Passer au contenu

RNNR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Comité permanent des ressources naturelles


NUMÉRO 035 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 novembre 2010

[Enregistrement électronique]

(1135)

[Traduction]

    Nous poursuivons notre étude sur la sécurité énergétique au Canada.
    Nous accueillons aujourd'hui trois témoins, dont un par téléconférence — et non par vidéoconférence; vous ne pourrez pas le voir. Il s'agit de Marcel Coutu, président de Syncrude.
    Nous recevons ici-même Gillian McEachern, directrice de programme, Climat et énergie, pour Environmental Defence; ainsi que Gil McGowan, président de l'Alberta Federation of Labour. Bienvenue à tous.
    Conformément à notre ordre du jour, nous allons débuter avec Marcel Coutu de Syncrude.
    Bienvenue, monsieur Coutu, nous vous écoutons.
    Merci et bonjour à vous, monsieur le président ainsi qu'aux membres du comité. Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous présenter mes points de vue dans le cadre de votre étude sur la sécurité énergétique au Canada, et plus précisément sur le rôle que peuvent jouer les sables bitumineux. Je suis désolé de n'avoir pas pu me rendre sur place, mais je me réjouis de pouvoir comparaître par téléconférence.
    Canadian Oil Sands est le principal partenaire de la coentreprise Syncrude, un projet d'exploitation des sables bitumineux. Syncrude est l'un des pionniers de cette industrie et mène des activités dans la région depuis plus de 30 ans. Syncrude a actuellement la capacité de produire 350 000 barils de pétrole léger non sulfuré par jour.
    Je vais partir de l'hypothèse que les membres du comité sont conscients de l'ampleur de cette ressource, de son importance potentielle pour la sécurité énergétique en Amérique du Nord et de ses retombées économiques favorables, tant au Canada qu'aux États-Unis. Tous ces éléments ont été maintes fois mis de l'avant par bien des gens, y compris moi-même. La plupart des Canadiens reconnaissent maintenant que les sables bitumineux constituent une ressource considérable qui est cruciale pour notre économie, particulièrement dans la conjoncture actuelle. Les sables bitumineux comptent pour 97 p. 100 de nos réserves en pétrole au Canada et pour 50 p. 100 de notre production pétrolière actuelle.
    Sans eux, notre production pétrolière serait à la baisse et notre pays serait un importateur net qui devrait acheter son pétrole principalement de pays qui semblent moins se préoccuper des questions d'intendance environnementale, de responsabilité sociale ou de partage des avantages économiques. Il ne fait aucun doute que les sables bitumineux peuvent contribuer à la sécurité énergétique du Canada, et ils y contribuent effectivement. Je crois que vous cherchez à déterminer s'il devrait en être ainsi.
    Il faut d'abord s'interroger au sujet de l'utilisation du pétrole. Il y a un groupe, restreint mais très actif, d'intervenants qui estiment, pour différents motifs environnementaux et sociaux, que le monde devrait se débarrasser complètement du pétrole. C'est un point de vue qui a ses mérites, même si je ne crois pas que cela soit réalisable.
    Pour aborder la question de façon réaliste, il faut examiner le paysage énergétique mondial. L'Agence internationale de l'énergie estime que la demande mondiale en énergie connaîtra une hausse de 36 à 47 p. 100 d'ici 2035. Cette augmentation sera principalement attribuable à la croissance de la population et à l'expansion économique dans les pays en développement. Cette réalité concrète et inéluctable nous oblige à développer davantage toutes les formes d'énergie. Non seulement devons-nous exploiter dans une mesure beaucoup plus grande nos sources d'énergie renouvelable, mais nous avons aussi besoin d'un effort concerté pour accroître notre approvisionnement en carburants fossiles. Si nous voulons discuter en toute franchise de ces enjeux, nous devons nous dissocier des arguments avancés par les critiques du pétrole qui soutiennent que ce doit être l'un ou l'autre. En fait, nous avons besoin d'énergie en provenance de toutes les sources et en quantités toujours plus grandes.
    Toutes les sources d'énergie doivent être exploitées de manière responsable, car nous devons reconnaître que tous les projets de génération d'énergie, y compris les énergies renouvelables, ont des conséquences tant sur l'environnement que l'économie. La plupart des gens ignorent que le pétrole, le gaz naturel et le charbon comptent aujourd'hui pour environ 80 p. 100 de l'apport énergétique planétaire et que, même suivant un scénario relativement conservateur, cette proportion se maintiendra entre 70 p. 100 et 80 p. 100 d'ici 2035. Parallèlement à cela, les chiffres publiés au sujet de la production pétrolière mondiale indiquent une diminution moyenne d'au moins 7 p. 100. Alors que les régions pétrolières arrivent difficilement à maintenir leur niveau de production, il n'est pas vraiment question qu'elles puissent l'accroître.
    Pour ce qui est plus précisément de l'exploitation des sables bitumineux, nous sommes pleinement conscients des impacts de notre industrie sur l'environnement et les collectivités locales. Nous savons que pour demeurer prospères, nous devrons pouvoir présenter sans cesse de meilleurs bilans en matière d'environnement et de responsabilité sociale.
    Les représentants de l'Association canadienne des producteurs pétroliers ont déjà comparu devant votre comité au nom de l'industrie dans son ensemble en vous fournissant les compléments d'information requis. Dans ce contexte, je vais vous entretenir de quelques-uns des succès et des défis qui jalonnent le parcours de Syncrude.
    Comme le reste de l'industrie, Syncrude a démontré sa capacité à améliorer ses modes de fonctionnement en même temps que son bilan environnemental et social. Pour ce qui est de l'utilisation des terres, Syncrude a remis en état 22 p. 100 des terres endommagées et a planté cinq millions d'arbres tout en devenant le premier exploitant de sables bitumineux à obtenir une certification gouvernementale pour une terre récupérée, connue sous la dénomination de Gateway Hill.
    La directive 074 adoptée en 2010 par le gouvernement de l'Alberta établit des exigences poussées qui abrègent considérablement les délais pour la remise en état des bassins de résidus. Syncrude a réagi en mettant en oeuvre toute une série de nouvelles technologies, y compris la centrifugation, pour gérer les résidus actuels et potentiellement réduire la nécessité de créer de nouveaux bassins. L'industrie continue d'explorer ces possibilités technologiques et de mettre en commun les pratiques qui font leurs preuves.
    Syncrude a fait oeuvre de pionnier en menant une initiative qui a permis la création de nouvelles terres humides dans le cadre de ses efforts de remise en état des sols. Du côté de l'air, les émissions de gaz à effet de serre de Syncrude proviennent de son utilisation d'énergie, surtout de gaz naturel, pour la production de pétrole brut. Depuis 1982, Syncrude a toutefois réduit de 39 p. 100 la quantité d'énergie utilisée par baril de pétrole produit.
(1140)
    Syncrude a également diminué ses émissions de dioxyde de soufre par baril d'environ 60 p. 100 depuis le début des années 1980. En outre, Syncrude terminera en 2011 la construction d'une usine de réduction des émissions de soufre d'une valeur de 1,6 milliard de dollars, ce qui permettra d'abaisser d'encore 60 p. 100 ses émissions par rapport aux niveaux actuellement approuvés et de diminuer en outre de 50 p. 100 l'émission de particules, malgré l'accroissement de la production.
    Par ailleurs, Syncrude recycle 85 p. 100 de l'eau utilisée par l'entreprise, le reste étant perdu par voie d'évaporation. Syncrude a réduit de plus de la moitié la demande en eau de ses processus par rapport aux niveaux de 1980. De concert avec d'autres entreprises, nous continuons de chercher de nouvelles méthodes d'extraction pour lesquelles l'eau ne serait pas nécessaire.
    Du point de vue communautaire, Syncrude est l'une des entreprises qui emploient le plus d'Autochtones au Canada; ils comptent pour 8 p. 100 de notre main-d'oeuvre. En outre, Syncrude a eu des échanges commerciaux d'une valeur de plus de 1,2 milliard de dollars avec des entreprises autochtones locales depuis 1992, en plus de verser plus de 18 millions de dollars pour des projets communautaires depuis 2005.
    Nous sommes également conscients que nous devons en faire davantage. Dans toute l'industrie des sables bitumineux, Syncrude est la seule entreprise à avoir une installation consacrée aux activités de recherche et développement. Nous dépensons actuellement plus de 50 millions de dollars par année à cette fin. C'est ainsi que nous avons été à l'origine de bon nombre des nouvelles technologies utilisées par l'industrie pour améliorer ses modes de fonctionnement et réduire ses impacts environnementaux. Nous allons d'ailleurs continuer d'investir d'importantes sommes dans de nouvelles technologies permettant de diminuer les répercussions environnementales de nos activités. C'est un engagement auquel Syncrude souscrit depuis plus de 30 ans et l'histoire nous a démontré que l'innovation est la clé de l'amélioration du rendement.
    Nous devons nous assurer que les systèmes de mesure et contrôle sont efficaces et transparents, et qu'on les améliore sans cesse. Nous devons continuer de communiquer avec les parties intéressées et répondre aux critiques biaisées qui les induisent en erreur avec des renseignements incomplets. En outre, Canadian Oil Sands participe aux discussions en cours concernant une stratégie énergétique canadienne qui serait fondée sur des solutions applicables dans toute l'économie en mettant l'accent à parts égales sur l'industrie et les consommateurs, sur l'offre et la demande en matière énergétique.
    Les gouvernements ont aussi un rôle à jouer. Ils doivent notamment assurer le maintien d'un système réglementaire de calibre mondial et faire valoir l'efficacité du Canada en matière de protection de l'environnement. Ils doivent accroître les investissements technologiques, élargir les marchés aux États-Unis comme ailleurs dans le monde, et offrir un cadre fiscal et réglementaire suffisamment concurrentiel pour attirer les investisseurs et le talent.
    J'aimerais conclure en réitérant ma conviction que les sables bitumineux peuvent et devraient contribuer à la sécurité énergétique du Canada. En fait, c'est la meilleure possibilité qui s'offre à nous. Une grande partie des interventions au sujet de l'énergie et de l'environnement mettent l'accent sur la nécessité de renoncer graduellement à l'utilisation du pétrole en Amérique du Nord pour se convertir aux énergies renouvelables. Comme je l'ai déjà indiqué, les énergies renouvelables ont leur importance et je crois à leur développement. Mais le pétrole brut, surtout produit à partir des sables bitumineux, pourrait servir de pont vers un avenir où les énergies renouvelables prendront une place beaucoup plus grande. Étant donné qu'au cours des prochaines décennies encore, de 70 p. 100 à 80 p. 100 des besoins énergétiques mondiaux seront satisfaits à partir du charbon, du gaz naturel et du pétrole, le Canada a la possibilité et, en fait, le devoir, de donner accès à cette source d'énergie et de le faire de façon responsable.
