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Mon argument phare est qu'en ce qui concerne les Amériques, le Canada doit faire face à une situation très complexe et qui change rapidement, ce qui l'oblige à exercer beaucoup de doigté et de discernement dans ses choix politiques. Or, les ressources dont nous disposons pour travailler sur notre engagement dans la région sont très limitées, et nous risquons de nous retrouver dans une situation où, selon moi, nous pourrions très facilement être marginalisés.
Il est à mon sens extrêmement important que le comité comprenne bien les tendances globales qui caractérisent la région s'il veut faire une analyse efficace des possibilités qui s'offrent au Canada d'avoir des liens plus étroits avec l'Alliance du Pacifique.
La Stratégie pour les Amériques cherche à promouvoir l'engagement du Canada dans cette région dynamique. À cet égard, je crois qu'un certain nombre de défis attendent le Canada, dont le déclin du rôle que les États-Unis jouent dans cette partie du monde, une dynamique attribuable à la fin de la guerre froide, certes, mais aussi à la baisse d'intérêt que l'on a pu constater chez certaines des administrations américaines récentes à l'endroit de l'Amérique latine. Évidemment, il faut aussi parler de l'avancée de la Chine qui, désormais, mobilise une grande part de nos énergies.
Le Canada lui-même a renforcé radicalement son rôle en Amérique latine lorsqu'il a signé l'ALENA, dont le Mexique fait partie. Toutefois — et je reviendrai sur ce point —, les tentatives subséquentes visant à bonifier l'intégration à l'Amérique du Nord par le biais d'un partenariat continental sur la sécurité et la prospérité ont été un échec, en partie parce que le Canada a cru que l'inclusion du Mexique ralentirait la progression des travaux pour l'harmonisation des règlements et des normes. Depuis ce temps, bien entendu, le Canada et les États-Unis ont travaillé à l'établissement du périmètre de sécurité canado-américain.
Parmi les grands changements qui ont secoué la région, il faut évidemment parler de l'élection de nouveaux gouvernements de gauche dans une majorité de pays, dont le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay, le Venezuela, la Bolivie, l'Équateur, le Nicaragua et le Salvador. Je tiens à souligner que cela a d'importantes répercussions dont il faut tenir compte pour bien comprendre ce qui se passe dans cette région.
En outre, nous avons pu constater, dans une certaine mesure, que des démarches étaient faites pour qu'il y ait une plus grande unité au sein des États latino-américains et, en même temps, pour marginaliser le Canada et les États-Unis. J'en veux pour preuve la formation d'un groupe appelé UNASUR, l'Union des nations de l'Amérique du Sud, et de la CELAC, la Communauté d’États latino-américains et caribéens.
Le fossé grandissant entre le Canada et les États-Unis d'un côté et les États d'Amérique latine de l'autre a peut-être vu le jour avec l'échec de la ZLEA, la Zone de libre-échange des Amériques. Le projet de la ZLEA visait à promouvoir la conclusion d'un accord de libre-échange entre tous les États de la région, sauf Cuba, accord qui serait fondé sur des normes dépassant celles de l'OMC et que les États-Unis et le Canada se sont efforcés de promouvoir énergiquement.
Mais l'initiative a échoué, car le Brésil et d'autres pays se sont opposés au soi-disant consensus autour des politiques de Washington que la ZLEA semblait incarner. L'accord s'est aussi buté à une forte opposition de la société civile. Depuis l'échec de la ZLEA, le Brésil s'est servi de ses alliances régionales pour promouvoir ce que l'on a décrit comme étant un anneau d'encerclement visant à circonscrire l'influence des États-Unis dans cette région.
J'aimerais faire une parenthèse sur ce que l'on appelle le postnéolibéralisme et sur la nature de ces nouveaux régimes de gauche. Certains, dont Jorge Castaneda par exemple, ont ni plus ni moins créé une division simpliste entre les bons et les mauvais gouvernements de gauche, la mauvaise gauche étant bien entendu représentée par les gouvernements Chavez, Morales et, peut-être, Correa, et la bonne, par des gouvernements comme ceux de Lula, au Brésil, et de Bachelet, au Chili. Je suis d'avis qu'il faut être beaucoup plus nuancés dans notre analyse pour vraiment comprendre ce qui se passe dans ces gouvernements, puisqu'ils ont dans les faits beaucoup de caractéristiques communes, dont le respect de la démocratie, un engagement à l'endroit des politiques macroéconomiques saines, un préjugé favorable pour une intervention accrue de l'État et la volonté de mettre en place de solides programmes sociaux. Ils sont aussi en général réfractaires aux politiques protectionnistes à l'ancienne et ils cherchent à établir des liens commerciaux avec l'extérieur, mais ils visent une intégration régionale d'un autre type.
Sur la diapositive suivante, j'ai reproduit la catégorisation des nouveaux gouvernements de gauche mise au point par deux chercheurs, Levitsky et Roberts. Cela vous permettra de comprendre que la situation dans cette partie du monde ne se résume pas à une simple cohabitation des bons et des mauvais gouvernements de gauche. C'est plus compliqué et c'est étroitement lié à l'histoire de chaque pays.
Sur le plan politique, le dernier sommet de l'OEA a mis en évidence le fossé qui se creuse au sein de la région, les États d'Amérique latine et des Caraïbes semblant rejeter, du moins dans une certaine mesure, la position des États-Unis et du Canada quant à certains enjeux — le commerce de la drogue et l'adhésion de Cuba, entres autres —, et le rôle qu'ils jouent en la matière. Dans des organisations telles que la CELAC, nous constatons une unité grandissante au sein des États latino-américains. Je crois que le Canada devrait y voir un signal l'invitant à manoeuvrer avec précaution lorsqu'il tentera de s'investir dans la région, car il se pourrait que nous soyons marginalisés encore davantage. Nous pouvons également constater un regain d'appartenance du Mexique à la région, puisque ce dernier est aussi membre de la CELAC.
Nous pouvons aussi voir deux types de modèle de régionalisme rivaux. L'un est dirigé par le Brésil et, dans une certaine mesure, par le Venezuela, et l'autre est l'Alliance du Pacifique, qui regroupe les États toujours liés aux États-Unis sur le plan économique. Sur la carte que l'on voit ici, ce sont les pays en rouge.
Économiquement, la conjoncture est extrêmement complexe, avec la prolifération d'alliances bilatérales et régionales, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la zone. Laissez-moi vous montrer quelques images illustrant ce qui est en train de se passer. Ici, on voit la situation en 1994, où l'on avait cinq regroupements régionaux passablement circonscrits. La diapositive suivante montre la situation en 2008 — ce que Bhagwati appelle l'assiette de spaghetti —, avec d'innombrables ententes commerciales régionales et bilatérales où s'engagent des acteurs de l'intérieur comme de l'extérieur de la région. C'est extrêmement compliqué.
Ce qui m'amène à l'Alliance du Pacifique. Comment évaluons-nous cette formation régionale de fraîche date?
Tout d'abord, il me semble que le Canada a déjà des accords de libre-échange avec les quatre États membres et que nous ne devons pas nous attendre à gagner grand-chose sur le plan strictement économique. Nous avons aussi des accords en matière d'investissements avec eux.
