:
Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs.
Je suis ravi de comparaître devant le Comité. Comme l’a dit le président, je suis accompagné par M. Bill Galbraith, mon directeur exécutif.
[Français]
Bonjour, mesdames et messieurs.
Il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui pour vous rencontrer et vous parler de mon travail en tant que commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications, le CST.
[Traduction]
Vous avez un exemplaire de mon curriculum vitae; je ne répéterai donc pas ce qui s’y trouve, mais j’insisterai sur deux points pour commencer.
[Français]
Le premier aspect est la valeur qu’a pour moi la première décennie de ma carrière en tant qu’avocat militaire du Cabinet du juge-avocat général des Forces armées canadiennes et, par la suite, dans la Réserve active pendant une vingtaine d'années, à la fois en tant qu’avocat de la défense et juge militaire à la cour martiale. Cette expérience m'a permis de bien comprendre le rôle du CST, en particulier lorsqu’il touche le soutien des Forces armées.
[Traduction]
Deuxièmement, je souligne que mes dizaines d’années d’expérience comme juge — fonction pour laquelle l’indépendance et l’impartialité sont primordiales — me sont très utiles depuis plus de trois ans, en tant que commissaire du CST. Trancher des questions de conformité à la loi sur la foi de faits obtenus par l’examen des activités du CST — de vrais faits, et non des faits « parallèles » — cadre bien avec une carrière judiciaire.
Vous constaterez à la lecture de mon curriculum vitae que j’ai consacré une grande partie de ma vie à la fonction publique.
[Français]
La Loi sur la défense nationale, qui fixe le mandat de mon bureau et du CST, exige que le commissaire soit un juge à la retraite ou un juge surnuméraire d’une cour supérieure au Canada.
[Traduction]
Voici quelques points à retenir sur le rôle et le mandat du poste que j’occupe. Premièrement, le commissaire est indépendant et sans lien de dépendance avec le gouvernement. Mon bureau a son propre budget, qui lui est accordé par le Parlement. J’ai tous les pouvoirs relevant de la partie II de la Loi sur les enquêtes, qui m’accorde un accès complet aux installations, aux fichiers, aux systèmes et aux membres du personnel du CST, et qui me confère le pouvoir d’assignation, au besoin.
C’est la raison pour laquelle je porte le titre de commissaire. Cela remonte à la Loi sur les enquêtes, à l’époque de la création du bureau, en 1996. Le directeur exécutif portait alors le titre de secrétaire de la commission. Il en a été ainsi jusqu’à ce que la Loi sur la défense nationale soit modifiée en 2001.
[Français]
Mon mandat comporte trois volets. Le premier volet consiste à examiner les activités du CST pour déterminer si elles respectent la loi, y compris en ce qui concerne la protection de la vie privée. Cela constitue la plus grande partie de mon travail. J'ai un rôle en ce qui concerne la protection de la vie privée. Je sais qu'au Canada nous avons un commissaire à protection de la vie privée qui s'occupe de tous les ministères et de toutes les agences du gouvernement fédéral. Dans mon cas, je n'ai qu'à m'occuper du CST, et c'est sur cela que je mets l'accent.
Le deuxième volet me permet de recevoir des plaintes et de mener toute enquête que j'estime nécessaire à cet égard. Les plaintes sont rares, je dois l'admettre, ce qui correspond au fait que la plupart des activités du CST concernent l'étranger.
Le troisième volet me donne le devoir d'informer le ministre de la Défense nationale et le procureur général du Canada de tous les cas où, à mon avis, le CST pourrait ne pas avoir agi en conformité avec la loi. Alors, le rôle externe indépendant du commissaire, axé sur le CST, aide le ministre responsable du CST, c'est-à-dire le ministre de la Défense nationale, dans son obligation de rendre compte au Parlement au nom de cet organisme et également de rendre compte aux citoyens canadiens, au public.
[Traduction]
Permettez-moi maintenant de vous parler de quatre grands enjeux sur lesquels je concentre mon attention.
Ma principale préoccupation concerne la partie V.1 de la Loi sur la défense nationale, la section qui décrit le mandat du CST et de mon bureau, et qui est entrée en vigueur dans le cadre de la Loi antiterroriste lorsqu’elle a obtenu la sanction royale en décembre 2001. Ces dispositions législatives ont maintenant presque 16 ans et doivent être révisées, à mon humble avis. Permettez-moi de vous donner une brève explication.
Tout d’abord, la partie V.1 comporte des ambiguïtés qui ont été relevées il y a longtemps, peu après son entrée en vigueur. Ce n’est pas surprenant étant donné qu’elle a été rédigée à la hâte dans le sillage des événements tragiques du 11 septembre 2001. Mes prédécesseurs ont commencé à réclamer des modifications il y a plus de 12 ans, afin d’éliminer ces ambiguïtés. Il s’agit, à mon avis, de cas simples ne prêtant pas à controverse.
