NDDN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la défense nationale
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 4 octobre 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Soyez les bienvenus.
Toutes mes excuses pour ce retard. Nous avons dû aller voter à la Chambre et nous devrons probablement y retourner à 16 h 35. Merci à tous d'être venus.
Je souhaite la bienvenue à Marcus Kolga, agrégé supérieur, Institut Macdonald-Laurier, et à Andrew Rasiulis, membre associé, Institut canadien des affaires mondiales.
Marcus, puisque vous arrivez de l'extérieur, vous aurez la parole en premier pour 10 minutes. Ce sera ensuite au tour d'Andrew.
Merci d'être venu.
Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les députés et membres du Comité.
C'est un grand honneur pour moi de m'adresser à vous aujourd'hui concernant le rôle du Canada au sein de l'OTAN et, plus précisément, sur la guerre de l'information et la menace sérieuse que représente la désinformation.
La souveraineté dont nous et nos alliés jouissons est assurée grâce aux efforts collectifs de défense de l'OTAN. Les frontières que les Forces canadiennes se sont engagées à défendre en Lettonie sont, dans le contexte de notre défense, égales à celles du Canada dans l'Arctique. Pour les forces lettones, une violation des frontières du Canada dans l'Arctique équivaudrait à une violation des frontières de la Lettonie.
Le Canada joue un rôle de premier plan dans l'opération REASSURANCE que mène l'OTAN dans la région de la Baltique. À titre de pays encadrant la présence avancée rehaussée de l'OTAN en Lettonie, le Canada a envoyé plus de 450 des 1 138 militaires des pays membres de l'OTAN.
Il y a 10 ans, personne n'aurait imaginé que des troupes canadiennes retourneraient en sol européen pour défendre leurs alliés et prévenir un conflit, ni prévoir la trajectoire isolationniste qu'ont adoptée les États-Unis depuis un an.
En ce qui concerne le rôle du Canada au sein de l'OTAN, ne nous berçons pas d'illusions quant aux objectifs de Vladimir Poutine en matière de politique étrangère. Son objectif est de transformer son régime en superpuissance et d'accroître son influence et sa domination en déstabilisant les démocraties occidentales et en minant la confiance dans nos institutions et nos systèmes.
Cette politique est entrée dans la phase active en 2007, année où l'ambassade de Russie en Estonie a contribué à provoquer un conflit ethnique par l'instigation des émeutes populaires contre le déplacement d'un monument de guerre soviétique. Les actes de destruction à Tallinn ont été suivis des premières cyberattaques lancées par l'État: les serveurs du gouvernement estonien, des médias et des banques ont été mis hors ligne par des attaques de type déni de service.
L'expérience acquise par le Kremlin dans la fomentation de conflits en Estonie et, par la suite, en République de Géorgie s'appliquera au projet beaucoup plus ambitieux qu'il mènera en Ukraine en 2014, alors que des soldats armés non identifiés arrivent dans la péninsule de Crimée.
Le Kremlin a employé les tactiques utilisées par l'Union soviétique pendant l'occupation des États baltes en 1940. Joseph Staline avait mis en place en Estonie, en Lettonie et en Lituanie des régimes fantoches qui optèrent, à la très grande majorité, de se joindre à l'Union soviétique. De même, plus récemment en Ukraine, le Kremlin a tenu en Crimée, en 2014, un simulacre de référendum qui s'est soldé par le résultat littéralement incroyable de 96 % de soutien pour l'union avec la Russie.
Pour décrire les tactiques du Kremlin en Ukraine, on commença à parler de « guerre hybride » combinant des mesures actives de tromperie ou maskirovka en russe, de désinformation et de guerre cinétique.
En février 2013, le chef d'état-major russe, le général Valery Gerasimov, a déclaré que la Russie privilégierait dans les conflits futurs la déstabilisation politique par le biais de tactiques non militaires, dont la guerre de l'information, les opérations psychologiques et les cyberopérations.
Comme l'a indiqué l'analyste américaine Molly McKew:
La stratégie du Kremlin est la création du chaos. Gerasimov précise que l'objectif est de provoquer un état permanent de conflits et de troubles...
Cela vaut non seulement pour les États comme l'Estonie, l'Ukraine, les États-Unis et le Canada, mais aussi pour les institutions transnationales comme l'Union européenne et l'OTAN.
