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Bonjour. Comment va tout le monde aujourd'hui?
Soyez les bienvenus à cette 120e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie, séance au cours de laquelle nous allons poursuivre l'examen prévu par la loi de la Loi sur le droit d'auteur.
Avec nous, aujourd'hui, de la Fédération canadienne des musiciens, nous recevons M. Alan Willaert, vice-président pour le Canada; de la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec, M. Éric Lefebvre, secrétaire-trésorier; et de l'Association canadienne des éditeurs de musique, Mme Margaret McGuffin, directrice exécutive.
Avant de commencer, je tiens à vous signaler que jeudi prochain, il va y avoir environ sept votes à la Chambre. Étant donné la qualité des témoins que nous attendons pour cette séance, je préfère de ne pas l'annuler. Êtes-vous d'accord pour prolonger cette réunion d'une demi-heure?
Avez-vous un avion à prendre? D'accord. Nous allons voir ce que nous pouvons faire.
La parole est à M. Willaert, pour sept minutes.
Je m'appelle Alan Willaert et je suis le vice-président pour le Canada de l'American Federation of Musicians of the United States and Canada. Au Canada, notre organisation s'appelle la Fédération canadienne des musiciens et elle compte 17 000 membres, mais nous représentons également tous les musiciens visés par la Loi sur le statut de l'artiste.
Permettez-moi de commencer par quelques statistiques — elles risquent de vous ébranler un peu —, statistiques qui sont à la base de mon raisonnement et de mes recommandations.
Le Canada compte environ 33 750 musiciens et chanteurs professionnels, et la proportion de travailleurs autonomes au sein de ce groupe est très supérieure — 80 % — à celle enregistrée au sein de la population active en général. Les artistes sont beaucoup plus scolarisés que la moyenne des travailleurs: 44 % d'entre eux ont au moins un baccalauréat, soit le double par rapport à la moyenne. Le revenu annuel moyen de la population active est de 48 100 $. Le revenu individuel moyen des musiciens et des chanteurs est de 17 699 $, mais leur revenu individuel médian est de 11 431 $. Il est aussi intéressant de remarquer qu'il y a autant de chanteuses que de chanteurs. Ceux qui gagnent le plus ont entre 45 à 54 ans, et le nombre d'artistes a augmenté de 50 % depuis 1989.
Il importe aussi d'examiner la situation dans une perspective globale. Avec des recettes de 53,2 milliards de dollars, l'industrie des arts et de la culture est responsable de 3,4 % du PIB du Canada, le produit intérieur brut. Elle dépasse en cela l'industrie de l'hébergement et de la restauration, et pèse deux fois plus lourd dans la balance que le secteur « agriculture, foresterie, chasse et pêche ». Plus précisément, les spectacles génèrent des recettes de plus de 2 milliards de dollars et les enregistrements comptent pour 500 millions. Or, avec des profits d'une telle ampleur, comment se fait-il que le revenu médian des musiciens soit si bas? S'il ne se retrouve pas dans les poches des musiciens, où s'en va l'argent?
Pour remédier à certains problèmes, nous recommandons bien entendu la modification de la Loi sur le droit d'auteur. Tout d'abord, nous recommandons la modification de la définition d'« enregistrement sonore » afin de permettre aux artistes d'obtenir des redevances lorsque les enregistrements de leurs prestations musicales sont utilisés dans la trame sonore d'oeuvres audiovisuelles diffusées ou mises en ligne. Bien entendu, pour faciliter cela, nous recommandons la ratification et la mise en vigueur du Traité de Beijing.
Nous recommandons également la suppression de l'exemption de redevances de 1,25 million de dollars accordée aux radiodiffuseurs commerciaux. Chose intéressante à souligner: lorsque cette disposition a été instaurée, elle ne devait s'appliquer qu'aux stations mineures dont les revenus publicitaires ne dépassaient pas 1,25 million de dollars, sauf que la dispense a fini par s'appliquer à la première tranche de revenus publicitaires de 1,25 million de dollars pour toutes les stations. C'est une situation qui doit être corrigée sans faute.
De plus, nous recommandons d'étendre la portée de la « copie pour usage privé » afin d'inclure les nouvelles technologies de reproduction. C'est quelque chose qui va de soi. Personne n'utilise plus les cassettes et les CD-R. Tout se fait désormais en numérique. Nous recommandons la réforme de la Commission du droit d'auteur. Nous recommandons la réduction du piratage dans la sphère numérique. Bien entendu, cela signifie que nous préconisons le renforcement de la réglementation visant les fournisseurs de services Internet, notamment par l'instauration d'un régime d'avis et de retrait semblable à celui qui s'applique aux États-Unis.
Nous exhortons également le gouvernement à travailler avec le secteur de la musique afin de faciliter le passage des quotas de contenu et du système MAPL de l’analogique au numérique, de manière à ce qu'il puisse réglementer l'industrie de l'écoute en continu. L'écoute en continu doit être réglementée, car c'est une industrie qui atteindra bientôt les 70 milliards de dollars à l'échelle mondiale. Nous sommes en outre d'avis que tout ce qui est produit au Canada — comme pour Netflix, par exemple — devrait être assujetti à des processus de négociation collective comme ceux qui sont décrits dans la Loi sur le statut de l'artiste.
Avant de terminer, j'aimerais vous lire un extrait d'une lettre que nous avons reçue d'une de nos membres, Damhnait Doyle, une auteure-compositrice-interprète très populaire de Terre-Neuve.
J'appartiens à la section locale 280 du syndicat des musiciens depuis 25 ans, et j'en suis fière. Cependant, tout au long de ces années, j'ai pu constater que le niveau de vie de ceux d'entre nous qui ont choisi de faire ce métier n'a cessé de se dégrader. On nous attaque sur tous les plans: il y a le piratage et l'écoute en continu, il y a le fait de se retrouver du mauvais côté des exemptions accordées aux diffuseurs et de perdre les redevances que pourraient nous apporter les oeuvres que nous produisons pour le cinéma et la télévision. La définition d'« enregistrement sonore » doit être repensée afin que nous puissions, à l'instar de nos collègues américains, être rémunérés pour nos efforts. Entretemps, le coût de la vie n'a cessé d'augmenter et notre classe moyenne a été éviscérée.
