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Merci. Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous parler cet après-midi.
L'Alliance internationale des employés de scène, ou IATSE, est un des syndicats les plus anciens et les plus importants qui représente les travailleurs de l'industrie du divertissement au Canada. Nous avons vu le jour en 1893, et nous représentons actuellement 22 000 travailleurs au Canada et 140 000 en Amérique du Nord. Nous sommes les techniciens et les artistes qui travaillent sur des productions étrangères à gros budget comme Star Trek: Discovery à Toronto, et Deadpool à Vancouver, mais aussi sur des productions canadiennes comme Cardinal à Sudbury et Maudie, dont le tournage a eu lieu à Terre-Neuve.
Je suis persuadé que de nombreux témoins qui comparaîtront devant vous parleront de l'importance des industries culturelles dans l'établissement et l'épanouissement de notre identité nationale, et de la façon dont un régime législatif moderne sur le droit d'auteur favorise la créativité et l'innovation.
Je suis cependant ici pour parler d'emplois. Une législation sur le droit d'auteur efficace est un outil d'une importance capitale pour protéger les intérêts économiques des consommateurs, des créateurs, des producteurs, des radiodiffuseurs et des travailleurs canadiens. La production cinématographique et télévisuelle canadienne est maintenant une industrie de 8 milliards de dollars qui crée 171 000 emplois équivalents temps plein. Le vol numérique a une incidence directe sur notre industrie.
Nos membres n'ont pas de sécurité d'emploi. Nous sommes les travailleurs derrière la caméra — les machinistes, les coiffeurs, les décorateurs de plateau et les cadreurs — qui dépendent de la santé de l'industrie pour leur travail. Les membres de l'IATSE ne reçoivent aucun paiement résiduel une fois la production achevée. Leurs revenus dépendent uniquement de ce qui tourne chaque jour, car une fois le tournage terminé, leur chèque de paye cesse de rentrer.
Pourquoi une forte protection du droit d'auteur est-elle importante pour l'Alliance? Parce que lorsque les producteurs, qui sont nos employeurs, subissent des pertes financières en raison du piratage, ils ont moins d'argent pour les projets futurs, et donc moins de possibilités d'emploi pour nos membres. Le piratage n'est pas un crime sans victime.
Les services de diffusion en continu ont remplacé les plateformes de poste à poste comme BitTorrent et représentent désormais jusqu'à 85 % du piratage. En 2016, les Canadiens ont visité 1,88 milliard de fois des sites de piratage. En 2016 seulement, on estime que 375 millions de films et d'émissions de télévision piratés ont été téléchargés au Canada au moyen de BitTorrent.
La plus récente méthode pour afficher du contenu illégal est le lecteur multimédia entièrement installé. Le plus populaire est le boîtier décodeur Kodi. Dans ces lecteurs, des applications sont préinstallées pour permettre aux utilisateurs d'accéder au contenu sous licence, mais il existe des ajouts pour lire du contenu non autorisé. Près d'un foyer canadien sur dix possède désormais un boîtier Kodi. De ce nombre, 70,9 % utilisent un module de piratage.
Voici un exemple précis de l'incidence du piratage. Letterkenny arrive au deuxième rang des émissions de télévision piratées au Canada. L'émission fait partie des milliers qui sont disponibles légalement grâce à un abonnement à CraveTV à un faible coût de 7,99 $ par mois. Elle a été téléchargée illégalement plus d'un million de fois. On estime que ces téléchargements représentent jusqu'à 350 000 abonnements en moins à CraveTV, dont la valeur mensuelle peut atteindre 2,8 millions de dollars.
En 2012, la Loi sur la modernisation du droit d'auteur a été adoptée et prévoit un examen obligatoire de la loi tous les cinq ans. Sa mise en oeuvre a eu des résultats positifs. Par exemple, la Cour d'appel fédérale a confirmé en mars 2017 une injonction interlocutoire en première instance contre les revendeurs de décodeurs tels que le boîtier Kodi. Un autre exemple est l'injonction de 2015 que la Motion Picture Association of America a obtenue contre les programmeurs canadiens de Popcorn Time, un site Web qui permet la diffusion de contenu en ligne gratuit.