Concernant l'OTAN, l'objectif du Kremlin est de la démoraliser et de l'affaiblir, et de perturber les relations entre ses pays membres dans l'espoir de miner la cohésion de l'alliance pour mieux contrôler les États voisins.
À première vue, les mesures actives et la désinformation entreprises par la Russie peuvent sembler n'être qu'un problème pour les États-Unis ou l'Europe de l'Est. Toutefois, le Kremlin manipule les médias canadiens depuis près d'une décennie grâce à Russia Today ou RT, Sputnik, et des organisations basées au Canada disséminant des théories du complot dans les médias et des groupes servant d'intermédiaires au Kremlin.
Les efforts de désinformation déployés récemment par le Kremlin sur les Forces canadiennes en Lettonie illustrent la grossièreté de ce genre de campagne. Ainsi, l'apparence et le turban du ministre Sajjan ont été exploités par les médias pro-Kremlin en Lettonie pour attiser les sentiments antimusulmans au sein de la population russophone. En juin, une autre entreprise médiatique russophone a utilisé une photo du meurtrier Russell Williams pour mousser un article fabriqué de toutes pièces sur des soldats canadiens faisant la promotion de l'homosexualité en Lettonie.
Ici au Canada, des articles visant à semer le doute sur la mission du Canada dans la région baltique sont publiés dans les médias grand public. Le journal d'Halifax et le Hill Times ont publié des articles qualifiant faussement de nazisme des combattants baltes contre l'occupation soviétique.
La guerre à l'information du Kremlin constitue la pire menace pour la démocratie occidentale et ses institutions depuis la guerre froide. Elle vise à diviser nos sociétés, à amplifier et à aggraver les différences et à nous élever les uns contre les autres. Elle mine notre confiance dans la démocratie et notre cohésion comme pays. La désinformation, qui vise à semer la confusion et la désorientation, affaiblit nos systèmes démocratiques libéraux, ainsi que nos institutions et nos processus, y compris nos élections.
L'OTAN l'a reconnu quand elle a établi un centre de communication stratégique à Riga. D'autres pays se sont dotés, pour mieux se défendre, de centres robustes de communication stratégique. Le Centre de lutte contre les menaces hybrides a ouvert ses portes cette semaine à Helsinki. Je crois savoir, toutefois, que le gouvernement canadien n'en fait pas encore partie. En 2015, le gouvernement canadien a financé un programme de formation de l'OTAN à Riga sur les techniques avancées de lutte contre la propagande, et ce, pour aider les États membres à évaluer et à contrer la propagande russe en Europe de l'Est.
Que font les agents de désinformation pro-Kremlin au Canada? Qui ciblent-ils et comment procèdent-ils? Je compte près d'une décennie d'expérience de la désinformation russe. En 2008, des trolls pro-Kremlin ont usurpé l'identité de feu mon grand-père dont j'ai raconté l'expérience au goulag soviétique dans un documentaire pour la télévision canadienne. Ils ont créé un faux compte dans un média social où l'on a publié des images accessibles au public avec du contenu antioccidental et néonazi. J'ai aussi reçu des messages de menace, y compris un courriel contenant en annexe la photo d'une bombe. Ces méthodes maladroites et inefficaces visaient à me discréditer et, ultimement, à me réduire au silence.
En 2014, en réponse aux sanctions imposées par le Canada contre le régime Poutine pour son annexion illégale de la Crimée, le Kremlin a appliqué des sanctions contre 13 députés canadiens. L'un d'eux est membre de votre comité, un autre est l'actuel ministre des Affaires étrangères. On pourrait croire qu'il s'agit de manoeuvres politiques sans importance, mais ils visent néanmoins à discréditer et à museler ces gens.
Les médias qui sèment des théories du complot servent souvent à publier des articles appuyant les politiques du Kremlin qui correspondent au discours du régime Poutine. C'est le cas de Mondialisation.ca, basé à Montréal et dirigé par un professeur de l'Université de Montréal, Mikhail Chossudovsky. Il publie régulièrement des articles sur diverses théories du complot, notamment sur le 11 septembre 2001, le groupe Bilderberg, les plans de modification des conditions météo de la CIA et la conspiration qui unit les États-Unis à l'OTAN en vue de dominer le monde. Le professeur Chossudovsky et son site Web font partie d'un plus grand réseau mondial appelé the 4th media comprenant diverses entreprises financées par le Kremlin, dont Russia Today, ainsi que l'agence médiatique de l'État syrien, SANA et d'autres.
