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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 042 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 7 juin 2012

[Enregistrement électronique]

(1130)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Certains membres ne sont pas encore arrivés, mais, quoi qu'il en soit, nous avons le quorum et nous pouvons commencer.
    Madame Papillon, je suis heureux de vous voir.
    Nous allons étudier le rapport sur l'application de la Loi de mise en œuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie.
    Nous avons avec nous Kerry Buck, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Je crois que c'est vous qui allez faire la déclaration. Merci de votre présence. Je vais vous céder la parole; vous pourriez peut-être nous présenter les personnes qui vous accompagnent et faire ensuite la déclaration.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous remercie de cette occasion qui m'est offerte de vous fournir plus de renseignements sur l'engagement entre le Canada et la Colombie. Je suis très heureuse de me joindre à vous aujourd'hui afin de contribuer à l'examen effectué par le comité permanent du premier rapport annuel produit par le Canada en vertu de l'Accord concernant des rapports annuels sur les droits de l'homme et le libre-échange entre le Canada et la République de Colombie.
    Comme l'a affirmé le premier ministre lors de sa visite en Colombie l'année dernière, la diversification du commerce joue un rôle crucial pour que le Canada puisse tendre la main à ses voisins de l'hémisphère. Depuis 2006, les ministres canadiens ont effectué 175 visites dans divers pays de l'Amérique latine, et le Canada a signé ou négocie actuellement des accords de libre-échange avec plus de 20 pays des Amériques. La Colombie est un partenaire important du Canada dans le cadre de son engagement dans les Amériques.
    Le Canada et la Colombie entretiennent depuis longtemps une relation solide et multidimensionnelle. Ils souligneront cette année le 60e anniversaire de l'établissement de liens diplomatiques entre les deux pays. J'aimerais tout d'abord mettre l'accent sur la portée et la maturité de l'étroite relation qui unit le Canada à la Colombie. Nos relations politiques sont très solides, comme en témoignent nos nombreux échanges de haut niveau: le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, le ministre du Commerce international, la ministre du Travail et la ministre d'État Ablonczy ont tous rencontré leurs homologues colombiens à maintes occasions. Nous tenons régulièrement des consultations à l'échelon des fonctionnaires dans le cadre desquelles sont échangés des points de vue et des renseignements sur les relations politiques, le commerce et l'investissement, les droits de la personne, la sécurité et la politique de défense. La Colombie est un pays des Amériques aux vues similaires avec qui nous collaborons au sein d'organisations multilatérales pour promouvoir nos objectifs communs. Nos deux pays doivent leurs relations interpersonnelles solides et croissantes à l'expansion d'entreprises commerciales ainsi qu'à l'accroissement des liens universitaires et culturels et des migrations.
    Bien entendu, un jalon important de nos relations bilatérales était la signature de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie. La prospérité du Canada est liée à notre capacité de tirer parti de possibilités économiques qui se présentent à l'extérieur de nos frontières et qui stimulent les échanges commerciaux et l'investissement du Canada. La conclusion d'accords de libre-échange est une des principales actions que le gouvernement peut entreprendre afin de maintenir et d'ouvrir de nouveaux marchés pour les entreprises canadiennes. Le Canada est d'avis que des marchés ouverts permettent de créer des emplois et de stimuler la croissance économique.

[Français]

    Le Canada continue d'effectuer activement un plan ambitieux de stimulation du commerce international pour créer des possibilités de commerce et d'investissement, en particulier avec de grandes économies dynamiques à croissance rapide, comme la Colombie.
     La Colombie est un marché émergent et dynamique de 48 millions d'habitants et une économie dotée d'un grand potentiel de croissance. Elle est aussi une destination stratégique de l'investissement direct canadien. Le Canada est fermement convaincu que notre accord de libre-échange rapportera des dividendes au Canada et à la Colombie. Les entreprises canadiennes représentent maintenant quelque 60 % de la production des industries extractives en Colombie, par exemple, et les institutions financières canadiennes sont devenues des joueurs clés sur le marché colombien.
    Par ailleurs, nous avons signé des accords parallèles sur le travail et l'environnement la même journée où nous avons signé notre accord de libre-échange avec la Colombie, afin de veiller à ce que les efforts déployés dans les domaines de la libéralisation du commerce, des normes du travail et de la protection de l'environnement se soutiennent mutuellement. Il est important de souligner le grand nombre de débouchés créés par cet accord destinés aux entreprises canadiennes en Colombie.
     L'élimination des droits de douane sur les exportations canadiennes aide à rendre les produits canadiens plus concurrentiels dans un vaste éventail de secteurs, notamment l'exploitation minière, l'agriculture et les produits agroalimentaires. Elle crée des règles du jeu équitables pour les entreprises canadiennes par rapport à leurs concurrents, qui tirent partie d'un accès préférentiel à ce marché, en plus de faciliter l'accès aux marchés pour les fournisseurs de services canadiens dans des secteurs comme la finance, l'ingénierie, l'environnement, l'exploitation minière, le pétrole et le gaz, et les services de construction.
(1135)

[Traduction]

    En même temps, les investissements canadiens créent des débouchés destinés aux Colombiens. Plus de 70 entreprises canadiennes créent des emplois et de la richesse en Colombie, notamment dans les secteurs du pétrole et du gaz, des mines, des finances, de l'éducation, des chaussures, de la transformation des aliments, de la technologie des satellites, des services juridiques, etc.
    Notre relation unique et multidimensionnelle avec la Colombie a abouti à la signature de l'Accord concernant des rapports annuels sur les droits de l'homme et le libre-échange entre le Canada et la République de Colombie au mois de mai 2010. Cet accord est entré en vigueur le 15 août 2011, la même journée que l'Accord de libre-échange Canada-Colombie, ou ALE Canada-Colombie. Comme vous le savez, conformément à l'Accord concernant des rapports annuels sur les droits de l'homme et le libre-échange, le Canada et la Colombie sont tenus de rédiger chacun un rapport annuel pour dépôt devant leur assemblée législative respective sur les effets de l'ALE Canada-Colombie sur les droits de la personne dans les deux pays. Les obligations du Canada en vertu de l'Accord concernant des rapports annuels sur les droits de l'homme et le libre-échange entre le Canada et la République de Colombie ont été incorporées au droit intérieur du pays par le truchement de la Loi de mise en œuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie.
    Aux termes de cette loi, le Canada doit rédiger un rapport qui se fonde sur des renseignements provenant de l'année civile précédente. L'ALE Canada-Colombie est entré en vigueur le 15 août 2011, alors qu'il ne restait que quatre mois et demi à l'année 2011. Puisque l'ALE n'a pas été en vigueur pendant une année complète, les parties ne disposaient pas de données suffisantes pour effectuer une analyse approfondie de cette courte période. En conséquence, le rapport de 2012 décrit les étapes méthodologiques qui seront utilisées dans les rapports futurs.
    La période complète allant du 15 août 2011 au 31 décembre 2012 sera analysée dans le prochain rapport, lequel sera déposé en 2013.

[Français]

    Permettez-moi maintenant de vous parler de la situation des droits de la personne, un aspect très important de nos relations avec la Colombie. Des problèmes subsistent, mais le gouvernement de la Colombie a réalisé de nombreux progrès au chapitre des droits de la personne, et elle collabore de près avec la communauté internationale pour faire progresser la situation des droits de la personne dans le pays.
    Le Canada figure parmi les nombreux partenaires de la Colombie qui se sont engagés à l'avancement des droits de la personne dans le pays. Nous estimons que la coopération, et non l'isolement, constitue la meilleure façon d'appuyer un changement pour le mieux, à long terme. Par l'entremise de ses interactions, y compris ses liens commerciaux, le Canada fait la promotion de ses valeurs concernant le respect de la démocratie et des droits de la personne.
    Le Canada maintient avec la Colombie un dialogue de haut niveau, ouvert et honnête, sur les droits de la personne. Ce dialogue met à contribution nos chefs de gouvernement, nos ministres et des fonctionnaires. De plus, nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement ainsi qu'avec des communautés, des syndicats, des groupes de la société civile, des pays donateurs aux vues similaires, des organisations multilatérales et d'autres intervenants afin de faire avancer la cause des droits de la personne.

[Traduction]

    Par exemple, des 130 millions de dollars que le Canada a affectés à la programmation en Colombie par l'intermédiaire de l'Agence canadienne de développement international et du Fonds pour la paix et la sécurité mondiales du MAECI, plus de 41 millions de dollars ont été consacrés à des projets axés sur la justice sociale et les droits de la personne. En outre, le Canada est actuellement le plus important donateur du bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme en Colombie, ayant affecté à celui-ci huit millions de dollars sur une période de quatre ans.
    Le Canada demeure résolu à soutenir l'amélioration de la situation des droits de la personne en Colombie. Nous maintiendrons notre dialogue sur les droits de la personne aux échelons les plus élevés du gouvernement de la Colombie; nous continuerons de suivre la situation sur le terrain; nous poursuivrons le travail que nous effectuons avec la société civile et la communauté internationale pour promouvoir les droits de la personne; et nous continuerons de déployer des efforts concrets à cet égard.
    Monsieur le président, pour conclure, j'aimerais mentionner que le Canada croit qu'une interaction accrue avec la Colombie, notamment dans le cadre de l'accord de libre-échange, lui permettra de mieux promouvoir ses valeurs concernant le respect des droits de la personne et de la démocratie tout en augmentant notre prospérité mutuelle.
(1140)

[Français]

    Je serai heureuse de répondre à toutes vos questions. Mes collègues Sylvain Fabi, directeur général intérimaire de la Direction générale de l'Amérique latine et des Caraïbes du MAECI, Jean-Benoît Leblanc, directeur de la Direction de la politique et des négociations commerciales du MAECI, James Junke, directeur de la Direction des politiques des droits de la personne et de la gouvernance du MAECI, ainsi que Pierre Bouchard, directeur des Affaires bilatérales et régionales du travail de RHDCC, sont aussi présents aujourd'hui pour répondre à toute question relevant de leur domaine d'expertise.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.
    Merci beaucoup d'avoir présenté votre exposé et mobilisé le groupe d'experts qui vous accompagne. Je suis certain que cela donnera lieu à des questions intéressantes. Nous ferons seulement une série d'interventions de sept minutes chacune. Nous nous arrêterons un peu après midi. Les interventions empiéteront donc sur la prochaine heure, mais c'est ainsi.
    Monsieur Davies, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence.
    Madame Buck, vous savez que la situation des droits de la personne en Colombie était très préoccupante au moment où la Chambre des communes a tenu ses délibérations préalables à la signature de l'accord de libre-échange. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?