    Le pétrole brut continuera de jouer un rôle essentiel dans l'économie planétaire et le Canada est donc très chanceux de pouvoir compter sur les sables bitumineux. Il ne faut pas se le cacher, c'est un trésor national.
    Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie pour le temps que vous m'avez consacré. Je vais m'efforcer de répondre à toutes vos questions.
    Merci, monsieur Coutu.
    Nous allons maintenant entendre l'exposé préliminaire de sept minutes de Gillian McEachern, directrice de programme, Climat et énergie, pour Environmental Defence.
    La parole est à vous, madame McEachern.
(1145)
    Merci de m'avoir invitée à prendre la parole aujourd'hui.
    Je m'appelle Gillian McEachern et je suis directrice de programme, Climat et énergie, pour Environmental Defence, une organisation nationale sans but lucratif qui oeuvre dans un large éventail de dossiers, y compris le climat et l'énergie, les produits toxiques et l'utilisation des terres.
    On nous a demandé de vous parler de sécurité énergétique, plus particulièrement dans le contexte du rôle du gouvernement fédéral relativement aux sables bitumineux. Selon l'Agence internationale de l'énergie, la sécurité énergétique se définit comme étant la disponibilité physique ininterrompue d'énergie à un prix abordable, dans le respect des préoccupations environnementales. D'après l'AIE, la sécurité énergétique doit donc obligatoirement passer par la prise en compte des questions environnementales et économiques associées à la production et à la consommation d'énergie.
    Nous ajouterions qu'en plus de tenir compte des impacts environnementaux locaux de la production énergétique, il faut intégrer la notion de sécurité climatique. Tout plan fédéral visant à répondre aux besoins en sécurité énergétique doit tenir compte des risques possibles d'un changement climatique. Il ne serait plus question de sécurité énergétique dans un scénario de bouleversement total des conditions climatiques. Nous utilisons donc une définition de travail de la sécurité énergétique qui englobe l'aspect sécurité climatique et traite des impacts économiques et environnementaux de la production d'énergie.
    Les risques environnementaux associés à l'exploitation des sables bitumineux augmentent et ne sont pas limités à la seule région où l'exploitation a cours. Ils touchent également les Territoires du Nord-Ouest, la côte du Pacifique et d'importants bassins hydrographiques aux États-Unis.
    Mon collègue, Simon Dyer, de l'Institut Pembina, est venu vous parler la semaine dernière d'un rapport que nous avons produit conjointement au sujet des obligations du gouvernement fédéral relativement aux sables bitumineux. Je ne vais pas répéter ce qu'il vous a déjà dit, mais je souhaiterais simplement faire écho à ses commentaires concernant les répercussions climatiques de l'expansion prévue dans l'exploitation des sables bitumineux — comment cette expansion, même dans un scénario optimiste de capture et stockage du carbone, fera exploser le budget carbone du gouvernement et obligera d'autres secteurs à faire davantage que leur part.
    Je vais vous parler plus en détail de deux éléments soulevés dans notre rapport: le risque d'un déversement majeur de résidus; et les conséquences économiques de notre actuelle politique énergétique inavouée qui se traduit par un accroissement rapide de l'exploitation des sables bitumineux et des exportations en la matière.
    Les immenses lacs de résidus formés dans le nord de l'Alberta constituent une menace pour la santé humaine, l'environnement et l'économie, étant donné le risque de rupture des digues qui empêchent les résidus toxiques de se déverser dans les rivières avoisinantes. Ces lacs renferment actuellement près d'un milliard de mètres cubes de résidus toxiques. Ils couvrent plus de 130 kilomètres carrés, une superficie supérieure à celle de la ville de Vancouver.
    Les résidus contiennent des produits chimiques nocifs pour les êtres humains et les organismes aquatiques, y compris des acides naphténiques, des hydrocarbures aromatiques polycycliques, des métaux lourds et de l'arsenic. Ces produits contaminés sont contenus par des digues de terre sans revêtement pouvant atteindre 300 pieds de hauteur. À l'échelle planétaire, il a été établi que les risques de rupture étaient 10 fois plus élevés qu'avec les autres types de digues et il y a déjà eu des problèmes associés avec certains barrages de résidus des sables bitumineux.
    Étant donné que les étangs sont situés à proximité de la rivière Saskatchewan en aval et des Territoires du Nord-Ouest, un déversement important aurait des impacts transfrontaliers, car les résidus de sables bitumineux se retrouveraient dans la rivière Athabasca pour se rendre jusqu'à son delta, un site du patrimoine mondial et une importante aire de nidification pour les oiseaux migratoires de tout le continent. Il y aurait également des répercussions sur le bassin du fleuve Mackenzie, qui draine environ le cinquième des réserves en eau du Canada en plus d'être le territoire traditionnel de dizaines de communautés autochtones.
    Malgré ce risque potentiel, le gouvernement fédéral ne dispose actuellement d'aucun plan d'intervention d'urgence en cas de déversement majeur et ne s'occupe à peu près pas des mesures à prendre pour sécuriser les digues afin d'empêcher qu'un tel déversement se produise. Le gouvernement de l'Alberta indique que les entreprises ont des plans d'intervention d'urgence en cas de rupture des digues de résidus, mais aucun de ces plans ne peut faire l'objet d'une évaluation indépendante permettant de déterminer dans quelle mesure ils seraient efficaces s'il y avait effectivement rupture.
    Nous avons pu constater les conséquences néfastes que peut avoir la rupture de digues semblables tout récemment en Hongrie et il y a quelques années au Tennessee. Tant que le gouvernement fédéral n'aura pas fait le nécessaire pour empêcher une catastrophe de ce genre, les résidus de l'exploitation des sables bitumineux posent des risques graves pour la sécurité des gens vivant en aval.
    Aux impacts possibles d'un déversement d'importance, il faut bien sûr ajouter le phénomène de la fuite continue de résidus. On estime à 11 millions de litres la quantité de résidus qui s'échappent chaque jour des étangs.
    À la lumière des risques encourus, il est difficile de parler d'une source d'énergie exploitable en toute sécurité.
    Je vais maintenant vous entretenir de quelques-uns des impacts économiques associés à l'exploitation des sables bitumineux. Il ne fait aucun doute que cette industrie procure des avantages économiques sous forme d'emplois et de recettes gouvernementales; on ne le conteste pas. En revanche, on entend très rarement parler des répercussions économiques négatives qu'entraîne l'augmentation des exportations de pétrole sur les autres secteurs de l'économie canadienne. Il n'y a pas eu jusqu'à maintenant de véritables efforts de discussion, d'analyse et d'intervention à ce chapitre.
(1150)
    Jeff Rubin, l'ancien patron de Marchés mondiaux CIBC, se demandait récemment si le Canada pouvait se permettre l'exploitation des sables bitumineux de l'Alberta, étant donné que le dollar canadien est en train de devenir dans une large mesure une pétrodevise. La hausse des prix du pétrole et de la production à partir des sables bitumineux continuera de renforcer le dollar canadien ce qui, dans le contexte d'une économie américaine toujours en difficulté, aura un impact sur d'autres secteurs de l'économie canadienne, et surtout sur l'industrie manufacturière.
    Si les sables bitumineux en viennent à occuper une place encore plus importante dans l'économie canadienne, nous risquons de succomber à ce qu'on appelle le syndrome hollandais, à savoir que l'exploitation accrue de nos ressources naturelles aura des répercussions sur notre devise, ce qui augmentera les coûts d'exportation de nos autres produits. De fait, on peut déjà observer au Canada certains symptômes associés au syndrome hollandais. Dans une étude publiée l'an dernier, Serge Coulombe de l'Université d'Ottawa a constaté qu'entre 2002 et 2007, 42 p. 100 des pertes d'emploi dans le secteur manufacturier au Canada qui étaient attribuables à la valorisation de notre devise résultaient du syndrome hollandais causé par nos exportations de pétrole. Cet impact se faisait surtout ressentir en Ontario et au Québec, les deux provinces où l'on retrouve les secteurs les plus touchés par le syndrome hollandais.
    Comme le disait récemment Dan Trefler, qui dirige la chaire de recherche sur la compétitivité et la prospérité de l'École de gestion Rotman:
Le Canada régresse. Il est temps de prendre un peu de recul pour nous demander si c'est ce que nous voulons vraiment. À nous de choisir: Ou bien nous nous croisons les bras pendant que la demande mondiale risque de nous noyer dans nos propres résidus, ou bien nous réagissons de façon dynamique et stratégique.
    La Norvège, troisième plus grand exportateur de pétrole au monde, est l'exemple d'un pays qui a su réagir de façon dynamique et stratégique à un boom dans son secteur des ressources. La Norvège a établi le fonds de pension du gouvernement, dont la valeur dépasse maintenant les 400 milliards de dollars. La vaste majorité des revenus provenant du pétrole sont investis à l'étranger afin d'éviter de faire grimper la valeur de la devise, et seulement 4 p. 100 de ses revenus sont dépensés à chaque année. Le PIB par habitant de la Norvège est presque le double de celui du Canada. Le secteur manufacturier est en pleine effervescence. Le revenu disponible des Norvégiens est parmi les plus élevés de la planète. Et lorsqu'on aura épuisé les réserves pétrolières, on pourra compter sur un fonds de fiducie très bien garni pour moduler l'avenir énergétique du pays.
    C'est au gouvernement fédéral qu'il incombe d'examiner ces impacts, aussi bien positifs que négatifs, afin d'en tirer un plan équitable pour toutes les régions du pays. Cela n'a pas encore été fait.
    Quelques décennies plus tard, le Canada ressent toujours les contrecoups du Programme énergétique national. Ce programme nous a empêchés de planifier notre avenir énergétique. En l'absence d'un plan ou d'une politique guidant les efforts en faveur de la sécurité énergétique au Canada, nous avons mis tous nos oeufs dans le même panier: celui des sables bitumineux. Le gouvernement fédéral permet à l'exploitation des sables bitumineux de croître rapidement en accordant son approbation pour de nouvelles mines et de nouveaux projets. Il permet également la mise en place d'imposantes nouvelles infrastructures pour le transport du pétrole produit vers les consommateurs, et un certain nombre d'emplois vont suivre le chemin tracé par ces nouveaux pipelines pour quitter le pays.
