CIIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent du commerce international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 17 novembre 2011
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Je tiens à remercier nos témoins de leur comparution devant le comité.
Nous poursuivons notre examen des négociations engagées par l'Union européenne et le Canada au sujet de l'AECG et, dans le cadre de cet examen, nous accueillons, représentant les Producteurs de grains du Canada, Richard Phillips, directeur exécutif, puis Jim Gowland, président sortant du Conseil canadien du soya. Nous allons également entendre, au nom de la Chambre de commerce du Canada, Mathias Hartpence et Milos Barutciski.
Nous vous remercions de votre présence parmi nous.
Je vais d'abord passer la parole aux représentants de la Chambre de commerce. Je crois savoir que M. Hartpence entend commencer en nous présentant un exposé.
Bon. Nous allons rapidement en distribuer le texte. Je suis désolé, mais il y a parfois, comme cela, de petites anicroches.
Allons.
Monsieur le président, je propose que, par égard envers nos témoins, nous reportions le débat sur la motion, dont nous pourrions discuter en fin de séance.
Non. Je ne demanderais pas mieux, mais le gouvernement a tendance à procéder à huis clos sur des questions dont le comité devrait débattre en public. Il a en outre tendance à ne pas permettre que l'on sache dans quel sens chacun s'est prononcé. En tant que membres de l'opposition, nous ne pouvons, par conséquent, pas faire autrement.
Monsieur le président, je propose que le Comité du commerce international invite le ministre du Commerce international et des fonctionnaires à témoigner le mardi 22 novembre 2011 ou au plus tard le jeudi 24 novembre 2011, afin d'informer les membres au sujet des pourparlers entourant le partenariat transpacifique et des efforts du Canada visant à pouvoir participer aux négociations.
J'estime que cette motion revêt un caractère urgent. Les discussions qui ont récemment eu lieu au sujet du partenariat transpacifique ont suscité des préoccupations dans divers secteurs de l'activité économique.
Je suis favorable à la participation du Canada à ces pourparlers, mais je m'inquiète de constater que le ministre du Commerce international a déclaré qu'il n'y avait, en fait, aucune raison pour que le Canada prenne part à ces discussions, alors que 24 heures plus tard le premier ministre a affirmé le contraire — et cela, après que le Président Obama a semblé demander avec instance au Canada de prendre part aux discussions du PTP. Il est clair qu'on allait discuter de la question de la gestion de l'offre allait être discutée.
Monsieur le président, nous avons tous deux assisté l'autre jour à cette réunion sur l'AECG, et vous savez donc que les Européens nous ont fait savoir que nous ne parviendrions pas à un accord à moins de faire certaines concessions à l'égard de l'industrie laitière. Le ministre continue à affirmer que, tant au niveau des droits de douane que sur le plan de l'accès à notre marché, nous n'avons rien cédé, mais nous savons fort bien que les Européens ont fait savoir qu'ils entendaient obtenir des concessions sur les produits laitiers et la volaille.
Nous souhaitons par conséquent que le ministre et ses collaborateurs nous expliquent les raisons les ayant portés à se joindre aux pourparlers engagés dans le cadre du partenariat transpacifique. Ont-ils en fait, simplement pour être admis à la table des négociations, offert certaines concessions touchant divers secteurs d'activité? Nous souhaiterions obtenir du gouvernement un certain nombre de précisions à cet égard.
Monsieur le président, je vais être bref afin de ne pas retarder l'intervention de nos témoins.
S'ils appuient la motion, c'est parce que le gouvernement a modifié sa position sur la question. Il serait en effet intéressant d'entendre le ministre s'expliquer un peu plus longuement sur l'origine de ce changement de position. Or, pour l'instant nous ne disposons que de propos lapidaires devant les médias et des réponses aux questions posées à la Chambre.
Cela nous offrirait l'occasion de discuter de la question et c'est pour cela que je suis favorable à la motion qui vient d'être présentée. Je n'en dirai pas plus pour l'instant, car je ne veux pas empiéter sur le temps de parole de nos témoins.
Je vais simplement conclure, monsieur le président. Pour ce qui est de nos témoins, je tiens à préciser que cela ne prendra pas longtemps, mais je voudrais aborder un ou deux points soulevés dans le cadre de la motion.
Je rappelle, d'abord, que comme M. Easter, j'ai assisté à la réunion qui s'est tenue à l'ambassade de France. Aucune concession n'a été faite à l'Union européenne sur la question des produits laitiers. Je dirais même qu'en en parlant autant, l'opposition va à l'encontre de l'intérêt des secteurs soumis à la gestion de l'offre.
Je vous recommande la lecture, dans le journal de ce matin, de l'article de Peter O'Neil sur la gestion de l'offre.
L'opposition officielle et le Parti libéral du Canada persistent à ne pas soutenir la gestion de l'offre. Ils ne cessent cependant de poser des questions à ce sujet, questions qui alimentent le débat dans les médias.
Notre position sur le partenariat transpacifique est très nette. Des précisions à cet égard ont été données le 12. Il s'agit, pour le Canada, d'un forum important. Nous sommes un pays côtier du Pacifique et nous devrions à ce titre participer à tout accord renforçant le libre-échange dans cette région.
Nous avons pu pour la première fois constater les accommodements réciproques découlant des paramètres de l'accord. Et nous nous apercevons que nous sommes non seulement en mesure de répondre aux conditions de cet accord, mais vraisemblablement de les dépasser tout en assurant la protection de notre régime de gestion de l'offre.
Mettons donc la motion aux voix, et poursuivons la séance.
La motion est ainsi mise aux voix.
(La motion est rejetée.)
Le président: Monsieur Hartpence, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Mathias Hartpence et suis directeur de la Politique internationale à la Chambre de commerce du Canada. Je suis accompagné de Milos Barutciski, associé du cabinet Bennett Jones, où il est spécialiste en droit de la concurrence et du commerce international. Il est en outre, à la Chambre de commerce du Canada, coprésident du Comité des affaires internationales.
Je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à prendre part à ses consultations sur les négociations Canada-UE.
La Chambre de commerce représente environ 200 000 entreprises actives dans tous les secteurs d'activité économique du pays. Il s'agit aussi bien de petits commerces familiaux que des grandes entreprises qui sont les locomotives de l'économie canadienne. Étant donné l'extrême diversité de nos adhérents, il peut paraître surprenant que nous soyons parvenus à nous entendre sur la position à adopter vis-à-vis de l'EACG. Nous y sommes cependant arrivés.
Les entreprises canadiennes actives dans les secteurs des ressources naturelles, de l'agroalimentaire, des services et de la fabrication, font de gros efforts pour suppléer leurs échanges avec les États-Unis, et leurs investissements dans ce pays où, au cours des 10 dernières années, leur compétitivité se heurte à de plus en plus de difficultés. Elles ont décidé de saisir les occasions qui s'offrent à elles sur d'autres marchés. Les statistiques officielles du commerce le confirment.
La crise financière de 2008, et les graves perturbations économiques qui y ont fait suite, et qui ont entraîné une baisse de la demande aux États-Unis font que, pour les entreprises canadiennes, il importe plus que jamais d'avoir accès dans de bonnes conditions à d'autres marchés.
[Français]
Compte tenu de cela, nous avons plaidé pour une conclusion réussie des négociations du cycle de Doha, afin de démanteler les barrières tarifaires et d'autres obstacles qui nuisent aux exportateurs canadiens.
Hélas, le cycle de Doha, en tant qu'accord commercial global, est vraisemblablement arrivé à sa fin. Parallèlement au processus de Doha, la dernière décennie, et en particulier les cinq dernières années, a vu proliférer dans le monde des accords de commerce préférentiels négociés par les membres de l'OMC sur des bases bilatérales et régionales.
[Traduction]
Il est pour cela essentiel que le Canada tente de conclure de solides accords dans les domaines du commerce et des investissements. Les entreprises canadiennes risquent sans cela d'abandonner des parts de marché à leurs concurrents bénéficiant d'un accès préférentiel aux marchés étrangers. J'ajoute qu'en s'attachant à conclure des accords conséquents dans le domaine du commerce et des investissements, le Canada arrivera non seulement à améliorer l'accès de ses exportateurs de biens et de services et de ses investisseurs actifs au niveau international, mais aidera à consolider les normes permettant d'assurer, entre les nations, des échanges libres et équitables, normes qui, pour les entreprises canadiennes, revêtent une importance essentielle.
Je vais maintenant passer la parole à Milos.
[Français]
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie beaucoup.
[Traduction]
Comme Mathias le disait tout à l'heure, je suis, chez Bennett Jones, en charge du secteur du commerce international et des pratiques de placement et je suis, à la Chambre de commerce du Canada, coprésident du Comité des affaires internationales.
Cela fait 10 ans que je préside le Comité des affaires internationales, et 25 ans que je participe, à divers titres, aux négociations commerciales, conseillant aussi bien les entreprises que les gouvernements. C'est cela qui me porte à dire que la négociation de l'AECG est, de toutes les négociations commerciales entreprises par le Canada, et je comprends en disant cela, l'ALENA, celle qui est appelée à avoir les conséquences les plus grandes. À l'époque, de mon bref passage à la fonction publique, j'ai participé aux négociations de l'ALENA et je crois pouvoir dire que par rapport à cela, l'AECG va plus loin dans ses ambitions et aura pour le Canada des incidences positives plus grandes encore.
Malgré les difficultés économiques que l'Europe traverse actuellement, il s'agit néanmoins du plus grand bloc économique du monde. C'est un marché de 500 millions de personnes et de nombreux pays d'Europe sont plus prospères que nous. C'est, en effet, une des économies les plus riches du monde. Les Européens ne vont pas arrêter de se nourrir, de conduire des automobiles, d'utiliser les produits que nous pouvons leur vendre, et les services que nous allons pouvoir leur fournir dans cette période d'austérité qu'ils abordent, avec les diverses mesures que cela implique.
Les gouvernements européens, à tous les paliers, ne vont pas cesser d'acheter des biens et des services. Les marchés publics européens sont les plus grands du monde et les marchés européens des capitaux comptent parmi les plus puissants. Les investissements européens au Canada sont considérables et revêtent une grande importance pour notre économie, et cela dans les deux sens — c'est-à-dire tant pour nos importations qu'au niveau de nos exportations.
En signant avec l'Europe un solide accord commercial, le Canada sera le seul au monde à avoir conclu un tel accord avec la première et la deuxième économie mondiale — en l'occurrence l'Europe et les États-Unis. Je ne suis pas le premier à faire valoir que si le Canada et l'UE, ensembles économiques qui sont à la fois mûrs, solides et bien gérés, ne parviennent pas à conclure un accord de grande tenue, la crédibilité des deux sera mise à mal lors de futures négociations commerciales. Nous avons, avec l'Europe, tellement de choses en commun. Si nous ne parvenons pas à nous entendre sur un certain nombre de dossiers, comment pouvons-nous espérer nous entendre avec les plus de 150 pays de l'OMC, avec le PTP ou divers autres partenaires commerciaux en puissance, dont certains ont, par rapport à ce qui nous rapproche de l'Europe, des économies, des traditions culturelles et des points de vue bien différents?
Il est clair que toute négociation met en cause un certain nombre de susceptibilités nationales et ce dossier ne fait pas exception. Certains secteurs d'activité auront besoin d'une période de transition afin de s'adapter aux nouvelles dispositions. Il n'y a là rien de nouveau. Nous avons vu cela avec l'ALENA. L'ALENA avait, en effet, soulevé un certain nombre de difficultés, mais il a donné lieu à un nombre surprenant de réussites, dont certaines n'étaient pas prévues. Permettez-moi de citer, à cet égard, l'industrie du mobilier de bureau, ou le secteur des costumes pour homme. Personne ne s'attendait à voir ces deux secteurs d'activité se développer au Canada comme ils l'ont fait après la conclusion de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis. Tout le monde pensait que ces deux industries allaient disparaître, alors qu'elles se sont en fait toutes deux développées au point de susciter, de l'autre côté de la frontière, des sentiments protectionnistes.
Ne sous-estimons donc pas, dès le départ, notre capacité à affronter la concurrence. Les entreprises canadiennes sont solides et, partout dans le monde, nous affrontons la concurrence. Dans une certaine mesure, nous dépendons à l'heure actuelle, démesurément d'une économie en particulier, mais la situation évolue à cet égard depuis quelques années déjà en raison des difficultés que Mathias a évoquées tout à l'heure.
[Français]
Un bon accord commercial avec l'Union européenne, qui assurera un meilleur accès au marché européen en aplanissant les barrières tarifaires ainsi que les barrières non tarifaires, est essentiel pour l'économie canadienne, les affaires et les entreprises canadiennes.
Ces derniers sont confrontés à des normes techniques et à des obstacles au commerce en Europe, à des dispositions sanitaires et phytosanitaires, à des limitations à la circulation des professionnels ainsi qu'à d'autres obstacles liés aux différentes approches réglementaires qui existent entre le Canada et l'Union européenne.