En janvier, quelques jours après la nomination de Chrystia Freeland au poste de ministre des Affaires étrangères, John Helmer, qui publie fréquemment sur Mondialisation.ca, a publié un article intitulé « Victim or Aggressor — Chrystia Freeland's Family Record for Nazi War Profiteering, and Murder of the Cracow Jews ». Cet article décrivait les activités du grand-père de la ministre Freeland en Pologne nazie, activités qui avaient été mises au jour par un collaborateur polonais de Helmer, Stanislas Balcerac qui, sans surprise, rédige aussi des articles pour un autre média pro-Kremlin, Russia Insider. Dans ce prétendu article, comme l'a bien décrit le journaliste canadien Terry Glavin, prétend que la ministre Freeland souhaite ardemment, mais secrètement, attirer le Canada dans un face-à-face avec la Russie en raison de la haine pour la Russie qu'elle a héritée de son grand-père ukrainien; on l'a qualifiée aussi de dangereuse. Une autre collaboratrice de Mondialisation.ca, Arina Tsukanova, a résumé l'article qui a par la suite été repris par les médias nationaux du Canada. Les intermédiaires du Kremlin au Canada, dont le Congrès des Russes canadiens, qui l'a repris à son tour et a réclamé à grands cris la démission de la ministre Freeland.
Une fois que de fausses informations comme celles-là sont créées, le Kremlin emploie un vaste réseau de médias sociaux et d'intermédiaires pour amplifier et disséminer son message. Nous savons que, aux États-Unis, le Kremlin a employé les médias sociaux pour attiser la colère partisane qui a probablement changé le cours des élections présidentielles de 2016. Sur Facebook seulement, plus de 10 millions de personnes ont vu des publicités associées au Kremlin et récemment, Twitter a fermé des centaines de faux comptes employés par des agents du Kremlin.
Au Canada, les messages du Kremlin contre l'Occident sont diffusés dans presque tous les foyers canadiens par le biais de la chaîne d'État Russia Today, aussi appelé RT. Elle est offerte avec le câble analogique et dans presque tous les forfaits de chaînes d'information des grands distributeurs par câble et satellite, y compris Bell et Rogers.
Aux États-Unis, le département de la Justice a ordonné à RT de s'enregistrer aux termes de la loi sur l'enregistrement des agents étrangers. Cette décision découle en partie d'un rapport rédigé par la communauté du renseignement américain faisant état des effets délétères des médias d'État de la Russie sur les États-Unis. Au sujet de l'influence qu'a exercée le Kremlin sur les élections de 2016, le rapport dit ceci:
La machine à propagande de l'État russe — qui comprend les médias nationaux, les entreprises médiatiques visant des auditoires mondiaux tels que RT et Sputnik et un réseau de trolls liés au gouvernement — a contribué aux efforts pour influencer les campagnes présidentielles en servant de tribunes pour les messages du Kremlin à l'intention des auditoires russes et internationaux.
Au Canada, le Kremlin appelle à un réseau de particuliers et de groupes lui servant d'intermédiaires pour communiquer ses messages aux Canadiens, notamment aux leaders d'opinion et aux décideurs. Ils comptent dans ce réseau des agents d'influence qui sont souvent des universitaires et appartiennent à des organisations apparemment inoffensives telles que le Club Valdaï de Vladimir Poutine, groupe d'intellectuels pro-Kremlin.
Enfin, au cours du printemps de 2016, Natalia Veselnitskaya, l'avocate du Kremlin qui se retrouve au coeur du scandale russe à Washington, a tenté de discréditer les militants qui prônaient la démocratie en Russie et la législation de Magnitski sur les réseaux sociaux au Canada. Cela a mené à ce que Georgy Fedorov, membre de la chambre civique de la fédération de Russie, demande au bureau du procureur général de la fédération de Russie d'enquêter sur une manifestation en faveur des droits de la personne que j'avais organisée à Toronto, de concert avec l'ancien ministre de la Justice Irwin Cotler. Vladimir Kara-Murza et Zhanna Nemtsova, des chefs de l'opposition russe, ainsi que Bill Browder, qui mène une croisade contre la corruption, ont également participé à cet événement. De nouveau, on peut voir que l'objectif était clairement d'intimider et de museler les détracteurs du Kremlin qui se trouvaient au Canada.
