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Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour à vous, membres du Comité. Je m'appelle Eric Baptiste et je suis le chef de la direction de la SOCAN. Je suis accompagné cet après-midi par Me Gilles Daigle, qui est l'avocat général de la SOCAN.
La SOCAN est la société de gestion des droits d'exécution publique des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Nous avons actuellement plus de 150 000 membres partout au pays et nous représentons aussi le répertoire mondial d'oeuvres musicales au Canada.
La SOCAN plaide depuis de nombreuses années pour que le Canada se dote de lois robustes en matière de droit d'auteur afin que les créateurs reçoivent une rémunération juste et équitable. La Loi sur le droit d'auteur a toujours été et sera toujours la pierre angulaire de l'ensemble du secteur créatif canadien.
Les redevances provenant du droit d'auteur ont toujours représenté une partie essentielle de la rémunération de nos créateurs. Cela demeure le cas plus que jamais aujourd'hui, compte tenu des changements technologiques que nous connaissons et qui continuent à émerger.
[Traduction]
Dans un environnement numérique qui évolue rapidement, le droit d'auteur est aujourd'hui plus que jamais un élément essentiel de la rémunération des créateurs. Je vais maintenant citer le ministre Bains, qui a prononcé un discours lors du lancement de la Stratégie en matière de propriété intellectuelle. Il a dit:
Nous savons que la propriété intellectuelle est essentielle à la réussite commerciale des entreprises canadiennes. La Stratégie en matière de propriété intellectuelle du Canada permettra aux Canadiens de connaître la valeur de leur propriété intellectuelle, de s'améliorer et d'innover; elle nous permettra d'accroître les profits et de créer des emplois pour la classe moyenne.
Nous espérons que ce principe vous orientera dans le cadre de la préparation de votre rapport.
[Français]
Cet après-midi, la SOCAN désire mettre l'accent sur trois aspects de la Loi sur le droit d'auteur qui devraient être mis à jour, selon elle.
Le premier aspect est la prolongation de la protection du droit d'auteur, qui est maintenant de 50 ans après la mort de l'auteur, à 70 ans après la mort de celui-ci.
[Traduction]
Avec sa protection actuelle, le Canada accuse un retard à l'échelle internationale. Nos principaux partenaires commerciaux, notamment les États-Unis et les 28 membres de l'Union européenne, ont depuis longtemps une protection de 70 ans après la mort de l'auteur. Au Mexique, la protection vise une période de 100 ans, même. De toute évidence, les créateurs d'ici sont moins bien protégés que ceux de l'étranger. Aujourd'hui, je vous pose la question: est-ce que le Canada souhaite rester dans la même catégorie que la Corée du Nord et l'Afghanistan, par exemple?
Certains commentateurs — ils sont très peu nombreux, à notre connaissance — vous diront qu'une protection accrue du droit d'auteur nuirait aux consommateurs. Rien n'indique que le prolongement de la période de protection placerait le consommateur en situation de désavantage. Nous n'avons qu'à regarder ce qui se passe dans les pays qui prévoient une protection de 70 ans après la mort de l'auteur. La consommation de musique dans ces pays — qui est souvent plus importante qu'ici au Canada — a continué de s'étendre au fil des années et la protection n'a eu aucune incidence mesurable sur les utilisateurs.
Le Comité devrait aussi tenir compte de l'échappatoire créée par le paragraphe 32.2(3) de la Loi, qui prévoit une exemption si l'utilisation de la musique est dans l'intérêt d'un organisme de bienfaisance. Soyons clairs: la SOCAN n'a nullement l'intention de pénaliser les organismes de bienfaisance dans le plein sens du terme, mais plutôt d'éviter que des organisations puissent contourner la Loi et ainsi éviter de payer leurs droits.
Laissez-moi vous expliquer. À l'heure actuelle, certains organismes, théâtres et festivals qui disposent de budgets pouvant atteindre plusieurs millions de dollars font valoir qu'ils sont des organismes de bienfaisance selon la définition de la Loi sur le droit d'auteur, parce qu'ils ont obtenu ce statut à des fins fiscales. Nous proposons deux changements pour éliminer cette échappatoire. D'abord, préciser que l'exception s'applique uniquement si l'utilisation de la musique ne vise aucun gain. C'est déjà le cas dans l'exception applicable aux foires agricoles et industrielles. Ensuite, il faut préciser que le fait d'être un organisme de bienfaisance au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu n'est pas suffisant en soi pour que l'exception en matière de droit d'auteur s'applique.
