NDDN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la défense nationale
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 20 novembre 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
C'est l'heure. Bienvenue à toutes et à tous au Comité de la défense.
Bienvenue surtout à Mme Sarah Jane Meharg, professeure auxiliaire, Collège militaire royal du Canada, et à M. Mark Sedra, président, Conseil international du Canada. Merci à vous deux de votre présence.
Nous sommes ici pour discuter du rôle du Canada au sein de l'OTAN. J'invite Mme Meharg à nous présenter son exposé. Vous avez droit à 10 minutes. La parole est à vous.
Merci de m'avoir invitée à témoigner devant le Comité. C'est un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui.
Je suis experte en matière de reconstruction post-conflit. Je collabore souvent avec les Forces canadiennes, à leur demande, aux volets de la sécurité liés à l'identité et à la culture, c'est-à-dire, en gros, sur les façons de gérer les problèmes personnels qui surviennent pendant les conflits et après, surtout lorsque la planification tourne mal, ainsi que sur les façons de mesurer le succès de nos interventions.
La semaine dernière, j'ai participé, avec mes collègues américains, à une discussion entre experts au sujet de la redéfinition des instruments du pouvoir liés à la reconstruction et à la stabilisation. Les Forces armées canadiennes jouent un rôle opérationnel sur ce plan depuis de nombreuses décennies, surtout par l'intermédiaire de nos engagements à l'égard de l'OTAN. C'est à travers ces deux perspectives que je m'adresse à vous aujourd'hui.
Durant mon exposé, je vous inviterai à réfléchir à trois éléments. Le premier est l'avantage que le Canada tire de sa participation à l'OTAN, le deuxième est la façon dont le Canada mesure cet avantage et le troisième est le fait qu'un avenir sûr et assuré est fondé sur cette participation.
Je vais d'abord parler de ce que nous savons concernant l'engagement du Canada à l'égard de la défense et de la sécurité. Nous savons que le Canada contribue au tissu de la sécurité collective en mettant ses moyens de défense au service de ses alliés et en collaborant avec eux dans des contextes dangereux partout dans le monde, mais aussi de façon à protéger sa souveraineté nationale et la sécurité des Canadiens. Nous savons également que le contexte de sécurité international dans lequel les interventions et toute la gamme d'opérations armées sont faites est méconnaissable. Les civils souffrent dans une réalité laide, sale, violente et déchirante exposée de par le monde au moyen des médias numériques, et c'est là que nos militaires sont déployés.
Premièrement, quel avantage le Canada tire-t-il de sa participation à l'OTAN? Je ne vous surprendrai pas en déclarant que le Canada jouit du luxe que lui procure sa géographie. Les plus opprimés du monde ne se trouvent pas sur notre seuil et ils ne tentent pas de défoncer la porte pour entrer, ce qui est le contexte de sécurité auquel est confrontée la majorité, voire l'ensemble des pays de l'OTAN. Nous n'avons pas à défendre notre propre front oriental.
En fait, l'identité du Canada est née de l'ampleur de son territoire et de la distance qui le sépare des autres. Cette ampleur et cette distance nous permettent de prendre le temps d'examiner nos décisions en matière de défense et de sécurité, ainsi que nos politiques et nos perspectives stratégiques. Le Canada n'est pas confronté à une menace — si l'on ne tient pas compte des cybermenaces —; il connaît donc ce qu'on appelle la sécurité ontologique de l'État. La sécurité ontologique représente la préservation de l'identité, c'est-à-dire la capacité d'un État ou d'un individu de préserver la conscience qu'il a de son identité. Tout comme les individus, les États peuvent sentir que leur identité même est menacée.
Pour les individus et les États, l'incertitude représente une menace contre l'identité, et ils répriment la peur suscitée par cette incertitude au moyen de routines auxquelles ils s'attachent. Ces routines peuvent prendre plusieurs formes, par exemple, la participation du Canada à l'OTAN. Les changements apportés à cette participation, notamment pour des raisons liées au budget, à la volonté politique ou même à l'incertitude relative à l'administration américaine, peuvent ébranler ces routines. Ces changements causent un manque d'uniformité, et lorsque les routines sont modifiées, les rapports entre le Canada et ses alliés changent aussi.