Il y a encore de nombreux domaines où la législation actuelle est insuffisante. Le paysage numérique en évolution rapide a mis en évidence de graves lacunes de la loi. Le 2 janvier 2015 est entré en vigueur le régime de transmission d'avis volontaire, qui devait être un outil éducatif pour les utilisateurs finaux. La sensibilisation est une bonne chose, mais rien n'indique que le régime d'avis a contribué à changer quoi que ce soit au comportement du consommateur. Celui-ci ne s'expose à aucune conséquence, et les fournisseurs de services Internet ne sont pas incités à se débarrasser du matériel illégal. Aussi, les fournisseurs n'ont pas de raison suffisante de respecter le régime de transmission d'avis volontaire, car s'ils ne transmettent pas les avis aux détenteurs de droits, cela n'a aucune incidence sur responsabilité en cas de violation du droit d'auteur.
Les gouvernements du monde entier se rendent compte qu'il faut réglementer les plateformes en ligne. On a récemment porté une grande attention à la protection de la vie privée sur celles-ci aux États-Unis et au Canada, mais des discussions et des mesures législatives ont également été prises pour réglementer le comportement responsable sur Internet et imposer des obligations aux plateformes en ligne. Internet n'est plus le Far West. Les gouvernements se rendent compte qu'une réglementation et une surveillance accrue sont nécessaires.
Aucune solution unique ne permettra de résoudre ce problème aux multiples facettes, mais l'Alliance vous en propose une. Nous sommes une des 25 organisations qui composent la coalition FairPlay Canada, qui comprend des syndicats, des radiodiffuseurs, des sociétés de production et d'autres intervenants.
FairPlay Canada a déposé une demande au CRTC visant à protéger les créateurs de contenu. Nous proposons un système similaire à celui qui est employé dans des pays comme le Royaume-Uni, l'Australie et la France, et qui permettrait au CRTC d'identifier les sites de piratage illégal et de les empêcher d'atteindre les Canadiens. Selon notre proposition, le CRTC créerait une organisation indépendante à but non lucratif, un organisme indépendant de surveillance du piratage qui soumettrait au CRTC des recommandations de sites devant être bloqués.
Toute partie intéressée pourrait soumettre une demande au sujet d'un site, qui serait transmise au site Web et aux fournisseurs de services Internet. L'organisme formulerait ensuite une recommandation au CRTC, lui disant s'il faut ajouter le site à la liste des sites de piratage flagrants. Il ne recommanderait l'ajout d'un site Web à la liste que si les éléments de preuve présentés établissent que le piratage est flagrant, massif ou structurel. La décision finale incomberait au CRTC, et serait également assujettie à la surveillance de la Cour d'appel fédérale. Une fois qu'un site figure sur la liste, les fournisseurs de services Internet seraient tenus d'empêcher tout utilisateur canadien d'y accéder, peu importe où il se trouve dans le monde.
Je tiens à préciser que cette proposition ne porte aucunement atteinte à la neutralité du réseau. L'Alliance et FairPlay sont en faveur d'un accès ouvert à tous les contenus légaux sur Internet. Cependant, la neutralité du réseau protège uniquement le contenu légal et n'est pas affectée par cette proposition. Encore une fois, nous parlons exclusivement de sites de piratage flagrants, pas de sites soupçonnés de piratage. Nous parlons de sites comme The Pirate Bay, qui existe principalement pour partager du matériel protégé par des droits d'auteur, et non YouTube, par exemple, où la majorité du contenu est original et diffusé par le créateur.
Il est temps que le Canada envisage des solutions novatrices au piratage. Les industries créatives ont besoin de soutien pour protéger le gagne-pain de dizaines de milliers de Canadiens talentueux.
Je vous remercie.
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Notre troisième recommandation est de traiter les prestations incorporées à des vidéoclips comme des prestations musicales, et non comme des prestations cinématographiques.
