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Merci, monsieur le président.
Je suis avocat. Ma pratique se partage entre le droit de la concurrence et les litiges commerciaux. Je présume qu'une bonne partie de ce que je vais dire ici aujourd'hui s'appuie sur mon expérience en droit de la concurrence.
Mes observations sur la Loi canadienne anti-pourriel, la LCAP, tombent dans trois catégories, que j'appellerais « le bon, le mauvais et l'exécrable ».
Quels sont les bons aspects? De façon générale, les dispositions ajoutées à la Loi sur la concurrence sont bonnes. C'est une bonne chose que la Loi sur la concurrence soit renforcée de manière à inclure les renseignements délibérément trompeurs dans les communications électroniques. Je pense que les dispositions sur les logiciels sont bonnes, elles aussi. Pareillement, j'estime que c'est une bonne chose que d'avoir prévu une obligation robuste de désabonnement pour les communications électroniques.
Passons maintenant aux mauvais aspects de la loi, puisque, bien entendu, le travail du Comité est d'examiner la loi et de proposer des modifications.
Comme vous le savez, la LCAP crée un régime de participation volontaire pour les messages électroniques commerciaux. Or, la loi ne fait pas de distinction entre les courriels ponctuels et les courriels de masse. En fait, la loi a été délibérément rédigée pour s'appliquer même aux courriels à occurrence unique. Essentiellement, ce que la loi fait, c'est qu'elle rend l'utilisation du courriel à des fins commerciales présumément et systématiquement illégale — et j'utilise le terme « courriel » pour décrire n'importe quelle sorte de communication électronique visée par la loi.
Je vois quatre aspects où ces dispositions posent problème.
Premièrement, il y a l'aspect de la portée. Je ne vais pas m'étendre là-dessus, car je crois bien qu'on vous en a déjà beaucoup parlé. Je crois que ce qui préoccupe vraiment, ce sont les courriels de masse, ce sont ces gens qui envoient de grandes quantités de courriels, sauf que la loi s'applique aussi à un courriel que j'enverrais en tant qu'avocat à un avocat à l'interne pour lui dire « j'aimerais vous proposer les services de ma firme » ou même à un courriel que j'enverrais à un autre avocat pour l'inviter à luncher. Ces dispositions s'appliqueront aussi au courriel que j'enverrais à mon voisin afin de l'inviter à acheter des billets pour le dîner de gala de telle ou telle équipe de sport mineure. Mon message serait considéré comme un message électronique commercial et, théoriquement, il me faudrait l'assortir d'une fonction de désabonnement.
Tous ces messages sont vraisemblablement des messages électroniques commerciaux et ils sont donc tous assujettis à l'ensemble de ces exigences qui ont été ajoutées. Toutefois, je ne crois pas que qui que ce soit convienne que tous ces mécanismes sont nécessaires dans des situations comme celles-là, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit de courriels à occurrence unique entre deux personnes.
Je vais maintenant parler d'un aspect encore plus fondamental. Dans mon mémoire, j'affirme que le mécanisme dans la LCAP est en désaccord avec une économie de libre marché. La liberté n'est pas un concept qui ne s'applique qu'au discours politique. En fait, je dirais que, pour la plupart des gens, être libre signifie d'avoir la possibilité de vaquer sans entrave à ses occupations. Cela comprend les libertés sur le plan économique, dont la liberté de démarrer une entreprise, de chercher des clients, de mettre cette entreprise en marché, d'informer les gens au sujet des produits inédits et innovateurs que vous avez mis au point, et d'offrir ces produits sur le marché.
La contrepartie de ma liberté et des libertés qui font en sorte que les Canadiens sont en mesure de démarrer des entreprises, c'est que je vais recevoir de la publicité d'autres personnes exerçant leurs libertés. Cette publicité ne m'intéresse peut-être pas, mais si je veux avoir la liberté d'informer les autres de mon entreprise et de ce que je fais, je dois accepter de recevoir des messages qui vont prendre le chemin de la poubelle physique — dans le cas d'envois par courrier traditionnel ou de circulaires papier — ou électronique. L'autre chose qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que les pourriels que certains s'empressent de supprimer sont aussi ce que d'autres considèrent comme des occasions de ramasser des bons de réduction.
L'un des corollaires de cette loi, c'est qu'elle diminue la concurrence, et je dirais même que c'est quelque chose qu'elle fait délibérément. À vrai dire, son titre exprime l'inverse de ce qu'elle fait. C'est presque orwellien. La loi trahit certains des objectifs de la Loi sur la concurrence. Le titre de la LCAP fait état d'une loi « visant à promouvoir l’efficacité et la capacité d’adaptation de l’économie canadienne », mais ce que la loi fait vraiment, c'est qu'elle privilégie de façon explicite les sociétés existantes plutôt que les nouveaux venus.
