Le budget est-il approuvé?
Des voix: D'accord.
Le président: D'accord, merci.
Nous passons à notre premier groupe de témoins pour aujourd'hui; l'un d'eux est retardé en raison des conditions météorologiques, ce qui n'a rien d'étonnant. Nous accueillons également un témoin via vidéoconférence et un autre par téléconférence. Nous allons débuter avec les exposés préliminaires en suivant l'ordre du jour.
En fait, le premier témoin sur la liste, M. Ullrich, est celui qui n'est pas encore arrivé, alors nous l'entendrons un peu plus tard, s'il parvient à arriver à temps. Nous allons donc commencer avec Mike Smith, président du Conseil de comté de Bruce, et Mitch Twolan, maire de Huron-Kinloss.
Messieurs, la parole est vous.
:
Merci à vous, monsieur le président ainsi qu'aux membres du comité. Nous vous remercions de nous donner l'occasion de comparaître devant vous pour vous présenter le point de vue du conseil de comté de Bruce relativement au projet de recyclage des générateurs de vapeur proposé par Bruce Power.
Comme vous l'avez indiqué, je suis maire de Saugeen Shores et président du conseil de comté de Bruce. Je suis accompagné de Mitch Twolan qui est maire de Huron-Kinloss et également membre du conseil de comté de Bruce.
Nous voulons vous faire part de nos observations sur certains aspects du projet qui touchent notre comté et les localités qui le composent. Nous allons d'abord vous parler de nos relations avec l'initiateur du projet, Bruce Power, ainsi que de notre rôle dans ce contexte. Ensuite, en notre qualité de membre de l'Alliance des villes des Grands lacs et du St-Laurent, nous allons vous dire dans quelle mesure nous avons pu contribuer, ou pas contribuer du tout en fait, à la prise de position du conseil d'administration et à sa communication à la CCSN.
Bruce Power a recours à différents moyens pour communiquer de l'information à nos collectivités. Des délégués de l'entreprise se présentent chaque mois devant le conseil de comté de Bruce pour faire rapport sur les questions liées à la sécurité, à la performance environnementale sur le site comme à l'extérieur, à la production, aux grandes activités sur le site, comme la remise en état des réacteurs actuellement en cours, et à des événements communautaires auxquels l'entreprise et ses employés peuvent participer.
Bruce Power est également membre du South Bruce Impact Advisory Committe qui a été mis sur pied lors de la construction du site. Ce comité a pour mandat de relever les questions problématiques et de se pencher sur les impacts en matière de santé, de sécurité, d'environnement et d'économie pour les communautés adjacentes. Cinq municipalités sont représentées au sein de ce comité. Ontario Power Generation et Bruce Power sont des membres actifs de ce comité qui produit des rapports mensuellement.
Pour ce qui est du projet des générateurs de vapeur, Bruce Power a tenu plusieurs portes ouvertes largement publicisées au sein de notre collectivité. Tous les citoyens pouvaient y assister pour obtenir de l'information sur le projet ou formuler leurs commentaires. Il y a aussi eu des rencontres semblables dans le comté de Grey.
Le conseil du comté de Bruce a été informé officiellement du projet lors de sa réunion du 6 mai 2010. On nous a avisés que les générateurs avaient été classés parmi les déchets radioactifs de faible activité et qu'en raison de leur taille, Bruce Power comptait demander une homologation d'arrangement spécial auprès de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. On souhaitait pouvoir transporter les générateurs via nos collectivités à la fin septembre ou au début octobre.
L'itinéraire proposé devait emprunter les routes et les ponts du comté en plus de passer par trois ou quatre de nos municipalités. Un permis pour convoi surdimensionné était également requis pour transporter les générateurs sur les routes du comté de Bruce. Comme les générateurs devaient être transportés sur nos routes et en passant par nos municipalités, le conseil de comté voulait qu'on lui garantisse que le projet se déroulerait en toute sécurité.
Bruce Power a offert de tenir des séances d'information détaillées et de collaborer avec notre ingénieur — le professionnel responsable de nos routes et de nos ponts —, le conseil de santé publique de Grey-Bruce, le médecin hygiéniste et les municipalités relativement à l'itinéraire de transport. Après examen approfondi, tant l'ingénieur que le médecin hygiéniste — et je sais qu'elle témoignera également tout à l'heure — ont conclu que le projet ne posait pas de risque pour la santé publique.
À la lumière de cette information, et compte tenu de la feuille de route et des engagements de Bruce Power en matière de sécurité, le conseil de comté était persuadé que le projet pouvait être réalisé comme prévu. Il a convenu d'en aviser verbalement la Commission canadienne de sûreté nucléaire à l'occasion de ses audiences publiques de septembre.
Le conseil du comté de Bruce continue de recevoir des mises à jour mensuelles au sujet du projet et les responsables de Bruce Power continuent de collaborer étroitement avec notre ingénieur pour ce qui est de l'itinéraire de transport.
Lors de la réunion du conseil du comté tenue le 6 mai, on nous a également indiqué que le projet avait pour objectif de réduire la quantité de matériel devant être stocké à long terme et de recycler la plus grande partie du métal contenu dans les générateurs. Bien que le comté n'ait aucune compétence en la matière, nous y voyons une mesure responsable du point de vue environnemental. Jusqu'à 90 p. 100 du matériel inclus dans les générateurs serait ainsi recyclé de façon sûre, alors que les 10 p. 100 restants seraient renvoyés dans des emballages appropriés et emmagasinés à l'installation de gestion de déchets Western du comté de Bruce.
Je tiens à répéter brièvement que Mitch et moi-même, en tant que membres de l'Alliance des villes des Grands lacs et du Saint-Laurent, sommes bien évidemment en désaccord avec la position adoptée auprès de la CCSN. Je dis bien sûr cela parce qu'on ne nous a pas donné l'occasion de nous prononcer avant cette intervention en septembre. Je laisse le comité juger de la situation.
Le conseil du comté de Bruce demeure d'avis que le projet peut être réalisé en toute sécurité pour nos collectivités. Nous estimons que Bruce Power est en mesure de mener le projet à terme d'une manière qui ne posera aucun risque pour la santé publique ou l'environnement.
Je vous remercie.
:
Très bien. Merci beaucoup.
Comme vous l'avez indiqué, je suis médecin hygiéniste pour le Grey Bruce Health Unit. Je suis membre du Collège des médecins de famille du Canada et j'ai mon permis de pratique en Ontario. J'ai aussi une maîtrise en épidémiologie et en santé communautaire obtenue à l'Université de Toronto en 2003.
Dans le cadre de cette maîtrise, j'ai suivi un cours de second cycle en santé radiologique qui était offert par l'école d'hygiène du travail de l'Université de Toronto. Ce cours traitait notamment des rayonnements ionisants et non ionisants. Bien que je ne sois pas une experte du domaine, je comprends certes les notions d'unités de mesure, de techniques de mesure et de risques relatifs d'exposition, et j'ai participé à différents séminaires pour rester bien au fait de la recherche et des technologies nouvelles dans ce secteur.