    Nous travaillons depuis longtemps avec la Colombie au chapitre des droits de la personne. Nous avons été très clairs en ce qui concerne certaines difficultés liées à cet enjeu auxquelles le gouvernement de la Colombie est confronté. Ces dernières années, on a réalisé d'importants progrès là-bas.
    Madame Buck, mon temps est limité, alors je vous demanderais de répondre directement à mes questions, s'il vous plaît.
    Comme vous le savez, au moment de l'adoption du projet de loi, des parlementaires ont exprimé de sérieuses réserves concernant la situation des droits de la personne en Colombie. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?
    Certains parlementaires ont exprimé des préoccupations à ce sujet lors des délibérations. J'en suis consciente. Je suis au courant de la situation des droits de la personne dans ce pays.
    Je suppose que vous seriez d'accord avec moi pour dire que la disposition exigeant que le gouvernement dépose un rapport concernant les répercussions de l'accord de libre-échange sur les droits de la personne est le fruit d'un amendement proposé par certains parlementaires, c'est-à-dire mes collègues du Parti libéral, je crois.Vous souvenez-vous de cela?
    Oui. Je n'étais pas responsable du dossier à l'époque, mais je suis au courant des délibérations qui ont eu lieu.
    Je vais lire un article de la loi:

Chacune des Parties présente un rapport à sa législature au plus tard le 15 mai de l'année qui suit l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, et une fois par année par la suite. Les rapports en question portent sur l'effet des mesures prises en conformité avec l'Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie en matière de protection des droits de l'homme sur les territoires du Canada et de la République de Colombie.
    L'article est très clair. C'est une exigence obligatoire. Selon la loi adoptée par le Parlement du Canada, un tel rapport doit lui être présenté et doit concerner les répercussions entraînées par les mesures sur les droits de la personne. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?
    Comme je l'ai dit, le rapport de cette année est conforme aux exigences de la loi. Comme la période de quatre mois et demi ne nous a pas permis de mener l'analyse complète exigée par l'accord, nous avons axé le rapport de cette année sur la méthodologie à utiliser pour rédiger le rapport qui portera sur la présente période et qui sera déposé l'an prochain.
    Madame Buck, j'ai le rapport devant moi et je l'ai lu de nombreuses fois. Il ne contient absolument aucune analyse des répercussions de l'accord de libre-échange sur les droits de la personne.
    Vous avez dit que vous disposiez seulement de quatre mois et demi. Le gouvernement sait depuis juin 2010, moment où la loi a reçu la sanction royale, qu'il doit rédiger ce rapport. Nous savons que la loi est entrée en vigueur le 15 août. Assurément, entre cette date et la fin de l'année, vous avez dû avoir l'occasion de présenter une certaine analyse des répercussions. Dans le cas contraire, pouvez-vous nous dire quelles données ont été recueillies au cours de cette période?
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, monsieur, il n'y avait pas assez de données disponibles pour mener ce genre d'analyse. Le rapport de cette année décrit les étapes méthodologiques qui seront utilisées. La période complète allant du 15 août 2011 au 31 décembre 2012 sera analysée dans le prochain rapport, qui sera déposé en 2013.
    Nous savons cela. Le problème, c'est que la loi exige le dépôt d'un rapport par année. Il ne prévoit pas la possibilité de ne pas en déposer s'il s'agit d'une année incomplète. Il faut respecter la loi, madame Buck. En vérité, on a déposé au Parlement un rapport vide ne contenant aucune analyse des répercussions de l'accord de libre-échange sur les droits de la personne, alors que c'est exactement ce qui est exigé par la loi. Elle ne prévoit aucune exemption en cas d'année incomplète.
    Avec tout le respect que je vous dois, madame Buck, je ferais valoir que la période s'étendant du 15 août au 31 décembre vous laissait suffisamment de temps pour écrire au moins une phrase ou un paragraphe au sujet des répercussions afin d'éclairer un peu les parlementaires.
    Je vais me tourner vers la société civile. Nous allons entendre des témoins qui ont suivi l'évolution des droits de la personne en Colombie. Ils nous diront que la documentation relative aux droits de la personne là-bas est abondante. Ce sujet aurait pu être au moins abordé dans le rapport.
    À tout le moins, n'auriez-vous pas pu y inclure de l'information de base sur laquelle nous aurions pu nous appuyer pour comparer le rapport avec celui de l'année prochaine?
(1145)
    Selon la loi, le gouvernement du Canada doit déposer un rapport. Nous en avons déposé un concernant l'application de la loi. Le rapport n'est pas censé porter sur la situation des droits de la personne en Colombie dans son ensemble. Ce n'est pas l'exigence énoncée dans la loi. On exige plutôt de fournir une analyse de tout changement notable découlant de l'ALE Canada-Colombie qui serait survenu au cours de la période visée sur le plan du commerce et des droits de la personne. Compte tenu des paramètres du rapport, les données ne nous permettaient pas d'effectuer une analyse juste et complète.
    Premièrement, le rapport que nous déposerons pour la deuxième année portera sur toute la période. Ce qu'il faut retenir, c'est que le rapport n'est pas censé porter sur la situation globale des droits de la personne en Colombie.
    Deuxièmement, le Canada joue un rôle très actif auprès de la Colombie à l'égard de tous les enjeux liés aux droits de la personne — au chapitre tant des plaintes que des améliorations. Nous avons à ce sujet un dialogue bilatéral très vigoureux.
    Je vais vous arrêter là, madame Buck. Je comprends cela, mais ce n'est pas ce qui me préoccupe. Je vous demande pourquoi les parlementaires n'ont pas devant eux un rapport qui fait état de cette question. Ma question n'a pas pour objet les relations entre le Canada et la Colombie.
    Comme vous le savez, madame Buck, les principes directeurs concernant l'évaluation des répercussions des accords de libre-échange et d'investissement sur les droits de la personne ont été déposés au Conseil des droits de l'homme de l'ONU afin de mieux cerner les pratiques exemplaires à l'échelle mondiale. Ont-ils été utilisés pour établir l'approche qu'adoptera le Canada en ce qui a trait à ses obligations et à l'accord qu'il a conclu avec la Colombie?
    Le Canada et son gouvernement sont depuis longtemps d'ardents promoteurs des efforts internationaux crédibles et solides visant à accroître la responsabilité sociale des entreprises. Nous avons appuyé le travail réalisé par John Ruggie, par exemple, pour ce qui est des principes directeurs liés au commerce et aux droits de la personne.
    Qu'en est-il du rapport de l'ONU, madame Buck? C'est ce que je vous demande.
    Pardon?
    Je vous questionne sur les lignes directrices relatives à l'évaluation des répercussions qu'a établies l'ONU. Voilà précisément l'objet de mes questions. Est-ce que ces lignes directrices ont été prises en compte au moment de rédiger le rapport?
    Il existe de nombreuses approches au chapitre de l'évaluation des répercussions sur les droits de la personne. Pour établir la méthodologie à suivre, nous avons examiné diverses sources. Il y a notamment du travail très probant réalisé par plusieurs sources à propos de la responsabilité sociale des entreprises et des principes directeurs relatifs au commerce et aux droits de la personne — comme les principes volontaires et le Processus de Kimberley, entre autres. Il y a une très grande diversité de sources.
    D'accord.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Keddy, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue aux témoins.
    Je vais probablement poser des questions un peu différentes de celles de mon collègue.
    J'ai participé au débat sur la Colombie après que mon parti a été porté au pouvoir en 2006. J'ai eu l'occasion de visiter ce pays. Tout comme d'autres membres de mon parti, j'ai appuyé l'accord, alors que le NPD, qui représente maintenant l'opposition officielle, ne l'a pas fait. J'ai appuyé l'accord parce que j'ai la ferme conviction que le dialogue et le commerce valent toujours mieux que l'isolationnisme. Si un pays en vient à devoir pratiquer l'isolationnisme, c'est qu'on n'a pas d'autre choix. On peut penser à certains exemples dans le monde d'aujourd'hui, et particulièrement à la Syrie. Mais la Colombie se trouve dans une situation bien différente.
    Ma question, madame Buck, portera sur les institutions dans ce pays. La Colombie a connu des jours très sombres lors des années 1970 et 1980 et au début des années 1990. Personne ne conteste ce fait. Personne n'affirme que cela ne s'est pas produit. Mais on constate que les choses se sont peu à peu améliorées depuis ce temps, surtout à partir des années 1980, 1990 et 2000. Je pense que cette amélioration est due en partie — et nous n'en avons jamais discuté — au fait que leurs institutions étaient très fortes. Le Parlement, malgré ses lacunes, a joué son rôle et a été très solide. Ce pays comptait un pouvoir judiciaire indépendant depuis de nombreuses années, et ce, malgré les faiblesses de longue date de sa force policière.
    J'aimerais seulement vous demander à quel point ces institutions ont aidé la Colombie à se sortir de cette période difficile pour devenir le pays qu'elle est aujourd'hui. On peut maintenant traverser la Colombie d'un bout à l'autre en voiture, alors qu'il était dangereux de faire cela il y a quelques années à peine.
(1150)
    Des progrès très importants ont été réalisés là-bas ces dernières années. L'évolution constatée au chapitre des droits de la personne découle toujours de plusieurs facteurs; elle n'est jamais linéaire. Ces progrès s'expliquent en partie par une évolution politique, l'actuel gouvernement colombien ayant notamment renforcé son engagement à faire avancer la question des droits de la personne. Donc, on a mené récemment un certain nombre d'initiatives cruciales — y compris à l'égard des redressements liés à la perte de territoire.
    La capacité d'aller de l'avant est — certes — liée en partie à des institutions fortes, mais la Colombie reconnaît deux choses, tout comme le Canada. Premièrement, les institutions doivent renforcer davantage le respect des droits de la personne. La Colombie a lancé des initiatives très importantes à ce chapitre, mais il reste du travail à faire. Deuxièmement, elle reconnaît qu'il faut également, au-delà des institutions, faire du travail dans les collectivités, de concert avec une multitude de groupes indigènes et d'acteurs de la société civile et du secteur privé, afin de promouvoir les droits de la personne. La Colombie doit donc prendre des mesures au sein de ses institutions, mais aussi à l'extérieur de celles-ci.
    La Colombie le sait, et le gouvernement canadien travaille dur avec ce pays depuis un certain nombre d'années afin de l'aider à prendre les moyens nécessaires pour que certaines de ses institutions clés puissent faire respecter les droits des personnes. Ces efforts sont donc axés sur les forces de l'ordre et le système judiciaire, mais aussi sur l'octroi d'un financement et d'un soutien aux avocats spécialisés dans les droits de la personne qui peuvent aider les victimes dans le cadre d'affaires instruites par les tribunaux réformés.
