartient au Parlement de former un ministère.
Il est vrai aussi que les sondages n'étaient pas favorables à la coalition, en 2008, et c'est l'une des raisons de son échec. Et il est tout aussi vrai que les mêmes sondages ne donnaient pas un appui majoritaire au gouvernement actuel. Cela étant, il faut trouver un moyen de mener les affaires de l'État de façon plus ordonnée et avec moins de contestations, les questions de constitutionnalité et de légitimité n'étant pas brandies comme des outils politiques, et le débat revenant là où il doit se situer: quel est le meilleur ministère qui peut obtenir une majorité à la Chambre?
Nous venons d'apprendre de nouveau que le mécanisme de la coalition n'est pas dépourvu de légitimité. Vos coreligionnaires de Grande-Bretagne viennent de former une coalition avec le Parti libéral, et il se peut que ce soit une coalition solide, avec des principes de gouvernement relativement clairs. Il est évident que le mécanisme ne manque pas de légitimité. Les Britanniques n'ont pas voté pour une coalition de MM. Cameron et Clegg, mais ce n'est pas un mauvais gouvernement qui a été formé là, ni un gouvernement sans légitimité.
Si je peux terminer cette réflexion...
... mon point central, c'est que la Chambre est élue par le peuple, c'est elle qui possède la légitimité et elle forme le ministère. Ce que nous avons certainement appris en 2008, en plus de bien d'autres leçons politiques, de leçons sur le processus et d'autres encore, c'est que des règles claires auraient facilité les choses.
C'est le point que je veux faire ressortir, en fait.
Non, je suis d'accord avec vous. Comme je l'ai dit, je ne crois pas que votre chef ait fait quoi que ce soit de mal. Il a été très franc pendant les élections: je voudrais que cela se fasse pour faire avancer les idéaux sociaux-démocratiques auxquels je crois. Cela lui a donné à mes yeux une légitimité que M. Dion n'avait pas.
Si un chef libéral, mène une double campagne, en quelque sorte, disant: « Nous voulons gagner. Nous voulons une majorité. Nous nous contenterons d'une minorité et si nos résultats sont assez bas, nous envisagerons de former une coalition », nous estimons que c'est là un fondement légitime.
Il me semble que les électeurs avaient raison du point de vue moral. Je ne dis pas que la coalition aurait été illégale, mais seulement qu'il y avait quelque chose de foncièrement mauvais du point de vue de la participation des libéraux, car ils n'avaient pas été clairs. Je dis au fond que j'inviterais tous les participants, aux prochaines élections, à être aussi francs que votre chef l'a été.
Comme il ne me reste à peu près plus de temps, je ne poserai plus de questions.
Encore une vois, votre livre me plaît beaucoup, sauf l'illustration de la page couverture, qui n'est pas digne de la gravité et de la réflexion dont le texte témoigne.
Je songe à la solidarité que je dois à mon éditeur. Je vais observer un silence diplomatique sur l'origine des éléments de marketing.
[Français]
Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Topp, cela me fait toujours plaisir de recevoir des invités optimistes, qui apportent une bonne dose d'humour. Vos yeux sont pétillants. Cela fait du bien. On a reçu des gens très intéressants et aussi passionnés que vous. Vous apportez un vent de fraîcheur et de une part de rêve au sein de notre comité.
C'est cela, c'est la richesse d'une recherche. On essaie de trouver des témoins qui se complètent et qui ont des opinions diversifiées sur une question à l'étude.
On étudie cette question parce qu'on a constaté que l'utilisation de la prorogation à deux reprises, dans un laps de temps si court, n'était pas justifiée, que les motifs invoqués ne convainquaient pas les membres de l'opposition. Les interprètes utilisent beaucoup le mot « peuple », je ne sais pas si cela traduit l'idée de M. Reid quand il disait que le peuple ne voulait pas de coalition.
En tout cas, je sais qu'au Québec les dernières prorogations ont été très mal perçues. Elles sont associées à un pouvoir abusif, un pouvoir conféré par la Constitution mais utilisé abusivement, utilisé davantage par partisanerie que comme outil démocratique pour dénouer une impasse ou pour renouveler un ordre du jour législatif.
J'ai écouté le témoignage de Benoît Pelletier, qui est professeur à l'Université d'Ottawa. Il conclut qu'on ne peut pas encadrer le rôle de la prorogation parce que, dans la Constitution, c'est bien inscrit, c'est bien clair, ce ne serait pas faisable. Il proposait plutôt qu'on apporte des changements pour renforcer le côté législatif, le pouvoir du Parlement, le pouvoir des parlementaires sur l'exécutif, c'est-à-dire le gouvernement. Il remarquait qu'au fil des ans le pouvoir exécutif, le pouvoir du gouvernement, s'agrandissait mais que le pouvoir du Parlement diminuait. On le constate dans le cas de plusieurs dossiers qui font l'objet de grandes discussions au Parlement. L'accès à l'information, entre autres, fait l'objet d'un débat actuellement très litigieux.
Comment réagissez-vous à ces propos? Si j'ai bien résumé ceux de Benoît Pelletier, à savoir qu'il faudrait renforcer le pouvoir parlementaire et diminuer ou mieux encadrer le pouvoir exécutif, trouvez-vous que ce serait une solution à notre portée qui, sans amender la Constitution, permettrait de mieux contrôler l'utilisation abusive de la prorogation?
Je suis certainement d'accord sur le principe d'une augmentation du pouvoir au niveau parlementaire, et qu'il faut un pouvoir encadré de l'exécutif. M. Savoie et beaucoup d'autres étudiants ont écrit des livres et fait des études très convaincantes sur le phénomène et sur le fait que ce système parlementaire, dans l'espace britannique dans lequel il se trouve, vit une crise de pouvoir dans tous les pays où il existe. Ce sont de grands sujets, beaucoup plus grands que la question de prorogation.
À mon avis, ça commence avec l'adduction — où l'on est aujourd'hui. Le pouvoir du Parlement, de la Chambre des communes, de choisir qui représente le gouvernement et qui ne le représente pas, est son plus important pouvoir. Si la question de confiance peut être attaquée avec ce mécanisme de prorogation, toutes les autres batailles auxquelles vous faites référence — la question d'information, d'ouverture du gouvernement, la tendance à minimiser l'importance de la loi, à négliger l'adoption de règlements de plus en plus importants par le Parlement, le fait que le Cabinet ne soit pas un vrai Cabinet —, nous allons les perdre si on perd notre premier combat qui est d'avoir, fondamentalement, un gouvernement responsable où les élus vont décider dès le départ qui représente le gouvernement. Alors, il faut gagner ce combat. Après, il y aura beaucoup d'autre travail à faire. Il faut d'abord entreprendre ce combat, c'est le plus important. Si on peut le gagner, allons-y.
Par ailleurs, vous avez suggéré qu'il est impossible, fondamentalement, d'écrire des règles dont le respect serait garanti sans amender la Constitution, et c'est vrai. Toutefois, notre tradition politique accorde beaucoup de pouvoir aux conventions politiques. Je ne pense pas que nous nous trouvions dans des circonstances pré-révolutionnaires, mais nous avons appris une leçon, en décembre 2008, et c'est que la Chambre des communes a besoin de renforcer son pouvoir.