Je vous demande d'examiner sérieusement les recommandations de la Fédération canadienne des musiciens, car elles permettront aux artistes musicaux de s'approprier les revenus qu'ils attendent depuis si longtemps et grâce auxquels ils pourront poursuivre de façon réussie leurs aspirations et leurs talents. Si rien ne change et si les revenus offerts aux musiciens n'augmentent pas, la perspective de devenir un artiste et un créateur canadien de profession — et fier de l'être — cessera d'être viable.
Merci de votre attention.
Je m'appelle Éric Lefebvre. Je suis le secrétaire-trésorier de la Guilde des musiciens et des musiciennes du Québec. Je suis heureux de comparaître devant vous cet après-midi. Au nom des membres de notre association, je vous remercie de nous permettre de vous faire part de nos commentaires sur la révision de la Loi sur le droit d'auteur. Je suis également heureux de participer à cette réunion en compagnie de M. Alan Willaert, le vice-président canadien de l'American Federation of Musicians, fédération à laquelle nous sommes affiliés depuis plus d'un siècle.
Nous comprenons que le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie doive se pencher sur la révision de la Loi sur le droit d'auteur. Il est à noter que la qualification des prestations des artistes interprètes dans la catégorie des objets du droit d'auteur est relativement nouvelle. En effet, la Loi sur le droit d'auteur prévoit, depuis le 1er septembre 1997, la possibilité pour les artistes interprètes d'exercer certains droits sur leurs prestations. Ces droits ont été bonifiés en novembre 2012, en intégrant de nouveaux droits exclusifs touchant à l'enregistrement sonore.
À cet égard, la Loi sur le droit d'auteur prévoit, au bénéfice des artistes interprètes, deux catégories de droits. Il y a tout d'abord les droits que l'on dit exclusifs, principalement pour la fixation, la reproduction, la distribution et la mise à la disposition de la prestation d'un artiste. Ensuite, il y a deux droits que l'on appelle « à rémunération ». Le premier s'applique lorsque l'on communique publiquement un enregistrement sonore qui est commercialisé, que l'on appelle aussi le régime de la rémunération équitable ou le régime du droit voisin, qui est géré actuellement par la société de gestion Ré:Sonne. Le second relève du régime de la copie privée, géré par la Société canadienne de perception de la copie privée. De tous ces droits, le régime de la rémunération équitable demeure actuellement le plus important, ayant donné lieu à plusieurs tarifs de la société Ré:Sonne, certifiés par la Commission du droit d'auteur du Canada.
Mentionnons que, outre les redevances versées par les sociétés de gestion, la Guilde négocie aussi une rémunération pour l'utilisation des prestations enregistrées dans le cadre de ses ententes collectives.
Les redevances que l'on retrouve pour les artistes interprètes dans les accords collectifs sont négociées depuis plusieurs dizaines d'années. Des modifications apportées à la Loi sur le droit d'auteur en 1997 et en 2012 ont transformé une partie du cadre juridique, mais sans diminuer nos préoccupations, qu'a très bien illustrées M. Alan Willaert il y a quelques minutes.
Ces préoccupations sont simples: les musiciens s'appauvrissent d'année en année. Nous constatons que les nouveaux droits conférés aux artistes interprètes ne permettent pas une amélioration de leur rémunération. Ou bien les transformations structurelles de l'industrie de la musique initiées par les Google, Amazon, Facebook, Netflix et Apple font en sorte que la classe moyenne des musiciens devient maintenant une classe d'artistes pauvres, laissant à quelques artistes et producteurs ultra-riches 95 % des revenus générés par l'industrie, ou alors les nouveaux droits bénéficiant aux artistes interprètes demeurent sans effet en raison de l'adoption de dispositions législatives ou de règlements qui ont un effet contraire.
Nous allons illustrer notre propos. Nous nous demandons à quoi sert le droit à rémunération pour la copie privée des enregistrements sonores pour les auteurs, les artistes interprètes et les producteurs, si le régime ne vise que le disque compact vierge, que plus personne n'utilise maintenant pour faire de la reproduction. La Cour suprême a déjà indiqué que la loi était technologiquement neutre. Pourquoi ce « deux poids, deux mesures » quand il s'agit d'adopter une modification réglementaire à l'avantage des artistes et des créateurs? Il serait important de faire en sorte que tous les supports de reproduction soient visés, tels que les cartes SIM, les clés USB ou encore les disques durs des ordinateurs.
De même, on peut se demander à quoi servent les nouveaux droits exclusifs de mise à la disposition et de distribution pour les artistes interprètes, qui ont été introduits dans la loi en 2012 afin de permettre l'application de droits sur Internet et des supports déjà existants comme le disque compact, si les sommes provenant de l'écoute en continu demeurent faméliques et que la responsabilité des fournisseurs de services Internet n'est toujours pas reconnue en raison de leur statut d'intermédiaire.
Enfin, à quoi sert le nouveau droit exclusif de distribution si, comme je l'indiquais un peu plus tôt, la principale source d'écoute pour la musique demeure l'écoute en continu? Comme le confirme le sondage que le gouvernement a commandé en 2017 visant la consommation en ligne de contenu protégé par le droit d'auteur, on a appris que, dans les trois mois qui ont précédé le sondage, 11,2 millions d'internautes avaient écouté de la musique en ligne en continu. Il est clair que cette réalité a un impact sur la vente des enregistrements sonores, tant sous la forme de disques compacts que de téléchargements en ligne, qui demeurent encore les seules façons réglementaires d'obtenir une rémunération.
Il serait important d'obtenir une compensation des fournisseurs de services Internet, qui profitent indûment de cette situation. Il faut donc mettre en place des mécanismes qui visent à rééquilibrer les forces en présence, tout en cessant de poursuivre par voie législative l'affaiblissement des droits conférés aux titulaires, déjà commencé par une jurisprudence qui met sur le même pied les droits des utilisateurs et ceux des créateurs, comme dans le cas des oeuvres littéraires, ou qui laisse une industrie poursuivre sa déchéance, comme dans le domaine de la musique.