Cependant, depuis 2001, la technologie, les menaces et le paysage juridique ont tous évolué sans que la loi suive la cadence. Les divers examens auxquels les activités du CST ont été soumises ont donné lieu à la recommandation d’autres modifications. Par exemple, à l’automne 2015, j’ai recommandé que la loi donne explicitement le pouvoir au CST de recueillir, de conserver, d’utiliser et de transmettre des métadonnées. Le et le ont tous deux accepté cette recommandation.
Les questions entourant les métadonnées et la confidentialité ainsi que la valeur accordée aux métadonnées par les organismes de renseignement qui s’en servent pour leur travail en ont fait un enjeu plus complexe qu’il faut envisager avec prudence. Le défi pour les rédacteurs législatifs consistera à adopter un libellé technologiquement neutre, pour que la loi ne soit pas rapidement dépassée au fur et à mesure des progrès technologiques.
Mon deuxième grand enjeu concerne le cadre élargi de responsabilisation en matière de sécurité du Canada, ainsi que l’impact qu’il peut avoir sur le rôle du commissaire du CST et du Bureau.
Le gouvernement a proposé un projet de loi constituant le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. J’ai parlé du projet de loi devant un autre comité, l’automne dernier. Je pense qu’une plus grande participation des parlementaires, qui ont accès à l'information classifiée, favorisera le renforcement de la responsabilité et la confiance du public. Ce changement se produira-t-il du jour au lendemain? Non, mais c’est une mesure initiale importante. Nous avons envisagé la façon dont nous pourrions établir une relation productive avec le comité et son secrétariat. Ceci impliquerait évidemment l’orientation indiquée dans le projet de loi tel qu’il a été présenté — que le comité et chaque organe d’examen prendront toutes les mesures raisonnables pour coopérer l’un avec l’autre afin d’éviter tout chevauchement inutile du travail.
Il reste aussi bien sûr de nombreux autres ministères et organismes qui jouent un rôle en matière de sécurité nationale, mais qui ne sont pas actuellement soumis à un examen. Je pense qu'on parle d'environ 17 ministères et organismes qui ne sont soumis à aucun examen en ce moment.
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C'est 14. Nous attendons d’autres renseignements sur les intentions du gouvernement au sujet des mécanismes de reddition de comptes en matière de sécurité nationale à la suite des consultations nationales.
L’objet principal de mon propos est que, quels que soient la structure et le cadre général de responsabilité, l’examen des experts, le type d’examen qui est effectué par mon bureau, par le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS) et par la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC (CCETP), est une composante nécessaire et primordiale.
[Français]
Ma troisième question clé est liée à la précédente.
Le projet de loi définit la coopération, ou l'échange d'information, entre le comité des parlementaires et les organes d'examen existants. Toutefois, la création d'un comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement impliquera, voire exigera, une plus grande coopération entre les organes d'examen existants, en plus de notre coopération avec le comité des parlementaires.
Actuellement, un certain degré de coopération est possible entre les organes ou les agences d'examen. Par exemple, mon prédécesseur et moi-même avons envoyé des lettres à mon collègue le président du CSARS, qui contiennent des recommandations ou des conclusions de nos examens des activités du CST qui impliquent le SCRS. C'est alors au CSARS d'assurer le suivi de ces questions tel qu'il le juge approprié. Cependant, comme je l'ai déjà mentionné, il doit y avoir un pouvoir explicite dans la législation pour la coopération entre les organes d'examen.
Si les organismes ou les agences de renseignement doivent collaborer, je ne vois pas pourquoi nous, les organismes de surveillance, ne pouvons pas collaborer de façon officielle. Actuellement, il est possible de collaborer jusqu'à un certain point, mais lorsqu'il s'agit d'informations opérationnelles, on ne peut pas les communiquer. Si on veut faire, par exemple, un examen conjoint avec le CSARS, c'est très difficile parce qu'on ne peut pas transmettre ces informations opérationnelles.
[Traduction]
Le quatrième grand enjeu est lié à la transparence. Depuis la divulgation de documents hautement classifiés dérobés de la National Security Agency par Edward Snowden, la confiance du public dans les activités des organismes de renseignement et dans l’efficacité des mécanismes d’examen ou de surveillance est ébranlée.
Davantage d’informations et d’explications sur les raisons pour lesquelles les organismes s’adonnent à certaines activités feraient avancer le débat public, comme cela a été le cas au Royaume-Uni. Là-bas, des rapports publics rédigés par le Comité parlementaire du renseignement et de la sécurité et par l’examinateur indépendant des lois antiterrorisme ont fourni de nombreux détails qui ont, entre autres, permis de présenter un cas concret pour l’utilisation de certains pouvoirs.
La plupart des personnes qui participent à ce débat acceptent à mon avis que le secret soit une réalité de la sécurité nationale. Les organismes de renseignement ne seraient pas efficaces s’ils ne pouvaient pas travailler dans le secret. C’est pour cette raison que les organes d’examen ont été établis, avec du personnel disposant d’une habilitation de sécurité, pour contrôler ce qui se passe dans les services secrets et déterminer si les activités sont conformes à la loi, notamment en ce qui concerne la protection de la vie privée des Canadiens.