La suppression des barrières tarifaires et non tarifaires est essentielle à un bon accord équilibré qui permettra à nos exportateurs canadiens de produits manufacturés et alimentaires, de matières premières et de services de mieux puiser dans les occasions commerciales qui abondent en Europe.
À notre avis, la coopération réglementaire est également un élément important de ces négociations.
[Traduction]
La question de la coopération réglementaire ne concerne pas l'Union européenne uniquement au niveau fédéral. La réglementation est en effet un élément essentiel à tous les niveaux de gouvernance et, comme vous le savez, toute réglementation comporte des coûts. Cela dit, la réglementation est une chose essentielle et les entreprises doivent s'y adapter. Songez à la complexité des échanges entre 11 provinces et trois territoires, avec les multiples régimes réglementaires dont il faut tenir compte, et imaginez les difficultés qui peuvent surgir au niveau d'une communauté comptant 27 États membres et d'innombrables entités infrafédérales.
C'est dire que, dans une foule de domaines, la réglementation est essentielle à l'intérêt général. Ce qu'il faut ici, et ce qui, selon nous, devrait être le but du volet coopération réglementaire de cet accord, c'est faire en sorte que lorsque ce gouvernement, où les gouvernements provinciaux, ou les gouvernements des États européens ou l'Union européenne elle-même adoptent un règlement, ce n'est qu'après avoir réfléchi aux conséquences que cela peut entraîner au niveau des échanges.
Il est fréquent, en effet, que la réglementation soit envisagée par le petit bout de la lorgnette et que l'on s'attache essentiellement à régler un problème précis. Cela peut très bien être fait de bonne foi, mais une des choses importantes que les négociateurs souhaiteraient voir inscrire dans l'accord serait, en quelque sorte, l'obligation lorsqu'on cherche la solution à un problème qui fait ressortir une lacune réglementaire, de réfléchir en même temps à la manière dont le règlement sera appliqué et au moyen d'assurer qu'il n'affecte pas indûment les échanges.
Nous sommes contents d'entendre que les négociations de l'AECG semblent tendre à l'incorporation de dispositions favorables aux services et aux investissements. Je crois savoir que l'Union européenne a accepté, dans ces deux domaines, le principe de la liste négative, ce qui, pour les Européens, représente un profond changement d'attitude. Il n'y a là, pour nous, rien de nouveau. J'insiste cependant sur l'importance de cela, car la liste négative permet de mettre en avant l'objectif d'une libéralisation des échanges dans un vaste éventail de domaines. Si des problèmes se posent dans tel ou tel secteur, on en discute pour préciser, secteur par secteur, les exceptions qu'il convient de prévoir, au lieu de faire l'inverse. On ne parviendra pas à une libéralisation des échanges si on ne prévoit pas de manière spécifique que, dans tel ou tel domaine, ou sur tel ou tel type de produits ou de services, on va abaisser les droits de douane et réduire les barrières non tarifaires.
Le recours à une liste négative permet d'afficher dès le départ de très fortes ambitions tout en permettant à chaque partie de faire état, çà et là, de ses susceptibilités dont on va alors pouvoir discuter. Ce que l'on vise en l'occurrence, c'est un accord ambitieux et de haut niveau.
Chacun sait, également, que du côté européen, les marchés publics forment un des importants objectifs de ces négociations. La question a été plusieurs fois soulevée au cours des séances, dont j'ai obtenu les transcriptions. Ne perdons pas de vue en effet l'importance que les marchés publics revêtent pour nos exportateurs. Les gouvernements constituent eux-mêmes un énorme marché. Les marchés publics des États-Unis et d'Europe sont les plus grands du monde. Cela ouvre à notre économie de vastes perspectives, non seulement en ce qui concerne les marchandises, mais les services également où, là aussi, les occasions sont tout à fait considérables. Nous espérons que l'accord qui finira par être conclu abordera ce domaine de manière positive, à la fois au niveau de la communauté tout entière et des paliers nationaux et infranationaux des divers États membres de l'Union européenne.
Une autre question importante est celle des règles sur le pays d'origine. Ces règles sont sans doute l'aspect le plus aride et le plus technique des négociations commerciales. Il s'agit en effet de règles extrêmement détaillées qui varient d'un produit à l'autre et qui permettent de dire si ce verre ou ce haut-parleur ou ce microphone, qui contient des composants provenant de divers pays, mais qui a peut-être été assemblé au Canada — ou qui est fabriqué à partir d'éléments provenant du Canada, mais comprenant aussi des composants venus d'ailleurs... Il y a donc des règles qui précisent que tel ou tel article sera, aux fins du traité, considéré comme provenant du Canada et, à ce titre, ne sera soumis à aucun droit de douane.
J'ai parfois, en tant que spécialiste du droit du commerce international, à me pencher sur la question, mais je ne peux pas dire que j'y consacre des nuits entières et c'est un sujet qui ne m'enthousiasme pas plus que ça. Cela dit, ces règles revêtent une réelle importance et jouent un rôle essentiel dans le cadre de cet accord, particulièrement lorsqu'on songe à des secteurs tels que l'industrie automobile, compte tenu, notamment de l'intégration de notre secteur automobile à celui des États-Unis. Nous avons conclu des accords commerciaux avec d'autres pays, mais nous ne faisons pas que nous entendre sur le plan commercial, car nous coopérons également au niveau de la fabrication. Il est donc important que ce que nous fabriquons ne soit pas exclu des dispositions favorisant le libre-échange.
Monsieur le président, je vais maintenant passer la parole à M. Hartpence, qui a quelques observations à faire en guise de conclusion.
Permettez-moi de conclure très brièvement sur quelque chose qui, dans le cadre de ces négociations, revêt une extrême importance. J'entends par cela la propriété intellectuelle. Comme d'autres pays, et en particulier l'Union européenne, le Canada prône l'adoption, pour la propriété intellectuelle des entreprises canadiennes, de solides mesures de protection. Nous pensons depuis longtemps que c'est l'occasion pour nous d'adapter, en matière de protection de la propriété intellectuelle, nos propres règles au régime très strict en vigueur au sein de l'Union européenne. Nous sommes contents de voir le Canada s'attacher à renforcer les normes de protection, notamment par ce projet de loi sur le droit d'auteur, qui va sensiblement améliorer la protection de la propriété intellectuelle, ce dont les entreprises canadiennes ont besoin pour continuer à innover et à se développer.
Il ne faut pas non plus perdre de vue la nécessaire protection des brevets. Il s'agit là de quelque chose d'indispensable au secteur des sciences de la vie. Les normes très strictes en matière de protection des brevets favorisent les investissements au Canada, investissements nécessaires si l'on veut que les industries axées sur le savoir puissent se développer et créer des emplois axés eux aussi sur le savoir.
Je vous remercie.
Je vous remercie de votre exposé.
C'est maintenant au tour des Producteurs de grains du Canada, représentés aujourd'hui par M. Phillips, à qui nous passons la parole.
Je vous remercie.
Si nous avons bien calculé, cet exposé prendra sensiblement moins de 10 minutes.
Les Producteurs de grains du Canada regroupent 13 associations de producteurs de canola, de maïs, de blé, d'orge, d'avoine, de haricots, de lentilles, de seigle et de triticale, ainsi que des organisations régionales telles que les B.C. Grain Producers et l'Atlantic Grains Council.
Notre organisation est composée de chefs de file du secteur agricole tournés vers l'avenir et attachés à la recherche de solutions. Nous souhaitons déclarer d'emblée que, selon nous, il n'appartient aucunement au gouvernement d'assurer la subsistance des fermiers, mais nous estimons qu'il nous doit de définir des politiques dans le cadre desquelles il nous est possible de gagner notre vie.
Il appartient notamment au gouvernement d'agir de manière à faciliter notre accès à des marchés tels que celui de l'Union européenne. En effet, les fermiers, que ce soit à titre individuel ou dans le cadre d'une action collective n'ont ni le pouvoir ni l'autorité de négocier des lignes tarifaires, ou d'infléchir la politique étrangère de notre pays. Nous avons, pour cela, besoin de vous et c'est pourquoi nous sommes heureux d'avoir cette occasion de prendre la parole devant le comité.
Les Producteurs de grains du Canada participent depuis le début à ces négociations, organisant des rencontres avec les parlementaires de l'Union européenne, se réunissant à Bruxelles avec les représentants des divers pays membres de l'Union, ainsi qu'avec des représentants de la Commission européenne et des diverses ambassades ici à Ottawa. Je pense pouvoir dire que nous avons eu au moins une rencontre avec les représentants de chaque pays, et avec certains, nous nous sommes réunis cinq ou six fois.
On pourrait se demander pourquoi nous consacrons à cela tant de temps et de ressources. Le Canada jouit d'une abondance de terres arables, d'eau saine, d'infrastructures routières et ferroviaires et d'agriculteurs éduqués et à même de produire, d'entreposer et d'expédier de grandes quantités de grains, d'oléagineux et de légumineuses. Les secteurs agroalimentaires canadiens dépendent très fortement du commerce international, cela étant particulièrement vrai des producteurs de grains.
Il ne s'agit pas uniquement de produits crus tels que le blé ou le canola, qui viennent immédiatement à l'esprit lorsqu'on parle d'exportations. Ce qui crée des emplois au Canada, ce sont également nos produits à valeur ajoutée tels que les haricots et lentilles transformés, l'huile et les tourteaux de canola, le malt destiné à la fabrication de la bière, les aliments transformés, le soya expédié séparément — je précise que plus d'un quart des exportations de produits agricoles canadiens destinées à l'Union européenne est constitué de soya — le porc canadien et le boeuf canadien. C'est notre meilleur marché pour l'orge fourragère, le blé fourrager et le maïs que nous cultivons sur nos fermes. Nous sommes gagnants, lorsque nous exportons cela.
Voici quelques chiffres parlants. Chaque année, nous exportons pour environ 40 milliards de dollars de produits agricoles: la moitié de notre boeuf, les deux tiers de notre porc, les trois quarts de notre blé, 85 p. 100 de notre canola.
Il s'agit pour nous de la plus grande occasion en matière de commerce international depuis l'OMC et l'ALENA. L'UE représente un marché de 500 millions de personnes. Leurs goûts sont à peu près les mêmes que les nôtres, et ils apprécient la grande qualité de nos produits. Il s'agit d'un marché qui nous offre de larges perspectives de développement et aussi d'un marché qui, malgré la récente actualité grecque, a les moyens de s'offrir des produits de qualité.
Nos exportations vers l'Europe ne s'élèvent actuellement qu'à un dixième de ce que nous exportons vers les États-Unis. Ne vous méprenez pas sur ce que je dis, les États-Unis seront toujours un de nos meilleurs partenaires, mais nous avons compris lors de la crise de l'ESB, qu'il ne nous faut pas trop dépendre d'un seul marché.
Or, actuellement, nous n'avons presque pas accès à ce marché pour certaines de nos exportations à valeur ajoutée, telles que le boeuf et le porc, et, en ce qui concerne nos exportations de grains, nous nous heurtons, sur le plan des nouvelles caractéristiques des cultures, à des procédures d'homologation qui font obstacle aux échanges.
Un accord commercial qui n'élargirait pas effectivement notre accès à ce marché ne serait d'aucune valeur. Il est, dans l'optique des producteurs de grains, essentiel que soit négocié, dans le cadre de cet accord, un ensemble acceptable de règles concernant les traces d'OGM.
Lors de nos rencontres avec les représentants des divers pays de l'UE, nous avons dit reconnaître, et accepter, le fait que le consommateur européen ne souhaite pas acheter de produits transgéniques. Nous leur avons expliqué que nous n'essayons aucunement de leur exporter des produits dont les caractéristiques ont été génétiquement manipulées, mais que nous souhaitons voir instaurer une politique prévoyant que les échanges ne seront pas interrompus si quelques grains se retrouvent par accident dans une cargaison, ou si l'on relève dans les cales du bateau assurant le transport des poussières provenant de la cargaison précédente. Nous avons constaté, après leur avoir expliqué cela, qu'ils étaient nombreux à approuver d'un signe de tête. Nous sommes, de part et d'autre, conscients qu'il va nous falloir nous entendre sur ce point.
Je voudrais maintenant passer la parole à Jim Gowland, grand spécialiste des exportations de soya vers l'Union européenne.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.
Je m'appelle Jim Gowland et je suis producteur de cultures industrielles dans le comté de Bruce, près de Walkerton, en Ontario. Je suis, depuis plus de 30 ans, fermier, travaillant avec Judy, mon épouse et mon associée. Nous cultivons actuellement 2 200 acres consacrées aux cultures de grande production, notamment du soya, du blé, du maïs et des haricots blancs.
Comme d'autres producteurs canadiens, nous avons recours, pour assurer la durabilité écologique de notre exploitation agricole, à la rotation des cultures qui permet un rendement et une qualité maximums et rentabilise les capitaux investis dans l'équipement agricole. Nous employons des techniques de pointe qui nous permettent d'assurer la rentabilité à long terme de notre entreprise.