Deuxièmement, l'Alliance du Pacifique n'est pas qu'une zone de libre-échange — ce qui est la première étape d'une intégration à la région. Elle aspire en effet à une forme d'intégration plus poussée et plus exigeante, qui pourrait ressembler à l'UE, un genre de marché commun, et elle a déjà fait des pas dans cette direction. Ce groupe vise la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. Les États membres se rapprochent rapidement d'objectifs particuliers tels que l'intégration des bourses, les déplacements sans visa, l'harmonisation des normes de réglementation, la coopération en matière de sécurité et ainsi de suite. Si nous ne sommes pas parvenus à des formes d'intégration plus profondes avec le Mexique dans le cadre du PSP, il faut d'après moi se demander si nous serons en mesure de le faire avec l'alliance, qui ajoute trois États latino-américains encore plus lointains que le Mexique à un regroupement dont, je présume, pratiquement aucun Canadien n'a entendu parler.
Troisièmement, même si les membres le décrivent comme un regroupement utilitaire et non idéologique, l'Alliance du Pacifique représente sans équivoque une réponse politique à l'émergence du Brésil comme leader régional, une tentative de faire contrepoids aux autres groupes que sont le Mercosur et l'ALBA. Je me demande en fait s'il s'agit là d'un combat auquel nous souhaitons vraiment nous mêler.
En dernier lieu, les États membres de l'Alliance du Pacifique cherchent aussi à se positionner par rapport à l'Asie-Pacifique, afin de faciliter les liens avec cette région et, peut-être, d'améliorer leurs chances d'intégrer l'ANASE ou le PTP.
Je ne dirai pas grand-chose du PTP, sauf qu'il s'agit d'un projet très complexe et très ambitieux fondé sur des normes de commerce et d'investissement de très haut niveau. On les appelle les normes platine en matière de commerce et d'investissement. Elles dépassent donc la norme or de la ZLEA. Le partenariat regroupe des pays des plus divers. Je crois qu'on peut vraisemblablement s'attendre à des négociations très longues et très lentes, et à une importante opposition de la part de société civile. Il se peut que l'exercice se transforme en une expérience semblable à ce que nous avons vécu avec la ZLEA.
En conclusion, je voudrais faire quelques mises en garde quant à la possible adhésion du Canada à l'Alliance du Pacifique. Quelles en seraient les conséquences, notamment en ce qui concerne certains aspects tels que la circulation des personnes, l'harmonisation des normes et les bourses? Étant donné l'absence de clause d'adhésion, il est trop tôt pour se prononcer là-dessus. À quoi les autres membres s'attendront-ils de la part du Canada? Est-il vraiment plausible que nous puissions obtenir une entente différente de celle que les membres ont déjà entre eux? Je ne le crois pas. Si nous ne sommes pas parvenus à mieux nous intégrer à l'Amérique du Nord en traitant avec le Mexique, comment y arriverons-nous en ajoutant dans l'équation trois États d'Amérique latine encore plus éloignés?
Mais ce qui m'importe le plus est sans doute de savoir comment l'appartenance à l'Alliance du Pacifique influencera nos relations avec le Brésil, la puissance économique de la région. Ne risquerions-nous pas de compromettre nos chances d'établir des liens plus étroits avec ce pays et le Mercosur si nous nous alignons à un tel point sur des concurrents régionaux?
Je ne veux pas m'attarder trop longtemps sur le sujet, mais j'aimerais terminer en parlant du rôle de plus en plus controversé du Canada dans la région compte tenu des liens que nous développons avec les industries extractives, en particulier les mines. Est-ce que la consolidation de nos relations avec ces quatre États nous marginaliserait encore davantage?
Merci beaucoup.
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Mesdames et messieurs, bonjour. Je vous remercie cordialement de me donner l'occasion de vous parler de l'Alliance du Pacifique.
Je travaille à l'Institut Nord-Sud dans les domaines du commerce international et de l'investissement, particulièrement en ce qui concerne des aspects liés au Canada et à l'Amérique latine. Avant de venir ici, j'ai été chercheur au réseau commercial d'Amérique latine en Argentine, où je donnais des conseils stratégiques à divers gouvernements et effectuais des recherches à leur intention, notamment en ce qui a trait à des questions d'intégration économique.
Mon exposé est un excellent complément de celui de Mme Macdonald. Cela dit, j'aimerais me pencher davantage sur le volet économique et insister sur ce que signifierait l'appartenance du Canada à l'Alliance du Pacifique en soulignant les principaux aspects de l'initiative dans le contexte du régionalisme latino-américain. Mes propos s'appuieront sur les points débattus aujourd'hui et sur ce qui pourrait en découler pour le Canada.
Nous savons déjà que les projets d'intégration économique ont tendance à se renforcer. Il existe différentes formules, telles qu'un accord de libre-échange, une union douanière ou une union économique. On dit que l'Alliance du Pacifique atteint le niveau le plus élevé, mais dans les faits, elle est beaucoup moins ambitieuse, encore moins qu'un accord de libre-échange. C'est une plateforme de négociation créée pour mieux faire affaire avec les pays d'Asie et les plus grandes entreprises de ce continent qui désirent investir dans les pays membres.
Il est important que le Canada en tienne compte dans le cadre de sa décision. Selon la documentation dont nous disposons et ce que nous avons appris des praticiens et des négociateurs commerciaux, trois raisons poussent les pays à choisir des initiatives régionales économiques parmi les divers moyens d'intégration possibles. Il s'agit entre autres de se positionner et de rechercher des investissements, qu'ils soient indirects ou qu'ils visent à élargir les marchés.
Je parlerai tout d'abord du positionnement qui, à mon avis, correspond le plus à ce que nous avons vu jusqu'à maintenant dans le cadre de l'Alliance du Pacifique. Les quatre pays membres expriment leur volonté de poursuivre la libéralisation de leurs échanges, contrairement à d'autres pays de la région. Ils sont déterminés à développer leurs liens avec l'Asie et ils constatent qu'il existe des complémentarités entre leurs économies. Ils n'attendront pas après ceux qui préfèrent adopter un rythme plus lent, comme c'est le cas dans le cadre du PTP.
Cette façon de faire est tout à fait acceptée en Amérique latine, où les pays suivent, de façon simultanée ou concomitante, divers parcours d'intégration. En fait, nous avons une expression pour désigner cette réalité. Elle est parfois employée ailleurs dans le monde. Il s'agit de la « géométrie variable », ce qui signifie qu'on choisit différents partenaires pour faire différentes choses au même moment. Les pays de la région font partie de l'Alliance du Pacifique, du Pacte andin ou du Groupe des Trois, et certains participent aux négociations de l'UNASUR et de la CELAC, mais ils y poursuivent divers objectifs. Cela signifie également qu'ils s'associent à d'autres pays aux vues similaires, selon leur objectif, mais de façon très pragmatique. Bref, ce qui compte le plus, c'est de se positionner.
La deuxième raison, qui est peut-être pertinente, est la recherche d'investissements. Ils veulent davantage d'investissements en provenance de l'Asie, mais ils ne tournent pas nécessairement le dos au reste du monde, même si l'Asie devient ensuite le marché d'exportation. Les objectifs énoncés dans le cadre de l'alliance, qui portent entre autres sur la mobilité de la main-d’oeuvre, les équivalences scolaires, l'intégration des marchés financiers et la libre circulation des capitaux entre les quatre pays, témoignent très clairement d'une approche axée sur la recherche d'investissements.
Selon moi, l'expansion des marchés à l'intention de leurs propres entreprises les intéresse peu. La plupart de leurs grandes entreprises sont tournées vers les exportations, et leurs activités reposent sur des produits de base, pour lesquels la demande interne n'est pas très forte. Elles doivent donc se tourner vers les marchés de l'Asie et d'autres régions du monde.