    Nous avons participé — sur le plan de l'engagement, de la consultation et du financement — à plusieurs projets liés aux droits de la personne, et ce, à tous les échelons, c'est-à-dire à celui des collectivités, du gouvernement de la Colombie et d'organisations multilatérales qui aident certaines parties de la société colombienne à faire respecter les droits de la personne. On a d'ailleurs réalisé des progrès cruciaux.
    Merci beaucoup, car je crois assurément que d'importants progrès ont eu lieu.
    En outre, il faut se questionner sur ceci: quand nous négocions avec d'autres pays — ceux des Amériques ou de l'Union européenne, ou le Japon, par exemple — en vue de conclure un ALE ou un accord de partenariat économique, nous utilisons la plupart du temps un modèle assez similaire. Nous cherchons à éliminer les tarifs, à faire en sorte que nos produits et nos biens — que nous offrons déjà dans la plupart de ces pays — ne soient pas taxés quand ils arrivent sur ces marchés ainsi qu'à éliminer les tarifs cachés et les obstacles non tarifaires au commerce.
    Mais les accords conclus avec la Colombie, la Jordanie et le Panama sont tous très semblables et ont une forme très similaire. La Colombie est le premier de ces pays avec lequel nous avons négocié un accord, mais ils ont tous été conclus autour de la même période et suivent tous à peu près le même modèle. Je vais donc dire qu'il s'agit du modèle colombien, si vous le voulez bien.
    Avez-vous des commentaires à faire au sujet du modèle? Les accords conclus avec la Jordanie et le Panama sont-ils semblables ou presque identiques à celui de la Colombie?
(1155)
    Si vous n'y voyez pas d'objection, je vais laisser mon collègue, monsieur Leblanc, répondre à la question.
    Comme M. Keddy vient de le dire, il est vrai que l'accord conclu avec la Colombie ressemble beaucoup aux autres pour ce qui est des chapitres: il y est question de l'échange de biens, de l'échange de services, des règles relatives aux investissements et aux marchés publics, de la propriété intellectuelle et des obstacles non tarifaires. Donc, c'est très semblable. Le Canada utilise ce modèle depuis des années. Évidemment, depuis la création de l'ALENA, il faut toujours effectuer certains rajustements, tout dépendant de la situation commerciale du pays avec lequel nous négocions.
    Dans certains pays, par exemple, les règles relatives aux investissements seront encore plus importantes si le Canada représente un grand investisseur. Si, disons, les banques canadiennes sont actives sur un certain marché, nous pourrions mettre un peu plus l'accent sur les services financiers.
    Il s'agit donc du même modèle — de façon est assez générale, mais on y apporte quelques modifications en fonction des relations commerciales.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Easter, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leurs observations.
    Je suis d'accord avec l'intervention de M. Davies.
    Je suis  — certes — de ceux qui croient que les liens économiques peuvent être utilisés pour faire avancer les droits de la personne. Toutefois, je ne pense pas que ce soit une bonne idée de carrément refuser de faire affaire avec un pays qui éprouve des difficultés à ce chapitre.
    Mais, en ce qui concerne l'article de l'accord dont nous avons parlé, je peux vous assurer que Scott Brison s'est rendu en Colombie et que cette disposition était une des conditions à remplir pour que nous approuvions la signature de l'accord.
    Je ne veux pas vous accabler de reproches, car c'est le ministre et le ministère qui ont la responsabilité finale, mais il me semble qu'il s'agit essentiellement d'une excuse. Je dois vous poser la question suivante: le ministère ne prend-il pas au sérieux les dispositions de l'accord visant à assurer la rédaction d'un rapport pertinent? C'était une condition à remplir pour que nous approuvions l'accord. Le ministère ne prend-il pas l'accord au sérieux?
    Je crois que les ministères ont essentiellement enfreint une loi qui a été adoptée par le Parlement du Canada. C'est grave. Les gens peuvent bien rire, mais c'est grave. Le Parlement a adopté une loi. Nous nous attendions à obtenir un rapport, mais nous ne l'avons pas eu; alors pourquoi les données sont-elles insuffisantes?
    Le ministère — le gouvernement — prend très au sérieux le rapport et ces dispositions législatives. Vous comprendrez, comme mon collègue l'a dit, qu'il s'agit d'un accord propre à la Colombie. Cette disposition législative est propre à ce pays. Il est très important de faire les choses convenablement et de mener l'analyse qui s'impose.
    Le rapport a pour objet les répercussions sur les droits de la personne des activités découlant de l'ALE Canada-Colombie dans les secteurs économiques les plus actifs. À notre avis, les données sur le commerce et les investissements qui ont été recueillies au cours d'une période de quatre mois et demi ne nous permettaient pas d'effectuer une analyse rigoureuse et approfondie de la corrélation entre ces activités économiques et les droits de la personne.
    Cette période sera analysée. Le gouvernement est d'avis que le dépôt du rapport satisfait clairement aux obligations énoncées dans la loi. Mais il est également clair, comme nous l'avons mentionné dans le rapport, que celui de 2013 englobera toute cette période.
    Merci.
    Je comprends mal les raisons pour lesquelles vous dites que les données étaient insuffisantes pour la période visée. Je veux dire, qu'est-ce qui va changer l'an prochain? Quand nous nous pencherons de nouveau là-dessus dans un an, qu'aurez-vous fait pour établir les protocoles ou les données de référence — appelez cela comme vous le voulez — qui permettront au Parlement de rédiger un rapport différent de celui-ci qui sera fondé sur des données probantes et qui pourra servir de point de comparaison?
(1200)
    Monsieur, je pense que vous avez en fait assez bien résumé ce qui aura changé. La différence, c'est que nous disposerons de données portant sur une période de un an et que nous serons mieux à même de mener l'analyse rigoureuse qui s'impose.
    Vous avez demandé quelle approche nous adopterions à cette fin. Nous l'avons établie dans le rapport actuel. Comme je l'ai dit, le cadre général vise à évaluer tout changement notable découlant de l'ALE Canada-Colombie qui serait survenu au chapitre des droits de la personne dans les secteurs économiques les plus actifs. Voilà les paramètres du rapport. Afin de satisfaire aux exigences législatives avant l'entrée en vigueur de l'ALE Canada-Colombie, nous devrons y inclure des renseignements contextuels sur la situation concernant le commerce et les droits de la personne dans ces secteurs économiques. Nous aborderons ensuite les étapes méthodologiques établies dans le rapport actuel.
    Je vais brièvement les décrire: nous allons examiner les mesures découlant de l'ALE Canada-Colombie qui ont été prises au cours de l'année précédente; effectuer une sélection préliminaire des secteurs économiques qui ont été les plus actifs; regrouper ces secteurs...
    Y aurait-il moyen que vous fournissiez au président ou au greffier une note décrivant ces paramètres? Ils ne figurent pas dans votre exposé. Je vois qu'il est question de un an par rapport à quatre mois et demi ou cinq ou six mois... Si vous ne pouvez pas faire d'analyse pour cinq ou six mois, comment pouvez-vous en faire une pour un an? Voilà le problème.
    C'est quatre mois et demi.
    Dans son rapport, l'ONU affirme bel et bien que la situation s'est améliorée en Colombie, mais qu'il arrive encore souvent là-bas qu'on porte atteinte aux droits de la personne ou aux principes du droit humanitaire international.
    Ces derniers temps, le gouvernement a constamment attaqué l'ONU. Cette organisation peut nous fournir un rapport et examiner la situation, alors que vos ministères, qui sont tenus par la loi de le faire, en sont incapables? Il peut être bénéfique d'avoir du recul, mais je ne vois vraiment pas comment vous pourrez faire le travail l'année prochaine si vous n'êtes pas en mesure de le faire cette année. Mais donnez au moins les paramètres au greffier pour que nous puissions les examiner.
    J'ai une dernière question pour vous. Allez-vous comparer les années précédentes avec cette année, à mesure que nous progressons vers... Fera-t-on également cette comparaison l'année prochaine?
    Premièrement, nous serions très heureux d'expliquer au comité les étapes méthodologiques que nous prévoyons suivre.
    Deuxièmement, pour ce qui est des rapports sur la question des droits de la personne en général, l'ONU reconnaît effectivement que la Colombie éprouve certaines difficultés sur ce plan. Le gouvernement de la Colombie le reconnaît, tout comme le gouvernement canadien. C'est normal. Nous reconnaissons tous également que d'importants progrès ont été réalisés.
    Mais notre mandat n'est pas de faire rapport sur la question des droits de la personne en général. Nous devons mener une rigoureuse... Cette disposition est propre à l'accord conclu avec la Colombie. Comme je travaille au dossier des droits de la personne depuis environ 25 ans, je sais qu'il est très difficile d'analyser avec précision ce genre de questions. Il faut faire les choses comme il se doit et disposer de données suffisantes. Une période de quatre mois et demi n'était pas suffisante. Mais une année complète le sera.
    Nous allons appliquer la méthodologie que nous expliquerons au comité et qui figure dans notre rapport.
    Merci beaucoup.
    Il reste un intervenant.
    Monsieur Holder, je vais vous céder la parole.
    Monsieur Bouchard, je crois savoir que vous devez partir, peut-être très bientôt. C'est libre à vous. Mais nous allons certainement laisser le dernier intervenant poser ses questions.
    Monsieur Holder.
    Mais, monsieur le président, nous arrivons à la meilleure partie de la séance.
    J'espère que vous pourrez rester, monsieur Bouchard.
    J'aimerais remercier les témoins de leur présence. La séance d'aujourd'hui a représenté un défi intéressant qui a donné lieu à des questions plutôt incisives, mais j'apprécie vos réponses franches.
    Si vous le voulez bien, monsieur le président, il y a un sujet que j'aimerais aborder. Parfois, on ne peut tout simplement pas laisser les choses aller sans rectifier les faits. Ce qu'il importe de clarifier, ce sont les déclarations faites au sujet du point de vue du gouvernement à l'égard des Nations Unies.
    Je vais vous dire ce que le gouvernement a déclaré à propos des Nations Unies. Il a dit qu'à son avis, le rapporteur en alimentation de l'agence onusienne n'avait pas choisi la meilleure cible en s'attaquant au Canada et qu'une telle chose était injuste. Nous ne pensons pas qu'une autre agence de l'ONU qui choisit Robert Mugabe, du Zimbabwe... Et si quelqu'un souhaite parler des droits de la personne, monsieur le président...