La concurrence repose sur l'arrivée de nouvelles entreprises qui proposent de nouveaux produits, des produits innovateurs, ainsi que sur la pénétration des marchés par ces nouveaux venus et sur la concurrence que ces derniers livreront aux entreprises en place, au point même, peut-être, de les déloger.
La LCAP privilégie les relations qui existent entre ceux qui sont déjà là et leurs clients, et nuit aux nouveaux venus qui cherchent à établir des relations avec de nouveaux clients. Elle fait cela en érigeant une barrière bien concrète devant l'entrée. La loi stipule que vous ne pouvez pas envoyer de messages électroniques commerciaux. Vous ne pouvez pas envoyer de courriels pour informer les gens au sujet de vos produits inédits et innovateurs, sauf si vous leur en avez d'abord parlé et qu'ils vous ont donné leur aval.
La mesure fait grimper le montant qu'une nouvelle entreprise ou un nouveau venu devra payer pour informer les Canadiens au sujet de ses produits inédits et innovateurs, et cela fait reculer la concurrence. Ce mécanisme est enchâssé dans la loi. Ce n'est pas une anicroche, mais un attribut.
D'autres intervenants vous en ont probablement déjà parlé, alors je ne vais pas m'éterniser là-dessus. Néanmoins, il existe un argument constitutionnel très sérieux qui remet en question la légitimité de ce texte de loi, et c'est que le mécanisme qui rend vraisemblablement illégale l'utilisation du courriel à des fins commerciales est contraire à l'existence d'une liberté du discours commercial. Comme vous le savez, nos tribunaux ont affirmé que le discours commercial était quelque chose qui était protégé par la Constitution. Bien entendu, ce n'est pas protégé aussi rigoureusement que l'exercice auquel je me prête aujourd'hui — la liberté du discours politique —, mais ce l'est.
Vous avez peut-être aussi entendu parler des problèmes concernant l'efficacité de la LCAP, alors je ne passerai pas beaucoup de temps là-dessus non plus. Je soulignerai néanmoins que la majorité des pourriels que nous recevons proviennent de l'extérieur du Canada, et que la LCAP ne peut pas vraiment s'attaquer à cela directement. Nous allons devoir compter sur nos partenaires étrangers pour qu'ils s'en occupent.
De plus, il se pourrait que certains des pires pourriels que nous recevons — ces tentatives d'hameçonnage qui nous invitent à nous brancher sur tel ou tel truc et à révéler nos mots de passe — ne soient même pas interceptés parce qu'ils ne s'affichent pas comme étant des messages à fonction commerciale. On n'y parle pas d'acheter ou de vendre un produit. Ces pourriels ne sont rien de plus que des tentatives pures et dures de fraude, et ils sont probablement déjà pris en compte par notre code criminel, mais la LCAP n'en parle pas vraiment. En fin de compte, la LCAP s'en prend aux entreprises légitimes d'ici. Elle les accable de restrictions dont vous avez sûrement entendu parler abondamment et elle ne nous apporte probablement pas grand-chose en retour.
Si j'étais dans la peau des décideurs, voici ce que je proposerais: nous devrions nous doter d'un système très robuste avec option de retrait et des exigences très sérieuses en matière de désabonnement, exigences qu'il conviendrait de faire respecter par l'intermédiaire du CRTC, bien entendu.
Je vais sans plus tarder vous parler des aspects exécrables de la loi, de ces choses qui doivent être ajustées un tantinet plutôt que changées du tout au tout. Tout d'abord, il y a le droit privé d'action, qui est problématique à trois égards. Tout d'abord, il s'agit d'une invitation ouverte aux avocats spécialisés dans les recours collectifs à intenter des poursuites contre des entreprises respectables. Ils ne vont pas s'en prendre à la fraude des épouses russes et aux polluposteurs qui sont à l'extérieur du pays. Ils vont s'attaquer à des sociétés comme Air Canada ou WestJet ainsi qu'à toutes les autres entreprises du genre.
Deuxièmement, il y a l'élément suivant et cela est préoccupant. Étant donné qu'il est possible d'éviter un recours collectif en se prévalant d'un engagement auprès du CRTC avant le début dudit recours, le CRTC se retrouve avec le gros bout du bâton, c'est-à-dire avec un outil très puissant pour faire payer les entreprises. Mais où est le problème? Eh bien, chaque fois que l'on donne la possibilité à un organisme régulateur de châtier pour obtenir de l'argent, il y a un risque que ce soit ce qu'il essaie de faire. Je ne dis pas que c'est ce qu'il va faire. Je dis qu'il y a un risque. C'est un peu comme si on l'invitait à le faire.