[Français]
Le troisième aspect concerne la redevance pour copie privée.
Le système de copie privée a été créé pour remédier à des pertes de revenus dues à l'apparition de certains supports, nommément les cassettes et, ensuite, les disques compacts vierges.
Selon nous, il faut revoir le système actuel et y introduire un élément de neutralité technologique, pour que les nouveaux supports numériques qui sont maintenant la norme pour la copie privée y soient incorporés. On parle ici principalement des tablettes et des téléphones intelligents.
Nous plaidons aussi, comme l'ensemble des acteurs du milieu de la musique, pour un fonds de transition pour appuyer cet usage important des oeuvres musicales de nos créateurs.
En plus de nos trois points principaux, nous souscrivons à la demande d'autres groupes qui plaident pour l'abolition de l'exemption de la première tranche de 1,25 million de dollars de revenus pour les radios commerciales en ce qui concerne les redevances pour les enregistrements sonores et les interprètes. Il en va de même pour la définition actuelle d'« enregistrement sonore ». Ce sont deux situations isolées qui nous semblent désuètes et mal fondées.
[Traduction]
Pour conclure, nous devons garder en tête que les créateurs sont des entrepreneurs et nous devons leur offrir les protections nécessaires de sorte qu'ils puissent tirer profit de leur travail. La façon dont nous consommons la musique a énormément changé. Les téléphones intelligents sont partout. Les téléchargements et la diffusion en continu ont dépassé les ventes physiques. Il faut en faire plus pour faire passer la Loi sur le droit d'auteur à l'ère moderne et pour veiller à un équilibre entre les droits des utilisateurs et ceux des créateurs.
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président.
Membres du Comité, je vous remercie de l'invitation à comparaître devant vous.
Je suis la présidente de la Société canadienne de perception de la copie privée. Je suis accompagnée de Mme Lisa Freeman, qui est la directrice générale de la Société.
En 1997, la Loi sur le droit d'auteur du Canada a été modifiée pour permettre aux Canadiens de copier des enregistrements sonores sur un support audio pour leur usage privé. Parallèlement, la redevance pour copie privée a été créée afin que les créateurs reçoivent une rémunération pour l'utilisation de leur musique.
En vertu de la Loi, les fabricants et les importateurs de supports audio vierges paient une faible redevance pour toute importation et vente au Canada. Ces redevances sont perçues par la Société canadienne de perception de la copie privée pour ses sociétés membres, qui représentent les artistes-interprètes, les auteurs-compositeurs, les éditeurs de musique et les producteurs de disques.
Pendant de nombreuses années, le régime de perception de la copie privée a constitué une importante source de revenus, générant des recettes de plus de 300 millions de dollars pour 100 000 créateurs de contenu, ce qui les a aidés à continuer à créer et à commercialiser un contenu culturel important.
Le libellé de la Loi sur le droit d'auteur visait originalement à rendre le régime de perception de la copie privée technologiquement neutre. Cependant, les décisions de la Cour d'appel fédérale et du gouvernement fédéral précédent l'ont restreint aux CD vierges, qui tombent maintenant en désuétude.
Comme la majorité des consommateurs font actuellement des copies de musique sur des appareils comme des téléphones intelligents, l'utilisation de CD vierges pour copier de la musique diminue rapidement. Par conséquent, les revenus destinés aux créateurs de contenu pour la copie privée sont également en chute libre.
En 2015-2016, les Canadiens ont copié plus de 2 milliards de pistes musicales, soit plus du double qu'en 2004. Cependant, à l'heure actuelle, les ayants droit ne reçoivent aucune compensation pour la majorité de ces copies, y compris les centaines de millions de copies non autorisées réalisées sur des appareils comme les téléphones intelligents.
Au cours de la même période, les revenus annuels découlant de la redevance pour copie privée ont baissé de 89 %, passant d'un sommet de 38 millions de dollars en 2004 à moins de 3 millions en 2016.