Pour atteindre cet objectif, nous recommandons au gouvernement de faire siennes les propositions suivantes: modifier la Loi sur le droit d'auteur afin de permettre au régime de perception de la copie privée de s'appliquer sur l'ensemble des supports qui servent à reproduire un enregistrement sonore; modifier la Loi sur le droit d'auteur afin de permettre au régime de perception de la copie privée de s'appliquer sur les appareils qui servent à la reproduction et à l'écoute d'enregistrements sonores; et enfin, responsabiliser les fournisseurs de services Internet, entre autres d'une façon plus technique, en éliminant une exception dont ils bénéficient dans la Loi sur le droit d'auteur, à l'article 31.1 .
Nous soutenons de plus notre fédération sur les recommandations qu'elle a soumises à l'égard de la modification de la définition d'enregistrement sonore, qui doit permettre les versements de redevances lorsqu'un enregistrement sonore est intégré dans une oeuvre audiovisuelle, ou encore sur une exemption qui profite actuellement aux radiodiffuseurs dans le cas du régime du droit voisin.
Nous entendons fréquemment les gens dire que le droit d'auteur est extrêmement complexe. En fait, il est devenu complexe en raison des modifications apportées à la Loi depuis plusieurs années ayant pour effet de diluer l'efficacité des droits, entre autres par le nombre très important d'exceptions maintenant en vigueur.
Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de vous livrer cet exposé. Pour commencer, j'aimerais vous parler un moment de notre organisme, l'Association canadienne des éditeurs de musique, et du rôle que les éditeurs jouent à l'international pour veiller à ce que les chansons canadiennes soient entendues dans le monde entier.
Bien que certains musiciens enregistrent leurs propres chansons, beaucoup ne le font pas. En lieu et place, ils écrivent des pièces en collaboration avec d'autres auteurs ou exécutent des chansons écrites par d'autres. Il y a aussi ceux qui créent les trames sonores de vos films et émissions de télévision préférés. Vous ne connaissez pas leur nom, mais ils occupent une très grande place au sein de l'économie créative du Canada et ailleurs dans le monde.
Notre association représente des grandes sociétés comme olé, des éditeurs de musique et des entrepreneurs qui dirigent de petites et moyennes entreprises, comme Jennifer Mitchell, de Red Brick, et Vince Degiorgio, de CYMBA Music. Agissant comme représentant et investisseur, toutes ces entreprises sont derrière les milliers de chansons, de paroliers et de compositeurs qui jouent sur une base quotidienne à la radio, sur les sites d'écoute en continu, dans les jeux vidéos, dans les films et dans les productions télévisuelles de toute la planète. Ces sociétés sont les détentrices de droits d'auteur, et ce débat touche à l'essentiel des efforts qu'elles investissent tant sur le plan créatif que sur le plan des affaires.
Les revenus de l'industrie se déplacent chaque jour un peu plus vers l'écoute en continu et les plateformes numériques. La technologie présidant à la distribution de la musique a changé radicalement depuis 10 ans, et mes membres aussi. Nous venons de publier un nouveau rapport intitulé Export Ready, Export Critical, dans lequel nous examinons l'importance que nos membres accordent à l'exportation.
Les éditeurs de musique sont des innovateurs, et les robustes stratégies qu'ils mettent de l'avant pour exporter leur ont permis d'être concurrentiels à l'échelle internationale. À preuve, les deux tiers de leurs revenus proviennent désormais de l'étranger. C'est un changement radical par rapport à 2005, alors que la proportion des revenus provenant de l'étranger n'était que de 28 %. Chez nos membres, ce qui aura été déterminant pour composer avec la transformation des technologies aura été leur capacité de s'exporter sur la scène mondiale.
Pour continuer à être concurrentiels à l'international, les auteurs et les éditeurs de musique ont besoin d'un marché fonctionnel sur le plan national, d'un marché où ils pourront innover. Dans le monde de l'édition musicale, nos membres continuent d'être exposés à des modèles qui se transforment rapidement, et les redevances pour les nouveaux modèles numériques n'ont pas encore rejoint les redevances traditionnelles découlant des ventes en magasin et des téléchargements.
Bien que certains détracteurs insistent sur le fait que les revenus de l'écoute en continu augmentent par tranches d'au moins 10 %, ils évitent de préciser que les redevances ne sont pas celles que les ventes d'autrefois permettaient de dégager. Malheureusement, les éditeurs de musique et les auteurs-compositeurs chansonniers se retrouvent dans une position encore plus désavantageuse lorsque la Loi canadienne sur le droit d'auteur prévoit des exonérations de responsabilité, des exceptions et des barrières qui nuisent à la mise en application de leurs droits dans ce contexte nouveau du numérique et que la Commission du droit d'auteur prend des années à réagir à ces transformations.
L'objet de l'édition musicale est de défendre les auteurs-compositeurs tout au long de leur carrière et de veiller sur les droits d'auteur de leurs oeuvres. Nos membres envisagent les choses à long terme et travaillent énormément dans les coulisses pour créer de la valeur. Les chansons qui ont le plus de valeur peuvent être reprises à l'infini par différents artistes, et elles pourront être entendues dans des productions audiovisuelles bien longtemps après leur enregistrement initial. En anglais, le terme utilisé pour décrire ces reprises est « sync ».
Les éditeurs les plus puissants et les plus stables sont ceux qui ont un portefeuille équilibré de chansons regroupant des pièces des anciens catalogues et des créations plus récentes. Les recettes générées par les titres éprouvés permettent à l'éditeur de prendre des risques et d'investir dans des auteurs-compositeurs émergents.
Par exemple, Jennifer Mitchell de Red Brick Songs est une éditrice qui possède à la fois un catalogue étranger — qu'elle administre et sous-édite pour des partenaires étrangers — et un catalogue canadien contenant des oeuvres d'auteurs-compositeurs émergents et établis. Au Canada, elle représente Dan Davidson, de St. Albert, Alberta; Charlotte Cardin, de Montréal; Jeen O'Brien, de Stratford, Ontario; et les membres du groupe Said the Whale, de Vancouver.
Une ou deux chansons d'un catalogue peuvent avoir une incidence énorme sur la viabilité d'un éditeur musical et sur les auteurs-compositeurs canadiens dans lesquels ils choisiront d'investir. Une pièce du catalogue de Red Brick passera bientôt au domaine public parce que les lois canadiennes en matière de droit d'auteur sont en hiatus avec les normes internationales. Sur une base quotidienne, ces titres individuels ne génèrent peut-être pas beaucoup d'argent, mais sur 20 ans de plus et avec un contrat de bonne tenue en matière de reprise, la propriété de ces droits pourrait se traduire par des recettes de centaines de milliers de dollars.