    Alors que le gouvernement fédéral devra bientôt décider s'il approuve ces nouvelles installations d'exploitation et de transport ou s'il va autoriser la présence de pétroliers sur la côte nord de la Colombie-Britannique, il est temps de prendre du recul pour établir l'orientation de notre avenir énergétique, plutôt que de nous laisser piéger dans des décennies de production accrue de carburant fossile au moment même où les autres pays reconnaissent la nécessité de faire la transition du pétrole vers des énergies plus propres. Il nous faut déterminer le rythme et l'ampleur qui conviennent pour l'exploitation des sables bitumineux.
    Le témoin qui m'a précédé a parlé d'un petit groupe d'intervenants qui préconisent l'abandon du pétrole. Je lui dirais que l'on retrouve dans ce petit groupe le président des États-Unis, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat et des dirigeants de bien d'autres pays du monde.
    Je vous remercie.
    Merci pour votre exposé, madame McEachern.
    Nous allons maintenant écouter notre dernier témoin pour aujourd'hui, Gil McGown, président de l'Alberta Federation of Labour.
    Vous avez la parole pour un maximum de sept minutes.
    Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
    À titre de président de l'Alberta Federation of Labour, je représente beaucoup d'Albertains qui, depuis une dizaine d'années, travaillent grâce au levier économique incroyable que créent les sables bitumineux. Par exemple, nous représentons des milliers de travailleurs d'usines qui fabriquent les tuyaux et les modules utilisés dans les projets d'exploitation des sables bitumineux. Nous représentons des milliers de travailleurs qui transportent ces produits d'infrastructure par train et par camion jusqu'à divers endroits isolés du Nord de notre province. Nous représentons des milliers de fondeurs, de soudeurs, d'électriciens et d'autres travailleurs de la construction qui mettent ces pièces ensemble pour construire l'un des projets industriels les plus grands jamais vus au monde. Nous représentons aussi des milliers d'opérateurs et de préposés à l'entretien qui assurent le bon fonctionnement des nouvelles et des anciennes installations. Nous représentons des milliers de travailleurs du secteur public dans des domaines comme la santé, l'éducation et les municipalités, dont le travail est financé au moins en partie par les produits du développement de la ressource. Enfin, nous représentons des milliers de travailleurs des secteurs des services et du détail qui bénéficient des retombées du secteur de l'énergie.
    De loin, le géant économique que nous avons créé en Alberta est extrêmement impressionnant. Notre taux de chômage est bas. Notre PIB per capita est de 75 p. 100 supérieur à la moyenne canadienne, et nos salaires sont de 30 p. 100 supérieurs à la moyenne du reste du pays. Mais comme c'est souvent le cas de ce qu'on regarde de loin, si l'on y regarde d'un peu plus près, les fissures deviennent évidentes. Ainsi, les travailleurs de l'Alberta, les membres de notre fédération, y ont regardé de plus près et ont constaté des fissures assez troublantes.
    J'aimerais vous en parler aujourd'hui. Compte tenu des limites de temps qui nous sont imposées, je vais me concentrer sur trois éléments: premièrement les emplois à valeur ajoutée; deuxièmement les redevances; troisièmement un ramassis d'autres enjeux que je vais englober sous l'appellation des conséquences involontaires. Je vais conclure en vous proposant brièvement quelques solutions.
    Pour ce qui est des emplois dans le domaine des sables bitumineux, la grande inquiétude de notre fédération, c'est que le Canada en général et l'Alberta en particulier s'apprêtent à perdre une chance historique de monter dans l'échelle de valeur. Jusqu'à tout récemment, plus des deux tiers du bitume extrait en Alberta étaient affinés dans la province, ce qui signifie qu'il était transformé en pétrole brut synthétique ou raffiné en produits à valeur ajoutée comme l'essence, le diesel ou le carburant aviation. Du coup, les usines de valorisation et de raffinage créées dans des endroits comme Fort McMurray, Fort Saskatchewan et Edmonton offraient des emplois très payants à des milliers de personnes soutiens de famille et soutiens de la collectivité.
    Pour avoir une idée du nombre d'emplois créés, pensez aux deux premiers exploitants de sables bitumineux de l'Alberta, Suncor et Syncrude. Les deux ont des mines et des usines de valorisation dans la région de Fort McMurray, qui emploient chacune environ 5 000 personnes en opérations directes et des milliers de plus au moyen de contrats d'entretien, sans compter les retombées dans d'autres secteurs. Toutefois, depuis quelques années, le ratio entre la valorisation du bitume pour la production à valeur ajoutée et les exportations de produits bruts non transformés a commencé à chuter. Selon les chiffres et les prévisions publiés récemment par l'Alberta's Energy Resources Conservation Board, la proportion de bitume valorisée au Canada est déjà passée d'environ 70 à 63 p. 100, et l'on s'attend à ce que ce déclin se poursuive jusqu'à 48 p. 100 en 2019.
    Malheureusement, c'est exactement ce que l'AFL a prédit lors de ses cinq comparutions devant l'Office national de l'énergie au cours des quatre dernières années, pour s'opposer à la construction de gigantesques nouveaux pipelines pour l'exportation du bitume. C'est également ce que nous avions prévu il y a un an et demi, quand nous avons publié une étude intitulée Lost down the Pipeline, dont je vais remettre une copie aux membres du comité. Dans cette étude, nous présentons 10 raffineries des États-Unis qui ont été équipées pour traiter le bitume extrait des sables bitumineux et ainsi créer une capacité de raffinage totale de 2,8 millions de barils par jour. Nous soulignons également que l'ONE a approuvé le projet de deux grands pipelines de bitume vers les États-Unis, plus particulièrement les pipelines de Keystone et d'Alberta Clipper, qui ont une capacité conjointe d'exportation de 1,4 million de barils de bitume brut par jour des raffineries de l'Alberta vers les États-Unis. Nous faisons état de six autres pipelines prévus, qui devraient nous donner une capacité d'exportation de 2,3 millions de barils de bitume brut de l'autre côté de la frontière chaque jour.
    La taille et le nombre des raffineries américaines ainsi que la taille et le nombre des pipelines destinés au marché américain sont considérables, parce que cela signifie que les raffineries américaines vont avoir la capacité d'absorber toutes les hausses attendues dans l'exploitation des sables bitumineux de l'Alberta au cours des 10 prochaines années et probablement au-delà. Autrement dit, nous vous avons déjà mis en garde et nous continuons de le faire: si nous les laissons à elles-mêmes, les sociétés énergétiques pourraient décider qu'elles n'ont plus besoin de nouvelles usines de valorisation en Alberta, même lorsque l'économie mondiale sera rétablie et que les prix internationaux du pétrole auront rebondi.
(1155)
    C'est exactement le scénario que nous voyons se déployer en Alberta en ce moment. Presque tous les projets de valorisation qui étaient dans l'air avant la récession ont été mis au rancart ou abandonnés, même si les prix du pétrole sont remontés et que l'investissement dans les sables bitumineux commencent à reprendre.
    Presque tous les nouveaux 250 000 barils de bitume extrait par jour en 2009 a été exporté de l'Alberta sous forme brute. Même des inconditionnels comme Suncor et Syncrude, qui valorisaient tout leur bitume en Alberta avant, exportent des quantités de bitume brut de plus en plus importantes.
    Un autre exemple sur lequel j'aimerais attirer votre attention fait les manchettes aujourd'hui, la première page de la section affaires du Globe and Mail. L'article porte sur Husky Energy, qui a décidé d'investir un autre milliard de dollars dans les sables bitumineux de l'Alberta. Il faut absolument souligner que le projet dont il est question dans l'article, le projet Sunrise, ne vise que l'extraction et qu'Husky va envoyer tout le bitume extrait de cette mine dans deux raffineries qu'elle a achetées en Ohio.
    Si l'on n'augmente pas la valorisation effectuée en Alberta, le Canada va perdre des milliers de bons emplois en valorisation, en raffinage ainsi qu'en production pétrochimique en général. Nous allons perdre aussi des milliers d'emplois dans l'entretien des usines et les domaines connexes. Plutôt que de créer des emplois à long terme et à valeur ajoutée dans les endroits comme Fort McMurray, Fort Saskatchewan ou Edmonton, nous allons exporter ces emplois avec les pipelines jusqu'en Ohio et en Illinois, entre autres. Quand le pipeline Keystone XL sera prêt à entrer en fonction, beaucoup d'emplois vont migrer vers des endroits comme le Texas, le Mississippi et l'Alabama. C'est la première grande fissure dans l'économie de l'Alberta, et de notre point de vue, elle risque de devenir un immense gouffre.
    La deuxième fissure dont je veux vous parler, c'est les redevances. Il faut d'abord et avant tout nous rappeler qui est propriétaire des ressources énergétiques de l'Alberta. Ce ne sont pas les sociétés qui les exploitent. Ce ne sont pas celles qui exploitent les pipelines. Malgré tout ce que le gouvernement américain peut affirmer avec ses stratégies continentales sur l'énergie, ce n'est pas lui. Nos ressources énergétiques appartiennent au public canadien. Le gaz, le pétrole et les sables bitumineux de l'Alberta appartiennent aux Albertains. Les redevances ne sont pas une chose que nous payons. Les redevances sont le prix que nous demandons aux entreprises pour exploiter et vendre les ressources. C'est extrêmement important. Les redevances ne sont pas une taxe. C'est un prix, un prix que nous recevons pour vendre une chose qui nous appartient, un prix que les entreprises exploitantes paient pour obtenir ce dont elles ont besoin pour faire des affaires.
    Il faut aussi mentionner que ces entreprises ne paient de redevances qu'une fois qu'elles ont remboursé tous leurs coûts et qu'elles ont encaissé un profit normal d'environ 10 p. 100. Tout ce qui dépasse ce seuil correspond à ce qu'on appelle les bénéfices tirés des ressources. Le problème en Alberta, à notre avis, c'est que notre gouvernement provincial est trop laxiste dans ses mesures pour récolter des bénéfices auxquels il a droit à titre de propriétaires de la ressource.
    À cet égard, j'aimerais porter à l'attention du comité une étude récente produite par le Parkland Institute, qui relève de la Faculté des arts de l'Université de l'Alberta. Dans son étude intitulée Misplaced Generosity, qui est sortie la semaine dernière, le Parkland Institute montre que le gouvernement de l'Alberta vise toujours à toucher entre 50 et 70 p. 100 de bénéfices tirés des ressources dans le secteur de l'énergie, mais qu'il n'atteint jamais ces objectifs.