Que serait-il arrivé si le Canada avait suivi l'exemple européen en 2012, lors de la révision de la Loi, et avait rendu le régime technologiquement neutre pour qu'une redevance s'applique pour les téléphones intelligents et les tablettes? Selon les données de vente de ces appareils, une redevance de 3 $, ce qui équivaut environ à la moyenne pratiquée en Europe, aurait généré 40 millions de dollars par année. C'est un montant de 240 millions de dollars que le milieu a perdu, seulement entre 2012 et 2017. Il y a urgence d'agir.
La SCPCP recommande au gouvernement de rendre le régime technologiquement neutre pour qu'il soit en phase avec la façon dont les Canadiens consomment la musique.
La solution est de modifier la Loi pour que le régime s'applique tant aux supports audio qu'aux appareils.
La SCPCP propose également d'apporter d'autres modifications mineures à la Loi. En ce sens, il suffit de clarifier que le régime s'applique seulement aux copies faites à partir d'un enregistrement sonore qu'une personne a en sa possession. Nous voulons toutefois qu'il n'y ait aucune confusion: le fait d'offrir ou d'obtenir de la musique illégalement, soit par un service en ligne non licencié ou par du stream ripping, ou même, bien sûr, par le vol d'un album dans un magasin, demeure un geste illégal.
Il doit également être clair que le régime de copie privée ne doit ni nuire aux services légaux de musique en ligne ni légaliser les services illégaux.
Chaque fois qu'il est possible de le faire, les ayants droit licencient le fruit de leur travail à ceux qui souhaitent l'utiliser. Le régime de copie privée ne vise qu'à rémunérer les copies qui ne peuvent être contrôlées.
Il nous faut une solution législative permanente, mais, dans l'intervalle, il est primordial que soit mis en place un fonds intérimaire de 40 millions de dollars.
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Le régime de copie privée demeure la meilleure solution à un problème continu. La diffusion en continu domine peut-être le marché de la musique légal, mais les Canadiens accordent toujours une valeur à la copie — ils ont fait plus de deux milliards de copies depuis 2010 — et le système de redevances est le meilleur mécanisme pour rémunérer les titulaires des droits pour des copies qui ne peuvent être autorisées. Il faut tout simplement le modifier de sorte qu'il corresponde à la façon dont les Canadiens consomment la musique dans un marché changeant.
Grâce à des révisions minimales, le régime de copie privée peut retrouver sa vocation première: être un système souple et neutre sur le plan technologique qui monnaie la copie privée, qui ne peut être contrôlée par les titulaires des droits, sans nuire aux services de musique en ligne légitimes.
Le processus pour établir les redevances demeurerait le même, puisque la SCPCP devrait proposer un tarif à la Commission du droit d'auteur et déterminer, à l'aide de données empiriques, quels appareils et supports sont habituellement utilisés pour copier la musique.
À l'heure actuelle, le Canada est une exception: la plupart des pays de l'Union européenne, de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est ont fait la transition technologique il y a plusieurs années et disposent maintenant de bons régimes de copie privée qui visent un large éventail de supports et d'appareils comme les téléphones intelligents et les tablettes.
Dans une étude exhaustive sur la copie privée réalisée en décembre 2017, la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et de compositeurs a fait valoir que le régime du Canada devait être mis à jour et adapté aux nouvelles utilisations, et prévoir des redevances sur les appareils numériques.
Sans une solution législative comme celle proposée par la SCPCP, la copie privée demeurera illégale au Canada, et les redevances offertes aux créateurs de musique afin de compenser la copie massive de leur travail seront très bientôt éliminées complètement. Les créateurs de musique canadiens doivent être rémunérés pour l'utilisation générale de leur travail, tout comme sont payées les entreprises qui produisent et vendent les appareils utilisés pour faire des copies. La redevance pour la copie privée n'est pas une taxe; ce n'est pas non plus un programme de charité ou de subventions. C'est un revenu gagné.
La Commission du droit d'auteur détermine la valeur de cette redevance. Toutefois, les redevances proposées par la SCPCP représenteront une petite fraction du coût d'un téléphone intelligent ou d'une tablette et seront comparables à celles de nombreux pays européens, où la redevance moyenne exigée pour un téléphone intelligent, par exemple, est d'environ 3 $, soit le prix d'un café.
Comme toujours, la redevance serait payable par les fabricants et les importateurs des supports et des appareils. En fait, nous savons tous que le coût de bon nombre des téléphones intelligents et des tablettes est déjà subventionné par les entreprises intermédiaires qui offrent ces appareils dans le cadre de forfaits avec les services de réseau mobile.