Le troisième aspect problématique est un peu tatillon. C'est que l'article 74.011 de la Loi sur la concurrence ne comprend aucun seuil d’importance relative pour encadrer son application. Cela signifie que quelqu'un pourrait trouver une cause d'action et de poursuite pour une fausseté ou une erreur insignifiante ou triviale dans la ligne objet d'un courriel.
Je pense que mon temps de parole est écoulé. Je tiens cependant à signaler rapidement que la disposition sur les perquisitions sans mandat, cet avis de communication, est presque assurément inconstitutionnelle. La loi regorge de ce que j'appellerais des cauchemars d'interprétation législative, mais il ne me reste plus assez de temps pour les passer en revue avec vous.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux remercier tous les membres du Comité de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
J'ai pu constater que les travaux du Comité étaient peu couverts par les médias, et pourtant, vous faites un travail qui m'apparaît très important, autant pour les entreprises et l'économie du Canada que pour les consommateurs.
Pour ma part, j'ai suivi les travaux à distance, par l'entremise du site Web du Comité, avec beaucoup d'intérêt, et j'en ai publié un compte rendu régulier sur notre blogue.
Je vous avoue que c'est la première fois que je me retrouve dans une situation dite de lobbying, et j'ai été particulièrement surpris par le nombre d'approximations, d'exagérations et de « faits alternatifs » qui vous ont été servis par plusieurs témoins comme des vérités scientifiques. Je reviendrai sur ces déclarations un peu plus tard.
Je vais d'abord me présenter rapidement. Je suis un pionnier d'Internet au Québec. J'ai fondé, en 1994, la première agence de marketing numérique, grâce à laquelle j'ai, durant près de 20 ans, aidé de nombreuses organisations comme VIA Rail, RDS et Club Med USA à utiliser le Web pour transformer leurs stratégies de marketing, leurs stratégies de ventes et parfois même leur modèle d'affaires.
J'ai toujours considéré le courriel comme étant le coeur de toute stratégie de marketing numérique, et j'ai commencé à mettre en oeuvre des stratégies de marketing courriel pour nos clients dès 1996.
En 2013, j'ai quitté l'agence pour fonder Certimail, l'entreprise que je représente aujourd'hui, dont la mission est d'aider les PME à renforcer l'efficacité de leur marketing courriel en se conformant à la Loi canadienne anti-pourriel, ou LCAP.
Loin de tout dogmatisme, les constats et recommandations que je vous livre aujourd'hui reposent sur 20 années d'expérience en marketing courriel ainsi que sur quatre années dédiées à analyser la LCAP et ses 13 documents réglementaires pour aider des dizaines de PME de toutes tailles à implanter un programme de conformité basé sur les exigences du CRTC.
Avant d'entrer dans l'analyse de la LCAP et de son application, je voudrais répondre à une question simple que les membres du Comité ont posée régulièrement, quasiment chaque séance, sans jamais obtenir de réponse, à savoir ce qu'il en coûte à une entreprise pour se conformer à la LCAP. La réponse est simple. Les forfaits de conformité offerts par Certimail s'élèvent à 699 $ pour une entreprise individuelle ou un travailleur autonome, à 1 249 $ pour une petite entreprise de moins de 10 employés et entre 3 000 $ et 15 000 $ pour les entreprises comptant entre 11 et 300 employés. Si mes collègues de Newport Thomson, de Deloitte ou de KPMG, qui offrent des services similaires aux entreprises plus importantes, avaient été invités devant le Comité, ils vous auraient dit que leurs tarifs pour la conformité se situent entre 25 000 $ et 100 000 $.
Je pense qu'il s'agit d'une information importante. J'avoue avoir été surpris que ni le CRTC ni les différentes organisations industrielles qui sont venues témoigner devant vous n'aient été capables de vous fournir cette information indispensable et publiquement accessible.
Cela dit, mon intervention portera sur trois éléments: l'importance et l'efficacité de la Loi canadienne anti-pourriel, l'inadéquation de l'approche du CRTC dans son application et quelques recommandations pour renforcer l'efficacité de la LCAP en réduisant ses impacts négatifs.
Contrairement à ce qu'ont affirmé de nombreux lobbyistes qui ont témoigné devant le Comité, la LCAP n'est pas une loi sur la cybersécurité ou sur les risques informatiques, mais une loi qui vise à développer la confiance des consommateurs dans les affaires électroniques et à développer l'industrie canadienne.