J'aimerais maintenant aborder un autre sujet. J'ai lu les exposés qui vous ont été présentés. Certains témoins ont mentionné que jusqu'à 90 p. 100 des échanges effectués dans le cadre de l'alliance seront immédiatement, ou très bientôt, exemptés de droits. À mon avis, cela a une importance relative de nos jours; ce n'est pas prioritaire. La majorité des droits de douane dans le monde sont déjà très peu élevés. Ils sont d'environ 5 p. 100 dans la plupart des pays émergents, et d'à peu près 3 p. 100 dans la majorité des pays développés. Cela ne représente donc pas une grande différence de prix pour les entreprises et les consommateurs.
À vrai dire, les frais de transport et de douane représentent environ de 10 à 15 p. 100 du prix final, ou même du prix des intrants intermédiaires, de la plupart des biens, à l'exception des services et des produits électroniques.
Au cours des 10 dernières années, la fluctuation des devises de ces pays exportateurs de produits de base, ou même du Canada, a représenté une hausse des prix intérieurs, en dollars américains, allant jusqu'à 30 p. 100, ce qui veut dire qu'une réduction des droits de 3 à 5 p. 100 est assurément sans conséquence.
Je sais cependant que les droits sont très élevés dans certaines industries, dont certaines branches traditionnellement protégées, comme l'industrie céréalière au Chili et au Pérou, certains secteurs de fabrication en Colombie et au Mexique, et les industries aviaires et laitières au Canada. Ces droits s'appliquent généralement à des secteurs non visés par la libéralisation des échanges, et on ne s'en préoccupe donc pas.
C'est vraisemblablement ce que fera l'Alliance du Pacifique, car les quatre membres ont décidé d'éliminer 90 p. 100 de leurs lignes tarifaires, et ils discuteront des autres plus tard.
Dans le domaine du commerce, nous savons que ce genre d'annonces de la part des gouvernements signifie qu'ils ont réussi à regrouper ce qui est pertinent dans les 10 p. 100 qui représentent les lignes tarifaires qui ne feront pas tout de suite l'objet de négociations. Nous connaissons la politique et nous savons qu'il est difficile de faire en sorte que tous les échanges commerciaux entre deux pays s'effectuent librement.
Pour augmenter les échanges commerciaux avec les membres de l'Alliance du Pacifique — et c'est ce que l'Asie souhaite le plus —, il faudrait se pencher sur la facilitation du commerce, l'harmonisation des normes, et la libéralisation des échanges et des services, particulièrement les services professionnels. Faciliter la mobilité des gens, comme ils le font, est également essentielle.
Ce sont ces éléments que les économistes et les responsables des politiques jugent aujourd'hui les plus importants pour libéraliser le commerce et les investissements, et maintenant que les droits sont aussi peu élevés, il faut également tenir compte de questions comme le mauvais alignement des devises.
J'aimerais que vous réfléchissiez très attentivement à ce que le Canada veut vraiment faire.
Les membres de l'Alliance du Pacifique ont clairement fait part de leurs intentions, à savoir harmoniser leur production et leurs normes de santé, établir des systèmes rapides et simples pour déterminer les équivalences scolaires et professionnelles et faciliter la mobilité de la main-d'œuvre, c'est-à-dire la migration.
Ces pays ont sensiblement les mêmes niveaux de revenu personnel par habitant lorsqu'on tient compte du pouvoir d'achat. Ils ont également des niveaux de scolarité et d'autres indicateurs pertinents similaires, ce qui veut dire que cette approche est très raisonnable pour eux. À mon avis, l'alliance sera un moyen efficace de favoriser entre eux l'intégration économique pour ensuite négocier avec l'Asie, mais le Canada sera-t-il prêt à en faire autant?
En tant que nouvel immigrant au Canada, je dois respectueusement vous dire que je suis sceptique. Et lorsque je constate, à l'occasion de mes nombreux déplacements, que les Canadiens eux-mêmes ont de la difficulté à fournir des services professionnels dans une autre province, je le suis encore plus.
Je ne dis pas que l'approche des membres actuels qui vise à attirer davantage d'investissements étrangers, en provenance de l'Asie dans ce cas-ci, ou à accroître les échanges commerciaux avec d'autres pays ne leur réussira pas; elle pourrait très bien fonctionner. Elle pourrait même être très avantageuse pour le Canada. Cela dit, devriez-vous l'adopter maintenant avec les membres de l'Alliance du Pacifique dans le but de mener des négociations avec eux en Asie? J'ai quant à moi des doutes, mais c'est la question que vous devez trancher.
Pour terminer, j'aimerais vous donner un autre point de vue sur la valeur des négociations commerciales proprement dites.
Tout comme dans le milieu des affaires ou quand il est question de politique intérieure, les négociations sur le commerce international restent souvent une tâche inachevée. Les praticiens et les négociateurs ne les perçoivent pas pour autant comme un échec, mais plutôt comme une façon d'apprendre sur les autres, de socialiser à l'échelle internationale et de cristalliser temporairement l'action diplomatique. En fait, la signature d'une entente n'est qu'une raison parmi d'autres d'entreprendre des négociations.
Ils sont nombreux en Amérique latine à croire que c'est manifestement ce que font les États-Unis dans le cadre des négociations du PTP. Leur objectif n'est pas de signer un accord, mais de se positionner, d'amorcer une discussion et d'attirer l'attention diplomatique de leurs partenaires de manière à apprendre ce qu'ils font.
Vous devriez savoir que trois de ces quatre pays de l'Alliance du Pacifique — sauf peut-être la Colombie —, ont autant d'expérience que les États-Unis dans les négociations et la signature d'accords de libre-échange. Les diplomates du Pérou, du Mexique et du Chili savent donc très bien ce qu'ils font lorsqu'ils reproduisent prétendument les efforts de négociations du Partenariat transpacifique dans cette autre initiative. En fait, ils créent leur propre plate-forme en vue d'engager l'Asie.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos témoins de leur présence. C'est très intéressant. Les ambassadeurs des divers pays concernés sont venus pour soutenir la participation du Canada à divers degrés, certains par leur statut actuel et d'autres en appuyant le Canada dans un rôle beaucoup plus important.
J'aimerais répondre à quelques commentaires entendus jusqu'ici, car cela doit être consigné au compte rendu. Cela n'a pas été exprimé clairement par certains députés et même certains de nos témoins.
Au sujet des avantages pour le Canada, je me permets de dire que ce que nous retirons de cet accord, c'est un accroissement de l'influence régionale globale. Nous établissons une base solide pour l'engagement du Canada dans les Amériques. Comme vous le savez sans doute, nous nous sommes engagés à accorder une place plus importante à l'Amérique du Sud et à l'Amérique centrale.
L'Alliance du Pacifique rend ses membres plus concurrentiels comme exportateurs et plus attrayants pour les investisseurs étrangers. L'un des principaux objectifs de l'Alliance du Pacifique est de devenir une plateforme pour les liens politiques. Je crois que vous en avez aussi parlé. Il y a également l'intégration économique et commerciale, qui nous donne une présence dans le monde et met l'accent sur l'Asie-Pacifique. Elle fait contrepoids aux influences régionales américaines.
Voilà brièvement quelques-unes de mes réflexions sur la question.
En y réfléchissant bien — je me proposais de poser mes questions selon un ordre différent —, je dois commencer par la question des industries extractives du Canada. J'ai eu le privilège de me rendre au Pérou, au Chili et au Brésil au nom de notre gouvernement. La réputation du Canada dans l'industrie de l'extraction est excellente. Nous avons rencontré les gouvernements de ces pays et nous avons entendu de nombreux témoins. J'y suis allé et j'ai discuté avec les compagnies canadiennes là-bas, qui sont des chefs de file dans le domaine de la responsabilité sociale de l'entreprise. Quand vous parlez d'une marginalisation du Canada, madame Macdonald, je dois vous dire, en tout respect, que c'est tout à fait le contraire. Je pense que le Canada comprend vraiment son rôle sur le plan international, et il met davantage l'accent...