Il importe de souligner l'urgence de la situation. Alors que les créateurs de musique perdent des revenus en raison de la copie privée, leurs revenus provenant d'autres sources ont eux aussi diminué, notamment en raison des exceptions en matière de droit d'auteur qui ont été ajoutées en 2012.
Les artistes et les entreprises du Canada qui voient leur musique copiée à des fins personnelles ne pourront plus créer et faire face à la concurrence à l'échelle internationale s'ils ne sont pas payés lorsque leurs créations sont utilisées.
Nous exhortons le gouvernement à présenter de nouvelles mesures législatives dès qu'il aura terminé le présent examen parlementaire de sorte que des modifications mineures puissent être apportées à la Loi le plus rapidement possible.
Je vous remercie de m'avoir écoutée et je répondrai avec plaisir à vos questions.
Je m'appelle Ian MacKay et je suis le président de Ré:Sonne Société de gestion de la musique. Je suis heureux de pouvoir participer au travail essentiel du Comité en vue d'examiner la Loi sur le droit d'auteur et son incidence sur l'industrie de la musique et les musiciens.
La a fait valoir que le Canada avait besoin d'un cadre du droit d'auteur qui fonctionne bien dans le contexte d'un monde numérique en constante accélération et qui permet aux créateurs d'obtenir la juste valeur pour leur travail. Le a quant à lui fait valoir que nous avions besoin d'un cadre du droit d'auteur qui favorisait la créativité et l'innovation de manière efficace.
J'aimerais aussi résumer les propos d'un artiste très talentueux, gagnant d'un prix Juno, William Prince, qui a comparé la musique à une maison: il est raisonnable pour la personne qui construit une maison de s'attendre à être payée pour son travail.
Comme bien d'autres témoins vous l'ont dit, l'industrie de l'enregistrement musical connaît d'importantes perturbations: elle est passée d'une économie très fructueuse à une économie beaucoup plus fragile. Il faut apporter des changements importants pour éliminer des subventions et des exemptions désuètes et inutiles qui empêchent injustement les créateurs d'être rémunérés pour leur travail.
Donc, où se situe Ré:Sonne dans tout cela? Ré:Sonne est l'organisation qui perçoit les droits et qui assure une rémunération équitable au Canada, au nom de plus de 621 000 artistes et propriétaires d'enregistrements sonores, qu'il s'agisse des grandes maisons de disques ou de petits entrepreneurs. Nous les représentons directement par l'entremise de nos organisations membres et des accords bilatéraux avec les sociétés de perception des droits internationales.
Nous sommes un organisme à but non lucratif. Nous percevons des droits auprès de milliers d'utilisateurs de la musique, notamment les radios commerciales, les radios satellites et les entreprises individuelles comme les centres d'entraînement, les restaurants, les boîtes de nuit, etc. Ces droits sont gérés de façon collective et obligatoire. Les créateurs ne peuvent empêcher les entreprises d'utiliser leurs enregistrements ou négocier directement avec elles. Tout ce qu'ils peuvent faire, c'est miser sur une rémunération équitable une fois que leur musique a été utilisée.
Ces sources de revenus sont essentielles pour les créateurs, et vont directement à eux. L'argent que nous recueillons est séparé également entre les artistes et les propriétaires des enregistrements à la source.
L'industrie de la musique et les lois en matière de droit d'auteur qui la régissent doivent suivre l'évolution technologique. C'est pourquoi Ré:Sonne travaille toujours très fort pour innover. Nous travaillons avec des organisations comme la SOCAN à la rationalisation du processus d'octroi des licences ou, comme l'a fait valoir Mark Schaan, le directeur général de la Direction générale des politiques-cadres du marché au Comité permanent du patrimoine canadien il y a quelques semaines, par l'entremise du sondage La musique a de la valeur.
Nous effectuons cette recherche pour aider les gens qui utilisent la musique à comprendre comment elle ajoute une valeur à leur entreprise et comment ils peuvent l'utiliser à titre d'avantage concurrentiel.
Nous visons aussi à distribuer les redevances de la façon la plus efficace possible. Ainsi, nous demandons à obtenir le journal radio complet des stations de radio et nous collaborons avec d'autres organisations, dont Bell Média, dans le but d'améliorer la communication des données et de veiller à ce que le plus d'argent possible soit remis aux créateurs. Encore une fois, une moitié est destinée aux artistes et l'autre aux propriétaires des enregistrements.