(1205)
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Non, ce point a été soulevé, monsieur le président.
    J'invoque le Règlement.
    J'espère que votre rappel est valide.
    Il l'est. En quoi cela concerne-t-il les données...
    Ce n'est pas un rappel au Règlement valide.
    Nous allons donc devoir débattre la question, monsieur le président.
    Non.
    Nous allons débattre la question...
    Monsieur Holder, on vous écoute.
    ... car je ne vais pas écouter la propagande du gouvernement.
    Oh, oui.
    Monsieur Holder, continuez.
    Mon épouse est née en Rhodésie — dans la partie qui est maintenant devenue le Zimbabwe — et a quitté ce pays parce que les droits de la personne n'étaient pas respectés là-bas. Or, une agence onusienne a essentiellement nommé Robert Mugabe — pour qui je n'ai aucun respect — leader en matière de tourisme.
    Monsieur le président, si je puis me permettre, en ce qui concerne les Nations Unies, je pense que le gouvernement a été plutôt... [Note de la rédaction: inaudible]
    Mon collègue fait de la désinformation. Il n'était pas...
    Chaque dirigeant a reçu la même lettre...
    Fermez son micro.
    Il n'a pas été proposé comme ambassadeur.
    Monsieur le président, j'aimerais poursuive mon intervention.
    Je remercie les témoins. C'est plutôt intéressant. Cela vous donne une idée du genre de dialogue que nous avons l'occasion d'entendre assez régulièrement.
    J'ai une question à vous poser. Je pense que c'est important. Je crois que vous essayez de nous expliquer la situation en Colombie au chapitre des droits de la personne, et je comprends cela. Tous les membres du comité sont très soucieux d'améliorer la reconnaissance des droits de la personne là-bas; du moins, c'est certainement le cas de ceux qui en faisaient partie quand nous avons étudié au cours des dernières années la situation dans ce pays; et ce n'est pas tout le monde ici, bien que la continuité se trouve probablement de ce côté-ci de la salle.
    J'aimerais que vous répondiez à la question suivante ou qu'un des représentants qui vous accompagnent le fasse: croyez-vous qu'il existe une corrélation... Il s'agit d'une question fondamentale. Y a-t-il une corrélation au chapitre du commerce et de l'accroissement des échanges avec un pays, plus particulièrement en ce qui concerne les accords connexes liés à l'environnement et au droit du travail? Croyez-vous qu'il existe une corrélation entre l'amélioration de la condition humaine — chose que j'assimilerais aux droits de la personne — et l'amélioration des échanges commerciaux?
    Oui, je suis de cet avis.
    Je pense que c'est ce que nous avons essayé de faire comprendre aux gouvernements de tous les pays avec lesquels nous avons tenté de nouer des liens commerciaux, et, à vrai dire, l'opposition officielle s'est systématiquement opposée à ces efforts.
    J'ai un certain espoir qu'à l'avenir, des accords feront l'objet d'un appui, car j'estime que cette corrélation existe. Je pense qu'il est assez clair ou qu'on s'entend généralement pour dire que plus on renforce les liens commerciaux — et même mes collègues du Parti libéral le reconnaissent —, plus on améliore la condition humaine. Évidemment, pour le bien de tous, nous espérons que ce sera le cas.
    Madame Buck, vous avez dit que le Canada était actuellement le plus important donateur du bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme en Colombie, ayant affecté à celui-ci quelque huit millions de dollars sur une période de quatre ans. Savez-vous si ces dons en valent la peine? Y a-t-il un moyen de jauger cela?
    C'est deux questions que vous me posez là.
    Avons-nous une façon de déterminer si la contribution que nous versons au bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme en Colombie porte ses fruits? Ce projet est mené par l'intermédiaire de l'ACDI, mais je suis également responsable de bien des programmes liés aux droits des personnes et à la sécurité, alors je peux dire que nous disposons de cadres d'évaluation du rendement très rigoureux concernant les programmes destinés à la Colombie au bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies. Ces cadres visent à assurer la réalisation des objectifs pour lesquels le Canada et d'autres donateurs versent des fonds. Nous avons un système d'évaluation et de vérification. Donc, nous sommes tout à fait convaincus que l'initiative est rentable. Les cadres que nous avons mis en place nous permettent de les vérifier.
    En ce qui concerne le travail effectué par le bureau du Haut-Commissariat, il est crucial que cette organisation assure une présence permanente en Colombie, tout comme l'OIT. Cela joue un rôle important dans l'amélioration de la situation là-bas. Comme je l'ai dit, dans le cadre de nos efforts liés aux droits de la personne, nous travaillons en partenariat avec les collectivités, avec le gouvernement de la Colombie et ses institutions ainsi qu'avec les organisations multilatérales. Nous utilisons donc une grande diversité d'outils. Alors, le programme du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme en Colombie dispense une formation aux représentants du gouvernement colombien afin de les sensibiliser aux droits de la personne, mais il s'adresse également aux intervenants. Il contribue à renforcer la capacité des institutions colombienne de respecter les droits de la personne et de réagir en cas de problème. De plus, il accroît l'utilisation des mécanismes de protection et de poursuite par les victimes, les organisations de la société civile et la population.
    Il s'agit donc d'un volet très important du travail que nous réalisons, mais je vais vous brosser un tableau d'ensemble des initiatives que nous menons, car ce programme ne représente qu'une petite partie des efforts plutôt massifs que nous déployons conjointement avec d'autres donateurs pour faire avancer les droits de la personne en Colombie. Par exemple, l'ACDI finance un certain nombre de projets de concert avec les organisations de la société civile et des ONG canadiennes, entre autres, en vue de protéger les droits des enfants colombiens touchés par les conflits. Par le truchement des programmes dont je suis responsable, nous aidons les victimes, nous formons les représentants de la justice, nous protégeons les témoins exposés à des menaces, etc. Nous dispensons également une aide juridique aux femmes déplacées qui sont victimes de violence sexuelle dans ce pays, car il y a un conflit armé qui se déroule là-bas.
(1210)
    Je comprends.
    Je pense qu'il me reste environ une minute.
    On me rappelle que le gouvernement a une opinion très ferme à l'égard du rôle que devrait jouer l'ONU en ce qui a trait à la Syrie. Nous sommes convaincus que les Nations Unies doivent clairement condamner ce qui se passe là-bas. Cela me rappelle une de vos déclarations, à savoir que vos fonctionnaires tiennent régulièrement des consultations « dans le cadre desquelles sont échangés des points de vue et des renseignements » sur certaines choses, y compris « les droits de la personne ».
    J'essaie de comprendre ce qu'il en est. Quels sont les commentaires entendus par vos fonctionnaires au sujet du respect des droits de la personne en Colombie? C'est l'objet des délibérations d'aujourd'hui, au fond.
    Comme je l'ai dit plus tôt, on est généralement d'avis que d'importants progrès ont été réalisés.
    Comment jaugez-vous cela?
    On jauge le cadre législatif. Cette méthode est également utilisée dans les rapports de l'ONU. Elle l'est aussi dans nos rapports liés aux consultations. On examine d'importants textes de loi touchant, par exemple, la restitution des terres. On étudie toutes les institutions du gouvernement. Les juges appliquent-ils la loi? Est-ce que la primauté du droit est respectée? Quand la police arrête des gens et porte des accusations contre eux, respecte-t-elle les normes relatives aux droits de la personne? Dispense-t-on une formation aux policiers pour améliorer les choses?
    Bien entendu, il arrive que les droits de la personne soient bafoués là-bas. Nous reconnaissons le problème, la Colombie le reconnaît aussi, et d'autres personnes — comme les responsables qui surveillent la situation — le reconnaissent également, mais il y a vraiment d'importants progrès qui ont été réalisés dans ce pays, et c'est ce qu'on nous dit. Voilà le message général.
    Ensuite, dans le cadre de notre dialogue bilatéral et des consultations menées auprès des intervenants colombiens, nous menons des discussions très approfondies. Que pouvons-nous faire — par exemple — pour vous aider à renforcer les services policiers dans les collectivités de façon à assurer le respect des droits de la personne? Que pouvons-nous faire pour aider vos juges à mieux comprendre les normes et les obligations relatives aux droits de la personne auxquels la Colombie est assujettie?
    Il s'agit donc d'un dialogue assez vif qui couvre tous les aspects. À cela s'ajoutent notre dialogue politique et nos consultations en matière de sécurité, où la question des droits de la personne est constamment abordée. Au cours d'une année donnée, nous discutons des droits de la personne avec la Colombie à de nombreuses occasions et à de nombreux échelons.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup de votre présence et de vos commentaires. Nous avons hâte de lire le rapport de l'an prochain. Vous pouvez voir à quel point il suscite l'intérêt du comité.
    Sur ces mots, nous allons faire une pause pour laisser le temps au prochain groupe de s'installer. Ce ne sera pas très long. Nous allons bien vite nous remettre au travail.
(1210)

(1215)
    Reprenons. Nous avons avec nous Alex Neve, d'Amnistie internationale; et M. Yussuff, du Congrès du travail du Canada.
    Nous allons commencer par M. Neve.
    Monsieur, la parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Bon après-midi à vous et aux membres du comité. Merci de me donner l'occasion de comparaître.
    Tout d'abord, j'aimerais brièvement expliquer le message général d'Amnistie internationale. Ce message porte sur l'importance cruciale de la diligence raisonnable et de la responsabilité concernant les obligations du Canada en matière de droits de la personne, tout particulièrement à l'égard du devoir de s'assurer que ses activités économiques et ses activités d'investissement ne contribuent d'aucune façon à des violations des droits de la personne.
    Amnistie internationale a déjà comparu devant le comité — à nombre d'occasions, d'ailleurs — avant la signature et la mise en œuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie. Comme les droits de la personne étaient couramment bafoués en Colombie et que cela était souvent lié à l'appropriation de secteurs ayant un intérêt économique, nous avions fait valoir alors qu'il était impératif qu'un organisme indépendant mène une évaluation impartiale des répercussions de l'accord de libre-échange sur les droits de la personne avant de signer l'accord afin de cerner toute conséquence négative pouvant en découler et d'apporter les correctifs qui s'imposent.
    Bien sûr, cette recommandation a été appuyée par votre comité dans un rapport déposé en 2008. Mais le gouvernement ne l'a pas mise en œuvre. Plutôt, le projet de loi lié à la mise en œuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie a été approuvé par le Parlement après l'adoption d'un amendement exigeant la production d'un rapport annuel relatif aux répercussions de l'ALE sur les droits de la personne par les deux gouvernements. Comme vous le savez tous, le premier rapport de ce genre qu'a rédigé le gouvernement du Canada a été déposé le 15 mai, conformément à la loi.
