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La séance est ouverte. Il s'agit de la séance n
o 11 du Comité permanent des finances. Je souhaite la bienvenue à tous nos invités de ce matin. Il y a deux groupes de témoins.
L'ordre du jour est le suivant: Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 29 octobre 2013, étude du , loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposée au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en oeuvre d'autres mesures.
Le premier groupe de témoins est composé de six personnes. Il s'agit de M. Ian Lee, de l'Université Carleton; de M. Hassan Yussuff, secrétaire-trésorier du Congrès du travail du Canada; de M. Gregory Thomas, de la Fédération canadienne des contribuables; de M. Benjamin Dachis, analyste principal de la politique à l'Institut C.D. Howe; de Mme Robyn Benson, présidente nationale de l'Alliance de la fonction publique du Canada; et de M. Chad Stroud, président d'Unifor. Merci à tous de vous être joints à nous ce matin.
Vous avez chacun cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire, et nous allons commencer par M. Lee, s'il vous plaît.
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Bonjour. Je m'appelle Ian Lee, et je suis professeur à la Sprott School of Business de l'Université Carleton.
Je remercie le Comité des finances de m'avoir offert l'occasion de comparaître aux côtés de témoins très distingués aujourd'hui, de présidents et de vice-présidents ainsi que de directeurs généraux. Je dois cependant vous demander de faire preuve d'indulgence, car à la différence des autres témoins, je ne suis qu'un syndiqué de la base, qui paie ses cotisations, et qui, à titre de fonctionnaire dans une université publique, travaille à la vigne de l'établissement à former la prochaine génération. Bref, je ne suis qu'un simple travailleur d'usine, au sens figuré, ce qui fait que mes opinions vont peut-être contraster vivement avec celles de gens qui exercent leurs activités à un niveau très supérieur à celui auquel les gens simples comme moi se situent.
Je voudrais faire très rapidement quelques déclarations. Premièrement, je ne joue le rôle de consultant auprès d'aucun organisme, gouvernement, société, syndicat, ONG ou personne, directement ou indirectement, où que ce soit. Deuxièmement, je ne suis membre d'aucun parti politique et je ne contribue à aucun parti politique. Troisièmement, je n'ai pas de placement nulle part, sauf pour ce qui est de ma maison et de ma participation au régime de pension de l'Université Carleton. Quatrièmement, je ne suis ni un lobbyiste inscrit ni un lobbyiste non inscrit. Cinquièmement, j'ai occupé trois postes distincts au sein du gouvernement du Canada: un à Statistique Canada au début des années 1970, et j'étais membre en règle de l'Alliance de la fonction publique, un à Postes Canada au début des années 1980, et ensuite au BCP.
J'aborde maintenant les enjeux.
Je veux répéter ce qu'a dit le président du Conseil du Trésor, M. Clement, dans sa lettre d'opinion publiée le 13 juin dans le National Post. Je fais souvent de longs voyages pour enseigner un peu partout dans le monde, et, pour moi, il est clair comme de l'eau de roche que le Canada a l'une des fonctions publiques les plus compétentes, les plus soucieuses de l'éthique et les mieux formées dans le monde. En outre, je crois que c'est commettre une erreur très grave que de blâmer les fonctionnaires pour les salaires et les avantages sociaux généreux dont ils profitent par rapport à ce qui est offert dans le secteur privé, puisque ces avantages non viables ont été approuvés par les gouvernements précédents et par les personnes qui ont occupé précédemment la présidence du Conseil du Trésor. Pour le dire autrement, c'est le manque de leadership politique des gouvernements précédents, et non les fonctionnaires, qu'il faut blâmer pour l'approbation d'avantages comme la retraite à 55 ans, les prestations de départ pour les départs volontaires ou pour le régime de congés de maladie en place.
Je ne suis pas en train de dire que la fonction publique n'a connu aucune réforme au cours des 50 dernières années. Les réformes de la fonction publique ont commencé en 1957, lorsque le rapport Heeney a été publié, elles se sont poursuivies lorsque la Commission Glassco a mis au point son système de gestion des politiques et des dépenses, et elles continuent encore aujourd'hui, la Loi sur la modernisation de la fonction publique ayant été adoptée en 2005, la Loi fédérale sur la responsabilisation ayant été adoptée plus récemment et le président actuel du Conseil du Trésor ayant récemment procédé à une réforme axée sur la gestion du rendement.
Toutefois, ces réformes, quoiqu'elles soient importantes et nécessaires, ne règlent pas le problème d'équité que pose l'écart grandissant entre le salaire et les avantages sociaux offerts dans le secteur public fédéral et ceux qui sont offerts dans le secteur privé.
Je dois faire une digression pour déboulonner le mythe totalement faux selon lequel il n'y a pas d'écart de salaire entre les secteurs public et privé. En faisant simplement remarquer que le salaire minimum au Canada est actuellement de 10,50 $ l'heure, alors que le salaire de départ minimum d'un fonctionnaire occupant un poste de niveau CR4 est d'environ 42 000 $ par année, ce qui dépasse largement les 50 000 $ lorsqu'on compte la pension, les congés de maladie et les jours fériés. Il s'agit d'environ deux fois et demie à trois fois le salaire minimum annualisé. Il faut que nous prenions conscience de l'écart grandissant entre le secteur public et le secteur privé, plutôt que d'en nier l'existence.
Je vais maintenant aborder la réforme essentielle de la fonction publique qui est faite dans le cadre du projet de loi à l'étude et la désignation des services essentiels par le gouvernement en place.
Il y a 800 ans, les Anglais ont entrepris une expérience à Runnymede lorsqu'ils ont exigé que le roi signe la Grande Charte et devienne ainsi redevable envers le peuple. Lentement, la monarchie a cédé la souveraineté au peuple, par l'intermédiaire de l'élection de députés qui sont les fiduciaires de notre souveraineté au Parlement. Nous avons fini par comprendre pleinement l'intuition profonde du brillant économiste et philosophe allemand Max Weber, selon lequel le fait que les députés et le gouvernement exercent notre souveraineté entraîne nécessairement le fait que le gouvernement possède « le monopole légitime de la coercition », pour reprendre sa célèbre expression. En effet, le gouvernement élu du Canada, et non des groupes d'intérêt non élus, peu importe à quel point leur cause ou leurs réclamations sont louables, a la responsabilité exclusive du maintien de la paix et de l'ordre et du bon gouvernement du Canada et des Canadiens. Rien ne peut avoir préséance sur la souveraineté du peuple, et il n'y a aucune dérogation possible à celle-ci.
Le droit à la négociation collective est très important. Qu'une chose soit claire, cependant: nous ne nous sommes pas battus pendant 800 ans pour remplacer le droit divin des rois par le droit divin des syndicats.
Je vais maintenant conclure en parlant des modifications que le gouvernement propose d'apporter au Code canadien du travail.
Je suis tout à fait mystifié par les critiques formulées au sujet de cette réforme. Une lecture un tant soit peu attentive permet de comprendre que les modifications proposées ne limitent pas la portée de la définition de « danger ». Les célèbres trois D — le droit de savoir de l'employé, le droit de participer, le droit de refus — ne sont pas abolis par le projet de loi. En effet, les modifications proposées viennent accroître l'influence et le pouvoir des travailleurs et des syndicats au moyen de l'amélioration du système de responsabilité interne découlant de la mise en place d'un système de sécurité au travail fondé sur l'intérêt. Elles rendent obligatoire pour la première fois la production de documents écrits par les comités de santé et de sécurité améliorés que doivent maintenant avoir toutes les organisations de plus de 20 employés. Pour dire les choses simplement, les syndicats et les travailleurs vont devoir s'investir davantage dans le régime de sécurité révisé et amélioré. Ils auront les mêmes recours, et ceux-ci seront même améliorés par l'obligation de production de documents proposée, puisque les agents de santé et de sécurité de Travail Canada, qui doivent suivre un programme de formation rigoureux de deux ans, auront maintenant accès à un dossier écrit complet plutôt qu'aux témoignages de vive voix erronés, contradictoires, inexacts et peu fiables qui sont livrés des mois après les faits.
Les modifications proposées décentralisent le second degré d'intervention en cas d'allégations de danger en le confiant à un comité sur le terrain composé de travailleurs, de membres du syndicat et de membres de la direction.
En tant que membre de syndicat en règle et de travailleur du secteur public, je suis en faveur des modifications proposées.
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Merci, monsieur le président.
Le 22 octobre, le gouvernement conservateur a présenté le second projet de loi d'exécution du budget issu du discours du budget de 2013, le projet de loi C-4.
Il y a dans ce projet de loi plusieurs dispositions qui n'ont rien à voir avec le budget, dont des modifications importantes apportées au régime de relations de travail des employés de la fonction publique fédérale, à la section 17 de la troisième partie du projet de loi.
Lorsque ces modifications ont été présentées, sans préavis ni consultation, même l'actuel président du Conseil du Trésor a admis qu'il n'était pas en mesure d'en expliquer les conséquences. Il a dit que les détails concernant l'effet du projet de loi omnibus d'exécution du budget du gouvernement sur les travailleurs du secteur public fédéral ne serait pas connu avant qu'un certain temps se soit écoulé à la suite de l'adoption du projet de loi.
J'aimerais vous remercier, au nom des 3,3 millions de membres du Congrès du travail du Canada, de nous avoir offert l'occasion d'expliquer aux membres du comité les conséquences des modifications proposées. Comme vous le savez, le CTC réunit des travailleurs d'à peu près tous les secteurs de l'économie canadienne, de toutes les professions et de toutes les régions du Canada, y compris des secteurs relevant de la compétence du gouvernement fédéral.
Pour résumer notre position, je vous dirai que les modifications que le gouvernement propose d'apporter à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique à la section 17 de la troisième partie du projet de loi C-4 constituent une attaque directe de la liberté d'association et du droit à la négociation collective protégés par la Charte. S'il est adopté, le projet de loi minera le processus de négociation collective et modifiera profondément l'équilibre des pouvoirs au sein de notre régime de relations de travail en faveur de l'employeur. Trois changements clés mineront le processus de négociation collective: la façon dont les modifications sont apportées, la façon de déterminer les services essentiels et le fonctionnement du processus d'arbitrage.
Pour que le régime de relations de travail soit efficace, l'élaboration et l'adoption des modifications doivent se faire en consultation avec toutes les parties concernées. Ce n'est pas ce qui s'est passé dans ce cas-ci. Le gouvernement a décidé de glisser des modifications touchant les fondements du régime de relations de travail dans un projet de loi d'exécution du budget, sans qu'il y ait eu de véritable consultation auprès de la population ni des syndicats représentant ses employés, et il n'y a assurément pas eu d'étude de réalisée par un comité d'experts impartial dans le but de quantifier les conséquences des changements.
Je dois rappeler aux membres du comité que des modifications de la LRTFP dans le contexte du Code canadien du travail n'ont été apportées dans le passé qu'après de réelles consultations et après que tous les intervenants les ont eu analysées: John Fryer en 1999; les audiences sur la modernisation de la GRH en 2001; et Peter Annis en 2009.
Si elles sont adoptées, les modifications du régime des services essentiels que le gouvernement propose d'adopter dans le cadre du projet de loi C-4 vont permettre aux employeurs de forcer n'importe lequel de leurs employés à travailler pendant une grève sous prétexte que leur travail est essentiel, sans qu'une définition claire de ce qui constitue un service essentiel ne soit établie. S'il souhaitait le faire, le gouvernement pourrait unilatéralement déclarer que tous les services publics sont essentiels et ainsi interdire complètement les grèves. Il est cependant plus probable que le gouvernement désigne juste assez de postes comme faisant partie des services essentiels pour enlever au syndicat sa capacité de négocier librement une convention collective. Autrement dit, il est en mesure de modifier les règles de sorte que l'employeur ait toujours l'avantage.
Les membres du comité devraient savoir que les changements en question sont très similaires à ceux que le gouvernement de la Saskatchewan a imposés il y a de cela plusieurs années et qui ont conféré certains pouvoirs unilatéraux à l'employeur au titre des services essentiels. Plusieurs syndicats du secteur public de la Saskatchewan ont remis en question la constitutionnalité du projet de loi qui y avait été adopté, et, par la suite, l'OIT a conclu que les modifications apportées étaient inadmissibles. L'affaire est actuellement devant la Cour suprême du Canada, et elle devrait être instruite en octobre 2014.
En ce qui concerne le fonctionnement du processus d'arbitrage, le processus de négociation collective sera également miné par sa modification. Nous ne comprenons pas pourquoi un gouvernement qui a tant insisté sur la liberté de choix tente d'enlever à ses employés le droit de recourir à l'arbitrage. Il est difficile de comprendre pourquoi un gouvernement qui a demandé une étude il y a cinq ans — laquelle a été menée par un juriste respecté, M. Peter Annis — sur la réduction des conflits de travail essaie maintenant d'abolir une disposition qui a une incidence directe sur la réduction des arrêts de travail dans le secteur public fédéral.
En outre, pour ceux qui vont se retrouver en arbitrage forcé, le projet de loi C-4 accorde entièrement à l'employeur le pouvoir de déterminer l'issue du processus d'arbitrage. Il précise que, parmi tous les facteurs devant être pris en compte, la prépondérance doit être accordée par les arbitres à la situation budgétaire du Canada par rapport à ses politiques budgétaires déclarées. Les arbitres ne sont donc plus indépendants. Ils doivent suivre les directives énoncées par le ministre des Finances dans ses allocutions ou dans les mises à jour économiques plutôt que de trancher une affaire sur le fond.
Ce qui est encore pire, c'est que, si le projet de loi est adopté, une partie mécontente de la décision d'un comité d'arbitrage aura sept jours pour demander à la présidence de la CRTFP d'examiner la décision. Si la présidence estime que la décision est déraisonnable, elle pourra ordonner au comité d'arbitrage de la réévaluer.
Le comité devrait supprimer la disposition figurant à la section 17 de la troisième partie du projet de loi, et le gouvernement devrait discuter avec les représentants des travailleurs des améliorations qui peuvent être apportées au régime de relations de travail au sein de la fonction publique fédérale.
Le CTC vous remercie de votre attention.
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Merci, monsieur le président.
Au nom des 84 000 personnes qui appuient la Fédération canadienne des contribuables, nous sommes heureux de pouvoir prendre la parole pour parler des modifications apportées dans le cadre du projet de loi , et nous vous remercions de nous avoir invités.
Il ne fait aucun doute que des mesures doivent être prises pour améliorer l'ambiance de travail au gouvernement du Canada. La situation est invivable. Les travailleurs n'arrivent plus à travailler. Les dirigeants n'arrivent plus à diriger: on parle de 193 000 équivalents temps plein et de moins de 100 congédiements.
Lorsque les dirigeants et les gestionnaires font leur travail, ils reçoivent des plaintes pour violation des droits de la personne. Ils reçoivent des griefs. Ils reçoivent des plaintes collectives, des plaintes individuelles et des plaintes relatives aux politiques, et, dans bien des cas, celles-ci finissent par être soumises à la Cour fédérale du Canada. La situation est invivable et terrible.
Qui sait si les solutions proposées vont fonctionner? Un gouvernement est un organe très complexe. Ce que nous savons, par contre, c'est que les gens qui travaillent pour le gouvernement du Canada n'aiment pas aller travailler.
Le rapport que j'ai devant moi, et qui a été produit par un comité de direction, le Sous-comité sur le renouvellement du personnel du CCGFP indique que, pour 50 millions de journées de travail au gouvernement du Canada, il y a eu 7,6 millions de congés payés et 2,1 millions de jours fériés payés.
Si on enlève les jours fériés, 15 % des journées de travail dont le coût est assumé par les Canadiens n'ont pas été faites au gouvernement du Canada.
Nous savons toutefois que le taux d'absentéisme est beaucoup moins élevé qu'ailleurs et que les gens sont dévoués dans les ministères où les gens ont leur mission à coeur, par exemple au ministère de la Justice et au ministère de l'Environnement. La foi en leur mission des employés de ces ministères est plus forte que le dégoût que suscite une journée de travail au sein du gouvernement.