C'est intéressant. J'ai entendu les membres de l'opposition, quand nous avons parlé des raisons pour lesquelles nous intégrerions notre pays aux autres; je ne pense pas que nous parlons du genre d'intégration qui était sous-entendu, mais il m'a presque semblé que nous devrions uniquement avoir des échanges commerciaux avec les pays dont les normes sont équivalentes ou meilleures que les nôtres afin de rehausser nos normes, alors qu'en fait, nous avons l'occasion, comme nous l'avons montré en ce qui a trait à la responsabilité sociale d'entreprise, d'améliorer le sort des autres.
Pourriez-vous m'aider à comprendre comment vous pouvez être convaincue — si vous l'êtes — que l'industrie extractive canadienne marginalise d'une certaine façon le rôle du Canada sur le plan international?
:
C'est intéressant, car après avoir vu les normes entourant... L'industrie canadienne dans ces divers pays est un modèle pour le reste du monde. Je dis cela avec beaucoup de fierté au sujet des responsabilités de l'industrie extractive, pas seulement en Amérique du Sud et en Amérique centrale, en passant, mais partout dans le monde.
Je suis allé au Brésil. À mon sens, le gouvernement brésilien, du gouvernement de Lula au gouvernement actuel, a un profond respect pour les relations que nous entretenons avec eux. Le Canada est tenu en très haute estime par le Brésil. Voici ma question.
Pour les raisons que j'ai déjà mentionnées, je crois qu'il serait avantageux pour le Canada de consolider cette Alliance du Pacifique. Ce qui est intéressant, c'est que chaque fois que nous parlons d'un accord commercial dans le monde, quelqu'un mentionne habituellement la question de Doha, alors je vais en parler cette fois-ci, pour le plaisir. Comme je l'ai déjà dit, le cycle de Doha, tout comme Elvis Presley, est bel et bien mort, mais les gens s'en font une idée romantique, comme s'il s'agissait du but que nous devrions atteindre.
Nous avons ici un autre accord commercial, quatre pays avec lesquels nous traitons individuellement, et nous tentons de regrouper cela dans un ensemble, comme nous le faisons ailleurs dans le monde, pour nous rapprocher de ce multilatéralisme, que vous semblez soutenir, et j'entends le mot, mais je ne suis pas sûr que ce soit un fait. Ne s'agit-il pas simplement d'une autre tentative d'entente multilatérale, comme nous l'avons fait avec l'AECG, comme nous espérons le faire avec le PTP, entre autres?
Pourquoi cet accord doit-il nécessairement être ce que je considère un jeu à somme nulle? Autrement dit, pourquoi doit-on choisir le Brésil? Nous avons déjà d'importants échanges commerciaux avec le Brésil. Nous en avons déjà avec tous les pays du monde, à divers degrés. Ne pourrait-on pas soutenir qu'en fait, cela pourrait nous aider dans le cadre de nos négociations et de nos discussions avec des pays comme le Brésil qui est, comme vous l'avez souligné à juste titre, en position dominante en Amérique du Sud?
Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez, s'il vous plaît?
:
Je suis honoré d'être ici aujourd'hui pour vous présenter le point de vue du secteur des fournisseurs des mines du Canada dans le cadre de votre étude des avantages dont bénéficierait le Canada s'il devenait membre à part entière de l'Alliance du Pacifique.
[Français]
Bonjour à tous. C’est un plaisir pour moi d’être ici pour représenter le secteur des fournisseurs des mines du Canada. Je vais faire mon discours en anglais, mais je serai enchanté de répondre à vos questions en français.
[Traduction]
Aujourd'hui, le message que je veux vous transmettre est très simple.
[Français]
Je vais parler assez lentement afin que les interprètes puissent bien faire la traduction.
[Traduction]
Étant donné le manque relatif de capacité intérieure des pays émergents en matière d'approvisionnement d'une industrie minière moderne, les sociétés canadiennes de fournisseurs des mines tireraient profit d'une plus grande circulation des biens, des services, du capital et de la main-d'oeuvre au sein des pays de l'Alliance du Pacifique.
L'industrie minière canadienne est un important investisseur au Chili, au Pérou, en Colombie et au Mexique, et les fournisseurs canadiens d'équipements et services miniers ont suivi les investisseurs canadiens dans ses marchés. J'oserais dire que dans 100 pays — ou plus —, c'est notre industrie minière qui incarne le mieux les activités commerciales de notre nation.
En ce qui a trait au commerce, l'approvisionnement du secteur minier est, ou peut être, dans beaucoup de pays, le fer de lance des exportateurs canadiens. Autrement dit, je doute qu'il y ait un autre secteur industriel canadien que notre secteur minier, y compris ses fournisseurs, qui tient une place aussi prédominante sur le plan du commerce et de l'investissement à l'échelle internationale. Avant de vous en dire plus sur notre point de vue sur les avantages de la libéralisation du commerce avec les pays de l'Alliance du Pacifique, j'aimerais prendre une minute pour vous parler de l'association que je dirige et du secteur qu'elle représente.
Fondée en 1981, la CAMESE, l'Association canadienne des exportateurs d'équipements et services miniers, est une association commerciale sans but lucratif dont le mandat est d'aider les entreprises canadiennes à exporter leurs produits et services dans l'industrie minière à l'échelle mondiale. Collectivement, nous menons des efforts de marketing à l'échelle internationale pour mieux faire valoir auprès de l'industrie minière l'excellence des technologies et services miniers canadiens. La CAMESE compte plus de 330 sociétés membres dans l'ensemble du pays.
Je vais maintenant parler du secteur. Le Conference Board of Canada a décrit le secteur de l'approvisionnement et des services miniers en ces termes: « une industrie de plusieurs milliards de dollars, une industrie très diversifiée au Canada et partout dans le monde qui demeure toutefois un secteur “caché” qui n'est pas directement mesuré ou suivi. »
Certaines données indiquent que pour chaque emploi dans le secteur minier, il y aurait jusqu'à deux emplois dans le secteur de l'approvisionnement minier.
Le secteur de l'approvisionnement et des services miniers englobent un large éventail d'experts-conseils, de fabricants, de sociétés de génie et de services, y compris les divisions spécialisées dans les mines de toutes les grandes banques, des maisons de courtage, des cabinets d'experts-comptables et d'avocats. Au Canada, on compte jusqu'à 3 000 sociétés qui offrent des produits et services conçus pour le secteur minier.
Pour ce qui est des marchés d'exportation — par ordre décroissant de priorité des zones de marché pour le secteur de l'approvisionnement des services miniers —, l'Amérique latine est actuellement au premier rang, suivi de l'Asie-Pacifique, des États-Unis, de l'Afrique, de l'Europe de l'Est et de la CEI, la Communauté des États indépendants, dans cet ordre. En effet, l'Amérique latine est une zone de marché clé, ce qui nous amène au Chili, au Pérou, à la Colombie et au Mexique. J'ai préparé des capsules d'une minute sur les marchés en forte croissance dans chacun de ces quatre pays. J'aurais aimé vous les présenter maintenant, mais étant donné que je n'ai que 10 minutes, c'est avec plaisir que je vous en dirai plus à ce sujet s'il y a une question qui s'y rapporte.
Il ne fait aucun doute que le comité peut consulter les statistiques sur les résultats de ces accords de libre-échange avec ces pays. Les statistiques que j'ai vues indiquent une forte augmentation des échanges commerciaux, comme avec le Chili, où pendant les 15 ans suivant la mise en oeuvre du traité, le nombre de sociétés canadiennes exportant vers ce pays a doublé, pour atteindre plus de 1 300. Pendant la même période, le nombre de produits exportés du Canada a aussi doublé et notre principal produit d'exportation au Chili est maintenant la machinerie plutôt que les céréales.