Comme cela avait été suggéré dans le rapport du Groupe de travail sur le pourriel qui a précédé la Loi, en fait, la Loi et ses règlements ressemblent davantage à un code de la route des communications électroniques qu'à une loi sur les menaces informatiques, comme on a essayé de nous le faire croire.
Quand j'ai traversé le pont, ce matin, pour participer à votre séance, j'ai pu constater que la réglementation complexe et sévère qui avait été mise en place il y a un siècle pour encadrer les rares automobilistes de l'époque n'avait pas vraiment compromis ce mode de transport ni son industrie. C'est la même chose pour la LCAP.
Ce code de la route des communications électroniques, les Canadiens y tiennent. Ils l'ont démontré en déposant plus d'un million de plaintes en trois ans, et ce, sans jamais avoir vu une seule publicité les incitant à le faire. Il n'y a jamais eu de campagne de publicité disant aux gens que s'ils recevaient des pourriels, ils pouvaient les faire parvenir au Centre de notification des pourriels. Spontanément, les gens ont adhéré à l'idée et ils ont déposé plus d'un million de plaintes. Ces votes d'appui à la Loi canadienne anti-pourriel continuent d'entrer par milliers chaque jour.
D'ailleurs, ce volume de plaintes suffit à contredire l'affirmation faite récemment par un représentant de la Chambre de commerce du Canada devant votre comité, à savoir que le problème des messages non sollicités était réglé par la technologie anti-pourriel. En fait, la réception de messages électroniques non sollicités est encore un problème majeur pour la grande majorité de la population canadienne. Les technologies anti-pourriel sont de plus en plus efficaces, mais elles n'ont pas réglé le problème. D'ailleurs, elles commencent même à montrer leurs limites. Vous n'avez qu'à demander au département de la Sécurité intérieure des États-Unis, qui s'est retrouvé, la semaine dernière, à cours de pistolets électriques parce que ses bons de commande avaient été classés comme du pourriel par les serveurs de Taser.
Lors de son premier anniversaire, la LCAP avait déjà permis de réduire de 37 % le volume de pourriels reçus dans les messageries des Canadiens. Cela démontre l'efficacité de la LCAP pour les consommateurs. Par ailleurs, elle est également efficace pour les entreprises, en tout cas pour celles qui veulent faire du vrai marketing courriel, et non pas utiliser à tort le courriel pour faire du marketing traditionnel de masse à la Mad Men.
En effet, depuis que la LCAP est entrée en vigueur, le Canada est sorti du peloton pour devenir l'un des deux pays où le marketing courriel est de loin le plus efficace. Le deuxième pays, c'est l'Australie, le seul pays qui applique une loi qui est aussi large, complexe et sévère que la LCAP.
Par exemple, le taux de placement, c'est-à-dire la proportion des courriels commerciaux qu'on envoie et qui sont visibles par les destinataires, qui ne sont donc pas filtrés par les systèmes anti-pourriel ou autres, est de l'ordre de 80 % dans la plupart des pays de la planète. Au Canada, le taux est passé de 79 % en 2014 à 90 % aujourd'hui. Le seul autre pays du monde qui a atteint un score similaire, c'est l'Australie.
De la même façon, le taux de lecture, c'est-à-dire la proportion des courriels marketing qui sont ouverts par les destinataires qui les reçoivent, oscille entre 12 %, soit le taux sur le continent africain, et 24 %, soit le taux au Royaume-Uni. Aux États-Unis, c'est 21 %. Avec un taux de lecture de 32 %, le Canada occupe le deuxième rang, juste derrière l'Australie, qui obtient un taux de 33 %. Pourtant, en 2014, avant que la Loi n'entre en vigueur, le taux de lecture au Canada n'était que de 26 %.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux membres du Comité d'avoir invité notre organisme à témoigner.
Imagine Canada est l’organisme-cadre national des organismes de bienfaisance et des organismes sans but lucratif du Canada. Quelque 86 000 organismes de bienfaisance et un nombre similaire d'OSBL fournissent des services et du soutien essentiels aux gens et aux collectivités de partout au pays. Avant d'aborder nos recommandations à l'égard de la LCAP, permettez-moi de vous donner un peu d'information contextuelle.