Actuellement, dès qu'un artiste-interprète autorise l'incorporation de sa prestation dans une oeuvre cinématographique, y compris un vidéoclip, par exemple, il renonce à exercer son droit d'auteur.
Par exemple, un artiste-interprète dont la prestation est captée sur vidéo et fait également l'objet d'un enregistrement sonore peut uniquement exercer son droit d'auteur ou recevoir une rémunération équitable lorsque sa prestation sonore est dissociée de la vidéo. Or, un vidéoclip, c'est une chanson avec des images. Je ne connais personne qui regarde sur YouTube le vidéoclip d'une chanson alors que le son est désactivé. C'est la chanson que la personne « regarde ».
Dans un tel cas, priver l'artiste de ses droits est inconcevable. La communauté internationale l'a d'ailleurs reconnu en 2012, quand elle a adopté le Traité de Beijing sur les interprétations et exécutions audiovisuelles.
Il est donc impératif que le Canada ratifie ce traité et étende les droits exclusifs et moraux prévus pour les artistes-interprètes du secteur sonore à l'ensemble des artistes-interprètes.
Cependant — et c'est là notre quatrième demande —, il faut aussi changer la définition d'« enregistrement sonore » pour que soient également visées par la rémunération équitable les chansons qui sont utilisées dans les films ou dans les séries télévisées.
La définition d'« enregistrement sonore » pose problème puisqu'elle exclut les bandes sonores d'oeuvres cinématographiques diffusées en même temps que le film. Cette situation prive les interprètes de revenus importants, en plus d'être discriminatoire, puisque les auteurs perçoivent, eux, des redevances en pareilles circonstances.
Cinquièmement, il faut trouver des moyens de rémunérer les artistes-interprètes pour l'utilisation de leurs prestations sur Internet.
Les artistes québécois savent très bien que les revenus découlant de la diffusion en continu sont extrêmement bas, même pour leurs chansons les plus populaires.
D'abord, les revenus pour la webdiffusion non interactive et semi-interactive découlent d'un tarif établi par la Commission du droit d'auteur du Canada. Ce tarif est presque 11 fois moins élevé que celui en vigueur aux États-Unis.
Ensuite, les revenus pour les webdiffusions à la demande, comme Spotify ou Apple Music, par exemple, sont assujettis à des contrats entre les artistes et les producteurs, qui prévoient la récupération de frais de production avant le versement de redevances aux artistes. Compte tenu des faibles sommes générées par les ventes d'albums ainsi que par la webdiffusion à la demande, les interprètes se voient trop souvent privés de redevances provenant de cette exploitation commerciale.
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Notre recommandation comprend deux volets.
D'une part, des directives devraient être intégrées dans la Loi afin que les tarifs de la Commission du droit d'auteur du Canada s'arriment à ceux qui s'appliquent chez nos voisins du Sud. La diffusion en continu devrait avoir la même valeur, qu'elle se fasse au Canada ou aux États-Unis. On devrait également prévoir des directives pour que la Commission du droit d'auteur du Canada respecte les ententes conclues entre les utilisateurs et les sociétés de gestion.
D'autre part, il faudrait instaurer un droit à la rémunération pour les exploitations numériques des prestations comme celui qui est prôné par le regroupement européen Fair Internet for Performers. De plus, cette redevance devrait faire l'objet d'une gestion collective obligatoire. Mieux encore, les règles de la rémunération équitable, qui est versée à moitié aux artistes-interprètes et à moitié aux producteurs d'enregistrements sonores, devraient également s'appliquer à la webdiffusion à la demande, comme c'est le cas pour la radio.
Enfin, notre dernière recommandation est très simple: il s'agit d'abolir l'exemption qui permet aux radiodiffuseurs de se soustraire à l'obligation de verser des redevances de rémunération équitable sur la première tranche de 1,25 million de dollars de leurs recettes publicitaires annuelles. Cette exemption adoptée en 1997 ne s'applique pas aux auteurs, mais seulement aux artistes-interprètes et aux producteurs, et elle devait être transitoire. Vingt ans plus tard, l'abolition de cette mesure discriminatoire est urgente.