Dans tous ces pays, je crois qu'il est juste de dire que l'augmentation du taux de pénétration des importations canadiennes est surtout attribuable à l'équipement et aux services utilisés dans l'industrie minière.
Les fournisseurs canadiens ne sont pas de nouveaux joueurs dans les marchés de l'Alliance du Pacifique. Depuis 1995, par exemple, la CAMESE a mis en place des Pavillons du Canada à l'occasion d'expositions sur l'exploitation minière pour que nos exportateurs puissent présenter leurs produits et services dans ces pays. Au cours des 18 dernières années, nous l'avons fait 18 fois au Pérou, 17 fois au Chili, huit fois au Mexique et une fois en Colombie. Chaque fois qu'ils participent à ces événements, nos exposants trouvent de nouvelles occasions d'affaires.
En conclusion, l'industrie minière canadienne et ses fournisseurs constituent sans doute le principal signe de la présence commerciale canadienne dans les quatre pays dont il est question aujourd'hui, comme dans beaucoup d'autres pays de par le monde, d'ailleurs.
Actuellement, le Canada a des accords relatifs aux échanges commerciaux préférentiels et à la protection des investissements avec chacun des quatre membres de l'Alliance du Pacifique. La CAMESE n'est pas placée pour dire s'il vaut mieux avoir ces accords individuels ou un accord avec un groupe de pays. Nous allons laisser au comité et à nos négociateurs commerciaux le soin d'en décider.
Notons toutefois que l'Alliance du Pacifique prévoit accorder un traitement tarifaire préférentiel pour un large éventail de biens et services; au moins 90 p. 100 des biens seront libres de droits. Pour nous, ce serait peut-être une situation plus avantageuse que celle que nous avons actuellement en vertu de quatre accords distincts. Au sein d'un bloc commercial, la mise en place d'une circulation plus libre des personnes, d'une reconnaissance élargie des titres professionnels de même que l'harmonisation des normes et de la réglementation seraient certainement un avantage pour nos exportateurs.
Nous sommes portés à croire que l'immigration pourrait poser problème. À cet égard, nous nous reportons aux études sur le marché du travail menées par le Conseil des ressources humaines de l'industrie minière, qui prévoit que l'industrie minière canadienne aura besoin de 100 000 travailleurs qualifiés supplémentaires d'ici 2020. D'où viendront ces gens?
Les pays de l'Alliance du Pacifique seraient une excellente source pour une telle main-d'oeuvre. Leurs normes en matière d'éducation et de formation s'améliorent constamment. De plus, des résidants sont déjà à l'emploi de société canadienne et apprennent notre façon d'exploiter les mines. Ces personnes seraient peut-être prêtes à venir travailler au Canada.
En terminant, sans vous avoir parlé des occasions importantes qui se présentent dans ces quatre marchés, le secteur canadien de l'approvisionnement et des services miniers a beaucoup à gagner et peu à perdre de la mise en oeuvre d'échanges commerciaux et d'investissements plus libres avec les pays de l'Alliance du Pacifique et avec d'autres pays émergents aussi.
Je vous remercie de l'intérêt que vous portez à notre point de vue à ce sujet.
:
Merci, monsieur le président.
Je crois que je devrais vraiment revoir mon portefeuille d'actions et y ajouter des sociétés canadiennes d'exportation minière.
[Français]
Monsieur le président, c'est un plaisir d'être de nouveau sur la Colline. Je vais faire ma présentation en anglais et je serai heureux de répondre aux questions des membres du comité en anglais ou en français.
[ Le témoin s'exprime en espagnol. ]
[Traduction]
C'est en effet un plaisir de comparaître de nouveau devant le comité pour parler des échanges transpacifiques et de l'Alliance du Pacifique pour ce qui est, je crois, la deuxième ou la troisième fois. C'est, de fait, la troisième ou la quatrième fois que j'aborde la question au Parlement. Je suis enchanté que le comité se penche sur la question et me convoque à nouveau.
C'est, pour le Canada, une question importante, probablement celle qui a le plus d'importance parce qu'elle pourrait avoir une incidence réelle sur notre programme de prospérité, la croissance économique, le commerce et tout ce que nous examinons à l'heure actuelle, y compris l'accord de libre-échange avec l'UE.
Permettez-moi de faire une première remarque, étant donné que je mène des études et des travaux sur l'Alliance du Pacifique et les échanges transpacifiques depuis que le Canada a commencé à s'intéresser à l'alliance et à son précurseur, en 2007. Depuis six ans, alors que le gouvernement fédéral travaillait avec la situation variable de l'alliance et suivait le dossier, j'ai lu tout ce qui s'est écrit à ce sujet en espagnol et en anglais.
[Français]
Malheureusement, il n'y a rien présentement en français.
[Traduction]
Je me suis aussi longuement entretenu avec des gouvernements étrangers, des représentants officiels de ministères étrangers et des groupes de réflexion au sujet des échanges transpacifiques et plus particulièrement de l'alliance, que ce soit en Amérique latine ou en Asie.
En fait, l'une des difficultés auxquelles sont confrontés le comité et ceux qui s'intéressent à la question de l'Alliance du Pacifique est le manque d'information en anglais. En fait, le seul document en anglais de plus de trois pages est celui auquel je travaille depuis quelques années. Il n'est pas prêt à être déposé et pas encore prêt à être publié, mais je pourrai utiliser la recherche et l'analyse réalisées à cet égard pour aborder deux sujets: un brin d'histoire sur l'alliance pour que vous compreniez exactement en quoi elle consiste et les quatre raisons pour lesquelles elle est importante pour le Canada. J'aimerais en outre vous exposer un problème de taille.
Pour commencer avec l'histoire, il y a six ans, en 2007, l'Australie était l'hôte d'une réunion de la Coopération économique de la zone Asie-Pacifique, à l'occasion de laquelle certains pays asiatiques ont plus ou moins discrètement fait savoir qu'ils se demandaient si le Pérou, qui devait accueillir l'événement en 2008, était en mesure d'accueillir le forum international. En fait, la question soulevait des inquiétudes en Amérique latine également.
Le président du Pérou, Alan García, a réagi en annonçant une nouvelle initiative audacieuse. Il voulait unir tous les pays d'Amérique latine donnant sur le Pacifique en un groupe intégré afin de mieux préparer la région au commerce avec l'Asie. Cette initiative est née de deux réalisations. L'une, c'est que l'Amérique latine, malgré ses progrès politiques et économiques immenses, n'a pu rattraper l'Asie. L'autre, qui découle de la première, c'est que l'ensemble actuel d'accords d'intégration que Pablo et Laura ont décrits n'ont pas permis de combler l'écart. Ils n'ont pas réussi à aider l'Amérique latine à progresser.
On a aussi réalisé que même si les pays se font une concurrence bilatérale, ils tendent à réussir quand ils s'unissent en blocs ou en groupes. En effet, on constate qu'au sein de l'Union européenne, ce n'est pas tant en faisant cavalier seul qu'en accédant à l'éventail de marchés, de ressources et d'éléments que lui offre l'union que la Grande-Bretagne tire des avantages. En Amérique du Nord, nous profitons de la relation avec l'ALENA et Mercosur, au Brésil. On a réalisé que les accords d'intégration actuels ne suffisaient pas et qu'il fallait quelque chose de nouveau.
Initialement, García n'avait pas envisagé d'inviter le Canada, pas plus que le Chili d'ailleurs. Mais par chance, le a été invité à participer à la rencontre inaugurale, au cours de laquelle il a été question de l'initiative. Depuis, le gouvernement suit le dossier et nous met en excellente position pour profiter des occasions émergentes.