Or, les créateurs perdent au change en raison des exemptions désuètes, inutiles et injustes de la Loi sur le droit d'auteur qui les privent de 60 millions de dollars de revenus par année. Comme vous l'ont dit d'autres organisations comme la Fédération canadienne des musiciens, l'ACTRA, Artisti et Music Canada, ce sont des problèmes fondamentaux qui doivent être réglés.
Il est rare de voir un tel consensus parmi des groupes très disparates qui représentent divers secteurs de l'écosystème musical.
J'aimerais tout d'abord vous parler du retrait de l'exemption relative aux redevances des radios sur le premier 1,25 million de dollars de recettes. D'autres témoins vous en ont déjà parlé, mais en vertu de la loi actuelle et depuis 1997, les stations de radio commerciales n'ont pas à payer de redevances aux interprètes et aux propriétaires des enregistrements sur le premier 1,25 million de dollars de recettes, même lorsque la station fait partie d'un grand groupe de stations rentable. L'exemption fait perdre environ 8 millions de dollars de revenus aux titulaires de droits. Elle représente une subvention injustifiée et incohérente à une industrie extrêmement rentable.
Cette disposition est désuète et se voulait une mesure temporaire, mais elle est toujours en vigueur 20 ans plus tard. Aucun autre pays du monde ne prévoit une telle exemption, et elle ne s'applique pas à tous les titulaires de droits. Elle ne s'applique pas aux auteurs-compositeurs et diffuseurs, ce qui signifie que seuls les interprètes et les maisons de disques doivent subventionner une industrie très rentable. La diffusion de musique par les stations de radio commerciales représente environ 81 % de leur plage horaire. C'est donc 81 % de la « maison » dont parlait William Prince. Les créateurs de cette musique devraient être payés en conséquence, sans subvention et sans exception.
En outre, cette exemption est uniquement offerte aux stations de radio commerciales; elle n'est donc pas neutre sur le plan technologique. Elle ne s'applique pas aux plus récents moyens de distribution de musique, comme la radio satellite, les services sonores payants et la diffusion en continu. On s'écarte donc des tendances mondiales.
La deuxième exemption est la définition d'« enregistrement sonore » dans la Loi sur le droit d'auteur. Aux termes de la loi actuelle, cette définition empêche les artistes et les propriétaires d'un enregistrement sonore de recevoir des redevances lorsque l'oeuvre est diffusée à la télévision et dans les trames sonores de films. Encore une fois, cela ne s'applique qu'aux artistes et aux propriétaires d'un enregistrement sonore, et non aux autres titulaires de droits, ce qui représente des pertes de redevances d'environ 55 millions de dollars par année. Lorsqu'une oeuvre musicale est utilisée dans une émission de télévision ou dans un film diffusé sur Netflix, le compositeur, l'éditeur de musique et l'auteur-compositeur reçoivent tous des redevances d'exécution publique, mais l'artiste et le propriétaire de l'enregistrement sonore ne reçoivent rien. Cela désavantage les artistes canadiens et place le Canada en décalage par rapport au reste du monde.
Une rémunération équitable provenant des redevances associées à ces sources est d'une importance capitale si on veut permettre aux Canadiens qui travaillent dans cette industrie d'assurer leur subsistance. On ne saurait trop dénoncer les répercussions considérables de ces deux exemptions injustes et dépassées. La Loi sur le droit d'auteur devrait être modernisée afin d'éliminer ces subventions et veiller à ce que les créateurs soient payés lorsque des entreprises utilisent leurs oeuvres à des fins commerciales. Cela aurait un effet immédiat sur le gagne-pain des artistes.
Ré:Sonne est aussi membre de la Coalition pour une politique musicale canadienne. Nous appuyons les recommandations énoncées dans les documents présentés au nom de la coalition. D'autres témoins que vous avez déjà entendus ont déjà présenté des explications très éloquentes sur bon nombre de recommandations, dont certaines portent sur la poursuite des efforts importants entrepris pour la réforme de la Commission du droit d'auteur, la modernisation du régime de redevances visant la copie pour usage privé afin de le rendre neutre sur le plan technologique, et la prolongation de la durée de la protection du droit d'auteur de 50 à 70 ans.