Nous sommes donc heureux que le gouvernement prenne son obligation d'intervenir au sérieux. Lorsque le gouvernement est arrivé au pouvoir, la rémunération moyenne des employés du gouvernement fédéral était de 86 000 $ par année, cette somme correspondant au coût assumé par les Canadiens pour une personne travaillant au gouvernement pendant toute l'année. Cinq ans plus tard, en 2011, la somme était passée à 111 000 $. Le directeur parlementaire du budget prévoit qu'elle passera à 129 000 $ par employé d'ici 2015 si rien n'est fait. Voilà donc un problème urgent.
Je vais simplement conclure en résumant un cas réel. Il a été prouvé au-delà de tout doute qu'un des employés du Service extérieur touchant un salaire dans les six chiffres a passé plus de la moitié de son temps... ou 75 % de son temps, pendant sept mois, à lire les actualités et les nouvelles du sport sur Internet et à faire des téléchargements d'un goût douteux. Cela a été prouvé. Il a été congédié, et un arbitre de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a ordonné qu'il soit réintégré dans ses fonctions. À l'extérieur du gouvernement, personne ne pourrait s'en tirer aussi bien.
Nous demandons aux chefs de tous les partis de créer un milieu de travail où les Canadiens pourront travailler pour le gouvernement du Canada, faire une journée de travail honnête pour un salaire honnête, être traités de façon équitable et avoir accès à un processus d'appel, pour le cas où ils estiment ne pas avoir été traités équitablement, qui soit efficace, efficient, rapide et juste.
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup de m'avoir invité à venir discuter avec vous aujourd'hui. Je m'appelle Benjamin Dachis. Je suis analyste principal de la politique à l'Institut C.D. Howe. Pour les gens qui ne connaîtraient pas l'Institut C.D. Howe, il s'agit d'un organisme indépendant et sans but lucratif dont l'objectif est de hausser le niveau de vie des Canadiens au moyen de la promotion de politiques publiques saines sur le plan économique.
Je suis coauteur d'un article lié aux questions abordées aujourd'hui, et plus précisément de celles qui ont trait à la section 17 du projet de loi . Cet article s'intitule « The Laws of Unintended Consequence: The Effect of Labour Legislation on Wages and Strikes », et il a été publié en 2010. Vous pouvez y accéder sur le site Web de l'Institut. C'était un article un peu trop long pour que je le fasse traduire, mais j'en ai apporté quelques copies pour les gens que cela intéresserait.
Je suis aussi en train de travailler avec d'autres coauteurs à une version longue de l'article qui sera publiée dans un contexte universitaire, et je pourrai vous en parler pendant la période de questions si cela vous intéresse.
Nous pouvons résumer nos conclusions, que nous aborderons plus en détail tout à l'heure. Premièrement, nous avons constaté que, par rapport aux travailleurs disposant de leur plein droit de grève, ceux dont le poste est considéré comme faisant partie des services essentiels touchent un salaire moins élevé. Deuxièmement, les travailleurs soumis à l'arbitrage obligatoire touchent un salaire plus élevé que ceux qui ont un plein droit de grève. Troisièmement, le fait de soumettre les travailleurs à l'arbitrage obligatoire réduit la probabilité que des conventions de travail négociées soient conclues par la suite et accroît le recours à l'arbitrage.
De 1978 à 2008, environ 4 % des contrats de travail conclus dans la fonction publique sur lesquels nous nous sommes penchés l'ont été à l'issue d'une grève, tandis que 8 % l'ont été grâce à l'arbitrage, 11 %, au moyen de l'adoption d'une loi, et plus de 60 %, à l'issue de négociations libres. Au cours des 30 dernières années, les gouvernements ont généralement procédé de deux manières pour limiter la capacité des travailleurs de faire la grève ou les conséquences des grèves. J'exclus ici les lois de retour au travail, dont je pourrai parler plus tard si vous le souhaitez, ainsi que ce qui en découle.
La première façon de limiter la capacité de grève, c'est la désignation de services essentiels. Dans ce cas, les travailleurs peuvent faire la grève, mais il y en a un certain nombre que la loi oblige à continuer de fournir des services. Le libellé actuel du projet de loi à l'étude aujourd'hui vise à permettre au gouvernement de désigner un plus grand nombre de travailleurs et de postes à cet égard.
La deuxième manière de procéder, c'est d'interdire les grèves et d'exiger que les conflits restants soient tranchés au moyen de l'arbitrage. S'il est adopté en l'état actuel, le projet de loi fera en sorte que, dans les cas où plus de 80 % de l'unité de négociation sont considérés comme faisant partie de services essentiels, les conflits devront être réglés au moyen de l'arbitrage, sans possibilité d'arrêt de travail. Notre étude s'attache aux répercussions sur le salaire des travailleurs et leur comportement de grève de l'application de telles règles par les gouvernements.
Nous répondons à la question qui se pose en comparant les quelque 6 000 conventions de travail importantes qui ont été conclues dans la fonction publique de 1978 à 2008 et ce qui s'est produit lorsque les travailleurs ont été soumis à la réglementation. Les autres facteurs étant neutralisés — et je peux vous parler de cela en détail si vous le souhaitez —, nous constatons que le salaire réel des employés dont le poste est considéré comme faisant partie des services essentiels est inférieur de 2 % à celui des travailleurs disposant d'un plein droit de grève.
Par ailleurs, nous constatons que les travailleurs soumis à l'arbitrage obligatoire voient leur salaire réel augmenter d'environ 1 % par rapport aux travailleurs disposant du droit de grève. Nous constatons aussi que le recours à l'arbitrage pour conclure une convention réduit la probabilité que la convention suivante fasse l'objet d'une négociation libre et fait augmenter de plus du double la probabilité d'un recours à l'arbitrage pour la conclusion de cette convention. Ainsi, il semble que le recours à l'arbitrage crée un cycle au sein duquel les parties recourent encore et encore à l'intervention d'une tierce partie pour régler leurs conflits.
D'autres ont constaté que l'arbitrage obligatoire entraîne une augmentation de la fréquence d'autres types de conflits, par exemple, les grèves du zèle et les autres ralentissements de travail. En somme, une mesure visant à accroître le nombre d'unités de négociation dont certains travailleurs — c'est-à-dire une proportion de moins de 80 % — ne peuvent faire la grève est susceptible de réduire les salaires, mais le fait de soumettre un plus grand nombre de travailleurs à l'arbitrage obligatoire mène à une augmentation probable des salaires et à un recours accru à l'arbitrage par la suite, ainsi qu'à d'autres conflits éventuels.
Merci de votre attention. Je répondrai à toutes vos questions avec plaisir.
J'aimerais qu'il soit clair dès le départ que les modifications apportées à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique dans le cadre du projet de loi ont été présentées sans qu'il y ait quelque consultation que ce soit auprès des syndicats, ce qui, pour dire les choses très franchement, est sans précédent.
Le gouvernement a fait fi des vastes consultations qui ont habituellement lieu lorsque des modifications des lois relatives au travail sont envisagées. La Loi sur la modernisation de la fonction publique de 2003, par exemple, a été présentée seulement après presque trois ans de discussions et d'études auxquelles ont pris part les intervenants concernés, la Commission des relations de travail dans la fonction publique et les chercheurs universitaires du domaine.
Cette fois-ci, le gouvernement a élaboré ses plans en secret, derrière des portes closes. Tout de suite après le discours du Trône, j'ai communiqué avec les gens du cabinet du président du Conseil du Trésor. Ils m'ont dit qu'il était trop tôt pour apporter des modifications. Ensuite, sans mot dire, le gouvernement a délibérément inclus les modifications en question dans un projet de loi d'exécution du budget pour pouvoir les apporter plus rapidement, sans qu'il y ait de discussion et de débat ouvert comme il y aurait dû y en avoir.
Le et ses collègues, sont peut-être contents du nouveau coup qu'ils portent au mouvement syndical, mais les changements vont avoir un effet très direct sur leurs employés. Ces changements indiquent clairement aux travailleurs de la fonction publique que leur employeur ne respecte pas leur travail ni les services qu'ils rendent au pays.
Le projet de loi écarte essentiellement les principes fondamentaux de la liberté d'association et du droit de grève. Il réécrit les règles concernant la négociation, le choix du moyen utilisé pour régler les conflits, la désignation des services essentiels et l'arbitrage. Le cadre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est entièrement fondé sur « l'engagement de l'employeur et des agents négociateurs à l'égard du respect mutuel et de l'établissement de relations harmonieuses ». Il reconnaît également que la collaboration et la consultation sont « à la base d'une saine gestion des ressources humaines ».
En proposant le projet de loi , le gouvernement indique clairement que le respect mutuel et les relations harmonieuses ne l'intéressent pas.
Notre mémoire écrit contient des détails concernant bon nombre de nos préoccupations. Je vais seulement aborder quelques-unes de nos principales préoccupations aujourd'hui.
D'abord, en ce qui concerne la désignation des services essentiels, notre syndicat est d'avis que, pendant une grève, les services devraient être maintenus à un niveau garantissant l'absence de danger menaçant la sûreté et la sécurité de la population canadienne. À titre d'exemple, les membres de l'AFPC étaient en grève le matin du 11 septembre 2001. Nous avons immédiatement défait nos lignes de piquetage, et nos membres sont retournés au travail rapidement et sans poser de questions.
L'AFPC a toujours collaboré avec l'employeur pour faire en sorte que la sûreté et la sécurité de la population ne soient pas compromises en cas de grève. En réalité, nous avons convenu du caractère essentiel de milliers de postes. Nous prenons très au sérieux la tâche consistant à trouver un équilibre entre les intérêts du public, ceux de nos membres et ceux de l'employeur, mais il semble que cela ne suffise pas.
Le projet de loi confère au gouvernement le pouvoir de décider unilatéralement des postes et des services essentiels. Les employés dont le poste est déclaré essentiel peuvent se voir demander de s'acquitter de toutes leurs tâches, et non seulement celles qui sont essentielles, ainsi que d'être disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pour les exécuter en cas de grève. Le droit du syndicat des employés de contester l'opinion du gouvernement au sujet de ce qui est essentiel devant une commission des relations de travail indépendante lui a été retiré. Ce droit lui a été retiré même si les lois en vigueur et la jurisprudence exigent que la commission des relations de travail pèche par excès de prudence lorsqu'il s'agit de la sûreté et de la sécurité de la population. Il n'y a plus d'équilibre ni de justice. Le gouvernement peut se comporter de façon déraisonnable sans avoir de rendre de comptes, puisqu'il n'y a plus de possibilité d'appel.
Des juristes ont affirmé que le droit d'un syndicat de choisir de recourir à l'arbitrage rend les règles du jeu équitables, puisqu'il contrebalance le pouvoir du législateur d'adopter une loi pour mettre fin à une grève et ordonner le recours à l'arbitrage. Le projet de loi enlève aux syndicats le droit de recourir à l'arbitrage. À partir de maintenant, l'arbitrage ne sera un recours possible que si l'employeur est d'accord, ou encore s'il a désigné 80 % des postes représentés au sein de l'unité de négociation comme étant essentiels.
Il n'est pas difficile d'imaginer qu'un gouvernement utilise ses nouveaux pouvoirs pour désigner juste un peu moins de 80 % d'une unité. Cela laisse aux autres travailleurs une capacité limitée de faire la grève, et ils ne peuvent plus choisir de recourir à l'arbitrage.
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Bonjour monsieur le président.
Je m'appelle Chad Stroud, et je suis président de la section locale 2182 d'Unifor. Je représente les opérateurs des Services de communications et de trafic maritimes de la Garde côtière. Pour l'instant, nos services font partie des services essentiels.
Unifor est le plus grand syndicat du secteur privé au Canada, avec plus de 300 000 membres. Notre syndicat représente également des employés du secteur public comme ceux de mon groupe, les employés du Service d'imprimerie qui n'occupent pas des postes de superviseurs, les contrôleurs aériens de Transports Canada et le groupe technique de la Chambre des communes.
Unifor propose une nouvelle approche en matière de syndicalisme: nous adoptons de nouveaux outils, nous mobilisons nos membres et nous cherchons toujours de nouvelles façons d'enrichir le rôle et l'approche du syndicat afin de répondre aux exigences du XXIe siècle.
Unifor s'oppose aux modifications d'importantes dispositions dans la législation sur les relations de travail par l'entremise d'un projet de loi omnibus de mise en oeuvre du budget sans une consultation approfondie auprès des parties intéressées. Nous croyons qu'il est important d'exprimer nos préoccupations concernant le processus législatif utilisé par le gouvernement fédéral pour la mise en oeuvre de son budget depuis quelques années.
Nous sommes particulièrement inquiets des mesures qui touchent la législation sur les négociations collectives et modifient chaque aspect important des règlements sur la santé, la sécurité et les pratiques définis dans plusieurs textes législatifs.
À notre avis, il est tout à fait déplacé de proposer d'importants changements dans des domaines comme ceux-ci par l'entremise d'un projet de loi omnibus de mise en oeuvre du budget sans une recherche approfondie, sans égard aux répercussions et sans mise au point, dans le cadre de débats qui se terminent souvent parce qu'on applique la clôture.
Dans le cas de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, son adoption, en 2003, comme partie de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, a été étudiée en profondeur et a fait l'objet de consultations dès le début de 2000. La LRTFP prévoyait alors un examen obligatoire aux cinq ans. Cet examen quinquennal a entraîné le « Rapport de l'examen de la Loi sur la modernisation de la fonction publique de 2003 » publié en 2011. Ce rapport a été soumis à une consultation appropriée par une équipe d'examen.
Fait à noter, les modifications de la LRTFP prévues dans le projet de loi n'ont pas été recommandées par l'équipe d'examen après consultations auprès des parties intéressées et une étude approfondie de cette loi. Les modifications maintenant proposées dans le cadre du projet de loi C-4 ne sont issues d'aucun processus de consultation.
L'article 294 du projet de loi vise à modifier la LRTFP en supprimant la définition actuelle de « services essentiels » comme
services, installations, ou activités du gouvernement du Canada qui sont ou seront nécessaires à la sécurité de tout ou partie du public.
Cette définition serait remplacée par une expression qui désigne tout ce que le gouvernement, conformément à son droit exclusif, détermine comme étant nécessaire à la sécurité de tout ou un partie du public.
L'article 305 du projet de loi vise à modifier les articles 119 à 134 de la LRTFP en proposant que l'employeur détermine unilatéralement ce qui constitue un service essentiel et quel degré de services essentiels sera permis durant un conflit de travail.
Unifor et d'autres agents négociateurs n'ont aucune assurance que le pouvoir d'établir unilatéralement ce qui constitue un service essentiel accordé au gouvernement par le projet de loi ne sera pas utilisé indûment, devant le manque de collaboration pour établir les véritables services essentiels qui devraient être maintenus durant un conflit de travail, avec l'aide de la CRTFP, le cas échéant.
La modification proposée de l'article 103 de la LRTFP abolira l'arbitrage comme l'une des deux méthodes prescrites par la loi qu'un négociateur peut choisir comme processus pour la résolution des litiges liés à la négociation collective. Par défaut, tous les litiges seront soumis au processus de conciliation, de grève et de lock-out si l'agent négociateur et l'employeur n'arrivent pas à s'entendre pour recourir à l'arbitrage.
Unifor s'inquiète des modifications qui vont éroder l'indépendance des conseils d'arbitrage. L'article 310 du projet de loi propose l'adjonction d'un nouvel article 158.1 qui oblige le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique à examiner les décisions arbitrales avant d'établir leur conformité avec les critères énumérés dans l'article 148 et lui permet d'ordonner au conseil d'arbitrage d'examiner sa décision et de fournir d'autres motifs ou une nouvelle décision. Un tel pouvoir de révision accordé au président de la CRTFP soulèverait de véritables préoccupations concernant l'indépendance du processus d'arbitrage comme procédure légitime pour la résolution des litiges liés à la négociation collective ainsi que de vives inquiétudes concernant l'équité des procédures dans lesquelles les parties pourraient être privées de l'occasion d'être entendues avant qu'une décision ne soit révisée ou modifiée.