Alors, il serait bien de faire ce dont on discute présentement, et ça établirait un bon ton. On gagnerait la série et, ensuite, il y en aurait d'autres, mais ce serait un bon début.
Il me reste une minute? D'accord. Ce n'est pas beaucoup, une minute. Avez-vous une question, madame Gagnon?
Monsieur Topp, votre optimisme me touche, mais je n'ai pas l'impression qu'on va beaucoup avancer dans le moment et dans un proche avenir, parce que les intentions de vote semblent se cimenter. Il semble qu'on va élire de petits gouvernements minoritaires pendant encore un certain temps.
Au Québec, les 10 ou 12 sondages les plus récents montrent une forte tendance vers l'élection d'une majorité de députés du Bloc québécois, et ça veut dire — à moins que le projet de loi du gouvernement conservateur ne soit adopté, qu'on diminue le poids du Québec — qu'on doit s'attendre à avoir des gouvernements minoritaires.
Ne trouvez-vous pas que la situation des gouvernements minoritaires successifs bouscule les règles établies depuis très longtemps? Elle nous force à réfléchir pour s'adapter soit à des alliances ou à des coalitions, à s'ouvrir à de nouvelles façons de gouverner. Car on doit affronter la nouvelle dynamique qui est décidée par le peuple, par les gens qui votent pour leurs représentants.
[Traduction]
[Français]
Je partage votre analyse et vos conclusions. Alors, revenons à la charge. Étant donné que nous allons probablement avoir un gouvernement minoritaire pendant encore longtemps — vous avez tout à fait raison, mais on parle de la politique, alors qui sait —, la chose la plus importante à faire est de définir les règles pour établir qui représente le gouvernement, justement à cause du fait que nos gouvernements sont minoritaires.
[Traduction]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Brian, il est agréable de vous rencontrer. Merci de votre présence.
Je tiens à dire, pour qu'on le note dans le compte rendu et les livres d'histoire du Canada, que, malgré tout son raffinement et son caractère cosmopolite, M. Topp ne porte pas normalement de cravate. Par respect pour le Parlement et les Canadiens, il en a mis une et le compte rendu doit préciser qu'il a une position très ferme à ce sujet. Nous ne pouvons lui en faire porter à aucune autre réunion.
Il a été question de votre livre, et c'est une des raisons qui expliquent votre comparution: vous avez une expérience de première main d'un certain nombre de ces questions. Il est particulièrement intéressant d'entendre les députés ministériels préparer le terrain et prétendre que, à moins que la possibilité d'une coalition ne soit évoquée très tôt, toute coalition est dénuée de légitimité.
Ils ont réussi à faire avorter le projet et ils ont gagné. Je leur reconnais leur mérite. Ils y sont arrivés en diabolisant toute l'idée de coalition. Nous sommes en train de dépasser lentement ce stade, mais que pensez-vous de l'idée que la coalition doit être annoncée au préalable? Je vous demande d'établir un lien avec le fait que, au moins deux fois — on me corrigera si j'ai tort — le gouvernement actuel, minoritaire, a fait adopter son budget et s'est maintenu avec l'appui du Bloc, puisque les budgets engagent la confiance. C'est le soutien que le Bloc a apporté à la coalition proposée entre le NPD et les libéraux que le gouvernement a utilisé pour sa grande entreprise de diabolisation.
Il est intéressant que les députés ministériels avancent ce message: « Si la coalition n'est pas déclarée à l'avance, elle n'aura aucune légitimité. » Comme nous n'avons pas beaucoup de temps, j'enchaîne avec une autre question.
J'ai trouvé intéressante votre mention de l'Allemagne, de l'Espagne et de la Hongrie et des dispositions qu'elles ont prises et qui vous semblent très efficace. Je constate que vous avez sous les yeux certains de ces textes. Je voudrais vous donner la possibilité d'en lire certains, car je voudrais voir quelle est cette clarté que vous privilégiez.
Toute une commande. Pendant le temps que vous avez probablement, je vais faire quelques observations.
La démocratie est vulnérable, et les privilèges du Parlement le sont aussi. Un bon résultat des échanges politiques du Parlement serait un engagement de tous les partis à ne pas mélanger ce qui est constitutionnel et ce qui est politique.
On peut soutenir, comme le député Scott Reid l'a fait, qu'il est politiquement inacceptable, ou que cela est passible de sanction aux urnes, de faire campagne en prétendant refuser de gouverner avec un autre parti et, quelques mois plus tard, de chercher à former une coalition. On peut soutenir que, politiquement, il doit y avoir un prix à payer aux élections suivantes, mais il est faux de dire que, par conséquent, qu'il ne serait pas légitime sur le plan constitutionnel que les Communes fassent leur travail fondamental, le choix du ministère.
C'est ce qui a manqué de clarté dans le débat ces deux dernières années. Les Canadiens ont entendu un débat très embrouillé sur ce que les parlementaires peuvent faire ou pas, car on a présenté les problèmes comme constitutionnels et non politiques. L'intérêt de la discussion que vous avez maintenant, en tirant les leçons d'une expérience récente et en admettant que tout le monde a fait une foule d'erreurs, c'est que nous devrions préciser qu'il est acceptable que la Chambre des communes forme le ministère qu'elle souhaite, quoi que les acteurs aient dit dans la campagne électorale précédente, car la situation où les députés se trouvent est définie par les élections et n'est pas prévisible. Ce qu'on dit pendant une campagne électorale ne peut présumer des résultats des élections, si bien qu'on peut être amené à se comporter différemment, peut-être. Les acteurs politiques du Parlement britannique viennent d'en donner la preuve.
Quant à la clarté des textes, je vais l'illustrer par une seule phrase. Prenons le paragraphe 67(1), sans perdre de vue que c'est une traduction d'Internet. Je ne garantis pas la rigoureuse précision du moindre mot.
Voici:
Le Bundestag exprime sa défiance à l'égard du chancelier fédéral seulement en élisant un successeur à la majorité des députés et en demandant au président fédéral de démettre le chancelier fédéral de ses fonctions. Le président fédéral se plie à la demande et nomme la personne élue.
C'est très clair, et cette disposition a bien fonctionné dans la pratique constitutionnelle. Si on veut écarter le gouvernement en place en vertu de cette disposition, il faut dire: « Ce n'est pas le premier ministre Reid qui va diriger le ministère, mais le premier ministre Christopherson. » C'est net et clair, et on obtient un changement de ministère sans problèmes constitutionnels.
Il y a toujours les problèmes politiques, cependant. Lorsque cela s'est produit, en 1982, nos collègues allemands n'ont pas été très heureux, et ils en ont parlé pendant des années, mais c'est de la politique. Sur le plan constitutionnel, la Chambre pouvait faire ce qu'elle a fait.