En Ontario, les activités liées à la santé publique sont régies par la Loi sur la protection et la promotion de la santé. Elles sont assujetties aux normes provinciales en matière de santé publique. La protection de la santé est la pierre angulaire de la prévention des maladies. C'est en vertu de la Loi sur la protection et la promotion de la santé que le médecin hygiéniste est officiellement autorisé à intervenir dans les situations où la santé de la population est menacée. Le processus d'évaluation du risque se déroule alors suivant le protocole découlant des normes ontariennes en matière de santé publique.
Nous disposons, d'une part, d'un processus permanent de surveillance de la communauté et d'établissement du profil de risque puis, d'autre part, d'une matrice des probabilités et conséquences qui nous permet de classer par ordre de priorité les différentes menaces décelées. Il y a des risques associés à à peu près tout ce que nous faisons dans la vie, mais nous devons classer ces risques pour voir comment nous devons adapter nos activités en conséquence.
Pour ce qui est du recyclage des générateurs déclassés de Bruce Power, ma responsabilité se limite aux risques pour la santé associés à leur transport depuis le site de Bruce Power jusqu'à l'océan, en passant par le port d'Owen Sound. Plus précisément, je dois déterminer le niveau d'exposition possible et les risques qui en découlent pour la santé de la population des comtés de Grey et de Bruce.
Lorsque le plan pour le transport des générateurs déclassés a été proposé au départ, le bureau d'hygiène a demandé certains renseignements à Bruce Power. Des représentants de l'entreprise sont venus nous présenter le projet, répondre à nos questions et nos préoccupations. Une série de portes ouvertes ont été tenues et un site Web a été mis en ligne pour transmettre de l'information à jour. Un scientifique chargé de la réglementation en matière de radiations pour le compte de la Commission canadienne de sûreté nucléaire est venu à Owen Sound pour présenter un exposé au conseil municipal et au bureau d'hygiène.
Les risques pour la santé humaine de l'exposition à des rayonnements ionisants varient en fonction du type et de la magnitude des radiations ainsi que de la durée d'exposition. Selon les renseignements fournis par Bruce Power et la CCSN, les rayonnements émanant de la surface des générateurs déclassés sont de très faible magnitude, bien en deçà des limites réglementaires établies pour le transport de matériel semblable. Nous en concluons qu'il n'y a aucun risque découlant d'une exposition radiologique accrue si les gens demeurent à au moins deux mètres de ces générateurs.
Pour nous assurer que cette distance de protection demeure sécuritaire, nous allons surveiller en permanence les émissions à proximité des générateurs. Il y a un plan d'urgence en cas d'accident lors du transport sur les routes. Une escorte policière est prévue pour le transport et du personnel de sécurité sera affecté au port. Ces mesures sont prises pour éviter que des gens soient exposés à des radiations par inadvertance. Avec la mise en place de ces mesures, je conclus que les risques d'exposition aux radiations sont, à toutes fins utiles, à peu près nuls.
À l'autre extrémité de la matrice des risques, on trouve les conséquences d'une exposition. En demeurant à moins d'un mètre d'un générateur de vapeur pendant une heure, une personne s'exposerait à une dose de radiations d'environ 80 microsieverts. C'est considérablement moins que lors d'un examen radiologique conventionnel de la poitrine pour lequel les radiations sont d'environ 140 microsieverts. Les conséquences d'une exposition de la sorte sont également à peu près nulles.
Comme la probabilité d'une exposition aux radiations et les conséquences d'une telle exposition sont toutes les deux à peu près nulles, j'en conclus que ce projet ne représente aucun risque pour la santé de la population des comtés de Grey et de Bruce.
La Commission canadienne de sûreté nucléaire est l'agence possédant la plus grande expertise en matière de santé radiologique. Je me réjouis de constater que le bureau d'hygiène est disposé à transmettre tous les renseignements voulus et à consulter notre communauté. Nous sommes de fervents partisans du recyclage et de la réutilisation et nous appuyons la CCSN dans sa décision de délivrer un permis pour le transport de ces générateurs déclassés dans un objectif de recyclage et de réduction de la quantité de matériel radioactif devant être stocké à long terme.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président. Merci à tous les membres du comité.
Au nom de mes collègues du Regroupement des municipalités du Québec pour un futur énergétique socialement responsable, je vous remercie de l'invitation à venir témoigner devant votre groupe aujourd'hui sur le projet d'exportation et d'importation de déchets radioactifs par la compagnie Bruce Power.
Pour nous, le contexte politique actuel doit inciter les parlementaires canadiens et québécois à intervenir afin de mettre un terme au projet de la compagnie Bruce Power de procéder à l'exportation et à l'importation de ses déchets radioactifs aux fins de recyclage des métaux. Nous exposerons ici les motifs qui justifient notre demande.
Notre regroupement comprend quelque 300 municipalités ayant, par résolution, manifesté leur intention de promouvoir les investissements dans la conservation de l'énergie, l'efficacité énergétique, la modernisation de la gestion de la demande ainsi que, si nécessaire, la production de nouvelles énergies renouvelables, et ce, dans une perspective décentralisée. Vous comprendrez que tous les dossiers relatifs à la production de l'énergie nous interpellent et que la production électronucléaire n'y fait pas exception.
En lien avec le nucléaire et le dossier présentement à l'étude par le comité, l'absence d'une politique de gestion intégrée des déchets nucléaires au Québec ainsi qu'au Canada inquiète les membres de notre regroupement. Dans un tel contexte, tout projet mettant en cause la production, le transport, la catégorisation et la gestion permanente ou temporaire des déchets radioactifs produits au Canada motive notre implication.
Le projet de la compagnie Bruce Power nous a donc incités à aviser les quelque 185 municipalités du Québec étant les plus susceptibles de se trouver sur le parcours terrestre des déchets radioactifs. À ce jour, 125 d'entre elles ont endossé une résolution soumise par notre regroupement afin de contrer ce projet de Bruce Power et de contester la pertinence de la Commission canadienne de sûreté nucléaire d'en faciliter la réalisation. Ces 125 municipalités représentent tout près d'un demi-million de citoyens et citoyennes.
Dans le cas qui nous concerne, les métaux contaminés par la radioactivité de Bruce Power transiteraient par le Québec à destination de la Suède. Cela explique notre implication dans le projet de Bruce Power et notre décision de participer à l'audience d'aujourd'hui et à celle que la CCSN avait organisée, où nous étions aussi représentés.