    Au cours des dernières années, il n'a jamais même atteint l'échelon inférieur de cette fourchette. Donc en moyenne, depuis 10 ans, le gouvernement albertain ne tire que 47 p. 100 des bénéfices qu'il pourrait tirer de ces ressources. Il en résulte qu'il laisse passer littéralement des milliards de dollars de recettes qu'il pourrait encaisser au nom des citoyens propriétaires de la ressource et qu'il pourrait épargner ou dépenser pour la prestation de services publics de qualité. Ces chiffres touchent l'industrie de l'énergie dans son ensemble.
    La situation est encore pire pour ce qui est des sables bitumineux. En moyenne, depuis 10 ans, le gouvernement ne profite que de 14,6 p. 100 des bénéfices tirés des ressources.
    Je vois que vous me faites signe de conclure, donc je vais laisser tomber la partie sur les conséquences involontaires, mais je vais encourager les membres du comité à me poser des questions à ce sujet en temps et lieu. Je vais plutôt vous présenter deux propositions de solutions et vous poser une question.
(1200)
    D'après nous, la première solution que les gouvernements provincial et fédéral devraient envisager serait de négocier la mise en place d'un plan national de l'énergie. Nous sommes parmi les rares pays producteurs d'énergie au monde qui n'ont pas de plan-cadre en matière d'énergie pour régir la création d'emplois, la construction d'installations, les incidences environnementales de l'exploitation et la création de débouchés pour l'énergie verte. Faute de plan, il y a des décisions qui se prennent, mais elles ne sont pas prises par les élus comme vous-mêmes, qui devez rendre des comptes au public; ce sont plutôt les dirigeants de l'industrie qui les prennent. Je serais porté à vous dire que ce qui est bon pour l'industrie n'est peut-être pas bon pour le public et que dans bien des cas, ce n'est pas bon pour lui.
    La deuxième proposition que je voudrais vous faire est liée à la première: pour élaborer une politique de l'énergie qui protège l'intérêt public, les gouvernements provincial et fédéral devront cesser d'avoir peur de faire preuve d'interventionniste dans le domaine des sables bitumineux. En fait, je pense que le gouvernement de l'Alberta et le gouvernement fédéral devraient tirer des leçons du bilan de l'ancien gouvernement albertain de Peter Lougheed. Il a bâti une industrie pétrochimique en Alberta alors qu'il n'y en avait jamais eu avant grâce aux leviers de la politique publique économique pour créer des conditions favorables à l'investissement.
    Pour terminer, j'aimerais poser une question. Compte tenu du bilan du gouvernement albertain dans ce domaine, est-ce qu'on peut laisser ce gouvernement à lui seul prendre des décisions qui vont avoir des répercussions non seulement sur l'Alberta, mais sur tout le pays? Nous formons une petite économie, une petite population, et je suis d'avis que de bien des façons, notre gouvernement provincial est devenu captif de l'industrie; il ne peut pas de lui-même prendre des décisions en matière d'exploitation de la ressource dans le vaste intérêt public.
    Je vais m'arrêter là, et je serai heureux de répondre à vos questions.
(1205)
    Je vous remercie tous beaucoup de vos exposés.
    Nous allons passer aux questions et aux observations.
    J'aimerais mentionner que Marcel Coutu de Syncrude devra nous quitter à 12 h 30, donc si vous voulez lui poser des questions, pensez à le faire au premier tour de table.
    Sans plus tarder, passons aux questions, à commencer par M. Andrews, qui a jusqu'à sept minutes.
    La parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    Je vais poser ma première question à M. Coutu.
    Au début de votre exposé, vous avez dit que si nous n'exploitions pas les sables bitumineux, nous devrions importer du pétrole. Comme nous effectuons une étude sur notre sécurité énergétique, j'aimerais que vous nous expliquiez un peu plus votre point de vue. Vous avez donné des chiffres et vous avez dit que si nous n'exploitons pas nos ressources, nous allons devoir importer du pétrole d'autres pays. Je pense que vous êtes probablement le premier témoin à ce jour à faire allusion à notre propre sécurité énergétique, donc j'aimerais que vous nous en parliez un peu.
     Avec plaisir, et je vais vous donner quelques chiffres approximatifs. Le Canada produit environ 3 millions de barils de pétrole brut par jour, un peu plus si l'on inclut les liquides du gaz naturel. Nous exportons entre 1,5 et 2 millions de barils de pétrole chaque jour.
    L'industrie des sables bitumineux produit environ 1,5 million de barils par jour, et le Canada en consomme 1,5 million, donc si vous faites le calcul, il manquerait au Canada jusqu'à 500 000 barils par jour. Ces chiffres sont très approximatifs, mais je pense que nous sommes en train de dépasser le seuil à partir duquel nous ne pouvons plus répondre à la demande des Canadiens seulement avec la production de pétrole classique. La production classique à elle seule ne suffit pas à approvisionner le Canada. Elle est en déclin, et ce, depuis environ 5 ans.
    Sans les sables bitumineux, nous sommes un importateur net. Les données le montrent clairement.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à Gillian.
    Gillian, vous avez fait mention des bassins de décantation des résidus toxiques. Est-il déjà arrivé que les barrages d'un bassin de décantation brisent au Canada?
    Il y a l'exemple d'un des bassins de Suncor. L'un des murs du barrage s'était fissuré, mais il a été réparé depuis. Dans le monde, le type de barrage utilisé pour les bassins de décantation des résidus a dix fois plus de risque de briser qu'un barrage hydroélectrique classique, si l'on peut dire, donc il y a un risque général.
    J'ai donné l'exemple du bris d'une digue de cendre de houille au Tennessee il y a deux ans. La cendre de houille est un déchet qu'on trouve aux États-Unis et qui vient de la production alimentée au charbon. La construction de cette digue ressemblait passablement à celle des bassins de décantation des résidus de sables bitumineux, dont le niveau monte sans cesse avec le temps. L'un des murs a cédé, et la boue toxique a fui dans la rivière Emory.
    Au Canada, il n'y a jamais eu de bris majeur des bassins de décantation des résidus.
(1210)
    Pas encore.
    Vous dites que ces bassins posent des problèmes au Canada. S'il y avait un bris, quels seraient les problèmes d'après vous?
    Il y a des rapports là-dessus. Je peux vous recommander une étude menée par l'Institut Pembina, qui a creusé des rapports d'ingénieurs sur les bassins de décantation existants et qui décrivaient des faiblesses dans leurs murs.
    Mes autres questions s'adressent à Gil, pour poursuivre notre conversation sur le raffinage au Canada.
    Vous avez dit que votre organisme avait déploré à maintes reprises ces dernières années que le Canada n'arrive pas à raffiner ses propres ressources naturelles. Comment pouvons-nous inciter les entreprises à faire plus de raffinage ici? Comment pouvons-nous nous attaquer au noeud du problème, soit aux raisons pourquoi nous ne faisons pas plus de raffinage au Canada?
    Eh bien, je pense que tout cela se résume à une décision idéologique prise par le gouvernement de l'Alberta. Par le passé, d'autres gouvernements conservateurs de la province, en particulier celui de Peter Lougheed, ont recouru à une combinaison de règlements et même, dans certains cas, à une nationalisation pour promouvoir la production à valeur ajoutée dans le secteur de l'énergie.
    Plus récemment, les gouvernements albertains ont fondamentalement laissé aux forces du marché les décisions concernant l'investissement. C'est donc le marché qui décide, et pour un certain nombre de raisons, on a opté pour la construction d'installations de valorisation aux États-Unis. D'abord, il est dans certains cas moins coûteux de simplement réoutiller les raffineries existantes dans des régions comme le midwest américain et la côte du golfe — deux foyers importants de la pétrochimie aux États-Unis —, que de construire de nouvelles installations au Canada. On a également pris ces décisions à cause des pressions exercées en faveur du développement de pipelines. Donc, jusqu'à tout récemment, la capacité pipelinière, spécialement en ce qui concerne l'exportation de bitume brut, était limitée, mais à la suite de récentes autorisations accordées par l'Office national de l'énergie, nous avons maintenant ce que nous qualifierions d'autoroutes pour le bitume, qui emportent les ressources.
    L'intérêt des entreprises américaines envers une stratégie continentale et la construction d'installations aux États-Unis, conjugué au fait que nous avons construit des conduits leur permettant d'acheminer le bitume là-bas, a incité les sociétés à expédier la ressource de l'autre côté de la frontière.
    Notre position est que, même si les entreprises ont toutes sortes de bonnes raisons d'effectuer leur valorisation et leur raffinage aux États-Unis, cette décision ne sert pas nécessairement les intérêts de la population canadienne et n'est pas nécessairement une initiative que nous devrions appuyer ici.
    Nous devrions tirer des leçons de l'ère Lougheed, en particulier. Il y a un parallèle très étroit à établir, en fait, entre ce qui s'était produit dans les années 1970 avec le gaz naturel et les produits pétrochimiques, et ce qui arrive maintenant avec le bitume. À son arrivée au pouvoir, le gouvernement Lougheed avait fait face à un problème. Le gaz naturel était exporté à l'état brut et les liquides du gaz naturel, comme on les appelait, et surtout l'éthane, étaient expédiés aux États-Unis où ils servaient de matières premières pour des produits pétrochimiques, du plastique et autres choses du genre. Ce sont donc des usines de l'Est du Canada et des États-Unis qui obtenaient tous les emplois et qui en profitaient.
    Peter Lougheed et son gouvernement avaient décidé que cela allait à l'encontre des intérêts de la population albertaine en général. Il avait donc recouru à un mélange de réglementation et d'investissements publics pour changer la situation. Par exemple, l'Alberta Energy Company Limited, qui est devenue Encana à la suite d'une privatisation, était une société publique mise sur pied par le gouvernement albertain pour utiliser ce précieux éthane et le transformer en produits pétrochimiques. On a donc créé une nouvelle industrie de plusieurs milliards de dollars.
    La réponse brève à votre question, c'est que nous avons besoin qu'on considère ce qui n'est pas envisagé en ce moment, à savoir que le gouvernement joue un rôle actif pour répondre à notre besoin de réglementation et de contrôle public. Autrement, le marché continuera d'exporter littéralement des milliers et des milliers d'emplois à valeur ajoutée par le biais de ces pipelines.
    Merci, monsieur McGowan.
    Merci, monsieur Andrews.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Brunelle, du Bloc québécois, pour sept minutes maximum.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Coutu.
     On nous dit souvent que l'exploitation des sables bitumineux est vraiment un désastre pour l'environnement, pour la faune...
(1215)