Je veux porter deux faits à votre attention au sujet de l'histoire. Tout d'abord, vous devez comprendre que c'est une initiative qui rompt avec tout ce qui s'est fait auparavant en Amérique latine. L'alliance, l'Arc du Pacifique, qui l'a précédé, a commencé par un plan de travail incroyable, un programme exceptionnel établi en large partie par la Banque interaméricaine de développement.
Ce programme est le fruit de beaucoup de travail sérieux et de remaniements importants, au cours desquels on a examiné les règles, les règlements et les pratiques exemplaires. La Banque interaméricaine de développement a accompli un travail titanesque, comme en témoigne aujourd'hui le plan de travail proposé pour l'alliance. Voilà pour la bonne nouvelle.
L'ennui, c'est que les 11 pays n'ont pas tous réussi à s'entendre sur ce programme en raison des différences au chapitre de l'avancement politique et des théories sur le développement économique. Les pays n'étaient pas tous sur la même longueur d'ondes, n'ayant pas tous conclu des ALE les uns avec les autres. Après un an et demi, les quatre pays à la tête de l'Arc du Pacifique — le Pérou, le Chili, la Colombie et le Mexique — ont décidé de se désister et de former un nouveau groupe, l'Alliance du Pacifique, entraînant avec eux les deux autres membres sérieux de l'Arc, soit le Panama et le Costa Rica.
Vous devez comprendre que toutes les tentatives précédentes d'intégration de l'Amérique latine reposaient sur tout sauf ce qui pourrait favoriser l'intégration. L'Alliance du Pacifique rompt complètement avec ce passé, car elle tente de formuler un programme sérieux et prend des mesures inédites. C'est une démarche sans précédent. Jamais nous n'avons vu un programme aussi sérieux. Il s'agit d'un investissement de volonté politique et de capitaux sans précédent dans cet hémisphère, en Amérique du Sud, en Amérique centrale ou, à l'heure actuelle, en Amérique du Nord.
Il faut également tenir compte de la position privilégiée du Canada par rapport à l'alliance. Ayant été observateur au sein de l'Arc, nous continuons d'agir à ce titre dans l'alliance et nous sommes le seul pays à le faire.
Je vous dirai maintenant très brièvement pourquoi c'est important.
En ce qui concerne les accords d'intégration, il y a concurrence bilatérale à l'échelle mondiale, mais nous réussissons quand nous faisons partie de blocs. Pensez à nos relations en Amérique du Nord, où on ne parle plus de secteur de l'automobile canadien ou mexicain, mais bien de l'industrie automobile nord-américaine. Nous pouvons affronter la concurrence mondiale grâce à notre accès au Mexique et aux États-Unis. Ces derniers ne parlent plus d'indépendance énergétique américaine, mais bien d'indépendance énergétique nord-américaine.
Il s'agit d'un important coup de gouvernail qui est crucial pour nous. Si nos relations avec les États-Unis nous ont été profitables, ce n'est pas en raison de l'accord de libre-échange, mais de ce que nous avons fait par la suite. NEXUS et le plan d'action Par-delà la frontière ne faisaient pas partie de l'accord de libre-échange. Ce dernier constituait un mécanisme permettant de travailler à des questions d'intégration plus importantes.
Les échanges commerciaux ne rendent pas compte de l'importance de la relation. Songez qu'aux États-Unis, chaque dollar en importation du Canada comprend 25 ¢ d'intrants ou de services en contenu des États-Unis, et que chaque dollar en importation du Mexique comprend 40 ¢ en biens et services des États-Unis. Le prochain pays sur la liste n'est nul autre que la Malaisie, à huit sous. La Chine, le Brésil et l'Union européenne en sont à deux ou trois sous.
Il faut comprendre l'importance de l'intégration quand il s'agit d'être concurrentiel sur la scène mondiale afin de favoriser une véritable croissance économique. Voilà pourquoi l'alliance est importante. Elle nous permet de faire une nouvelle tentative d'intégration. Personne n'est vraiment satisfait du rythme de l'intégration en Amérique du Nord. Nous devons composer avec les États-Unis, qui continuent de dire « non, peut-être demain ». Mais l'Alliance du Pacifique forme un groupe qui clame « oui, agissons ». Cette attitude change la dynamique, et c'est important pour le Canada.
La deuxième raison, c'est le programme de libéralisation. Comme des membres du comité l'ont demandé, la question, pour le Canada, n'est pas de savoir ce qu'on va libéraliser. Tous les accords de libre-échange faciles sont en place. Il faut maintenant se demander quand, et à quelles conditions, on libéralisera ce qui reste. L'Alliance du Pacifique constitue le meilleur mécanisme pour agir à cet égard.
J'ai une analogie qui est utile quand on considère le Partenariat transpacifique, l'accord avec l'UE et l'Alliance du Pacifique. Imaginez qu'au sein de l'Alliance du Pacifique, c'est comme si on était dans un bar avec quatre pays avec lesquels nous sommes de bons amis, qui sont de grands parleurs, mais de petits faiseurs. Dans les négociations relatives au Partenariat transpacifique, c'est comme si on sortait du bar par la porte arrière pour arriver dans une ruelle où nous attendent la Nouvelle-Zélande, l'Australie et les États-Unis, tous armés de battes de baseball ou de coups de poing américains indiquant « produits laitiers canadiens » ou « agriculture canadienne ». Tout ce que nous faisons à l'extérieur de l'alliance devient plus difficile. Si nous ne pouvons pas travailler à la libéralisation au sein de l'alliance, je me demande où nous pourrons le faire. C'est la voie la plus facile que nous aurons à emprunter au chapitre de la libéralisation.
La troisième raison est l'Asie. Nous sommes plus attirants pour cette région si nous faisons partie de l'alliance. L'Indonésie ne demande pas à l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est d'entamer les négociations avec le Canada. Elle leur demande de le faire avec l'alliance. Notre adhésion à l'alliance rehausse notre attrait et celui de l'alliance.
C'est aussi un forum où nous n'avons pas à craindre que les États-Unis fassent piétiner les négociations quand nous arrivons.
La quatrième raison est le secteur privé du Canada. Le comité a posé des questions pour savoir pourquoi ce secteur ne fait pas plus de commerce. Ce n'est pas au gouvernement, mais bien au secteur privé canadien qu'il faut le demander. C'est lui qui fait du commerce. S'il n'en fait pas plus, c'est parce qu'il est encore facile de faire de l'argent aux États-Unis. La situation est toutefois en train de changer sur l'échiquier mondial. L'Union européenne se désagrège, et la croissance est moribonde aux États-Unis. Les marchés comme ceux de l'Amérique du Sud, en particulier ceux des quatre pays de l'alliance, qui constituent essentiellement un autre BRIC, aussi considérable que le Brésil, sont importants. Dans l'avenir, un jour viendra où le secteur privé du Canada demandera au gouvernement au pouvoir pourquoi le Canada ne fait pas partie de l'Alliance du Pacifique et pourquoi il n'a pas profité de l'occasion d'adhérer à cet autre PTP dès les tout débuts au lieu de devoir supplier d'en faire partie. Une fois encore, nous jouissons d'un avantage considérable et nous devons réfléchir à la question.