Les personnes qui représentent le Canada au siège de l'OTAN et dans tout le réseau de l'OTAN sont profondément touchées par le manque d'uniformité parce qu'il ébranle les rapports stables entre nos représentants et les représentants de nos alliés. L'ébranlement des routines et des rapports contribue à l'insécurité ontologique de l'État et il a donc une incidence sur la perception d'un avenir assuré. Encore une fois, cette logique est applicable aux individus comme aux États. Autrement dit, l'uniformité crée un avenir assuré. La certitude permet aux États d'interagir les uns avec les autres. Les interactions influencent les comportements et elles causent ce qu'on appelle la routinisation. La routinisation permet d'établir des rapports stables, et tout cela influe sur le niveau de sécurité qu'un État ressent.
L'OTAN n'est que l'ensemble des pratiques en matière de sécurité et de défense auxquelles ses membres, y compris le Canada, ont accepté de participer, ce qui signifie que sa continuation dépend de la reproduction constante de ces pratiques. L'OTAN est donc constituée des routines individuelles et communes qui se sont installées au siège sur les plans stratégiques, opérationnels et tactiques, ainsi que dans les missions de l'OTAN où les forces sont déployées. Ces routines viennent ensuite stabiliser la conscience que les États ont de leur identité, y compris le Canada.
Les recherches empiriques menées dans divers domaines de la psychologie sociale confirment que l'incertitude mène à l'insécurité identitaire, un état qui peut être renversé au moyen des routines. La participation du Canada à l'OTAN renforce sa sécurité identitaire parce que le pays participe aux routines liées à son appartenance à l'organisation.
Le deuxième élément concerne la façon dont le Canada peut mesurer cet avantage. Depuis les interventions très coûteuses de l'invasion de l'Irak par les États-Unis et de la reconstruction du pays au début des années 2000, la communauté internationale se soucie de mesurer l'efficacité de ses activités dans des situations d'urgence complexes. Ce souci de mesurer l'efficacité est partiellement motivé par le besoin de calculer le coût de nos interventions, car nombre de nos activités coûtent extrêmement cher, et pourtant, les taux de réussite ne sont pas proportionnés et ils justifient rarement les dépenses. À un moment donné, le Canada tenait à évaluer l'efficacité de son travail à des endroits comme l'Afghanistan parce que nous avons été témoins des réalités sur le terrain, ce qui nous a poussés à accroître l'efficacité des objectifs, des plans et des structures de nos interventions.
Cela étant dit, j'aimerais que nous considérions la possibilité de mesurer l'avantage que nous tirons de notre participation à l'OTAN plutôt que d'évaluer nos résultats par rapport à l'OTAN. Bien que ce ne soit pas la façon habituelle d'envisager l'évaluation de l'efficacité, cet exercice peut nous permettre de mieux comprendre le rôle que nous souhaitons jouer et la façon dont notre participation renforce le sentiment de sécurité de notre État.
Nous pouvons mesurer les avantages que nous tirons de nos routines et de nos rapports. Le Canada participe déjà à des routines de l'OTAN; pour évaluer les avantages, il faudrait qu'il participe à des activités au sein de l'alliance qui cadrent avec ses intérêts et ses valeurs. Par exemple, nous pourrions créer des capacités au sein des Forces armées canadiennes qui s'inscriraient bien dans le tissu de sécurité collective ourdi par l'alliance, l'OSCE, l'Union européenne, les Nations unies et le NORAD; nous pourrions augmenter notre contribution de ressources, de personnel et de soutien financier aux déploiements de l'OTAN; nous pourrions mettre en place une représentation visible de l'engagement du Canada à l'égard de la résolution 1325 des Nations unies concernant les femmes, la paix et la sécurité, et ce, au moins pour les 10 prochaines années, en augmentant le nombre de femmes qui participent aux missions, qui travaillent au siège et qui jouent un rôle aux différents échelons de l'OTAN; enfin, nous pourrions accroître notre participation active aux exercices multinationaux de formation et en milieu réel afin d'améliorer nos rapports sur le terrain, ce qui servirait nos propres intérêts, car lorsque nos forces seraient déployées aux côtés de celles de nos alliés, nous serions protégés par une chaîne de commandement logique, des communications fiables et des ressources logistiques sur le terrain, ainsi que par les ressources nécessaires de soutien au combat dans le cadre de déploiements dans des théâtres d'opérations hostiles.