[Traduction]

    Madame Brunelle, pourriez-vous attendre quelques secondes, le temps que nous mettions des écouteurs en place pour nos témoins?

[Français]

    D'accord.

[Traduction]

    Continuez, je vous prie.

[Français]

    Monsieur Coutu, on voit de plus en plus que....

[Traduction]

    Je n'ai pas entendu les propos de Mme Brunelle. J'ai entendu les deux premières phrases, puis plus rien. Je serai heureux de répondre aux questions posées, mais Mme Brunelle devra répéter ce qu'elle a dit.
    Elle va maintenant reprendre depuis le début.
    Très bien. J'écoute, et je vous laisserai savoir si je n'arrive pas à entendre.
    D'accord.

[Français]

     Monsieur Coutu, on parle de plus en plus du désastre environnemental causé par l'exploitation des sables bitumineux. Il touche la faune, l'exploitation forestière et ainsi de suite. Je suis allée en Alberta à la fin de l'été. Une étude parlait d'un niveau élevé de métaux et de toxines rejetés dans la rivière Athabasca.
    Quelle est votre réaction? Est-ce que Syncrude a l'intention de réagir, de faire quelque chose face à cette situation? Avez-vous amélioré vos procédés, vos façons de faire?

[Traduction]

    Monsieur Coutu.
    Merci de votre question.
    D'après ce que j'ai compris, votre question concerne l'impact sur la biodiversité des forêts, de la faune, etc., mais aussi les produits chimiques qui se retrouvent dans l'eau de la rivière et les procédés auxquels nous recourons.
    Nous faisons de l'extraction à ciel ouvert, alors nous dépouillons toutes les forêts de leurs arbres. Nous préservons toute la terre végétale. Puis, nous faisons nos opérations d'exploitation minière, et lorsqu'elles sont terminées, nous remettons en place cette terre végétale et replantons des arbres. Ce processus prend de 20 à 40 ans. Nous avons prouvé que nous pouvions le faire. Ainsi que je l'ai dit plus tôt, nous menons nos activités depuis assez longtemps — depuis 30 ans —, pour avoir pleinement remis en état et restitué à la province des terres certifiées. Donc, je pense que ce cycle fonctionne très bien.
    Quant à votre autre question sur la toxicité de la rivière, rappelez-vous que celle-ci traverse la formation de sables bitumineux de l'Athabasca, et il en est ainsi depuis qu'elle a commencé à couler dans cette région, il y a de nombreux millénaires. Donc, le niveau de toxicité témoigne de ce qu'il y a au fond de la rivière, si vous voulez, et nous n'avons rien à y voir. L'industrie de l'exploitation des sables bitumineux ne rejette aucune eau traitée dans la rivière. Il y a bien un certain retour d'eau assainie qui est réalisé, mais c'est la même chose que dans n'importe quelle municipalité: il s'agit d'eau traitée. Toute l'eau traitée est contenue dans nos bassins de décantation des résidus, et nous la recyclons dans le cadre de notre processus. Donc, nous ne changeons rien aux caractéristiques chimiques de la rivière et nous extrayons seulement, en moyenne, 1 p. 100 du débit de la rivière.
    Je pense que nos procédés sont très bien éprouvés. Ils sont assujettis à un examen strict par le gouvernement de l'Alberta et sont surveillés par deux conseils des eaux indépendants.
    Pendant que j'y suis, si vous me le permettez, monsieur le président, je formulerai des commentaires sur d'autres questions ayant trait à l'eau. À ce que je sache, il n'y a eu aucune brèche dans les barrages en terre chez Syncrude ou ailleurs. Et s'il y en a eu, elles étaient probablement très mineures, ce qui expliquerait pourquoi je n'en ai jamais entendu parler. Je travaille dans ce domaine depuis plus de 10 ans. Les barrages sont étroitement surveillés par des experts en géotechnique qui travaillent pour l'industrie, mais aussi pour des tiers indépendants. Des puits ont été creusés autour de l'ensemble des bassins de résidus pour que nous puissions détecter tout écoulement dans le sol. Grâce à ces puits et à des fossés de crête, nous recueillerons tout écoulement qui pourrait provenir de ces barrages et le renverrons par pompage dans le bassin de résidus. Donc, l'eau est maintenue là, et continue d'être recyclée. Bien sûr, lorsqu'elle s'évapore, elle retourne dans l'atmosphère de façon très propre.
    À long terme — et Suncor l'a prouvé — ces bassins deviennent remplis de sable et de sédiments, et eux aussi finissent par être recouverts de terre végétale et remis en état.
    Je m'en tiendrai là, mais si vous le voulez, je vous parlerai avec plaisir des installations de valorisation ainsi que de la création de richesses dans l'avenir grâce à ces vastes activités d'exploitation.
(1220)

[Français]

    Merci, monsieur Coutu.
    Madame McEachern, vous avez abordé plusieurs questions intéressantes, entre autres l'incidence de l'exploitation des sables bitumineux sur l'économie. C'est une chose dont on entend peu parler. La hausse de la valeur du dollar due à l'exploitation des sables bitumineux fait en sorte que les exportations diminuent, sont de plus en plus difficiles. Au Québec comme en Ontario, beaucoup d'entreprises manufacturières ont fermé leurs portes. Vous nous dites qu'il faudrait présenter un plan sur l'énergie qui serait juste pour tout le pays. Je pense que c'est une idée très intéressante.
    Par ailleurs, on étudie la sécurité énergétique dans le cadre de ce comité, mais on ne parle jamais d'économie d'énergie. On veut assurer la sécurité énergétique, mais pourquoi ne fait-on pas plus d'efforts dans le sens de l'économie d'énergie? On parle peu d'énergie propre, d'énergie renouvelable. Peut-on s'attendre à ce que le plan sur l'énergie que vous suggérez traite des deux éléments dont je viens de vous parler?

[Traduction]