Je suis accompagné de Dave Forget, directeur des politiques.
Nous sommes ravis d'avoir été invités par le Comité à présenter le travail de la Guilde canadienne des réalisateurs auprès de la Société canadienne de gestion des droits des réalisateurs, d'autant plus que ce travail reflète un principe fondamental de la Guilde, à savoir que les réalisateurs et les scénaristes canadiens devraient être reconnus par la loi comme coauteurs de l'oeuvre audiovisuelle.
[Français]
La Guilde est une organisation nationale du travail qui représente le personnel créatif clé et logistique du cinéma, de la télévision et des industries des médias numériques. Aujourd'hui, elle compte 5 000 membres et couvre tous les domaines de la réalisation, de la production, du montage et de la conception visuelle.
En 1998, la Guilde canadienne des réalisateurs a fondé la Société canadienne de gestion des droits des réalisateurs, ou DRCC, une société de perception de droits qui administre les paiements de redevances en provenance de pays étrangers sujets au droit d'auteur et qui distribue ces bénéfices à tous les réalisateurs canadiens, et ce, pour tous les genres. En 2017, la DRCC a versé 796 000 $ en redevances étrangères à ses membres, soit 1 349 réalisateurs canadiens.
[Traduction]
Les réalisateurs ont droit à ces redevances en vertu des lois nationales sur le droit d'auteur et des systèmes de monétisation à l'extérieur du Canada. C'est le cas principalement en Europe, mais aussi de plus en plus là où les lois sur le droit d'auteur considèrent les réalisateurs audiovisuels comme étant auteurs de leur travail, et exigent des paiements de la même manière que la SOCAN le fait pour les compositeurs et auteurs-compositeurs du Canada.
Ici au Canada, alors que l'actuelle Loi sur le droit d'auteur laisse planer l'ambiguïté sur l'auteur du travail cinématographique, le texte et les décisions judiciaires subséquentes appuient largement la proposition selon laquelle le scénariste et le réalisateur sont coauteurs de l'oeuvre.
L'article 11.1 de la loi établit une distinction entre un contenu audiovisuel à « caractère dramatique » et un contenu sans caractère dramatique, et attribue une durée normale au droit d'auteur, soit la vie de l'auteur plus 50 ans, uniquement aux oeuvres où « les dispositifs de la mise en scène ou les combinaisons des incidents représentés donnent un caractère dramatique ».
Un écrivain crée bien sûr une « combinaison d'incidents », qu'on appelle intrigue ou scénario. Un réalisateur dirige ensuite le jeu, puis conçoit et organise les divers éléments créatifs qui apparaîtront finalement à l'écran: il gère la mise en scène, le cadrage et les mouvements de la caméra; conçoit les plans et sélectionne les emplacements; détermine le ton et l'interaction des artistes; organise la séquence finale des images dans la salle de montage; et choisit la trame sonore et la musique.
Tout compte fait, l'article 11.1 décrit le travail des scénaristes et des réalisateurs. Si la paternité d'une oeuvre dans les médias audiovisuels signifie créer une oeuvre originale et lui donner un caractère dramatique, comme la loi le prévoit, alors il est logique de penser que l'auteur est l'initiateur et le créateur qui fournit ce caractère dramatique.
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La durée du droit d'auteur lui-même, soit la vie de l'auteur plus 50 ans, constitue une preuve supplémentaire que l'auteur doit être un individu et une personne physique, quelqu'un qui peut prendre le crédit de la paternité et de la propriété naturelle des droits moraux, et non pas une société ou une autre entité juridique. Cette interprétation de la loi est appuyée par toute la jurisprudence canadienne, et québécoise aussi, en vertu du Code civil.
La loi établit également une distinction explicite entre l'auteur et le producteur d'une oeuvre. Bien que la désignation de producteur soit principalement employée pour les enregistrements sonores, elle est également définie pour les oeuvres audiovisuelles. La première propriété du droit d'auteur ou du droit moral n'est attribuée nulle part dans la loi au producteur d'une oeuvre audiovisuelle. Cela confirme que la propriété du droit d'auteur et du droit moral doit revenir exclusivement à l'auteur original, qui doit être la personne physique ayant conféré à l'oeuvre son caractère dramatique original.