Unifor s'oppose à l'élimination des services d'analyse et de recherche en matière de rémunération. Ces services font partie du mandat actuel de la commission et seraient abolis par les articles 295 et 296 du projet de loi .
Unifor s'oppose aux restrictions touchant les griefs de principe du syndicat qui pourraient faire l'objet d'un grief individuel. Cette mesure semble forcer les agents négociateurs à déposer...
Bienvenue à tous les témoins qui sont ici ce matin.
Monsieur Yussuff, j'aimerais commencer par vous. Chose certaine, il y a eu beaucoup de discussions au sein du comité au sujet des projets de loi omnibus d'exécution du budget et du fait qu'ils vont à l'encontre des discussions et des débats qui caractérisent le processus démocratique, ainsi que d'une juste appréciation des dispositions qu'ils contiennent.
Je vois que vous hochez la tête, monsieur Thomas. Je sais que vous avez parlé de cela vous aussi.
J'ai l'impression que ce que vous soulevez, avec d'autres, en plus de ce que je viens de dire, c'est l'absence de consultations dans le contexte de l'élaboration du projet de loi. Vous avez tous parlé de cela.
J'aimerais vous poser la question suivante: selon vous, est-ce que les modifications proposées viennent du fait que le Canada connaît un nombre record de grèves? Est-ce que les relations de travail sont complètement en déroute dans notre pays? Pouvez-vous nous décrire très brièvement l'état actuel des relations de travail?
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Je pense qu'il n'y a jamais eu aussi peu de conflits de travail au pays, peu importe la province qu'on examine au pays, alors les modifications proposées sont... Pour nous, il est pour le moins difficile d'essayer de comprendre ce que le gouvernement essaie de régler en proposant ces modifications.
Je pense que le climat est très stable à l'échelon fédéral depuis passablement de temps. Le gouvernement a récemment conclu un accord avec les syndicats de la fonction publique qui étaient en négociation, et je pense que la négociation collective est censée être un processus rigoureux. Je n'ai toujours pas compris pourquoi le gouvernement modifie unilatéralement un régime de relations de travail qui semble susciter la confiance des deux parties et qu'elles semblent toutes les deux appuyer.
Nous n'avons jamais été contre les changements, mais, évidemment, il faut les apporter dans le cadre d'un processus éclairé où les parties peuvent discuter de leurs éventuelles répercussions. L'intérêt à long terme du gouvernement devrait être la stabilité des relations de travail, avec ses syndicats comme avec ses employés.
Et cela, à mon sens, c'est bizarre. C'est comme si le gouvernement voulait en même temps être un joueur et être l'arbitre dans une partie de soccer. On ne peut jouer les deux rôles. Il faut décider du rôle qu'on veut jouer et trouver une manière de mieux le jouer en établissant de bonnes relations. J'estime que le projet de loi vient profondément modifier l'équilibre qui existe à l'échelon fédéral.
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Et il semble que cela ait très bien fonctionné.
Je jette un coup d'oeil sur les pays qui comptent aujourd'hui parmi les plus productifs et dont l'économie se porte le mieux, et je vois parmi ceux-ci certains des pays avancés de l'Europe, comme l'Allemagne, puis aussi le Brésil et la Corée, et ce sont des pays où le taux de syndicalisation est élevé.
Une chose qui m'a frappée, madame Benson, c'est ce que vous avez dit au sujet de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, selon laquelle le processus devrait être fondé sur « un respect mutuel et des relations harmonieuses ». Néanmoins, M. Thomas a dit que la fonction publique est, semble-t-il, remplie de gens qui « n'aiment pas aller travailler », et il a parlé du « dégoût provoqué par une journée de travail au gouvernement ».
Qu'est-ce qui est vrai? Est-ce un spectacle dégoûtant, ou est-ce que les relations sont harmonieuses et que la fonction publique est un bon endroit où travailler? Pouvez-vous nous décrire comment les choses se passent à l'heure actuelle?
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Vous savez, il y a certaines difficultés. Il y a 20 000 postes qui ont été supprimés. Le chiffre est bien plus élevé si on compte les employés qui ont reçu une lettre les informant que leur poste était touché, alors je pense qu'il est un peu tôt pour se prononcer. Il y a des services que le gouvernement va cesser d'offrir aux Canadiens, qu'on pense aux bureaux d'Anciens Combattants qui ferment leurs portes, à la réduction du budget de recherche et de sauvetage, etc.
Je crois — et j'ai discuté avec beaucoup, beaucoup de membres depuis que j'ai été élue il y a deux ans — que les gens sont très fiers de servir les Canadiens. Vous savez, ceux qui continuent de travailler, alors que leurs collègues ont perdu leur emploi et reçoivent des prestations d'assurance-emploi, essaient de faire le double ou le triple du travail qu'ils faisaient avant pour continuer de servir les Canadiens.
Je ne suis pas d'accord pour dire qu'ils ne font que perdre leur temps sur Internet. Je ne suis pas d'accord pour dire qu'ils prennent plus de congés de maladie qu'avant. Une chose est sûre, ils vont travailler tous les jours, et ils essaient de servir les Canadiens de leur mieux... vu que le gouvernement a supprimé des programmes et des postes.
Je pense que cela peut être très difficile, mais tous les membres avec qui je discute sont fiers du travail qu'ils ont fait. Je travaille dans la fonction publique depuis 33 ans, et j'en suis très fière.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureux d'être de retour et de représenter l'équipe C.
Je veux revenir sur une chose que Mme Benson a dite. Je suis député depuis 13 ans, et je n'ai jamais vu autant d'anxiété dans certains secteurs de la fonction publique que j'en vois à l'heure actuelle, au moment où les gens qui demandent des prestations d'assurance-emploi attendent pendant six ou sept semaines, et même souvent huit. À une certaine époque, les gens devaient attendre pendant trois semaines.
La raison en est que les gens qui s'occupaient du traitement ont perdu leur emploi. Il y a 600 postes qui ont été supprimés, et les employés qui restent doivent s'occuper de gens qui essaient de nourrir leur famille et de décider s'ils vont remplir leur ordonnance, leur réservoir d'essence ou leur frigo. Le degré d'anxiété lié à toute cette situation a monté d'un cran. La personne qui fait l'appel ne peut rester indifférente lorsqu'elle s'adresse à une mère en pleurs qui se demande si son chèque va être émis. Je pense que c'est peut-être davantage lié à la question de savoir s'il y a du ressentiment au sein de la fonction publique. Vous voudrez peut-être dire quelque chose là-dessus.
Je sais que vous voyez cela aussi dans le domaine des communications maritimes. Vous voudrez peut-être formuler des observations à ce sujet.
Je comprends certainement ce que vous dites par rapport à l'assurance-emploi, mais il y a beaucoup d'autres ministères qui souffrent des mesures prises également. Nous faisons beaucoup de travail lié à la santé mentale en milieu de travail, parce qu'il y a ce que j'appelle le syndrome du survivant. Je ne sais pas comment les autres appellent ce phénomène. Lorsqu'on travaille avec 20 personnes, disons, à traiter des chèques d'assurance-emploi, des chèques de la Sécurité de la vieillesse ou des prestations fiscales pour enfants — les prestations que les Canadiens méritent de recevoir rapidement — et qu'il n'y a tout à coup plus que 5 personnes qui essaient de faire tout le travail, c'est presque impossible.
Chose certaine, pour ce qui est des services, toutefois, je vous invite à regarder notre vidéo sur les anciens combattants. Il y a des anciens combattants qui prennent la parole pour dénoncer le fait que le gouvernement ferme des bureaux d'Anciens Combattants un peu partout au pays. Ils doivent maintenant faire cinq heures de route pour rencontrer la personne qui est chargée de leur cas. Ce qui est en train de se passer n'est tout simplement pas normal. Nos membres en ressentent les répercussions. Dans certains cas, ils travaillaient chaque semaine auprès d'un vétéran souffrant de troubles de stress post-traumatique, et celui-ci ne recevra plus l'aide dont il a besoin.
Ce n'est pas seulement un problème lié à l'assurance-emploi, mais je tiens à remercier d'avoir dit ce que vous avez dit, parce que la personne qui finit par recevoir son chèque d'assurance-emploi, peu importe à quel point c'est long, doit aussi se demander si la nourriture qu'elle achète a été inspectée et si elle est salubre.
Il y a des problèmes en ce moment dans notre pays.
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La raison pour laquelle j'en parle, c'est qu'il est important — et je pense que tout le monde, et, entre autres, tous nos témoins, seraient d'accord avec cela — que nous admettions que cela signifie que le pendule est allé trop loin dans une direction et que l'équilibre est rompu. Le rôle que le gouvernement doit jouer d'une manière ou d'une autre consiste à revenir dans la zone intermédiaire, ni trop à gauche, ni trop à droite, mais au point d'équilibre. Il faut être en mesure de se débarrasser des employés incompétents à un moment donné, et, dans ce cas-ci, il est évident qu'on n'a pas pu se débarrasser d'un employé incompétent. C'est un exemple particulièrement flagrant.
Monsieur Ian Lee, j'ai adoré ce que vous avez dit sur Runnymede. Ce n'était peut-être pas tout à fait juste, mais c'est aussi de là que vient le terme anglais grassroots, puisque les chevaliers devaient se tenir debout sur la pelouse. C'est ce qui fait que nous parlons tous de cela aujourd'hui, mais ce n'était pas tout à fait le vrai exemple auquel nous faisons référence aujourd'hui.
Vous dites que, pour la première fois, grâce aux modifications qui seront apportées, il y a aura une documentation obligatoire. Pouvez-vous nous donner quelques précisions à ce sujet et aussi préciser en quoi il est important pour toutes les personnes concernées par un conflit que des éléments de preuve soient présentés, de sorte qu'on puisse y revenir et dire: « écoutez, voici ce qui s'est passé exactement; il ne s'agit pas de suppositions ni de quelque chose que quelqu'un aurait inventé; nous avons des preuves à présenter »?
La référence à Runnymede était en fait une référence à la lettre d'opinion que j'ai écrite pour le Ottawa Citizen il y a environ un an et qui portait sur l'évolution de la démocratie anglo-saxonne depuis 800 ans. Elle a mis au point une série complète de freins et de contrepoids sur une période très longue. Tout ne s'est pas fait en un jour comme par magie et pour être ensuite coulé dans le béton.
Pour répondre à votre question... et je crois vraiment qu'il s'agit d'une amélioration, et non d'une dérogation — non pas d'une diminution, mais bien d'une amélioration. Avant, lorsqu'un travailleur... et, soit dit en passant, il y a le système provincial. Les gens ne se rendent pas compte du fait que les provinces font la même chose en parallèle partout au Canada. Il y a à l'échelon provincial un système très similaire à ce que le gouvernement propose pour l'échelon fédéral dans le cadre du projet de loi. Je le sais, puisque je travaille dans une université et que je suis visé par le système provincial, avec ses comités des travailleurs et autres choses de ce genre.
Le système en place — et j'en ai parlé à certaines personnes en privé — est de nature très officieuse. Un travailleur pense qu'il existe un danger, et il s'adresse à son employeur, qui n'est pas d'accord avec lui. Il y a beaucoup de choses qui se disent, mais il n'y a pas de document; il n'y a pas de dossier. En tant que chercheur qui étudie les politiques publiques, j'estime qu'il est très important qu'il y ait des documents, un compte rendu des décisions, des conversations et des éléments de preuve, plutôt que des versions des faits données verbalement par les parties concernées. Lorsque Travail Canada intervient, six ou huit mois plus tard, les gens ne se souviennent plus ce qu'ils ont dit au cours d'une réunion où ils se sont crié après.
L'effet des changements en question, donc, va être d'imposer ce que j'appellerais un processus adéquat — un processus empirique vraiment bon — pour tout l'aspect arbitrage de la chose. Je ne comprends pas du tout pourquoi les syndicats des secteurs public et privé s'y opposent. Le nouveau système va leur donner plus de pouvoir que le système actuel.
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Merci, monsieur le président. Merci également à tous et à toutes pour vos présentations.
J'aimerais revenir sur la question de la capacité de payer.
Monsieur Thomas, vous avez mentionné que c'était important. Je pense aussi qu'il faut reconnaître la capacité fiscale. Toutefois, la capacité de payer n'est-elle pas un argument un peu subjectif? La balise de la capacité de payer varie en fonction des gens. Plusieurs économistes trouvent que relativement à l'ensemble des pays industrialisés, le Canada est en bonne position pour ce qui est du ratio de la dette par rapport au PIB et du contrôle de son déficit, surtout s'il se compare à l'Europe et aux États-Unis.
Dans certains cas, le gouvernement crée ses propres difficultés. À son arrivée au pouvoir en 2006, le gouvernement a pris certaines mesures. Il a réduit la TPS de 7 à 5 % et il a continué à diminuer l'impôt sur les sociétés. Cela a créé une perte de revenus évaluée entre 12 et 15 milliards de dollars, avant même que la récession frappe. On sait que la récession a amplifié les effets de ces mesures.
À l'avenir, le gouvernement pourrait encore créer ses propres difficultés en prenant d'autres mesures. Par la suite, il pourrait invoquer question de la capacité de payer pour forcer le secteur public à accepter des conditions à cause de situations qu'on connaît maintenant.
Êtes-vous d'accord que la capacité de payer est une question subjective et qu'elle dépend réellement de la perception que chacun et chacune d'entre nous peut avoir à cet égard?
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Il s'agit en réalité d'un long processus.
Le processus d'embauche du gouvernement fédéral est en soi un long processus. Il ne s'agit pas simplement d'une entrevue. Habituellement, il y a un examen écrit, puis une entrevue, et puis une vérification des antécédents. La personne embauchée commence à travailler, et, selon la classification et l'endroit où elle travaille, elle est en probation. Il y a une période de probation. Celle-ci peut être de six mois ou d'un an. Pendant tout le processus, le gestionnaire doit fournir une rétroaction écrite à la personne — il doit lui fournir une formation et une rétroaction écrite. Si la personne est en probation pendant un an, après le premier mois, après 6 mois et après 12 mois on lui dit si elle est renvoyée en période de probation ou non, ce qui signifie qu'elle doit quitter le gouvernement fédéral ou peut y rester.
Après de très nombreuses années, si une personne n'offre plus le rendement attendu, par exemple, il faut déterminer si une formation de recyclage est nécessaire, s'il y a un problème exigeant la prise de mesures d'adaptation ou s'il faut prendre d'autres types de mesures. Pour dire les choses franchement, il est très difficile d'obtenir un emploi au gouvernement fédéral, et beaucoup des membres que je représente sont des employés nommés pour une durée déterminée pendant de nombreuses années. Techniquement, les gens qui sont nommés pour une durée déterminée pendant trois ou quatre ans doivent subir des évaluations du rendement constantes pour pouvoir continuer de travailler ou pour être réembauchés.
Je trouve vraiment ironique que le président du Conseil du Trésor dise qu'il n'y a pas suffisamment de gens qui sont renvoyés du gouvernement fédéral. Très franchement, encore une fois, pour pouvoir commencer à travailler pour le gouvernement fédéral, il faut suivre un long processus, et ensuite il y a un processus de gestion du rendement, qui existe depuis que je suis là, donc depuis 33 ans, dans le cadre duquel chaque année, mon gestionnaire me dit si je travaille bien ou non.
Je me demande pourquoi nous nous inquiétons de la proportion de gens qui sont mis à pied, alors que l'ensemble du processus est très rigoureux.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous nos témoins. Je vais adresser des questions à M. Yussuff, et j'aimerais les poser aussi au Congrès du travail du Canada, à Mme Benson, et à M. Stroud. J'invite chacun d'entre vous — je n'ai que cinq minutes — à me dire ce que vous pensez de deux ou trois choses.