    Oui, j'estime que votre comité et n'importe quel genre de stratégie ou discussion nationale sur l'énergie ont tout à fait un rôle à jouer pour traiter des impacts économiques et des implications de notre sécurité énergétique. Nous voyons des provinces comme l'Ontario et le Québec investir massivement dans la transition vers des sources d'énergie propre — en Ontario, on délaisse le charbon, et le Québec a bien sûr l'hydroélectricité — et, chemin faisant, créer des emplois, ce qui leur permet d'en retirer des avantages économiques.
    Je pense que tant que nous n'aurons pas eu de débat national sur la manière de gérer les impacts négatifs de la production accrue de sables bitumineux, nous aurons du mal à en arriver à une véritable stratégie énergétique nationale. Il nous faut voir de quelle manière nous pouvons nous inspirer d'exemples comme celui de la Norvège et nous y adapter. Puis, il faudra discuter franchement du rythme et de l'ampleur du développement énergétique au Canada, particulièrement en ce qui concerne les combustibles fossiles, à la lumière de la nécessité de s'attaquer aux changements climatiques.
    Il y a une autre question liée à l'équité entre les régions dont je n'ai pas parlé au cours de mes remarques, tout à l'heure. Alors que nous cheminons vers un système fédéral destiné à réduire la pollution causant le réchauffement planétaire et les gaz à effet de serre, notre pays a une cible définie. En théorie, nous avons une limite ferme pour nos émissions de gaz à effet de serre. Si une industrie continue de croître très rapidement, cela risque de réduire d'autres secteurs de l'économie à une part de plus en plus petite du budget carbone. Certains intervenants de l'industrie pétrolière, dont M. Coutu, avaient dit, au cours d'une visite en Ontario l'an dernier, qu'ils trouvaient cela approprié et qu'on devrait le permettre. Mais du point de vue d'une aluminerie du Québec ou de l'industrie forestière de l'Ontario, ce n'est probablement pas si souhaitable.
    Devrait-on permettre à un secteur particulier de croître au point de contraindre tous les autres à assumer des réductions plus importantes? Ou faudrait-il, en fait, fixer des limites absolues pour les industries polluantes comme celle des sables bitumineux?
    Merci, madame McEachern. Le temps est écoulé.
    Avant de céder la parole à M. Cullen, monsieur Coutu, je vous informe que deux autres personnes interviendront pendant environ sept minutes chacune. S'il vous était possible de rester parmi nous quelques minutes passé 12 h 30, nous vous en serions bien reconnaissants.
    Monsieur le président, je prolongerai avec plaisir ma participation à la séance. Je serai donc heureux d'échanger avec ces personnes dès que possible.
    Monsieur Cullen, vous avez la parole pour sept minutes au plus.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Coutu, comme vous le constatez, nous n'avons pas beaucoup de temps, alors je serai bref et je vous prierais d'en faire autant le plus possible.
    Divers secteurs de l'économie canadienne ont réclamé une stratégie ou, à tout le moins, une discussion nationale en matière de sécurité énergétique. Syncrude serait-elle opposée à une telle discussion?
    Non. En fait, je crois qu'on devrait reconnaître que nous comptons parmi ceux qui prônent une stratégie énergétique nationale, qui nous permettrait à tous de mieux planifier le développement des sables bitumineux.
(1225)
    Merci.
     Lorsqu'on parle de sécurité énergétique, on dit habituellement qu'un pays a besoin d'un avenir énergétique abordable, sécuritaire et durable. Est-ce là trois éléments essentiels dont vous tiendriez compte également dans le cadre de cette discussion?
    Je pense que nous devons garantir notre sécurité énergétique. Mais souvenez-vous que, lorsqu'il s'agit de pétrole brut, nous sommes dans un marché mondial. En tant que pays, on ne doit pas agir unilatéralement, car on ne fera qu'isoler l'économie qu'on aura créée au moyen de subventions ou autre politique qu'on aura appliquée. Donc, il faut toujours traiter des questions pétrolières dans une perspective de marché libre et ouvert.
    Je vous rappelle également qu'aux termes de notre accord de libre-échange, nous devons agir ainsi avec les États-Unis. Nous ne pouvons pas subventionner le secteur, ni retenir les exportations, et ainsi de suite. Donc, l'approche doit être globale.
    Bien sûr; je vous remercie.
    Pouvez-vous comprendre les inquiétudes de M. McGowan à l'égard de l'exportation de bitume brut et de l'exportation d'emplois qui y est associée? D'après les données, nous passerons d'une valorisation effectuée au Canada dans une proportion de 70 p. 100 à un pourcentage estimé à 48 p. 100 d'ici 2019 si la construction des pipelines a lieu comme prévu. Je sais que vous n'êtes pas une société pipelinière. Mais je suis certain que vous êtes un fier Canadien et Albertain, et que vous trouvez sans doute troublant que la moitié de la matière première soit valorisée à l'étranger.
    Non seulement je comprends les inquiétudes de M. McGowan, mais je sympathise avec lui. Je suis tout aussi Canadien que n'importe qui d'autre, et j'aimerais beaucoup que davantage de produits que nous fabriquons dans ce pays soient valorisés au Canada.
    Mais la triste réalité économique à laquelle nous sommes confrontés, c'est qu'une partie des installations de valorisation des États-Unis sera rendue disponible. D'après ce que j'ai compris, certaines de ces installations sont construites en tant que rallonges aux raffineries existantes, ce qui signifie que dans ces endroits, cela coûte bien moins cher. Mais une partie de cette capacité a été libérée sans qu'il en coûte rien, surtout parce que le Venezuela, le Mexique et même le Moyen-Orient ont réduit leur volume d'exportation de pétroles bruts lourds aux États-Unis, ce qui a rendu toute cette capacité de valorisation disponible à très faible coût et a fait grimper les prix aux enchères de cette matière première du Canada.
    Cela fait en sorte que la construction d'installations de valorisation ici, à partir de rien, est extrêmement peu économique. Ce désavantage est aggravé par le fait que les salaires de la main-d'oeuvre, qui comptent probablement pour la moitié de toute opération, sont bien plus élevés ici qu'aux États-Unis.
    Laissez-moi dire un mot là-dessus.
    Eh bien, laissez-moi terminer.
    C'est pour cela qu'aucune personne ayant des notions d'économie n'investira dans une installation de valorisation. Le seul moyen serait de financer cette construction par des subventions du gouvernement, ce qui reviendrait à brûler de l'argent. Voilà ce que je vous dirais.
    Au cours de votre exposé, monsieur Coutu, vous avez parlé de la vitalité économique de l'industrie des sables bitumineux et de son importante contribution au Canada mais, du même souffle, vous avez dit que les réalités économiques en réduiraient l'impact avec les années.
    Monsieur McGowan, M. Coutu affirme qu'en raison d'une simple loi de l'économie, compte tenu qu'une capacité de valorisation à meilleur marché a été rendue disponible aux États-Unis, nous devons continuer à permettre que davantage de bitume parte de l'Alberta et, par conséquent, qu'il y ait plus d'emplois qui quittent la province également. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux auraient-ils lieu de décréter que nous devons chercher, ainsi que l'a fait M. Lougheed, à créer davantage de richesses pour le Canada grâce aux ressources canadiennes?
    Je ne crois pas que les Canadiens devraient baisser les bras en se disant que les forces du marché ont tranché. En fin de compte, à notre avis, c'est un choix qu'ont fait nos dirigeants. Il est regrettable que ce choix ait été rendu encore plus difficile par la décision des gouvernements albertain et fédéral d'accorder, par l'entremise de l'ONE, l'autorisation de construire ces gigantesques pipelines de bitume qui relient l'Alberta aux raffineries désireuses de s'approvisionner en nouvelles sources pétrolifères. N'eût été de cette décision et de ces autorisations, nous aurions été plus à même de faire de la valorisation ici.
    En fait, le gouvernement albertain savait qu'en construisant ces pipelines, on nuirait à l'avantage concurrentiel de l'industrie albertaine. Avant même la construction des pipelines Keystone et Alberta Clipper, les économistes du gouvernement lui avaient dit que l'un des grands avantages concurrentiels de l'Alberta était l'accès de ses raffineries à une matière première relativement bon marché sous forme de bitume. Le bitume était en quelque sorte une ressource délaissée. Il nécessitait plus de raffinage que les pétroles bruts traditionnels. En conséquence, il était moins cher. Nous aurions pu utiliser cette ressource peu coûteuse pour alimenter nos raffineries et créer une plus grande industrie du raffinage, mais nous avons nui à notre avantage concurrentiel en construisant ces pipelines.
    Cela dit, ce qui est fait est fait. Maintenant, la seule possibilité qui s'offre à nous est une restriction à l'exportation, ce qui est exactement la mesure qu'avait prise Peter Lougheed à son époque. Il avait essentiellement déterminé que, dans le cas du gaz naturel, les sous-produits du gaz naturel, et en particulier l'éthane, devaient être mis à la disposition des entreprises canadiennes aux fins d'une production à valeur ajoutée, et ne pourraient être exportés avant que la demande canadienne ait été satisfaite.
(1230)
    Permettez-moi de poser une question à Mme McEachern avant que le temps soit écoulé.
    Nous avons parlé des bassins de décantation, et on a demandé si l'un des barrages s'était jamais rompu. Toutes les sociétés doivent présenter un plan de mesures d'urgence. Savez-vous si Syncrude ou d'autres sociétés ont rendu publics leurs plans de mesures d'urgence en cas de rupture d'un de leurs barrages?
    Vous avez 10 secondes pour répondre, madame McEachern.
    Non, elles ne l'ont pas fait. Les gens l'ont demandé au gouvernement albertain et aux sociétés, mais ils ont refusé.
    Merci.
    Merci, monsieur Cullen.
    La parole est maintenant à M. Shory, pour sept minutes au plus.
    Merci, monsieur le président, et merci également aux témoins d'être parmi nous cet après-midi.
    Je suis submergé par les chiffres, monsieur le président. Il y a tellement de points de vue contradictoires, ici. D'un côté, nous nous penchons sur la sécurité énergétique. Je pense que nous saisissons tous que les besoins en énergie augmenteront à l'échelle mondiale dans les temps qui viennent. M. Coutu a émis un commentaire selon lequel toutes les formes d'énergie devraient être exploitées de façon responsable. D'après son exposé, il semble que le secteur des sables bitumineux améliore constamment la technologie et travaille de manière responsable.
    J'ai deux questions à poser à M. Coutu. Il a dit que l'industrie des sables bitumineux était vitale sur le plan économique, non seulement pour l'Alberta, mais pour le Canada également. Premièrement, j'aimerais, monsieur Coutu, que vous élaboriez là-dessus.
    Je poserai ensuite une autre question. Je voudrais que vous me disiez, en somme, si le développement de cette industrie a un impact pour les emplois canadiens ou albertains. Quelle incidence, directe ou indirecte, cela a-t-il sur les emplois?
    Allez-y, monsieur Coutu.
    Je vais vous citer une statistique primordiale qui est à jour. Le Canadian Energy Research Institute a publié un rapport il y a moins d'un an. D'après ce rapport, au cours des 25 prochaines années, l'industrie des sables bitumineux contribuera à hauteur de 1,7 billion de dollars à l'économie canadienne. Cela fait un montant faramineux, avec beaucoup de zéros. Mais je peux traduire cela en termes du nombre d'emplois créés au pays, c'est-à-dire 500 000 postes pour les travailleurs canadiens, qui seront répartis dans toutes les provinces. Je ne vous donnerai pas les chiffres pour chacune des provinces. Évidemment, la plupart des emplois seraient en Alberta, mais un nombre important serait dans l'Est du Canada également, y compris en Ontario et au Québec.
    Au sujet de ces emplois, j'ai entendu le représentant de l'Alberta Federation of Labour, M. McGowan, mentionner que la quantité totale de bitume raffiné en Alberta avait chuté, en passant de 70 à 63 p. 100. Néanmoins, la quantité réelle de bitume raffiné a augmenté. À mon avis, la baisse du raffinage en général n'indique pas nécessairement une véritable perte d'emplois en Alberta.
    Donc, monsieur Coutu, pourriez-vous nous dire ce que signifie l'expansion de l'exploitation des sables bitumineux du point de vue des gains d'emploi pour ma province de l'Alberta, et pour le Canada dans l'ensemble également?
(1235)
    Monsieur Coutu.
    Je ne suis pas certain d'avoir bien compris votre question, mais l'essentiel de votre argument est que, même si un pourcentage moins élevé de bitume est valorisé ici — vous avez raison — il y a davantage de bitume qui est valorisé. En fait, je vous parlerai seulement de Syncrude. Syncrude, qui est le plus grand projet minier, ne vend pas un seul baril de bitume. Nous valorisons tous les barils que nous vendons. La situation de Suncor est très semblable, tout comme celle de Canadian Natural ou de Shell. Donc, les projets miniers, dans l'ensemble, valorisent la majorité de leur production. Et quand je dis la majorité, il s'agit de 90 p. 100 ou plus, et certains de ces projets sont tout nouveaux. Donc, le pourcentage absolu par baril a augmenté.