Est-il question de la prorogation? L'une des difficultés signalées par beaucoup d'universitaires, de professeurs et de spécialistes, c'est qu'il n'est pas beaucoup question de la prorogation. La question est posée, mais il n'y a pas eu beaucoup d'analyses. Avez-vous des exemples dans lesquels il est question de la prorogation?
Je n'ai pas étudié la constitution de l'Allemagne, de l'Espagne et de la Hongrie en ce qui concerne la prorogation, mais il serait intéressant que les services de la Bibliothèque du Parlement fassent cette recherche.
J'ai quelque chose à dire de la prorogation, si vous le voulez.
Notre gouvernement a régulièrement eu recours à la prorogation dans le fonctionnement de notre assemblée, et cela se trouve aussi dans toutes les assemblées législatives. Régulièrement, nous avons mis fin à notre programme parlementaire, à peu près à la mi-juin ou à la fin-juin, à peu près toutes les années, pour pouvoir proposer un discours du Trône et un nouveau budget l'année suivante. L'Assemblée législative de la Saskatchewan avait des habitudes assez prévisibles. Tous les députés comprenaient que les projets de loi du gouvernement qui n'étaient pas adoptés au plus tard à la fin de juin restaient normalement en plan au Feuilleton.
Vous serez peut-être intéressés d'apprendre que cette prorogation régulière donnait un pouvoir important à l'opposition. Ce qu'elle faisait et le résultat... J'ignore si les choses se passent toujours ainsi. Je n'ai pas suivi les délibérations de l'Assemblée législative de la province depuis un certain temps. Chose certaine, lorsque j'étais là-bas, l'opposition retardait les projets de loi jusqu'aux deux ou trois derniers jours, sachant fort bien qu'ils allaient rester en plan au Feuilleton. Il y avait alors des tractations politiques fascinantes dans les derniers jours de la session sur ce qui allait passer ou non. De la sorte, la prorogation était utile à l'opposition.
Très bien.
Je reconnais avec certains de vos témoins qu'il vous faut faire preuve de prudence, et je sais que la prorogation est un outil d'usage plus large. Aujourd'hui, je vous invite à vous concentrer sur le recours à la prorogation pour empêcher la Chambre d'exercer sa responsabilité constitutionnelle fondamentale. Il me semble que c'est l'enjeu dont nous sommes saisis.
Quant à savoir s'il faut circonscrire le recours à la prorogation — le débat plus large —, je suis pour ma part beaucoup moins au fait de cette question que du point central de la discussion.
Merci.
Voilà qui met un terme au premier tour. Nous aurons maintenant des interventions limitées à cinq minutes. Nous devrons être très succincts et nous allons partager le temps de parole, si possible, sans quoi certains ne pourront prendre la parole.
Rapidement, monsieur Savage.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Topp, je ne suis pas membre du comité, normalement, mais je suis venu aujourd'hui... C'est une question qui intéresse tous les parlementaires, je crois, et de plus en plus les Canadiens.
Je voudrais parler d'une question que vous alliez aborder: le recours exceptionnel ou normal à la prorogation. Les Canadiens ont l'impression que le gouvernement a prorogé les chambres à chacune des deux dernières années, 2009 et 2008, mais il l'a fait trois années de suite. En 2007, la Chambre devait reprendre ses travaux à la mi-septembre, mais il y a eu prorogation et elle n'est revenue qu'en octobre. De nouveaux ministres avaient prêté serment, etc. Cela n'a pas suscité une attention nationale, puisque ce recours à la prorogation semblait « normal », si je peux employer ce terme.
Qu'en pensez-vous? En s'interrogeant sur la prorogation, il faut se demander s'il y a des cas où la prorogation est nécessaire, logique. Certaines prorogations peuvent durer une semaine, une journée, selon les circonstances. Elle peut se produire parce que le premier ministre doit aller à une réunion, au lieu de ce qui s'est passé en 2009 et en 2008.
Vous vous orientiez un peu dans ce sens, à propos de la Saskatchewan. Auriez-vous autre chose à ajouter au sujet de la différence entre ce qu'on peut appeler des prorogations normales ou non exceptionnelles et les autres prorogations?
Je dirai d'abord que, comme député, vous comprenez mieux que moi l'extrême complexité de ce qui se passe au Parlement et la difficulté de prédire le déroulement des choses. Il est très difficile de rédiger maintenant des règles qui conviendront à toutes les circonstances au cours des 50 ou 100 prochaines années. Voilà ce qui attend le comité, s'il songe à circonscrire l'usage du pouvoir de prorogation. Je disais à l'instant, dans les échanges avec votre collègue, qu'il peut arriver qu'il soit tout à fait acceptable que le gouvernement utilise son pouvoir de prorogation, et aussi cette prorogation aide l'opposition.
Je ne vous exhorte pas aujourd'hui à abolir le droit de prorogation. Comme vous le savez, c'est un dispositif constitutionnel complexe qui relève des pouvoirs de réserve de la Couronne. Selon moi, il vaut mieux s'occuper de ce que la Chambre refuse et de ce que, clairement, vous ne voulez pas, à la lumière de votre expérience.
Nous pouvons dire une chose avec assurance, je crois: il est relativement rare que les partis d'opposition saisissent la Chambre de motions de défiance en bonne et due forme. Dans l'histoire parlementaire récente, c'est le gouvernement, plus que l'opposition, qui a tendance à provoquer les votes de confiance et ce, pour des raisons politiques évidentes.
Lorsque la Chambre est appelée à se prononcer sur une motion de censure, et je propose que vous la définissiez, je pense que vous voulez préciser que la Chambre ne peut être prorogée en aucun cas. Vous le faites en revendiquant votre légitimité de représentants élus du peuple. Il s'agit bien sûr d'une sorte de demande adressée à Sa Majesté la reine par l'entremise du gouverneur général. Cela est peut-être sans valeur constitutionnelle, mais, pour les raisons que j'ai évoquées, j'estime que ce serait probablement une convention solide.
Quant aux questions plus larges et à la possibilité de circonscrire le recours à ce pouvoir, je n'en ai pas parlé aujourd'hui. Je sais que vous en avez discuté et que vous avez des propositions à l'étude. Je vous invite à la prudence, surtout avec les règles complexes, car il est difficile de prédire ce qui se produira dans l'avenir.
Merci, monsieur Savage, et merci aussi de vous être joint à nous aujourd'hui.
Ce sera maintenant M. Reid, très rapidement. Lui et M. Lukiwski partageront le temps de parole.
Le problème évident de certaines des propositions qui ont été avancées, surtout celles qui comportent des éléments dissuasifs, c'est qu'elles n'ont aucun rapport avec ce qui s'est passé en 2008.
Je voudrais revenir très brièvement à des éléments abordés par M. Christopherson. Il a fait une observation sur ce dont j'avais parlé. L'un des problèmes qui m'ont frappé, en 2008, c'est que le discours du Trône a été approuvé. Il y a eu un vote avec dissidence, mais le discours du Trône n'a pas été rejeté.
Je me suis toujours demandé pourquoi l'opposition n'avait pas voté contre. Si elle l'avait fait, il n'y aurait eu aucun... Les critères qu'il a fallu respecter, que vous décrivez par le menu dans votre livre, n'auraient pas été nécessaires. Le premier ministre n'aurait jamais eu une majorité au Parlement.