Dans l'ensemble, si l'on ne tient pas compte des hôpitaux, des universités et des collèges, les organismes obtiennent plus de la moitié de leurs revenus de sources autres que des dons et des subventions gouvernementales. Les organismes de bienfaisance accrédités sont rigoureusement réglementés par l'Agence du revenu du Canada. Un organisme ne peut avoir le statut d'organisme de bienfaisance que s'il arrive à démontrer qu'il agit pour le bien commun et que ses activités ne génèrent aucun bénéfice privé indu.
Les organismes sans but lucratif comprennent des entités comme des sociétés de logements sociaux, des sociétés de développement communautaire et des organismes de services sociaux. Ces organismes fournissent des avantages à l'intention du public, et aucune partie de leurs revenus ou de leurs actifs ne peut être utilisée par des intérêts privés. Enfin, plus de la moitié des organismes de notre secteur fonctionnent uniquement grâce au travail de bénévoles. Cela comprend les membres des conseils d'administration, qui travaillent pour la communauté sans être rémunérés.
En prévision de cet examen du Comité, nous avons effectué un sondage auprès des organismes de bienfaisance et des OSBL que nous chapeautons et nous leur avons demandé de décrire ce qu'a été leur expérience depuis que la LCAP a été promulguée. Parmi les principales constatations, nous avons noté que près de 70 % d'entre eux envoient une forme ou une autre de message électronique commercial conforme à la description qu'en fait la LCAP. Plus de 99 % observent correctement l'exigence de se présenter, fournissent de l'information sur la personne à contacter et offrent la possibilité de se désabonner.
Pour les sondés, la définition d'un message électronique commercial demeure nébuleuse. Par exemple, environ 40 % des organismes qui envoient des messages pour promouvoir des services pour lesquels ils perçoivent de l'argent ne considèrent pas qu'ils sont en train d'envoyer des messages électroniques commerciaux. Plus de la moitié des organismes ont eu à payer des coûts liés au respect de la conformité. Plus de 30 % des autres qui n'envoient pas de messages électroniques commerciaux ont aussi fait état de coûts liés au respect de la conformité, ce qui démontre leur compréhension approximative de ce qu'est un message électronique commercial. Plus de la moitié des organismes craignent que les dispositions sur le droit privé d'action de la LCAP ne viennent limiter leur habileté à recruter des administrateurs bénévoles.
Nous apprécions les efforts que le gouvernement et le ministère ont faits en 2014 pour donner une marge de manoeuvre aux organismes de bienfaisance par l'intermédiaire d'une exemption limitée. Cependant, une divergence d'opinions entre ceux qui ont ébauché l'exemption et le CRTC en tant qu'organisme chargé de l'application de la loi s'est traduite par une confusion accrue au sujet des obligations qu'ont les organismes de bienfaisance aux termes de la loi.
Nous sommes d'avis que la solution serait d'exempter les organismes de bienfaisance accrédités de l'obligation de se conformer aux dispositions sur le consentement de la LCAP. Cela serait similaire à l'exemption qu'ils ont toujours eue en ce qui concerne la Liste nationale de numéros de télécommunication exclus.
Nous croyons également qu'il est temps de faire la distinction entre les organismes sans but lucratif qui servent le bien public, comme les sociétés de logements sociaux, et ceux qui existent à des fins privées, comme les clubs de golf ou les sociétés de condominiums. La LCAP fait déjà cela dans une certaine mesure et à certaines fins, et il existe des précédents dans d'autres administrations qui pourraient nous aider à faire cette distinction. Une fois que cette distinction aura été établie, nous recommandons que les organismes sans but lucratif qui servent le bien public soient eux aussi exemptés de se conformer aux dispositions sur le consentement.
Nous appuyons le maintien des exigences de la LCAP concernant l'identification de l'expéditeur, l'information sur la personne à contacter et les mécanismes de désabonnement. En effet, les organismes de bienfaisance cherchant à obtenir une accréditation en vertu du programme de normes d'Imagine Canada doivent respecter ces normes, et c'est une exigence antérieure à la LCAP.
Sans égard pour les dispositions sur le consentement, nous recommandons également que les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif qui servent le bien public soient protégés des dispositions de la LCAP concernant le droit privé d'action. Lorsque les organismes ont des actifs, ces actifs sont gardés en fiducie pour le bien commun, et ils ne devraient pas être à la merci de saisies privées. Comme je viens de le dire, les administrateurs de ces organismes sont des bénévoles qui travaillent pour le bien de leur communauté. Ils ne devraient pas être soumis à la responsabilité personnelle, surtout si les organismes du gouvernement fédéral n'ont pas été en mesure de s'entendre sur les règles à ce sujet. Les sanctions administratives prévues aux termes de la LCAP sont plus que suffisantes pour veiller à ce que les organismes de bienfaisance et les OSBL se conforment à ces obligations lorsqu'elles auront été clarifiées, pour peu que l'on arrive un jour à les clarifier.