    Ainsi, alors que le volume d'exportation du bitume aux États-Unis et dans les usines de traitement américaines a augmenté, aucun emploi n'a été perdu dans la province. De fait, l'accroissement de l'ensemble de la production a augmenté le nombre d'emplois en général.
    Je conviens que s'il y avait davantage de valorisation ici, il y aurait certainement plus d'emplois au Canada. Mais à mon avis, la dépense qui serait nécessaire pour créer ces emplois serait excessive par rapport aux avantages de verser un salaire aux travailleurs. Donc, j'estime qu'on prend la bonne décision économique, en cette période où l'écart de prix entre un baril de pétrole valorisé et un baril de bitume — qui est le vrai facteur déterminant dans tout cela — est assez mince.
    Ainsi donc, il n'y a pas grand profit à réaliser grâce à la valorisation, et c'est pourquoi personne ne souhaite se lancer dans cette entreprise. Si l'écart de prix changeait et revenait au niveau historique, des installations de valorisation seraient de nouveau construites au Canada. C'est réellement ce qui motive ce choix économique.
    J'ai encore une petite question.
    Monsieur Coutu, j'ai constaté, dernièrement, que l'exploitation des sables pétrolifères soulève un certain nombre d'inquiétudes pour l'environnement et je peux comprendre que Mme McEachern parle de sables bitumineux plutôt que de sables pétrolifères, même si, pour votre part, vous nous dites chanceux de posséder cette richesse au Canada. Ma question est comment l'industrie prévoit-elle de réduire davantage les émissions de gaz à effet de serre dégagées par l'exploitation des sables pétrolifères?
    Les gaz à effet de serre présentent un défi énorme pour nous tous. Sachons tous que les gaz à effet de serre proviennent de la consommation d'énergie sous toutes ses formes. Nous consommons principalement l'énergie du gaz naturel et, aussi, les gaz dégagés par la valorisation du combustible.
    Grâce aux technologies nouvelles et à l'apport de capitaux, nous continuons d'améliorer le rapport de la consommation à la production de pétrole. Notre industrie a réduit cette empreinte de gaz à effet de serre de 40 p. 100 au cours des 20 dernières années. Je pense que ce résultat est trois ou quatre fois mieux que l'amélioration de la consommation de gaz naturel ou des émissions de gaz carbonique ou, encore, de la consommation d'essence au kilomètre, dans le secteur de l'automobile. Tout le monde donc cherche à rendre plus efficace la consommation d'énergie et à diminuer la production de gaz carbonique. Nos investissements et nos améliorations sont probablement supérieurs à ceux de toute autre industrie, et nous continuons de les accroître.
    La prochaine question est destinée à qui veut bien y répondre.
    L'année dernière, je crois, j'ai entendu des personnes de la gent politique proposer ou préconiser l'arrêt total de l'expansion des sables pétrolifères. Cet arrêt aiderait-il économiquement le Canada, de quelque manière que ce soit?
    Tout arrêt brusque serait une opération extrêmement complexe, en raison de la masse des investissements dans les sables pétrolifères qui n'ont pas abouti encore à une mise en production.
    C'est comme un contrat. Nous avons attiré des capitaux au pays, et il continue d'en arriver. La production augmente. Pour arrêter l'exploitation des sables pétrolifères, il faudrait probablement attendre 20 ou 30 ans, si l'on veut honorer les contrats en vigueur.
    Dans le secteur des sables pétrolifères, la croissance n'est pas phénoménale. On entend beaucoup de chiffres selon lesquels la production double à tous les 10 ou 15 ans. Je pense qu'il sera très difficile de maintenir ce rythme. Nous serons chanceux si nous y parvenons.
    Par ailleurs, je pense que la croissance continue de se faire de façon de plus en plus responsable. La croissance, dans le secteur de l'extraction minière des sables pétrolifères, celui sur lequel l'attention est concentrée, parce qu'il heurte davantage le sens esthétique que l'industrie du forage classique... Mais la priorité, en matière de croissance, au cours des 20 à 30 prochaines années ira au forage, parce que 80 p. 100 des ressources ont besoin d'être extraites par des techniques de forage. Nous ne pouvons plus exploiter par des méthodes minières l'extérieur de l'enveloppe à l'intérieur de laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, parce que le réservoir est trop profond et non économique...
(1240)
    Monsieur Coutu...
    Je pense donc que nous devrions laisser les mines aller jusqu'au bout de leur existence et surveiller comment l'industrie du forage continuera d'exploiter cette ressource, comme elle l'a fait pendant des années...
    Monsieur Coutu, je dois vous interrompre ici. M. Shory a utilisé davantage de temps que ce qui lui était accordé.
    Je sais que vous devez partir. Je tiens à vous remercier très chaleureusement d'avoir bien voulu apporter votre témoignage par téléconférence. Merci.
    Je vous en prie. Je suis heureux d'être ici.
    Au revoir à tous.
    Nous entamons maintenant la deuxième série de questions, à raison de quatre minutes par intervenant, car c'est tout le temps dont nous pourrons disposer.
    Nous commençons avec M. Tonks et, peut-être, M. Andrews, ensuite, si M. Tonks pose des questions brèves.
    Ce sera un défi à relever. Merci, monsieur le président.
    Ma question concerne des commentaires de Mme McEachern. On nous a, pour ainsi dire, maintenus dans l'illusion que le problème des bassins de résidus concernait l'infiltration et la fuite, jusque dans la nappe phréatique, des substances toxiques qui se trouvent dans ces bassins. Mme McEachern a évoqué les événements survenus en Hongrie et, pour nous tous, c'est la représentation graphique du risque qui nous guette. Est-ce l'échelle de la catastrophe qui pourrait survenir dans la région où on exploite les sables pétrolifères?
    Deuxièmement, existe-t-il l'équivalent d'un plan de mesures correctives? Je fais ici suite aux questions de M. Cullen. C'est-à-dire un plan qui permettrait de mesurer ce qui est fait, l'analyse et la nature du danger, la présentation obligatoire d'un plan responsable, documenté et chronologique.
    Pour répondre d'abord à votre dernière question, non, il n'y a pas de plan. Mais prenons un peu de recul. La question de la percolation des substances retenues dans les bassins de résidus est sans contredit un enjeu important, et je n'en ferai pas abstraction. Nous avons pris les données de l'industrie, ses estimations de l'ampleur quotidienne de la percolation, pour totaliser le phénomène, qui se chiffre à 11 millions de litres par jour. C'est d'après les estimations de l'industrie. C'est donc très préoccupant.
    Quant à la possibilité d'une rupture, le volume de liquide retenu par les barrages des bassins de résidus de l'exploitation des sables bitumineux est beaucoup plus grand qu'en Hongrie. Actuellement, les divers bassins répartis dans le paysage retiennent près d'un milliard de mètres cubes de déchets toxiques.
    Il est donc impossible de dire quel volume s'échapperait, mais certains de ces bassins ont 300 pieds de profondeur, de sorte qu'ils représentent un volume considérable de liquide. Comme des barrages analogues se sont rompus, dans d'autres parties du monde, il serait téméraire de nier que cela n'arrivera jamais ici.
    Il n'existe ni plan fédéral ni plan provincial d'intervention d'urgence. C'est l'industrie qui est chargée d'en préparer. Elle n'en divulgue pas la teneur, qu'elle prétend être la propriété exclusive des entreprises. Donc le public, l'État fédéral, n'a aucun moyen d'évaluer l'état de préparation de chaque compagnie. C'est ce qui est inquiétant. Le rôle du gouvernement fédéral est clair, en raison du risque d'impacts outre frontière et de répercussions au sens de la Loi sur les pêches.
    Monsieur Andrews, vous avez un peu plus d'une minute.
    Ma question s'adresse à M. McGowan sur un sujet connexe, qui n'a pas été soulevé ici aujourd'hui.
    Nous parlons de représenter l'Alberta Federation of Labour. Où en sommes-nous avec la formation, l'hébergement, les compétences dans le secteur des sables pétrolifères? Y a-t-il une insuffisance dans la formation? Je sais que beaucoup de travailleurs appartiennent à ce secteur, un peu partout au pays, et je ne sais pas si vous voulez aborder ce qui se passe en Alberta. À l'échelle du pays, forme-t-on des travailleurs qualifiés pour le secteur des sables pétrolifères?
    Monsieur McGowan, allez-y.
    La meilleure réponse se situe dans le contexte d'un paramètre tenu sous silence, mais que j'estime indispensable à la mise en valeur des sables pétrolifères, le rythme de réalisation des projets.
    Jusqu'à maintenant, les projets se sont succédé au rythme des demandes faites par les sociétés d'exploitation de l'énergie qui les élaborent. Après l'acquisition de terrains, elles présentent leurs demandes de mise en valeur, lesquelles sont presque toujours approuvées. Le rythme des projets n'est pas régulé.
    D'après notre ex-premier ministre Peter Lougheed, il serait peut-être plus logique, pour gérer la mise en valeur en tenant compte de l'environnement et de l'économie, de n'approuver qu'un seul grand projet à la fois. Cela reste à faire.
    Le secteur se comporte presque comme Les Trois Stooges qui, dans leurs films, se retrouvent coincés dans l'embrasure d'une porte par laquelle ils ont essayé tous les trois de s'engouffrer en même temps.
(1245)
    Merci, monsieur McGowan. Je suis désolé.
    Madame Gallant, vous avez quatre minutes.
    J'en venais à la formation. C'est pour nous quelque chose de possible, si nous régulons la mise en valeur. C'est ce que je voulais dire.
    Merci, monsieur le président.
    Je partagerai une partie de mon temps avec M. Allen, s'il en reste.
    J'ai le dernier WikiLeaks. Nous pourrions le qualifier de fuite de Wikipédia. Selon Wikipédia, on appelle parfois « goudron » les dépôts naturels de bitume, appellation impropre, puisque le goudron résulte de la distillation destructive de matières organiques, habituellement le charbon. Le gaz naturel a presque complètement supplanté comme combustible le gaz de charbon. L'asphalte, produit pétrolier, a remplacé le goudron de houille, qui servait au goudronnage de la chaussée. Le bitume naturel ressemble donc davantage à l'asphalte qu'au goudron. L'expression « sables pétrolifères » tend à s'imposer dans les régions productrices parce que l'on en tire un pétrole synthétique.
    Nous sommes un comité sérieux. Nous sommes un comité permanent de la Chambre des communes du Canada. À ce titre, nous voulons être précis. Donc, à moins d'essayer de lancer une calomnie puérile, je demande que nous parlions de sables pétrolifères.
    Les témoins ont dit que leur but n'était pas lucratif. Grâce à vous, monsieur le président, j'aimerais savoir exactement d'où ils obtiennent leur financement.
    Je commence par Mme McEachern. Qui vous finance?
    Je dirais à Mme Gallant d'aller consulter notre rapport annuel sur notre site Web. Je pourrais envoyer un hyperlien au comité. On y trouve l'énumération de nos bailleurs de fonds.
    Monsieur McGowan.
    Monsieur le président, notre fédération est financée par les syndicats qui s'affilient de façon volontaire à notre organisation. Vingt-sept syndicats des secteurs public et privé représentent environ 140 000 travailleurs de l'Alberta. Ces travailleurs versent leurs cotisations à leurs syndicats, qui, à leur tour, nous versent des contributions.
    J'aimerais que la représentante d'Environmental Defence énumère, pour le compte rendu, si elle est en mesure de le faire, certaines des sources de financement pour les organismes sans but lucratif.
    J'invoque le Règlement.
    Veuillez m'excuser, madame Gallant.
    Rappel au Règlement. Monsieur Cullen.
    Je vois où veut en venir Mme Gallant avec ces questions, et je n'ai aucun doute que Mme McEachern peut y répondre, mais je pense que l'on tente de miner la crédibilité d'un témoin devant le comité.
    Monsieur Cullen, c'est discutable.
    Une minute, monsieur le président. C'est comme lorsque nous avons tenté d'élucider les affiliations de différents groupes et que la présidence a décidé que la série de questions que nous posions n'était pas admissible, simplement parce que, aujourd'hui, nous essayons d'établir le dialogue sur la sécurité énergétique. Si Mme Gallant tient à éplucher les dossiers de chacun des témoins — je sais qu'elle ne l'a pas fait pour M. Coutu et qu'elle n'a pas voulu savoir d'où venait son financement — je ne suis pas sûr s'il est profitable pour le comité d'essayer de...
    Monsieur Cullen, cela n'est pas un rappel au Règlement.
    Madame Gallant, la question est légitime.
    Le témoin pourrait-il, s'il vous plaît, répondre à la question?
    Comme je l'ai mentionné, je peux déposer pour le compte rendu notre rapport annuel, dans lequel on énumère nos bailleurs de fonds. Je peux mentionner des exemples, mais je n'en vois pas actuellement l'utilité.
    Madame Gallant.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais que la liste des bailleurs de fonds soit fournie à tous les membres du comité. Je n'ai pas visité le site Web. J'ignore sincèrement d'où viennent les fonds. Mais je sais que, pendant nos études, lorsque différentes études se présentent...
(1250)