Notre regroupement se doit de manifester sa déception quant à la qualité du processus de consultation tenu par la CCSN dans le dossier qui nous interpelle ici. Les membres du comité doivent prendre note du fait qu'à notre grande surprise, nous avons appris, lors de cette audience, que ni le promoteur du projet ni la CCSN n'ont eu l'élégance d'aviser les autorités politiques du Québec quant à la teneur de ce projet. Les municipalités du Québec éventuellement touchées par le transport des déchets radioactifs du promoteur ont également été tenues dans l'ignorance. Comment peut-on alors expliquer qu'un projet de transport de déchets radioactifs produits au Canada, impliquant l'utilisation du territoire québécois, puisse s'élaborer sans que les autorités politiques plus spécifiquement concernées en soient avisées?
Nous avons également été déçus par le peu de considération manifesté de la part de certains commissaires lors de l'audience devant la CCSN à la suite de la présentation de notre mémoire. Certains commentaires suggéraient que les conseillers municipaux du Québec qui avaient endossé la résolution soumise à leur attention avaient agi sans connaissance appropriée. On comparaît même notre résolution à une lettre circulaire. Au moment du dépôt de notre mémoire à la CCSN, nous avions alors 30 municipalités qui avaient endossé ladite résolution. Nous en sommes aujourd'hui à 138 municipalités.
Permettez-moi de rassurer les membres du Comité permanent des ressources naturelles. Au Québec, lorsque des résolutions sont adoptées par les élus, elles le sont après mûre réflexion. D'ailleurs, nous joignons le libellé de celle-ci à la fin de notre présentation et vous serez à même de juger de sa pertinence.
Pour faire suite à l'audience tenue par la CCSN, nous avons fait parvenir un document à M. André Régimbald, ingénieur et directeur général de la réglementation des substances nucléaires à la CCSN, qui lui mentionnait qu'il serait utile que le personnel de la CCSN procède à la lecture de notre résolution et que nous aimerions que le personnel puisse nous informer de manière détaillée de toute erreur factuelle que pourrait contenir la résolution. Cette demande lui fut adressée le 26 janvier dernier. À ce moment, 113 municipalités québécoises avaient adoptée la résolution. Nous sommes toujours dans l'attente d'une réponse à cet égard.
La vigilance des élus municipaux de notre regroupement mérite d'être soulignée. Sans l'alerte exprimée par mes collègues, le projet élaboré en catimini par la compagnie ontarienne Bruce Power d'utiliser les Grands Lacs, la Voie maritime du Saint-Laurent ainsi que le réseau routier québécois pour transporter ces déchets radioactifs vers la Suède n'aurait pas reçu toute l'attention qu'il méritait de la part de la population québécoise et de ses élus provinciaux et municipaux.
Le comportement de la compagnie Bruce Power et l'attitude la CCSN offrent aux Canadiens et aux Québécois le triste exemple d'une entreprise privée et d'une agence gouvernementale totalement dépourvues du moindre respect des règles démocratiques qui devrait les animer dans un dossier aux implications géopolitiques si évidentes.
Les raisons factuelles à ne pas autoriser le projet de Bruce Power aux fins de soi-disant recyclage des métaux sont nombreuses. Même si elles avaient été énoncées par de nombreux intervenants, la CCSN a décidé malgré tout d'appuyer Bruce Power dans son projet.
Dans ce contexte, les membres du Comité permanent des ressources naturelles auront un rôle historique à jouer. Ils devront laisser de côté toute partisanerie politique pour renverser cette décision prise par la CCSN. L'analyse de la situation nous permet de constater que la décision prise par la CCSN a des conséquences politiques, et si elles étaient bien évaluées par les parlementaires, elles justifieraient leur intervention directe dans le dossier et le retrait immédiat de ce permis accordé à Bruce Power.
Nous sommes d'avis que la CCSN a dépassé les limites de son mandat en octroyant le permis à Bruce Power. Est-ce que M. Binder l'a fait en toute connaissance de cause? La CCSN aurait-elle profité du manque de politiques bien définies pour favoriser l'industrie nucléaire au détriment des intérêts de la population canadienne?
Une affirmation de M. Binder, lors de l'audience publique de sa commission, nous permet de croire qu'il était conscient que la décision qu'il aurait à prendre dépassait en fait le cadre de son mandat. Le témoignage de M. Miles Goldstick, du Swedish Environmental Movement's Nuclear Waste Secretariat, lors de l'audience de la CCSN, permet d'illustrer ce fait. Lors de son intervention, M. Goldstick a mentionné que le projet de recyclage proposé par Bruce Power soulevait d'importantes questions en matière de gestion future des déchets nucléaires à l'échelle mondiale. À cette occasion, M. le président Binder l'a rappelé à l'ordre en précisant clairement que cet aspect de la question outrepassait le mandat de ces audiences publiques.
En fait, M. Binder aurait dû adopter l'argument de M. Goldstick et l’additionner à d’autres politiques du dossier pour justifier la décision de surseoir à la demande de Bruce Power. Les enjeux géopolitiques interprovinciaux et internationaux sont trop lourds de conséquences pour que les membres de ce comité demeurent silencieux sur cette question.
Je vais maintenant parler des aspects politiques qui permettent de justifier le retrait de la décision de la CCSN. La décision de la CCSN d’octroyer à Bruce Power un permis d’exportation et d'importation de ces déchets radioactifs aux fins de recyclage est, du point de vue politique, totalement inacceptable. Une analyse rigoureuse de la situation aurait dû inciter M. le président Binder à aviser le ministre responsable de ces activités du fait que les implications politiques d’une décision favorable à Bruce Power le mettaient dans une situation où il outrepassait son mandat.
Pour nous, ce dossier met en évidence le fait qu’au Canada et au Québec, les instances politiques appropriées doivent, de toute urgence et en concertation avec la population, élaborer une politique qui précisera premièrement la politique canadienne en matière d’importation et d’exportation des déchets radioactifs produits par les réacteurs nucléaires déclassés ou ayant fait l’objet d’une réfection. Deuxièmement, cette politique devra préciser la politique canadienne...
:
Merci, monsieur le président.
Distingués membres du Comité permanent des ressources naturelles, je m'appelle Denis Lapointe. Je suis maire de Salaberry-de-Valleyfield, une ville du Québec, et président de l'Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Je préside aussi la Commission politique de l'environnement de l'Union des municipalités du Québec. Je suis accompagné de David Ullrich, notre directeur exécutif, et nous sommes reconnaissants d'avoir l'occasion de faire entendre notre témoignage aujourd'hui.
D'abord, je voudrais préciser que nous ne sommes associés, contrairement à ce qui a pu être mentionné, à aucune organisation antinucléaire. Notre intérêt dans nos présentations et nos démarches est en lien avec la santé publique et la sécurité des gens que nous représentons.
Les Grands Lacs et le Saint-Laurent forment la plus grande étendue d'eau douce à l'échelle mondiale. Ils fournissent de l'eau potable à environ 40 millions de citoyens au Canada et aux États-Unis, et forment la base de l'économie de nos deux provinces et de huit États, formant l'ensemble de la deuxième économie en importance à l'échelle du monde. Le bassin des Grands Lacs est là où habitent 98 p. 100 des Ontariens alors que le bassin du Saint-Laurent est le chez-soi de plus de 90 p. 100 des Québécois. En fait, plus de 50 p. 100 d'entre eux vivent le long des côtes du Saint-Laurent.