Nous devons notre réussite au fait d'avoir profité des occasions qui nous ont été données d'ajouter de la valeur à nos cultures. Je voudrais, dans le cadre de mon exposé, insister particulièrement sur le soya, qui forme le gros de notre production et qui est la culture ayant le plus de valeur ajoutée.
Je précise, puisque cette séance est consacrée à l'Union européenne, qu'environ 60 p. 100 du produit des 900 à 1 000 acres de soya non génétiquement modifié, non OGM, expédié séparément sont exportés vers l'Union européenne.
Il m'a également été donné dans le passé d'être actif au sein des organisations provinciales de producteurs de soya, ayant également contribué à fonder une organisation nationale de producteurs. L'exercice de ces responsabilités collectives m'a fourni l'occasion de participer pendant 10 ans à de nombreuses manifestations nationales et internationales dans les domaines du commerce et du développement des marchés.
Je précise, pour revenir à mon exploitation, qu'avec une bonne gestion et des mesures permettant de séparer les diverses cultures, les 900 acres de soya non génétiquement modifié et expédié séparément produisent une valeur ajoutée annuelle de 60 000 à 70 000 $.
Par rapport à la valeur du soya ordinaire, sous forme broyée, cette somme est de 15 à 20 p. 100 supérieure au rendement par acre. Nous estimons que cela constitue une sorte de prime à la bonne gestion et aux investissements.
Le marché que constitue l'Union européenne représente pour notre exploitation un revenu annuel d'environ 300 000 $ compte tenu de la plus-value que je viens d'évoquer. Le reste de notre production de soya à valeur ajoutée est exporté au Japon et dans d'autres pays asiatiques.
L'accès au marché européen a été, pour l'ensemble des producteurs canadiens de soya, une énorme réussite, et, de fait, le soya est notre principale denrée d'exportation.
Comme l'indiquent les statistiques du gouvernement canadien pour l'année 2010, notre pays a, en 2010, produit environ 4,34 millions de tonnes métriques de soya, dont plus de 2,6 millions de tonnes ont été exportées. Cela correspond à 60 p. 100 de la production nationale de soya. Notons que de ces 2,6 millions de tonnes métriques exportées, l'Union européenne en a importé 1,173 million, soit plus de 44 p. 100.
Les exportations de soya vers l'UE rapportent aux producteurs canadiens 575 millions de dollars.
Il est très difficile de calculer le montant de la valeur ajoutée, c'est-à-dire de la prime touchée par les producteurs canadiens de soya, par rapport au cours ordinaire, mais je crois pouvoir dire que, pour l'ensemble du secteur, cela se monte à au moins 50 millions de dollars par an.
Outre la forte demande étrangère pour notre soya de haute qualité, il y a également une forte demande intérieure pour le soya destiné à la fabrication de pâtée et d'huile. Les ventes au Canada constituent, pour nos producteurs de soya, une source non négligeable de revenu.
Nos exportations de soya vers l'Union européenne constituent pour nous une brillante réussite, mais il convient de préciser que le marché européen est un marché extrêmement concurrentiel et très étroitement réglementé. Je considère que le Canada a su tirer parti de la réglementation européenne et qu'il va pouvoir continuer à le faire.
Cela dit, les secteurs canadiens des grains et des oléagineux, et le gouvernement du Canada doivent poursuivre conjointement leurs efforts dans le cadre de négociations commerciales avec l'UE, notamment en ce qui concerne les barrières non tarifaires avec, notamment, l'adoption de politiques destinées à gérer la présence de caractères MG à de faibles concentrations. Il est tout aussi important cependant que le Canada définisse lui aussi des politiques en ce domaine.
En tant que producteur canadien, je tiens à féliciter tous ceux qui ont contribué jusqu'ici au bon déroulement de ces négociations entre le Canada et l'Union européenne.
Je tiens également à vous remercier de l'occasion qui m'a été offerte de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je vous remercie.
Je vous remercie de vos exposés.
Nous allons maintenant passer aux questions.
Monsieur Masse, vous avez la parole. Vous disposez de sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à mon tour à remercier les délégations de leur présence ici.
Ma première question s'adresse à la Chambre de commerce. Vous avez eu parfaitement raison d'évoquer les périodes de transition. Il est vrai que l'industrie du meuble et l'industrie du costume pour homme ont éprouvé une brève période de prospérité après la signature de l'accord. J'ai eu moi-même l'occasion, dans le cadre de l'étude que le comité de l'industrie menait à l'époque sur les industries manufacturières, de me rendre dans des établissements relevant de ces deux secteurs. Or, aujourd'hui, en raison d'autres problèmes auxquels ils ont dû faire face, ces deux secteurs sont en plein déclin. À court terme, ces industries ont été avantagées, mais à long terme, elles y ont perdu. Et ce ne sont pas les seules conséquences néfastes et inattendues de l'ALENA. Sur ce point, je vais d'ailleurs faire appel à vos connaissances.
Et puis, lorsque nous avons abordé les négociations de l'ALENA, une exception était prévue pour le Pacte de l'automobile, que nous devions pouvoir conserve. Or, un pays tiers, en l'occurrence le Japon, a pu remettre cela en cause. Mondialement, nous sommes passés de la deuxième place en matière de construction automobile à la huitième. On assiste, depuis ces dernières années, à une véritable décimation de notre secteur manufacturier.
Ce qui retient actuellement mon attention, c'est une usine comme celle installée dans ma ville de Windsor, où l'on construit des minifourgonnettes. Avant leur mise au point définitive, les véhicules en construction effectuent plusieurs allers et retours transfrontaliers. Ils sont assemblés à Windsor, mais avec des composants provenant de diverses sources situées aux États-Unis, et même au Japon. C'est un modèle qui a beaucoup de succès. Cela dit, je voudrais obtenir de vous un certain nombre de précisions, car je m'inquiète en raison de leur contenu et de la manière dont cela sera interprété par les Européens.
Nous constatons en effet que le Canada va, avec les normes d'émission, vers une intégration encore plus poussée du marché automobile en Amérique du Nord, et je crains que cela nous ferme l'accès au marché européen.
Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est, selon vous, à cet égard?
Merci.
Permettez-moi de dire que vous avez vous-même répondu à la première partie de votre question en rappelant que l'ALENA a, au départ, procuré un avantage très considérable aux deux secteurs d'activité que j'avais évoqués. Vous avez ensuite dit que ces deux secteurs avaient ultérieurement dû faire face à de graves difficultés. Or, ces difficultés n'avaient rien à voir avec l'ALENA.
Puis, vous avez parlé de la décimation de notre secteur manufacturier. Les Américains disent la même chose et les Européens aussi. Or, cela n'a rien à voir avec l'ALENA ou avec le libre-échange entre le Canada et l'Europe. Cela est en effet dû au fait que nous nous en sommes trop longtemps tenus à des technologies rudimentaires, et que pendant de longues années, nous nous sommes contentés de fabriquer des choses à faible valeur ajoutée. Jusqu'à la fin des années 1980, le Canada avait, en matière de commerce international, une politique de barrières douanières destinée à protéger, par des droits de douane élevés, un secteur manufacturier à petite échelle, chaque usine automobile au Canada étant une sorte de reproduction en miniature d'une usine de la même compagnie située de l'autre côté de la frontière. Chaque brasserie au Canada... Pour la bière, la situation était encore pire, étant donné que dans ce secteur-là, il existait tout un régime de restrictions interprovinciales, et alors que les brasseries américaines, les brasseries brésiliennes, et les brasseries belges brassaient chacune 10, 20 ou 30 millions d'hectolitres, nos brasseries avaient, en comparaison, une production minuscule. Pourquoi cela? Parce que nous imposions des restrictions et des interdictions même au niveau des échanges interprovinciaux.
Ce qui s'est produit au fil des ans, c'est que certains secteurs de notre économie, orientés vers un marché beaucoup plus petit, et opérant à une bien moindre échelle, ont effectivement subi un gros choc, mais ce choc n'avait rien à voir avec le commerce. Il était lié à l'évolution de l'économie mondiale.
Cela, à court terme, a profité à deux secteurs d'activité de moindre envergure, mais nous avons sacrifié un secteur beaucoup plus important, dans lequel nous occupions dans le monde une place de premier ordre, en l'occurrence le secteur automobile. Et cela est dû essentiellement à l'ALENA. Nous avons perdu tout un secteur, et, en échange, avons obtenu quelques victoires à court terme. C'est ce qui me préoccupe aujourd'hui. Quels sont les autres secteurs qui risquent de pâtir des mesures envisagées?
Dans votre exposé, vous avez évoqué la question des périodes de transition pour les divers secteurs d'activité. Quels sont, d'après vous, les secteurs pour lesquels il convient d'envisager ce genre de mesures?
Je dis simplement qu'il faut dans tout cela être lucide. Je rappelle, en effet, que nous avons négocié un accès à ces marchés, et que cela nous a réservé des surprises. Vous avez vous-mêmes avoué avoir été surpris par les incidences que cela a eues sur l'industrie du meuble ou l'industrie du costume pour homme. Ce n'étaient pas des choses auxquelles nous nous attendions lorsque nous avons négocié l'accord. Or, en fait, on a permis l'anéantissement d'un marché de fabrication que nous avions conclu avec notre principal partenaire commercial, le Pacte de l'automobile, qui était pour le Canada un énorme atout.
J'aimerais donc savoir quelles sont, selon vous, les industries qui vont devoir bénéficier d'une période de transition, car il va nous falloir faire le nécessaire. C'est une responsabilité qui nous incombe, en effet. Ceux qui parviennent à monter, au Canada, des entreprises florissantes, doivent pouvoir, dans l'hypothèse où le gouvernement modifie les règles applicables, bénéficier d'une période de transition, ou du moins de certaines mesures leur permettant de répondre aux nouvelles exigences du marché, et de s'adapter aux difficultés que les nouvelles dispositions gouvernementales entraîneront pour leurs plans d'activité.
Permettez-moi d'aborder en premier la question de la période de transition. Vous avez parfaitement raison de penser que certains secteurs d'activité vont éprouver davantage de difficultés que d'autres.
Je ne tente pas d'éluder la question, mais je dois dire que c'est aux divers secteurs d'activité qu'il appartient de définir les mesures de transition dont ils vont avoir besoin. Je vous prie de croire que les représentants de l'industrie automobile n'hésitent aucunement à s'entretenir assez régulièrement avec les négociateurs, et cela est vrai du secteur agricole et de divers autres secteurs d'activité. C'est vraiment aux responsables de ces secteurs d'activité, et même aux employés, qu'il appartient de s'entretenir de cela avec le gouvernement. Ce n'est pas quelque chose qui revient à une organisation de caractère général telle que la Chambre de commerce.
J'ai insisté sur ce qui est, selon moi, la seule chose sur laquelle la Chambre de commerce puisse insister, à savoir le besoin d'assurer que l'on tient effectivement compte des nécessaires périodes de transition et qu'on adopte, le cas échéant, les mesures qui s'imposent. Mais, tout cela dépend du secteur en question. Qu'il s'agisse des producteurs de grains, ou de l'association des constructeurs de véhicules automobiles, ce sera à eux de nous fournir les détails qu'ils estiment importants. Je suis certain que vous avez déjà recueilli leurs arguments et que vous allez avoir à nouveau l'occasion de le faire.
Est-ce à dire que la Chambre ne sait pas quels sont, parmi les secteurs que vous représentez, ceux qui risquent de pâtir de l'accord en question?
Non, ce n'est pas... Permettez-moi, très rapidement, une observation.
Nous avons été consultés à maintes reprises, comme l'ont été d'autres secteurs, et nos adhérents s'estiment satisfaits de la manière dont nous avons été consultés au cours des deux dernières années. Mais même avant le début des négociations, nous étions activement consultés. Nous nous attendons à ce que l'accord définitif, lorsqu'il aura été conclu, soit un texte équilibré qui rende compte du vaste éventail de points de vue qui ont été exprimés à son égard.
Je tiens à nouveau à insister sur le consensus qui s'est forgé entre tous les secteurs, et aussi au sein des divers secteurs, tout le monde étant convenu des bienfaits d'un accord. Il est clair que cela appellera un certain nombre d'ajustements, mais c'est bien pour cela qu'il y a des négociations. Certaines barrières devront être supprimées, dont bon nombre sont des barrières non tarifaires qui se sont multipliées au cours des 15 dernières années, et surtout au cours des 10 dernières.
Mais je tiens à nouveau à insister sur le fait que l'accord en question nous ouvre de bonnes perspectives. Cela, encore une fois, est vrai pour l'ensemble du pays. Les chambres de commerce provinciales faisant partie de notre réseau le disent elles aussi, et la lettre ouverte que nous avons signée, de concert avec les chambres provinciales et territoriales, est entièrement favorable à l'accord en question.
Merci, monsieur le président.
Je tiens, moi aussi, à souhaiter la bienvenue à nos témoins.
J'entends partager mon temps de parole avec Bev.