Le secret et les divulgations de Snowden ont donné lieu à un certain scepticisme. Lorsque le public découvre une collecte massive de données, il veut savoir si celle-ci est vraiment nécessaire et s’il existe des garanties adéquates de protection de la vie privée. Des explications seraient utiles.
[Français]
Les quatre questions dont j'ai brièvement parlé contribueront toutes au renforcement de la responsabilité des activités liées à la sécurité nationale et au renforcement de la confiance du public.
Je suis particulièrement enthousiaste à la perspective de travailler très bientôt avec le comité des parlementaires, lorsque ce dernier sera une réalité.
[Traduction]
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de témoigner devant vous aujourd’hui. Mon directeur exécutif et moi-même serons heureux de répondre à vos questions. Nous allons du moins essayer.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président, nous sommes ouverts aux questions.
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Merci, monsieur le président. Je vous remercie, messieurs, de comparaître cet après-midi.
Commissaire Plouffe, merci des services que vous rendez à notre pays à titre de membre des Forces armées, de juriste et de fonctionnaire.
Ma question portera sur les intérêts de la population canadienne à cet égard, une question complexe qui, à mon avis, n'est probablement pas aussi bien comprise qu'elle le devrait.
Vous avez évoqué la confiance de la population dans votre exposé, et j'estime que cette confiance est le bien le plus précieux dont une institution publique puisse bénéficier. Dans le cas de l'organisme que vous supervisez, la confiance revêt deux dimensions: il y a la confiance de la population canadienne, mais aussi celle qui règne au sein de l'organisme, grâce à laquelle on peut être certain que les renseignements sont transmis et qu'on peut accéder à l'information.
Je me demande si vous pourriez, tout d'abord, nous indiquer à quel point les Canadiens connaissent les organismes de sécurité, et ce qu'on pourrait et devrait faire pour les sensibiliser à cet égard. Vous avez évoqué l'affaire Snowden, laquelle a, à mon sens, sensibilisé la population à la question et lui a fait comprendre qu'il se passe peut-être ces choses à son insu. Cette affaire pourrait aussi avoir ébranlé la confiance. Qu'est-ce qui pourrait vous faciliter la tâche en ce qui concerne les connaissances que possèdent les citoyens canadiens sur le sujet dont vous vous occupez?
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Plutôt que de se prononcer sur la présence ou l'absence d'améliorations, les examens que nous menons sur les liens du CST avec ses partenaires concernent le Canada et ses lois. Les partenaires du Groupe des cinq se sont entendus pour respecter les lois sur la protection de la vie privée en vigueur au pays.
Il y a deux ans, le commissaire Plouffe, à la suite d'un examen sur les renseignements partagés par le CST avec la National Security Agency, est allé à Washington et a rencontré son homologue, l'inspecteur général de la NSA, pour obtenir des garanties selon lesquelles la NSA protégeait effectivement la vie privée des Canadiens comme prévu dans ces ententes.
Comme le commissaire Plouffe l'a mentionné plus tôt, nous parlons d'États souverains, et il n'y a aucun moyen de les obliger à faire cela. L'inspecteur général joue un rôle similaire, même si son rôle a une portée beaucoup plus vaste, en fait, que celui du commissaire du CST. Toutefois, une partie de ce rôle est similaire, car elle concerne la conformité aux lois américaines et la protection de la vie privée des Canadiens. Toute action motivée par ces renseignements serait précédée d'une demande à cet effet. Il faudrait donc d'abord communiquer avec le CST pour être en mesure d'utiliser ces renseignements.
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On me pose cette question tout le temps. Comment pouvez-vous examiner efficacement les activités du CST lorsque, par exemple, il n'y a que 10 personnes pour exercer une surveillance et que le CST est composé de 2 000 personnes?
Comme nous l'avons dit plus tôt, nous utilisons l'analyse des risques lorsque nous menons un examen des activités. Autrement dit, chaque année, nous étudions la situation et nous déterminons la façon dont nous mènerons les examens. Je suis conseillé par des experts qui ont déjà travaillé avec le CST, le SCRS, le ministère de la Sécurité publique, etc. Ensuite, nous décidons ce que nous ferons pour l'année suivante. Nous avons un plan de travail et c'est ce que nous faisons.
Encore une fois, si nous concluons que nous n'avons pas suffisamment de ressources, j'en demanderai davantage. C'est ce que nous faisons pour l'année prochaine. Nous avons demandé plus de ressources, car nous jugeons que nous avons besoin de plus de gens et d'experts pour enquêter, mais vous devez également comprendre que même si le CST est composé de 2 000 personnes, ce ne sont pas tous des analystes. Par exemple, des gens s'occupent de questions administratives et d'autres enjeux, et c'est ce que j'essaie de faire valoir. Je crois qu'en ce moment, j'ai certainement les ressources nécessaires pour bien faire mon travail.