Monsieur le président, honorables membres du Comité, la démocratie et la vérité sont menacées au Canada et dans le monde occidental. Rien ne porte à croire que la situation va s'améliorer dans un avenir proche. Lutter contre la menace d'une guerre hybride non cinétique n'est pas aussi compliqué que cela ne semble l'être. Pour ce faire, nous avons besoin de financement et de ressources dédiées. Les campagnes de désinformation et qui tentent d'influencer l'avis des gens doivent être suivies de près. Nous devons mettre sur pied des stratégies de communication proactive qui remettent en question la propagande qui vise à miner notre démocratie et celle de nos alliés.
Tout comme les cyberattaques ont pour objectif de causer du tort à nos collectivités en écrasant et en paralysant nos réseaux d'infrastructure critique, la guerre de désinformation paralyse et écrase notre société. Notre démocratie dépend du libre-échange des idées et d'un débat public bien informé. Alors que les régimes machiavéliques essaient d'effriter la confiance que nous avons en la démocratie, le Canada doit s'adapter à ces nouveaux défis et assumer un rôle de leadership parmi nos alliés transatlantiques de l'OTAN et ailleurs afin de lutter contre la désinformation et défendre nos systèmes démocratiques souverains.
Merci beaucoup.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je suis heureux d'avoir la possibilité de vous fournir des explications sur le rôle du Canada à l'OTAN, en particulier nos opérations en Lettonie et en Ukraine. Je vous ferai aussi part d'idées sur la façon dont ces opérations militaires pourraient inciter le Canada à emprunter la voie diplomatique pour régler le conflit en Ukraine.
Les Forces armées canadiennes participent activement à deux opérations à l'appui des missions de l'OTAN sur son flanc est. D'abord, le Canada a joué un rôle de premier plan dans l'établissement d'un groupement tactique de la taille d'un bataillon en Lettonie — il s'agit de l'opération Reassurance — dans le cadre de la présence avancée renforcée de l'OTAN visant à dissuader la Russie de recourir à la force contre le territoire de l'OTAN, en vertu de son engagement dans l'article 5. L'opération Reassurance prévoit aussi l'engagement des forces aériennes à déployer six avions-chasseurs — une formation de six — pour assurer la protection aérienne le long des flancs est et sud de l'OTAN ainsi que l'engagement à déployer une frégate pour participer à des missions en mer Méditerranée et en mer Noire. Le Canada est l'un des quatre alliés de l'OTAN à jouer un rôle aussi important. Les trois autres groupements de cette initiative sont dirigés par le Royaume-Uni en Estonie, l'Allemagne en Lituanie et les États-Unis en Pologne. Cet engagement place le Canada au centre de l'échiquier politico-militaire.
La deuxième opération du Canada est une mission de formation et de renforcement des capacités de l'OTAN en dehors du territoire de l'alliance, en Ukraine. Bien qu'elle ne soit pas membre de l'OTAN, donc non assujettie aux dispositions touchant la défense et la dissuasion de l'article 5, l'Ukraine est un partenaire de longue date de l'OTAN sous l'égide du partenariat pour la paix, ou PPP. Dans le contexte de l'opération Unifier, les Forces armées canadiennes ont pour mandat de faciliter la modernisation et la réforme des forces militaires ukrainiennes. Cette opération se rattache à l'objectif général de l'OTAN et de l'UE, qui veulent aider l'Ukraine à mettre en oeuvre sa politique déclarée de réforme et à lutter contre le soulèvement rebelle soutenu par la Russie dans la région du Donbass. Étant donné l'engagement militaire substantiel du Canada au sein de l'OTAN, il est pertinent de réfléchir à l'importance de l'alliance pour les intérêts canadiens en matière de politique étrangère et de défense: pourquoi l'OTAN et pourquoi est-ce important?
Selon le premier secrétaire général de l'OTAN, lord Ismay, l'organisation a été créée en 1949 pour « garder les Russes dehors, les Américains dedans et les Allemands à terre ». Fait remarquable, à la fin de la guerre froide en 1991, les « Russes » de l'Union soviétique ne représentaient plus une menace, les Américains avaient pleinement respecté leur engagement de défendre la zone de l'Atlantique Nord, et l'Allemagne réunifiée était devenue un membre à part entière et de premier plan de l'OTAN et de l'Union européenne. Or, ces résultats fructueux n'ont pas fait disparaître le besoin d'une alliance ni d'un engagement du Canada. Une période de transition a plutôt suivi la guerre froide, et l'alliance s'est entre autre élargie grâce à la coopération d'anciens membres du pacte de Varsovie et de l'Union soviétique. En même temps, la Russie, État successeur de l'Union soviétique, a senti que ses intérêts avaient été trahis en cette période d'après-guerre froide, ce qui l'a poussée à utiliser ses forces militaires de façon plus agressive pour préserver ses intérêts régionaux et internationaux.