L'harmonisation des routines et les rapports qui en découlent viendraient confirmer les engagements que le Canada a pris lors du sommet de Varsovie, et elle renforcerait le tissu de sécurité collective dans lequel le Canada investit depuis plus de 70 ans. Si nous travaillons bien et si la volonté politique nécessaire est au rendez-vous, le Canada pourra se mouvoir efficacement au sein de l'alliance en fournissant des capacités ciblées qui pourront servir à la vaste gamme d'opérations de l'OTAN. Nous disposons déjà de ces capacités ciblées, par exemple pour ce qui touche l'aide humanitaire et les interventions en cas de catastrophe. Nous devons simplement faire en sorte qu'elles soient prêtes à être déployées lorsque l'OTAN commencera à demander à ses membres de gérer des situations de crise dans la vaste gamme de ses opérations, des raids aériens à l'assistance en cas d'urgence humanitaire.
Le troisième élément que je vais aborder, c'est l'avenir assuré du Canada. Nous savons que le Canada renforce sa sécurité ontologique en participant à la sécurité collective et aux rapports stables qui découlent de longs antécédents positifs avec l'alliance. Nous savons aussi que selon la théorie sociologique, la constance crée un avenir assuré. Ce niveau de certitude permet aux États d'interagir les uns avec les autres. Le Canada devrait considérer sa participation continue à l'OTAN comme une façon de créer un avenir assuré et sûr.
Permettez-moi d'expliquer. L'OTAN est constituée d'États membres, qui sont représentés par des personnes. Ces personnes pratiquent des routines en tant que membres et, avec le temps, elles établissent des rapports stables et itératifs, des rapports qui peuvent être répétés. J'ai déjà dit que les routines et les rapports sont les pierres angulaires de la sécurité ontologique — de la sécurité de l'État —, qui est tout aussi puissante à l'échelle de l'État que de l'individu.
Enfin, je vous recommande fortement de songer à investir dans des rapports itératifs au siège de l'OTAN, à tous les échelons, et dans les missions de l'OTAN; à cesser de vous demander pourquoi participer à l'OTAN ou dans quelle mesure; ainsi qu'à contribuer à un avenir assuré et sûr pour le Canada en vous engageant à suivre les structures et les routines de l'OTAN, qui renforcent des pratiques déjà existantes. Cela signifie investir davantage, y compris des fonds, dans ce qui fonctionne déjà, et ce, pour les 10 prochaines années.
Je vous recommande aussi fortement de songer à vous concentrer sur les avantages que les rapports nous procurent sur le plan de la sécurité ontologique du Canada, plutôt que sur la reconnaissance que le Canada reçoit pour des efforts précis déployés au sein de l'alliance. Enfin, il faut mesurer l'efficacité de la participation du Canada à l'OTAN en posant les bonnes questions, premièrement, relativement à nos rapports itératifs au sein de l'alliance, et deuxièmement, relativement à la valeur des routines, des pratiques et des structures qui remontent à plusieurs décennies et qui contribuent à la perception que le Canada a d'un avenir assuré.
Relier les trois éléments que je vous ai décrits et auxquels je vous ai invités à réfléchir nous permet de voir l'avantage que nous tirons de la participation du Canada à l'OTAN, de mesurer facilement cet avantage, ainsi que d'établir un avenir assuré et sûr pour le Canada.
Merci.
Excellent. Je tiens d'abord à remercier le Comité de m'avoir invité à témoigner devant lui aujourd'hui. C'est un honneur pour moi d'être ici.
Il ne fait aucun doute que l'OTAN représente un pilier indispensable de l'ordre mondial libéral qui existe depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, un ordre qui a contribué à instaurer la période de paix et de prospérité sans précédent que connaissent le Canada et l'Occident. Or, a-t-elle encore sa place aujourd'hui?
La question a été posée à maintes reprises depuis la chute de l'Union soviétique. Après tout, l'alliance a été créée pour repousser l'expansionnisme et l'agression de l'Union soviétique à l'égard de l'Europe durant la guerre froide. La raison d'être de l'OTAN n'était plus.
Toutefois, d'après moi, l'OTAN a autant sa place aujourd'hui que dans le passé, mais elle doit absolument demeurer vigilante et s'adapter au contexte de sécurité mondial, qui évolue rapidement.