C'est pour moi un mystère. Pourriez-vous nous éclairer?
Le discours du Trône est une question qui engage la confiance. La défaite nous aurait entraînés dans le monde où nous sommes, soit un débat sur ceux qui doivent former nouveau ministère.
Si vous voulez parler de la conjoncture politique de l'époque plutôt que des questions constitutionnelles, je répondrai sans doute que le gouvernement n'avait pas commis une terrible bourde qui a uni l'opposition et amené les circonstances politiques permettant d'agir de la sorte. C'est pourquoi je dis qu'il faut distinguer les règles constitutionnelles et les réalités politiques.
Il faut ensuite voir s'il y a une question constitutionnelle ou de légitimité qui se pose. Le discours du Trône a été adopté. Je ne me souviens pas de tous les détails, mais disons qu'il a été adopté. Cela voulait-il dire que le gouvernement avait survécu à un vote de censure et que la question, celle de la confiance de la Chambre, ne pouvait plus jamais être posée?
Ma réponse, c'est que vous ne serez pas de cet avis lorsque, dans des années peut-être, vous serez de retour sur les banquettes de l'opposition. Vous soutiendrez alors que la Chambre des communes est toujours libre de se prononcer sur la confiance envers le ministère, en principe, et peut le faire dans bien des circonstances, la plus évidente étant le rejet d'un projet de loi de finances ou d'un discours du Trône. Selon moi, vous pourriez également prévoir, au moins dans le Règlement, des modalités précises que tout le monde connaîtrait: ceci est un vote de confiance qui a été régulièrement soumis à la Chambre.
Voilà ma réponse à votre question. Sur le plan de la pratique constitutionnelle, ce serait tout à fait acceptable d'accorder la confiance au gouvernement le lundi et de l'éjecter le mardi. Tel est le génie de notre régime.
Juste. L'éjecter et donc tenir des élections. La question qui se pose ici, selon moi, c'est que, à un moment donné, il est légitime que le premier ministre s'adresse au gouverneur général pour lui dire: « Je veux de nouvelles élections; déclenchez des élections. » Il y a un moment où, par exemple, en l'absence du soutien du Parlement, le discours du Trône ayant été rejeté, le premier ministre ne peut faire cette recommandation et compter être écouté. Sa recommandation serait écartée, et le gouverneur général se tournerait vers le chef de l'opposition.
Clairement, on ne peut faire une démarcation ni dire que, une fois que le discours du Trône a été adopté, le premier ministre pourrait faire cette recommandation. Vient un moment, diriez-vous sans doute, où le premier ministre peut faire cette recommandation, puisqu'il a perdu la confiance de la Chambre.
C'est au fond la question que je vous pose: dans la situation actuelle, et non celle que vous proposez, qui changerait les règles du jeu, où se situe ce point crucial, à votre avis?
Bien sûr, vous nous ramenez au débat King-Byng et à la question de savoir si le gouverneur général peut faire appel au deuxième parti à la Chambre lorsque le parti qui a le plus de sièges déclare ne pas avoir la confiance de la Chambre.
Selon moi, le gouverneur général Byng avait tout à fait raison et le premier ministre King était complètement dans l'erreur. Il était tout à fait acceptable, selon la Constitution, que le gouverneur général demande au chef du Parti conservateur de former un gouvernement.
C'était une erreur de jugement politique, car, en fait, M. Meighen ne pouvait obtenir une majorité. La chose est devenue évidente dans les 48 heures. Mais constitutionnellement, c'était la bonne décision.
Votre autre question, d'après ce que je comprends, porte sur le droit du gouverneur général d'intervenir pendant la durée d'une législature. Je dirais que sur le plan constitutionnel... si on tient compte du fait qu'il s'agit ici d'usages politiques, dans la mesure où il s'agit de règles constitutionnelles non écrites dans la tradition britannique... Le gouverneur général a toujours le droit d'inviter un autre parlementaire à essayer de former un gouvernement. La question est de savoir si cela fonctionnera sur le plan politique, aux élections suivantes. Plus les élections suivantes sont proches, plus le risque est grand pour tous les intéressés. Mais c'est de la politique et non une question constitutionnelle.
La vraie question, c'est que, à un moment donné...
Le président: Monsieur Reid
M. Scott Reid:... le gouverneur général pourrait ne pas tenir compte de la recommandation du premier ministre ou la rejeter.
Merci de vous apercevoir que je suis là. Vos cinq minutes sont terminées.
Il faudra en tirer des leçons à l'avenir au sujet du partage avec M. Lukiwski.
[Français]
J'aimerais savoir quelle attitude peut avoir la Gouverneure générale dans le contexte actuel du parlementarisme canadien. Peut-elle refuser au premier ministre de proroger la Chambre? Lorsque le premier ministre se rend chez la Gouverneure générale, il serait assez étonnant qu'elle refuse une prorogation pour telle ou telle raison. Il faudrait peut-être encadrer la démarche que ferait un premier ministre, ou le premier ministre actuel, dans certaines circonstances, lorsque c'est très clair, comme cela l'a été la dernière fois. On le sait bien, on ne voulait pas être confronté au problème du dossier des prisonniers afghans ou de celui de l'environnement. On s'est dit que la population oublierait vite. Ça n'a pas été évident pour nous. Quand nous sommes retournés dans nos comtés, les gens disaient que nous étions en vacances. Il y a eu une baisse de confiance envers les politiciens. Ils ont compris le jeu du gouvernement.
Y aurait-il une manière, que ce soit par règlement ou autre, que la Gouverneure générale ne puisse, dans certains cas, proroger la Chambre?
C'est une question très intéressante. En fait, la plupart des instructions liées à l'encadrement du pouvoir du Gouverneur général ont été écrites par l'exécutif. Il semble donc que l'avis dont dispose le Gouverneur général soit que, lorsque le premier ministre demande la prorogation, sa demande doit être acceptée dans n'importe quelle circonstance, même lorsqu'il y a un vote de confiance devant la Chambre. Par conséquent, la Gouverneure générale a fait son travail d'une façon qui semblait appropriée. On a découvert que le Gouverneur général, conformément aux instructions qui lui ont été données par la Couronne et par le premier ministre, comprend que son rôle est de toujours accepter une demande de prorogation formulée par le premier ministre, quelles que soient les circonstances.
À mon avis, la Chambre doit donner une nouvelle instruction au Gouverneur général par l'intermédiaire du Président de la Chambre des communes. Il est possible de le faire. En d'autres mots, en plus des instructions d'encadrement et des suggestions qui lui ont été données, on en ajoute une autre. Celle-ci stipulerait que, lorsqu'il y a une motion de confiance devant la Chambre, le Gouverneur général ne doit pas accepter une demande de prorogation du premier ministre qui, clairement veut utiliser cette mesure pour empêcher la Chambre de se prononcer sur cette motion de confiance. Ça commencerait ainsi et, ensuite, il y aurait d'autres questions, plus vastes, quant à savoir quelles sont les instructions au Gouverneur général. Ce serait un très bon début.