La première, c'est un commentaire de M. Thomas, de la Fédération des contribuables, qui a parlé d'un employé en particulier et de ce qu'il a appelé une « situation invivable » au sein de la fonction publique. Les questions que je vous pose à tous les trois, si vous souhaitez répondre, sont les suivantes: admettez-vous que la situation est invivable dans la fonction publique, et est-ce que les modifications apportées à la LRTFP vont changer cette situation, de façon positive ou négative?
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Ce que j'aimerais dire, c'est que je pense très sincèrement que le président du Conseil du Trésor contribue à rendre la situation invivable. Il parle dans les journaux de ses employés, des gens que je représente, il dit qu'ils abusent des congés de maladie et qu'ils passent leur temps sur Internet. Il ne se soucie aucunement de ces gens, et je pense très franchement qu'il manque de respect.
Je vous le dis ici en toute honnêteté parce que c'est quelque chose que je lui ai déjà dit personnellement. J'ai rencontré M. Clement, et je lui ai demandé d'arrêter d'agir ainsi, parce que cela empire d'autant la situation en milieu de travail. A-t-on vraiment envie d'aller travailler pour quelqu'un qui, sur les ondes de la CBC, parle du fait que ses employés ne font pas leur travail alors que, en fait, beaucoup de nos membres font des heures supplémentaires qui ne leur sont pas payées, entre autres?
Ce qui va se passer, dans le cas du projet de loi , parce qu'il n'y a pas eu de consultation — et j'espère que vous allez supprimer les deux sections du projet de loi en question —, c'est que, encore une fois, il s'agit d'un grand manque de respect pour nos membres. Ils le savent, lorsque nous prenons part à des consultations. Nous discutons avec eux lorsque nous préparons des consultations et des mémoires — par exemple, lorsque la Loi sur la modernisation de la fonction publique a été adoptée.
Très franchement, nos membres travaillent à servir les Canadiens, et, s'il y a des problèmes dans le milieu de travail, c'est à cause des commentaires du président du Conseil du Trésor.
Il me reste une minute. Vous pouvez voir le dilemme dans lequel je me trouve parce que je dois essayer de passer le projet de loi en revue en une minute.
M. Steven Barrett, qui va comparaître devant nous, est, je crois, un avocat du CTC, et c'est assurément l'un des avocats spécialistes des relations de travail les plus connus au Canada. Dans son mémoire, il dit ce qui suit au sujet des services essentiels, et, encore une fois, je vous invite à me faire part de vos observations:
Le Projet de loi C-4 modifie considérablement le traitement des services essentiels. Notamment, le projet de loi accorde au gouvernement le droit exclusif de « décider que des services, installations ou activités de l’État fédéral sont essentiels parce qu’ils sont ou seront nécessaires à la sécurité de tout ou partie du public » [...]
Et il ajoute « éliminant ainsi tous recourt à la CRTFP en cas de dispute ».
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Merci à tous d'être venus. C'est une conversation très intéressante. Je trouve que vous avez soulevé des points très intéressants, madame Benson.
Il n'en demeure pas moins — et c'est la difficulté avec laquelle je suis aux prises — que M. Thomas a comparé les secteurs privé et public et que l'écart est vraiment en train de s'agrandir. Je viens du secteur privé. Je suis propriétaire d'une entreprise qui paie des professionnels, et nous n'avons pas les moyens de leur offrir les salaires qu'on offre dans le secteur public.
Cela me rappelle une vieille chanson de Joni Mitchell dans laquelle elle parle du fait qu'on se rend toujours compte de ce qu'on avait une fois qu'on l'a perdu. Monsieur Stroud, lorsque je regarde ce qui s'est passé dans la région de Chatham et que je pense à votre syndicat, auquel les TCA se sont joints, je vois qu'il reste là-bas des usines de l'industrie automobile qui ont fermé leurs portes et déménagé. C'est ce qui se passe dans le secteur privé lorsqu'on n'arrive plus à donner aux employés ce qu'ils exigent. Je pense à vos fonds pour l'avenir. Je pense à ces sources de préoccupations et au déclin de certaines des entreprises du secteur de l'automobile.
Madame Benson, quand allez-vous dire à vos membres qu'ils doivent s'aligner sur le secteur privé? Lorsque vous dites que le gouvernement s'attaque au syndicat, n'oubliez pas que nous représentons l'ensemble des citoyens, des gens qui paient des impôts, des gens qui sont frustrés de voir des salaires de ce genre, qu'ils ne peuvent pas espérer toucher. À quel moment devenez-vous responsable de parler aux membres de votre syndicat et de leur dire que vous devez vous aligner sur le secteur privé?
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Lee, même si je suis bachelier et que j'ai des antécédents scientifiques, j'ai aussi travaillé 12 ans comme manoeuvre dans un entrepôt. Je chargeais et déchargeais des camions de livraison avec plusieurs hommes qui n'avaient pas terminé leur secondaire. Je travaillais à l'année longue dans des conditions extrêmes, soit de -30 oC à 30 oC.
J'ai aussi travaillé dans la fonction publique québécoise, où j'étais syndiqué. J'ai donc connu les deux côtés de la médaille. Je ne vous cacherai pas que je n'en reviens pas du manque de sérieux de votre présentation. Vous avez essayé de nous émouvoir en comparant des conditions de salaire minimum aux conditions offertes par la fonction publique. Pourtant, le 25 avril dernier, cela ne vous a pas empêché de défendre vigoureusement les professeurs titulaires des universités et de dire qu'ils méritaient leur salaire, qui est considérablement plus élevé que celui des autres, ainsi que leur statut et leur charge d'enseignement notoirement réduite.
Comment pouvez-vous manquer à ce point de sérieux devant notre comité?
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Les modifications apportées aux services essentiels dans le cadre du projet de loi font en sorte qu'il n'y aura plus de définition par rapport à laquelle le gouvernement devrait rendre des comptes, en tant qu'employeur, lorsqu'il désigne des postes comme étant essentiels.
Ce qu'il y avait avant dans la loi, c'était une mention concernant la sûreté et la sécurité de la population. En fait, la définition est plus large que cela, mais ce sont là les termes clés. La définition n'existe plus, et ce qui la remplace, c'est un libellé selon lequel les services essentiels aux termes de l'article 294 du projet de loi C-4 sont tout ce que le gouvernement a déterminé qui était essentiel.
La portée de la nouvelle définition est très large dans les deux sens. Selon celle-ci, le gouvernement du Canada, à titre d'employeur, peut déclarer unilatéralement que l'intégralité d'une unité de négociations composée de n'importe quel type de poste est essentielle. Je pense que c'est là-dessus qu'on a insisté.
La définition permet également d'affirmer que n'importe quel type de service offert aux Canadiens n'est pas essentiel. Le gouvernement pourrait par exemple décider que la production de chèques d'assurance-emploi, sujet qui a été abordé par l'intervenant, n'est pas essentielle.
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Merci, monsieur le président.
Merci à toutes les personnes qui sont venues témoigner aujourd'hui.
J'aimerais vous dire, madame Benson, pour répondre à une chose que vous avez dite à un de mes collègues, qu'il ne s'agit pas de niveler par le bas. Par contre, on n'essaie pas non plus de niveler par le haut.
Je pense que c'est une question d'équité et de compétitivité, et c'est pour cette raison qu'il faut examiner ce qui se passe dans le secteur privé. Je viens de Fort McMurray. J'ai vécu toute ma vie à Fort McMurray. J'ai exploité une quinzaine d'entreprises qui m'ont appartenu là-bas, du lave-auto au cabinet d'avocats. J'ai été avocat à Fort McMurray pendant 11 ans, et je n'ai jamais vu autant d'argent versé en échange d'aussi peu de travail dans ma vie que ce que j'ai vu ici. Je ne dis pas que c'est tout le monde qui est concerné. Ce n'est pas ce que je dis du tout, parce qu'il y a des gens qui travaillent comme des chiens, si vous me passez l'expression, comme le disait M. Stroud, et qui offrent des services extraordinaires.
Sincèrement, je crois que les gens qui ne fournissent pas les services qu'ils devraient fournir sont l'exception plutôt que la règle. Je pense que cette exception devrait être traitée différemment.
J'ai quelques questions à poser à M. Thomas. J'aimerais surtout parler du secteur privé avec vous, monsieur Thomas, parce que je pense que c'est la seule comparaison juste qu'on puisse faire avec le secteur public, non seulement pour ce qui est du travail, mais aussi pour ce qui est essentiellement de la contribution du secteur à l'économie.
J'ai posé des questions similaires hier.
Il y a environ 1,1 million de petites entreprises au Canada; 48 % des gens qui travaillent au Canada sont employés par une petite entreprise, soit un peu plus de 5,1 millions de personnes; 86 % des exportateurs canadiens sont de petites entreprises; 42% du PIB du Canada provenant du secteur privé vient des petites entreprises; et 28 % du PIB total du pays vient d'entreprises qui emploient moins de 50 personnes. Leur incidence est très importante.
La chose la plus étonnante — et je crois que vous devriez le savoir, madame Benson —, c'est que le salaire moyen des propriétaires de petites entreprises est de 38 000 $ par année. Pour la plupart, ils ne peuvent pas toucher de prestations d'assurance-emploi ni de maternité. Ils n'ont pas droit au congé de maladie payé. Ils paient leurs impôts, et ils font ce qu'ils doivent faire. J'ai entendu des gens dire que ces gens se versent de l'argent en dessous de la table. Honnêtement, je trouve étonnant que les gens pensent cela, parce que je n'ai jamais trouvé cela moi-même. Je trouve que les propriétaires de petites entreprises sont les gens les plus honnêtes avec lesquels j'ai eu affaire, parce qu'ils savent qu'il faut travailler dur pour gagner leur croûte et qu'ils veulent utiliser les impôts ou ce que les impôts nous permettent d'offrir: les routes, les ponts, les rues, les hôpitaux, et cetera.
Pouvez-vous dire quelque chose là-dessus, par rapport à la compétitivité? Sincèrement, je suis époustouflé par les salaires. Quand j'étais avocat il y avait des gens qui travaillaient pour moi à Fort McMurray qui touchaient le revenu annuel le plus élevé au Canada, soit 185 000 $ par année. À l'époque, il y avait des gens qui travaillaient pour moi qui gagnaient beaucoup moins que ce que la fonction publique offre à des gens qui commencent, et qui ont moins d'expérience.
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Pour répondre à votre question, et pour réagir à ce qu'a dit M. Keddy tout à l'heure, avant les négociations collectives, les fonctionnaires étaient beaucoup moins bien payés et ils étaient très mal traités.
Par contre, au cours des 40 dernières années, il y a eu un retour du balancier, qui est maintenant de l'autre côté. Nous sommes en train de le ramener au centre. Est-ce que ce seul projet de loi va permettre de rétablir l'équité et l'équilibre? Non, pour reprendre un mot qui a beaucoup été utilisé aujourd'hui, c'est un processus. Il faut que cela se poursuive dans l'avenir, non pas parce que nous nous attaquons aux fonctionnaires, mais plutôt parce que ce n'est pas juste pour ceux qui...
Je fais partie de la fonction publique, et, comme M. Caron l'a fait remarquer, je suis très bien payé, merci beaucoup. Je ne m'inquiète pas pour mon sort. Je m'inquiète du sort des gens qui travaillent dans le secteur privé et dans des petites entreprises et qui touchent un salaire minable et n'ont pas de pension ni de congés de maladie. C'est de ces gens-là que je me soucie. Si nous tenons à la justice sociale...
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Je suis en train de le faire en ce moment même. J'ai fait une ventilation, et il est un peu trompeur d'utiliser cette moyenne globale.
Je vais dire quelque chose qui va probablement énerver deux des témoins ici présents. Les déséquilibres aux échelons inférieurs... Et vous savez déjà cela, non seulement de façon anecdotique, mais aussi parce que le salaire de départ minimum dans le secteur privé est d'environ le tiers de ce qu'il est au gouvernement du Canada.
Les deux courbes se croisent. J'ai lu quelques études, dont une du Conference Board, qui tendent à montrer que les courbes se croisent à peu près au niveau des directeurs généraux. Les gens qui occupent un poste de ce niveau ou un poste de niveau supérieur gagnent moins au gouvernement du Canada que dans le secteur privé. Le salaire des derniers échelons des grandes sociétés de Toronto est de 5 ou 10 millions de dollars.
Mais aux échelons inférieurs, de façon empirique, d'après tout ce que nous avons vu jusqu'à maintenant, c'est là que les gens gagnent plus que dans le secteur privé. Les employés des bas échelons du secteur public sont mieux payés que ceux des bas échelons du secteur privé.
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Nous reprenons nos travaux. Nous sommes le mardi 26 novembre 2013. Nous recevons notre second groupe de témoins.
Tout d'abord, nous accueillons M. Steven Barrett, associé directeur général chez Sack Goldblatt Mitchell, qui témoigne à titre personnel. Bienvenue au comité.
Nous accueillons aussi Mme Lisa Blais, présidente de l'Association des juristes de justice. Bienvenue.
Nous recevons Mme Isabelle Roy, conseillère générale, Affaires juridiques, à l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Bienvenue.
Trois personnes vont témoigner par vidéoconférence, alors nous allons faire de notre mieux pour gérer cette situation.
Il y a tout d'abord M. Gareth Neilson, de l'organisme Fair Pensions for All, qui témoignera depuis Guelph. M'entendez-vous bien, monsieur Neilson?
Merci de m'avoir invité à venir témoigner.
Je suis avocat spécialiste des relations de travail, et je participe aux négociations collectives des employés gouvernementaux du secteur public en général depuis presque 30 ans. J'ai aussi témoigné souvent devant la Cour suprême du Canada dans le cadre d'affaires fondées sur la Charte des droits. J'espère que mes observations seront utiles au comité.
J'ai regardé l'heure et demie de séance précédente sur le Web, et j'espère donc ne pas trop répéter ce qui a déjà été dit.
La tradition parlementaire, qui est suivie et respectée depuis une cinquantaine d'années, par les gouvernements libéraux comme par les gouvernements conservateurs, était jusqu'à maintenant de proposer des modifications législative des règles régissant les négociations collectives des employés du gouvernement fédéral seulement après la tenue d'une étude indépendante par des experts et de vastes consultations. Comme l'Association du Barreau canadien l'a fait remarquer dans un mémoire adressé au comité, proposer des modifications touchant les fondements des négociations collectives et les cacher dans un projet de loi omnibus ne s'inscrit pas vraiment dans cette tradition.
Il ne s'agit toutefois pas simplement de respect de la tradition et de la démocratie. Il s'agit aussi du fait qu'on reconnaît généralement que, lorsqu'il s'agit de relations de travail, vu le caractère délicat de l'équilibre des négociations collectives et l'importance des intérêts des employés et de l'employeur — ainsi que de l'intérêt public —, les modifications apportées au mécanisme en place ne devraient l'être qu'après l'obtention de conseils de la part d'experts indépendants, ainsi que d'une contribution réelle et de commentaires de beaucoup de gens, et après la tenue d'un débat. C'est vrai surtout, mesdames et messieurs les membres du comité, quand l'une des parties au processus de négociation collective — l'employeur — est intrinsèquement, avec tout le respect que je vous dois, en conflit d'intérêt, puisqu'elle est à la fois l'employeur et le législateur, et qu'elle devrait normalement veiller à s'assurer qu'elle n'agit pas et ne semble pas agir de façon unilatérale.