L'Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent est un organisme englobant plus de 70 gouvernements municipaux, dont deux tiers proviennent du Canada et un tiers des États-Unis, qui représentent plus de 13 millions de citoyens. Nous offrons aux représentants locaux une occasion de se faire entendre sur des sujets clés liés aux Grands Lacs et au Saint-Laurent. Nous travaillons de concert avec d'autres intervenants afin de préserver la pérennité de la ressource et le maintien du bon équilibre économique social et environnemental.
Nous sommes très préoccupés par l'envoi proposé par Bruce Power de 16 générateurs de vapeur nucléaire déclassés contenant des déchets radioactifs par la voie des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Nos préoccupations sont les suivantes: le manque de consultations adéquates auprès d'autres gouvernements et intervenants au sujet de l'envoi, le fait que l'envoi dépasse les normes de sécurité de l'Agence internationale de l'énergie atomique quant à la limite de matériel radioactif permise à bord d'un seul vaisseau, le risque environnemental présenté par l'envoi qui n'a pas été caractérisé adéquatement, et le fait que l'envoi établit un précédent pour l'avenir.
En ce qui a trait aux consultations au sujet de l'envoi, nous croyons que celles-ci ont été inadéquates auprès des villes de la province de Québec, des Premières nations et du grand public. Un grand nombre de nos membres n'en ont entendu parlé que dans les journaux ou par l'entremise de notre organisme. Bien que nous ayons constaté certains efforts pour renseigner les représentants locaux lorsqu'il est devenu évident que l'envoi portait à controverse, ces efforts étaient initialement limités et sélectifs. La décision de tenir une audience n'a été annoncée qu'une fois que la controverse avait foisonné.
Nos recommandations pour l'avenir en ce qui a trait aux enjeux de cette nature seraient: que soit donné un avis public au moment de la réception de la demande; que soit divulguée la totalité de l'information formant la base de la demande et les interventions proposées à son sujet; qu'il existe une occasion de consulter le demandeur et les décisionnaires, de répondre aux questions des intervenants et de mettre sur pied une audience publique où pourront être exprimées les préoccupations.
Je demanderais maintenant à M. David Ullrich d'aborder nos autres préoccupations.
:
Merci beaucoup, maire Lapointe.
Monsieur le président et distingués membres du comité, je vous remercie de me permettre de prendre la parole aujourd'hui.
Notre deuxième grande préoccupation a trait au fait que l'envoi dépasse les normes de sûreté de l'Agence internationale de l'énergie atomique pour ce qui est de la quantité totale de radioactivité permise à bord d'un même navire. Dans sa décision rendue le 4 février 2011, la CCSN reconnaît que l'envoi dépassera les normes de sûreté par un facteur de six, d'où la nécessité de prévoir des arrangements spéciaux, notamment des mesures compensatoires.
Ces normes de l'AIEA ont leur raison d'être: elles visent à protéger la santé publique et l'environnement. C'est la grande quantité de déchets radioactifs à bord d'un même navire, en sus des normes de sûreté, qui est directement à l'origine de notre préoccupation suivante.
Nous croyons que l'examen environnemental effectué ne suffit pas à bien caractériser le risque présenté par l'envoi. Ici, le risque est accru du fait que les générateurs de vapeur actuellement entreposés dans un endroit sûr seront placés dans des camions qui les transporteront par voie terrestre jusqu'à un port où ils seront embarqués sur un navire qui empruntera à son tour trois des Grands Lacs et le Saint-Laurent, de même qu'un réseau d'écluses et d'étroits chenaux.
Les risques pour les citoyens et les eaux du Canada et des États-Unis ne sont pas bien caractérisés, quantifiés ou différenciés en fonction des différentes conditions observées dans les lacs ouverts, les écluses, les cours d'eau et les chenaux où il y a du courant. Le degré de gravité d'un éventuel accident n'est pas bien quantifié, si ce n'est pour dire qu'il pourrait y avoir un rejet de 1 p. 100 — une hypothèse très optimiste — de déchets radioactifs d'un des 16 générateurs.
L'étape suivante, lorsque vient le temps d'évaluer un risque, consiste à déterminer ce qu'il advient de la matière rejetée. Il semble ici qu'on se soit contenté de conclure qu'il y a tellement d'eau dans les lacs, les cours d'eau et les chenaux que le problème se diluera de lui-même. Notre examen indique qu'un rejet consécutif à un accident pourrait se traduire par un dépassement des normes en vigueur au Canada pour l'eau potable. Les endroits où le volume d'eau est le plus faible sont les plus vulnérables.
Notre quatrième préoccupation a trait au fait que cet envoi crée un précédent et pourrait être suivi de nombreux autres envois. Cet envoi n'a rien de routinier. À notre connaissance, jamais un aussi grand nombre de générateurs nucléaires contenant des déchets radioactifs n'ont été transportés sur les Grands Lacs ou sur le Saint-Laurent. Oui, il arrive que d'autres matières dangereuses soient ainsi transportées, mais là n'est pas la question qui nous intéresse ici.
Bruce Power compte à elle seule 64 générateurs de vapeur susceptibles d'être déclassés et transportés ailleurs, et avec la quantité d'autres déchets radioactifs provenant des centrales nucléaires le long des Grands Lacs, le risque que les envois se multiplient est bien réel. Il ne fait aucun doute que cet envoi doit être considéré comme un précédent.
Pour apaiser nos préoccupations, nous recommandons qu'un examen environnemental approfondi, rigoureux et complet soit effectué en ce qui concerne l'ensemble de ce projet de transport et que celui-ci fasse l'objet d'un examen public en bonne et due forme. Si le risque encouru dépasse les niveaux acceptables en vertu de la loi et des politiques canadiennes, il faut interdire l'envoi ou exiger l'adoption de mesures supplémentaires pour réduire les risques à un niveau acceptable.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
:
Absolument. C'est essentiel. Le problème ne tient pas à la présence de déchets radioactifs dans les conteneurs d'acier, ceux-ci étant bien blindés, mais plutôt au risque réel que présente leur transport. Dès que les déchets radioactifs sont retirés de leur milieu confiné et acheminés ailleurs, le risque d'accident augmente de manière significative. Or, celui-ci n'a pas été quantifié. Je n'ai pas vu un seul chiffre sur les probabilités d'accident. Tout ce qu'on a dit au sujet du degré de gravité d'un accident éventuel, c'est qu'il pourrait y avoir un rejet de 1 p. 100 de déchets radioactifs d'un des 16 générateurs et que seulement 13,2 p. 100 du contenu radioactif pourrait être libéré. Cette évaluation est trop optimiste pour être jugée crédible, étant donné le peu de renseignements fournis sur la probabilité d'accidents, l'importance des rejets et les conséquences que cela entraîne.