Voilà pourquoi il est si important que le Canada s'aligne sur ses partenaires commerciaux mondiaux et qu'il prolonge la durée de la protection du droit d'auteur à 70 ans après le décès de l'auteur.
Nos détracteurs font preuve d'une mauvaise foi tenace lorsqu'ils prétendent que les Canadiens ont besoin d'un nombre accru d'oeuvres dans le domaine public. Le domaine public contient déjà beaucoup de chansons. Nombre d'entre elles pourraient faire l'objet d'une licence conventionnelle — à faible coût ou gratuitement. Rares sont les occasions où les chansons seront utilisées dans de nouvelles productions numériques qui ne seront lancées qu'à l'intérieur des frontières canadiennes, où il est nécessaire d'avoir un contrat de licence.
De plus, il est important que le Parlement ne propose pas de nouvelles exceptions qui risquent de mettre à mal ces petites entreprises. Nous vous demandons de modifier les exceptions ajoutées en 2012 pour les copies de sauvegarde et les processus technologiques. Nous vous demandons aussi de modifier la section sur les services réseau pour remédier à l'écart de valeur. Les intermédiaires Internet devraient être traités autrement que comme de simples moyens de transport et devraient, dans certains cas, être tenus responsables des activités illicites de leurs abonnés.
Nous vous demandons également d'améliorer les délais et l'efficacité des processus de la Commission des droits d'auteur — par une combinaison de modifications législatives et réglementaires —, ainsi que la prévisibilité de ses décisions. Nous savons que ces choses sont déjà perçues comme étant prioritaires et qu'elles pourraient avoir préséance sur le reste des modifications qui devront être apportées aux droits d'auteur. Sachez que nous appuyons cette dynamique et que nous sommes ravis du travail qui se fait à cet égard. Enfin, nous encourageons nos collègues d'ici à faire en sorte que le régime de copie privée soit neutre sur le plan technologique.
Merci.
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Merci, monsieur le président, et merci à tous nos témoins pour leurs exposés de cet après-midi.
Plus tôt cette année, j'ai eu un entretien avec Miranda Mulholland, une artiste locale de Guelph dont les chansons sont publiées sur la scène internationale. Elle m'a parlé des lois conciliantes qui existaient en 1997, des changements qui sont survenus à partir de 1998 et des baisses continuelles de revenu que ces changements ont provoqué au cours des 20 dernières années.
Une des choses qu'elle a proposées était de demander à une tierce partie de faire l'examen des exemptions. À savoir si, dans le cadre de la présente étude, il serait pensable d'examiner les exemptions auxquelles les créateurs sont confrontés... Cela ressemble à la partie précédente de notre étude, alors que nous nous sommes penchés sur le fait que les exemptions permettaient aux éditeurs de faire plus d'argent et privaient les artistes de certains revenus.
Avez-vous une idée de la façon dont nous pourrions examiner les exemptions, et pouvez-vous nous dire si c'est quelque chose que vos organismes respectifs appuieraient? La question s'adresse aussi bien à vous, madame McGuffin, qu'aux autres.
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Cela dépend de plusieurs facteurs.
D'abord, les contrats signés entre les artistes interprètes, les musiciens et, admettons, les producteurs d'enregistrements sonore, peuvent peut-être, dans certains cas, prévoir une stabilisation de la rémunération. Ce que nous observons tous les jours, dans nos ententes collectives, c'est qu'il est de plus en plus difficile d'obtenir soit une rémunération convenable pour les musiciens, soit des droits associés à l'utilisation d'une prestation enregistrée.
Je vais vous donner un exemple. Une émission de télévision est produite. Il y a quelques années — mon collègue M. Alan Willaert pourrait vous en parler aussi —, la rémunération qui était associée à la diffusion ultérieure d'une émission de télévision était beaucoup plus élevée. À présent, on a Netflix qui vient faire concurrence, à titre d'exemple, à des radiodiffuseurs ou à des producteurs d'émissions de télévisions canadiennes. Cela fait en sorte que la pression est de plus en plus forte sur les radiodiffuseurs, qui demandent aux producteurs de pouvoir offrir le service avec ce qu'on appelle un « ensemble de droits plus importants ».
Par la suite, le producteur d'une émission de télévision transfère ce fardeau aux artisans et, entre autres, aux musiciens. À titre d'exemple, au lieu de verser 500 $ pour l'utilisation d'une émission durant un certain nombre d'années, on va donner 100 $. Il y a donc une pression à la baisse qui est directement liée, au fond, à l'environnement numérique qui existe actuellement dans l'industrie de la musique.
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Oui, je suis d'accord et j'ai quelques points à ajouter.
Premièrement, le modèle au complet a changé au fil des ans. Autrefois, lorsqu'un artiste créait un enregistrement ou signait un contrat avec une maison de disques, il obtenait une part des ventes, et il partait en tournée pour susciter de l'intérêt pour cet album particulier; bien entendu, il faisait de l'argent à partir de la vente de billets, mais l'objectif principal de la tournée était de vendre plus de disques compacts ou de vinyles. Si le tout s'avérait un franc succès, c'était alors une façon lucrative de gagner de l'argent.
De nos jours, évidemment, c'est l'inverse. Les artistes sont loin de faire autant d'argent, et les ventes de disques compacts sont au point mort. Tout repose sur la diffusion en continu, et les artistes touchent une fraction de cent par million d'écoutes en continu. Ensuite, on leur demande de partir en tournée, mais la façon de faire de l'argent est de vendre des t-shirts et quelques disques compacts pendant qu'ils sont en tournée. Ils ne sont plus payés pour la musique. Cela passe maintenant par la vente d'accessoires connexes.
De plus, pour revenir à ce que mon collègue disait au sujet de la radiodiffusion, une des choses que nous observons, c'est que, dans le cadre de la production d'un film ou d'une émission télévisée, lorsqu'un compositeur est embauché au pays, il arrive souvent que la sonorisation se fasse à l'étranger. Ainsi, on aura recours à des musiciens à Prague plutôt qu'à des musiciens canadiens. Cette situation est inacceptable, mais c'est une autre raison qui explique pourquoi les sources de revenu de nos musiciens continuent de diminuer, parce qu'une bonne partie du travail est confié en sous-traitance à l'étranger.