Pour cette raison, s'il n'est jamais possible de garantir qu'une entente acceptable pour les deux parties sera conclue au sujet de la réforme des lois liées au travail, et, puisque, évidemment, le gouvernement dispose en définitive du droit d'adopter des lois, la tradition canadienne veut qu'un effort soit fait de bonne foi. Le projet de loi est loin de respecter cette norme, à tout le moins la partie concernant les relations de travail dont nous sommes en train de parler. Pour la première fois de l'histoire des réformes des lois touchant les négociations collectives dans la fonction publique fédérale, le gouvernement, en tant qu'employeur, se propose d'utiliser les pouvoirs que lui confère la loi pour modifier unilatéralement l'équilibre établi depuis longtemps dans la loi, sans consultation préalable ni étude, ni même une vague tentative de trouver un consensus.
Dans le domaine des relations de travail, on considère comme un axiome déduit de l'expérience que l'équilibre et l'acceptation mutuelle sont d'une importance capitale pour la stabilité des négociations collectives, la paix industrielle, l'harmonie dans le milieu de travail et l'équité fondamentale — autant d'objectifs qui nous sont communs.
Et voilà que l'employeur utilise le pouvoir législatif du gouvernement pour défaire et enfreindre les règles que les parties respectent depuis près de 50 ans, depuis 1967, surtout lorsqu'il s'agit du choix de la procédure, qui est une caractéristique proéminente du modèle fédéral: l'arbitrage du différend ou la conciliation en cas de grève. Le législateur a établi un modèle axé sur le choix des procédures qui permet un équilibre entre le respect du droit de grève et la reconnaissance du fait que beaucoup de fonctionnaires sont réticents à adopter la méthode des grèves et des lock-out qu'ils considèrent comme étant plus militante et davantage axée sur la confrontation, de sorte que l'arbitrage était un choix sensé et constructif à leur offrir pour la résolution des conflits.
Personne n'affirme que les règles en place sont parfaites. Certains agents négociateurs estiment qu'il y a des règles qui posent problème, dont le pouvoir que le gouvernement a déjà de déterminer unilatéralement le niveau des services essentiels. D'autres estiment que le Code canadien du travail devrait s'appliquer. Et, bien sûr, l'employeur aimerait sans aucun doute voir certains changements se produire.
Personne n'est contre une modernisation véritable et authentique des règles ni contre des changements équilibrés. Toutefois, si des changements sont apportés, il faut qu'ils soient bien réfléchis. Comme je l'explique en détail dans mon mémoire et comme de nombreux autres l'ont expliqué dans le leur, le projet de loi ne peut être décrit que comme une tentative faite par l'une des parties au processus de négociation de changer les règles du jeu de la manière la plus asymétrique qu'on puisse imaginer.
Si nous étions dans la cour d'école, on considérerait qu'il s'agit d'un acte d'intimidation de la pire espèce. Pour prendre un exemple qui nous touche de plus près, c'est comme le fait de permettre au sénateur Duffy de changer les exigences de résidence des sénateurs que la loi prévoit.
Des voix: Oh, oh!
M. Steven Barrett: L'absence de tout équilibre et de toute tentative visant l'obtention de l'acceptation mutuelle et d'un consensus vient miner de bonnes relations de travail et est susceptible de mener à une grande instabilité dans le milieu de travail. Nous savons pour en avoir fait l'expérience amère que les employés qui estiment que leurs conditions de travail sont injustes et que les règles qui les déterminent sont arbitraires trouvent inévitablement des moyens d'exprimer leur mécontentement, ce qui fait baisser le moral et la productivité.
Le projet de loi pipe les dés en faveur de l'employeur, et ce, de nombreuses manières. Je vais me concentrer sur trois des plus importantes.
Premièrement, il fausse la donne en permettant une désignation des services essentiels ne pouvant faire l'objet d'un réexamen.
Deuxièmement, le projet de loi élimine l'arbitrage à moins que 80 % des employés voient leur poste désigné comme étant essentiel, ce qui pourrait vider de sa substance tout droit réel à la négociation.
Troisièmement, même lorsque 80 % des postes sont désignés comme étant essentiels, les conseils d'arbitrage doivent accorder un poids prépondérant aux politiques budgétaires énoncées par le gouvernement.
Je suis sûr que j'aurai le temps de parler de la jurisprudence internationale sur le sujet et du point de vue de la Cour suprême du Canada là-dessus pendant la période de questions.
Permettez-moi de conclure en vous disant simplement que, ironiquement, il y a deux ans seulement, le Parlement a reçu le rapport de l'examen quinquennal, et, après avoir reçu les commentaires de beaucoup d'intervenants et d'experts, il a conclu que, en ce qui concerne la règle en vigueur concernant la négociation collective, « de façon générale, les textes législatifs soutiennent convenablement les relations patronales-syndicales axées sur la collaboration ». Rien de ce qu'a dit le comité, ni de ce qu'a dit le gouvernement lui-même, en fait, n'indiquait qu'une refonte complète et unilatérale était justifiée, nécessaire ou indiquée.
Je répondrai à vos questions avec plaisir.
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Merci. Je tiens à remercier le comité de l'occasion qui m'est offerte.
L'AJJ est l'agent de négociation exclusif de 2 700 avocats du gouvernement fédéral. Nous sommes des procureurs et des avocats du ministère de la Justice, et nous offrons également des services juridiques à divers tribunaux et organismes.
Avant de devenir dirigeante syndicale, j'étais procureure spécialiste des affaires de drogue, et j'appliquais les lois strictes du gouvernement à l'égard de la criminalité. Je vais reprendre mon rôle de procureure lorsque mon mandat sera terminé à l'AJJ.
Pour commencer, je ferais preuve de négligence si, en tant que représentante des avocats du gouvernement fédéral, je n'abordais pas la question de la procédure établie. Je sais que vous en avez beaucoup entendu parler, mais c'est quelque chose qu'il faut répéter, parce que c'est vraiment un élément fondamental de notre identité, comme Canadiens. Ne vous y méprenez pas: le recours à d'énormes projets de loi omnibus d'exécution du budget pour modifier en profondeur plusieurs textes législatifs complexes adoptés depuis longtemps est une charge contre la procédure établie.
Le projet de loi contient de nombreux éléments qui n'ont absolument rien à voir avec le budget ni avec les finances. Avec tout le respect que je vous dois, nous nous demandons comment un projet de loi de 308 pages, qui contient 472 articles distincts, touche au moins 29 textes législatifs et modifie ou abroge 70 mesures législatives peut vraiment être considéré comme étant un projet de loi d'exécution du budget, ou comment on peut seulement même le prendre en considération, mesdames et messieurs, vu les limites de temps et les débats limités qui sont imposés pour l'ensemble du processus.
Nous savons que les projets de loi omnibus d'exécution du budget ne sont pas chose nouvelle. En 1994, Stephen Harper, qui était alors député, a critiqué un projet de loi de ce genre — qui faisait 21 pages et qui était entièrement lié aux budgets — en disant qu'il était, et je cite, « tellement hétéroclite que, pour se prononcer par un seul vote, les députés devraient transiger avec leurs principes ».
La portée et l'ampleur du projet de loi C-4 nous empêchent d'en connaître même toutes les répercussions. En outre, la section 17 du projet de loi apporte des modifications profondes à la LRTFP, texte législatif fondamental, quoique imparfait, qui est un outil fiable pour la gestion des relations de travail depuis 50 ans. Ne vous y trompez pas: ces modifications dépouillent les employés de protections et de pouvoirs dont ils disposaient auparavant. Je vais revenir là-dessus dans un instant.
La procédure établie a subi un coup, mesdames et messieurs, depuis que la Commission de réforme du droit a dû fermer ses portes en 2006. Nous n'avons jamais eu autant besoin d'un point de vue éclairé et indépendant comme le sien. Contrairement à ce qui était la pratique auparavant, les modifications en question ont été élaborées sans qu'il y ait de consultations auprès de quelque intervenant que ce soit: ni des syndicats, ni des spécialistes du droit du travail, ni des universitaires ni de qui que ce soit.
Nous remettons en question la constitutionnalité du projet de loi. Les consultations préalables auraient rendu les modifications proposées moins vulnérables à des contestations en vertu des alinéa 2b) et d) de la Charte canadienne des droits et libertés. Le plus haut tribunal du pays a confirmé à plusieurs reprises que le droit à la négociation collective est un droit fondamental de tous les employés du Canada. Ce droit ne peut être limité que minimalement, et seulement dans des circonstances exceptionnelles. Le projet de loi confère à l'employeur le droit exclusif de déterminer qui pourra jouer le rôle d'arbitre, qui pourra faire la grève et qui occupe un poste essentiel.
De plus, dans les cas où le syndicat est autorisé à prendre part à l'arbitrage d'un différend, la capacité de l'arbitre de prendre en compte les facteurs pertinents a été grandement limitée, à un point tel qu'on pourrait affirmer que l'issue du processus est déjà déterminée. Le projet de loi C-4 contrevient également à plusieurs de nos obligations internationales en matière de travail.
Parlons des coûts. Votre comité est celui des finances, et c'est dans cette optique qu'on vous demande à tous d'examiner les choses. Pour un gouvernement qui parle constamment de son désir de rationaliser les activités et d'épargner de l'argent, le projet de loi C-4 va avoir l'effet contraire. Laissez-moi vous dire pourquoi. Les modifications apportées à la LRTFP suppriment le droit des travailleurs de choisir entre l'arbitrage du différend et la grève. Qu'est-ce qui va arriver? Forcer les travailleurs du gouvernement fédéral à faire la grève plutôt qu'à choisir l'arbitrage du différend affectera les services que les Canadiens reçoivent et ne causera que plus de frustrations dans les relations de travail.
Il n'y a qu'à nous rappeler que les procureurs et les avocats spécialisés en droit civil du Québec se sont récemment retrouvés dans cette même situation contre leur gré.
Je suis désolé de vous interrompre, mais je veux que les membres puissent poser leurs questions. Si nous accordons du temps supplémentaire aux témoins, nous devrons réduire le temps prévu pour les questions des membres.
Mme Lisa Blais: Il s'agit de notre seule occasion de nous exprimer.
Le président: Vous aurez de nombreuses occasions de le faire durant la période de questions.
M. Murray Rankin: Nous sommes aussi des avocats, donc...
Des voix: Oh, oh!
Mme Lisa Blais: Oui, c'est difficile.
Le président: Exact.
Nous sommes des politiciens, et c'est donc encore pire.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Nous allons maintenant entendre Mme Roy. Allez-y, s'il vous plaît.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie le comité de me donner l'occasion de formuler les présentes observations.
L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada représente quelque 55 000 professionnels du secteur public canadien, dont la plupart oeuvrent au sein de la fonction publique fédérale. Nos membres sont directement touchés par le projet de loi , plus particulièrement les sections 17 et 18, qui modifient la LRTFP, la LEFP et la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Nous soutenons que le projet de loi proposé porte notablement atteinte au droit de négocier collectivement, à telle enseigne qu'il constitue une violation de la liberté d'association, laquelle est protégée notamment par l'alinéa 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés et par la Convention 87 de l'Organisation internationale du Travail.
Notre première critique concerne le processus en tant que tel. Comme mes collègues, nous estimons que le fait d'enfouir des modifications aussi importantes au sein d'un projet de loi omnibus n'est tout simplement pas la bonne façon de procéder. Il aurait plutôt fallu intégrer ces modifications à un texte législatif indépendant qui aurait pu faire l'objet de consultations sérieuses auprès d'experts en la matière, dont notre pays ne manque pas.
La façon de faire du gouvernement actuel, qui impose des changements radicaux sans consulter au préalable les parties intéressées, a été sévèrement critiquée par l'Organisation internationale du Travail, en plus d'être considérée à divers égards comme une attaque contre la liberté d'association.
Les modifications de la LRTFP contenues dans le projet de loi se traduiront par des négociations collectives dans le cadre desquelles aucun mécanisme équitable et indépendant de règlement des différends ne sera accessible dans l'éventualité d'une impasse à la table de négociations. À notre avis, il s'agit d'une violation du droit de négociation collective protégé par l'alinéa 2d) de la Charte.
Au moyen du projet de loi , on propose de faire de la voie de la conciliation-grève le mode de règlement des différends par défaut, et d'octroyer à l'employeur le pouvoir exclusif et absolu de désigner les postes devant être considérés comme essentiels.
Si les parties à une négociation collective devaient en venir à recourir à un conseil d'arbitrage — ou même, du reste, à un conseil de conciliation —, l'employeur disposerait, par suite des restrictions proposées dans le projet de loi , de moyens de pression non négligeables, même pendant le processus de règlement du différend. Ce processus deviendra moins équitable et plus politisé.
Ces modifications ont pour effet d'édulcorer la valeur de l'analyse objective des facteurs économiques pertinents et substituera aux éléments probants de nature factuelle des préférences d'ordre idéologique.
En d'autres termes, le projet de loi fausse complètement le jeu en faveur de l'employeur — il confine les syndicats à la voie de la conciliation-grève tout en octroyant au seul employeur un contrôle exclusif et sans restrictions sur le nombre de travailleurs pouvant faire la grève. Le projet de loi va encore plus loin en faisant en sorte que les conseils d'arbitrage ou de conciliation soient entièrement tributaires du désir du gouvernement en place de payer — et non pas de sa capacité de payer, comme le voudrait la norme appropriée.
Le régime proposé force la confrontation et aboutit à une grave atteinte à la liberté d'association protégée par la Charte. Le projet de loi s'attaque non seulement aux droits d'association des fonctionnaires, mais également aux droits individuels de nos membres.
Par suite du projet de loi , la CRTFP — la Commission des relations de travail dans la fonction publique — et le Tribunal de la dotation de la fonction publique seront fusionnés afin de créer une nouvelle entité, la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique.
Un tel exercice vise habituellement à trouver des façons de réaliser des économies, mais, dans les faits, le projet de loi aura l'effet contraire. À l'heure actuelle, tant la CRTFP que le TDFP accusent de longs retards, et il n'est pas évident qu'une fusion permettra de les réduire.
En fait, en exacerbant ces problèmes, le projet de loi fera probablement augmenter le nombre de plaintes, car il imposera le traitement distinct des griefs individuels de nature semblable au lieu d'exiger le recours à l'outil lié aux griefs de principe, outil qui a été créé au titre de la Loi sur la modernisation de la fonction publique de 2005 et qui, à notre avis, a permis de réaliser une foule d'économies en permettant le traitement d'un certain nombre d'affaires individuelles au sein d'un seul et même grief de principe.
[Français]
Le projet de loi dépouille le Tribunal canadien des droits de la personne...
[Français]
Le projet de loi le dépouille de toute compétence quant aux allégations de violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne dans les milieux de travail des membres de la fonction publique et donne au nouveau tribunal la compétence exclusive en la matière. En vertu du régime fédéral actuel, la constatation d'un cas de discrimination à l'encontre d'un employé pourrait susciter une directive enjoignant l'employeur de cesser sa pratique discriminatoire et de prendre des mesures, en collaboration avec la Commission canadienne des droits de la personne, afin de corriger la pratique en question. Or ce pouvoir n'est pas accordé dans le cadre du projet de loi .
[Traduction]
La disposition législative proposée accroîtra l'ampleur du pouvoir discrétionnaire de l'employeur de rejeter des griefs considérés comme frivoles, futiles, vexatoires ou entachés de mauvaise foi. Dans le passé, ce pouvoir était accordé à des organismes indépendants comme le TCDP ou la CRTFP. Que l'employeur ait la capacité de rejeter unilatéralement des griefs avant même leur audition est un fait sans précédent. Il ne faudra pas se surprendre si le nombre de griefs dont sera saisie la nouvelle Commission augmente pour cette raison précise.
En conclusion, je soulignerai que le projet de loi porte atteinte au droit des fonctionnaires de s'associer et de participer à une négociation collective équitable, de même qu'à leur droit individuel à un règlement prompt, efficient et impartial des différends.
La section 17 représente une violation injustifiée de la liberté d'association garantie par la Charte, et elle est inconstitutionnelle.