La discussion est fort intéressante. Le sujet a été longuement débattu dans la presse et dans les comptes rendus dont nous prenons connaissance presque chaque jour.
Ma première observation s'adresse à M. Phillips. À l'exception de quelques-uns, la plupart de mes collègues ne savent guère faire la différence entre un grain et un oléagineux, mais s'il s'agit de malt, là ils s'y connaissent. L'orge maltée est en effet quelque chose que nous comprenons tous ici.
Le président: Je m'estime offensé. Je sais très bien faire la différence.
M. Gerald Keddy: J'ai bien dit qu'il y en avait, parmi mes collègues, qui savaient effectivement faire la différence.
J'ai, avant de céder la parole, une observation que je voudrais faire à l'intention de nos témoins. Il s'agit, en effet, davantage d'une observation que d'une question. Nous avons, en tant que gouvernement, tout fait pour assurer une consultation aussi large que possible sur l'Accord économique et commercial global avec l'Union européenne.
Tous les témoins le disent, et cela n'est vrai non seulement des régions que vous représentez, mais de l'ensemble du pays, et de tous les secteurs d'activité, qu'il s'agisse de l'agriculture, de l'exploitation forestière, des pêcheries, du secteur manufacturier ou de la Fédération canadienne des municipalités. Il y a donc eu de très larges consultations et je pense que tout le monde est conscient de ce qui est en jeu dans cet accord commercial.
Il me semble important de le rappeler, car il est clair que les négociations se déroulent en privé, ce qui est effectivement nécessaire, mais tous les secteurs concernés ont été consultés au cours de ces négociations.
Je vais maintenant passer la parole à mon collègue.
Je vous remercie.
Je sais que le temps nous est compté et je vais donc aller droit au fait. Je veux être certain de bien comprendre ce qu'il en est.
Monsieur Phillips, je comprends fort bien ce que vous dites, et je suis d'accord. Vous avez commencé par affirmer « qu'il n'appartient aucunement au gouvernement d'assurer la subsistance des fermiers », mais ce qui m'a frappé encore plus, c'est ce que vous avez dit ensuite. Je souscris entièrement aux valeurs agricoles dont vous avez fait état et je suis d'accord que l'agriculture durable dépend effectivement de la réglementation, de l'accès aux marchés, du développement des marchés, de la recherche et de l'innovation.
Vous avez également évoqué la question des exportations de produits à valeur ajoutée, et précisé que le montant des exportations s'élève à 40 milliards de dollars. Mais pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet du boeuf et du porc? Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris et peut-être devrais-je plutôt adresser ma question aux spécialistes du bétail, car je sais que votre domaine, c'est plutôt les grains. Peut-être, donc, vais-je simplement vous demander si vous entendiez également par cela les produits à valeur ajoutée. Cela vaut-il seulement pour les coupes de viande en caisse carton...? Je dis cela parce que, sauf pour des raisons de génétique, il est peu vraisemblable que nous expédions des porcs vivants de l'autre côté de l'océan.
Puis, il y a également l'idée que vous avez exprimée en disant qu'un accord commercial qui n'élargirait pas notre accès au marché ne serait d'aucune valeur. C'est bien dit. Je pense que tout le monde comprend cela. Je suis en outre préoccupé par la question des quantités infimes d'OGM, dont vous avez également parlé. La question s'est posée à l'époque où j'étais membre du comité de l'agriculture car, en effet, il arrivait que des cargaisons entières soient renvoyées en raison de... Comment, selon vous, se passent les pourparlers concernant justement la présence de ces quantités infimes?
Permettez-moi d'abord de répondre à la question concernant les produits à valeur ajoutée. Les céréales fourragères servent à alimenter les porcs, les volailles, les vaches laitières et les bovins de boucherie et, donc, lorsque je parle de « valeur ajoutée », cela s'entend également des produits transformés tels que les coupes de viande en caisse carton.
Mais, en ce qui nous concerne, l'accès à ce marché, qu'il s'agisse de fermiers québécois qui engraissent des bovins de boucherie, ou de fermiers ontariens qui engraissent des porcs, et de pouvoir expédier directement à notre voisin des céréales fourragères... Et c'est alors lui qui ajoute de la valeur. Il a recours à des vétérinaires. Il possède ses propres broyeurs à marteaux. Il achète des compléments alimentaires, et crée des emplois dans ses parcs d'engraissement. Tout cela constitue pour nous une valeur ajoutée, par rapport à ce qu'il en serait si nous nous contentions d'exporter outre-mer des céréales fourragères à l'état brut dont la valeur est moindre. Le secteur canadien des aliments pour bétail constitue en effet un de nos principaux marchés.
En ce qui concerne maintenant la politique applicable à la présence de quantités infimes d'OGM, je dois dire que le Canada n'est pas à l'abri des reproches. Nous avons été plutôt surpris lorsqu'au début des négociations avec l'UE, alors que nous évoquions la question, les Européens nous ont demandé quelle était, dans ce domaine, la politique du Canada. Et voilà que nous nous sommes aperçus que nous non plus n'en avions pas.
Nous avons donc cherché à réunir presque tous les intervenants du secteur des grains, ainsi que l'Agence canadienne d'inspection des aliments, l'ARLA, Santé Canada et tous les autres intervenants, et tentons à toute vitesse, compte tenu des traditionnelles lenteurs administratives, de définir une politique canadienne en ce domaine. Nos travaux s'achèvent et je peux dire que les consultations publiques sont d'ores et déjà engagées et que nous nous attachons actuellement à voir si l'ébauche qui a été préparée correspond bien à la politique que le Canada devrait adopter.
Est-ce qu'une norme américaine ou internationale serait établie en parallèle, de sorte que lorsque nous établirons une norme sur la présence adventice, celle-ci sera acceptée? Quand nous négocions des accords de libre-échange un peu partout dans le monde — et nous allons continuer à le faire — prenons-nous en compte les normes internationales sur la présence adventice?
La norme internationale est le Codex, un organe des Nations Unies, et nous aimerions que la politique y renvoie. Nous aimerions voir quelque chose du genre pour qu'il n'y ait qu'une norme, peu importe que le Canada fasse la recherche sur la salubrité et l'innocuité des aliments, ou que les États-Unis ou l'Union européenne s'en chargent. Les pays dotés de régimes réglementaires crédibles devraient pouvoir faire les analyses et incorporer les résultats dans une norme internationale. Nous pourrons alors commencer à prendre en compte les données des uns et des autres au lieu de répéter toutes les analyses.
J'aimerais m'adresser un instant à M. Gowland. Je veux revenir sur la question de la présence adventice en agriculture, parce que vous avez parlé de la possibilité de produire des récoltes sans OGM. Vous cultivez du soya à identité préservée sans OGM ce qui semble constituer, d'après ce que vous nous avez dit, une grande partie de votre production.
Cultivez-vous aussi des végétaux génétiquement modifiés?
Donc, si nous pouvons nous aligner sur le Codex ou sur la norme internationale en la matière, comme producteur, craignez-vous d'être victime d'une présence adventice que vous ne pouvez pas contrôler parce que vous produisez des cultures sans OGM et génétiquement modifiées? Vous ne pourriez peut-être pas exporter votre production génétiquement modifiée vers l'UE, mais votre production sans OGM pourrait bien être exportée.
Êtes-vous inquiet à ce sujet? Et comment composez-vous avec ce problème, pour rassurer l'industrie agricole?
C'est une bonne question, Bev.
En ce qui concerne la présence adventice, il y a deux façons de le voir. On peut d'une façon très négative et dire que ce n'est pas une très bonne chose, mais on peut aussi y voir une possibilité de s'améliorer et le voir aussi comme une situation où la concurrence entre en jeu. Nous avons déjà parlé ici du Codex, de la possibilité d'avoir davantage de normes internationales afin d'approuver des événements bien concrets. On a cité des cas de traces dans des chargements et surtout, il y a deux ou trois ans, on avait détecté des traces de maïs dans un chargement de soya provenant des États-Unis et la situation a été plutôt difficile sur le marché pendant quelques mois. Nous ne savions pas très bien ce qui allait se passer.
Si nous pouvions faire approuver ces nouvelles variétés génétiquement modifiées en voie d'élaboration — ce n'est pas comme si nous réclamions un niveau élevé sans restrictions — et si la norme peut laisser une marge de manoeuvre, même pour une quantité minuscule, nous pourrions ainsi jouir d'un avantage concurrentiel. À mon avis, c'est là que réside le succès du secteur des grains et oléagineux au Canada, en particulier pour le soja et en particulier pour notre propre exploitation agricole. Le fait est que nous pouvons nous conformer à ce chiffre qui est en vigueur et nous pouvons avoir du succès parce que beaucoup de nos concurrents dans le monde entier n'y arrivent pas. Voilà la chose dont nous devons nous assurer, c'est-à-dire de ne pas nous sortir nous-mêmes du marché.
Par conséquent, lorsque nous établirons une norme sur la présence adventice, nous ne voulons pas d'un chiffre trop élevé. Nous voulons simplement nous assurer que ces événements sont approuvés, qu'il y a une marge de manoeuvre, et que la présence adventice peut être tolérée un peu. Nous pouvons travailler à l'intérieur de ces paramètres. Je le vois comme un avantage.
Je vous remercie, monsieur le président.
Je m'adresse aux représentants de la Chambre de commerce. Je trouve intéressant que tant le Canada que l'UE se sont montrés très favorables aux pourparlers multinationaux et multilatéraux, et il ne fait aucun doute que c'est ce que nous privilégions. Cependant, la situation est telle qu'il semble que le cycle de Doha n'aboutira à rien et voilà où nous en sommes.
La Chambre est une organisation assez influente et je sais que vous êtes en faveur de cet accord depuis longtemps, comme nous le sommes, pourvu qu'il représente un avantage net pour le Canada. Comme votre organisation est si influente, avez-vous été informés des résultats du neuvième cycle?
On nous a consultés et il y a des mécanismes pour consulter toutes les parties concernées dans le cadre de ces négociations. Les consultations auprès du milieu des affaires ont certainement été très étendues, mais nous croyons comprendre qu'elles l'ont aussi été auprès de la société civile et par rapport à toutes ces négociations que nos membres suivent évidemment de près. Nous surveillons donc l'évolution de cet accord, non pas en ce qui concerne les détails très techniques mais certainement dans ses grandes lignes. Une fois encore, nous avons l'impression que cela s'annonce comme un très bon accord.
Par exemple, comme nos membres sont si nombreux, nous tenons une assemblée générale annuelle à laquelle participent des centaines de délégués des quatre coins du pays, de chambres de commerce locales, de PME pour la plupart, et ils viennent voter des résolutions stratégiques. Nous nous plaisons à qualifier l'assemblée de « Parlement du milieu des affaires » parce que son fonctionnement est similaire. Sur la résolution portant sur le commerce et sur cet AECG entre le Canada et l'Union européenne, année après année, le vote pour a obtenu une majorité écrasante.
Avez-vous vu une quelconque analyse des bénéfices nets? Il y a l'analyse qui avait été faite aux tous débuts. J'ai dit à maintes reprises, au commencement des débats, qu'il s'agit d'une liste de souhaits, mais avez-vous vu une analyse des bénéfices nets du gouvernement du Canada sur l'un ou l'autre des récents cycles qui précise qui seront les gagnants et les perdants? Ne vous inquiétez pas, il y aura des gagnants et des perdants.
L'étude qui a été faite était rigoureuse. Elle était nécessaire pour amorcer ces négociations. Certains résultats ont changé simplement parce que bon nombre des paramètres de l'économie mondiale ont changé. Il y a eu une crise économique et la situation a quelque peu changé. Néanmoins, nous constatons chez nos membres, avec qui nous discutons régulièrement, que précisément par suite de cette crise qui remonte à quatre ans, le milieu des affaires canadien est plus prêt que jamais à tirer parti des possibilités.
Nous en sommes conscients, mais avez-vous vu une analyse des bénéfices nets? C'est ce qui nous dérange. Nous n'avons pas vu d'analyse des bénéfices nets.
Permettez-moi de répondre à la question très simplement. Nous n'avons pas vu, de la part du gouvernement, une analyse détaillée des gagnants et des perdants prévus et de l'effet ultime anticipé. Dans le milieu des affaires, nous ne nous attendons pas à en voir une à cette étape.
C'est le neuvième cycle. Il s'agit encore d'une négociation. Nous avons vu de la part de différents membres — essentiellement des sociétés et des industries — leurs réactions et leurs estimations de ce à quoi ils s'attendent, et celles-ci ont été presque exclusivement positives.
J'espère que vous aurez le temps d'aborder les questions de la propriété intellectuelle et des droits de brevet.