Enfin, sans vouloir vous donner de conseil, je vous soumettrais l'idée suivante. L'alliance est l'initiative d'intégration la plus sérieuse actuellement en cours. Elle a pour le Canada des avantages évidents, semblables à ceux qu'offre l'ALENA. En fait, les questions que nous nous posons pour savoir si nous pouvons travailler avec ces pays ressemblent étrangement à celles que nous nous sommes posées au sujet du Mexique et de l'ALENA. Pourtant, si on parle à John Manley, Michael Carrigan et d'autres critiques qui s'opposaient à ce qu'on travaille avec le Mexique, on les entend admettre qu'ils ont eu tort, affirmer que nous devons faire davantage avec le Mexique et déplorer que nous ayons perdu des occasions avec ce pays. Il est curieux que nous reprenions les mêmes propos au sujet de pays comme le Chili. Ce dernier a, il me semble, plus d'accords de libre-échange que tous les autres pays des Amériques réunis; pourtant, nous reprenons les mêmes arguments que ceux que nous avions concernant le Mexique.
Voilà donc en quoi tient la question: le sérieux du programme du gouvernement a jusqu'ici été bénéfique. Nous sommes là depuis le début et nous avons persévéré, faisant ainsi preuve d'un sérieux qui nous a bien servi. Je considère donc le premier ministre doit vraiment être à Cali le mois prochain pour le sommet de l'alliance. Le président et le premier ministre de l'Espagne y assisteront. Nous devons donc y être.
Pour ce qui est de l'alliance, si nous prenons au sérieux le programme de croissance du Canada, il faut, pour assurer la prospérité économique des Canadiens, que l'ensemble du gouvernement donne son appui. L'alliance est un projet national et non l'initiative d'un parti; il faudrait donc que accompagne à Cali, non pas de corps, mais d'esprit.
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Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue aux témoins.
Ce dossier nous a permis de discuter d'un large éventail de sujets avec les témoins ici présents et ceux qui ont comparu précédemment, monsieur le président. J'aimerais étudier quelques questions plus en détail.
Monsieur Dade, vous avez fait quelques remarques auxquelles j'aimerais revenir. Vous avez notamment déploré le fait que peu de critiques et d'analystes commerciaux aient rédigé des documents en anglais à ce sujet. Je crois que c'est malheureux.
Je reviens à la base de cet accord potentiel. À chaque séance, nous entendons toujours les mêmes critiques de l'opposition. Il n'en reste pas moins que selon les statistiques que l'on utilise, il s'agit du septième, du huitième ou du neuvième bloc commercial du monde, ce qui est important. Le fait que vous ayez souligné que le a participé à la première rencontre en 2007 est significatif. Cette initiative ouvre des portes et offre des occasions aux entreprises canadiennes.
Bien franchement, je rejette l'allégation voulant que ces pays appliquent des normes inférieures à celles du Canada, la considérant honnêtement un peu xénophobe. Des témoins ont très légitimement affirmé que ces normes sont égales ou supérieures aux nôtres. C'est leur application qui pose un problème. Je considère qu'au lieu de descendre à un niveau inférieur, nous aidons des partenaires à s'élever ou à aspirer à appliquer leurs propres lois. Je ne comprends donc vraiment pas cette philosophie ou cette façon de voir les choses.
Il se présente toutefois quelques écueils. Il est, à mon avis, juste d'affirmer que l'initiative vise en réalité à accroître les échanges avec l'Asie, une région avec laquelle nous pourrions nouer un partenariat. Voilà qui a soulevé quelques critiques. Certains ont fait remarquer que nous avons déjà conclu des accords bilatéraux et s'interrogent sur l'avantage d'un accord multilatéral. D'autres craignent que les normes relatives à l'environnement, à la main-d'oeuvre et aux droits de la personne n'en pâtissent. Des critiques ont également été formulées au sujet de l'immigration et des visas. Sans question, dans quoi nous embarquons-nous? Allons-nous simplement nous isoler et devenir des isolationnistes?
On a aussi critiqué, je suppose, le fait que cette démarche pourrait nuire à notre position avec le Brésil. Si on examine notre situation avec ce pays, on constate que nous avons fait des progrès. Nous avons enfin résolu le différent qui l'opposait à Bombardier depuis une éternité et qui nuisait à nos relations avec lui. Nous avons fait preuve d'ouverture. Je crois que nous acceptons 10 000 étudiants brésiliens à l'heure actuelle. Nous progressons sur un autre front avec le Brésil.
Qu'est-ce qui nous empêche de faire la même chose et de répondre à ces critiques sur un autre front, au sein de l'Alliance du Pacifique?
Je me suis un peu laissé emporter. Veuillez m'excuser.
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Voyons si je peux essayer de vous répondre.
Pour ce qui est de la divergence des régimes réglementaires, nous avons déjà eu le même problème avec le Mexique. Plutôt que de se demander où se situaient les pays auparavant, il importe de déterminer où ils en sont maintenant et ce vers quoi ils se dirigent. Les efforts déployés par ces pays pour adopter les pratiques réglementaires ayant fait leur preuve à l'échelle internationale sont vraiment remarquables. Je pense notamment au travail accompli par la Banque interaméricaine de développement qui peut compter sur les experts les plus compétents au monde, à la capacité dont disposent ces pays... Les diplômés universitaires, l'élite scolarisée, les gens qui dirigent ces pays ont les compétences nécessaires pour mener des carrières fructueuses à New York ou à Londres, et bien sûr au Canada également. Il faut s'interroger sur les orientations prises par ces pays, et l'exemple du Mexique est très révélateur à cet égard.
Pas plus tard que jeudi et vendredi de la semaine dernière, le groupe de haut niveau de l'alliance se réunissait à Mexico. Les hautes instances bancaires et financières des quatre pays se sont concertées pour établir de nouvelles normes. Celles-ci seront supérieures à la norme platine pour ce qui est de la capacité d'élaboration de nouvelles règles financières. Pourquoi donc la Banque Scotia n'a-t-elle pas été conviée? Je suis persuadé que les dirigeants de cette banque vont poser la question lorsqu'ils commenceront à appeler à Ottawa. Il est important de ne pas le perdre de vue.
Pour ce qui est du commerce et de la circulation des personnes, on fait exactement la même chose. Mais cette question des accords de libre-échange par rapport aux groupes d'intégration est primordiale. Cela ne concerne pas uniquement l'Asie. Il s'agit d'abord et avant tout de créer un marché pour tirer parti de toutes les occasions, comme nous l'avons fait dans le cas de l'ALENA en exploitant non seulement l'accord de libre-échange en tant que tel, mais aussi toutes les possibilités qui en découlent. Le Canada a énormément bénéficié de cet accord, pas tant à cause des dispositions de l'ALENA que de la convergence réglementaire, du programme NEXUS et de toutes les autres mesures connexes... C'est une autre occasion à saisir.
Vous avez entendu les statistiques citées par les Affaires étrangères et les ambassadeurs concernant la croissance économique dans ces pays. La classe moyenne y est désormais majoritaire, et c'est une tendance qui se maintiendra. Les gens vont continuer de s'enrichir au sein de ces économies qui vont prendre encore de la vigueur. Il nous appartient d'en tirer parti dès maintenant, plutôt que d'avoir à livrer concurrence à l'Australie, à l'Espagne, au Japon et à tous ces autres pays qui lorgnent ces marchés.