Merci.
Je m'appelle Solange Drouin. Je suis la vice-présidente aux affaires publiques et la directrice générale de l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, ou l'ADISQ.
Je m'exprime aujourd'hui au nom d'environ 250 entrepreneurs indépendants, qu'il s'agisse de producteurs d'enregistrements sonores, de spectacles ou de vidéos, de maisons de disques, d'agents d'artistes ou d'autres entrepreneurs, qui sont responsables, notamment, de la production de 95 % des contenus musicaux francophones au pays.
La structure industrielle indépendante qui caractérise la production musicale francophone canadienne a vu le jour il y a 40 ans, et elle est unique au monde. Pour les accompagner dans la production et la commercialisation de leurs oeuvres, les artistes canadiens d'expression francophone se tournent presque toujours vers des entrepreneurs locaux, des petites et moyennes entreprises.
Partout ailleurs au monde, la production musicale est dominée par trois entreprises multinationales: Sony Music, Warner Music Group et Universal Music Group. Dans les années 1980, ces entreprises ont délaissé notre marché, ce qui a permis aux artistes et aux entrepreneurs canadiens francophones de créer ensemble un véritable écosystème dynamique auquel le public d'ici est désormais attaché. Il s'agit d'une situation qui devrait susciter la fierté des Canadiens et de nos dirigeants.
Il n'en reste pas moins que ces compagnies sont toujours présentes dans notre marché; ce sont nos concurrentes. Est-il besoin de préciser qu'elles bénéficient de moyens colossaux en comparaison des nôtres? Même si l'ensemble de la filière musicale se trouve dans la tourmente depuis plus de 15 ans, les entreprises indépendantes sont nettement plus fragilisées par la transformation du marché concurrentiel de la musique, devenu inéquitable et déséquilibré. Cette spécificité doit être prise en considération dans le présent processus.
Vous nous invitez à participer à une réflexion sur les modifications urgentes à apporter à la Loi sur le droit d'auteur pour les artistes et les créateurs de contenu. La Loi sur le droit d'auteur est une loi économique qui produit des effets concrets sur l'ensemble des créateurs de contenu canadien.
Essentiellement, la rémunération des créateurs de contenus musicaux canadiens provient d'une combinaison de revenus et de redevances découlant de l'exploitation des enregistrements sonores et des spectacles. Pour que ces deux éléments soient optimisés, l'entourage professionnel de l'artiste consacre toutes ses énergies à commercialiser efficacement ses oeuvres.
Le législateur, lui — c'est-à-dire vous —, doit s'assurer que toutes les lois concernées sont les plus efficientes possible. C'est simple: sans consommation, il n'y a pas de revenus. Cependant, lorsqu'il y a consommation sans lois adéquates, il n'y a pas de revenus adéquats non plus.
Ainsi, le travail auquel vous vous livrez est lourd de conséquences. Vous avez notamment l'occasion d'enfin corriger plusieurs éléments de la Loi qui, actuellement, privent injustement de revenus les créateurs de contenu.
En effet, la Loi sur le droit d'auteur, en raison des nombreuses exceptions dont elle a été assortie au fil des ans, tout particulièrement depuis 2012, est aujourd'hui un véritable gruyère, ce qui en affaiblit considérablement la portée et cause un préjudice important aux ayants droit, c'est-à-dire les auteurs, les artistes et les producteurs. Il s'agit d'une situation incompréhensible dans un pays comme le Canada, à laquelle il est impératif et urgent de mettre fin.
Si, pour des raisons sociales, nous considérons, comme peuple, qu'il est important de faire bénéficier certains groupes de citoyens d'exemptions ou d'un traitement privilégié, ce n'est pas aux ayants droit de l'industrie de la musique d'en faire les frais.
Je vais donner un exemple que je donne depuis 1992, donc depuis que je suis à l'ADISQ. Au Québec, on a décidé qu'il était important que les enfants aient à déjeuner tous les jours, alors on a décidé de leur offrir des berlingots de lait tous les matins. On n'a pas demandé aux producteurs laitiers de payer pour le lait, mais on a accepté, comme société, de prendre cette responsabilité et de le payer collectivement.
Si l'on veut accorder des exemptions à certains groupes parce que c'est bon de le faire socialement, on peut le faire d'autres façons, par exemple en donnant des crédits d'impôt, plus particulièrement aux entreprises de charité. Par contre, on n'a pas à faire porter l'odieux de tout cela à un groupe de créateurs.