Je veux revenir sur ce que M. Masse a dit plus tôt. Vous avez dit que vous aurez besoin de périodes de transition pour vous adapter. Les industries soumises à la gestion de l'offre et la situation dans laquelle elles risquent de se retrouver après ces négociations me préoccupent. Il y aura probablement un léger désaccord entre M. Keddy et moi, mais à une réunion à laquelle plusieurs d'entre nous ont assisté cette semaine, l'ambassadeur Brinkmann de l'UE a dit qu'ils avaient besoin de quelque chose dans le secteur laitier. Il laissait entendre par là qu'ils en avaient besoin pour tous leurs 27 États membres. À sa décharge, il a dit qu'ils n'avaient pas besoin de l'abolition de la gestion de l'offre, mais il a aussi dit qu'ils avaient besoin d'un accès plus étendu, que l'accès aux quotas au Canada a été faible pendant de nombreuses années. Le gouvernement continue de dire que c'est zéro-zéro. Nous savons que ce ne sera pas zéro-zéro, mais j'aimerais qu'on soit au moins honnête avec l'industrie, ce que nous ne semblons pas pouvoir obtenir.
Au sujet de votre position sur les périodes de transition, nous savons que le gouvernement a dit, dans l'énoncé de politique du Parti conservateur du 4 février 2004: « Un gouvernement conservateur assurera que tout accord influençant la gestion des approvisionnements assure à nos producteurs l'accès aux marchés étrangers et qu'il y aura une période de transition suffisante vers l'établissement d'un environnement axé sur le marché ».
Je sais que la Chambre de commerce ne voit pas toujours la gestion de l'offre d'un bon oeil, mais est-ce ce à quoi vous faisiez allusion quand vous parliez de la période de transition? Que voulez-vous dire exactement?
Bien des membres de la Chambre de commerce sont des acteurs dévoués et engagés des régimes de gestion de l'offre. Nous avons de nombreuses chambres locales dévouées et déterminées à maintenir la gestion de l'offre. Je ne vais pas parler en leur nom et je ne pense pas que la Chambre va parler en leur nom. La Chambre est une organisation nationale qui couvre littéralement tous les secteurs. La Chambre ne dira jamais: voilà ce que nous voulons pour tel et tel secteur. M. Masse m'a demandé si, à la Chambre, nous connaissons les gagnants et les perdants probables. Nous connaissons effectivement les craintes de certains secteurs, mais nous connaissons aussi les craintes de l'autre partie. Je ne peux donc pas vous répondre en détail.
Le sort réservé à la Commission canadienne du blé a récemment exacerbé nos inquiétudes. Le gouvernement n'a pas autorisé les producteurs à voter comme le ministre avait promis de le faire. Je dirais à toutes les organisations, y compris aux Producteurs de grains du Canada, qu'elles devraient s'inquiéter lorsqu'elles voient que les droits démocratiques sont piétinés.
Je crois que vous êtes un peu tard sur ce point, mais comme vous n'avez pas utilisé votre temps pour poser une question, je vais donner la parole à M. Hiebert.
M. Brinkmann, dont mon collègue a parlé il y a un instant, a déclaré lors de l'événement en question que l'UE n'harmonisera pas ses normes, mais que les fabricants doivent se conformer à une norme unique pour l'ensemble de l'Amérique du Nord. Est-ce que quelqu'un peut m'expliquer l'incidence que cela aurait si cela faisait partie des négociations de l'AECG? Est-ce pensable que l'Amérique du Nord puisse produire selon une norme unique pour faciliter ces négociations?
Monsieur Barutciski, vous avez effleuré le sujet de la réglementation et j'essaie de mieux comprendre, parce qu'il y a 27 États membres et je suppose qu'ils ont chacun leur propre réglementation. Ce sont encore des pays souverains. Le Canada a sa réglementation, comme les États-Unis ont leur réglementation. Nous avons ici l'ambassadeur de l'UE en poste qui dit qu'ils n'harmoniseront pas leurs normes, mais ils nous demandent d'harmoniser les nôtres pour établir une norme nord-américaine. Pouvez-vous clarifier ce point pour moi et m'aider à comprendre? Si nous n'harmonisons pas notre réglementation, que va-t-il se passer? Comment pouvons-nous produire selon une norme commune?
Tout ce que vous avez dit est absolument juste. Nous avons 13 gouvernements provinciaux et territoriaux, doté chacun de sa propre réglementation dans un vaste éventail de domaines, industriel, agricole ainsi de suite, et c'est le contexte avec lequel tout le monde, tous les fabricants, tous les agriculteurs ou exportateurs, doivent composer. Dans certains domaines — et nous l'avons abordé quand M. Gowland, je crois, a mentionné la question de la présence adventice — il y a des normes internationales. Dans ce contexte, d'après ce que j'ai compris de son témoignage, on est en train d'élaborer quelque chose sur les produits alimentaires et la salubrité des aliments au Codex Alimentarius, l'organe de l'ONU situé à Rome.
Nous avons des normes ISO dans un tas de domaines et la façon dont le monde des normes techniques fonctionne, c'est que bien souvent, des pays adoptent une version de la norme internationale et la fignole ici et là en fonction de besoins locaux ou pour quelque raison que ce soit qui leur semble importante. Cependant, il ne fait aucun doute que cela crée un enchevêtrement de règles et que les fabricants doivent régulièrement adapter leur produit à différentes communautés, différentes normes, différentes exigences en matière d'emballage et d'étiquetage.
Nous avons l'étiquetage bilingue. Tous les fabricants américains qui fabriquent un produit de consommation destiné au Canada doivent avoir une ligne de production séparée pour fabriquer et emballer le produit à destination du marché canadien. En Espagne, c'est différent. En Amérique latine, c'est différent. Au Brésil aussi, c'est différent. C'est la réalité.
Je parle de l'étiquetage, mais il n'a pas encore été question des normes techniques comme telles, par exemple par rapport à l'électricité. Nous avons un code canadien de l'électricité mis au point par la CSA, mais chaque province en a adopté une version légèrement différente. Une fois encore, au fil du temps, ces normes ont tendance à — « s'harmoniser » n'est peut-être pas le mot juste — converger, de sorte que les fabricants pourront, au bout du compte, fabriquer un produit ou tenter de fabriquer un produit qui satisfera à plusieurs normes.
Allons-nous nous harmoniser avec les États-Unis pour satisfaire à la demande de l'Union européenne et les 27 États membres de l'Union européenne vont-ils s'harmoniser sur un éventail de questions? Sur un éventail de questions, ils l'ont déjà fait. L'UE a émis des directives sur l'éventail de produits de consommation et d'autres produits, dans lesquelles on dit: voilà la norme européenne, il est possible de s'en écarter ici et là pour satisfaire à ses propres fins, mais ces normes doivent être respectées à la grandeur de l'Europe et il faut accepter les normes des autres pays de l'UE. Nous avons donc un peu un enchevêtrement de règles, mais c'est celui avec lequel les fabricants et les exportateurs doivent composer.
Votre deuxième question, sur la coopération en matière de réglementation, se rapporte à l'argument que j'essayais de présenter dans ma déclaration préliminaire, que trop souvent... Désolé, permettez que je revienne un peu en arrière. Dans cet accord commercial, et je l'espère dans les accords commerciaux futurs, l'objectif de la coopération en matière de réglementation n'est pas d'imposer une norme technique uniforme universelle sur un éventail de sujets. Il s'agit de créer des mécanismes qui permettent aux responsables de la réglementation de prendre en compte les répercussions involontaires que l'imposition d'une norme totalement déphasée par rapport à des normes internationales ou aux normes de nos principaux partenaires commerciaux pourrait avoir sur ces derniers et sur nos fabricants canadiens qui essaient d'exporter vers des marchés étrangers.
Autrement dit, il ne s'agit pas d'un mécanisme visant à forcer l'harmonisation. Il pourrait ne pas y avoir d'harmonisation du tout. C'est un mécanisme visant à permettre des communications suffisantes pour savoir à l'avance que si l'ACIA, l'Agence canadienne d'inspection des aliments, s'engage dans cette voie ou si Santé Canada le fait sous le régime de la Loi sur les produits dangereux ou si les Européens vont dans cette direction en application de leur réglementation REACH sur les produits chimiques, nous aurons des mécanismes qui signaleront les problèmes potentiels qui se répercuteront sur le commerce.
Voilà ce dont nous parlons, pas d'une harmonisation en vrac généralisée. Une harmonisation en vrac dans certains domaines est sur la table et il y a des domaines dans lesquels nous avons négocié par l'intermédiaire du processus ISO, parfois en nous fondant sur les normes volontaires que les industries ont adoptées. Les normes de l'industrie sont désormais communément acceptées dans le monde entier. D'autres domaines, comme les normes relatives aux émissions, sont moins acceptées.
Cela ne fait pas partie de l'accord. Lorsqu'ils parlent de coopération en matière de réglementation, l'intention n'est pas de créer un cadre qui imposera ensuite des normes harmonisées à tous.
C'est un système d'alerte et à mesure que le processus de réglementation élabore des normes et des règlements, les voies de communication permettront d'allumer des voyants rouges et de s'en occuper.
L'autre sujet que vous avez abordé, c'est cette liste négative. Je crois comprendre qu'elle est très ambitieuse: elle met tout sur la table sauf... Est-ce ainsi que cela s'est passé pour l'ALENA?
Oui, autrement dit, les dispositions de protection des investissements que nous avons dans le chapitre 11 de l'ALENA s'appliquent à tous les secteurs, puis il y a des appendices et des annexes qui disent que le Canada — et il y en a d'autres pour les États-Unis et le Mexique — formule des réserves par rapport à ces différents secteurs, par rapport à ces règlements donnés.
La Loi sur Investissement Canada est un autre exemple. On y trouve un renvoi très explicite dans l'annexe à l'ALENA qui dit que peu importe les engagements que nous avons pris aux termes du chapitre 11, la Loi sur Investissement Canada a préséance au Canada, et les autres parties sont d'accord.
C'est à peu près ainsi que cela fonctionne. Nous établissons une norme générale, puis nous soustrayons à son application les points qui nous préoccupent. Dans le passé, l'approche de l'Europe et de l'OMC était de dire que la libéralisation n'allait s'appliquer qu'à ces 16 éléments. Ainsi, vous avez par exemple l'accord général sur le commerce et les services, la composante des services de l'OMC. L'accord ne s'applique qu'aux secteurs auxquels chaque membre a volontairement accepté de l'appliquer.
Cela signifie que lors de la première négociation, nous avons proposé 6 secteurs, les Européens en ont proposé 12, les Américains 10 et les Japonais 3. Ensuite, la tâche est lourde pour passer au niveau de libéralisation suivant. La norme élevée est ainsi établie dès le départ, sauf pour les secteurs que vous avez exclus.
Je vous remercie beaucoup. Le temps que nous avions pour ce segment est écoulé. Je veux remercier les représentants des Producteurs de grains du Canada d'être venus témoigner. Aux représentants de la Chambre de commerce du Canada, merci de vos commentaires. Ils ont été très précieux.
Nous suspendrons la séance pendant quelques minutes pour permettre à notre deuxième groupe de témoins de prendre place.
Je déclare la séance ouverte.
Nous remercions nos témoins de leur présence. Nous avons le représentant du Centre canadien de politiques alternatives, M. Scott Sinclair, et le représentant de SNC-Lavalin International Inc., M. Blackburn. Merci à vous deux d'être ici.
Monsieur Blackburn, je vous laisse la parole en premier.
Merci monsieur le président, mesdames messieurs.
Je suis Robert Blackburn, vice-président principal chez SNC-Lavalin. Je suis chargé des relations avec le gouvernement, les banques de développement international et, par un heureux hasard, nos marchés en Afrique subsaharienne. Je joue donc plusieurs rôles.
Nous appuyons et nous réjouissons de l'engagement que le gouvernement a pris à l'égard de la croissance et de la diversification des marchés d'exportation canadiens, des marchés pour les exportateurs de biens et de services et les investisseurs. Nous nous réjouissons des déclarations que le premier ministre a faites à ce sujet la fin de semaine dernière à Hawaï.
Nous attachons beaucoup d'importance à la croissance et à la diversification de nos marchés en dehors de l'Amérique du Nord. Seulement 3 p. 100. de notre chiffre d'affaires aux États-Unis, mais l'an dernier, 7 p. 100 de nos revenus de 6,3 milliards de dollars, soit environ 453 millions de dollars, provenait de l'Europe, en excluant la Russie. L'Europe est un marché important pour nous. Nous sommes présents en France, en Belgique, en Roumanie, en Espagne et au Royaume-Uni.
Nous avons environ 11 000 employés à l'étranger. Nous en avons 4 000 en Amérique latine, 3 000 en Europe et 1 000 en Afrique. Nous voulons établir notre présence non seulement dans les marchés ayant un essor rapide, mais aussi en Europe, qui se classe au deuxième rang des sources d'importation, de destination des exportations et des sources d'investissement pour le Canada. C'est donc un marché important. Il n'a peut-être pas les mêmes caractéristiques d'essor rapide que d'autres marchés qui font l'actualité, mais c'est un marché très important.