    Amnistie internationale est profondément déçue de la nature du rapport qui a été déposé ainsi que du manque de transparence relatif au processus ayant mené à sa rédaction. À de nombreuses occasions, Amnistie internationale et d'autres groupes de la société civile qui veulent suivre l'évolution de l'initiative et y contribuer ont présenté des demandes d'information auprès de représentants gouvernementaux en ce qui a trait au processus, aux normes et au cadre conceptuel utilisés pour rédiger le rapport ainsi qu'aux possibilités de formuler des commentaires. Mais on ne nous a jamais fourni cette information. Donc, nous n'avons malheureusement pas pu contribuer ni participer au processus de rédaction du rapport.
    Le rapport qui a été déposé ne contient aucune analyse des répercussions de la promotion du commerce et des investissements par le Canada sur les droits de la personne dans ce pays déchiré par la guerre. Selon ce qu'il indique, le gouvernement estime que les données relatives aux échanges commerciaux sont insuffisantes. Au lieu d'une telle analyse, le document contient seulement une description sommaire des étapes que le gouvernement compte suivre afin d'élaborer les rapports futurs, tout en promettant que le premier rapport de fond sera achevé dans un an, en 2013.
    Selon les déclarations du ministre Fast, il n'y a pas assez de données disponibles pour mener une analyse approfondie, car l'accord n'est entré en vigueur qu'en août 2011.
    Mesdames et messieurs membres du comité, je tiens à vous dire qu'à notre avis, cette approche n'est pas conforme aux nouvelles normes internationales. Dans un rapport de 2004, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a fait la recommandation suivante à la Commission des droits de l'homme de cette organisation: [traduction] « Les États [...] devraient mener des évaluations des effets sur les droits de la personne des règles, des politiques et des projets relatifs au commerce et au développement, et ce, tant à l'étape de l'élaboration des politiques et des projets qu'après la période de mise en œuvre ».
    Par ailleurs, en décembre 2011, le rapporteur spécial de l'ONU pour le droit à l'alimentation a élaboré un ensemble de lignes directrices concernant l'évaluation des impacts des accords commerciaux et d'investissement sur les droits de la personne. Or, selon ces lignes directrices, tous les États devraient effectuer de telles évaluations avant de conclure des accords commerciaux et d'investissement.
    Comme vous le constatez, les experts de l'ONU affirment qu'on doit évaluer les répercussions des accords commerciaux sur les droits de la personne non seulement après, mais aussi avant leur entrée en vigueur. Donc, à notre avis, on ne peut tout simplement pas invoquer l'argument selon lequel un délai de seulement quelques mois après la mise en œuvre d'un accord n'est pas suffisant.
    Le défaut de mener une évaluation complète des répercussions à un stade aussi précoce va à l'encontre des responsabilités en matière de diligence raisonnable auxquelles le Canada est assujetti en application du droit international et, surtout, prive les entreprises canadiennes qui exercent des activités en Colombie de l'information dont elles ont besoin pour éviter de commettre de graves violations des droits de la personne.
(1220)
    En ce qui a trait à la promotion des échanges commerciaux et des investissements réalisés par le Canada en Colombie, les sources d'information concernant la reconnaissance des droits de la personne dans ce pays ne manquent pas. Assurément, la situation demeure grave. En 2011 seulement, plus de 259 000 personnes ont dû quitter leur domicile et leur terre à cause de la violence associée à des intérêts politiques et économiques. D'ailleurs, c'est maintenant la Colombie — et non plus le Soudan — qui affiche le taux de déplacement intérieur le plus élevé au monde. En effet, selon les estimations, elle compte de 3,9 à 5,3 millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays.
    Les communautés d'Afro-Colombiens et de paysans, tout comme les syndicalistes et les gens qui remettent en question les mégaprojets économiques, continuent d'être exposées à des attaques mortelles. La crise à laquelle sont confrontés les peuples indigènes, qui sont nombreux à vivre dans des régions présentant un intérêt économique, est particulièrement alarmante. La Cour constitutionnelle colombienne a établi que 34 peuples indigènes font face à un grave danger d'extinction, notamment à cause du conflit armé qui a souvent servi de prétexte pour s'approprier leurs terres riches en ressources.
    En Colombie, on commet depuis longtemps des violations des droits de la personne pour exproprier de force les civils qui habitent dans des endroits présentant un intérêt économique. Une grande partie du territoire visé par des projets de développement intensif — il peut s'agir de plantations, de mines et de projets d'exploitation pétrolière et gazière, entre autres choses — est habité par des communautés indigènes et de descendance africaine. Leur expropriation forcée entraîne des conséquences particulièrement tragiques pour ces communautés, étant donné que leurs liens étroits avec la terre, en plus de constituer le fondement de leur culture et de leur mode de vie, sont essentiels à l'exercice du droit à la subsistance.
    Il arrive souvent que les communautés indigènes soient victimes de meurtres et de menaces visent à les dissuader ou à les empêcher de s'opposer à des projets économiques. Certains exercices de consultation menés dans ce contexte font fi du principe de droit international selon lequel il faut obtenir le consentement libre et éclairé des peuples indigènes avant de procéder. Dans bien des cas, les entreprises se sont vues délivrer des permis d'exploitation minière avant d'entreprendre ou de mener à bien tout exercice de consultation authentique avec des communautés indigènes ou afro-colombiennes, et ce, sans obtenir leur consentement.
    Que voulons-nous voir maintenant? Quelles sont les recommandations d'Amnistie internationale, vu la situation?
    Il y a deux points précis que j'aimerais aborder: je voudrais tout d'abord parler de la rédaction du rapport de 2013 et ensuite formuler certaines recommandations concernant les mesures qui doivent être prises immédiatement.
    En ce qui touche le rapport de 2013, Amnistie internationale estime qu'il est impératif que le Canada évalue non seulement les répercussions directes de l'accord, mais aussi le climat relatif aux droits de la personne dans lequel les deux gouvernements encouragent les échanges et dans lequel les entreprises canadiennes prennent des décisions d'investissement. La population canadienne — et tout particulièrement les entreprises d'ici et d'ailleurs qui envisagent de faire des affaires et de réaliser des investissements en Colombie — doivent disposer d'une juste analyse de ce climat afin de pouvoir prendre des décisions qui leur évitera de contribuer aux abus.
    Vous allez entendre d'autres témoins qui auront bien des choses à dire à propos de la méthodologie utilisée pour rédiger les rapports sur les répercussions. Je vais simplement mentionner l'important travail réalisé par le rapporteur spécial pour le droit à l'alimentation, soit les lignes directrices qu'il a présentées au Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Selon ce document, pour être crédibles et efficaces, les évaluations devraient être menées à la lumière d'une approche fondée sur les droits de la personne qui remplit les conditions suivantes: indépendance, transparence, participation inclusive — y compris celle des femmes et des groupes démographiques les plus pauvres et les plus vulnérables —, expertise et financement.
    Il est donc crucial que les organismes qui défendent les intérêts des peuples indigènes et afro-colombiens, de même que les organismes qui militent pour qu'on restitue les terres volées, les groupes syndicaux et les organisations féminines, puissent participer pleinement au processus.
    Évidemment, mai 2013, c'est dans un an. Le Canada doit savoir qu'il existe des problèmes urgents au chapitre des droits de la personne qui nécessitent qu'on s'y attarde immédiatement. On ne peut pas attendre un an avant de les aborder.
    Enfin, nous tenons à souligner que, même à l'heure actuelle, il est crucial que le Canada exige avec vigueur et constance que le gouvernement colombien prenne des mesures déterminantes afin de concevoir et de mettre en œuvre un plan visant à garantir la protection et les droits des peuples indigènes en péril, en conformité avec les décisions de la Cour constitutionnelle de la Colombie et les recommandations de l'ONU.
(1225)
    Le Canada doit également s'assurer qu'on respecte les conditions relatives au consentement authentique, libre, préalable et éclairé des peuples indigènes et afro-colombiens, et il devrait veiller à ce que nos politiques concernant la Colombie soient alignées sur des normes internationales fondamentales telles que la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
    Pour conclure, il est très important de souligner que des millions d'hectares de terres ont été volées au fil des ans — surtout par des paramilitaires, mais aussi par des insurgés et des groupes d'opposition armés — en raison de violations graves des droits de la personne survenues là-bas. Le Canada doit absolument veiller à ce que ses politiques ainsi que l'aide financière et les investissements canadiens ne contribuent d'aucune façon au processus de légalisation de facto du vol de terres. Il doit aussi mettre en place des mécanismes de protection pour garantir que les entreprises canadiennes ne tirent pas avantage de la situation en réalisant des profits grâce à des terres obtenues par des moyens illégitimes qui portent atteinte aux droits de la personne.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    La parole va maintenant à M. Yussuff, du Congrès du travail du Canada.
    La parole est à vous.
    Je remercie le comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui afin de discuter du rapport annuel relatif aux droits de la personne et au libre-échange entre le Canada et la République de Colombie. À notre avis, il s'agit d'une question importante. Nous avons à cœur le bien-être des travailleurs colombiens et nous travaillons en très étroite collaboration avec nos homologues dans ce pays.
    La Colombie a signé un accord de libre-échange avec le Canada en 2011. La situation était grave à l'époque, et nous devons savoir si elle s'est améliorée.
    Malheureusement, le rapport déposé au Parlement n'offre pas d'analyse approfondie qui permettrait de déterminer si la Colombie applique ses propres principes de droit du travail ni, bien entendu, si elle protège les droits de la personne sur son territoire.
    Est-ce que la Colombie refuse d'appliquer sa législation du travail pour encourager le commerce et les investissements? Comment le savons-nous?
    Depuis qu'elle a signé l'accord, la Colombie a-t-elle rempli ses obligations internationales en ce qui concerne la liberté d'association, le droit à la négociation collective, le travail forcé, le travail des enfants, la discrimination, les conditions de travail et les travailleurs migrants? À cet égard, le rapport ne nous éclaire en rien.
    Voici un exemple. Il est très troublant que le rapport ne contient absolument aucune donnée touchant les violations des droits de la personne qui ont été commises dans l'un ou l'autre des pays. Hier, la Confédération internationale des syndicats libres a publié un rapport. Selon elle, la Colombie constitue encore le pays le plus dangereux du monde pour les syndicalistes. Vingt-neuf meurtres de syndicalistes ont été commis en 2011, et la plupart de ces crimes n'ont pas été élucidés. Il y a eu 17 assassinats de syndicalistes en Colombie depuis l'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange conclu avec le Canada. En outre, 254 violations des droits de la personne ont été commises à l'endroit des syndicalistes au cours de la même période. En 2011, l'OIT a dépêché une équipe là-bas afin qu'elle formule des recommandations, dont un bon nombre n'ont pas encore été mises en œuvre.