Les sections 17 et 18 devraient être retirées du projet de loi et traitées de façon distincte de manière à ce que des consultations appropriées puissent être menées auprès des intervenants. C'est ainsi que l'on pourra procéder à une véritable modernisation des relations de travail dans la fonction publique fédérale, et non pas en adoptant le texte législatif régressif qui a été proposé.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Nous avons été heureux de constater, à l'issue de notre examen du projet de loi , que des modifications nécessaires avaient été apportées aux régimes de relations de travail et d'arbitrage. À notre avis, il s'agissait pour le gouvernement du Canada de la chose à faire à ce moment-ci. Cela dit, nous sommes ici aujourd'hui pour formuler des observations à propos de l'inégalité des revenus, du caractère équitable des pensions et des mesures à prendre pour préserver nos aînés de la pauvreté, à savoir trois questions sur lesquelles, à notre avis, le gouvernement devrait se pencher de façon plus minutieuse.
Lorsqu'il s'agit de la rémunération des travailleurs du secteur public, il semble de bon ton par les temps qui courent de comparer leur traitement à celui du 1 % de gens qui se trouvent dans la tranche de revenu la plus élevée de notre société. Il s'agit d'une comparaison totalement erronée. Dans notre société, les personnes les plus riches se préoccupent rarement du salaire que touche le travailleur moyen du secteur public. De même, il serait injuste de juger le salaire d'un travailleur du secteur public en le comparant à celui des plus pauvres de notre société — il s'agirait d'une comparaison complètement déséquilibrée.
Nous suggérons au comité de porter son attention sur le travailleur canadien moyen au moment de tenter de déterminer la rémunération équitable d'un fonctionnaire. Depuis 2003, une augmentation considérable de la rémunération a été observée au sein du secteur public. Selon le DPB, les employés de la fonction publique touchent en moyenne un salaire annuel de plus de 77 000 $. Si nous estimons que cela est alarmant et injuste, c'est que, à l'heure actuelle, au pays, le salaire moyen des travailleurs du secteur privé est à peine supérieur à 40 000 $. En d'autres termes, les travailleurs du secteur privé touchent un salaire inférieur d'environ 48 % à celui des travailleurs du secteur public. Si je ne m'abuse, l'un des témoins que vous avez entendus plus tôt a mentionné cela — il a indiqué qu'il avait constaté le gouffre qui séparait la rémunération dans le secteur public de celle au sein du secteur privé.
À un moment où les tendances inflationnistes créent des difficultés financières pour le travailleur moyen du secteur privé, il est très important, à nos yeux, que le gouvernement prenne des mesures pour remédier à ce déséquilibre financier. Je crois que le projet de loi comporte quelques mesures qui permettraient assurément de le faire.
En outre, la hausse des salaires dans le secteur public a eu une incidence très négative sur les régimes de retraite. Pour chaque dollar versé en salaire à un fonctionnaire, le fonds de retraite doit trouver les moyens de verser 16 $ à un travailleur à la retraite. Lorsqu'on a créé notre régime de pensions, on s'attendait à ce qu'un employé travaille pendant 30 ans environ, qu'il prenne ensuite sa retraite, et que, quelques années plus tard, il décède. Toutefois, l'espérance de vie a considérablement augmenté depuis ce temps. Selon un récent rapport actuariel dont nous disposons, l'espérance de vie moyenne des femmes qui travaillent dans la fonction publique est de 89,4 ans, et celle des hommes, de 87,3 ans.
Cela dit, bien entendu, nous sommes depuis deux ans au coeur d'une vague de départs à la retraite de baby-boomers, et la caisse de bon nombre de régimes de retraite est à sec. Il semble que la hausse des taux de cotisation soit l'unique solution à ce problème. Toutefois, cela ne fonctionnera pas. En fait, au cours des 10 dernières années, les taux de cotisation aux régimes de retraite ont augmenté de plus de 130 %, et il est à présent avéré que les Canadiens investissent autant dans des régimes de retraite du secteur privé que dans leur propre REER. Là encore, cela est injuste envers les travailleurs moyens du secteur privé, qui n'ont pas les moyens de cotiser à leur propre régime de retraite et qui doivent verser des cotisations égales à celles des travailleurs du secteur public. Selon le DPB, si l'on tient compte de ce fait et de quelques avantages, chaque fonctionnaire coûte en moyenne 114 000 $ par année aux contribuables. En fait, l'an dernier, les Canadiens ont versé plus de 34 milliards de dollars dans les régimes de retraite des travailleurs du secteur public.
Fair Pensions for All croit que tous les Canadiens — et non pas uniquement les riches et ceux qui travaillent pour le gouvernement — devraient être en mesure d'épargner en vue de leur retraite.
En outre, l'énorme RPC a beaucoup fait jaser récemment. Nous balayons du revers de la main tout ce qui a été dit, et nous vous demandons de faire de même, vu que, à nos yeux, on tente essentiellement de mener, par un moyen détourné, une opération de sauvetage du régime de retraite des travailleurs du secteur public. Nous vous suggérons de faire fi de cela.
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Enfin, si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais formuler deux ou trois suggestions.
Nous suggérons au gouvernement d'envisager de supprimer les régimes de pension à prestations déterminées des employés du gouvernement et de les remplacer par des régimes de retraite à cotisations déterminées. Selon nous, ces régimes devraient être financés à parts égales par l'employeur jusqu'à concurrence de 3 000 $ par année, ce qui concorderait davantage avec le régime dont peut profiter un travailleur du secteur privé. En outre, nous recommandons au gouvernement de fusionner le RPC, la SV, le SRG et le RRQ afin de créer un seul et même régime de retraite facile à comprendre. Au moment de faire cela — et il s'agit du dernier commentaire que je formulerai, monsieur le président —, le gouvernement devrait, selon nous, utiliser des critères du revenu afin de désigner ceux qui auront véritablement besoin de ce revenu de retraite. Si nous faisons cela dans le cadre de ces régimes de retraite du gouvernement, nous pourrons fournir une aide à ceux qui en ont réellement besoin. Nos travaux révèlent que nous pourrions accroître de 25 000 $ par année le revenu de retraite moyen, et ce, sans augmenter les cotisations.
Sur ce, je remercie les membres du comité. J'ai hâte de répondre à leurs questions. Merci.
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Merci, monsieur le président.
Le Frontier Centre est fier d'avoir été invité à s'adresser aujourd'hui au comité. Il estime que le projet de loi comporte une série de modifications essentielles et d'éclaircissements fondamentaux touchant divers éléments constitutifs du gouvernement du Canada.
Dans le cadre de mon exposé, je m'en tiendrai, comme on me l'a demandé, aux sections 17 et 18 de la partie 3, dont l'objectif consiste à moderniser les processus de négociation collective et les recours accessibles.
Une interprétation très répandue des sections 17 et 18, qui a donné lieu à de nombreuses critiques, semble consister à mettre l'accent sur une volonté du gouvernement de restreindre ou de supprimer, au moyen d'un projet de loi omnibus, les droits des travailleurs, plus particulièrement ceux des travailleurs syndiqués. J'avancerais que la plupart des dispositions des sections 17 et 18 visent à accroître l'efficience des processus relatifs au travail, surtout les mécanismes de recours, ce qui, dans certains cas, permettra d'éliminer des chevauchements et de mettre fin à une confusion inutiles.
De toute évidence, l'élément le plus controversé de ces sections est celui qui concerne la désignation toujours discutable des services essentiels. Le Frontier Centre croit que le temps est venu de tenir un débat public sur le droit de grève au sein du secteur public, et il se réjouit d'avoir l'occasion de formuler des observations à ce sujet. Cela dit, je tiens à souligner d'emblée que la prudence est de mise au moment d'accroître l'ampleur de la désignation des services essentiels.
Il ne fait aucun doute que cette désignation est importante, et qu'elle pourrait être appliquée à plus grande échelle au sein du gouvernement fédéral, mais on risque ainsi de faire une utilisation abusive de cette notion. Tout d'abord, l'accroissement évident, par suite du projet de loi , du pouvoir conféré au gouvernement en la matière pose des difficultés à quelques égards, de sorte qu'il faudrait vraiment que cela fasse l'objet d'un réexamen approfondi. De plus, si le gouvernement utilise trop souvent ce pouvoir, des négociations improductives pourraient s'étendre sur des périodes inhabituellement longues, à moins que les parties s'entendent d'emblée sur une offre finale d'arbitrage exécutoire.
Même si nous soutenons le processus d'arbitrage, et même si nous estimons que, dans le cadre de ce processus, les syndicats s'en sont bien tirés, j'insiste sur le fait que le droit d'un employeur de déterminer qu'un service est essentiel est un droit fondamental, bien qu'un accroissement de la portée de la désignation ou une diminution de la capacité des travailleurs syndiqués de faire la grève ou d'exercer leurs droits en matière de travail provoquera manifestement une importante levée de boucliers. Ainsi, un processus de consultation honnête et à long terme devrait être lancé — si je ne m'abuse, c'est ce que le comité tente de faire, mais j'hésite à dire qu'il ne poussera pas ce processus suffisamment loin.
Les travailleurs syndiqués ne trouveront jamais attrayante une mesure restreignant leur droit de grève ou limitant leur accès à un règlement des griefs par voie d'arbitrage, vu qu'il s'agit là d'options cruciales de dernier recours dans le cas où des processus liés au travail progressent difficilement. À mes yeux, le recours à la grève est devenu beaucoup trop commun. La grève est à présent considérée comme une tactique de négociation plutôt qu'une option de dernier recours. Nous serions donc favorables à des mesures restreignant davantage, dans certaines circonstances, la capacité d'une partie de recourir à la grève. Par conséquent, nous faisons valoir qu'il faudrait restreindre également la capacité des travailleurs de prendre part à un débrayage.
Ce sont les contribuables, et non pas le gouvernement, qui font les frais de tout arrêt de travail dans le secteur public. Les Canadiens paient très cher pour obtenir des services publics censés être de classe mondiale, et ne devraient pas avoir à subir les contrecoups d'arrêts de travail liés à l'instabilité de la main-d'oeuvre. Nous ne voyons pas vraiment pourquoi les contribuables devraient payer pour des services auxquels ils ne peuvent pas accéder, et nous sommes d'avis qu'il est temps que nous nous attaquions à ces questions.
De surcroît, la population a tout intérêt à ce que certains services soient désignés comme essentiels; toutefois, le gouvernement doit être prêt à faire face à la kyrielle de contestations judiciaires qui découleront de l'ampleur du pouvoir de désignation. Au bout du compte, si le projet de loi est adopté, la réussite d'une contestation judiciaire serait tributaire, du moins en partie, de l'ampleur des consultations qui ont été menées et du caractère véritablement impartial de ce processus.
D'autres éléments des sections 17 et 18 — par exemple le recours accru à la conciliation, la prolongation des calendriers de négociation, la rationalisation des processus liés aux recours et aux griefs et la création d'une Commission prenant en charge toutes les affaires — sont très utiles en eux-mêmes dans certains cas, bien que chacun d'entre eux doive être examiné et évalué isolément.
Pour l'essentiel, nous estimons que les objectifs que poursuit le gouvernement au moyen des dispositions des sections 17 et 18 sont très positifs, même si nous nous demandons pourquoi ces mesures sont inscrites dans un projet de loi omnibus. À l'heure actuelle, le statu quo n'est profitable pour aucune des parties à une négociation, et le temps est assurément venu de procéder à un examen de la capacité des employés du secteur public de faire la grève et d'accéder à des mécanismes de recours liés au travail, de manière à ce que les contribuables ne leur servent pas d'otages.
En outre, le recours à des pratiques légitimes, équitables et transparentes constituent de loin le meilleur moyen de réaliser la paix sociale. Nous souhaitons que ces valeurs sous-jacentes soient prises en considération...
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Oui, je vous entends. Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais tout d'abord remercier le comité de m'avoir invité à participer aux présentes consultations.
J'ai travaillé pendant plus de 30 ans dans le domaine des relations de travail au sein des secteurs privé et public. Pendant 20 de ces années, j'ai été négociateur en chef pour le compte du gouvernement du Manitoba en tant qu'employeur, y compris pour le compte d'un certain nombre de ses sociétés d'État et organismes. Je possède donc une vaste expérience d'arbitrage de différends.
Bien honnêtement, je vous dirai que je ne suis pas un ardent partisan de ce type d'arbitrage. Je trouve intéressant de constater que les répercussions du projet de loi sur les négociations collectives et l'éventualité qu'aucune négociation digne de ce nom ne puisse être menée semblent soulever beaucoup de préoccupations. Je crois qu'il est assez bien documenté que l'arbitrage des différends a, sur une négociation, un effet paralysant — c'est l'expression qui est employée, et elle renvoie à la tendance des arbitres à trouver un compromis entre les positions des parties. J'ai constaté — et je crois que cela a été bien établi par des recherches qui ont été menées — que, dans le cadre d'un arbitrage des différends, la négociation consistait dans une large mesure à présenter des demandes excessives, à faire le moins de compromis possible et à tenter de faire intervenir un arbitre pour qu'il coupe la poire en deux. L'arbitrage des différends dans le cadre d'une négociation collective pose de réels problèmes.
En outre, des recherches ont également montré que le recours à l'arbitrage avait des effets semblables à ceux d'un narcotique, dans la mesure où la tendance des parties à déléguer à un arbitre la responsabilité de régler leurs problèmes crée ce que je qualifierais, à défaut d'un meilleur terme, une dépendance, ce qui peut donc avoir un effet nuisible sur la relation entre les parties.
En ce qui concerne le rôle du gouvernement, deux éléments me semblent particulièrement importants. D'une part, il doit veiller à la sûreté et à la sécurité du public, et, d'autre part, il doit utiliser de façon responsable les fonds publics. À mon avis, le gouvernement ne doit pas transiger à propos de la sûreté et de la sécurité du public, et j'estime que, à cet égard, le danger — et cela fait partie intégrante du processus de négociation — tient à ce que, de par sa nature même, une négociation exige que l'on fasse des compromis. En d'autres termes, pour l'essentiel, le gouvernement et les syndicats se trouvent dans une situation où ils compromettent la sûreté et la sécurité d'une partie du public au profit d'une autre. Ainsi, lorsqu'il est question de sûreté et de sécurité, il n'est pas approprié de faire des compromis.
Je ne crois même pas vraiment que ces questions devraient être déléguées, pour ainsi dire, à une tierce partie — une tierce partie n'a pas à imposer un compromis en ce qui a trait à la sûreté et à la sécurité. Il s'agit là d'enjeux fondamentaux. À mon avis, ces questions présentent de multiples difficultés pour le public, peu importe qu'elles soient liées à des services essentiels et qu'elles puissent faire l'objet d'une négociation ou d'un examen par une tierce partie.
Quant à la procédure de règlement des griefs par voie d'arbitrage ou au processus d'arbitrage, quelques personnes ont formulé des observations à ce sujet. Pour ma part, j'oserais dire que, si l'on vous donnait l'occasion de créer en partant de zéro le régime fédéral de traitement des griefs, le régime que vous mettriez au point ne ressemblerait pas à celui qui est actuellement en place. À mes yeux, la procédure idéale de traitement des griefs individuels devrait être efficiente et permettre un règlement définitif des conflits. J'estime que les modifications proposées auront assurément pour effet d'accroître l'efficience de la procédure et qu'elles permettront davantage aux parties d'en arriver à un règlement définitif en supprimant quelques-unes des questions de compétence qui ont nui à la procédure de règlement des griefs par voie d'arbitrage à l'échelon fédéral.
Je souhaite la bienvenue à tous les témoins.
J'ai été frappée par ce que les témoins nous ont dit aujourd'hui durant leurs exposés.
Madame Blais, selon vous, le processus entourant le projet de loi représente une charge contre la procédure établie. Plusieurs témoins ont soulevé de véritables préoccupations concernant le recours à des projets de loi omnibus, et ce, peu importe leur opinion sur les dispositions particulières du texte législatif. Il s'agit du quatrième projet de loi budgétaire omnibus auquel nous avons affaire. J'ai également entendu des témoins dire qu'ils étaient préoccupés du fait que le gouvernement avait contourné la procédure régulière en omettant de mener des consultations.