[Traduction]
Merci beaucoup.
J'aimerais beaucoup, monsieur Christopherson, que vous soyez succinct et bref et que vous partagiez votre temps de parole.
Je dois donc être infidèle à moi-même.
Une idée m'est venue lorsque vous avez évoqué la possibilité d'une motion de confiance. Je fais l'avocat du diable. L'opposition pourrait-elle jouer un rôle en recourant elle-même à des tactiques, en proposant une motion de censure vouée à l'échec simplement pour ennuyer un premier ministre qui, autrement, aurait le droit de proroger les chambres? Comme la plupart d'entre nous l'ont avoué, c'est un outil important dont la démocratie parlementaire inspirée de Westminster a besoin. Première question.
Deuxièmement, il est intéressant que vous nous ayez conseillé d'éviter les sanctions. Nous en avons beaucoup discuté. Si je suis bien votre raisonnement, puisque c'est une question de vie ou de mort et que le gouvernement va toujours choisir la vie, pourquoi banaliser la question en disant que, une fois franchie ce seuil, tel ou tel désagrément relatif vous sera imposé?
Voici ma question. Dans une situation de vie ou de mort, tout gouvernement choisit toujours la vie. S'il n'y a pas de sanctions, le seuil est franchi, car il a pris la même décision qu'il prendrait, sanctions ou non. Mais sans sanctions, le gouvernement s'en tire indemne. Qu'en pensez-vous?
Si vous le voulez bien, je vais parler des sanctions. Je ne pense pas avoir beaucoup de temps.
L'une de mes convictions les mieux ancrées, probablement, c'est que vous feriez une énorme erreur en prévoyant des sanctions dans ces règles. Je reprends ma thèse: le risque, c'est que les sanctions deviennent un simple coût pour mener à bien ses affaires dans ce jeu-là. Conséquence, au lieu de renforcer les éléments fondamentaux du gouvernement responsable et du pouvoir central du Parlement, vous les aurez banalisés.
Dans votre question, vous demandez si, en l'absence de sanctions, l'exécutif ne va pas par la suite simplement aller de l'avant...
Ma réponse, c'est que, en cette matière, nous devons faire confiance à notre régime fondamental de gouvernement, et au rôle de la Couronne et du gouverneur général. Si le Parlement s'exprime clairement et sans ambiguïté, sans formules ambiguës, sans conditions, sans sanctions qui soulèvent des problèmes de doutes et de complexité, s'il dit que, lorsque la Chambre est saisie d'une motion de censure, il ne peut y avoir prorogation en quelque circonstance que ce soit — selon une formulation claire semblable à ce qu'on trouve dans les dispositions constitutionnelles auxquelles je me suis reporté — je serais très étonné que le gouverneur général accepte la prorogation. Dans les circonstances, cela aurait le pouvoir d'une convention, et le rôle qui serait le vôtre serait d'obtenir qu'aucun premier ministre ne tente sa chance parce qu'il saurait avec passablement de certitude que cela est voué à l'échec. Et s'il parvenait à ses fins, nous aurions appris que la mesure prise n'est pas assez solide, et il y aurait de nombreux précédents dans l'histoire parlementaire pour que la Chambre, en pareilles circonstances, prenne des mesures de plus en plus énergiques.
Commencez par le principe, commencez par vous exprimer clairement et voyez si les faits vous montrent que vous n'avez pas été assez énergiques.
Merci beaucoup, monsieur le président, de me permettre de poser une question.
Brian, je voudrais discuter très brièvement avec vous de la définition de la confiance. Vous en avez parlé plusieurs fois, notamment de la confiance que le gouvernement fait jouer à divers moments. Vous avez dit que les gouvernements, pour leurs propres fins, avaient plus souvent recours aux motions de censure.
Notre gouvernement a essentiellement... Je ne dirais même pas que c'est une définition. C'est plutôt une règle empirique... Pour qu'une question engage la confiance, elle doit avoir une importance nationale. Voici un exemple clair qui doit vous être familier, puisque vous avez habité en Saskatchewan. Il s'agit de la Commission canadienne du blé.
Pour ma part, je reçois beaucoup de messages de mes fervents partisans qui sont opposés à la Commission canadienne du blé. Ils m'appellent et me tancent en me disant: « D'accord, votre gouvernement est minoritaire et vous ne pouvez pas apporter de changements, etc. Pourquoi n'en faites-vous pas une question de confiance pour forcer la main à vos adversaires? » Je leur réponds simplement: « Parce que ce n'est pas une question d'importance nationale. »
Si importante la question puisse-t-elle être pour les céréaliculteurs de l'Ouest, elle ne pèse pas lourd dans l'ensemble du Canada. Elle n'est pas importante pour l'Ontario, le Québec ou le Canada atlantique. Nous ne pouvons donc pas et nous n'allons pas en faire une question de confiance.
Voici ma question. Si les gouvernements suivent cette règle pragmatique, cela suffit-il ou pensez-vous qu'il faut plus de clarté sur les questions qui engagent la confiance, qu'elles viennent de l'opposition ou du gouvernement?
L'esclavage a été aboli au Canada. Personne, pas même les parlementaires, ne peut être contraint par le gouvernement s'il ne le veut pas. Si le gouvernement dit que telle mesure doit être adoptée, peu importe de quoi il s'agit, et si elle ne l'est pas, le gouvernement peut toujours démissionner.
Je ne suis pas sûr que de se détourner d'une convention politique, qui évoluera avec le temps, pour adopter une règle constitutionnelle ou une loi, ou encore un article du Règlement de la Chambre définissant la notion de vote de censure comme portant sur un projet de loi d'importance nationale, de l'avis du gouvernement, soit particulièrement utile. C'est une question politique qui se pose dans le temps et il faut de fins calculs, comme vous le savez bien.
Si nous créons une crise autour de telle question et que l'opposition ose nous faire tomber, pensons-nous avoir bien fait du point de vue politique? Voilà un calcul qui doit rester du domaine politique. C'est pourquoi j'ai dit, dans ma brève déclaration d'ouverture, que, en fin de compte, le gouvernement peut choisir de démissionner à tout moment. Je ne vois pas jusqu'à quel point vous pouvez tout prévoir et rédiger des règles à ce sujet qui seront utiles par la suite. Je propose que vous preniez la question par l'autre bout, ce qui, selon moi, est fidèle à notre tradition, et que vous vous attaquiez à un problème précis lorsque vous savez qu'il y en a un: avons-nous, oui ou non, un gouvernement responsable? La Chambre des communes peut-elle, oui ou non, déterminer qui forme l'exécutif? Rédigez une règle à ce sujet et laissez ensuite les conventions et les usages déterminer les autres questions.
Merci.
Monsieur Topp, je suis désolé de vous avoir forcé à porter une cravate aujourd'hui, mais je vous remercie de vos réponses ouvertes et honnêtes. Vous avez beaucoup aidé le comité.
Monsieur Reid, vous avez quelque chose à ajouter?