Nous sommes présents en Europe dans le secteur des infrastructures. Nous administrons dix aéroports. Nous avons des parts dans certains d'entre eux et nous sommes en train d'en construire un à Mayotte, une île française, vous vous imaginez. Nous aidons à faire le montage financier et nous allons l'administrer pendant les 15 prochaines années. Nous sommes aussi présents dans le secteur du rail léger, les secteurs industriel et minier et différents autres secteurs. L'Europe est donc un marché important pour nous.
Nous sommes optimistes. Nous sommes ravis qu'il y ait eu à ce jour neuf rondes fructueuses de négociations en vue d'un accord économique et commercial global avec l'Europe. Je sais qu'ils en arrivent maintenant aux points difficiles. Nous allons suivre ces dossiers de près.
Comme vous pouviez le prévoir, nous nous intéressons au libre mouvement des personnes — des gens d'affaires et des professionnels entre le Canada et les pays européens. Nous utilisons notre bassin de talents à la grandeur de la planète. Nous sommes présents dans environ 100 pays et nous déplaçons notre personnel, parce que nous cherchons à affecter le meilleur savoir-faire aux projets que nous entreprenons. Nous avons environ 10 000 projets en cours dans le monde entier. Nous ne pourrions pratiquer la microgestion comme le gouvernement tente parfois de le faire.
Nous aimerions aussi voir un accord global sur les services. Milos a parlé de l'approche misant sur une liste négative. À notre avis, c'était la seule façon de procéder, pour vraiment nous permettre de réaliser quelques-uns de nos objectifs. La reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles est également un sujet important. Nous voulons être traités sans discrimination sur les marchés des infrastructures et dans les achats publics. Il faut un mécanisme de règlement des différends crédible et fiable et un mécanisme qui pourrait prévoir une indemnisation en cas de traitement discriminatoire.
Un dernier point. Je crois que c'est fantastique de voir les provinces engagées comme elles l'ont été dans cette négociation. Nous en avions eu une indication il y a deux ans de cela par rapport au plan de relance qui a mis les provinces à contribution dans le cadre d'un accord avec les États-Unis sur les achats publics. J'ai l'espoir que cette forme de coopération des provinces sur les marchés étrangers puisse déboucher sur une autre forme de coopération entre les provinces, ici au Canada, pour renforcer notre propre marché intérieur, qui comporte encore beaucoup d'obstacles. Traversez simplement la rivière et vous devrez peut-être démolir un trottoir parce qu'il n'a pas été construit par la bonne catégorie de travailleurs.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie beaucoup. Je serai heureux de répondre à vos questions, en français ou en anglais.
Je vous remercie beaucoup.
Vous avez absolument raison: les retombées d'un accord comme celui-ci pourraient nous aider à améliorer notre sort au pays.
Exactement.
Nous entendrons maintenant Scott Sinclair, du Centre canadien de politiques alternatives. Je vous cède la parole, Scott.
Merci monsieur le président, mesdames et messieurs. Je suis ravi d'être ici aujourd'hui.
Comme son nom l'indique, l'accord économique et commercial global, l'AECG, se veut un accord ambitieux qui aura des incidences au-delà du commerce international. Les obstacles commerciaux traditionnels entre le Canada et l'Union européenne sont déjà très faibles. Nos tarifs moyens sont d'environ 3,3 p. 100 et ceux des Européens s'établissent à 2,2 p. 100. Leur élimination, même totale, ne donnera pas une impulsion très forte. Ces temps-ci, le taux de change varie davantage — parfois d'un jour à un autre.
Nous avons affaire ici à des questions réglementaires, à des barrières non tarifaires et à des problèmes de gouvernance. Dans toutes les négociations commerciales bilatérales depuis l'ALENA, le Canada a été le joueur le plus puissant. Il a pu établir les conditions des pourparlers et travailler à partir du gabarit de son traité commercial en vigueur, mais les négociations de l'AECG sont différentes. L'UE est une super-puissance, habituée à faire ce qu'elle veut dans des pourparlers avec des partenaires plus petits.
L'AECG pourrait donc changer profondément les règles régissant le commerce et l'investissement et avoir une incidence sur un vaste éventail des politiques de tous les ordres de gouvernement au Canada. Dans le peu de temps qui m'est imparti, je soulignerai quelques impacts potentiels sur la protection des investissements, les marchés de l'État et les services publics — et si le temps le permet, sur les droits de propriété intellectuelle et les coûts des médicaments.
Les accords relatifs aux droits des investisseurs, comme le chapitre 11 de l'ALENA, vont bien au-delà du traitement équitable. Ils confèrent des droits spéciaux aux investisseurs étrangers qui leur permettent de contourner les systèmes judiciaires nationaux. Des tribunaux d'arbitrage peuvent ordonner à des administrations publiques de dédommager des investisseurs prétendument lésés par une politique ou une réglementation officielle. Il y a eu 30 poursuites d'investisseurs contre le Canada en vertu de l'ALENA et le nombre de cas continue d'augmenter. Le Canada a perdu ou réglé cinq réclamations et versé plus de 150 millions de dollars en dommages.
Certains des éléments les plus controversés du chapitre de l'ALENA sur la protection des investissements ne figuraient pas dans les accords commerciaux précédents de l'UE. Cependant, la Commission européenne a récemment obtenu le pouvoir de négocier des accords de protection des investissements au nom de l'UE dans son ensemble.
Tôt dans les négociations de l'AECG, le Canada a proposé le gabarit du chapitre 11 de l'ALENA. L'UE a maintenant répondu, assez récemment de fait, et sous la pression de quelques États membres, elle a réclamé un accord comportant des protections des investissements encore plus solides, à certains égards, que celles prévues dans l'ALENA. Elle insiste aussi sur la conformité totale des provinces et des municipalités.
Aux termes de la règle de la nation la plus favorisée de l'ALENA, toute concession accordée à des investisseurs européens dans le cadre de l'AECG est automatiquement consentie aux investisseurs américains et mexicains.
L'expérience du Canada sous le régime de l'ALENA suscite des inquiétudes en Europe. Le Parlement européen et une évaluation officielle de l'impact sur le développement durable de l'UE ont mis en doute la nécessité de prévoir dans l'AECG un mécanisme de règlement de différends entre investisseurs et États.
En outre, en application des règles de l'arbitrage entre les investisseurs et les États prévues dans le traité de la Charte européenne de l'énergie, Vattenfall, une société d'énergie suédoise, a récemment déposé des réclamations très litigieuses contre l'Allemagne — une première dans le cas de l'Allemagne — visant la réglementation d'une centrale au charbon à Hambourg et la décision de l'Allemagne de délaisser graduellement l'énergie nucléaire.
Le grand public demeure toutefois peu sensibilisé et l'AECG risque d'élargir la portée de modèle controversé de protection des investisseurs avant que les citoyens en saisissent toutes les implications. Le Canada et l'Europe sont dotés de systèmes judiciaires mûrs et très respectés qui protègent les droits de tous les investisseurs, peu importe leur nationalité. Rien, ou presque rien, ne justifie l'inclusion de l'arbitrage des différends entre investisseurs et États dans ces négociations.
Passons à l'approvisionnement et aux services publics. L'accès inconditionnel aux achats publics, en particulier à l'échelon provincial et local, est la priorité absolue de l'UE dans ces négociations. Les restrictions proposées limiteraient sévèrement la capacité des gouvernements d'utiliser leur pouvoir d'achat pour augmenter les bénéfices locaux. Les règles interdisent les conditions favorables au développement local, lesquelles sont définies comme des mesures compensatoires, même lorsque les marchés sont adjugés au terme d'un processus concurrentiel ouvert qui ne fait pas de discrimination contre les fournisseurs étrangers.
Les administrations publiques canadiennes pourraient perdre un outil précieux pour créer de l'emploi, protéger l'environnement et aider les groupes marginalisés. Par ailleurs, les administrations provinciales et municipales fournissent beaucoup de services publics au Canada. Les sociétés européennes veulent avoir accès au marché pour la prestation de ces services publics.
L'AECG serait le premier accord commercial du Canada qui couvrirait les achats municipaux, y compris des services essentiels comme la gestion des déchets, le transport public et l'eau potable.
L'exclusion des traités commerciaux antérieurs des achats des gouvernements sous-nationaux a sans aucun doute réduit le risque de litiges et les demandes d'indemnisation de sociétés en cas de déraillement de programmes de privatisation. Aux termes de l'AECG, la décision d'un gouvernement local de sous-traiter un service conférerait à des sociétés étrangères des droits considérables pour contester tout parti pris perçu, toute condition favorable au développement local et toute tentative d'interrompre ou de renverser le processus d'impartition.
Des multinationales européennes ont intenté avec succès des poursuites d'investisseurs contre l'État par suite de l'échec de plans de privatisation dans des pays en développement comme l'Argentine, récoltant au passage des centaines de millions de dollars en dommages. Si l'AECG ne peut pas obliger des gouvernements à privatiser, le fait d'accorder de nouveaux droits à des sociétés faciliterait la commercialisation et contribuerait à perpétuer la privatisation. Cela empêcherait aussi les gouvernements futurs d'élargir la portée de services publics ou d'en créer.
Comme vous l'avez entendu dans le témoignage précédent, l'AECG serait le premier accord de libre-échange bilatéral du Canada depuis l'ALENA à renfermer un chapitre sur les droits de propriété intellectuelle, et sa portée dépasserait largement les obligations actuelles du Canada aux termes de l'ALENA et de l'OMC. Le projet de texte qui a filtré renferme des demandes très ambitieuses de la part de l'UE, notamment un délai prolongé de protection des brevets qui ajouterait le temps nécessaire pour qu'un médicament obtienne l'homologation réglementaire — un délai qui peut atteindre cinq ans — à la durée habituelle de protection du monopole. Les demandes comprennent aussi des périodes plus longues d'exclusivité de données. La norme du Canada figure déjà parmi les plus élevées au monde, mais ils veulent qu'elle passe de huit ans à dix ans, ce qui correspond à la norme européenne. Cela comprend de nouveaux droits d'appel qui permettraient à l'industrie du médicament d'origine de retarder l'homologation de médicaments génériques.
Une quelconque combinaison de ces changements limiterait la disponibilité de médicaments génériques plus abordables et augmenterait les coûts que les administrations provinciales et les consommateurs canadiens doivent supporter. Dans une étude, deux experts réputés évaluent ces coûts supplémentaires à 2,8 milliards de dollars par an.
Les fabricants de médicaments d'origine affirment avoir besoin d'une solide protection de la propriété intellectuelle pour justifier leurs investissements dans la recherche et le développement au Canada. Pourtant, ces mêmes fabricants ont systématiquement manqué aux promesses qu'ils avaient faites au cours des négociations de l'ALENA d'investir 10 p. 100 de leurs ventes dans la recherche et le développement au Canada.
Plus important encore, les coûts des médicaments sont l'élément des coûts des soins de santé au Canada qui augmente le plus rapidement. Il est absolument essentiel de freiner l'augmentation des coûts des médicaments et les dispositions de l'AECG relatives à la propriété intellectuelle pourraient causer de graves préjudices à la viabilité du régime universel des soins de santé du Canada.
Je conclurai ainsi ma déclaration préliminaire.
Sur ces points, et sur d'autres points dont j'ai parlé, les négociations de l'AECG visent davantage à limiter la capacité des gouvernements de réglementer plutôt qu'à aplanir certains obstacles commerciaux conventionnels. Pour cette raison, ces négociations soulèvent des questions très graves et compromettent l'avenir de nombreux outils d'intervention et programmes publics importants.
Je vous remercie.
Merci beaucoup pour ces deux témoignages.
Nous passerons maintenant à la période de questions de la séance.
Madame Péclet.
[Français]
Je remercie les témoins. Mes questions s'adresseront à M. Sinclair.
Lors de votre présentation, vous avez parlé de développement local et de bénéfices locaux. Vous disiez que c'était le devoir des municipalités ou des gouvernements provinciaux de stimuler l'économie locale. Vous avez parlé du principe de non discrimination, qui fait partie des négociations du traité, qui est à l'origine de la règle du traitement national. Autrement dit, il sera impossible pour les entités gouvernementales de privilégier des entrepreneurs locaux et de stimuler des emplois locaux.
Pouvez-vous faire des commentaires sur cet effet de l'accord?
[Traduction]
Je vous remercie de me poser cette question.
L'AECG serait le premier des traités commerciaux internationaux auxquels le Canada est partie qui comporterait des engagements contraignants pour les administrations municipales. Avant la récente entente sur la politique d'achat Buy American, qui couvre certaines activités d'approvisionnement des provinces aux termes de l'accord de l'OMC sur les marchés de l'État, les administrations provinciales n'étaient pas non plus visées par de tels engagements.
Comme vous le dites, l'interdiction de ce qu'on qualifie de mesures compensatoires est l'un des aspects les plus controversés du texte de l'AECG — et cette interdiction fait partie d'office de l'accord relatif aux marchés publics de l'OMC et du chapitre sur l'approvisionnement de l'ALENA, mais ces dispositions n'ont pas été appliquées aux administrations municipales ni, jusqu'à récemment, aux administrations provinciales. Les mesures compensatoires sont simplement définies comme toute condition favorisant le développement local.