    Nos collègues affirment que, malgré de nouvelles dispositions législatives exigeant la tenue d'inspections du travail, la plupart des entreprises qui engagent des travailleurs par l'intermédiaire de services de placement de main-d'œuvre temporaire commettent encore des violations des droits du travail.
    On a créé un ministère du Travail, ce qui est une bonne chose, mais il existe de sérieux problèmes à l'égard de la gestion des travailleurs et du régime de protection juridique à leur intention, y compris un arriéré incroyable auquel sont confrontés les inspecteurs du travail.
    Le rapport de la CISL révèle que la discrimination antisyndicale et la criminalisation des grèves sont endémiques en Colombie. On peut penser à l'affaire des champs de pétrole de Campo Rubiales, où des sous-traitants ont fait la grève en raison de leurs conditions de travail horribles. Ces travailleurs étaient employés par Pacific Robiales, multinationale canadienne. Nous savons que leurs conditions de travail sont horrifiantes. Ils ont été victimes d'une répression policière brutale au cours de la grève en juillet. Même avant l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie, leurs droits en tant que travailleurs n'étaient pas respectés. Ils ont continué à être exposés à de sérieux problèmes de santé et de sécurité. Le 18 septembre 2011, leur deuxième grève a reçu l'appui de 11 000 travailleurs issus de 16 entreprises.
    Ce que je veux dire, c'est que les droits des travailleurs sont indissociables des droits de la personne. Ces droits sont impossibles à dissocier, et l'accord de coopération dans le domaine du travail fait partie intégrante de l'ALE. Comment le gouvernement compte-t-il mesurer les répercussions sur les droits de la personne de façon efficace et pertinente?
    En conclusion, le gouvernement doit intégrer au processus d'évaluation des représentants de la société civile, surtout des travailleurs colombiens. Nous devons responsabiliser les intervenants et mener une analyse fondée sur des données probantes en vue de s'attaquer à ces problèmes importants. En mon sens, le rapport qui a été déposé au Parlement ne contient rien de tout cela.
    Merci.
(1230)
    Je vous remercie tous les deux de votre déclaration.
    Nous allons maintenant céder la parole à M. Davies, qui va ouvrir la série de questions. C'est à vous. Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins de leur présence aujourd'hui et de leur travail continu dans le domaine des droits de la personne au Canada comme à l'étranger.
    Monsieur Neve, est-ce qu'Amnistie internationale a régulièrement communiqué des rapports sur la surveillance des droits de la personne — y compris sur les préoccupations liées aux échanges ou aux investissements canadiens — au ministère des Affaires étrangères ou à l'ambassade canadienne en Colombie?
    Nous communiquons régulièrement avec l'ambassade à Bogota et les représentants ici. Et nous nous assurons certes d'informer les représentants du gouvernement chaque fois que nous publions un nouveau rapport, un communiqué de presse ou un appel urgent à prendre des mesures. Vu notre situation... Nous n'avons tout simplement pas les ressources, la capacité ni la présence nécessaires en Colombie pour mener au cours de cette période nos propres recherches sur le terrain en ce qui a trait aux entreprises canadiennes elles-mêmes.
    Aucune de mes observations livrées aujourd'hui ne portait sur une décision prise par une compagnie canadienne particulière d'investir ou de mener des activités en Colombie ou sur les violations des droits de la personne qui en ont découlé. J'ai plutôt parlé du contexte global — qui est de toute évidence bien documenté et établi — des violations des droits de la personne bien souvent associées à des enjeux d'ordre économique.
    Amnistie internationale étant un des principaux organismes de défense des droits de la personne au pays, a-t-elle été consultée par le MAECI dans le cadre de l'élaboration de ce premier rapport? Le ministère est-il entré en communication avec votre organisme?
    Non. Et, comme je l'ai dit dans ma déclaration, nous avons d'ailleurs présenté plusieurs demandes d'information. Quel est le processus? Comment pouvons-nous y contribuer? Comment pouvons-nous dire aux organismes de première ligne en Colombie ce qu'elles peuvent faire pour y participer et y contribuer? Nous n'avons obtenu aucune réponse à ces questions.
    Je veux entrer dans le vif du sujet. Le comité a pour mandat aujourd'hui de se pencher précisément sur l'accord conclu par le Parlement. Il exigeait l'élaboration d'un rapport — à déposer d'ici le 15 mai de cette année — qui contiendrait une évaluation des dispositions de l'accord commercial et de leurs effets sur les droits de la personne. Or, comme nous le savons, le rapport ne contient rien de tout cela.
    Vous avez entendu le témoignage livré plus tôt. Le gouvernement a essentiellement dit qu'il n'avait pas suffisamment de temps. Cependant, il savait en 2010 qu'on exigerait la tenue d'évaluations des répercussions sur les droits de la personne. Il savait que les droits de la personne représentaient un important problème au regard du souhait de conclure ou non un accord de libre-échange avec la Colombie.
    L'accord de libre-échange est entré en vigueur le 15 août 2011. Pour justifier son défaut de mener l'évaluation requise, le gouvernement a déclaré que la période du 15 août au 31 décembre n'était pas suffisante pour lui permettre de rédiger ne serait-ce qu'une phrase au sujet de toute répercussion possible de l'ALE sur les droits de la personne en Colombie.
    Je vous pose cette question: trouvez-vous qu'il s'agit d'une excuse légitime?
    Non, nous ne pensons pas qu'elle justifie l'absence de toute analyse liée aux droits de la personne dans le rapport. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, selon les pratiques exemplaires internationales — élaborées par des experts tels que le Haut-Commissaire aux droits de la personne et le rapporteur spécial des Nations Unies, qui a présenté des lignes directrices concernant l'évaluation des répercussions sur les droits de la personne au Conseil des droits de l'homme de cette même organisation —, l'élaboration de ce type d'évaluation devrait débuter avant même l'entrée en vigueur de l'accord commercial.
    Si la pratique exemplaire consiste à mener des études d'impact significatives et importantes avant même l'entrée en vigueur de l'accord commercial, alors il est certainement faisable et important de le faire cinq ou six mois après son entrée en vigueur.
    Il existe toute une mine de renseignements disponibles à ce sujet, et il est dommage qu'on ne s'en soit pas servi.
    Monsieur Yussuff, selon le rapport de janvier 2012 du Haut-Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU sur la reconnaissance des droits de l'homme en Colombie, les membres des syndicats là-bas sont encore souvent victimes d'attaques. Comment décririez-vous les relations entre le gouvernement colombien et le mouvement syndical? Y a-t-il eu des changements notables à ce chapitre depuis l'entrée en vigueur de l'accord, le 15 août dernier?
(1235)
    De toute évidence, le mouvement syndical en Colombie est très dynamique, même s'il s'agit probablement du domaine de travail le plus dangereux qui soit. En s'engageant simplement à exercer les fonctions de chef syndical, on risque la mort. Les années se succèdent, et mes collègues colombiens continuent à se faire tuer. À notre avis, cela est fort inquiétant, tant à l'échelle internationale que....
    Puis-je vous interrompre?
    Combien de syndicalistes ont été assassinés en Colombie au cours des 20 dernières années, disons? Il n'est pas question d'un rapport sans portée pratique; il est question de ce qui me semble être l'endroit le plus dangereux au monde où faire partie d'un syndicat. Plus de 2 000 syndicalistes ont été assassinés, si je ne m'abuse.
    Oui.
    Nous pouvons seulement imaginer ce qui se produirait s'il y avait 2 000 morts au Canada.
    De tous les pays du monde, c'est en Colombie que le taux de syndiqués qui trouvent la mort est le plus élevé. Évidemment, cela reflète le fait que la plupart des travailleurs qui se font tuer sont des chefs syndicaux de première ligne dont un grand nombre, bien sûr, participent à des négociations, à des grèves et à des activités dans le cadre desquelles ils représentent les membres du syndicat.
    Il y a eu 29 meurtres en 2011. Donc, 29 de mes collègues sont morts. Il y a aussi eu 10 tentatives de meurtre, de même qu'une foule d'autres gestes répréhensibles. Il est vrai que ces chiffres sont moins élevés que ceux de l'année précédente, mais l'année n'est pas encore finie.
    Année après année, c'est en Colombie qu'il y a le plus grand nombre de syndiqués qui trouvent la mort. Et nous avons à maintes occasions souligné ce problème auprès du gouvernement colombien sur des tribunes internationales. L'OIT a mandaté une équipe spéciale pour discuter avec le gouvernement de ce pays pour essayer, bien entendu, d'assurer la protection des chefs syndicaux là-bas. Les travaux se poursuivent. Bien sûr, ils ont débuté avant l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie.
    J'aimerais savoir ceci: aurait-il été utile que, à défaut d'examiner les liens entre le commerce et les droits de la personne, le rapport contienne au moins des renseignements de base? Le MAECI aurait pu dire: « Écoutez, nous ne sommes pas encore en mesure de vous fournir les liens, mais voici les données sur lesquelles nous allons faire fond pour le prochain rapport annuel. »
    Est-ce que cela aurait été utile?
    Cela aurait été crucial. Je pense qu'à l'avenir, il sera important pour nous de connaître les renseignements de base que le gouvernement compte utiliser.
    Nous avons travaillé conjointement avec une organisation de la Colombie afin de rédiger un rapport. Des représentants de cette organisation comparaîtront devant le comité, et vous pourrez leur poser des questions. Ils ont utilisé les renseignements de base. Ils ont documenté la situation en Colombie au cours de cette période. Et, surtout, je pense qu'ils pourront vous parler de la façon dont s'est déroulée la rédaction de leur propre rapport, de ce qu'ils ont pu vérifier au chapitre de la reconnaissance des droits de la personne en Colombie depuis la mise en œuvre de l'accord de libre-échange.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Cannan, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, merci de votre présence ici aujourd'hui ainsi que de votre passion pour le respect des droits de la personne dans tous les pays du monde. J'ai déjà rencontré M. Neve à quelques occasions.
    Monsieur Yussuff, je veux revenir sur ce que M. Davies a mentionné au sujet des syndicalistes.
    Le comité s'est rendu en Colombie il y a trois ans. Un mort, c'est déjà trop, mais le nombre de morts a-t-il diminué au cours des cinq dernières années?