J'invoque le Règlement. Pourrions-nous demander à M. Topp de déposer les articles de constitution qu'il a apportés? Je comprends qu'il s'agit simplement de traductions d'Internet. S'il pouvait les déposer, nous pourrions demander à notre attaché de recherche de trouver des traductions officielles.
Oui, nous aimerions beaucoup les avoir. Cela nous épargnerait un peu de travail si vous nous les remettiez.
Le ferez-vous? Merci.
Merci beaucoup.
Nous allons reprendre la séance pour pouvoir poser le maximum de questions.
Je comprends que certains d'entre vous sont toujours en train de se servir.
Monsieur Sproule, je vous présente mes excuses à l'avance pour le reste du comité. Nous allons manger sous vos yeux. La séance dure de 11 à 13 heures et c'est souvent la seule façon de prendre le déjeuner.
Merci. Puis-je avoir cela par écrit?
Vous et moi en avons discuté: conformément à nos usages, vous ferez une déclaration, après quoi nous passerons aux questions. Nous essaierons d'avoir le maximum de questions.
Nous voudrions terminer cinq minutes avant l'heure. J'ai quelques questions à régler au sujet des travaux du comité, une discussion rapide, avant de lever la séance.
Merci beaucoup. Veuillez faire votre déclaration d'ouverture.
Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Don Sproule et je suis le président national de la Sauvegarde des Retraités et anciens employés de Nortel Canada. Je représente quelque 17 500 retraités et 1 500 anciens employés qui sont dispersés un peu partout au Canada: London, Calgary, Toronto, Belleville, Kingston, Montréal, Halifax et ailleurs. Étant donné les mises à pied qui se font en ce moment chez Nortel, le nombre de retraités devrait atteindre 20 000.
Nortel a demandé la protection de la Loi sur les faillites en janvier 2009 et, en juin 2009, il était évident qu'elle n'allait pas se restructurer. En réalité, Nortel va être liquidée.
En janvier de l'an dernier, je me suis aperçu que ma pension n'était pas garantie. Je n'arrivais pas à y croire. J'ai lu plusieurs lois et j'ai pensé avoir trouvé de quoi me rassurer dans la Loi sur le programme de protection des salariés, mais j'ai constaté que les cotisations non versées n'étaient pas protégées par les lois sur la faillite. Dans notre cas, il manque environ 1,1 milliard de dollars dans le financement du régime de retraite. C'est dire que, lorsqu'il y aura des coupes pour les retraités de Nortel, notre régime de retraite sera probablement ramené à environ 69 p. 100.
Le 30 septembre prochain, le régime de retraite sera confié au gouvernement provincial, à la CSFO, et probablement réduit à 69 p. 100. En décembre prochain, nos régimes de santé seront éliminés. Le total des réductions des prestations que les retraités de Nortel subiront s'établira à environ 40 p. 100.
Comment en sommes-nous arrivés là? Comme je l'ai dit, bien des gens ont été étonnés que nous ne soyons pas protégés en cas de faillites, et beaucoup de nos amis et membres de nos familles l'ont été aussi. Nous ne soupçonnions pas que les déficits des caisses de retraite étaient des créances non garanties.
En poussant l'analyse plus loin, nous avons constaté que, comme créanciers non garantis, nous allions devoir nous battre contre les détenteurs d'obligations pourries et des organismes gouvernementaux étrangers. Nous estimons que les règles sont d'une grossière injustice. Si vous considérez la situation, les actionnaires craignent la faillite de la société et ils se disent: « Nortel va faire faillite? Si oui, je vais abréger la durée des obligations, je vais les vendre, je vais relever le taux d'intérêt. En fait, je vais me protéger en troquant mes obligations entre le Canada et les États-Unis, en ce qui concerne les avoirs de Nortel. »
Ce sont des gestionnaires d'argent habiles. Ils peuvent souscrire une forme d'assurance appelée « swap sur défaillance ». Quiconque a lu les journaux ces derniers temps sait ce quoi il s'agit. C'est ce que font des pays comme la Grèce.
Le swap sur défaillance est une forme d'assurance, mais pas n'importe laquelle. On peut aller souscrire... C'est comme souscrire une assurance sur la maison du voisin et craindre, ou souhaiter, que cette maison perde de la valeur. C'est la nature du marché.
Comme retraité de Nortel, je ne pourrai jamais prouver qu'il y a un lien entre le marché des swaps sur défaillance et la fin de Nortel. Ce marché est très opaque. Mais je crois qu'il se passe quelque chose, à propos des causes de la disparition de Nortel, et je crois que les détenteurs d'actions pourries vont se comporter en bandits, profitant de la disparition de Nortel, et ils vont le faire au détriment des anciens employés, tant les retraités que ceux qui ont été mis à pied sans indemnité de départ.
Si vous pensez aux retraités, par ailleurs, les détenteurs d'obligations considèrent le risque et le gèrent. Les retraités ont cotisé à une retraite pour éviter le risque. Je me demandais si je n'allais pas vivre trop longtemps, parce que...
J'invoque le Règlement, monsieur le président, je comprends que la question est très délicate, mais j'écoute M. Sproule depuis quatre minutes ou peut-être sept et, jusqu'à maintenant en tout cas, j'ai l'impression qu'il ne s'adresse pas au bon comité.
Oui, j'allais y venir aussi.
Monsieur Sproule, votre exposé est très bien, mais il s'agit ici d'une étude sur la prorogation.
M. Donald Sproule: Bien compris.
Le président: Je sais que vous avez comparu devant le Comité des finances, que vous avez participé aux tables rondes sur les pensions, etc. Venons-en à la question de la prorogation, je vous en prie, si vous n'avez pas d'objection.
Oui, bien sûr.
Essentiellement, voici notre position sur la prorogation. Nous pensions enregistrer des progrès au Parlement du Canada. Nous avons présenté notre demande de modification des lois sur la faillite pour aider à protéger les retraités. Nous pensions progresser grâce à des projets de loi néo-démocrates déposés aux Communes et à des projets de loi libéraux déposés au Sénat. Nous avions acquis un certain élan, et voilà que soudain, dans cette catastrophe au ralenti, nous avons appris que la Chambre était prorogée, et qu'elle l'était pour six semaines, je crois. Les retraités de Nortel ne contestent pas le droit du gouvernement de proroger, mais c'est la durée qui les inquiète.
Nous étions en bonne voie, espérions-nous, de faire modifier les lois dans l'intérêt des retraités de Nortel. Nous voyons l'aiguilleur au bout de la voie, qui peut actionner l'aiguillage et nous sauver la mise. Puis, quelqu'un décide: « C'est le temps de la pause-café. Nous voulons recaler l'aiguillage. »
C'est ce qu'il y a eu d'exaspérant dans...
Monsieur Lukiwski, vous avez un rappel au Règlement?
M. Tom Lukiwski: Non, ce n'est pas un rappel au Règlement
Le président: Vous voulez être inscrit sur la liste? D'accord.
Je suis désolé, j'ai mal compris le signe que le député faisait du doigt. Cela ne se reproduira plus.
Très bien.