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C'est vraiment une belle occasion pour moi d'être ici cet après-midi.
En effet, le mois dernier, j'ai été interpellée par un auteur de Saint-Hyacinthe, une ville de la circonscription que je représente. Je m'aperçois que la réalité des créateurs et des auteurs est semblable à celle des musiciens. D'ailleurs, je vais vous lire un extrait de sa lettre, qui est éloquente, comme celle que vous avez lue, monsieur Willaert.
Les changements de 2012 à la Loi sur le droit d'auteur, dit-il, ont « servi de cadre légal au dépouillement autorisé des artistes et des écrivains. »
Il poursuit ainsi:
Saint-Hyacinthe a une longue tradition culturelle. Le Cégep de la ville est un terroir à futurs auteurs [et acteurs], puisqu'il accueille en son sein une des meilleures écoles de théâtre de la province. Cette mesure fait particulièrement mal aux écrivains régionaux [cela pourrait être la même chose pour les musiciens] puisque les occasions de rentabiliser leur art sont souvent moindres que dans les grands centres. Ces revenus qu'on leur soutire sont des deniers manquants qui affectent leur famille, leur capacité de se développer dans notre district et leur participation à notre économie locale.
En mon nom et en solidarité avec tous les créateurs du pays, je vous invite à faire entendre votre voix [...] lors du processus de l'examen de la Loi [c'est intéressant que j'aie l'occasion de le faire cet après-midi], en appuyant des modifications qui rendront la Loi sur le droit d'auteur juste et équitable pour les artistes et créateurs canadiens qui sont au coeur de notre culture.
Il s'agit d'un auteur, mais nous avons aussi de nombreux artistes de la scène musicale et des lieux de diffusion incroyables dans une petite communauté comme la nôtre.
Je pense, entre autres, au Zaricot, pour ne nommer que celui-là. Le Zaricot de Saint-Hyacinthe est une petite salle de spectacle que vous connaissez peut-être, qui anime la vie culturelle avec une programmation variée, tant avec des artistes locaux émergents qu'avec ceux de grand public, qui sont d'ailleurs probablement membres de votre organisme.
Cette petite salle se démarque parce qu'elle est encore en vie. Dernièrement, plusieurs salles de spectacle de ce genre — je pense au Divan Orange de Montréal — ont fermé leurs portes. Pour nous, animer la vie culturelle de nos petites communautés, c'est important. Il faut que ces salles restent ouvertes, et il faut que les artistes puissent vivre de leurs spectacles dans ces salles. Depuis 15 ans maintenant, le Zaricot est vraiment créatif et actif pour faire vivre la musique à Saint-Hyacinthe.
On pense souvent aux spectacles de grande envergure qui ont lieu dans les grands centres, comme le Centre Bell, mais la réalité de nos artistes québécois — et vous en avez bien parlé —, c'est de longues tournées, avec beaucoup de kilométrage, à parcourir le Québec et à offrir des prestations dans des petites salles en région, comme le Zaricot. S'ils sont chanceux, les artistes vont au Centre des arts Juliette-Lassonde, une salle de taille moyenne de chez nous. Pour ces artistes qui peinent à vendre leur musique en raison des plateformes de diffusion, telles que Spotify, les spectacles et la marchandise vendue sur place demeurent maintenant pratiquement leur seule source de revenu, comme vous l'avez dit.
Je suis donc d'accord avec l'auteur qui m'a écrit: il faut une loi sur le droit d'auteur qui soit juste et équitable pour les artistes. Pour cela, il faut une taxation des géants comme Spotify. Il faut que les redevances soient perçues. Tous les acteurs de notre écosystème culturel, à partir des câblodistributeurs jusqu'aux syndicats des techniciens, en passant par les artistes et les scénaristes, exigent aussi cette mesure. Vous l'avez bien démontré.
Les diffuseurs en ligne, contrairement à nos diffuseurs comme MusiquePlus par exemple, n'ont aucune obligation de mettre en valeur le contenu d'ici, et cela m'apparaît fort inquiétant. Notre culture vit une concurrence déloyale face à ces géants du Web sous tous les aspects, que ce soit le Web, la musique, les auteurs, et le reste.
Monsieur Lefebvre, vous nous avez parlé des différentes recommandations que vous proposez. Vous l'avez dit vous-même, cette Loi est devenue complexe. J'aimerais vous entendre parler davantage de chacune de ces différentes recommandations, afin de nous éclairer sur la manière de soutenir ce dont je viens de parler, soit le développement de la culture dans une circonscription en région comme la mienne.
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S'il produit l'enregistrement sonore d'une oeuvre musicale, cet enregistrement sonore pourrait théoriquement engendrer des redevances qui vont permettre à l'artiste interprète ou au musicien de continuer sa carrière. Ce revenu est indispensable afin que le musicien puisse continuer à se produire dans de petites salles de spectacle.
Actuellement, l'enregistrement sonore génère certaines redevances en vertu du régime de la rémunération équitable, mais il n'en génère pratiquement plus en vertu du régime de la copie privée.
Le régime de la copie privée s'applique aux disques compacts, et à la bonne vieille cassette audio, mais il ne génère plus de redevances, parce qu'un règlement a été ajouté à la Loi sur le droit d'auteur. Ce règlement fait que la définition de « support audio » prévue dans la loi exclut les cartes mémoires Micro SD, entre autres. Cela veut dire que les nouveaux supports sur lesquels on pourrait compter pour verser une redevance pour les artistes interprètes ne sont plus applicables.
En soi, la copie privée favorise trois catégories d'ayants droit, soit les auteurs, les artistes interprètes et les producteurs. C'est donc toute l'industrie de la musique qui est visée par ce régime. Le régime de la copie privée s'applique seulement au CD vierge, qui est maintenant inutilisable. Lorsque je dis « inutilisable », je veux dire qu'il n'est plus utilisé pour faire de la reproduction.