     Les chiffres ont diminué, c'est un fait. Mais ils varient d'une année à l'autre. Ils peuvent s'abaisser une année, puis remonter l'année suivante. À la lumière des chiffres des dernières années, nous espérons que de moins en moins de nos collègues se feront tuer.
    Il est vrai que les chiffres en tant que tels ont diminué. Nous ne savons pas s'il s'agit d'une tendance durable ou si c'est plutôt circonstanciel.
    Les droits de la personne sont au cœur de la programmation bilatérale de l'ACDI depuis des années. Les témoins du ministère que nous avons entendus plus tôt ont dit que plus de 41 millions de dollars du Fonds pour la paix et la sécurité mondiales du MAECI ont été affectés à divers projets.
    Je me demande si vous avez constaté certaines retombées de ce financement. D'après vous, les 41 millions de dollars qui ont été investis à ce jour ont-ils produit des résultats ces dernières années?
    Eh bien, j'aborderai deux points. Tout d'abord, pour ce qui est du nombre de personnes qui ont été déplacées en Colombie, je pense que la situation là-bas demeure probablement la pire au monde, exception faite du Soudan. Il y a plus de gens déplacés en Colombie, et on n'accorde pas suffisamment d'attention à ce problème. Alex peut certainement vous fournir plus d'explications à ce sujet.
    En ce qui concerne les mesures à prendre pour protéger les droits de la personne des syndicalistes, le gouvernement a encore beaucoup de travail à faire. Bien avant la signature de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie, l'OIT envoyait des équipes spéciales en Colombie. Cette organisation dispose maintenant d'un bureau permanent là-bas pour aider le gouvernement dans sa tâche.
    Je dirais simplement que les fonds octroyés par le Canada doivent évidemment renforcer les mécanismes de suivi. Mais, à mon avis, il est clair que le gouvernement colombien doit s'engager plus fermement à enrayer la violence sur son territoire. À ce jour, il n'a pas démontré... Il ne m'appartient pas de dire au comité que le Canada devrait serrer la vis au gouvernement colombien, mais ce dernier doit s'engager plus fermement à promouvoir les droits de la personne sur son territoire et à tenir responsables ses institutions — y compris ses forces militaires — des violations commises là-bas. Bien entendu, le gouvernement n'a pas d'emprise sur les groupes paramilitaires, mais il peut certes accroître la responsabilisation à l'égard de ses propres forces de sécurité.
(1240)
    Quand j'étais là-bas, j'ai eu l'occasion de visiter une école de l'ONU avec M. Julian, qui était alors le porte-parole de l'opposition en matière de commerce. L'école en question était aménagée dans une habitation — elle comptait deux ou trois pièces où l'on dispensait divers cours. Je ne pense pas que M. Davies soit comme lui, mais M. Julian y allait un peu fort. Parfois, il disait que le meurtre est inacceptable, que nous devons isoler ces pays, que, avant que nous puissions faire des échanges commerciaux avec un pays, celui-ci doit avoir fait l'objet d'une étude d'impact sur les droits de la personne et présenter un dossier irréprochable à ce chapitre.
    J'aimerais, messieurs, que vous nous disiez brièvement si l'opposition devrait faire preuve de plus d'ouverture concernant la promotion des échanges commerciaux avec les pays en voie de développement. Ou êtes-vous d'accord avec l'approche isolationniste qu'a préconisée l'opposition par le passé?
    Je ne vais pas faire de commentaires sur ce que d'autres députés ont dit ou pas. Mais je ferai valoir qu'Amnistie internationale — tout comme de nombreux autres organismes de défense des droits de la personne, je crois — ne s'opposent pas du tout au commerce. Nous ne nous opposons pas du tout à la libéralisation des marchés. Mais ce sur quoi nous insistons, c'est que les échanges...
    Quels accords commerciaux avez-vous appuyés à ce jour?
    Nous ne nous sommes pas opposés à l'Accord de libre-échange Canada-Colombie. Nous n'avons jamais déclaré qu'il ne fallait pas le signer. Ce que nous avons dit, c'est qu'il soulève des problèmes très importants et troublants au sujet des droits de la personne et qu'il faut prendre des mesures pour s'assurer que l'accord ne contribuera pas à aggraver les violations des droits de la personne en Colombie et, espérons-le, qu'il favorisera et encouragera les changements et les améliorations à ce chapitre.
    Nous avons été déçus d'apprendre que les recommandations de notre organisation et du comité visant la prise de certaines mesures clés pour veiller à la réalisation de ces objectifs étaient restées lettre morte. Nous avions notamment recommandé que les répercussions de l'accord de libre-échange sur les droits de la personne fassent l'objet d'une évaluation réalisée par un spécialiste indépendant avant l'entrée en vigueur de l'accord et que d'autres évaluations de cette nature soient régulièrement menées par la suite. Il m'aurait semblé particulièrement important de mener une évaluation avant que l'accord entre en vigueur, et ce, pour deux raisons. Cela aurait permis, premièrement, de recueillir certaines données de référence; et, deuxièmement, de cerner certains problèmes cruciaux et évidents et peut-être aussi certains domaines pour lesquels une réforme législative ou des mesures institutionnelles s'imposent dans ce pays afin d'atténuer les préoccupations avant l'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange. Rien de tout cela ne s'est produit, et c'est décevant.
    D'accord.
    Donc, vous êtes généralement d'accord pour qu'on donne l'occasion à des pays en voie de développement comme la Jordanie, le Panama et la Colombie d'accroître leurs échanges commerciaux si ces conditions sont remplies?
    Ces conditions me semblent néanmoins tout à fait essentielles, car les échanges mal encadrés peuvent nuire à la protection des droits de la personne. En revanche, les échanges bien encadrés peuvent à tout le moins être neutres sur ce plan et, dans certains cas, contribuer assurément à la promotion, à la protection et à l'amélioration de ces droits.
    Mais il est tout à fait crucial que ce genre de mesures — comme la tenue d'une étude d'impact sur les droits de la personne solide et indépendante avant et après l'entrée en vigueur des accords commerciaux — soient au coeur d'une telle approche.
    Monsieur Yussuff, avez-vous des commentaires à formuler?
    En fait, contrairement à ce que le comité et votre parti pourraient croire, nous ne nous opposons pas au commerce. Le Congrès ne s'y est jamais opposé. Nous avons toujours été préoccupés par la nature des accords de libre-échange et le fait que, dans le cadre de ces accords, on accorde la priorité aux entreprises plutôt qu'aux travailleurs.
    Je vais vous donner un exemple. De nombreux accords commerciaux sont assortis d'accords parallèles. Pouvez-vous me dire à quel moment on a déposé au Parlement un rapport concernant les répercussions et la mise en oeuvre d'un de ces nombreux accords parallèles? Nous ne le savons pas. Je ne m'attends pas à ce que les pays en voie de développement appliquent du jour au lendemain les mêmes normes que le Canada. Mais, en réalité, il arrive plutôt souvent que l'accord soit signé et qu'on fasse bien peu de choses pour veiller à ce que le pays signataire respecte son engagement d'appliquer sa législation du travail tout comme nous appliquons la nôtre et, surtout, remplisse ses obligations conformément à nos attentes.
    La plupart du temps, personne ne fait la lumière là-dessus. Si une disposition commerciale de l'accord n'est pas respectée, on déploie énormément d'effort pour corriger la situation. Or, quand il est question d'une disposition liée à la main-d'oeuvre, on ne fait pas grand-chose. Ce n'est pas une critique de votre gouvernement; la situation était la même avec les gouvernements précédents.
    J'espère surtout que la reconnaissance des droits de la personne en Colombie s'améliorera...
(1245)
    Moi aussi.
    ... pour le bien des travailleurs de ce pays.
    Je sais que, si le Canada ne maintient pas la pression, les choses ne changeront pas en Colombie, car à mon sens, ce pays est très évolué et, surtout, compte certaines institutions profondément enracinées dans la société. En réalité, les dirigeants politiques doivent dénoncer la violence et, à plus forte raison, prendre des mesures en ce sens. À coup sûr, certains gestes violents sont directement liés à l'exploitation commerciale qui a lieu là-bas. Les gens se font expulser de chez eux parce qu'on souhaite exploiter les ressources sur leurs terres.
    Merci beaucoup. Nous aurons peut-être l'occasion de revenir là-dessus.
    Monsieur Easter, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous félicite tous les deux pour le travail que vous réalisez partout dans le monde au chapitre des droits de la personne.
    À la lumière de vos commentaires, je pense que vous seriez d'accord pour dire que le gouvernement n'a pas rempli ses obligations énoncées dans la loi adoptée au Canada. Je crois que vous y avez fait allusion, monsieur Hassan. C'est préoccupant, car le gouvernement ne montre pas vraiment l'exemple à la Colombie.
    Je crois que, l'année dernière, nous avons eu l'impression d'avoir remporté une petite victoire, du fait qu'on avait signalé à la Colombie qu'elle serait surveillée de près et que le gouvernement rendrait des comptes à ce sujet. Or, ce rapport lacunaire va à l'encontre du message qu'on lui a livré, et je suppose que nous devrons maintenant attendre le rapport de l'an prochain.
    Mais nous demandons à la Colombie de faire certaines choses, alors qu'ici, le gouvernement n'a pas fait ce qui lui avait été demandé par le Parlement. C'est un très mauvais exemple.
    Monsieur le président, j'ai une question pour vous. Le comité compte-t-il rédiger une lettre afin de formuler des recommandations au gouvernement à la lumière des témoignages que nous avons entendus?
    Une motion a été déposée pour tenir deux jours de délibérations. Nous allons le faire, mais c'est la seule chose proposée dans la motion.
    Mais nous pourrions tenir deux jours de délibérations fondées sur les observations des témoins si nous décidions de le faire, et je pense que ce serait une bonne idée. À mon avis, il serait très utile que le comité rédige une lettre — pas nécessairement un rapport approfondi — indiquant très clairement au gouvernement qu'à la lumière des commentaires que nous avons entendus, nous sommes d'avis qu'il devrait respecter ses obligations. Nous pourrions mentionner également qu'Amnistie internationale — comme M. Neve l'a dit — a essayé de communiquer avec lui sans grand succès et que cette organisation a formulé des recommandations concernant le travail préliminaire qui devrait être réalisé. Je pense que ce serait utile pour le ministère et le gouvernement. Donc, à mon avis, nous devrions le faire. Quoi qu'il en soit, je suppose que nous pouvons en discuter à un autre moment.
    Pardon?
    Allez-y.