Merci. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions.
Ce que nous offrons, aux prix que je vous ai mentionnés, c'est un programme de conformité complet. Nous faisons l'audit, nous formulons des recommandations, nous accompagnons les entreprises dans la mise en oeuvre des recommandations de conformité, nous leur fournissons la politique de conformité écrite et les registres. C'est vraiment un programme de conformité complet, clés en main.
Le principal obstacle que nous avons actuellement, c'est le CRTC. Le problème se situe à deux niveaux. Premièrement, la communication du CRTC est défaillante. Il y a eu deux sondages différents menés par deux organismes différents qui montrent que 75 % des entreprises canadiennes estiment qu'elles sont très mal informées relativement aux vrais enjeux de la Loi canadienne anti-pourriel. Les gens connaissent la Loi, savent qu'il y a un enjeu lié au consentement et à la désinscription, mais les exigences de conformité, les exigences réglementaires, ne sont absolument pas connues. Il y a vraiment un gros problème à cet égard. Deuxièmement, il y a un manque de documentation sur l'interprétation objective de cette réglementation par le CRTC. En trois ans, l'équipe d'enquêteurs du CRTC nous a sorti trois guides d'interprétation portant sur trois petites règles. Il en reste des dizaines qui touchent à peu près toutes les entreprises canadiennes. Il y a donc vraiment un gros effort à faire de la part du CRTC, et cela fait partie des recommandations que nous allons vous soumettre.
Le dernier point est la motivation des entreprises. Les entreprises ont l'impression qu'un million de plaintes ont été déposées par les consommateurs. M. Steven Harroun est venu témoigner devant vous, il y a quelques semaines, pour vous dire qu'en tout 500 enquêtes avaient été ouvertes en trois ans, qu'une trentaine avaient été complétées et que huit amendes avaient été rendues publiques. La perception des PME est qu'elles ont plus de chances de gagner le gros lot à la loterie qu'elles ne courent de risques qu'une enquête sur leurs courriels soit lancée.
Nous savons comment fonctionnent les PME. Elles ont des contraintes. Elles sont toujours à gérer par urgence, en s'attardant à ce qui est le plus important. Le message donné, probablement involontairement, par le CRTC, c'est que cette loi n'est pas importante.
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Merci, monsieur le président.
Nous ne pouvons que présumer de la nature du droit privé d'action. En fait, nous ignorons de quoi il s'agit.
Je pense qu'il est intéressant de voir qu'il semble subsister de la confusion concernant la conformité et la façon de procéder.
Au cours de la dernière session, j'ai parlé de potentiellement accroître le nombre de règles définies, etc. Au bout du compte — j'y pensais justement pour ce qui concerne le processus que nous suivons — je n'ai toujours pas trouvé de preuves. Peut-être que nous pouvons faire un tour de table pendant lequel vous pourrez nous en donner. De quelles preuves dispose-t-on pour affirmer que les Canadiens souhaitent recevoir plus de messages électroniques qu'à l'heure actuelle?
Je me pose la question pour déterminer comment continuer. Combien de personnes et de Canadiens... Je viens de penser que j'ai demandé à mon personnel de mener un examen et je ne m'en souviens tout simplement pas. Je reçois des plaintes sur à peu près n'importe quoi dans mon bureau, sur toutes sortes de choses. En 15 ans, nous avons tout vu. En fait, j'ai des récits assez hauts en couleur. Quoi qu'il en soit, qu'est-ce qui prouve que depuis l'instauration de cette règle, nombre d'organismes de bienfaisance ont demandé un surcroît d'information ou de courriels, légitimes ou non, de la part des personnes avec lesquelles vous faites affaire?
Nous allons faire un tour de table en commençant par M. Schaper.
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Pour répondre à votre question, je dirais qu'effectivement les Canadiens veulent de plus en plus recevoir des courriels, mais ils posent deux conditions. Premièrement, ils veulent pouvoir décider eux-mêmes qui peut leur envoyer un courriel. Deuxièmement, ils veulent que le contenu du courrier soit pertinent.
Je vous disais tout à l'heure que le Canada avait d'excellents résultats en marketing de courriels. Donc, la Loi a été favorable aux entreprises. Celles qui font du bon marketing courriel font plus d'argent aujourd'hui qu'avant l'entrée en vigueur de la Loi. Les entreprises qui font du mauvais marketing courriel, c'est-à-dire qui profitent du fait que ce n'est pas cher pour envoyer leurs messages à tout le monde sans se préoccuper de savoir si cela est pertinent ou si la personne a demandé ou accepté de les recevoir, ont de la misère et vont obtenir des résultats très faibles.