Il ne s'agit pas seulement de l'interprétation actuelle des tribunaux, mais aussi de la politique déjà intégrée dans les ententes et les contrats de notre industrie. Les entreprises ont besoin de certitude, et aucun producteur, studio, diffuseur ou distributeur n'investirait dans un projet sans avoir obtenu les droits nécessaires pour l'exploiter. C'est pourquoi les scénaristes et les réalisateurs souscrivent déjà systématiquement à leur exploitation et à leurs droits moraux, et sont déjà rémunérés au moyen d'honoraires pour leur talent et l'utilisation future de leur création.
Le changement que nous préconisons aujourd'hui ne perturberait pas le statu quo dans l'industrie et ne changerait rien à la façon de faire les affaires, mais reconnaîtrait nos droits moraux en tant qu'individus et créateurs. Voilà qui dirait clairement que ces droits doivent continuer à être respectés dans le cadre de discussions au sujet de toute plateforme future.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de votre temps.
Nous serons heureux de répondre à vos questions.
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Oui, l'industrie connaît les sites. De nombreux pays les ont déjà identifiés et fermés.
Le Canada est à la traîne. Je suis persuadé que vous allez l'entendre de la part de nombreux témoins en matière de droit d'auteur. Nous ne sommes pas chefs de file, c'est certain.
Ce que nous cherchons à accomplir avec l'application FairPlay, c'est vraiment de faire comme beaucoup de pays d'Europe occidentale, qui ont des industries culturelles dynamiques, et qui ont cru bon de les protéger. Nous avons examiné le régime d'avis, mais il est franchement inefficace, de sorte que nous devons durcir le ton.
L'industrie connaît les joueurs. Il s'agit donc d'une façon rapide, efficace et peu coûteuse de remédier au problème, car d'autres initiatives qui ont été examinées... Il est long et fastidieux pour un détenteur de droits d'auteur de faire valoir ses droits. Selon nous, ce processus permettrait une application régulière de la loi et l'obtention d'un résultat rapide.
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En fait, en tant que société de gestion collective, nous essayons autant que possible de faire en sorte que les redevances perçues pour les utilisations du travail des artistes-interprètes ne diminuent pas avec le temps. Malheureusement, de nombreuses exceptions ont été introduites dans la Loi sur le droit d'auteur lors de sa modernisation en 2012, et c'est certain que cela rend les choses difficiles. On voit des baisses importantes des redevances.
Je parlais de la copie privée, par exemple. Au plus fort de la copie privée, les redevances correspondaient à plus de 50 % des redevances canadiennes qu'Artisti pouvait distribuer aux artistes. L'année dernière, seulement 7 % des redevances canadiennes découlaient de la copie privée.
On voit que la Loi n'a pas suivi le mouvement et qu'il y aurait intérêt à la moderniser davantage afin que ce soit étendu aux appareils.
Je pourrais vous parler d'un tas d'autres exceptions qui ont été introduites dans la Loi.
Malheureusement, cela attire défavorablement le regard des pays étrangers sur le Canada. Pas plus tard qu'en mai 2017, l'Association littéraire et artistique internationale, l'ALAI, a formulé au gouvernement canadien la recommandation ou le voeu de diminuer les exceptions gratuites. En fait, il faudrait que, si des exceptions sont introduites dans la Loi, celles-ci soient au moins assorties d'une compensation.
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Au Canada, premièrement, si vous cliquez sur une vidéo en particulier, c'est du « sur demande ».
[Français]
Quand c'est fait à la demande, en principe, cela devrait être couvert par le contrat passé entre l'artiste et le producteur.
Cela dit, souvent, si vous faites une demande pour une vidéo, puis que vous arrêtez de faire des demandes, YouTube vous suggère des vidéos et vous propose telle autre chanson du même artiste ou une autre chanson d'un artiste différent. À ce moment-là, il ne s'agit plus de ce que l'on appelle les services à la demande, mais plutôt de webdiffusion semi-interactive ou non interactive, selon la terminologie qu'on emploie. Vous n'avez rien demandé, mais on vous a suggéré un contenu. Personnellement, je ne suis pas en mesure de vous dire si, dans ces cas, c'est rétribué chaque fois.