Les diplomates canadiens ont participé très activement à la création de l'OTAN en 1949. Depuis la Confédération, la politique de défense canadienne repose notamment sur le grand principe selon lequel les intérêts canadiens sont mieux servis dans une coalition. Faisant d'abord partie de l'empire britannique, les corps expéditionnaires canadiens ont participé à l'expédition du Nile, à la guerre des Boer et à la Première Guerre mondiale. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il faisait partie du Commonwealth britannique. Avec l'arrivée de la guerre froide, les intérêts canadiens ont été servis par la promotion d'une coalition de l'Atlantique Nord qui, plus important encore, a permis d'atténuer la tendance isolationniste des Américains.
Le Canada ne s'est toutefois pas seulement intéressé aux dispositions en matière de défense militaire au sein d'une coalition de l'Atlantique Nord. Les diplomates canadiens ont plutôt fortement insisté sur l'adoption de l'article 2 du traité de Washington dont est issue l'OTAN. Connue sous le nom « d'article canadien », cette disposition a servi non seulement à définir l'OTAN comme une alliance militaire de défense, mais aussi à y ajouter une dimension de coopération économique. Même si l'article 2 n'a pas apporté grand-chose à proprement parler, les intérêts canadiens pour une association et une intégration économique dans la région de l'Atlantique Nord se sont traduits par la troisième option du premier ministre Trudeau de l'époque, dans les années 1970, puis finalement par l'accord économique et commercial global entre le Canada et l'UE, l'AECG, en 2016, sous le régime du premier ministre Justin Trudeau.
Les forces militaires canadiennes ont à l'origine été déployées en Europe dans le cadre de l'engagement du Canada envers l'OTAN lorsque la guerre de Corée a éclaté. Simultanément, les Forces canadiennes ont combattu avec la coalition de l'ONU en Corée et ont été déployées en Europe dans le cadre de la politique de dissuasion de l'OTAN. L'engagement européen est resté généralement ferme tout au long de la guerre froide. Des rajustements et des réductions d'effectifs ont été apportés sous le règne de Pierre Trudeau, qui n'était pas convaincu de la nécessité de maintenir la présence militaire canadienne en Allemagne de l'Ouest. Le chancelier Helmut Schmidt a lancé un appel à M. Trudeau pour le convaincre de maintenir une présence canadienne en Allemagne, invoquant la troisième option économique du premier ministre. Après la boutade « no tanks, no trade » — « pas de char, pas de commerce » — du chancelier, les troupes canadiennes sont restées.
À la fin de la guerre froide, les déploiements militaires canadiens ont mis l'accent sur des missions de maintien de la paix, puis de soutien à la paix menés par la coalition. À l'exception d'un petit groupe logistique qui est demeuré en Allemagne, à Geilenkirchen, les Forces armées canadiennes se sont regroupées autour de leur base permanente au Canada.
Les intérêts politiques canadiens ont fait en sorte que les forces armées canadiennes continuent de participer à la réforme et à la transformation de l'Europe de l'Est et du Sud-Est de l'après-guerre froide. L'OTAN a mis sur pied le partenariat pour la paix en 1994 avec les anciens membres du pacte de Varsovie et de l'Union soviétique. Le Canada a contribué à cette mission sous l'égide du programme d'aide à l'instruction militaire, le PAIM, du ministère de la Défense nationale, renommé par la suite programme d'instruction et de coopération militaire, soit le PICM.
Dans le cadre du PICM, les Forces armées canadiennes ont travaillé avec leurs alliés de l'OTAN à la promotion de la réforme et de la gouvernance de la défense des pays partenaires. Les valeurs canadiennes ont été intégrées à ces activités d'instruction et de coopération militaire et de renforcement des capacités. La vitesse et l'intensité avec lesquelles les pays partenaires ont effectué leur transformation et leur réforme ont différé. Certains ont choisi de s'intégrer à l'OTAN, tandis que d'autres sont demeurés partenaires. Par exemple, les États baltes, dont la Lettonie, sont finalement devenus membres de l'OTAN, tandis que d'autres...