Nous disposons d'un avantage de taille. Il est temps de mettre derrière nous certaines des contrariétés associées à l'ALENA. Nous ne diminuerons jamais nos échanges commerciaux en Amérique du Nord, mais ce marché a atteint ses limites parce que les Américains ne sont plus intéressés à faire le nécessaire pour prospérer et soutenir la concurrence à l'échelle internationale. C'est en plein ce que les dirigeants de ces pays souhaitent faire. C'est ce à quoi ils s'emploient. Je ne parle pas seulement du fait que 90 p. 100 des tarifs douaniers ont été supprimés en l'espace d'un an et demi. Je pense au plan d'action qui sous-tend cette démarche. Ces pays ont fait l'objet d'intenses pressions par les groupes agricoles notamment, mais la volonté politique est bel et bien là. De concert avec la Banque interaméricaine de développement, l'alliance a su élaborer des plans d'action sans précédent à l'échelle planétaire. C'est exactement le genre de démarche à laquelle nous souhaitons nous associer. Tout comme les Mexicains, nous ressentons beaucoup de frustration en raison de l'inertie et de l'absence de progrès en Amérique du Nord. Nous avons ici la chance de sortir de cette torpeur. Il va de soi que le marché asiatique est l'objectif à long terme, mais même sans cela, la collaboration avec ces pays peut apporter des dividendes à court terme.
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Je vais d'abord répondre à votre dernière question.
Cela me ramène aux préoccupations de M. Morin qui se demande ce que les autres pays pourront bien penser du Canada s'il décide de se joindre à cette alliance ou d'emprunter une autre avenue.
Je conviens avec M. Dade que ce n'est pas vraiment ce qui importe en l'espèce. Comme j'ai passé la plus grande partie de ma vie à essayer de mettre en valeur et vendre des projets semblables, c'est le genre de possibilité qui m'interpelle. Lorsqu'on vous offre une occasion semblable, lorsque des gens vous invitent à venir discuter avec eux, je pense que c'est très positif.
Le Canada doit veiller à être aussi visible que possible lorsqu'il s'agit de mettre en lumière nos réalisations, notamment dans l'industrie minière. Je pense que c'est en interagissant avec les gens que l'on pourra le mieux expliquer comment les choses se passent au Canada, quelles sont nos valeurs et tout le reste.
Lorsque je vois un groupe de quatre pays qui s'efforcent d'établir des normes, je sais que ce processus en lui-même peut être avantageux pour nos exportateurs, même si le Canada n'y participe pas. Par contre, si nous étions partie prenante, avec la possibilité de faire valoir nos points de vue, la démarche serait d'autant plus bénéfique.
Selon moi, il ne s'agit pas de choisir entre ceci et cela; il y a une occasion qui s'offre à nous et nous devrions aller de l'avant.
Je conviens avec vous qu'il y a de nombreux problèmes commerciaux à régler. Il va de soi que je ne participe pas aux délibérations du comité au même titre que vous pouvez le faire. Je veux simplement vous soumettre que nous ne sommes pas tellement actifs du point de vue de ce que j'appellerais les approches sectorielles aux fins des marchés d'exportation.
C'est déjà bien de signer des accords avec des pays pour se retirer ensuite en disant que les entreprises vont faire le reste, mais j'estime qu'il convient de consolider davantage les efforts canadiens, surtout dans une perspective sectorielle, si l'on souhaite effectivement réaliser des ventes sur ces marchés d'exportation.
C'est formidable de pouvoir ratifier des ententes, mais celles-ci ne rapporteront pas un seul dollar au Canada si un vendeur efficace ne parvient pas à dénicher un acheteur intéressé pour que des transactions se concrétisent. C'est à ce chapitre que nous accusons du retard.
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Ce ne sera pas problématique. Le Mexique a négocié avec l'alliance concernant la circulation des personnes, alors il est possible de s'entendre relativement aux choses qui ont été accomplies.
Permettez-moi d'aborder rapidement quelques enjeux qui semblent toujours émerger lorsqu'il est question de circulation des personnes au Canada. Il y a d'abord le fait que toutes les mesures que nous pouvons prendre pour permettre à des gens d'entrer en Amérique du Nord risquent de nous causer des problèmes avec les Américains. Il y a également les préoccupations en matière de sécurité.
L'historique de nos problèmes avec les États-Unis est fort révélateur. Lorsque le gouvernement a tenté de lever les visas pour les visiteurs d'Europe centrale, les bureaucrates et les décideurs à Ottawa ont indiqué que cela était impossible. Le s'est rendu à Washington où, d'après mes sources sur place, il a soulevé la question dans une conversation avec George Bush. Le président américain lui aurait répondu: « C'est une excellente idée, Stephen. Vous devriez aller de l'avant, car cela nous faciliterait les choses. » C'était un message complètement différent de ce qu'il avait pu entendre dans la capitale. Nous avons donc levé les visas. Les États-Unis ne se sont pas plaints. Il y a bien sûr eu par la suite des problèmes avec les réfugiés, mais nous les avons réglé depuis.
Pour ce qui est du Mexique, on a indiqué au gouvernement que l'imposition de visas était la seule façon d'endiguer les abus à l'égard du système pour les réfugiés. Nous avons été nombreux à dire qu'il y avait d'autres solutions. C'était aussi l'avis de bien des Mexicains. Vous pouvez prendre les 30 millions de Mexicains qui détiennent déjà un visa de 10 ans aux États-Unis et les laisser venir au Canada. Le Mexique le fait. D'autres pays également. On pourrait ainsi éviter les problèmes politiques au Mexique tout en épargnant au Québec les difficultés économiques associées aux effets néfastes sur l'industrie touristique et à la migration. On peut donc faire beaucoup plus que la simple imposition de visas.
Pour ce qui est de la sécurité, le graphique présente les taux d'homicides par 100 000 habitants établi par l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime. Vous pouvez constater que la criminalité n'est pas très forte dans les pays de l'alliance. Il y a aussi ce tableau provenant de la même source où l'on peut situer les capitales des pays de l'alliance de même qu'Ottawa par rapport à Washington.
Il est intéressant de noter que nous avons déjà conclu des dispositions permettant les déplacements sans visa avec des pays qui ont des problèmes de criminalité et de sécurité beaucoup plus graves que ceux de l'alliance. Jetez un coup d'oeil à ces chiffres qui sont tirés du site The Atlantic Cities. On y compare le taux d'homicides par arme à feu — ce qui est différent du taux total d'homicides — de grandes villes américaines avec ceux des pays de l'Alliance du Pacifique. Si vous vous inquiétez des déplacements sans visa avec les pays de l'alliance, n'allez surtout pas à Miami, évitez Portland et ne traversez sous aucun prétexte la frontière vers Buffalo.
Le Canada devrait surtout s'inquiéter du fait que l'on peut venir chez nous sans visa à partir de Détroit. La perspective d'un second pont entre Windsor et Détroit est sans doute ce que je peux envisager de pire quant aux risques des déplacements sans visa à destination du Canada. On parle d'une ville dont le taux d'homicides atteint 55 par 100 000 — c'est le taux d'homicides par arme à feu qui est indiqué ici. C'est une ville où il est possible d'acheter à n'importe quel coin de rue un AK-47 avec chargeur à grande capacité, et nous réagissons à cette menace manifeste et bien concrète pour notre sécurité en voulant construire un second pont.
Les problèmes de sécurité sont quelque peu exagérés. Si vous provenez d'un pays de l'alliance, on va vous imposer toutes sortes de choses... Vous êtes allé à Bogota. Il faut passer trois contrôles de sécurité à l'aéroport, soit deux de plus que pour entrer au Canada. Si l'on croit qu'une telle entente pourrait causer des problèmes de sécurité au Canada, par rapport à ceux auxquels nous sommes déjà confrontés... Lorsque l'on s'en tient aux faits, plutôt qu'aux simples perceptions, il n'y a pas vraiment de problème. Ce sont des gens d'affaires tout à fait bien qui vont se déplacer.
Le Canada n'a toujours pas réussi à mettre en oeuvre le visa de l'APEC. Pas moins de 21 pays, dont ceux du groupe économique de l'Asie-Pacifique, l'ont fait. Nous n'y sommes pas parvenus. C'est une question que nous devons régler.