Ce que fait la Loi, c'est pousser les entreprises à s'améliorer. L'une des choses qu'a faites le Groupe de travail sur le pourriel, c'est analyser quelles étaient les meilleures pratiques de marketing courriel. La Loi force un peu les entreprises à appliquer ces meilleures pratiques et les pousse à acquérir de bonnes compétences en marketing, ce qui leur permettra par la suite d'obtenir des résultats.
De plus, j'appuie ce que M. Osborne vient de dire. Il disait qu'il recevait plein de courriels, mais qu'il y en avait beaucoup qu'il n'avait jamais demandé à recevoir et qu'il ne regardait pas. Il disait en recevoir d'Air Canada, mais que la plupart ne l'intéressaient pas. C'est ce que vivent tous les consommateurs canadiens. La Loi pousse les entreprises à faire un effort pour s'assurer d'envoyer la bonne information aux bonnes personnes.
Aujourd'hui, il y a des technologies extrêmement abordables qui permettent d'automatiser ce processus. C'est la tendance vers laquelle on se dirige. Si l'Europe a pris cette direction, c'est parce que c'est la tendance vers laquelle on penche.
M. Osborne parlait tout à l'heure du système permettant aux destinataires de se retirer d'une liste d'envoi. Selon ce système, les entreprises peuvent envoyer un courriel à n'importe qui, en autant que les gens aient la possibilité de se désabonner. C'est le système mis en oeuvre par les États-Unis au moyen de la CAN-SPAM Act. Aujourd'hui, c'est le pays qui génère le plus de pourriels sur la planète, encore plus que la Russie et la Corée du Nord. C'est aussi le pays où le marketing courriel fonctionne de moins en moins bien.
Quand il est bien fait, le marketing courriel est une poule aux oeufs d'or pour les entreprises. Revenir en arrière et voir le Canada retourner dans le passé alors que le reste du monde est en train d'aller vers l'avenir, c'est décider qu'on tue la poule aux oeufs d'or. Cela entraînerait un problème de compétitivité.
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Nous offrons nos services à des entreprises de toutes tailles, c'est-à-dire celles qui comptent jusqu'à 300 employés, dans différents secteurs. Nous avons travaillé avec des OSBL, des musées, des associations, ainsi qu'avec des entreprises dans les domaines de l'assurance, du marketing, des médias et du transport routier. Cela s'applique à n'importe quelle situation.
Tout d'abord, nous donnons une présentation à l'entreprise sur les exigences de conformité du CRTC. Nous faisons un audit, qui a lieu en général par téléphone ou par vidéoconférence, au moyen de Skype ou d'un autre programme semblable. Nous recueillons ainsi toute l'information sur le mode de fonctionnement de notre client.
En fait, nous avons réalisé un projet de R-D avec des chercheurs de la Faculté de droit de l'Université de Montréal. Nous avons modélisé la Loi et les modes de communication électronique et nous en sommes arrivés à une grille qui énumère une centaine de problèmes de conformité auxquels une PME pourrait faire face. Nous passons en revue ces quelque 100 problèmes potentiels pour chaque entreprise et lui fournissons ensuite un rapport de 20 à 30 pages, selon la situation. Nous analysons le mode de fonctionnement de l'entreprise, ses processus, ses systèmes et ses politiques en vue de déceler tous les problèmes de conformité. Pour chaque problème, nous faisons une recommandation optimisée, qui va lui permettre de respecter la Loi et les exigences de conformité et, au passage, d'améliorer l'efficacité de son marketing courriel.
À la suite de cela, nous lui remettons le rapport et l'appuyons à distance, par téléphone, par courriel ou par vidéoconférence, dans sa mise en oeuvre de nos recommandations. Nous lui fournissons un projet de politique écrite sur mesure, une formation qu'elle pourra par la suite donner à ses employés ainsi que tous les registres nécessaires. Enfin, nous lui donnons une certification, qui n'a pas de valeur légale et qui n'est pas sanctionnée par le CRTC, mais qui prouve qu'elle a mis en place un programme de conformité. Cela nous permet de récupérer les plaintes des consommateurs à l'endroit de cette entreprise et, s'il y a lieu, nous pouvons lui retirer sa certification.
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Je suis loin d'avoir des données aussi détaillées que M. Le Roux, mais je peux vous donner quelques exemples.