Monsieur Rasiulis, puis-je vous interrompre pendant quelques secondes? Je dois régler cette question.
Le timbre sonne. Souhaitons rester 10 minutes de plus avant de lever la séance?
Nous devrions au moins entendre notre témoin.
Le président: D'accord.
Monsieur Rasiulis, désolé de vous avoir interrompu.
Merci beaucoup.
Par exemple, les États baltes, dont la Lettonie, sont devenus membres de l'OTAN, tandis que d'autres, comme l'Ukraine, sont toujours des partenaires actifs de l'alliance dans le cadre du PPP.
Les événements dramatiques survenus en Ukraine en 2014 parce que le pays souhaitait une plus grande intégration à l'Union européenne et à l'OTAN ont provoqué une vive confrontation armée avec les rebelles ukrainiens de l'Est, soutenus par la Russie, ainsi que la prise et l'annexion de la Crimée. La riposte militaire de l'OTAN a été double: en premier lieu, l'OTAN a solidifié et réaffirmé son engagement au titre de l'article 5 à défendre les alliés de l'OTAN en adoptant une posture de dissuasion renforcée, sans toutefois fermer la porte au dialogue avec la Russie; en second lieu, elle a augmenté significativement ses opérations d'instruction, de réforme et de renforcement des capacités auprès des forces armées ukrainiennes. Le Canada a réagi en demeurant fidèle à ses intérêts traditionnels en matière de politique étrangère et de défense ainsi qu'en continuant à jouer son rôle efficacement en tant qu'allié indéfectible de l'OTAN. Les gouvernements Harper et Trudeau ont tous deux fait fond sur les précédents créés par les engagements passés. Les Forces armées canadiennes sont donc retournées en Europe dans le cadre de l'opération REASSURANCE et ont déployé 450 de leurs membres en Lettonie, où le Canada dirige le groupement tactique qui fait partie intégrante des efforts de dissuasion accrus de l'OTAN.
En Ukraine, le Canada a intensifié considérablement ses activités de renforcement des capacités dans le cadre du PICM, déployant 200 autres militaires dans le cadre de l'opération UNIFIER. La participation active et le rôle de chef de file des Forces armées canadiennes sur le flanc est de l'OTAN continuent à servir et à promouvoir les intérêts canadiens en contribuant à améliorer la sécurité en Europe. Le Canada devrait accompagner ses efforts en Lettonie et en Ukraine d'une diplomatie active en vue de trouver un éventuel terrain d'entente avec la Russie et de rétablir un jour la coopération plutôt que de poursuivre la confrontation. Ces dernières semaines, par exemple, on a discuté de plus en plus des avenues possibles pour régler le conflit en Ukraine par voie diplomatique.
Certes, le protocole de Minsk II conclu au début de 2015 constitue le fondement d'un règlement diplomatique, le cadre lui-même demeure au point mort. La pierre d'achoppement pour l'Ukraine tient à la disposition sur la réforme constitutionnelle dans ce pays, qui servirait à décentraliser essentiellement les pouvoirs des oblasts de Donetsk et de Louhansk. Quant à la Russie, elle s'oppose à ce que le gouvernement ukrainien se voie reconfier le contrôle de la frontière dans la zone de conflit.
On discute de deux propositions divergentes sur le déploiement d'une force de maintien de la paix des Nations unies en vue de résoudre le conflit. Dans sa version, la Russie présente une disposition voulant que les troupes russes fassent partie de cette force selon la méthode trilatérale employée dans les conflits avec la Moldavie et la Géorgie. De son côté, l'Ukraine s'inspire de la formule plus habituelle des Nations unies, à savoir une force composée de troupes provenant de pays neutres. Les deux propositions divergent également sur les divers aspects du déploiement de la force en tant que telle. Le président Poroshenko a demandé au Canada d'envisager de jouer un rôle dans cette force, et le gouvernement canadien examine attentivement la question.
La discussion en est encore à ses débuts, mais elle permet au Canada de faire appel à sa vaste expérience du maintien de la paix pour contribuer de manière utile et objective à la résolution du conflit.
Merci de votre attention.
Merci de votre témoignage.
Vu le temps qu'il nous reste, nous avons le temps pour une question de sept minutes. Je céderai la parole à M. McKay. S'il souhaite partager son temps avec quelqu'un d'autre, cette décision lui revient.
Monsieur McKay, vous avez la parole.
Ironiquement, monsieur le président, je procéderai de façon inhabituelle. Normalement, je pose de très brèves questions afin d'obtenir des réponses, mais cette fois-ci, je vais lire aux fins du procès-verbal des extraits de lettres que j'ai reçues, qui intéresseront certainement tous mes collègues ici présents, et qui, je pense, illustrent parfaitement le témoignage de M. Kolga.
Nous avons tous reçu du Congrès russe du Canada une lettre datée du 15 juin renfermant une déclaration du Congrès russe concernant « l'annonce de l'adoption de la soit-disant loi Magnitski, le projet de loi S-226 ».
Dans cette lettre, on indique qu'il s'agit là d'un « dangereux précédent » et d'une « politique identitaire de division » qui ne fait pour le moment que « fermer la possibilité du dialogue avec la Russie ».
En outre, on y indique que le « Comité des affaires étrangères de la Chambre des communes n'a entendu qu'une version de la controverse entourant l'affaire Magnitski » et que cela allait à l'encontre des intérêts de la Russie.
On ajoute que M. Magnitski était comptable et non avocat — ce qui semble être d'une grande importance — et que M. Magnitski a été « arrêté et placé en détention préalable au procès » et « qu'après 11 mois... il est décédé ».
« D'après l'enquête officielle menée par la Russie... il n'y avait aucune preuve de mauvais traitements ou de torture », dit-on. « Les témoignages selon lesquels il a été battu par du personnel carcéral... ne sont pas fondés sur des preuves documentaires ou empiriques. » Cependant, au cas où il y aurait là un brin de vérité, « plusieurs hauts fonctionnaires du système carcéral » et de l'administration « ont été mis à pied ou rétrogradés ».
On indique plus loin que cela ne se reproduira pas, car on a changé la loi. On ajoute que « la mort de Sergei Magnitski est tout à fait regrettable ».
Tout comme l'ensemble de mes collègues, j'ai considéré que c'était la lettre d'un déséquilibré. Après l'avoir lu aux fins du procès-verbal lundi soir dernier, pendant le débat, nous avons reçu l'opinion de la même personne que vous avez citée, monsieur Kolga, à savoir Natalia Veselnitskaya, qui a entretenu certains liens avec le gouvernement Trump. Cette phrase est la plus incohérente que j'ai pu voir provenant d'un avocat. Je vais vous la lire, et si quelqu'un y comprend quoi que ce soit, j'apprécierais que vous m'éclairiez. Natalia Veselnitskaya a écrit:
Maintenant, un « nouveau Prevezon » selon l'exemple du nouveau « Denis Katsiv » va apparaître au Canada « ayant reçu un dollar pour le prix du sang volé au peuple russe », des procès seraient entamés, feront apparaître des juges et des procureurs russes sur les listes d'interdiction d'entrée au Canada, comme s'ils y avaient déjà été ou avaient l'intention de s'y rendre, leurs actifs mythiques seront saisis, et les procès vont « suivre leur cours » pendant des années sans donner aucun résultat jusqu'à ce que la génération de ces politiciens prêts à trahir leur peuple et à danser au son des groupes criminels transnationaux change.
Soit dit en passant, nous sommes les politiciens qui ont trahi leur peuple, ce qui, une fois encore, peut être considéré comme des propos déphasés.
Hier soir, j'ai reçu une lettre de l'ambassade de Russie, signée par le secrétaire de la presse, Kirill Kalinin. Il y fait allusion à quelques articles dans lesquels on décrit des cas de prisonniers qui sont morts dans des prisons canadiennes, comme si les morts de ces détenus canadiens étaient semblables à la torture et au décès de M. Magnitski.
Je dirais donc que cela est bien réel et bien présent et qu'il est très intéressant pour nous de tenir un débat sur l'affaire Magnitski en même temps que nous parlons de ce sujet précis.
Monsieur Kolga, quelles sont vos observations?
Désolé, mais je vais devoir vous interrompre. Il est dommage que nous ne puissions discuter avec vous. Il se peut que nous puissions nous arranger pour nous réunir de nouveau.
Cependant, notre devoir parlementaire nous appelle, et je me dois de lever la séance.
Merci beaucoup malgré tout. Je vous sais gré de votre patience.
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