On semble conclure que les déchets radioactifs vont se diluer dans l'eau, vu qu'il y en a tellement. Ce n'est pas de cette façon que l'on règle les problèmes environnementaux. On s'inquiète de la santé publique, mais je n'ai vu aucune étude sur l'exposition aux substances radioactives des micro-organismes, des espèces végétales ou des poissons dans les Grands Lacs ou dans le Saint-Laurent. On parle beaucoup de l'examen environnemental qui a été effectué. Or, je ne trouve rien là-dessus.
Bruce Power a laissé entendre, dès le départ, que cette opération ne comportait aucun risque. Or, l'absence totale de risque est un concept qui n'existe pas. Concernant l'évaluation des risques, je pense que le travail n'a tout simplement pas été fait. On affirme que les activistes environnementaux ont influencé le maire Lapointe et les autres dirigeants, ce qui est carrément faux. On ne respecte pas les élus, et on accorde peu d'importance aux Grands Lacs au Saint-Laurent.
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins d'être venus nous rencontrer.
La question dont nous sommes saisis comporte trois volets. Il y a d'abord la proposition visant à transporter des déchets radioactifs via les Grands Lacs et le Saint-Laurent. Il y a ensuite le processus utilisé par le gouvernement fédéral pour autoriser le projet. Il y a enfin l'influence exercée par l'organisme de réglementation, qui aurait dit, en substance, qu'il n'est pas question ici de sécurité, mais de savoir si on est pour ou contre le nucléaire, et qu'il y a des organismes professionnels opposés au nucléaire qui profitent de la peur du nucléaire.
C'est la première fois que j'entends parler d'un organisme de réglementation qui dépasse à un point tel les limites de son mandat et qui critique ceux qui formulent des inquiétudes au sujet de la demande de Bruce Power.
Madame Lynn, votre équipe a procédé à une évaluation en bonne et due forme des risques. Vous avez dit, plus tôt, que l'écran de blindage ne se fissurera pas, que le risque d'accident est nul. Est-ce que vos conclusions ont été rendues publiques, et est-ce que la population a eu l'occasion de jeter un coup d'oeil à votre évaluation?
:
C'est le sujet de nos grandes préoccupations.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, lorsque j'ai fait ma présentation, l'information a commencé à être diffusée et la communication a commencé à être établie une fois que des questions ont été soulevées. Je pense que tout le travail de consultation aurait dû être fait avant d'enclencher ce processus, pour qu'on puisse suivre le développement de ce projet plutôt que de se retrouver dans la situation où on est actuellement.
Une fois que tout le processus a été complété et qu'une décision a été prise, on se retrouve dans la situation de se présenter devant un comité. D'autres organisations se retrouvent aussi devant un comité pour exprimer leur point de vue, exprimer leur désaccord ou leurs préoccupations, dans certains cas.
Je crois que les préoccupations de santé et de sécurité publiques sont tout à fait légitimes. Il est curieux de se retrouver dans cette situation une fois que les décisions sont prises. On aurait du faire tout ce travail au préalable.
:
L'Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent ne nous a pas consultés.
J'ai été mis au courant de leur démarche... Je pense que c'est en août que le président a écrit à M. Binder pour lui faire part de ses préoccupations. À l'époque, j'ai communiqué avec... je pense que c'était David. J'ai écrit au président pour l'informer du fait que nous avions des renseignements à lui transmettre, que cet enjeu était important pour notre collectivité, que nous voulions en discuter avec lui. Je n'ai pas eu l'occasion de le faire.
Il y a ensuite eu une audience le 23 septembre, et nous avons pu à ce moment-là exposer nos vues. Nous avons par la suite déjeuné avec David et Sarah Rang. Mitch et moi avons encore une fois abordé la question. J'ai dit que je voulais avoir une autre occasion de discuter du dossier. Une téléconférence a été organisée avec trois membres du conseil. Elle a duré une quinzaine de minutes.
Une deuxième demande devait être déposée le 22 novembre. J'ai demandé à David si je pouvais consulter le document et le commenter avant qu'il ne soit déposé auprès de la CCSN. J'en ai obtenu une copie 10 minutes après l'expiration de la date de dépôt.
Donc, non, nous n'avons pas été consultés.
:
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, et merci aussi aux membres du comité de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Je vous suis très reconnaissant de l'invitation.
Je crois que nous devons admettre que l'énergie nucléaire n'est plus ce qu'elle était. Au Canada, l'énergie nucléaire traverse une crise de la quarantaine. Les défaillances d'Énergie atomique du Canada limitée à l'égard des réacteurs MAPLE, qui ont tourné au fiasco, les erreurs lamentables faites sur le réacteur NRU et les dépassements de coûts dans les travaux actuels de remise en état sont autant d'éléments qui ont ébranlé la confiance des gens dans la capacité de la technologie nucléaire à résoudre tous les problèmes. On a dans l'idée que la technologie permet de résoudre les problèmes. Voilà la situation dans laquelle on se trouve présentement.
Par ailleurs, je crois que la dégradation de la confiance ne se limite pas à EACL, par exemple, c'est-à-dire à la technologie nucléaire; elle touche aussi la réglementation nucléaire. La difficulté, selon moi, c'est que même si la CCSN s'occupe très bien de toutes les questions techniques, physiques, d'ingénierie, de géologie et autres, elle n'a pas beaucoup d'expertise dans le domaine biomédical ou des relations humaines, si je puis m'exprimer ainsi; ce qui donne les résultats que nous connaissons.
L'autre jour, M. Binder a dit qu'il s'agissait tout simplement d'une nouvelle technologie s'appliquant aux générateurs de vapeur. C'est une vision très étroite des choses, car c'est beaucoup plus qu'une nouvelle technologie. Il y a des millions de personnes qui se demandent, avec une certaine inquiétude, quelles seront les répercussions sur leur communauté, et qui envisagent même les choses avec une certaine appréhension. La question ne se limite donc pas à des changements technologiques.
Dans l'argument selon lequel nous n'avons pas besoin d'une autre évaluation environnementale parce que, tout ce que l'on fait, c'est remplacer une technologie par une autre, on ignore totalement qu'il y a un tout autre mouvement d'opinion — beaucoup plus étendu — qui ne voyait aucune raison d'intervenir dans l'évaluation environnementale originale, à propos de la remise en état des installations, parce qu'on avait dit que les générateurs de vapeur resteraient sur le site jusqu'en 2043.
D'ailleurs, ces installations existent déjà, et c'est là que se trouvent les générateurs de vapeur. Il convient également de mentionner qu'OPG a signé un contrat avec Bruce Power pour la construction d'une installation destinée à réduire le volume des générateurs de vapeur. Je crois donc qu'il est très important de se rendre compte que le fait d'envoyer ces générateurs de vapeur à l'étranger ou de les garder sur le site n'aura aucune incidence sur l'industrie nucléaire. Absolument aucune. En aucune façon, l'envoi de générateurs de vapeur... Nous avons parlé des conséquences liées au transport; mais qu'en serait-il si nous gardions ces générateurs ici?