Le fait qu'on limite les supports audio sur lesquels on pourrait appliquer une redevance réduit une grande partie des revenus. Je peux vous donner un chiffre. Je ne sais pas si des représentants de la Société canadienne de perception de la copie privée ont témoigné devant le Comité, mais je peux dire qu'elle a vu ses revenus chuter de 89 %, ce qui est un énorme pourcentage. Il s'agissait d'une somme d'argent que les sociétés de gestion versaient aux artistes interprètes. Cela faisait en sorte que, à la fin de l'année, après avoir fait des concerts, vendu des t-shirts, produit des albums et enregistré des émissions de télévision pour faire mousser la vente des albums, entre autres, donc lorsque l'ensemble de l'écosystème était présent, l'artiste interprète générait des revenus suffisants pour vivre.
Présentement, je peux comparer la Loi sur le droit d'auteur à un gruyère. Ce n'est qu'une des lois sur la propriété intellectuelle actuellement en vigueur au Canada. Il existe la Loi sur les marques de commerce, la Loi sur les brevets et la Loi sur les dessins industriels. Toutes ces lois font que le Canada devrait, en principe, être un terreau fertile pour l'innovation.
Présentement, la Loi sur le droit d'auteur fait office de parent pauvre ou de vilain petit canard. La Loi sur les marques de commerce est relativement robuste. Si, demain matin, une université décidait d'ouvrir un restaurant de hamburgers portant le nom de McDonald's, il y aurait de fortes chances que l'entreprise McDonald's intervienne, parce que ce serait une violation de sa marque de commerce.
Alors pourquoi est-il possible que, dans le cadre de la Loi sur le droit d'auteur, une université, en vertu de l'exception d'usage équitable aux fins d'éducation, reproduise des oeuvres littéraires ou des oeuvres musicales? C'est parce que la loi contient des exceptions, et c'est pour cela que je parle de la Loi sur le droit d'auteur comme d'un tout cohérent. Présentement, elle compte à peu près 160 pages, alors que celle sur les marques de commerce en compte 80. Cette loi est complexe et lourde, et elle contient plusieurs exceptions. Si le Canada veut véritablement être un terreau d'accueil pour l'innovation, il doit faire en sorte que l'ensemble des lois sur la propriété intellectuelle soit efficace pour l'ensemble des créateurs et non seulement pour les compagnie comme McDonald's, qui peuvent bénéficier de la Loi sur les marques de...
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Merci, monsieur le président. Merci à tous nos témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Nous entamons avec vous notre nouveau segment sur la musique et l'édition de musique. Nous avons examiné le secteur de l'éducation, et c'est maintenant une belle occasion pour nous de commencer cela. Pardonnez-moi si je vous pose des questions un peu élémentaires. Je veux d'abord comprendre les enjeux. Les représentants du secteur de l'éducation et de l'édition des livres nous ont beaucoup parlé de ce qu'on appelle ici un écart de valeur. Il y a un problème entre les créateurs et les producteurs de contenu et ceux qui ont une responsabilité, ou qui diffusent auprès des consommateurs, etc. Il y a une inégalité, et si je comprends bien, il y en a une ici également.
J'essaie de comprendre d'où vient cette inégalité. Dans vos témoignages, vous avez tous dit que les revenus des musiciens ont diminué. Il serait alors bien qu'on commence à comprendre quelle en est la cause et comment on peut y remédier dans la Loi sur le droit d'auteur, mais aussi ce qu'on peut faire pour les créateurs de demain. Quelle modification faut-il apporter à la loi, donc, pour y arriver?
Au sujet de l'écart de valeur, dites-nous où se trouve cette inégalité et aidez-nous à comprendre de quoi il s'agit. Commençons de gauche à droite, s'il vous plaît.
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Au sujet des recommandations dont on parle aujourd'hui, les temps ont changé. La technologie a changé, si bien que la baisse des revenus est en partie liée aux changements dans la source de ces revenus.
La redevance sur la copie privée permettait notamment, lorsqu'elle était appliquée pleinement et atteignait 38 millions de dollars par année, d'assurer un flux de revenus qui s'additionnait aux revenus traditionnels provenant des ventes, et maintenant aux revenus de diffusion en continu. Nous appuyons sans réserve la mise en oeuvre de cela d'une façon neutre du point de vue technologique, afin que l'on puisse continuer à percevoir les sommes dues lorsqu'il s'agit de nouveaux appareils. On aiderait ainsi tous les secteurs.
De plus, sans une commission du droit d'auteur qui fonctionne bien et vers qui on peut se tourner... les gens ne viendront pas à la table pour négocier de façon sincère, il faut quelqu'un pour faciliter la négociation. Si on avait eu une commission du droit d'auteur, cela aurait pu aider. Nous prônons une réforme de cette commission afin que, si les négociations ne peuvent plus progresser de façon productive, une commission responsable puisse examiner les arguments des deux parties et déterminer quel devrait être le taux.
Nous savons de plus que l'extraction de flux existe encore. Nous savons que des acteurs étrangers ne viendront pas s'asseoir à la table — pas ceux que vous connaissez, les services nommés —, mais c'est un problème, et il nous faut des recours et des dommages-intérêts dans la loi qui vont nous permettre de faire respecter nos droits quand les acteurs refusent de venir négocier.
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Je peux l'expliquer d'une façon peut-être un peu simpliste.
Il y a 25 ou 30 ans, lorsqu'un producteur d'enregistrements sonores décidait de mettre un album sur le marché, il l'enregistrait dans un studio. Par la suite, il trouvait une maison de disques pour en faire la commercialisation. Venait ensuite un distributeur qui, lui, approvisionnait des milliers de magasins de musique qui vendaient des disques et des albums. Ces milliers de magasins de musique qui vendaient des albums ont tous disparu depuis.
Que s'est-il passé? L'album est devenu numérique. Cet album numérique s'est retrouvé avec un distributeur en ligne et seulement quelques plateformes sur lesquelles diffuser l'enregistrement sonore. Nous sommes donc passés d'un millier de détaillants qui vendaient un album physique à seulement quelques distributeurs numériques qui font affaire avec trois ou quatre plateformes qui contrôlent le marché. Nous faisons face à une espèce d'oligopole — ce n'est pas un monopole, mais presque — qui contrôle le modèle d'affaires et les prix.
L'album numérique se vend 10 $ sur iTunes, alors qu'à l'époque l'album physique se vendait 25 $ dans un magasin de musique. Vous voyez la différence. Nous nous retrouvons avec un modèle où le nombre d'intervenants est réduit à quelques acteurs — je parlais tout à l'heure des Google, Amazon, Facebook et Netflix —, qui contrôlent l'ensemble du modèle d'affaires du marché, qui contrôlent les prix et qui imposent le modèle d'affaires.