Ma question s'adresse aux trois témoins présents dans la salle, à savoir Mme Roy, Mme Blais et M. Barrett. Est-ce que le fait que le gouvernement ne trouve pas le temps de suivre la procédure régulière s'explique par la situation extrêmement critique dans laquelle se trouvent actuellement les relations de travail? Y-a-t-il péril en la demeure? Est-ce que les grèves au sein des secteurs sous réglementation fédérale sont si nombreuses que le gouvernement n'a d'autre choix que de brandir la hache de guerre, c'est-à-dire d'utiliser un projet de loi budgétaire omnibus? Est-ce que nous sommes aux prises avec des hausses salariales débridées et des lieux de travail déchaînés? À votre avis, y a-t-il quelque chose qui justifie le fait que le gouvernement ait employé un tel processus?
:
Merci, monsieur le président.
Merci à tous de participer à la présente séance. Le groupe de témoins que nous accueillons est composé de gens extraordinaires.
J'aimerais m'adresser au représentant de Fair Pensions for All. On a posé la question de savoir si nous étions en situation de crise. Durant notre discussion avec le groupe de témoins précédent, j'ai avancé que la situation avec laquelle nous sommes aux prises découlait partiellement — voire totalement — du fait qu'il y a quelque chose que nous devons absolument faire. Je n'aborderai pas à ce moment-ci la question des écarts salariaux.
L'organisation que vous représentez s'occupe de la question des pensions depuis un bon moment. Je me suis tenu au courant de vos travaux. J'ai lu une foule de documents que vous avez publiés. J'aimerais que vous nous disiez s'il y a une crise dans le domaine des pensions et que vous indiquiez à quel point il est crucial que nous nous attaquions à la question des déficits des régimes de pensions à prestations déterminées. Je vous demanderais de parler plus précisément de quelques régimes de pensions du secteur public, aux échelons non seulement fédéral, mais également provincial et municipal. En outre, si vous avez une solution à ce problème, j'aimerais que vous la mentionniez.
J'ai lu ce que vous dites dans votre mémoire à propos du régime canadien d'épargne-retraite que vous proposez, et j'aimerais que vous nous disiez quelques mots là-dessus, si vous avez le temps de le faire. Allez-y.
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Y a-t-il une crise? Oui. Nous avons examiné tous les régimes de pension, et nous avons constaté qu'ils affichent tous un déficit actuariel qui ne cesse de croître.
Par exemple, nous nous sommes récemment penchés sur le RREMO, le régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario. Nous avons été invités à assister à une conférence où on a demandé aux représentants du régime s'il serait possible d'y mettre tout simplement fin. Tous ceux qui cotisent au régime touchent leurs prestations de retraite, mais sans plus. C'est tout ce à quoi ils ont droit.
Un actuaire a répondu que, malheureusement, il n'était pas possible de faire cela, car cela créerait un déficit de 40 milliards de dollars. Il s'agit d'un montant notable, car il s'agit simplement de verser aux gens ce qu'on a promis de leur verser aujourd'hui, et non pas demain — il s'agit non pas de leur verser aujourd'hui un montant forfaitaire couvrant l'ensemble des engagements pris à leur égard, mais de leur verser des montants pour le reste de leur vie. Comme le régime n'est pas suffisamment financé, il n'est pas possible de verser aux cotisants ce qui leur a déjà été promis, ce qui est effrayant. Le régime a besoin de fonds supplémentaires afin d'honorer les engagements déjà pris à l'égard des cotisants.
Ainsi, que se passera-t-il demain, lorsque le régime devra également s'acquitter de ces obligations? Qui paiera pour cela? Il s'agit là du premier problème.
Il semble que la principale mesure que l'on ait prise consiste à hausser les taux de cotisation. Dans de tels cas, il faut que le contribuable du secteur privé verse en contrepartie un montant équivalent. Pour être en mesure d'affecter des sommes à cette fin, il doit essentiellement piger dans son propre budget.
Nous constatons que, aux trois échelons de gouvernement, les cotisations de retraite augmentent, et cela laisse un déficit au chapitre de l'infrastructure. Il s'agit là d'un autre problème très réel auquel le gouvernement devra s'attaquer à mesure que les taux de cotisation continuent d'augmenter.
Cela dit, nous avons présenté une solution, qui consiste essentiellement à mettre fin aux régimes à prestations déterminées, à instaurer un régime à cotisations déterminées et à augmenter le montant moyen ou minimal qu'il est possible de toucher à la retraite. À l'heure actuelle, il est d'environ 18 000 $. Nous aimerions qu'il soit augmenté à 25 000 $.
À notre avis, il est possible de recourir aux critères du revenu. Ainsi, si un retraité ayant cotisé à un régime à prestations déterminées touche un revenu de retraite supérieur au revenu de travail moyen au pays, il ne touchera pas de prestations du RPC et de la SV. Ces sommes seront réinvesties dans le système de manière à ce que les personnes les plus démunies de notre société, celles qui touchent un revenu inférieur au seuil de la pauvreté — par exemple la mère de famille qui a consacré sa vie à élever ses enfants et n'a pas pu mettre d'argent de côté pour l'avenir — verraient leur revenu de retraite augmenter.
À mon avis, il s'agit là de la voie que nous devons vraiment emprunter. Prenons de l'argent à ceux qui touchent actuellement un excellent revenu de retraite, et transférons-le à ceux qui en ont réellement besoin.
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D'accord, j'avais mal interprété vos propos.
Madame Roy, vous avez dit quelque chose qui m'a marqué, à savoir le fait que des griefs étaient rejetés avant même d'avoir été entendus. Je trouve cela étrange.
Des représentants d'une organisation nous ont présenté un excellent témoignage, mais si vous aviez vraiment frappé, si je peux dire, un coup de circuit sur un sujet précis... Le délai pour le dépôt d'amendements a expiré ce matin, à 9 heures. Les jeux sont faits, rien ne va plus.
En ce qui concerne les deux groupes de témoins que nous avons entendus aujourd'hui et le fait de tomber dans le piège de modifier des lois en fonction d'un cas particulièrement extrême, ce qui me frappe... Le représentant de la Fédération canadienne des contribuables qui a témoigné aujourd'hui a mentionné un cas qui devrait nous inciter à modifier des règles. Toutefois, le témoignage que vous nous avez présenté aujourd'hui... L'harmonie et les progrès que nous avons observés au fil des ans sont le résultat de consultations et de la recherche du consensus. Les employeurs, les sociétés d'État, les ETCOF — tout le monde adhère au processus.
À votre avis, est-ce que le témoignage livré aujourd'hui par le représentant de la Fédération canadienne des contribuables marque une rupture avec cela? Il ne s'agit pas d'un spécialiste — il ne semble pas posséder d'expérience dans le secteur des relations de travail ou dans quoi que ce soit du genre. Il s'agit d'un détournement de processus, et le résultat compromet davantage les relations non seulement dans l'immédiat, mais également à plus long terme.
Est-ce que quelqu'un veut formuler des observations là-dessus?
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Le premier élément, c'est l'idée de commencer le processus de négociation collective un an avant l'expiration de la convention. Je ne sais pas pourquoi on procède ainsi. Je ne crois pas vraiment que ce soit une amélioration. Selon moi, peu de négociations sérieuses auront lieu durant les six premiers mois. Les négociations ont tendance à s'intensifier lorsqu'on approche de la date d'expiration. Je dois dire que je ne suis pas nécessairement en faveur de cette modification.
Le deuxième élément est absolument critique. Vous faites référence à la notion de rémunération totale, qui permet de ne pas simplement comparer les salaires des membres de l'unité de négociation avec ceux dans le secteur privé ou offerts dans d'autres types d'emplois. On compare la rémunération, les avantages sociaux et la pension; en fait, on compare l'ensemble de la rémunération. C'est quelque chose qui manque vraiment dans le processus d'arbitrage des différends, dans le cadre duquel les arbitres y vont, un enjeu à la fois, sans tenir compte de la vue d'ensemble. Franchement, dans le secteur privé, si on donne 1 $ à quelqu'un, que ce soit en avantages sociaux ou en salaire, c'est tout de même 1 $. Il faut trouver une façon de générer ce dollar. Selon le domaine, cela signifie qu'il faut générer 2 ou 3 $ de plus en recettes pour pouvoir se le permettre. La démarcation entre les salaires ou les avantages sociaux et les fonds de pension est artificielle, et c'est la raison pour laquelle je crois vraiment au modèle fondé sur la rémunération totale.
Avant notre groupe, une intervenante a parlé du poste de mécanicien qualifié sur engin lourd de l'AFPC, à Moose Jaw, et d'un poste équivalent dans le secteur privé. Elle a souligné que, au bout du compte, le travailleur de l'AFPC était payé moins que le mécanicien du secteur privé. En fait, si l'on tient compte de la rémunération totale, je crois que le travailleur de l'AFPC s'en sort beaucoup mieux que le travailleur du secteur privé. C'est l'une des raisons pour lesquelles il n'y a pas de problème de recrutement ni de maintien en poste dans le secteur privé, et c'est pourquoi je suis très favorable à ces changements.
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J'aimerais revenir sur certains des commentaires formulés plus tôt en ce qui a trait au caractère constitutionnel et qui, selon moi, sont liés à votre question. Le véritable abus, comme la Cour suprême du Canada l'a dit, c'est que la Charte des droits donne au moins autant de protection aux Canadiens que les protections juridiques internationales touchant la liberté d'association. De plus, le droit international protège le droit de grève. C'est une question dont est actuellement saisie la Cour suprême du Canada.
Nous savons aussi deux choses par rapport à ce que le Comité sur la liberté d'association de l'OIT a dit au sujet de deux aspects critiques du projet de loi. J'ai essayé de porter à l'attention du comité dans mon mémoire, à la page 7, l'un de ces éléments. Cela concerne un dossier de Terre-Neuve qui s'est rendu devant l'OIT et dans le cadre duquel la législation prévoyait que, si 50 % des membres étaient désignés comme étant essentiels, on pouvait avoir accès au processus d'arbitrage. L'OIT a tranché et indiqué que, dans ce dossier, même à 50 %, on privait les travailleurs d'un important droit de négociation.
Ensuite, une décision récente a été rendue dans le sillage du texte législatif que le gouvernement a adopté ici, à Ottawa, la Loi sur la protection des services aériens. La législation prévoit que l'arbitre doit être guidé par certains critères unilatéraux. Ce n'était pas dit aussi clairement dans la loi, mais elle précisait qu'il faut accorder la prépondérance aux priorités fiscales énoncées du gouvernement ainsi qu'aux priorités budgétaires. Dans un dossier qui vient de paraître cette année, en septembre, je crois, le comité sur la liberté d'association a indiqué qu'on ne peut pas miner l'indépendance des arbitres. Si on retire aux gens le droit de grève, il faut leur donner accès à un processus indépendant.
Pour terminer, en 1987, le juge en chef Dickson, un des juges qui, à l'époque, avaient déterminé qu'il fallait protéger le droit de grève, a dit précisément dans sa décision — et je crois que cela sera très important pour la Cour suprême du Canada — que lorsqu'on indique qu'un arbitre doit accorder plus de poids à un facteur qu'à un autre, à la faveur de l'employeur, on ne peut pas affirmer qu'il s'agit d'une restriction raisonnable aux termes de la Charte.
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Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec M. Jean.
Je tiens à souhaiter la bienvenue aux témoins.
Un élément de la discussion sur lequel je reviens toujours, comme je l'ai mentionné dans mes dernières questions, c'est la responsabilité des législateurs ou des gouvernements de trouver un juste équilibre, et je crois que, de leur côté, les syndicats doivent aussi participer à cet équilibre, même si ce n'est pas toujours facile.
À ce sujet, j'aimerais me tourner vers M. Murray, du Frontier Centre for Public Policy. Un des témoins a dit que, au plus fort de la crise économique, nous avons perdu de 400 000 à 500 000 emplois sur une période relativement courte et, malgré tout, la taille de la fonction publique s'est accrue.
Je crois que c'est la même chose partout au pays. Chaque fois qu'on tente de moderniser et de restructurer le processus de résolution des conflits pour le rendre plus rentable, plus rapide et plus conforme à celui des autres administrations, chaque fois que quelqu'un demande un changement, il y a toujours quelqu'un d'autre pour dire qu'il ne faut rien changer.
Que font les autres administrations canadiennes?
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Je sais que la plus récente expérience sur laquelle nous avons effectué des recherches visait le secteur public de l'Ontario, particulièrement le secteur de l'éducation, et ce, principalement en raison du fait qu'il s'agit d'un système qui, depuis quelques années, ne fonctionne tout simplement plus, vu certaines relations ambiguës.
Pour revenir sur le témoignage précédent, si vous me le permettez, j'aimerais faire valoir qu'il faut vivre dans le présent. Nous vivons actuellement une crise, et le débat doit avoir lieu. Mais je me permets de remettre en question la façon dont on procède. Si c'est si important et si pressant pour des raisons budgétaires, politiques ou en raison d'enjeux liés aux relations de travail ou pour d'autres raisons, il faudrait prévoir un processus de consultation spécialement pour l'occasion et un projet de loi distinct afin que nous puissions examiner plus en détail certains de ces enjeux.
Mais, pour revenir à la question, si vous me le permettez, à la lumière de ce qui se fait dans certaines provinces en matière de négociation collective dans le secteur de l'éducation, ce que nous avons constaté récemment, c'est que le gouvernement est d'une incompétence notoire pour ce qui est de négocier. Dans le cadre de certaines discussions concernant les secteurs public et privé, Frontier a dit clairement qu'une des solutions à envisager serait de privatiser certaines de ces sociétés d'État.
Postes Canada est un exemple intéressant, parce que maintenir le droit de grève dans le secteur privé, c'est une chose, tant qu'il y a des compétiteurs qui vous talonnent. En fait, la taille du gouvernement, son ampleur et le simple fait qu'il doive participer à des négociations collectives ont vraiment compliqué les choses et, dans certains cas, rendu la situation extrêmement complexe.
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Merci, monsieur le président.
Je dois dire que j'ai aussi été avocat. Je le suis toujours, j'imagine, c'est ce que me dit le Barreau.
Je remarque que vous avez été admise au Barreau en 1997. Pour ma part, c'était en 1993, mais je suis ici depuis 10 ans. Jusqu'en 2004, lorsque j'ai été élu, je n'avais jamais vu qui que ce soit donner aux autres de l'argent qui ne lui appartenait pas, comme le faisaient les juges. Ce que j'essaie de dire, c'est que dans les cas de pensions alimentaires, ou lorsqu'il était question d'affaires de nature civile, les juges, c'est ce que j'ai remarqué, donnaient très facilement de l'argent qui ne leur appartenait pas — celui de l'autre partie — à la partie lésée. Je dois dire que, depuis, j'ai changé d'opinion, parce que je n'ai jamais vu personne essayer autant de régler les problèmes avec de l'argent que le font les gouvernements.
Je suis d'accord avec le dernier intervenant, qui a dit que, lorsque les gouvernements ont des problèmes, ils dégagent des fonds, parce que c'est une solution plus facile que d'avoir à subir une mauvaise presse. C'est un choix difficile pour un gouvernement de se tourner vers sa fonction publique et de dire, écoutez, nous avons un problème, prenons du recul et essayons de le régler.
Je vois que vous êtes d'accord avec moi, madame Blais.
Ce que j'essaie de dire, c'est que je suis l'un des rares qui croient vraiment que les procureurs de la couronne ne sont pas assez payés. À Fort McMurray, durant ma première année au Barreau, j'ai fait deux fois plus d'argent que les procureurs de la couronne qui avaient 10 ans d'expérience. J'ai vérifié les statistiques. J'ai regardé ce qui en était et je me suis dit que je n'allais jamais devenir procureur de la couronne, parce qu'ils font 85 000 $ par année. À Fort McMurray, ce n'est pas suffisant pour subvenir à ses besoins.