Les conséquences seraient nulles, outre le fait que Bruce Power économiserait de l'argent sur les frais de transport et que le fait de ne pas envoyer ces générateurs de vapeur à l'étranger limiterait énormément les inquiétudes et n'exacerberait probablement pas la crise de confiance des gens à l'égard de la technologie nucléaire en ce moment. Pourquoi compliquer la situation inutilement? Quel est l'avantage pour le Canada — ou pour Bruce Power, en l'occurrence — d'envoyer ces générateurs à l'étranger?
Eh bien, j'ai examiné les documents. Je possède les documents qu'a signés OPG. Toutes les informations sur les prix ont été caviardées, mais c'est bien clair que la question des coûts est un élément décisif, comme c'est le cas pour n'importe quelle entreprise privée. La compagnie essaie de réduire ses volumes pour dépenser moins en frais de stockage à long terme, et c'est là qu'est l'avantage; c'est rentable pour elle.
Il pourrait y avoir un autre avantage, sur lequel je ne vais pas m'attarder, et c'est celui de pouvoir se débarrasser de ces choses quand on voudra, où on voudra et sans que personne ne puisse rien y faire.
J'aimerais vous parler des trois précédents. Je vous ai remis un document qui contient une copie de la lettre que j'ai envoyée à tous les députés. À notre avis, le premier précédent serait que le Canada exporterait ou importerait pour la première fois des déchets radioactifs provenant de réacteurs nucléaires déclassés ou ayant fait l'objet d'une réfection. La crainte, c'est que ce précédent soit suivi de nombreux autres de cette nature. En fait, nous savons avec certitude que Bruce Power envisage de faire d'autres envois de ce type, et je suis sûr que tous les autres opérateurs nucléaires en Amérique du Nord suivent de près l'évolution de la situation.
Pour ce qui est des comparaisons, je comprends celles qu'on fait pour les niveaux de radiation, le transport d'isotopes et de générateurs de vapeur, mais les gens savent faire la différence entre marchandises et déchets. C'est une chose que de vouloir expédier des marchandises: à l'autre bout, il y a un client qui veut acheter les marchandises en question, qui sait ce qu'on lui envoie et à quoi cela servira. Quant aux déchets, personne n'en veut.
Peut-être que les gens sont prêts à tolérer le risque associé aux matières chimiques dangereuses qui transitent par leurs communautés, mais il se peut qu'il en soit tout autrement à l'égard des déchets chimiques toxiques dangereux. Je pense que vouloir faire l'amalgame entre les deux, sur le plan politique, c'est une erreur. Voulons-nous ajouter une filière de déchets nucléaires par-dessus la filière des produits nucléaires? Là est toute la question.
Tout cela pour dire que nous voulons un débat politique démocratique pour faire le point sur la situation dans ce pays et sur les politiques que nous devrions adopter. Ce n'est pas à Bruce Power de décider quelle est la bonne chose à faire. C'est comme si Bruce Power voulait nous faire avaler de force les choix qu'elle fait. Il se trouve que tout le monde ne pense pas comme elle, bien sûr. En quoi Bruce Power jouit-elle d'une expertise spéciale qui lui permet de savoir que c'est vraiment la bonne mesure à prendre?
Qu'est-elle en train de planifier, en vérité? Elle prévoit envoyer ces générateurs en Suède.
Malheureusement, je n'ai pas le temps de m'étendre sur le sujet, mais je vous demanderais d'examiner les documents que je vous ai apportés. L'élément essentiel, sur le plan de la sécurité, c'est que nous avons affaire à un cocktail très complexe de substances radioactives extrêmement toxiques. Le plutonium produit plus de 90 p. 100 de la radioactivité. De plus, une partie du matériel envoyé en Suède finira dans le flux des matières résiduelles. Même si le porte-parole de Bruce Power a dit, ici même, qu'il n'y avait aucun risque de radioactivité et qu'on avait affaire à du métal propre, ce n'est pas vrai. Si vous examinez la situation de près, vous verrez que Studsvik a fixé des limites claires quant à la quantité de plutonium, de cobalt-60 et d'autres matières qui peuvent se retrouver dans le métal, en fonction des normes en vigueur. Le représentant de Studsvik a également dit clairement qu'ils devaient faire des mélanges avec 10 parties de métal non contaminé pour que... Quoi? Qui veut du métal contaminé? Personne. C'est pour ça qu'ils essaient de faire passer cela pour du métal non contaminé.
Selon moi, c'est davantage de la supercherie que du commerce. Dans un certain sens, ils ne recyclent pas le métal contaminé, ils contaminent le métal recyclé.
Merci.
:
Merci, monsieur le président et chers membres du comité, de nous donner l'occasion de vous faire part des points de vue des travailleurs de l'industrie qui seront appelés à participer à ce projet.
Pour commencer, sachez que j'ai déposé mes notes en anglais et en français; tout le monde devrait en avoir des copies.
Le Syndicat des travailleurs et travailleuses du secteur énergétique représente environ 2 300 travailleurs de la centrale nucléaire de Bruce. Il agit comme agent négociateur pour la plupart des employés de Bruce Power depuis que cette dernière a commencé à exploiter la centrale nucléaire, en 2000. Auparavant, le syndicat était agent négociateur pour la majorité des employés de l'Ontario Power Generation, et avant, pour ceux d'Hydro Ontario. Nous sommes l'unité de négociation des travailleurs de cette industrie, en Ontario, depuis plus de 50 ans.
Les membres de ce syndicat sont en première ligne des activités journalières de cette centrale, tout comme les travailleurs des centrales nucléaires de Pickering et de Darlington d'Ontario Power Generation. Une unité de négociation est aussi en place à la centrale d'EACL de Chalk River.
Beaucoup de nos membres possèdent l'expérience des générateurs de vapeur; ils s'occupent de la maintenance, de la réparation des pannes, etc. La grande majorité des employés représentés par le Syndicat des travailleurs et travailleuses du secteur énergétique à la centrale de Bruce habitent avec leur famille dans les collectivités environnantes.
Notre syndicat est affilié au Conseil canadien des travailleurs du nucléaire, ou CCTN, regroupement syndical qui représente les travailleurs de ce secteur partout au pays. Il est aussi affilié au Réseau international des syndicats des travailleurs du nucléaire, également connu sous le sigle de RISTN. Ce dernier s'apparente au CCTN, mais rayonne à l'échelle internationale. Notre syndicat joue un rôle de coordination auprès du RISTN. Il est la référence syndicale en matière d'information sur les questions de nature nucléaire pour le mouvement syndical au Canada et ailleurs dans le monde.