    Je veux simplement m'assurer que le gouvernement n'empêche pas les membres du comité d'agir; nous n'arrêterions certainement pas le progrès en faisant des recommandations convenables.
    Monsieur Neve, vous avez dit avoir eu de la difficulté à faire part de votre point de vue au ministère et à obtenir des explications au sujet du processus. Quelles observations pourriez-vous livrer — à l'oral ou à l'écrit — au comité afin de rendre le rapport plus complet et plus utile?
(1250)
    Je pense qu'il y a de nombreuses sources à examiner.
    Selon moi, les lignes directrices déposées au Conseil des droits de l'homme de l'ONU par le rapporteur spécial pour le droit à l'alimentation constituent un excellent point de départ et énoncent des critères clairs qui devraient orienter ce genre d'évaluation. Il m'apparaît essentiel que le processus suivi sollicite de façon authentique et significative la participation et l'inclusion des communautés et des personnes dont les droits sont en jeu. Malheureusement, en Colombie, le problème touche une assez grande diversité de secteurs. Mais il est tout à fait crucial qu'on mette sur pied un processus utile, transparent et accessible pour s'assurer que les communautés indigènes, les communautés afro-colombiennes, les syndicats ainsi que les organismes de défense de l'égalité des femmes et des droits de la personne — étant donné qu'il y a toute une panoplie de secteurs touchés — auront véritablement l'occasion de participer à l'élaboration du rapport.
    Ces critères concernent les Nations Unies, je suppose, mais savez-vous si le gouvernement songe à les adopter? Feront-ils partie des critères examinés dans le rapport de l'an prochain?
    Nous n'en sommes pas certains. Comme je l'ai dit, à de nombreuses occasions ces derniers mois, nous avons essayé d'obtenir de l'information au sujet du cadre conceptuel, des critères et des normes qui seront utilisés dans le cadre du processus, mais on ne nous a fourni aucun renseignement.
    Monsieur le président, aussi monsieur Neve, vous pourriez peut-être au moins faire parvenir au greffier le lien vers les critères. Ainsi, si le comité décide de faire rapport au gouvernement — et je pense que nous devrions le faire —, alors nous pourrions peut-être les inclure dans une recommandation.
    Monsieur Yussuff.
    Je pense qu'il serait très utile pour le ministère de tenir des consultations avec les parties intéressées par ce que contiendra l'information de base. Étant donné que le comité n'a pas vraiment de rapport à évaluer, je pense que, pour l'éventuel rapport de l'an prochain, il serait crucial d'assurer une certaine collaboration afin de déterminer comment on mesurerait les choses. Et, surtout, nous aimerions soumettre des recommandations au gouvernement. En outre, comme je l'ai dit, puisqu'il s'agit du premier accord commercial à être assujetti à une telle disposition législative, il est vital que cela mène à des progrès en ce qui concerne les efforts visant à évaluer la situation dans un pays donné et son évolution ou son amélioration au fil du temps. À mon sens, cela devrait être perçu comme une bonne chose. Évidemment, je pense que la collaboration est essentielle pour que l'initiative porte fruit. De plus, les rapports concernent la situation des droits de la personne au Canada; et, bien que nous ne souhaitions peut-être pas parler de cet aspect en particulier, je pense que le gouvernement doit s'assurer que le rapport aborde également cette question.
    Pour ce qui est de la Colombie, nous ne savons pas si le gouvernement colombien a déposé un...
    Soyez très succinct.
    Le gouvernement colombien est également tenu de déposer un rapport concernant la situation des droits de la personne à son assemblée législative. Nous ne savons pas s'il a pris les mesures nécessaires pour veiller à ce qu'un tel rapport soit présenté.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Shory, vous serez le dernier intervenant.
    Merci, monsieur le président. Je sais que le temps vient toujours à me manquer. Je n'en gaspillerai pas.
    Je remercie les témoins. Au fait, nous sommes toujours heureux de prendre connaissance d'une diversité de points de vue et de visions des choses. Cela nous est utile au moment de rédiger notre rapport.
    Nous savons tous que les Canadiens ne souhaitent absolument pas qu'on porte atteinte aux droits de la personne. Nous défendons ces droits, et le gouvernement fédéral fait certainement la même chose.
    Avant de poser une question, je veux vous raconter une anecdote personnelle. En 1991 ou en 1992, quand j'habitais en Colombie-Britannique, ma famille s'est liée d'amitié avec une autre famille très gentille. Nous sommes encore amis, ou plutôt, nous sommes comme des frères. Le chef de cette famille — mon ami — a eu des problèmes d'alcoolisme qui nuisaient à son entreprise et à tout le reste. J'ai donc décidé de l'aider et, progressivement, je me suis rapproché de lui. Je me suis mis à le rencontrer et à travailler avec lui de plus en plus souvent. Nous avons fini par tisser des liens si serrés que nous avions fini par nous voir pratiquement chaque soir. Et, peu à peu...
    Bref, maintenant, il boit, il s'amuse, il fait la fête, etc., mais il se consacre à l'exploitation de son entreprise, qui compte 27 employés à l'heure actuelle. La leçon que je tire de cela, c'est que l'isolement ne fonctionne pas et que l'engagement est très important, et ce, tant sur le plan personnel que pour un pays ou une entreprise, entre autres choses.
    Monsieur Yussuff, en réponse à la question de M. Davies, vous avez dit qu'au cours des 20 dernières années, environ 2 000 meurtres avaient été commis. L'an dernier, il y en a eu environ 29. Vous avez déclaré que le nombre de meurtres variait selon les années. Nous espérons tous que l'actuelle tendance se poursuive, qu'il y aura de moins en moins de meurtres et que tous ces problèmes se régleront. Voilà ce que j'avais à dire.
    Tout d'abord, étant donné ce que nous avons entendu aujourd'hui, j'aimerais savoir s'il y a une collaboration entre le gouvernement colombien et les syndicats à qui on s'en prend.
(1255)
    Oui. En vérité, le mouvement syndical et le gouvernement de la Colombie sont en dialogue constant. Le gouvernement prend des mesures afin d'aider à prévenir et à faire cesser la violence. Très souvent, le gouvernement protège bon nombre de nos collègues qui ont fait l'objet de menaces ou dont la vie est en danger afin de s'assurer que ces travailleurs et ces leaders ne se feront pas tuer dans ce pays. Dans certains cas, il est assez disposé à travailler avec nous pour faire quitter le pays à ces personnes afin d'éviter qu'on les assassine et qu'on tue les membres de leur famille.
    Il y a donc un dialogue continu. Mais, malgré tous ces efforts, il arrive encore que des gens se fassent tuer à cause des fonctions qu'ils exercent.
    Quel est votre avis, monsieur Neve?
    Au sujet du dialogue entre le mouvement syndical et le gouvernement colombien?
    Est-ce qu'on mène des actions concertées?
    Eh bien, pour ce qui est du mouvement syndical, je m'en remettrais certes à M. Yussuff. Mais, de façon plus générale, le gouvernement a également entrepris un certain nombre d'initiatives en vue de collaborer avec les organismes de défense des droits de la personne.
    Personne ne laisse entendre que le gouvernement colombien n'a pas mis en oeuvre les initiatives qu'il a lancées. Et personne ne laisse entendre qu'il n'y a eu aucune réforme. Mais je pense que ce que nous faisons ressortir, c'est qu'il existe encore des problèmes bien réels et sérieux sur tous les plans.
    À certains égards, par exemple en ce qui concerne le nombre de peuples indigènes susceptibles de disparaître, l'heure est grave.
    Merci.
    Est-il juste de dire que le gouvernement colombien, à défaut d'avoir rempli ses obligations en vertu de l'accord, est en voie ou essaie de les remplir, même s'il y a encore d'énormes problèmes à aborder et à régler?
    À mon avis, il y a peut-être deux plans sur lesquels on a pu constater certains efforts, certains progrès.
    Mais il y a d'autres aspects concernant lesquels la crise demeure bien réelle, et nous ne voyons pas les choses bouger. Encore une fois, je reviendrais sur la situation des peuples indigènes, car nous avons suivi cette question de près. Elle est intimement liée aux secteurs prometteurs en matière de commerce et d'investissement dans ce pays. Des recommandations ont été formulées par la Cour constitutionnelle. En effet, la Cour constitutionnelle de la Colombie a elle-même fait des recommandations relatives aux mesures à prendre pour mieux protéger les peuples indigènes, mais elles n'ont pas été mises en oeuvre.
    Je pense que le gouvernement colombien a beaucoup de chemin à faire. À mon avis, il faut continuer à exercer des pressions sur lui pour veiller à ce qu'il assume ses responsabilités.
    Aux fins du compte rendu, je veux préciser que nous ne demandons pas au Canada de rompre ses liens avec la Colombie. Nous sommes venus ici pour demander qu'on s'assure que les Colombiens rempliront leurs obligations et assumeront leurs responsabilités conformément à nos attentes — et eux aussi s'attendent à ce que nous fassions respecter nos propres lois. Dans cette optique, il me semble que nous devons maintenir la pression, car je pense que nous avons une certaine influence. Surtout, comme l'a dit un de vos collègues, un mort c'est déjà trop. Vingt-neuf, c'est beaucoup trop. De surcroît, le fait que ce pays figure au premier rang de la liste année après année est, à mon sens, tout simplement...
    Oh, oui. Je suis d'accord, monsieur Yussuff.
    Le président va très bientôt m'arrêter. Vous dites que la Colombie a beaucoup de chemin à faire. Rapidement, dites-moi, a-t-elle commencé à marcher?
    Mon opinion à ce sujet varie au fil des jours. Le fait que nous avons cette discussion dans un tel contexte est une bonne chose. Nous devons seulement nous assurer, au moment où on rédigera le rapport de l'an prochain, qu'il y aura une bonne collaboration pour veiller à ce que le rapport soit utile afin que nous puissions au moins dire que nous mesurons les bonnes choses et constatons les progrès éventuels.
    Merci beaucoup.
    Je voulais seulement revenir là-dessus, car je pense qu'il ne suffit pas de se demander si la Colombie a commencé à marcher. Nous devons nous demander cela, mais aussi si nous avons comprenons bien quelle voie elle doit emprunter. Il faut mener une évaluation complète et indépendante des répercussions sur les droits de la personne — ce qui n'a pas été fait dans le plus récent rapport — afin de mieux connaître le chemin que la Colombie doit suivre.
    Je remercie beaucoup les deux témoins d'avoir comparu. Nous l'apprécions.
    Toutes choses étant égales par ailleurs, nous allons poursuivre nos travaux mardi.
    Sur ces paroles, la séance est levée.
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