Quand SNC-Lavalin et d'autres sociétés canadiennes sont présentes dans le monde entier — et cela est vrai de sociétés européennes ici — elles peuvent soumissionner des marchés de l'État, mais les organismes publics négocieront avec elles des bénéfices locaux. Ils examineront, comme les gouvernements devraient le faire, l'emploi local, la formation locale, les taxes acquittées dans l'économie locale, et ils détermineront la meilleure valeur en conséquence. Pour ma part, cela m'apparaît une utilisation responsable de l'argent des contribuables. C'est tout à fait en accord avec les mécanismes d'appels d'offres ouverts. Les critères sont établis clairement à l'avance, pondérés et la meilleure soumission l'emporte. Nous appliquons effectivement des critères de développement local.
[Français]
Dans votre présentation, vous parlez de l'ajout d'un montant de 2,8 milliards de dollars que les provinces devront absorber si on adopte les demandes de l'Union européenne sur les brevets.
Pourriez-vous nous parler des conséquences qu'il pourrait y avoir sur l'accès aux médicaments et au système de santé pour les Canadiens?
[Traduction]
Les demandes formulées par l'Union européenne visant à modifier nos protections en matière de droits de la propriété intellectuelle, surtout dans le domaine des médicaments, auraient de très graves conséquences sur les coûts des soins de santé au Canada. Le chiffre que j'ai cité et que vous avez repris provient d'une étude d'experts basés à Toronto et à Calgary, Hollis and Grootendorst, qui a été publiée l'an dernier, si je ne me trompe pas.
Il est absolument essentiel que les Canadiens et les gouvernements du Canada limitent les coûts de soins de santé. Si ces demandes européennes devaient être retenues, le Canada serait doté du système de protection structurelle des produits pharmaceutiques d'origine le plus solide au monde. Nous combinerions des éléments du système des États-Unis et du système européen dans un mélange unique qui n'existe nulle part ailleurs dans le monde. Par exemple les Européens n'ont pas un système de liaison avec les droits de brevet comme le nôtre, que nous avons calqué sur celui des États-Unis.
À mon avis, c'est un enjeu crucial. Il est absolument essentiel que nous freinions les coûts des soins de santé. Je ne crois pas qu'on devrait y voir simplement un affrontement ou un différend entre l'industrie du médicament générique et l'industrie du médicament d'origine. Vous avez certainement entendu ce témoignage. C'est un enjeu pour le système de santé public. Des gouvernements provinciaux ont exprimé des points de vue très tranchés sur ce point parce qu'il est absolument impératif pour eux de réussir à réduire les coûts des médicaments dans le réseau de la santé.
Nous pourrions parler des droits des investisseurs. Vous avez dit dans votre conclusion que rien, ou presque rien, ne justifie l'insertion dans l'AECG de l'arbitrage des différends entre investisseurs et États. Vous parliez des conséquences que l'ALENA avait eues pour le Canada. Pourriez-vous en dire un peu plus sur ces conséquences?
Lorsque l'ALENA a été négocié et signé, on a essentiellement dit aux Canadiens — si tant est qu'on leur ait dit quoi que ce soit — que l'arbitrage des différends entre investisseurs et État prévu au chapitre 11 de l'ALENA était nécessaire à cause des problèmes de corruption structuraux dans le système judiciaire mexicain et que ce n'était pas vraiment un point dont les Canadiens devraient se soucier. Depuis, des avocats spécialisés en droit commercial international et d'autres ont utilisé ces dispositions de façon très énergique pour contester le Canada — trop souvent avec succès. Il y a eu 30 poursuites d'Investisseurs contre l'État.
Je crois qu'on est de plus en plus conscients en Europe des dangers inhérents à la réglementation de la protection de l'environnement assortie de règles de ce genre. Le Canada et l'Europe sont dotés de systèmes de justice démocratiques très respectés, ouverts à tous, y compris aux sociétés. Je ne crois pas vraiment qu'il est pertinent de prendre le risque d'insérer dans l'AECG ce système d'arbitrage des différends entre investisseurs et États, qui serait nouveau pour l'Europe dans un accord commercial régional, est un risque approprié.
Merci monsieur le président.
Merci à nos témoins.
J'aimerais poser ma première question à M. Sinclair. Je suis l'administration locale et la politique locale de très près. J'ai assumé pendant neuf ans une charge publique locale — j'ai été élu trois fois — et j'ai passé quelques années au sein de notre association provinciale en Colombie-Britannique. C'est très important. De fait, nos élections municipales se dérouleront samedi à la grandeur de la Colombie-Britannique. C'est très important. Il est essentiel que tous les ordres de gouvernement travaillent de concert, puisqu'il n'y a qu'un contribuable.
Vous avez mentionné une allocution que vous avez prononcée à Halifax au mois de juin. Vous avez parlé des limites proposées pour certains gouvernements nationaux, d'environ 300 000 $ pour les biens et services et 8 millions de dollars pour les contrats de construction et de concession. Ces limites sont assez basses dans le contexte international. J'aimerais simplement préciser qu'il s'agit effectivement de normes de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, qu'il s'agit donc de normes internationales.
Au cours des discussions, vous avez mentionné que les municipalités sont visées par les dispositions de l'AECG portant sur les marchés de l'État et que les administrations locales perdraient un outil d'intervention précieux pour créer de l'emploi, protéger l'environnement et aider des groupes marginalisés. Cependant, nous avons entendu la déclaration du président de la Fédération canadienne des municipalités. De fait, nous avons reçu une délégation de la Fédération canadienne des municipalités. Elle a aussi rencontré l'honorable Ed Fast, ministre du Commerce international. Le président a déclaré:
La FCM est heureuse de l'engagement du gouvernement fédéral à l'endroit d'un accord commercial qui offre de nouveaux emplois et de nouvelles perspectives aux Canadiens, tout en protégeant la prise de décisions à l'échelle locale, qui est essentielle pour bâtir des collectivités canadiennes fortes et saines.
Vu mon intérêt, ma passion et mon soutien pour les administrations locales, je comprends le dur travail qu'elles accomplissent. Elles défendent toutes les intérêts de leurs électeurs au niveau local. Elles sont satisfaites de l'AECG.
Monsieur Sinclair, prétendez-vous savoir ce qui convient le mieux aux municipalités et dites-vous que la FCM fait fausse route?
Je pense que certains fonctionnaires municipaux en savent certainement très peu sur cet accord. J'ai été assez consterné d'apprendre au congrès de la FCM tenu en juin à Halifax que des échevins de la ville de Toronto ne savaient même pas si leurs activités d'approvisionnement allaient faire partie de la proposition du Canada, et celle-ci avait alors été déjà présentée, si je ne me trompe pas.
Un comité de la FCM rencontre des représentants du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Je ne suis pas au courant de ce qui se dit à ces réunions. Ils ont établi plusieurs principes, comme vous le savez, qu'ils exigent de voir respectés dans cette négociation.
Je crois que les coûts administratifs que devront supporter les municipalités pour se conformer à ces règles pourraient être assez considérables, surtout si les limites sont basses. Vous n'avez qu'à parler à vos propres fonctionnaires du Conseil du Trésor à Ottawa de ces coûts administratifs qui peuvent être assez élevés, même dans une organisation centralisée et rationalisée comme celle du Conseil du Trésor.
Mais surtout, lorsqu'il est question de contrats majeurs, du transport public, de l'énergie verte et de domaines comme ceux-là, je pense que les municipalités, comme Toronto et d'autres — et certainement au Québec — ont appliqué des critères de développement local qui ont été bénéfiques pour leurs collectivités.
C'est le 20 p. 100 des contrats municipaux d'une valeur supérieure à la limite qui représente probablement environ 80 p. 100 de la valeur de tous les contrats couverts par les accords de cette nature. Ce sont les contrats qui peuvent avoir les plus grandes répercussions sur le développement.
Eh bien, nous devrons convenir de disconvenir sur une partie de ce que vous avez dit, parce que je sais que de nombreux maires et échevins travailleurs et très bien renseignés à la grandeur du pays se dévouent pour leurs collectivités et ils se sont dit en faveur de cet accord. Je veux appuyer la position de la FCM.
Monsieur Blackburn, nous ne vous avons pas encore posé de question et je ne voudrais pas que vous vous sentiez seul. Je vous suis reconnaissant d'être venu nous faire part de votre expérience et de votre enthousiasme pour cet accord.
Vous pourriez peut-être nous parler un peu des tarifs et de quelques-unes des barrières non tarifaires auxquelles l'industrie fait face. À votre avis, comment l'AECG aidera-t-il votre entreprise et l'industrie à éliminer une partie de ces barrières?
Eh bien, pour nous, ce n'est pas vraiment une question de tarif. Nous ne fabriquons rien. Nous sommes une entreprise de services, et parfois, une société d'investissement.
M. Ron Cannan: Et les PPP — je sais que vous en avez fait plusieurs.
M. Robert Blackburn: Oui, y compris quelques-uns en Europe, quelques-uns au Canada, et d'autres ailleurs.
Je suppose que notre priorité consiste à essayer d'avoir des règles du jeu uniformes dans le monde entier dans différents marchés. Par exemple nous espérons vivement que les négociations sur le libre-échange avec l'Inde débouchent sur un accord. Comme je l'ai dit plus tôt, nous nous employons à augmenter notre présence dans ce pays. Par ailleurs, le premier ministre a parlé en fin de semaine dernière d'adhérer au Partenariat transpacifique. À mon avis, c'est vraiment important de le faire parce que sinon, nous serons mis de côté tandis que les autres pays de du Pacifique aplanissent leurs obstacles commerciaux. Dans certains cas, il y a des tarifs et manifestement beaucoup de discrimination envers les sociétés étrangères qui souhaitent avoir accès à un marché.
Notre priorité, c'est d'avoir un accès libre pour que nous puissions soumissionner et travailler dans le plus grand nombre possible de marchés autour du monde. Nous nous débrouillons assez bien à cet égard. Nous nous mesurons à une rude concurrence ces jours-ci, provenant de toutes sortes d'endroits. Des compétiteurs de la France, de l'Espagne et du Royaume-Uni sont très présents dans les marchés dans lesquels nous travaillons. Nous entendons parler aussi de l'Inde et de la Chine, mais nos compétiteurs européens sont assez dynamiques également. C'est parfois difficile, même si nous avons 3 000 employés qui travaillent en Europe, d'être traités comme une société européenne. Nous l'avons vécu en Espagne. Nous l'avons vécu en France, pour des raisons que vous pouvez comprendre.
Au sujet des bénéfices découlant des investissements pour le développement local, je dirais entre autres choses que d'après notre expérience dans le monde entier, partout où nous allons, autant pour des raisons de compétitivité que pour toute autre raison, nous travaillons avec la population locale, avec des biens locaux et avec des fournisseurs de services locaux. Si nous voulions essayer d'amener les Canadiens partout, cela ne fonctionnerait pas. Nous ne pourrions pas être compétitifs. Nous allons jusqu'à former des milliers de travailleurs d'usine et de fournisseurs locaux, ce que nous faisons en ce moment au Madagascar, et ce que nous avons fait en Afrique du Sud et au Mozambique. C'est la façon de faire. Nous travaillons avec la population locale. Il y a de grands efforts de développement local. En Europe, nous n'avons pas eu à donner ce genre de formation parce que nous y trouvons beaucoup de compétences locales.
Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux d'être venus.
Monsieur Blackburn, au sujet de l'utilisation du bassin de talents à l'échelle mondiale, je crois que vous avez dit que vous aimeriez un accord exhaustif sur les qualifications professionnelles.
Jusqu'à présent, la discussion semble avoir porté surtout sur l'accord concernant l'arbitrage des différends entre investisseurs et États. Scott, vous vous êtes étendu assez longuement sur le sujet. Pourriez-vous tous deux expliquer assez brièvement les conséquences que cet accord pourrait avoir sur le critère du développement local? Je sais que Ron a effleuré le sujet dans sa question. Vos points de vue sur le critère du développement local diffèrent-ils? Dans votre réponse précédente, monsieur Blackburn, vous avez mentionné que vous n'y arriveriez pas si vous n'embauchiez pas sur place. Vous ne pouvez pas amener des Canadiens partout. Quelle est la limite à l'échelon municipal? D'après ce que je comprends, les petites collectivités ne sont pas touchées et la limite est assez élevée. Pourriez-vous tous deux expliquer le critère de développement local? Je crois que c'est important.
Scott, voulez-vous commencer, ou monsieur Blackburn?
Avec plaisir
En guise de précision sur l'application des différents éléments de l'accord, je dirais que le mécanisme d'arbitrages des différends entre investisseurs et États sert à faire respecter le chapitre de l'accord qui porte sur la protection des investissements, et les dispositions relatives à l'approvisionnement sont habituellement administrées par un tribunal administratif national. Ainsi, au Canada, ce serait le TCCE à l'échelon fédéral.