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Il y a deux façons de voir la proposition de Franc-Jeu Canada au CRTC.
Je parle à des réalisateurs qui voient leur travail surgir sur ces plateformes. De toute évidence, dans bien des cas, c'est sans permis d'utilisation. Les réalisateurs ne sont pas en mesure, faute de temps et de ressources, de suivre ces dossiers et d'exercer les recours légaux afin de faire retirer le contenu. Le contenu surgi ailleurs. C'est un défi, et notre organisation est également membre de la coalition Franc-Jeu Canada. L'une des qualités de l'approche est d'aller à la source.
Souvent, la source du contenu — d'où il est diffusé — se trouve à l'extérieur du Canada. Il est difficile de l'atteindre avec notre actuelle structure juridique traditionnelle. Par conséquent, empêcher ces sources d'entrer sur notre territoire représente une solution simple. Nous dirions, en effet, que tout ce qui doit arriver à l'extérieur du Canada va arriver, car ces sources de flux vont probablement continuer d'exister, et que d'autres administrations devront s'en occuper. Certaines ont des protocoles très semblables à ce que Franc-Jeu a déjà — par exemple au Royaume-Uni, au Portugal et en Italie —, et cela fonctionne.
Ce qu'on suggère, c'est essentiellement de bloquer ces sources, car pour les créateurs, se lancer à la poursuite de cela, un cas à la fois, représente une tâche herculéenne, en plus de n'être tout simplement pas efficace. La suggestion est donc très pratique; quand un site fait manifestement énormément de piratage de contenu alors qu'il n'a pas le droit de l'exploiter et de l'offrir, il faut le bloquer.
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Merci, monsieur le président, et merci à tous d'avoir pris le temps de venir discuter avec nous aujourd'hui.
Je veux revenir à vous, monsieur Lewis. Vous avez tenu des propos intéressants tout à l'heure, au sujet de la proposition de Franc-Jeu, qui a suscité beaucoup de préoccupations chez les gens qui veulent préserver la neutralité du Net. Vous avez dit appuyer la neutralité du Net, et c'est bon de l'entendre. Cependant, j'aimerais aller au fond de certaines choses que vous avez dites.
À l'heure actuelle, comme vous l'avez dit, Franc-Jeu propose la création d'un conseil composé d'intervenants de l'industrie qui demanderait au CRTC d'exiger que les FSI bloquent les sites Web qu'ils jugent perpétuer le piratage. La principale préoccupation causée par cette proposition, c'est qu'aucun tribunal n'interviendrait avant la fermeture du site. En réponse à cela, vous avez dit — à l'instar d'autres représentants de Franc-Jeu — que les plaignants pourraient s'adresser à la Cour d'appel fédérale une fois que le site a été retiré.
Pourquoi ne pas répondre directement à ces préoccupations bien réelles et modifier la proposition afin de prévoir l'intervention d'un tribunal avant le retrait des sites commettant les infractions?
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Nous pensons à deux exceptions qui ont été introduites dans la Loi en 2012 et qui compliquent beaucoup la situation pour ce qui est des choix des consommateurs.
En 1997, un régime de la copie privée a été adopté pour permettre aux consommateurs de reproduire de la musique dans l'intimité de leur foyer. Cela se faisait déjà de façon courante. Tous les gens ont probablement déjà fait ou possédé un enregistrement de diverses chansons qu'ils écoutaient dans leur voiture en se rendant à leur chalet ou ailleurs. En 1997, le gouvernement a déterminé qu'il serait désormais permis aux gens de faire de telles reproductions pour leur usage personnel, mais qu'une compensation serait versée aux créateurs pour tous les supports audio vierges vendus.