[Français]

    J'invoque le Règlement.

[Traduction]

    ... on allègue que...
    Un rappel au Règlement, par M. Coderre.

[Français]

     Je vais m'exprimer en français. Je vais me retenir.
    Je trouve totalement inacceptable qu'on utilise un comité pour insulter des gens crédibles qui viennent y témoigner de bonne foi. On peut poser des questions sur le fond, mais pour ce qui est de la forme, c'est autre chose. Quand on en vient même à questionner la provenance des fonds, à laisser entendre que ces gens ont peut-être des intentions reliées à je ne sais trop quoi, je pense que la présidence a la responsabilité de voir à ce que ces témoins soient protégés. Ils comparaissent devant nous de bonne foi. Ma démocratie ne comprend pas ce genre de questions.

[Traduction]

    Merci, monsieur Coderre. Ce n'était pas un rappel au Règlement.
    Madame Gallant, veuillez poursuivre.
    Lorsque l'on cite des études devant le comité...
    Financées par la...
    Un peu de silence, s'il vous plaît.
    ... les membres veulent toujours savoir si les pétrolières n'en ont pas financé une partie ou la totalité. Si un côté a le droit de poser ces questions, je pense qu'il est juste que nous puissions le faire également.
    Merci.
    Merci, madame Gallant.
    M. Ouellet, pour quatre minutes. Allez-y, je vous en prie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    C'est un plaisir pour moi de vous revoir dans le cadre de ce comité. Je trouve malgré tout que depuis deux ans, les choses n'ont pas beaucoup évolué. On n'a toujours pas de plan sur la sécurité énergétique. Ma question s'adresse à M. McGowan, mais Mme McEachern pourra aussi y répondre.
    Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'adopter un plan pancanadien. Il pourrait s'agir d'un plan régional. Quoi qu'il en soit, pensez-vous qu'il serait possible d'établir un plan de sécurité énergétique fondé uniquement sur les relations du marché? Autrement dit, on essaie d'obtenir la sécurité par le pétrole parce que son prix est élevé plutôt que de se concentrer, comme l'a dit ma collègue, sur l'efficacité énergétique. Il est essentiel, cependant, que cette efficacité nous amène à réduire notre consommation d'énergie.
     Au Québec la semaine dernière, une scientifique a dit que la méthanisation artificielle nous permettrait, compte tenu de tout ce qui n'est pas utilisé au Québec, de répondre à 60 p. 100 de nos besoins en gaz, naturel ou artificiel.
    Pouvez-vous nous suggérer des solutions pour remplacer le pétrole? Plutôt que de toujours revenir aux bassins de décantation, on les laisserait tels quels. On n'utiliserait pas davantage cette ressource. Pourriez-vous nous dire quelles solutions de remplacement un pays comme le Canada pourrait adopter dans le cadre d'un plan de sécurité énergétique équilibré?

[Traduction]

    Monsieur McGowan, pourriez-vous essayer de répondre en une minute, pour que Mme McEachern ait la chance de parler également?
    Il y a beaucoup de matière, mais j'aimerais répondre à la partie de la question concernant la possibilité, pour nous, de créer notre plan énergétique, plutôt que de nous le faire imposer par le gouvernement. Ma réponse est que nous avons déjà, dans les faits, un plan énergétique qui résulte des décisions du marché, et il ne rend pas bien service aux Canadiens. En fait, les compagnies se trouvent à dire essentiellement, par leurs investissements et leurs efforts de lobbyisme auprès du gouvernement, que nous devrions mettre en valeur la ressource aussi rapidement que possible et en exporter autant que possible et aussi rapidement que possible.
    D'après nous, une véritable stratégie de sécurité énergétique devrait prendre en considération l'environnement, les emplois, la fourniture d'énergie aux Canadiens d'abord et au marché d'exportation ensuite, entre autres choses. Cela ne peut pas arriver dans un modèle tout à fait asservi au marché.
(1255)
    Merci beaucoup.
    Madame McEachern.
    Je serais d'accord avec une grande partie des propos de M. McGowan. Je pense que vous vouliez nous faire remarquer que nous devions utiliser l'énergie efficacement, dans le cadre d'une véritable stratégie de sécurité énergétique visant à réduire notre utilisation globale de l'énergie.
    Selon nous, cette stratégie nous amènerait graduellement vers les énergies renouvelables puis, obligatoirement, au besoin d'emplois dans le secteur énergétique. L'efficacité énergétique permet également de créer des emplois, comme nous l'avons vu avec le programme fédéral ÉcoÉNERGIE Rénovation pour les maisons, qui a été couronné d'un immense succès et qui a suscité 10 $ d'investissement pour chaque dollar de financement fédéral consacré, notamment, à l'amélioration de l'efficacité énergétique des fenêtres et des portes, etc.
    Les économies d'énergie peuvent créer des emplois également, et il faut que cela en fasse partie.
    Merci, monsieur Ouellet.
    Enfin, c'est au tour de M. Allen, pour quatre minutes, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Et merci aux témoins d'être présents.
    Madame McEachern, je veux donner suite aux questions sur les fuites des bassins de résidus. M. Coutu a mentionné dans son témoignage que toutes les fuites étaient localisées. Ensuite, vous avez mentionné que, d'après les estimations de l'industrie, elles s'élevaient à 11 millions de litres par jour.
    Quand elle vous a communiqué ce renseignement, l'industrie vous a-t-elle mentionné que ces liquides étaient recueillis? M. Coutu a semblé dire que c'était le cas et, en même temps, en réponse à une question de M. Andrews, il a également dit que nous n'avions pas subi de rupture grave de barrage au Canada.
    Les chiffres en question se fondent sur des estimations de l'industrie, après qu'elle a tenu compte des volumes qu'elle recueille. C'était donc son estimation des volumes qui s'échappent. Le chiffre résulte d'une compilation de toutes les évaluations de l'industrie, à partir de ses évaluations d'impact environnemental.
    Je ne vous ferai pas dire ce que vous n'avez pas dit, mais vous laissez entendre que M. Coutu a dit que tout était recueilli et que les rejets n'étaient en réalité que de l'eau potable et d'autres matières qui seront presque traitées comme de l'eau de ville... Vous laissez entendre que ce n'est pas bien.
    Comme c'est une compilation pour l'ensemble de l'industrie, je ne peux pas vous donner de chiffres précis pour Syncrude. Mais dans l'industrie, chaque entreprise évalue la quantité qui fuit en tenant compte de l'eau écoulée qui est pompée dans les bassins de résidus. Le chiffre que nous avons donné reposait là-dessus.
    La question est préoccupante. Depuis la création de ces évaluations des impacts, la technologie pour recueillir l'eau a peut-être été améliorée, mais il n'existe aucun chiffre à ce sujet. Cela fait d'ailleurs partie du problème.
    Très bien, voilà qui est utile.
    M. Coutu a aussi parlé de la transition de l'extraction à ciel ouvert, ce que nous avons vu. Nous nous sommes rendus à Fort McMurray et nous avons vu cela. Mais il a dit que dans les prochaines années, nous utiliserons le forage au point où 80 p. 100 des réserves seront extraites sur place.
    Avez-vous effectué des études sur la variation des émissions de gaz à effet de serre qui surviendrait en raison de ce changement?
    Oui, les émissions de gaz à effet de serre qu'entraîne l'extraction sur place sont supérieures à celles des mines à ciel ouvert, car il faut plus d'énergie pour pomper la vapeur sous terre et pour extraire le bitume. On prévoit qu'au fil du temps, l'intensité des émissions de gaz à effet de serre par baril va augmenter.
    Nous entendons beaucoup parler de la réduction de l'intensité au cours des 20 dernières années — M. Coutu a parlé de 40 p. 100 —, mais il s'agit en fait de l'intensité par baril. La quantité absolue d'émissions continue d'augmenter. Une grande proportion de la réduction de l'intensité des émissions au cours des 20 dernières années a eu lieu lorsque l'industrie a remplacé le coke par le gaz naturel pour la combustion. C'est la seule fois où il y a eu une réduction et depuis, rien n'a changé.
    Pourriez-vous nous parler un peu de l'avenir? Nous avons beaucoup entendu parler ici du gaz de shale, du gaz naturel et des ressources importantes dont nous disposons dans l'ensemble du pays. En fait, au Nouveau-Brunswick, ma province natale, des débouchés se créent actuellement en ce qui a trait au gaz de shale.
    Que pensez-vous de l'estimation de l'Agence internationale de l'énergie concernant notre utilisation de l'énergie d'ici 2035? Compte tenu de nos ressources en gaz naturel, considérez-vous qu'il pourrait s'agir d'une approximation? L'accroissement de l'utilisation du gaz naturel pourrait-il avoir une réelle incidence sur notre consommation de pétrole et sur notre exploitation des sables bitumineux? Parce qu'il y a également une possibilité d'utiliser des véhicules au gaz naturel, par exemple.
    Croyez-vous que ces estimations sont un peu hasardeuses, étant donné la quantité de gaz naturel qui pourrait être exploité?
(1300)
    La réponse devra être très brève.
    Oui, je pense que le gaz naturel sera sans aucun doute un important carburant de transition, mais nous devons également délaisser les combustibles fossiles avec le temps. De toute évidence, il faut des décennies pour y arriver. Le gaz naturel jouera donc un rôle important à cet égard.
    L'AIE a estimé que si le monde prend des mesures pour lutter contre les changements climatiques, l'expansion des sables bitumineux ne sera pas aussi importante que le prédit actuellement l'industrie.
    Merci.
    Merci, monsieur Allen, et merci à nos deux témoins d'aujourd'hui, Gillian McEachern, directrice de programme, Climat et énergie, Environmental Defence, et Gil McGowan, président, Alberta Federation of Labour.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU