Monsieur le président, je suis vraiment honorée d'être ici pour me présenter à vous tous à titre de sous-ministre déléguée principale de la Défense nationale.
Aujourd'hui est mon 17e jour en poste. Depuis trois semaines, j'ai l'impression de me trouver en terrain nouveau, mais connu. Je suis la fille d'un amiral. Maintenant à la retraite, mon père a été vice-chef d'état-major de la Défense. Mon mari a servi dans la Force régulière et dans la Réserve, et il a été commandant dans la Marine avant d'être libéré pour des raisons médicales. Mon beau-frère, un major-général, est toujours en service.
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Je suis également officière de la marine. Je me suis enrôlée dans la Réserve pendant mes études secondaires, dans le cadre de ce qui s'appelait à l'époque le Programme d'emploi d'été pour les jeunes.
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J'étais de l'une des premières cohortes de femmes de la Réserve navale à être autorisée à pratiquer un métier propre à la marine. J'ai donc choisi la profession de mécanicienne de moteurs diesel, mais je n'étais pas extraordinaire.
Puis, au début de mes études universitaires, j'ai été acceptée dans un programme de trois ans de formation des officiers. Après avoir obtenu mon diplôme, j'ai formé des aspirants de marine en voie de devenir des officiers des opérations maritimes de surface et sous-marine. Ce sont ces officiers qui commandent, coordonnent et contrôlent les opérations maritimes militaires et qui aident à éclairer la conception, l'acquisition et l'évaluation des navires, des sous-marins et des systèmes navals.
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Mon expérience m'a beaucoup appris. En fait, j'attribue en grande partie ma résilience à ma période de service auprès de la marine.
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Mon aptitude à comprendre où nous nous situons, notre destination et la voie que nous devons emprunter pour y arriver en toute sécurité est sans équivoque un talent que j'ai acquis dans la Marine. Ces atouts m'ont été des plus utiles dans les différents rôles de gestion et de direction que j'ai tenus dans le secteur public.
J'ai fait ma première incursion dans la fonction publique à titre de chef de la planification organisationnelle et de l'administration pour la région de l'Atlantique, au sein du ministère qui s'appelait alors Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. J'ai ensuite déménagé à l'autre extrémité du pays, où mon mari a été affecté, pour occuper un poste de directrice des opérations à la cale sèche d'Esquimalt, sur la côte Ouest. C'était un endroit très occupé. Cette installation est la seule de la côte Ouest des Amériques qui soit à accès libre et destinée à des utilisateurs multiples. Il s'agit également du plus important chantier de construction et de réparation de navires océaniques sur la côte canadienne du Pacifique, qui accueille de gros navires de partout dans le monde, des navires de croisière et de chargement aux traversiers de la B.C. Ferries et aux navires de guerre de la Marine royale canadienne.
Délaissant le domaine maritime pendant quelques années, je me suis jointe à l'équipe de Passeports Canada en 1995. J'ai alors occupé différents postes, dont celui de gestionnaire du Bureau des passeports de Victoria, de directrice des Opérations de sécurité et de directrice générale de la Sécurité. Mon poste le plus marquant a toutefois été celui de chef de l'exploitation, en plein coeur de la crise des passeports de 2007.
Cette année-là, de nouvelles politiques internationales régissant les voyages ont obligé les Canadiens souhaitant prendre des vols à destination des États-Unis à faire des pieds et des mains pour obtenir un passeport. Le ministère était loin d'être prêt à répondre à cette vague de demandes. En janvier seulement, nous recevions 23 000 demandes de plus par jour comparativement au mois précédent. En mai, l'arriéré atteignait près de 200 000 demandes. Mon travail consistait à rétablir la situation.
Dans les mois qui ont suivi, j'ai entrepris une immense restructuration de la prestation des services dans chaque province et territoire. Nous avons établi de nouvelles procédures. Nous avons mis sur pied un nouveau centre d'impression des passeports et embauché du personnel. Deux ans plus tard, la vérificatrice générale du Canada de l'époque, Sheila Fraser, a déposé un rapport de la situation. Dans son rapport, elle se disait heureuse des mesures considérables que Passeports Canada avait prises pour régler les problèmes. J'en étais heureuse également, et cela demeure l'un des moments marquants de ma carrière.
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Un autre de ces moments a été mon mandat de commissaire de la Garde côtière canadienne.
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Dans le cadre de mes fonctions, je travaillais quotidiennement auprès des Forces armées. Je suis également honorée d'avoir été la première femme à diriger la Garde côtière canadienne.
De toute évidence, ces deux institutions sont très différentes l'une de l'autre, mais elles ont en commun une composante opérationnelle unique. À titre de chef de la flotte civile du gouvernement, j'encadrais une organisation qui, tous les jours, sauve 15 vies, répond à 27 situations de recherche et sauvetage, gère 1 233 déplacements de navires, exécute 11 patrouilles de surveillance des pêches, appuie 8 enquêtes scientifiques et 3 missions hydrographiques, surveille 3,5 kilomètres de fond de chenaux de navigation, et contribue au travail de nombreux autres ministères.
J'étais et je demeure extrêmement fière du travail des 5 000 employés de la Garde côtière du Canada.
Sur le plan personnel, je suis également fière d'avoir réussi, pendant mes deux années à la barre de cette organisation, à documenter la nécessité d'un financement accru. J'ai rendu cette organisation plus pertinente pour les collectivités de partout au pays. Mon équipe et moi avons réussi à montrer aux Canadiens le caractère exceptionnel de l'organisation, même en rationalisant nos opérations, en renouvelant notre flotte et en explorant des moyens d'offrir plus efficacement notre gamme de services essentiels et cruciaux.
Un autre des défis importants que je devais relever à la Garde côtière consistait à gérer les incidences psychologiques des opérations. Je me souviens d'un moment particulièrement éprouvant à l'époque où j'étais sous-commissaire des Opérations. Comme vous vous en souvenez peut-être, un hélicoptère de la Garde côtière s'est écrasé en Arctique il y a quatre ans, emportant les trois personnes à bord.
Cet incident a touché tout le monde à l'agence. Il a également mis en lumière, pour moi, l'importance de nous assurer du bien-être mental et physique de nos employés, dont plusieurs doivent affronter des situations difficiles au travail et sont témoins des pires scénarios dans le cadre de leurs fonctions, sans compter que certains vivent également des difficultés à la maison.
C'est pourquoi je défends maintenant la cause de la santé mentale au ministère de la Défense nationale. Je suis consciente de la souffrance qu'éprouvent ceux qui ont perdu des collègues au cours d'une opération. J'ai constaté la dévastation qu'entraîne le suicide chez les familles et les proches. Je suis en mesure de confirmer que les initiatives telles que la campagne locale Do it For Daron, dans la ville, peuvent vraiment changer la vie des gens.
Ma responsabilité première est toutefois d'aider le ministère de la Défense nationale à relever les quatre grands défis qui l'attendent: d'abord, son énorme programme de mise en oeuvre; ensuite, la mise en application rapide et entière de la nouvelle politique en matière de défense, lorsqu'elle sera lancée; puis, l'utilisation rigoureuse, judicieuse et stratégique de l'argent des contribuables canadiens; enfin, la réduction du fossé qui s'est creusé entre les Forces armées canadiennes et Anciens combattants Canada.
Je crois que je suis en bonne position pour remplir cette mission. Je comprends la structure du ministère et des Forces armées canadiennes. Je possède une vaste expérience de l'équilibre entre prestation des services et sécurité, et je travaille avec d'excellents conseillers internes qui continuent de me fournir des bases solides pour régler ces questions.
Je me réjouis à la perspective d'aborder ces enjeux et de bâtir un ministère au service des soldats, des marins, du personnel aérien, des familles des militaires et des Canadiens de partout au pays.
Je vous remercie de votre temps, et je serai heureuse de répondre à toutes vos questions.
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Effectivement. La principale difficulté, c'est de partir du bon pied. Je pense que le ministère de la Défense et la Garde côtière y ont fait des progrès énormes.
Je pense qu'il faut d'abord comprendre vraiment ses besoins. À quoi, par exemple, peut servir cette pièce d'équipement? Pourquoi en a-t-on besoin pour telle tâche? Comment s'assurer qu'on achète la bonne pièce?
Ensuite, ça dépend de la capacité industrielle. En construction navale, ça signifie des chantiers navals disponibles, modernes, capables de construire des navires.
Il faut aussi comprendre les coûts de ce qu'on essaie d'acquérir: la budgétisation, l'estimation des coûts sont des éléments importants. Ç'a été un problème difficile à résoudre pour les ministères et je pense que, sur ce point, de très grands progrès ont été réalisés.
Enfin, il faut bien superviser les opérations, mais pour éviter les excès. On veut éviter d'être empêtré dans la paperasse, mais on veut savoir comment l'argent est dépensé et comment se déroule l'approvisionnement.
Ça fait quatre difficultés et non trois, mais je pense que ça s'améliore.
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J'entre à peine dans les détails du système utilisé à la Défense. Je peux vous donner l'exemple de la Garde côtière, qui est très semblable.
Nous utilisons des paramètres établis par des tiers pour mesurer l'efficacité des chantiers navals. Nous la surveillons beaucoup. Nous demandons, par exemple, quelle doit être la productivité horaire du chantier pour assurer une livraison à temps des navires sans dépassement du budget?
Nous surveillons la productivité. Nous formons un comité de surveillance de la construction navale, notamment, au niveau des sous-ministres, qui se réunit mensuellement. Comme vous le savez, un comité du cabinet examine l'approvisionnement en matière de défense.
C'est donc de la surveillance par un tiers. Les chantiers font l'objet d'une gestion interne, qui surveille ce qui s'y déroule. Nos liens avec les chantiers navals, qui n'existaient pas dans le passé, sont très étroits. Nous sommes présents dans le chantier, nous gérons, nous mesurons ce qui s'y fait, nous parlons aux dirigeants, nous discutons très franchement des complications qui surviennent.
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Eh bien, la première chose qui a changé, c'est que les femmes sont égales dans les Forces armées canadiennes. À mon arrivée dans les Forces, elles ne l'étaient pas. À mes débuts dans les Forces, je participais à un programme d'emploi d'été pour les jeunes. Je n'ai pas les chiffres exacts, mais il y avait 150 jeunes de 17 ans à 19 ans, et on a ensuite invité de 60 à 70 de ces jeunes à se joindre à la Réserve navale à la fin du programme d'été. Dix pour cent pouvaient être des femmes. C'était la façon dont on fonctionnait à l'époque. On nous permettait de faire — et c'était la première année qu'on nous le permettait — seulement trois métiers qui pouvaient mener à des métiers propres à la marine. On jugeait que c'était très aventureux. La Réserve navale le faisait, mais pas la Force régulière et les autres branches de la réserve.
Les choses ont beaucoup changé. Le chef d'état-major de la Défense insiste pour que le nombre de femmes recrutées augmente de 1 % par année. On travaille très fort pour atteindre cet objectif. Encore une fois, il s'agit de se rendre dans les collectivités, les écoles et les groupes de jeunes pour parler aux jeunes d'une carrière dans les forces armées et pour les aider à comprendre le grand nombre de carrières qui leur sont offertes. En effet, lorsque vous entrez dans les forces armées, vous n'avez pas accès à une seule carrière, mais à un large éventail d'occasions et d'expérience, et l'armée a besoin de nombreuses personnes qui ont différentes compétences.
C'est un sujet qui me passionne, et je crois que nous devons parler aux jeunes femmes, en particulier, plus tôt, et non pas seulement lorsqu'elles sont en 12e année et qu'elles songent à entrer à l'université ou qu'elles tentent de déterminer la carrière qu'elles entameront après l'école secondaire. Nous devons commencer à parler aux enfants lorsqu'ils sont en 8e année et en 10e année, lorsqu'ils sont distraits par d'autres choses. Être assis dans une salle de classe n'est pas nécessairement ce qui les inspirera pendant la journée. Nous voulons exposer ces jeunes aux occasions qu'ils peuvent saisir.
J'étais ce type d'enfant, et j'aimais travailler et apprendre des choses. J'ai fréquenté l'université, etc., mais l'occasion d'aller en mer, de faire partie des forces armées, et de passer mes étés dans un milieu de travail totalement différent et un milieu qui m'a aidée pendant toute ma carrière représente, à mon avis, une excellente histoire que les Forces peuvent raconter. Nous devons tout simplement la diffuser davantage.
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Je pense qu'il y a une énorme occasion à saisir. Je vous remercie de me fournir l'occasion d'en parler. C'est un sujet qui me passionne. Je pense que nous avons là une occasion en or de sortir des sentiers battus. Je pense que la santé mentale englobe tellement de choses que je ne peux pas les résumer rapidement, mais il est essentiel de veiller à ce que les militaires en service et libérés aient accès à de l'aide médicale. C'est plus facile quand une personne fait partie du système que quand elle dépend du système de santé provincial. C'est une question sur laquelle nous nous penchons avec Anciens Combattants Canada et l'équipe.
L'élément fondamental, peu importe qu'on parle d'un civil, d'un jeune à l'école secondaire ou d'un miliaire actif au sein des forces armées, consiste à réduire la stigmatisation qui entoure les discussions sur la façon dont on se sent. Les maladies mentales ne sont pas différentes des maladies physiques. Il faut avoir cette conversation.
Je défends farouchement la santé mentale chez les jeunes dans ma vie personnelle. J'appuie l'initiative Do It For Daron. Luke Richardson a été l'entraîneur de hockey de ma fille, donc j'ai pu constater de mes yeux le désespoir et le courage d'une famille frappée par le suicide. Je pense que cette initiative montre bien à quel point il est essentiel de lutter contre la stigmatisation, d'avoir des conversations, de créer un espace sécuritaire où les gens peuvent exprimer leurs sentiments. Puis, en milieu de travail, il faut former les gestionnaires, les superviseurs et les commandants à réagir à cela. Je le répète, c'est la même chose dans la société civile et dans l'armée. Il faut donner des outils aux gens.
Si une personne arrive au travail avec une jambe cassée, nous savons nous en occuper. Si quelqu'un se présente au travail avec un mal de dos et ne peut rien soulever ce jour-là, nous savons comment nous adapter. Si quelqu'un se présente au travail déprimé, aux prises avec des problèmes d'anxiété ou des pensées suicidaires, nous ne savons pas comment réagir, parce que nous n'offrons pas assez d'outils à nos gestionnaires.
J'ai assisté à une séance d'information de l'équipe de personnes très énergiques qui se penche sur la santé mentale au sein du ministère de la Défense nationale. Elle utilise une approche tripartie. Nous avons un agent négociateur principal, et je pense que c'est fondamental. Nous avons un responsable militaire, et nous avons un haut responsable civil, c'est-à-dire moi. Nous ne sortons pas vraiment des sentiers battus. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour favoriser cette conversation. Il y a beaucoup de campagnes de sensibilisation. Bell cause pour la cause en est une. Les FC y ont participé très activement l'an dernier. Mais il y a aussi d'autres projets qui se déploient, et ça n'a aucune importance qu'il s'agisse d'un projet national ou d'un plus petit, comme de celui d'un tout petit groupe de travail. Tout ce qui peut fournir à des gens l'occasion de dire: « J'ai un problème et voici comme nous allons le gérer dans le milieu de travail » est important.
Il n'existe pas de pilule magique, pas de solution unique qui fonctionnera pour tout le monde. Il faut donc essayer de comprendre l'éventail des problèmes et donner aux gestionnaires, militaires comme civils, les connaissances, la formation, la compréhension, la compassion et tout ce dont ils ont besoin pour gérer le problème.