Nos membres sont conscients de la situation entourant le transport des générateurs de vapeur en Suède. Naturellement, ils préféreraient que ce travail soit fait au Canada, mais ils savent que la technologie n'est pas disponible pour le moment ici. Cela étant dit, le Syndicat des travailleurs et travailleuses du secteur énergétique appuie entièrement la décision de la CCSN de permettre à Bruce Power de transporter les 16 générateurs de vapeur jusqu'en Suède.
Notre syndicat a été mis au courant des détails du transport et est d'avis que les générateurs peuvent être acheminés en toute sécurité. Il croit aussi qu'il s'agit d'un exemple concret de recyclage et que le grand public sera en faveur de ce type de projet dès qu'il connaîtra tous les tenants et aboutissants.
Notre syndicat est partie prenante du secteur nucléaire et participe activement et régulièrement aux audiences de la CCSN. Il va sans dire qu'il connaît très bien le secteur du nucléaire. Comme je viens de le dire, plusieurs de nos membres vivent dans les collectivités situées à proximité de la centrale nucléaire de Bruce, le long de l'itinéraire prévu, ainsi qu'à Owen Sound. Nos représentants ont consulté nos membres qui n'ont exprimé absolument aucune inquiétude à cet égard.
Notre syndicat a aussi communiqué avec les membres du Syndicat des métiers de la construction employés à la centrale, qui participeront au transport des générateurs de vapeur jusqu'à Owen Sound. Il a aussi pris contact avec le Conseil canadien des travailleurs du nucléaire, ou CCTN, et avec le Conseil du travail de Grey Bruce. Tous ces groupes de travailleurs se sont déclarés entièrement favorables à l'octroi d'un permis de transport à Bruce Power.
Nous avons eu des discussions avec les syndicats dont les membres participeront au transport, notamment les éclusiers, le syndicat qui représente les travailleurs sur le navire utilisé pour le transport, ainsi que le syndicat en Suède, et tous ont exprimé leur soutien. Seul le Syndicat international des marins canadiens a émis des réserves, car il croit que le transport devrait être effectué par un navire canadien et non par un navire étranger.
Notre syndicat a informé d'autres syndicats des grandes lignes de ce dossier; dès qu'ils ont été mis au courant, ils ont manifesté leur appui et leur satisfaction. Comme vous le savez, la CCSN a examiné attentivement ce projet conformément à son mandat, selon nous. Comme syndicat, nous sommes totalement en faveur d'une consultation publique et d'un dialogue ouvert. Nous pensons que le public et les groupes d'opposition ont été plus que raisonnablement consultés dans ce dossier jusqu'à présent. Nous croyons, à l'instar d'autres parties, que de nombreux groupes ont propagé des informations erronées au sujet de ce projet. Il s'agirait des mêmes groupes que ceux qui s'opposent au nucléaire dans son ensemble. Nous soutenons aussi que les vrais environnementalistes devraient se réjouir d'un tel projet, car il répond à leurs objectifs de recycler, réutiliser, réduire, etc. Nous croyons que la grande majorité des Canadiens n'ont aucune inquiétude à l'égard de cette initiative.
Nous savons qu'il est temps d'aller de l'avant et demandons que Bruce Power soit autorisée à prendre la mesure écologique qui s'impose et à transporter ces générateurs en Suède pour qu'ils y soient recyclés.
En guise de conclusion, je dirais que le Syndicat des travailleurs et travailleuses du secteur énergétique est entièrement favorable à ce projet, tout comme d'autres travailleurs syndiqués de l'industrie.
Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé et je suis maintenant prêt à répondre à toutes vos questions sur le sujet.
:
Bonjour, monsieur le président et chers membres du comité. Je m'appelle Christopher Plain et je suis le chef élu de la Première nation Aamjiwnaang, dont le territoire se situe au sud de la ville de Sarnia.
Je suis également le grand chef régional du sud-ouest, et mon territoire traditionnel s'étend de Walpole Island jusqu'à Goderich, près de la rivière Maitland. C'est à ce titre que je suis ici.
La nation Anishinabek, que je représente ici, se compose de sept groupes tribaux. Nous sommes les habitants originaux de la région des Grands Lacs. Nous avons vécu en harmonie avec l'environnement et avons assuré notre autosuffisance grâce à cet environnement. Le peuple Anishinabek comprend et respecte l'équilibre délicat entre l'utilisation et l'entretien des Grands Lacs. Les eaux de ces lacs procurent aussi un lien spirituel et maternel avec la nature, car beaucoup de nos enseignements et de nos histoires sont inspirés de ces lacs.
La nation Anishinabek a constitué l'Union of Ontario Indians en 1949. Celle-ci joue le rôle de secrétariat pour les 39 collectivités membres de l'Ontario dont elle défend les intérêts politiques. Toutes les Premières nations concernées sont établies dans le bassin des Grands Lacs. L'Union of Ontario Indians a pour mandat de défendre les intérêts politiques des Premières nations membres et de coordonner des positions communes sur un large éventail d'enjeux. Elle fait également une analyse stratégique des lois et des politiques fédérales et provinciales.
Elle a à coeur la santé et le bien-être de nos Grands Lacs et des eaux intérieures, la gestion de l'eau et aussi d'exprimer les préoccupations et les besoins de ses Premières nations membres. La nation Anishinabek, en tant que peuple autochtone du Canada, s'oppose au plan de Bruce Power, tout comme à n'importe quel autre projet de transport par voie terrestre et maritime de déchets radioactifs ou de matériel contaminé par la radioactivité sur les Grands Lacs et la Voie maritime du Saint-Laurent. La nation Anishinabek s'y oppose parce que les déchets radioactifs qui seraient transportés sur les Grands Lacs représentent un grand risque pour les eaux, l'environnement et la sécurité des Autochtones.
La nation Anishinabek utilise et occupe depuis longtemps les terres et les eaux du bassin des Grands Lacs, comme le démontrent les traités signés. Certaines Premières nations n'ont pas signé de traités, mais elles ont des droits qui n'ont jamais été abolis. Les droits issus de traités des Premières nations et les droits inhérents sont protégés par la loi suprême du Canada. Ces droits sont protégés en vertu de l'article 35 de la Constitution du Canada.
Dans l'arrêt Badger, qui date de 1996, il est dit ceci:
... l'honneur de la Couronne est toujours en jeu lorsqu'elle transige avec les Indiens. Les traités et les dispositions législatives qui ont une incidence sur les droits ancestraux ou issus de traités doivent être interprétés de manière à préserver l'intégrité de la Couronne. Il faut toujours présumer que cette dernière entend respecter ses promesses... Toute ambiguïté dans le texte du traité ou du document en cause doit profiter aux Indiens. Ce principe a pour corollaire que toute limitation ayant pour effet de restreindre les droits qu'ont les Indiens en vertu des traités doit être interprétée de façon restrictive.
La Commission canadienne de sûreté nucléaire a manqué à son obligation constitutionnelle de prendre en compte et de consulter les Premières nations sur des projets susceptibles d'avoir une incidence sur les droits issus de traités et inhérents aux Autochtones, protégés par la Constitution.
Dans les arrêts Taku et Haida, la Cour suprême du Canada a conclu que la Couronne avait l'obligation de consulter les groupes autochtones et, lorsqu'il y a lieu, de prendre en compte leurs préoccupations, quand la Couronne sait qu'il existe probablement un droit autochtone, et elle a indiqué dans quelle mesure on pourrait porter atteinte à ce droit.
Dans le jugement rendu à l'égard de la Première nation crie Mikisew, la Cour suprême du Canada a également conclu que ce principe s'applique aussi aux droits issus de traités. Jusqu'à présent, on n'a pas pris en compte ni consulté les Premières nations établies dans le bassin des Grands Lacs.
L'Union of Ontario Indians a fait valoir, dans une lettre datée du 26 juillet, que la Commission canadienne de sûreté nucléaire avait manqué à son obligation constitutionnelle de prendre en compte et de consulter les Premières nations. L'UOI a également demandé une rencontre en tête-à-tête, qu'on lui a toujours refusée; en échange, la Commission canadienne de sûreté nucléaire a invité la nation Anishinabek à assister à des audiences publiques le 29 septembre. Mais il ne s'agissait pas d'une consultation puisqu'il n'y avait pas de place pour la discussion, des questions ou de la rétroaction.
L'Union of Ontario Indians maintient que les droits ancestraux et issus de traités et les intérêts des Premières nations sur leur territoire ancestral ne sauraient être abrogés, annulés ou enfreints de quelque façon que ce soit. Ces droits sont protégés en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il y a longtemps que le gouvernement du Canada néglige les terres de réserve des Premières nations qui ont été contaminées par les actions des autres. Les Premières nations se battent depuis des décennies pour qu'on remédie aux dommages causés à leurs terres et à leurs eaux. Nous ne voulons pas que les Grands Lacs ni que le Saint-Laurent soient contaminés ou altérés par des déchets radioactifs. La nation Anishinabek ne peut accepter les garanties de sécurité ou de réparation des dommages en cas d'accident. Le risque de contamination de l'environnement et de toute forme de vie par des déchets dont la durée de vie est très longue est trop grand et bien réel pour nos communautés.
Il y a 40 millions de personnes qui dépendent de l'eau potable provenant des Grands Lacs et de la Voie maritime du Saint-Laurent. De plus, beaucoup de collectivités se battent actuellement contre des espèces envahissantes, la perte d'aliments traditionnels, des sédiments contaminés, des pêches en déclin, des baisses de niveau d'eau et divers autres problèmes. Les Grands Lacs et la Voie maritime du Saint-Laurent ne peuvent pas en absorber plus. La non-protection de l'environnement nuit au mode de vie des citoyens des Premières nations.
Par ailleurs, la Commission canadienne de sûreté nucléaire ne reconnaît pas les compétences de la nation anishinabek ou des Premières nations. Nous n'avons jamais été conquis et ces terres n'ont jamais été inhabitées. Les eaux et le lit des Grands Lacs n'ont jamais été cédés par traité.
Selon l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Van der Peet, le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle protège les droits autochtones à l'égard des terres et des eaux. Par application de la décision Badger, il appartient à la Couronne de prouver qu'un droit ancestral ou issu de traité a été éteint, c'est ce qu'on appelle la « preuve absolue du fait qu'il y a eu extinction ».
La nation anishinabek a des droits issus de traités en matière de gestion des eaux. Comme ses terres bordent les Grands Lacs, la nation anishinabek maintient qu'elle dispose d'un titre et d'un droit inhérent sur ces eaux. Par conséquent, les Premières nations exercent une compétence sur ces terres et elle doit être respectée.
La nation anishinabek s'oppose à tout transport de déchets radioactifs, de produits nucléaires ou de matériel contaminé par la radioactivité.
Compte tenu du risque pour la santé humaine, l'habitat aquatique, les espèces et l'environnement et compte tenu de l'immense inquiétude que le permis de Bruce Power suscite à l'échelle internationale, la décision devrait prescrire la protection des lacs. La nation anishinabek aurait dû être consultée et mise à contribution dans le processus décisionnel.
:
Je pense que le Canada aurait besoin d'une vaste consultation aux niveaux fédéral, provincial et municipal sur ce qu'il faut faire des déchets radioactifs toxiques, afin de déterminer s'il devrait être permis d'exporter, d'importer ou de transporter ces déchets sur nos précieux lacs et rivières.
Par ailleurs, la classification des déchets est ridicule. Les déchets de faible niveau ne sont que tout ce qui n'est pas considéré de haut niveau, et seul le combustible irradié est considéré comme un déchet de haut niveau. Tous les déchets sont donc considérés automatiquement de faible niveau, sauf le combustible irradié. C'est ridicule. C'est totalement déconnecté de la réalité.
Par exemple, nous avons entendu une comparaison entre les générateurs de vapeur et les isotopes. Les isotopes médicaux ont une période radioactive de 66 heures, ce qui signifie qu'en quelques semaines, s'il y avait un accident, ils ne seraient plus radioactifs. Le plutonium a une période radioactive de 24 000 ans. C'est la comparaison.
Il faut classifier nos déchets nucléaires. Les Américains le font. Quand les Américains ont des déchets contaminés au plutonium, ils ne les qualifient pas de déchets de faible niveau, ils les qualifient de déchets transuraniens et les traitent tout comme les déchets de haut niveau. Ils sont traités avec une très grande prudence et non à la légère. Ils ont une autre catégorie de déchets supérieure à la classe C, qui comprend différentes substances toxiques.
Notre système de réglementation des déchets est très déficient, et c'est la même chose de la classification des déchets. Si le gouvernement, les élus, n'insiste pas pour examiner la question en profondeur, nous allons nous trouver dans une situation très difficile dans quelques années, parce que le danger continue de croître.
:
Si vous mettez la main sur de l'information en ce sens, le comité aimerait bien la consulter pour comprendre le calcul. Autrement, nous devons nous fier à la parole des dirigeants de Bruce Power que c'est kif-kif sur le plan économique.
J'ai une question pour vous, chef Plain. Est-ce que c'est grand chef Plain ou chef Plain?
Le chef Christopher Plain: C'est chef Plain.
M. Nathan Cullen: Au sujet de l'article 35, je représente la région des Haïdas et des Takus, donc je connais bien le jugement dont vous avez parlé. J'étais présent à la Cour suprême ce jour-là. Les consultations et l'accueil ne sont pas une peccadille. Le gouvernement fédéral, la Couronne, a l'obligation de vous parler, de vous consulter et de vous offrir des services d'accueil au besoin. Ce n'est pas un à-côté, c'est inscrit dans la Constitution. La décision à cet égard s'est même rendue jusqu'en Cour suprême.
Il semble que la CCSN ne vous a pas consultés. Elle a donc enfreint une obligation constitutionnelle. J'essaie de comprendre comment cette obligation a pu être prise aussi à la légère dans le processus.