J'aimerais aussi rappeler que, à l'ADISQ, nous approuvons plusieurs des propositions présentées par les témoins qui nous ont précédés et par d'autres qui sont présents avec nous aujourd'hui. Je vais les mentionner rapidement, de façon non exhaustive.
D'abord, il faut retirer l'exemption de paiement de redevances sur la première tranche de 1,25 million de dollars de revenus dont bénéficient les stations de radio.
Ensuite, il faut modifier la définition d'« enregistrement sonore » de façon à ce que les artistes et les producteurs perçoivent des redevances dans le domaine de l'audiovisuel.
Évidemment, il faut augmenter la durée de protection du droit d'auteur de 50 ans à 70 ans pour les auteurs-compositeurs.
Finalement, il faut modifier le régime de copie privée afin qu'il s'applique à tous les types d'appareils utilisés.
Les changements apportés par la technologie se trouvent évidemment au coeur des discussions entourant la présente révision. Il est clair que la Loi doit être en phase avec les pratiques de consommation musicale, car elle ne l'est pas, actuellement.
Les nouvelles technologies constituent des outils qui s'offrent à chacun des acteurs de l'écosystème de la musique, du créateur au consommateur, en passant par l'entourage professionnel. Cela dit, peu importe les outils utilisés, les actes de chacun demeurent inchangés: créer une bonne chanson, la promouvoir, l'écouter.
Ce ne sont pas des outils qui sauveront les créateurs. La technologie de la chaîne de blocs, par exemple, leur permettra peut-être de récolter autrement des redevances découlant de l'utilisation de leurs oeuvres. Cet outil sera-t-il plus performant que ceux qui existent déjà? Cela mérite discussion. Par contre, une certitude existe: sans une loi forte qui protège les oeuvres et fait en sorte que des redevances découlent de leur utilisation, l'optimisation des outils de redistribution des redevances n'améliorera pas le sort des créateurs.
Personne n'ignore les difficultés vécues par l'industrie de la musique, mais l'ampleur des pertes mérite d'être réitérée. Au Québec, depuis 2004, les ventes d'enregistrements sonores ont chuté de 72 %. Les ventes d'oeuvres numériques, qui n'ont jamais compensé cette baisse, sont à leur tour en déclin, ayant diminué de 42 % depuis 2013.
Depuis peu, la diffusion en continu permet aux géants de l'industrie de la musique de réaliser un modeste retour à la croissance. Or, il faut accueillir ces nouvelles avec prudence et lucidité: ce n'est qu'une poignée d'artistes, des vedettes internationales écoutées massivement partout dans le monde, qui en bénéficient.
Sur ces services, l'ADISQ estime aujourd'hui que 30 millions d'écoutes sont nécessaires pour assurer la rentabilité d'un album. Or, l'an dernier, l'artiste québécois s'étant le plus approché de ce seuil a été écouté 8 millions de fois. Cet artiste est en fait un groupe de musique anglophone qui rayonne à l'extérieur de la province. On est donc très loin des 30 millions d'écoutes.
Dans ce contexte, il est intenable pour les ayants droit de continuer à composer avec une loi qui contient une pléthore d'exceptions anachroniques, injustifiables et tristement uniques au monde.
La diversité culturelle est un principe cher au Canada. Les créateurs de contenu — auteurs, artistes et producteurs — en sont les piliers. Quand ces derniers ne parviennent plus à vivre de leur art, cette diversité se trouve directement menacée. C'est aujourd'hui le cas. Heureusement, vous avez le pouvoir de redonner sa force à un outil crucial pour assurer la pérennité d'une production musicale canadienne professionnelle et diversifiée.
Vous aurez compris qu'il est urgent d'agir. En 2016, l'ADISQ affirmait que l'industrie de la musique se trouvait à un point de bascule. Deux ans plus tard, nous approchons du point de non-retour. Il faut renverser la vapeur, maintenant.
Il y aura toujours de la musique, bien évidemment, mais est-ce que nous entendrons encore notre musique?
Merci.