Diriez-vous que les statistiques ne mentent pas en général?
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Merci, et bienvenue à tous nos témoins. J'apprécie le fait que vous soyez là.
Vous serez heureux de savoir, monsieur Barrett, que je vous ai décrit à mon collègue, M. Cuzner, comme le Wayne Gretzky du droit du travail. Et je le crois sincèrement. J'ai admiré votre carrière pendant de nombreuses années.
Vos commentaires méritent qu'on s'y attarde plus longuement que le temps qui vous a été accordé. Vous avez parlé du conflit inhérent entre le rôle d'employeur et de législateur du gouvernement. M. Yussuff, avant vous, a formulé un commentaire au nom du CTC et a affirmé que c'était un peu comme être arbitre et joueur sur un terrain de soccer, pour mélanger les métaphores, j'imagine. C'est probablement pourquoi les consultations sont aussi essentielles lorsque le gouvernement a toutes les cartes comme c'est le cas ici. La Cour suprême a souligné à quel point les consultations étaient essentielles.
Vous étiez conseiller, entre autres, dans le cas du projet de loi 29, lorsqu'un autre gouvernement de droite, d'où je viens, s'est fait taper sur les doigts sans cérémonie par la Cour suprême du Canada. Croyez-vous que le présent projet de loi fait l'objet des mêmes critiques en raison du manque de consultation touchant les amendements dont nous sommes saisis?
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Je crois que bon nombre des témoins que vous avez reçus semblent du même avis, y compris le représentant du Frontier Centre. En fait, c'est l'un des sujets sur lesquels nous nous entendons, ce qui n'arrive pas souvent. Je crois que lorsque lui, moi et beaucoup d'autres intervenants se disent préoccupés au sujet du manque de consultations, c'est que la situation est préoccupante. Et on ne parle pas seulement de consultations en raison du manque de consultations, mais parce que la Cour suprême du Canada a affirmé que, avant de bafouer les droits fondamentaux des travailleurs, il faut procéder à des consultations. On parle de consultations, parce que, comme le Congrès du travail du Canada l'a souligné ce matin, elles sont particulièrement essentielles quand — et c'est une situation que je vois souvent parce que je négocie principalement dans le secteur public — le gouvernement est constamment un intervenant, que ce soit, comme en Ontario, en raison du financement qu'il fournit pour les hôpitaux et les conseils scolaires — et il est donc extrêmement intéressé par le résultat des négociations collectives —, ou, dans le cas du gouvernement de l'Ontario ou du gouvernement fédéral, parce qu'il est l'employeur et, par conséquent, il est directement intéressé par le résultat de la négociation collective. Dans ce contexte, je crois que la raison pour laquelle, historiquement, tous les autres gouvernements avant celui-ci ont procédé à des consultations fructueuses avant d'introduire ce genre de changements importants, c'est qu'ils savait qu'il était inapproprié, compte tenu de leur conflit d'intérêts inhérent, d'agir de façon unilatérale sans, au moins, essayer de créer un consensus, sans prendre le temps d'obtenir les commentaires et d'assurer la participation des intervenants touchés.
Quelqu'un a posé une question plus tôt au sujet des autres administrations. Un critère en la matière consiste à se demander si ce que le gouvernement fédéral propose ici est conforme à l'approche généralement acceptée à l'échelle du Canada, par les gouvernements conservateurs, les gouvernements libéraux et le gouvernement néo-démocrate occasionnel. L'approche est-elle conforme à celle utilisée par les autres gouvernements dans le cadre des négociations collectives avec leurs employés ou les employés du secteur public en général? La réponse est univoque: non. Elle n'est ni équitable ni raisonnable, et ce, à au moins deux égards. Pour commencer, lorsqu'il est question de services essentiels, j'ai entendu le ministre Clement dire que le gouvernement doit voir à la sûreté et à la sécurité durant une grève. Personne ne dit le contraire. Cependant, dans toutes les autres administrations, cet objectif est réalisé tout en permettant une forme de surveillance indépendante. Il ne faut pas laisser le gouvernement, qui a un intérêt direct quant à savoir qui peut déclencher une grève, prendre la décision de façon unilatérale.
Enfin, lorsqu'il est question d'arbitrage, il n'y a aucune autre administration qui exige de l'arbitre, dans un tel contexte, qu'il donne plus de poids aux priorités budgétaires choisies unilatéralement par le gouvernement, ce qui aurait pour effet de lui donner un net avantage.
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Je n'ai pas le temps de... J'y reviendrai peut-être si c'est possible.
Madame Blais, au nom des avocats du ministère de la Justice, je vous félicite pour votre exposé et, franchement, pour le courage dont vous avez fait preuve en venant ici. Je tiens à le souligner parce que, bien sûr, nous savons tous qu'Edgar Schmidt est l'un de vos membres. C'est un dénonciateur. Il a souligné l'incapacité du gouvernement à procéder adéquatement à des examens de la législation fédérale fondés sur la Charte, et il a par la suite été suspendu par le ministère de la Justice pour avoir porté cette situation à l'attention des tribunaux, et ce, malgré les commentaires cinglants du juge de la Cour fédérale. Le fait que vous soyez ici est un geste très courageux. J'apprécie vos remarques bien senties compte tenu de la situation.
Une des choses que vous avez soulignées, et, selon moi, vous n'en avez pas parlé assez, raison pour laquelle je veux vous donner l'occasion d'y revenir, c'est la question des coûts. Vous avez dit que les coûts allaient augmenter. On se serait attendu à ce que le gouvernement s'en rende compte et prenne la chose au sérieux.
Pouvez-vous préciser pourquoi, selon vous, le processus sera plus dispendieux?
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Dans mon exposé, j'ai mentionné trois éléments, et tout particulièrement les grèves. Lorsque les membres doivent déclencher une grève parce qu'il s'agit de leur unique outil de négociation, les services ne sont plus fournis aux Canadiens. Nous nous demandons bien en quoi cela permet de préserver l'argent des contribuables. On n'a qu'à penser aux agents du service extérieur; c'est un exemple très récent et très concret de cela.
Le deuxième exemple est la complexité accrue du processus de traitement des griefs. L'AJJ utilise des griefs de principe collectifs. Un grief de principe collectif nous permet de déposer un grief en tant qu'association lorsque nous estimons qu'il y a eu manquement aux dispositions d'une convention collective. Cela nous évite d'avoir à déposer 2 700 griefs différents lorsque nous demandons une réparation rétroactive. Le projet de loi C-4 élimine cette possibilité, ce qui signifie que, possiblement — pour notre groupe du moins, et nous sommes l'un des plus petits —, il faudra déposer 2 700 griefs distincts pour obtenir réparation. En quoi cela est-il économique?
Enfin, en ce qui concerne le fait que le président pourra examiner la décision d'un arbitre — en passant, cela n'est permis dans aucune autre administration au pays, tout simplement parce que ce n'est pas efficace —, on ajoute une autre couche de bureaucratie en plus des autres coûts, qui sont bien réels. De plus, il y a une possibilité d'ingérence politique, de biais et ce genre de choses. Écoutez bien ce que je vais vous dire: il y a des répercussions sur les coûts lorsqu'on rajoute une couche de bureaucratie.
Nous avons mentionné trois exemples concrets concernant le fait que le projet de loi ne permet pas de réduire les coûts.
Merci.
Merci beaucoup, monsieur Rankin.
C'est moi qui vais poser la prochaine série de questions, en tant que président. J'aimerais avoir deux points de vue sur les services essentiels. Je veux approfondir cette question.
Je remercie tous les témoins de leur exposé et de leur mémoire.
Dans votre mémoire, monsieur Barrett, voici ce que vous avez dit au sujet des services essentiels:
[...] le projet de loi accorde au gouvernement le droit exclusif de « décider que des services, installations ou activités de l'État fédéral sont essentiels parce qu'ils sont ou seront nécessaires à la sécurité de tous ou partie du public », éliminant ainsi tout recours à la CRTFP en cas de dispute.
Vous avez reconnu que la définition de service essentiel reste à établir, mais c'est évidemment les ententes sur les services essentiels qui seront touchées.
Puis, vous ajoutez: « L'employeur est tenu d'aviser par écrit l'agent négociateur au moins six mois avant la date où un avis de négocier peut être émis, ou dans les 60 jours suivant l'accréditation du syndicat. » Vous dites avec justesse que cela a un impact sur les ententes sur les services essentiels.
Si l'on examine la liste des exemples de services essentiels — la sécurité à la frontière, les services correctionnels, l'inspection des aliments, les enquêtes en cas d'accident lié à la sécurité, la sûreté marine et la sécurité nationale —, on constate qu'il s'agit d'une liste très raisonnable.
J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus, parce que je crois que, probablement, les trois témoins seront d'accord, puis M. Murray pourrait peut-être commenter.
Je sais que vous ne serez pas d'accord, mais je veux que votre opinion figure dans le compte rendu...
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Je n'ai pas vu la liste dont vous parlez. J'ai entendu le ministre dire à la radio qu'il allait déterminer après coup les services essentiels et les services qui ne le sont pas. Mais, s'il y a une liste, c'est parfait.
Ce que j'essaie de dire, c'est que, en vertu du régime actuel et en vertu des régimes en place dans toutes les autres provinces sauf pour la Saskatchewan — et, la Cour suprême du Canada sera bientôt saisie de ce dossier —, la réponse courte est oui. Les gens ne croient pas que l'employeur peut exercer un pouvoir discrétionnaire absolu pour décider, dans le cas du gouvernement fédéral, qui joue un rôle essentiel pour assurer la sûreté et la sécurité.
Il y a d'autres critères dans d'autres textes législatifs, mais dans toutes les autres administrations, sauf la Saskatchewan, la décision n'est pas prise unilatéralement par l'employeur, le gouvernement. L'employeur peut formuler une proposition, les parties négocient, et, au bout du compte, un tribunal indépendant supervise le tout. Un tel cadre est considéré comme nécessaire pour assurer l'équité du système. Et tout particulièrement ici, parce que le gouvernement peut déterminer que jusqu'à 79,99 % des employés sont essentiels, puis forcer le syndicat à déclarer une grève parce qu'il n'y a pas de possibilité d'arbitrage.
Je crois que la préoccupation vient du fait que ces expressions peuvent être interprétées différemment. C'est la raison pour laquelle, dans toutes les autres administrations, un conseil du travail assure une surveillance. Comme je l'ai dit précédemment, je ne connais aucun élément probant selon lequel les conseils de travail se sont trompés — au contraire, les syndicats sont habituellement critiques à l'égard des conseils du travail, qu'ils jugent trop respectueux de l'employeur.
Malgré tout, il y a un certain examen. La plainte, pour que vous me compreniez bien, c'est que le droit d'examen qui a été une caractéristique prédominante de la législation, et qui, en fait, a permis au gouvernement de déterminer le palier en raison d'un arrêt de la Cour suprême du Canada de 1982... L'élimination de cet examen est à l'origine des plaintes des gens.
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Bien sûr. Merci, monsieur le président.
Pour revenir à l'une de vos questions initiales, je ne crois vraiment pas qu'on change le sens. Je crois que, en fait, ce avec quoi on est aux prises, ce n'est pas qu'il y a des raisons empiriques de croire qu'il y aura une révision fondamentale des services jugés essentiels, c'est plus que ça. Tout d'abord, on a des craintes et des préoccupations, ce à quoi s'ajoute le fait que le projet de loi n'est pas parfaitement clair quant à savoir pourquoi on présente les choses ainsi.
Je suis d'accord pour dire qu'un droit d'examen est une composante essentielle en raison du fait qu'on ne peut pas utiliser à outrance la désignation de service essentiel. Je crois que, si on surutilise cette désignation, ce que le gouvernement a le droit de faire, il pourrait y avoir des problèmes en cours de route.
Au bout du compte, je crois qu'il faudrait avoir une discussion sur la définition de sûreté et sécurité. Actuellement, la liste que vous avez lue se limite à la sûreté et la sécurité physiques, mais je crois, comme on l'a vu plus récemment avec les gouvernements, durant la crise économique, à la fois au niveau provincial que certaines discussions au sein du gouvernement fédéral... La sécurité économique pourrait-elle faire partie de la liste? Et pourrait-elle mener à la désignation de service essentiel? Quelles sont exactement les limites touchant la sûreté et la sécurité?
Je crois que la véritable préoccupation n'est pas nécessairement liée à l'esprit de ce qui est proposé, mais plutôt à l'ambiguïté de certaines des expressions utilisées dans le projet de loi.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je ne peux pas m'empêcher de faire une remarque. Je ne suis pas juriste, mais j'ai tout de même eu le privilège de faire partie du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, tout comme mon collègue Brian Jean. Or sa remarque sur la frivolité des juges par rapport à l'austérité ou la responsabilité du gouvernement m'a fait sourciller, considérant la façon dont a été gérée l'affaire impliquant Nigel Wright et Mike Duffy. Quoi qu'il en soit, je vais revenir à notre sujet.
Madame Roy, lors de la première séance consacrée à l'étude du projet de loi C-4, nous avons reçu les fonctionnaires. J'ai pu obtenir certaines réponses que j'ai trouvées particulièrement troublantes. Quand j'ai demandé à M. Dennis Duggan si des secteurs ou des catégories d'employés pourraient être strictement exclus de la définition de service essentiel, il m'a répondu ceci:
[Traduction]
« Exclus. De mémoire, non. »
[Français]
Plus tard, je lui ai demandé quel recours aurait une unité de négociation ou un syndicat si le gouvernement incluait de façon abusive une catégorie d'emploi dans la définition de service essentiel. Je lui ai demandé s'il s'agirait d'un recours aux tribunaux. Il m'a répondu ce qui suit:
[Traduction]
« Comme je l'ai mentionné plus tôt, le processus initial inclurait une période de consultations avec l'agent négociateur en question, mais, sinon, ce serait une révision judiciaire. »
[Français]
J'aimerais connaître votre avis sur cette orientation assez troublante vers le judiciaire.
:
En effet, ce sont des commentaires assez troublants sur certains aspects. L'un de ces aspects est l'incertitude que suscitera la désignation des services essentiels. Le ministre Clement a fait des commentaires là-dessus, auxquels mon collègue M. Barrett a fait référence. Il ne faut pas se leurrer. La désignation des services essentiels est une question sur laquelle la Commission des relations du travail pouvait se pencher, et elle l'a fait. Ce sont des changements qui résultent de la loi de 2005. Ce n'est pas vieux. Il y a eu des cas où la Commission des relations du travail a dû se pencher sur une décision du gouvernement pour déterminer si un service était vraiment essentiel. Dans certains cas, les arguments du gouvernement n'ont pas été acceptés.
Ce projet de loi est une revanche vis-à-vis des cas que le gouvernement a perdus devant les tribunaux administratifs. En enlevant complètement du portrait les tribunaux administratifs, il ne nous reste, en tant que syndicat, que la voie du contrôle judiciaire. Comme le contrôle judiciaire aura lieu devant un tribunal judiciaire, cela coûtera de l'argent non seulement au syndicat, mais aussi au gouvernement.
Le projet de loi est formulé de façon tellement unilatérale que c'en est troublant pour les syndicats. Non seulement le projet de loi prévoit-il un pouvoir exclusif, mais en plus, il contient une clause stipulant que rien dans ce projet de loi ne vient affecter l'exclusivité de ce pouvoir. C'est comme une double protection. Ce sera aux syndicats d'aller faire valoir leurs arguments devant la Cour fédérale pour la convaincre que la décision du ministre à cet égard était soit incorrecte, soit déraisonnable. Avec un libellé aussi large, il sera très difficile de convaincre une cour de faire quelque intervention que ce soit.
Gagner une cause à la Cour fédérale représente un grand défi, et pour se rendre jusque-là, il y aura des coûts, des dépenses et des délais additionnels.