Ces tribunaux administratifs disposent quand même de pouvoirs assez draconiens. Ils peuvent dire à une municipalité ou à un gouvernement provincial, si l'un ou l'autre contrevient aux règles, de relancer l'appel d'offres. Ils peuvent accorder une indemnisation à un fournisseur qui a été traité injustement, ou d'une façon incompatible avec les règles.
L'interdiction des mesures compensatoires est l'un des grands problèmes que me posent ces règles, ou l'ensemble type de règles en quelque sorte. Comme je l'ai dit, on définit simplement les mesures compensatoires comme toute condition favorisant le développement local. Ainsi, les programmes de formation locale du genre de ceux qui ont été décrits dans le cas de Madagascar, qui m'apparaissent être la pratique courante dans le monde entier et une attente raisonnable lorsque les gouvernements font des achats avec des fonds publics, seraient illégaux et incompatibles avec ces règles à moins que le Canada formule une quelconque réserve, ou protection ou exemption, ce que nous devrions faire si nous devions nous engager à respecter ces règles. Il est évidemment raisonnable que les gouvernements appliquent une norme de valeur optimale différente de celle qu'une société privée applique en matière d'approvisionnement.
Je me contenterai de souligner que les projets que je décris ne sont pas du tout des projets gouvernementaux. C'est simplement logique, du point de vue des affaires, de procéder ainsi. Ni le Madagascar, ni le Mozambique ou l'Afrique du Sud ne nous obligeait à le faire.
Il est intéressant de souligner que notre expérience au Mozambique et en Afrique du Sud est une étude de cas et qu'elle a servi à former des gens à la Banque mondiale sur les bonnes façons de développer des ressources dans le monde en développement. Et c'est notre client qui a payé la note. C'est ce qu'ils voulaient.
Je vais probablement manquer de temps, mais est-ce votre société qui construit l'aéroport en Équateur?
Ah bon, parce que j'y suis allé, et à 98 p. 100, c'étaient des gens de l'endroit. C'est un projet de l'EDC. Le Canada est derrière ce projet.
Au sujet de l'utilisation d'un bassin de talents à l'échelon mondial et d'un accord exhaustif sur les qualifications professionnelles — ce dont nous avons besoin au Canada à l'interne — voulez-vous nous donner quelques précisions? Je crois vraiment que c'est un sujet extrêmement important pour le Canada, et nous ne faisons rien dans ce dossier. Pourquoi cela aurait-il tant d'incidences sur les investissements par rapport à l'AECG?
Eh bien, je ne suis pas un expert en investissement. Je ne parle pas expressément en termes d'investissement, mais nous utilisons notre bassin de talents, des Canadiens et nos 11 000 employés à l'étranger, et projet par projet, nous bâtissons nos équipes.
Il se trouve que j'ai assisté au Commonwealth Business Forum à Perth il y a deux semaines. Nous y avons un bureau local de bonne taille dans le secteur minier. J'ai profité de l'occasion pour dîner avec nos gestionnaires locaux, deux gestionnaires d'Afrique du Sud et un de Londres, en Angleterre. Ils faisaient ensemble une présentation à un client local le lendemain. Ainsi, dans la mesure où nous pouvons enrichir notre bassin, cela nous aidera à développer notre entreprise au Canada et sur la scène internationale. Bien entendu, comme je l'ai dit, nous tombons sur des Européens qualifiés partout où nous allons. Ce serait extrêmement avantageux pour nous de pouvoir les intégrer dans notre bassin de talents ici au pays.
Je vous remercie beaucoup.
Je veux remercier nos invités de leur présence et de leur témoignage.
Il y a une remarque que je ne peux laisser passer, parce qu'elle me tracasse depuis que je l'ai entendue aux tous débuts de la déclaration de M. Sinclair. Je vais la citer. Il a dit que cette entente « ne donnera une impulsion très forte » à l'économie du Canada. Franchement, cela me choque. Dans toute votre recherche, vous n'avez peut-être pas estimé ou calculé que par suite de cet accord commercial avec l'Union européenne, on prévoit que l'économie du Canada va faire un bond de quelque 12 milliards de dollars, que l'accord va augmenter le commerce bilatéral de 20 p. 100 et créer 80 000 emplois au Canada. De votre point de vue, cela ne constitue peut-être pas une impulsion assez forte mais je dois vous dire, monsieur, avec tout le respect qui vous est dû, que de notre point de vue, nous croyons que c'est absolument essentiel au succès du Canada.
Mesdames, messieurs, permettez-moi de remettre ceci un peu en contexte. Au Canada, un emploi sur cinq est lié au commerce. Il y a des députés d'en face qui n'ont jamais appuyé un accord de libre-échange, depuis le temps que je siège au comité du commerce. J'ose espérer, et je m'adresse aux députés d'en face, que lorsque vous analyserez ce qui est bon pour le Canada...
Je suis conscient que je dois vraiment m'adresser à nos invités, et je vais le faire. Merci monsieur le président de m'avoir aidé à retrouver mon chemin.
Une fois encore, messieurs, pour inscrire la question dans son contexte, le Canada est un marché de quelque 35 millions d'habitants. En Europe, les pays avec lesquels nous faisons des affaires, nous parlons d'un marché potentiel de 500 millions de personnes. Mettons les choses un peu en perspective. Nous avons entendu M. Barutciski dire que le Canada doit poursuivre ces négociations pour conclure un accord de grande qualité parce que l'AECG deviendrait l'accord commercial de grande qualité le plus étendu, dépassant même l'ALENA. Cela signifie que nous ferions des affaires avec l'économie la plus riche du monde et cela ferait du Canada le seul pays au monde qui aurait un accord de libre-échange avec les deux plus grandes puissances économiques du monde.
Monsieur Blackburn, en ce qui concerne l'approvisionnement, qu'est-ce qu'un accès libre à l'AECG signifierait pour votre firme? Nous savons que SNC-Lavalin est un acteur majeur sur la scène mondiale. Qu'est-ce que cela signifie pour vous, parce que vous avez commencé à décrire quelques-unes de vos activités en Europe et je sais que vous avez des intérêts étendus dans le monde entier. Qu'est-ce que l'AECG signifierait pour vous?
Comme vous le dites, c'est le marché le plus grand et le plus riche du monde à ce stade, quand vous regroupez tous les pays de l'UE. Nous avons pris de l'expansion de là-bas. C'est mon 15e anniversaire chez SNC-Lavalin et quand j'y suis entré, nous venions d'acheter une petite société dont les activités se limitaient essentiellement à la construction d'installations de production de champagne dans la région de Rheims et d'Épernay en France. Il y avait environ 60 employés. Au cours des 15 dernières années, nous avons développé l'entreprise qui compte plus de 3 000 employés et nous continuons de grandir là-bas.
Par conséquent, pour que nous soyons considérés et traités comme une société européenne, ce que nous sommes à bien des égards, ce n'est que logique pour nous que notre société, avec notre savoir-faire canadien, puisse se rendre sur place et travailler sur des projets en Europe, et inversement, et à l'échelon international. En ce moment, nos sociétés européennes travaillent aussi en Afrique sur quelques-uns de nos projets de concert avec quelques-uns de nos gens de l'Inde. C'est simplement logique pour nous. Cela nous aide à grandir encore. Il m'est impossible de le chiffrer, mais vous pouvez constater qu'il y a une courbe de croissance relativement rapide. Nous n'avançons par bonds énormes, notre croissance se fait en douceur. Nous aimerions être traités à tous les égards comme une société européenne dans les marchés où nous sommes présents.
Vous avez peut-être entendu parler dans les témoignages précédents des points de comparaison, si je peux m'exprimer ainsi, entre le Canada et l'Europe au plan culturel, et du fait qu'il y a beaucoup de comparables sur bien des facteurs différents.
Quand vous avez témoigné ici dans le passé, je sais que vous avez parlé de la responsabilité sociale de SNC-Lavalin. Comment cette notion s'applique-t-elle à cet accord du point de vue de SNC-Lavalin?
Il me semble qu'en ce qui concerne l'Europe, le problème se pose moins que dans les pays en développement qui n'ont pas eu de tradition culturelle, ni de capacité financière, ni d'antécédent en matière de réglementation, qui les auraient dotés des outils nécessaires dans certains de ces domaines.
M. Sinclair a dit que l'accord ferait obstacle à la capacité à protéger l'environnement. Je n'ai pas entendu dire que les gouvernements renoncent à leur pourvoir de réglementer en matière environnementale. Si une règle était adoptée pour protéger le marché plutôt que pour protéger l'environnement, je pourrais alors comprendre le fondement d'une contestation éventuelle. Cependant, j'aurais cru que tous les ordres de gouvernement seraient habilités, aux termes d'un accord de protection des investissements, à continuer de protéger l'environnement comme bon leur semble. Il y a peut-être quelque chose qui m'échappe, et cela se pourrait bien.
Quelque chose vous échappe: l'expérience vécue avec le chapitre 11 de l'ALENA. Prenons le cas de S.D. Myers, où le Canada a interdit le transport transfrontalier de déchets toxiques, ou le cas des déchets métalliques au Mexique, où l'État mexicain a pris un règlement pour contrôler le choix de l'emplacement d'une décharge de déchets toxiques, et bien d'autres dossiers.
Près de la moitié des poursuites d'investisseurs contre des États aux termes de l'ALENA se rapportent à la protection de l'environnement. La question ne se résume à l'objet de la politique, que ce soit la protection du marché ou la protection de l'environnement. Cela va plus loin. Les tribunaux d'arbitrage se sont penchés sur des cas d'expropriation indirects. Voilà le genre d'enjeux sur lesquels ces tribunaux se prononcent.
M. Sinclair ne sera peut-être pas content de l'apprendre, mais le Québec a gagné le droit de contrôler les pesticides. Je voulais simplement être clair à ce sujet. Il était question du droit de les réglementer.
Nous sommes très pressés par le temps et nous allons passer à la deuxième série de questions. Je vais vous demander de poser une seule question puis nous passerons à la séance à huis clos.
Allez-y, très brièvement.
[Français]
Je vous remercie.
Malgré tout le respect que j'ai pour mon collègue, M. Holder, j'aimerais revenir à la question de la création d'emplois, parce que je ne suis pas certain que ce soit aussi simple que ce qu'on dit. Dans des situations comme ça, il y a souvent un ajustement. Par exemple, si on considère l'ALENA et son impact sur l'industrie automobile au Canada, il faut se poser des questions. Les échanges de cette envergure provoquent toujours un ajustement dans notre système. J'aimerais entendre M. Sinclair parler de l'impact sur l'emploi au Canada.
[Traduction]
Je veux seulement corriger une remarque. J'ai dit que l'élimination complète des tarifs ne donnerait pas une très grande impulsion à l'économie canadienne. Je crois que c'est indubitable.
Je suis heureux que vous ayez soulevé la question des emplois. Une étude a été exécutée en 2009, avant la chute de l'euro par rapport au dollar canadien. Elle prédisait un bond de 12 milliards de dollars de l'économie canadienne. Je ne sais trop comment, des porte-parole ont converti cette conclusion pour parler de la création de 80 000 emplois au Canada.
Je ne connais pas la méthodologie de l'étude, mais je veux souligner que l'analyse du modèle d'équilibre général calculable supposait le plein emploi des deux côtés. C'est faire preuve de naïveté économique de parler de 80 000 emplois, un chiffre indéfendable. Je crois que le comité devrait se pencher là-dessus.
La naïveté est un sujet intéressant. À mon avis, l'origine du chiffre — et c'est un chiffre prudent — c'est que, en général, lorsque vous analysez la production économique dans le monde entier, pour chaque milliard de dollars d'augmentation des exportations environ, cela se traduit à peu près par 10 000 emplois. Cela ne s'applique pas qu'au Canada, cela s'applique dans le monde entier. Si vous faites le calcul, vous obtiendrez plutôt 120 000 nouveaux emplois.
Cependant, je m'insurge contre vos remarques au sujet de la Fédération canadienne des municipalités, monsieur Sinclair. Son président a dit:
La FCM est heureuse de l'engagement du gouvernement fédéral à l'endroit d'un accord commercial qui offre de nouveaux emplois et de nouvelles perspectives aux Canadiens, tout en protégeant la prise de décisions à l'échelle locale, qui est essentielle pour bâtir des collectivités canadiennes fortes et saines.
Ce sont des élus. Vous pouvez ne pas être d'accord avec eux, respectueusement, et c'est parfait, mais de dire qu'ils ont tort alors que vous ne faites pas partie de ce système, que vous n'êtes pas un élu... J'ai assisté à des séances d'information avec les municipalités canadiennes. Leurs représentants voient cet accord d'un très bon oeil. Ils ont posé des questions très pointues. Ils veulent connaître exactement comment le changement de réglementation les touchera. Ils veulent en savoir plus sur la réciprocité, mais ils sont en faveur de l'accord, et il est faux de dire autrement. C'est tout.
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