J'ai eu un client — je ne peux le nommer, bien sûr — qui voulait s'informer de problèmes liés aux messages texte. Je ne me souviens pas de la facture, mais si je ne me trompe pas, c'étaient plusieurs milliers de dollars, peut-être même 10 000 $. Ce n'était pas énorme, mais c'était quand même considérable.
Dans mon cabinet, nous n'avons pas dépensé beaucoup, mais c'est parce que je consacre beaucoup de mon temps — plusieurs milliers de dollars en temps — à la liste de notre bulletin. Nous embauchons quelqu'un à forfait qui vérifie et met à jour les consentements tacites, etc.
Je vais le dire avant M. Le Roux. Il a raison: il s'agit d'une pratique exemplaire, car les bases de données vieillissent, bien sûr, et il faut les mettre à jour. Ce que certains pourraient appeler un coût associé à la conformité est en fait le coût du maintien d'une bonne base de données, mais ce n'est pas négligeable.
Il existe des compagnies qui offrent des prises au prix d'environ huit dollars par utilisateur pour surveiller et intervenir afin d'éviter d'envoyer accidentellement un pourriel. Huit dollars ne semblent pas beaucoup, mais quand on pense que Microsoft Office coûte entre 12 $ et 25 $ par utilisateur, selon ce qu'on choisit, cela représente un coût supplémentaire considérable par utilisateur TI pour l'organisation.
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Ce que nous voudrions du CRTC, premièrement, c'est qu'il clarifie son interprétation de la Loi. Nous avons défini une centaine de problèmes de conformité possibles pour une PME standard. Pour la moitié de ces problèmes, nous ne savons aucunement quelle est l'interprétation du CRTC. Ce que nous pouvons constater à partir des rares cas qui sont publiés et des rares détails ou conférences que donne le CRTC, c'est qu'il a une interprétation qui est systématiquement radicale et restrictive. Tout ce qui, logiquement, nous apparaît avoir du bon sens, le CRTC devrait le permettre, l'autoriser ou le gérer. Or dès que le CRTC adopte une position, nous nous apercevons qu'il ne suit pas la logique du bon sens, ce qui crée un climat de peur et d'insécurité qui alourdit le processus de conformité.
Alors, une de nos recommandations est que le CRTC mette sur pied un comité consultatif où on retrouverait des gens qui proviennent du milieu du marketing, des gens qui travaillent dans le domaine de la conformité, des gens qui représentent les consommateurs, bref des gens qui représentent les différentes parties prenantes. Leur rôle ne serait pas de décider de l'interprétation, mais ils pourraient jouer un rôle consultatif auprès du CRTC pour l'aider, justement, à bien interpréter les dispositions. Ce comité pourrait accélérer le processus d'interprétation du CRTC. Il n'est pas normal qu'au bout de trois ans, seulement trois petites règles aient été expliquées, que tout le reste soit encore flou et que nous n'ayons aucune idée d'où nous nous en allons.
Nous avons une autre suggestion à faire en ce qui concerne le CRTC. Actuellement, nous avons un modèle d'amendes qui est discrétionnaire. Le CRTC estime le montant de l'amende en fonction de ses critères — je ne dis pas qu'il joue cela à pile ou face —, jusqu'à un maximum de 10 millions de dollars. Quand une PME apprend qu'elle pourrait se voir imposer une amende de 10 millions de dollars si elle envoie des courriels de façon fautive, cela est invraisemblable. Ce chiffre est tellement énorme que l'effet dissuasif disparaît. De plus, j'imagine que le CRTC, pour être capable de justifier l'imposition d'une amende de 200 000 $ ou 300 000 $, doit constituer un gros dossier d'enquête. Comme cela prend énormément de temps, il traite peu de dossiers.
Nous recommandons qu'il y ait un barème pour les amendes, comportant un plancher et un plafond. Selon ce barème, une première infraction qui semblerait être le résultat d'une erreur de bonne foi serait passible d'une amende de 5 000 $ ou 10 000 $, par exemple. Dans le cas d'une grosse entreprise, l'amende pour la première infraction résultant d'une erreur de bonne foi serait plutôt de 50 000 $. Dans le cas d'une récidive, ce serait plus élevé. Si on s'aperçoit que ce n'est pas une erreur de bonne foi, mais qu'il y avait une volonté réelle de violer la Loi, alors l'amende serait plus élevée. Si l'on établissait une échelle de ce genre, le fardeau de documentation et de justification du CRTC serait allégé et cela lui permettrait de traiter plus de dossiers. Cela enverrait également aux entreprises le message selon lequel il faut respecter la Loi. À mon avis, cela aurait un effet dissuasif beaucoup plus important.