Malheureusement, la cour a rendu une décision selon laquelle les supports audio vierges n'incluaient pas les appareils audio numériques. C'est pourquoi cette redevance s'applique maintenant uniquement aux CD vierges, un support qui est de moins en moins utilisé, il faut bien le dire.
En 2012, on a incorporé dans la Loi sur le droit d'auteur une exception en vertu de laquelle il devenait possible de faire des copies de musique sur des appareils qui n'étaient pas déjà couverts par le régime de la copie privée. Autrement dit, il est devenu légal de faire des copies sur son iPod, s'il y en a encore, ou sur son iPhone. Cependant, plutôt que de prévoir, comme cela avait été fait de façon assez judicieuse en 1997, une compensation pour les créateurs en contrepartie des copies faites de leur travail, on n'a prévu aucune compensation en 2012. C'est malheureux.
On a également introduit dans la Loi une exception pour les cas où les gens copient une émission afin de pouvoir la regarder en différé. Encore là, malheureusement, aucune compensation n'a été prévue dans la Loi en contrepartie de l'utilisation du travail des créateurs.
Il y avait également les reproductions éphémères, qui étaient effectuées par les radiodiffuseurs afin de faciliter leurs activités de radiodiffusion. Comme je l'ai expliqué...
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Nous parlons beaucoup du milieu de la musique. Je suis présidente de l'Union des artistes. Au Québec, nous avons réussi à compenser quelques formes de droits grâce à nos ententes collectives. À l'Union des artistes, il y a 55 ententes collectives dans tous les secteurs. Cela touche évidemment la musique, mais aussi les animateurs, les chanteurs et les danseurs. Au moyen de nos ententes collectives, nous avons su nous protéger. Le milieu de la musique est exceptionnel. Je dirais que ce milieu est l'exemple à ne pas suivre, en fait.
Au fil du temps, au Québec, nous avons su nous protéger un peu, grâce à la loi sur le statut de l’artiste. Nous appelons cela des droits de suite. En fait, nous sommes payés pour la journée de travail, un peu comme les plombiers. Pour le reste, c'est un pourcentage du cachet négocié à la base. Par exemple, on établit que les droits de suite équivaudront à 30, 40, 50, voire 80 % du cachet négocié. Nous sommes donc dans un autre système, qui protège à peu près les artistes tant et aussi longtemps que nous restons dans ce cadre.
Évidemment, le milieu ou le marché tend à changer complètement la méthode de rémunération des artistes, si bien qu'on demande de plus en plus, au moyen des médias numériques, par exemple, ce que l'on appelle des paiements forfaitaires. Vous comprenez ce que je veux dire? Cela est complètement différent.
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En réalité, la question est de savoir par où commencer. Nous vivons à une époque où il y a une abondance de choix et de diversité en matière de contenu. Il n'y a jamais eu de meilleure époque pour les téléspectateurs; il y a tellement de choix. Cela a entraîné beaucoup d'investissement dans la création de contenu. À bien des égards, il s'agit d'un excellent remède pour l'industrie, car il y a beaucoup d'activités.
Le Canada en a profité. Nos membres travaillent à des productions étrangères — nous en avons mentionné quelques-unes, Lost in Space, Star Trek et The Shape of Water, notamment —, mais aussi à des productions canadiennes.
Les activités de production ont connu un véritable boom. C'est une bonne chose, mais de l'autre côté, il y a beaucoup plus de contenu qui entre au pays. C'est positif, mais cela a entraîné une augmentation de la concurrence. Par exemple, nous voyons les avantages des efforts qu'a déployés le gouvernement. Le rapport et les recommandations du CRTC pour être compétitifs à l'échelle internationale le démontrent et pour bâtir sur ces forces— un grand bassin de talent, une excellente infrastructure, une capacité financière — et avoir l'expérience nécessaire pour être compétitif sur la scène internationale, nous devons continuer de jouir d'un système solide qui permet de renforcer le contenu canadien.
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Je vais laisser la chance aux autres d'intervenir, car il s'agit d'une excellente question.
Je parlerai d'abord des raisons pour lesquelles nous sommes ici aujourd'hui. La façon dont la loi définit le terme « auteur » est ambiguë, en ce sens qu'elle ne précise pas qui sont les auteurs.