Nous arrivions à l'essentiel, n'est-ce pas? L'hiatus ne nous a pas aidés. Dans les procédures de faillite, le temps ne joue pas pour nous. Les autres continuent à leur propre rythme. Nous avons consacré près 100 000 heures de travail bénévole dans notre association, pour voir si nous ne pourrions pas obtenir de meilleurs résultats, et il a été exaspérant que le gouvernement impose un temps d'arrêt.
C'est tout ce que j'avais à dire.
Je m'intéresse davantage à la question abordée d'abord, puisque cela se rapporte un peu plus au travail de mon comité. J'ai rencontré des travailleurs de Nortel, et notamment des gens qui souffrent de maladies comme la sclérose en plaques, qui vont voir leurs prestations mensuelles, ce qu'ils ont pour vivre, ramenées dans certains cas de 3 000 $ à 300 $ ou 400 $ par mois, et cela m'inquiète beaucoup.
Pour ce qui est de la prorogation, je ne suis pas sûr d'avoir des questions à vous poser. Il me semble qu'elle a ralenti beaucoup de travaux dont le Parlement doit s'occuper. Que les gens aiment ou non le comportement de la Chambre des communes, ils considèrent les députés comme leurs porte-parole. Ce que vous voulez dire, peut-être, c'est que, à un moment crucial pour vous, pour ceux qui travaillent chez Nortel et d'autres personnes qui sont aux prises avec de graves problèmes faute de protection — la modification de la LFI et d'autres mesures semblables —, tout s'est arrêté. Ce n'est pas le rôle que les gens estiment être celui de leurs parlementaires.
Je n'ai pas de question, à proprement parler, mais je vous souhaite bonne chance, et cela vaut également pour ceux avec qui vous travaillez.
M. Donald Sproule: Merci.
M. Michael Savage: Merci à Marcel de m'avoir donné l'occasion d'intervenir,
Merci, monsieur le président.
Monsieur Sproule, j'espère que vous comprenez mon intervention de tout à l'heure. Je voulais simplement m'assurer que vous comparaissiez devant le bon comité.
M. Donald Sproule: C'est très bien.
M. Marcel Proulx: Dans l'étude sur la prorogation, nous ne regardons pas dans le rétroviseur, mais vers l'avant.
Je suis sûr que vous avez écouté certaines des séances du comité, et vous avez probablement lu certains des mémoires que d'autres témoins ont déposés.
Avez-vous des propositions à faire, des idées sur la façon de modifier ou d'améliorer la situation? Avez-vous des idées à nous proposer au sujet de la prorogation?
Je comprends que vous ayez du mal, et d'autant plus mal à cause de la prorogation, mais pour l'avenir, auriez-vous des idées à proposer ou des choses à suggérer?
Pour notre part, notre recommandation porterait sur la durée de prorogation. Sauf erreur, à l'Assemblée législative de l'Ontario, il y a eu prorogation, mais des travaux reprenaient un jour ou deux après. Le problème, c'est la durée de l'interruption des travaux pendant une prorogation.
C'est le problème central. Je proposerais donc d'abréger la durée de la prorogation.
Merci.
Merci de votre présence, monsieur Sproule.
Je tiens à dire pour commencer que je sympathise avec tous les employés de Nortel. Ma belle-fille y travaillait jusqu'aux réduction des effectifs, il y a quelques années. Comme elle n'y a pas travaillé très longtemps, elle n'a certainement pas eux les mêmes difficultés que vous et vos collègues devez affronter. Je sympathise beaucoup avec vous, et j'espère que vous trouverez une solution à un moment donné.
Je reviens à une chose que vous avez mentionnée pendant votre déclaration d'ouverture. Vous avez dit que vous aviez travaillé avec le NPD et les libéraux à certains de leurs projets de loi. Je présume qu'il s'agissait de projets de loi d'initiative parlementaire qu'ils proposaient?
Je présume que vous comprenez aussi que la prorogation ne dérange rien, en ce qui concerne ces projets de loi.
Ils ne sont pas rayés du Feuilleton. Seuls les projets de loi du gouvernement le sont. Je voudrais que vous m'expliquiez comment la prorogation pouvait vous nuire, puisque les projets de loi du NPD et des libéraux sont toujours là, et qu'ils peuvent toujours progresser au même rythme qu'avant.
Exact, mais nous espérions aussi comparaître devant des comités, et ils ont disparus, n'est-ce pas, pendant la prorogation?
Très bien. Et l'un de nos objectifs était d'assurer la visibilité du débat dans le grand public et parmi les députés.
Effectivement, nous avons raté 22 jours de séance. Nous en avons récupéré 10 en ajoutant deux semaines, si bien que la différence est de 12 jours en moins.
C'est ce qui vous préoccupe donc, c'est que même seulement 12 jours gênent les comités dans l'étude d'un des projets de loi d'initiative parlementaire...
... si le projet de loi avait franchi l'étape de la deuxième lecture et avait été renvoyé à un comité.
D'accord.
Permettez-moi de vous demander votre opinion sur...
Je ne devrais pas. La question porte plus sur les finances que sur la prorogation.
Merci de votre temps.
[Français]
Je n'ai pas vraiment de question à vous poser, mais je vais faire une observation. Le fait de proroger la Chambre a des conséquences, c'est certain. Dans une situation comme celle que vous avez vécue, on doit se sentir impuissant.
Je ne pense pas qu'au départ, la population en général ait compris ce qu'impliquait cette prorogation. Par contre, de nombreuses personnes ont voulu sensibiliser les gens aux conséquences de celle-ci. Ça a fait boule de neige. Un site Web a été créé par un jeune, et ce dernier est venu nous rencontrer. Un professeur d'université a fait appel à ses pairs. On a alors senti que les gens comprenaient davantage l'impact de la prorogation de la Chambre et les raisons pour lesquelles elle avait été déclenchée. On peut constater actuellement que l'opinion publique considère que cette manière de proroger la Chambre manquait de sérieux.
À une question qu'on vous a posée plus tôt, vous avez répondu que vous recommandiez de raccourcir le laps de temps prévu, mais auriez-vous d'autres suggestions à faire, par exemple que certains comités puissent continuer à siéger? Pensez-vous qu'il s'agit là d'une avenue possible? Je sais que dans certaines provinces, des comités continuent à siéger lorsqu'il y a prorogation. Le fait qu'un comité ne siège pas et qu'on ne vote pas certaines lois met des citoyens en péril.
[Traduction]
Oui, cela aurait très certainement été avantageux pour nous, si le comité avait continué de siéger pendant la prorogation. Je suis d'accord.
[Français]
[Traduction]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, monsieur Sproule, de comparaître aujourd'hui.