Merci à nos présentateurs. C'est un sujet vraiment important: comment nous appuyons notre économie culturelle et ceux qui travaillent fort dans ce domaine.
Il y a plusieurs années, lorsque je siégeais au conseil municipal, j'ai lancé une initiative pour que Sault Ste. Marie accueille le Temple de la renommée de la musique canadienne. Bien des gens considéraient que c'était peu probable, mais nous avons présenté une très bonne soumission et nous nous sommes rendus en finale. Je me souviens d'avoir été interviewé par une des meilleures agences de presse, et je ne savais pas que je me mesurais à quelqu'un qui se trouvait aussi en ligne à ce moment-là. On m'a demandé pourquoi le Temple de la renommée de la musique canadienne devrait être à Sault Ste. Marie au lieu de Winnipeg et on a nommé divers artistes de là-bas et des scènes artistiques torontoise et montréalaise. J'ai dit que c'était facile de faire valoir qu'on faisait de la musique à Sault Ste. Marie avant d'en faire à Winnipeg, Toronto et Montréal.
Cela fait partie de la question que nous posons concernant les droits d'auteur autochtones et comment nous protégeons la culture autochtone et les interprètes qui en font partie. Pendant des milliers d'années, les gens venaient à des pow-wow à Sault Ste. Marie en raison de l'esturgeon jaune dans la rivière Sainte-Marie. Ils venaient de partout au Canada et, naturellement, lorsqu'ils étaient ici, ils faisaient commerce, mais ensuite, ils ont commencé à faire des pow-wow dans lesquels ils dansaient et jouaient de la musique.
Selon vous, que devons-nous faire pour protéger et promouvoir les musiciens autochtones?
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Au fond, l'exception stipule que le fait, pour un fournisseur de services Internet, d'acheminer du contenu protégé par la Loi sur le droit d'auteur ne constitue pas une violation de ce droit d'auteur.
En effet, la Loi confère certains droits exclusifs à l'auteur. Le fait, pour le fournisseur de services, de reproduire ou de communiquer au public une oeuvre protégée pourrait faire en sorte qu'il viole le droit d'auteur. On a donc créé une exception qui fait en sorte que le fournisseur de services Internet ne viole jamais le droit d'auteur. Or cette exception s'applique même si — et c'est là une donnée que j'ai trouvé intéressante et que vous me permettrez de divulguer, parce que je pense que vous êtes au courant — 32 % des internautes ont téléchargé, lu ou consulté au moins un fichier musical qui intégrait un contenu illégal. Ce chiffre vient d'un sondage réalisé en novembre 2017 sur la consommation en ligne de contenu protégé par le droit d'auteur. Cela veut dire que, sur Internet, au moins 32 % des internautes ont, au moins une fois dans les trois mois qui ont précédé le sondage, lu, consulté ou téléchargé un fichier illégal.
Jamais je ne croirai que les fournisseurs de services Internet ne sont pas au courant de cette information. Vous comprenez donc que l'exception prévue à l'article 31.1 a du sens à la lecture de ces données, puisqu'elle semble empêcher le fournisseur de services Internet d'être responsabilisé en vertu de la Loi sur le droit d'auteur. Si cette exception n'existait pas, il serait fort possible, ou à tout le moins possible — je dois faire attention —, qu'un fournisseur de services Internet soit condamné pour violation du droit d'auteur.
[Traduction]
C'est ainsi que se termine la première série de questions. Nous allons maintenant passer à la seconde.
Avant que nous le fassions, la présidence a une question pour Mme McGuffin.
Vous avez mentionné dans votre allocution qu'au Canada, en 1998, les ventes de musique ont atteint un sommet de 998 millions de dollars. En 2014, ce chiffre a baissé à 397 millions de dollars — son plus bas niveau — et a ensuite monté à 494 millions de dollars en 2016.
Pourriez-vous nous en fournir la source? De plus, qu'en est-il de 1999 et des autres années?
Tout à l'heure, le président a souligné que c'était ma première participation à ce comité. Je plonge donc dans ce sujet. Plus tôt, ma collègue parlait de questions de base pour nous permettre de bien comprendre un secteur dont vous êtes les experts.
Je voudrais donc savoir si les intérêts des titulaires des droits d'auteur diffèrent selon leur style de musique. Par exemple, y a-t-il des différences entre les intérêts d'un artiste interprète ou d'un producteur de musique classique et ceux d'artistes ou de producteurs de musique populaire? Le cas échéant, est-ce quelque chose dont nous devrions tenir compte? Comment cela fonctionne-t-il? Peu importe ce que l'on produit ou interprète, est-ce la même chose d'un style à l'autre?
La réponse est peut-être évidente pour vous, mais elle ne l'est pas pour nous.
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Il y a évidemment des structures légèrement différentes. Prenons l'exemple de la musique classique et d'un orchestre symphonique. Il y a 100 musiciens dirigés par un chef d'orchestre, en plus peut-être d'un soliste invité, comme un violoniste qui va jouer un concerto accompagné par l'orchestre. Un phonogramme va être produit, un enregistrement sonore.
Prenons un deuxième exemple, celui de Céline Dion et de ses cinq musiciens — elle pourrait en avoir plus, mais je donne un exemple — qui enregistrent aussi un phonogramme. Nous parlons bien sûr ici de musique populaire.
Y a-t-il une différence entre les deux? Le soliste va probablement signer un contrat avec un producteur, comme le fera l'artiste vedette de musique populaire. Les musiciens vont être liés par des ententes semblables. La différence est que la musique classique implique un plus grand nombre de musiciens, parce qu'ils font généralement partie d'ensembles. Puisqu'il y a plus de musiciens, les redevances qu'ils toucheront seront peut-être moins élevées que celles qui seront versées à un ensemble de seulement cinq musiciens.
Outre ces différences, les artistes interprètes peuvent se retrouver dans des situations assez diverses. Je connais un musicien qui peut jouer, un jour, à l'orchestre symphonique, aller faire du jazz le lendemain et accompagner un artiste populaire le surlendemain. Ce même musicien va ainsi jouer avec plusieurs artistes de styles différents.