À mon avis, nous avons bien expliqué notre position, les scénaristes et directeurs sont des auteurs. La raison pour laquelle je le souligne, c'est le simple fait de clarifier cette question permettrait de renforcer la loi. D'autres vous l'ont probablement déjà dit, mais bon nombre des choses que nous faisons — la renonciation de nos droits moraux et l'attribution de droits d'exploitation aux producteurs et distributeurs, notamment — nous encouragent à faire en sorte que le contenu créé par nos membres est totalement exploité, pour des raisons bien évidentes. C'est ce que nous voulons pour des raisons financières. Je crois que c'est positif.
Un changement modeste, comme renforcer cet aspect de la Loi sur le droit d'auteur, permettrait d'apporter une certaine clarté. Quelles seraient les conséquences? Tim et d'autres ont parlé des investissements faits par de nouveaux intervenants dans le domaine de la VADA. Si vous demandez à Crave, Netflix et autres ce qu'elles font, elles vous diront — dans leur propre langage — qu'elles produisent des émissions de télé. Lorsque nos membres se retrouvent à Vancouver dans un studio d'enregistrement, peu importe l'émission...
Plus il y aura de perturbation sur le marché et de nouveaux modèles d'affaires, plus il sera nécessaire d'avoir ces conventions collectives. Madame Prégent a avancé un excellent argument et c'est également l'expérience qu'a vécue la GCR. Les conventions collectives sont le meilleur moyen de codifier ces ensembles de droits et cette transaction. Mais, le fait de renforcer la Loi sur le droit d'auteur nous donnerait les outils nécessaires pour nous assurer que lorsque de nouvelles plateformes sont créées grâce à de nouvelles technologies et de nouveaux modèles — je suis désolé, je prends beaucoup de temps, mais j'ai presque terminé —, il y ait une conversation sur les droits et la rémunération équitable entre les auteurs, scénaristes et directeurs et ceux qui commandent et financent le contenu et qui organisent la conception des projets.
Dave, vous avez parlé du film La Forme de l'eau. Un type de la région de Sault, Paul Austerberry, a gagné un Oscar pour ce film — et je le connais très bien —, et David Fremlin de l'équipe de conception l'a partagé avec lui. Ce sont mes très bons amis et je sais à quel point l'économie de la création est importante, surtout en ce qui a trait à la production cinématographique et télévisuelle.
Dans votre exposé, vous avez parlé d'une période visant la vie de l'auteur plus 50 ans. Nous étudions aussi la façon d'aborder le droit d'auteur des Autochtones du Canada. L'un des enjeux auxquels nous sommes confrontés — et je fais une recherche là-dessus —, c'est que nous savons qu'il faut demander la permission, mais souvent la production, l'oeuvre n'appartient pas à une personne. Elle appartient à une Première Nation ou à un clan, ou à une partie de ces groupes.
Savez-vous comment les modifications du droit d'auteur pourraient aider les artistes autochtones et comment nous pourrions accroître l'art créatif parmi les collectivités autochtones?
J'aimerais poser quelques questions au sujet du modèle opérationnel et, bien sûr, de la croissance durable.
Monsieur Southam, vous avez dit que les avantages financiers pouvaient être comptabilisés au fil du temps et intégrés au modèle opérationnel général. Mais j'aimerais qu'on se centre sur la Loi sur le droit d'auteur et sur les mécanismes dont vous avez tous parlé plus tôt en ce qui a trait à la Loi. J'aimerais ressortir de l'étude avec quelque chose de tangible afin que nous puissions faire des recommandations à la fin du processus.
Je vous ai entendu parler de mécanismes relatifs aux nouvelles technologies et de la façon dont nous pouvons détecter bon nombre des sites pirates. Sur ce deuxième point, est-ce qu'une organisation indépendante se charge de surveiller les sites pirates qui s'adonnent à ce type d'activités?
Plutôt que d'avoir une entité distincte, est-ce qu'une sous-entité du CRTC suffirait?