Je ne peux imaginer rien de plus terrifiant pour quiconque, surtout vers la fin de la quarantaine et dans la cinquantaine, que de s'apercevoir que la pension sur laquelle on comptait s'est volatilisée, est compromise ou est réduite. Les pensions, c'est l'une de ces choses pour lesquelles, quand on atteint un certain âge, on ne peut revenir en arrière et apporter des rectifications. On ne peut revenir en arrière et commencer à travailler ailleurs, accumuler de nouveau une trentaine d'années d'ancienneté. Une fois qu'on atteint 55, 56 ans, quand on approche de la soixantaine, tout est joué: ou bien l'argent est là et on va avoir une retraite digne, ou bien il n'est pas là, et on est condamné à vivre dans une quasi-pauvreté, et c'est terrifiant. J'ai beaucoup d'électeurs qui sont dans cette situation en ce moment même, et je n'ai pas de solution pour eux.
Je tiens à féliciter ceux que vous représentez. Votre présence ici ne va pas changer le monde, mais ils seront réconfortés de savoir que vous saisissez toutes les occasions de rappeler ce problème aux parlementaires. Je vous félicite donc de ce que vous faites pour vos collègues. Vous avez trouvé une occasion ici, un petit élément, et c'est très bien. Le problème est vaste, et je vous félicite d'avoir assez de leadership pour saisir toutes les chances, et c'est ici l'une d'elles.
Vous étiez ici tout à l'heure, et vous avez entendu M. Topp parler des sanctions ou des mesures dissuasives comme l'un de nos sujets d'étude. Il y a tant de façons de s'y prendre que nous n'avons encore pris aucune décision, mais quel est votre avis? Les sanctions n'auraient pas changé le monde, mais auraient-elles été utiles? Étant donné que vous vous êtes sentis floués, pour employer un terme familier, par votre propre Parlement ou au moins par le gouvernement en place, pensez-vous qu'il aurait été utile de pouvoir imposer des sanctions? Ou bien, une fois le préjudice causé, est-ce que cela vous est indifférent?
Pour le gouvernement. Autrement dit, si le gouvernement faisait la même chose à l'avenir, il y aurait des sanctions. Il ne pourrait pas présenter ses projets de loi, il ne pourrait pas promouvoir ses lois. Il ferait face à des sanctions parlementaires internes.
L'élément clé pour moi, c'est de savoir que le gouvernement fonctionne toujours. J'en reviens aux comités. C'était la chose à laquelle nous tenions. Nous comprenons que la question est complexe. Nous voulions nous assurer d'un débat correct sur la place publique. C'est pourquoi il aurait été très avantageux pour nous que les comités poursuivent leurs travaux.
Pour en revenir à ce que nous essayons de faire pour inscrire nos préoccupations à l'ordre du jour national, nous comprenons qu'il est peut-être trop tard pour nous, pour les Nortel de ce monde. Mais vous savez quoi, il y aussi les pauvres types qui viendront derrière nous et se retrouveront dans la même situation. On nous a dit qu'il était trop tard dans le cas de Nortel, mais il n'y a jamais de moment commode pour apporter ces changements, et c'est pourquoi nous tenons à nous assurer que le problème est à l'ordre du jour et que l'élan déjà acquis est maintenu.
Non. Et ce que vous faites est fort bien. Vous avez trouvé quelque chose à dire de la prorogation, vous avez comparu devant un comité et vous vous battez pour ceux que vous représentez. Dieu vous bénisse. Vous faites ce que vous êtes censé faire.
Voici ma dernière question. Cela changerait-il quelque chose, selon vous — encore une fois, cela pourrait influer sur l'issue, mais pas forcément —, qu'une question comme celle-ci soit soumise au Parlement et fasse l'objet d'un vote? Ou croyez-vous que la question doit continuer de relever du gouvernement, quitte à ce qu'il paie le prix politique de sa décision parce qu'il a des comptes à rendre? Aurait-il été réconfortant que tous les parlementaires aient la chance de dire leur mot et de se prononcer sur la prorogation?
Je suis à la tête d'une organisation de 17 500 retraités, et j'entre moi-même dans le monde politique. Selon moi, l'un des éléments essentiels est de comprendre ce que les gens veulent. Par conséquent, je suis d'accord pour que la question soit soumise au Parlement et que les parlementaires expriment leur volonté au lieu qu'on s'en remette à une décision du gouvernement.
Quelqu'un d'autre à des questions à poser?
Comme personne ne se manifeste, nous allons passer aux travaux du comité.
Monsieur Sproule, merci d'avoir comparu aujourd'hui. Je crois que le comité comprend vos difficultés.
Nous cherchons aussi en même temps des solutions au problème de la prorogation. Merci de nous avoir présent deux choses auxquelles nous pouvons travailler.
Merci.
Très rapidement, devons-nous siéger à huis clos pour discuter des travaux du comité ou est-ce d'accord pour que nous en discutions tout bonnement? Je ne vois rien qui... C'est du calendrier des travaux que je vais parler aujourd'hui.
Tout d'abord, le directeur général des élections nous a demandé de visiter les installations d'Élections Canada. Le comité a fait une visite l'an dernier pour observer le fonctionnement d'un bureau électoral. Cette année, la visite concerne le vote électronique et d'autres choses qu'on veut nous montrer. Élections Canada a retenu la date du 17 juin pour cette visite. À la dernière visite du comité, nous nous sommes rencontrés là-bas à 11 heures, pendant la période prévue pour la séance du comité, et nous y avons passé environ deux heures.
Si le comité m'y autorise, je vais organiser cette visite. Elle aurait lieu le 17 juin, à notre avant-dernière séance avant la pause estivale, si nous suivons le calendrier tel quel.
Comme il n'y a pas d'objection, je passe au point suivant.
Vous savez que nous sommes à la veille d'une semaine de pause pour nous rendre dans nos circonscriptions. Comme nous l'avons dit à la dernière réunion, au retour nous étudierons le Budget principal des dépenses avec le Président et la greffière, ainsi qu'avec le directeur général des élections, à notre première séance. À la deuxième séance, la semaine de notre retour, notre personnel qui fait des miracles aura un rapport tour prêt sur l'utilisation de l'électronique à la Chambre, et nous devrons en discuter et l'accepter ou non, ou en faire ce qu'il faudra. Il y a là deux bonnes heures de travail. Nous dirons simplement que ce sont les travaux du comité. C'est le 27 mai. Voilà pour la semaine de notre retour.
Nous aurons ensuite un autre témoin qui nous a répondu au sujet de la prorogation, M. Heard, professeur à l'Université Simon Fraser, qui est l'un de nos autres experts. Sa comparution est prévue pour la première heure de la séance du 1er juin.
La deuxième heure reste libre pour conclure les discussions et donner des indications aux analystes pour qu'ils commencent à travailler au rapport. Ils ont déjà presque fini, nous le savons, mais ils aiment à penser qu'il leur reste une grosse besogne à abattre.
Si nous recevions une réponse de quelque autre témoin, nous lui réserverons cette demi-heure et liquiderons ce travail du comité.
Nous attendons aussi, bien sûr, des projets de loi qui occuperont nos séances entre le 3 et le 17 juin. Sinon, nous reprendrons notre étude de la Loi référendaire.
Des questions sur les travaux du comité?
J'interprète ce silence comme une approbation du plan proposé.
Nous nous reverrons tous dans une dizaine de jours.
Merci beaucoup. La séance d'aujourd'hui a été excellente.
La séance est levée.
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