Les pratiques contractuelles peuvent différer d'un secteur à l'autre. En musique classique, ce sont généralement des ententes collectives qui encadrent les conditions de travail entre un orchestre et un producteur. En musique populaire, on parle plutôt de contrats individuels pour gérer les relations entre un producteur et un artiste.
Pour ce qui est de la Loi sur le droit d'auteur, je ne pourrais pas vous dire s'il y a de grosses différences en fonction du style de musique.
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Elle nous permet de continuer de faire ce que nous avons fait au cours des 12 dernières années, à savoir investir dans des compositeurs, et les faire voyager partout dans le monde.
Mon président, qui est compositeur, ne se produit jamais sur une scène, et il est incapable de jouer d’un instrument, mais c’est un compositeur et parolier phénoménal, connu à l’échelle mondiale. Il s’appelle Vince Degiorgio. À l’époque où il occupait un poste au sein du service A & R, il a conclu une entente avec le groupe NSYNC. Il s’est familiarisé avec l’industrie de la musique, puis il est devenu parolier à temps plein.
Il y a deux semaines, il était aux Pays-Bas afin de composer des chansons pour leur artiste principal, Caro Emerald. Lorsqu’il a composé son premier album, il y a trois ans, l’album a atteint le sommet du palmarès des Pays-Bas et a battu l’album « Thriller » de Michael Jackson. En sa qualité d’éditeur canadien de musique, M. Degiorgio conclut maintenant des ententes avec des compositeurs. Il est en mesure de le faire parce qu’il sait quelles recettes il tirera de son portefeuille de chansons. Il embauche ces compositeurs afin qu’ils puissent jouir d’une carrière internationale comme la sienne.
Notre organisation se soucie également d’aider ses petites entreprises membres à faire la même chose. Au cours de la troisième semaine de septembre, nous irons en Allemagne, puis au Danemark, une semaine plus tard, afin de rencontrer des maisons de disques et des producteurs de films et de télévision, et de permettre à un groupe de compositeurs d’écrire des chansons avec des compositeurs des pays nordiques.
Dès que vos chansons sont commercialisées dans trois ou quatre territoires distincts, votre chance de réussite augmente. Pour permettre aux petites entreprises de survivre, il est essentiel qu’elles aient accès aux marchés étrangers. Le marché canadien étant trop restreint, il est nécessaire d'avoir une vision mondiale.
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Merci, monsieur le président.
Pour en revenir à mon lieu de résidence, qui se trouve juste à la frontière de Sault Ste. Marie, il y a parfois des groupes de musiciens qui se réunissent là-bas. Il peut y avoir des Américains qui viennent au Canada pour se joindre à un groupe et jouer de la musique. Il arrive aussi que des Canadiens se rendent aux États-Unis, ou qu’un mélange de ces scénarios survienne... Puis, il y a aussi le musicien proverbial qui déménage aux États-Unis — à Nashville ou ailleurs — pour atteindre la célébrité.
Comme nous vivons dans une situation frontalière, différents règlements ont été établis par le CRTC, par exemple, afin de promouvoir le contenu et les musiciens canadiens. J’ai toujours vu la nécessité de ces règles, car j’ai toujours été inondé par le contenu américain depuis l’époque où un signal analogue, leur radio ou leur musique traversait la frontière. Je sais que certaines règles sont à l’étude au CRTC en vue d’être révisées.
J’en arrive à ma question, mais je tenais également à parler de la CBC, la Canadian Broadcasting Corporation, qui joue un rôle important dans la promotion des artistes canadiens. Elle organise des concours de temps en temps auxquels participent des gens de Sault Ste. Marie ou des quatre coins du Canada. Souvent, le gagnant du concours a la chance de signer un contrat avec une maison de disques canadienne. C’est ainsi que la promotion est faite.
Je constate effectivement que nous sommes inondés par la musique américaine, mais les Canadiens s’en tirent bien. Je pense que le fait que vos membres disent toujours la même chose témoigne de la persistance des musiciens canadiens.
J’aimerais savoir, entre autres, comment nous pouvons promouvoir la musique canadienne en particulier. Je sais que nous examinons la question du droit d’auteur. Nous avons parlé de certaines des sources de revenus, à savoir les concerts. Ne serait-ce qu’à Sault Ste. Marie, nous apercevons des interprètes de plus en plus célèbres, comme Elton John, que je n’aurais jamais imaginé se produire sur une scène là-bas. Je sais qu’il est américain, mais, oui, il est venu à Sault Ste. Marie. Je crois que cela coïncide avec vos observations, selon lesquelles un plus grand nombre d’interprètes font des tournées.
Quel autre appareil y a-t-il? Nous savons que nous avons parlé de Spotify. Nous avons également parlé d’autres lecteurs de musique qui existent. Comment la carrière d’un musicien canadien peut-elle être lancée, et comment ce musicien peut-il s’enrichir compte tenu du régime de droit d’auteur actuel? Bien entendu, vous avez fait des commentaires sur certains des changements.
L’un des aspects dont nous avons parlé longuement au cours d’une période prolongée était la question des utilisations équitables et de la façon dont la musique est utilisée dans le secteur de l’éducation. Je pense donc également à cela. Nous savons que des pièces musicales sont jouées dans des écoles dans le cadre d’événements reliés, etc. J’aimerais donc que vous formuliez aussi quelques observations concernant les utilisations équitables....
Je sais que ma question est très générale, mais ce sont certaines de mes préoccupations. Cette séance est notre première, et ce sont quelques-uns des enjeux que je tente de cerner.
Selon ce rapport, les profits de la station de radio commerciale s’élevaient à 3,6 millions de dollars en 2015, alors qu’en 2016, ils se chiffraient à 437,5 millions de dollars. Il y a de l’argent dans la chaîne de valeur, mais elle ne se propage pas jusqu’en bas. Cela a été répété à quelques reprises aujourd’hui.
Dans ce rapport, il y a une citation de Miranda Mulholland qui dit qu’elle joue dans presque chaque épisode de l’émission Republic of Doyle de la CBC, est souscrite à l’échelle mondiale. Elle a reçu un taux syndical unique d’environ 280 $, alors que le compositeur reçoit des revenus tirés de droit de suite chaque fois que l’émission est diffusée dans 44 pays du monde entier.
Y a-t-il une norme mondiale que nous devrions examiner, ou y a-t-il une norme mondiale avec laquelle nous ne sommes pas harmonisés?