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C'est un point très important. Le Canada connaît une période exceptionnelle. En effet, nous avons des supervedettes qui dominent la scène musicale internationale, et la plupart des personnes présentes seraient d'accord avec moi sur le fait que les éléments liés au contenu canadien qui ont été mis en place ont contribué à créer un environnement qui aide les débutants à réussir ici avant de percer sur les marchés extérieurs. En effet, si un artiste n'a pas de marché intérieur sur lequel perfectionner sa musique et son talent, il aura beaucoup plus de difficulté à percer aux États-Unis ou en Europe.
Nous sommes très fiers du fait que ces artistes, ces créateurs et les membres de la SOCAN tirent profit de ces règlements, tant et aussi longtemps que les critères — qui sont intelligents et souples — sont remplis. Il s'agit d'un mélange de conditions selon lesquelles la personne est canadienne ou l'enregistrement sonore a été effectué au Canada, etc., et si les critères sont remplis. La plupart des critères sont remplis. C'est une différence importante.
Certaines personnes ont posé des questions sur la croissance des revenus, en soulignant que certains artistes ou créateurs ne profitent pas eux-mêmes de cette croissance. La grande partie de cette croissance s'est produite dans les services numériques, notamment dans les services de diffusion en continu et de contenu téléchargé par l'utilisateur, qui ne sont pas assujettis à de tels règlements. Dans ces cas, on utilise plutôt l'approche habituelle du « fouillis total ». Nous sommes un pays très ouvert. Nous sommes situés tout près des États-Unis, qui possèdent l'industrie de divertissement la plus puissante du monde. Nous sommes également ouverts sur l'Europe.
Étant donné que nous distribuons l'argent que nous percevons selon l'usage réel, si nous disons que 35 % du contenu diffusé par les radios canadiennes doit être canadien, au moins 35 % des redevances perçues seront versées à des titulaires de droits canadiens. Si un service de diffusion en continu n'est pas assujetti à un tel règlement, et que seulement 3 % de la musique consommée par l'entremise de ce service est canadienne — ce ne sont pas les données exactes, mais nous les avons —, vous n'avez pas à être mathématicien pour comprendre que l'argent perçu est versé à d'autres créateurs dans d'autres pays.
Il est également impératif de veiller, par l'entremise de règlements visant la radiodiffusion et non par des règlements visant le droit d'auteur, à ce que le contenu canadien soit au moins proposé par l'entremise de ces services. On ne peut pas forcer les gens à cliquer sur une vidéo ou à écouter une chanson. Les gens sont libres de choisir; ce n'est pas comme une station de radio. Toutefois, les Canadiens devraient au moins être au courant de l'offre de musique canadienne, afin qu'ils puissent décider s'ils veulent l'écouter ou non. C'est un élément important dont on doit tenir compte, et il explique certaines de ces différences apparentes. Elles ont toutes de très bonnes explications.
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Vous avez fait vos recherches, et je vous remercie beaucoup de votre intérêt.
Oui, la SOCAN accorde beaucoup d'importance à la transparence et à l'exactitude. Nous sommes obsédés par les données. Nous croyons que nous possédons, grâce à nos efforts, l'une des meilleures bases de données sur les enregistrements sonores à l'échelle mondiale. Nous contrôlons l'information d'environ 66 millions d'enregistrements sonores, de 27 millions de chansons, etc.
Layla est un effort qui vise à présenter des renseignements précis, afin de permettre aux clients des services de droits de reproduction, que nous possédons dans Audiam, de suivre en temps réel les revenus générés sur YouTube, sur Spotify et sur Apple Music. Nous croyons que c'est une bonne chose. Nous voulons offrir cela à tout le monde.
La technologie n'est pas l'ennemie dans ce cas-ci. La technologie dérange les choses. La technologie a créé des défis, et nous croyons qu'elle est aussi la solution aux problèmes qu'elle cause. Grâce à une plus grande transparence et à des investissements dans de bons systèmes et de bonnes données, nous pouvons automatiser la plupart des correspondances entre les renseignements que nous recevons, par exemple, de Spotify ou de YouTube, et les renseignements que nous avons. Nous pouvons identifier la plus grande partie de la longue traîne à un coût raisonnable.
Les coûts liés à la SOCAN représentent environ 10 %, ce qui signifie que 90 ¢ sont remis aux membres. Nous sommes l'un des collectifs de notre taille les plus efficaces sur le plan des coûts dans le monde et au cours des 10 dernières années, en dollars constants, nos coûts ont diminué. La technologie est donc très utile.