Avant d'expliquer en détail comment l'OTAN peut devenir une organisation souple et indispensable à la sécurité mondiale dans un avenir prévisible, permettez-moi de parler brièvement de l'évolution que l'alliance a connue depuis la fin de la guerre froide.
Le premier défi majeur auquel l'OTAN a été confrontée après l'époque de la guerre froide, ce sont les guerres qui se sont déroulées dans les Balkans dans les années 1990; à ce moment-là, l'idée selon laquelle l'alliance était désuète a été dissipée. Les interventions dirigées par l'OTAN à un jet de pierre de l'Europe de l'Ouest ont aidé à mettre fin au conflit civil et au nettoyage ethnique en Bosnie, au Kosovo et en Macédoine. Ces missions ont ouvert la voie aux premières opérations de l'OTAN à l'extérieur de son territoire, en Afghanistan de 2003 jusqu'à aujourd'hui et en Libye en 2011.
Il est vrai que la situation actuelle en Afghanistan et en Libye est loin d'être stable, et que les interventions internationales menées dans ces deux pays ne peuvent être décrites comme réussies. Or, cela ne devrait pas ternir le rôle important et influent que l'OTAN a joué dans ces deux pays.
Lorsque l'OTAN a pris les rênes de la Force internationale d'assistance à la sécurité, la FIAS, en Afghanistan en août 2003, le taliban commençait tout juste à revenir. J'étais là. Depuis, la situation dans le pays s'est détériorée petit à petit, mais cette détérioration est due davantage aux défauts de la stratégie des États-Unis et de l'Ouest en Afghanistan et au dysfonctionnement du gouvernement afghan qu'aux actions de l'OTAN.
Une des facettes particulières de la guerre d'insurrection qu'on voit très bien en Afghanistan, c'est qu'il est possible de gagner presque chaque bataille contre l'ennemi — ce qui est certainement le cas de l'OTAN contre le taliban — et de tout de même perdre la guerre. Le chaos qui règne actuellement en Libye, un pays marqué par l'émergence de gouvernements nationaux rivaux et par la division du pays en fiefs contrôlés par la milice, fausse souvent l'opinion des gens concernant la campagne aérienne menée par l'OTAN en 2011. Or, il ne faut pas oublier que l'OTAN est intervenue en Libye pour empêcher les forces de Khadafi de commettre des atrocités; ces forces fonçaient vers la ville de Benghazi dans le but d'écraser une rébellion et de créer, comme Khadafi l'a annoncé au monde entier, des rivières de sang.
Soyons clairs: la mission de l'OTAN, qui était dirigée par un général canadien, a empêché qu'un crime de guerre imminent soit commis. Malgré de telles interventions, on continue à mettre en doute l'utilité de l'OTAN. Le président Donald Trump a affirmé qu'elle était obsolète, quoiqu'il soit revenu sur cette déclaration après son premier sommet de l'OTAN.
Malgré de tels discours, l'OTAN demeure un élément crucial de la structure de la sécurité collective mondiale et elle est vitale pour les intérêts canadiens. Permettez-moi d'énumérer certaines raisons pour lesquelles je le crois.
Premièrement, la valeur de l'OTAN va bien au-delà de la sphère de la sécurité. Elle continue à maintenir un sentiment d'unité politique et de but commun parmi ses 29 États membres divers, nombre desquels ont déjà été rivaux, même récemment.
Deuxièmement, c'est une des pierres angulaires du système multilatéral mondial que le Canada a aidé à mettre en place après la Deuxième Guerre mondiale, un système qui amplifie notre voix et notre influence sur la scène internationale.
Troisièmement, elle peut jouer un rôle important pour soutenir les missions de maintien de la paix des Nations unies, qui manquent constamment de ressources, en fournissant la capacité cinétique qui est de plus en plus insuffisante dans les missions plus dangereuses d'aujourd'hui.
Quatrièmement, elle peut servir d'outil essentiel pour faciliter la coopération dans l'Arctique, une zone d'une importance cruciale pour le Canada et plusieurs autres États membres de l'OTAN.
Enfin, l'OTAN peut faire contrepoids et servir de moyen dissuasif à la résurgence militaire russe, en particulier après l'intervention de 2014 en Ukraine.
Même si l'OTAN continue d'être un atout stratégique important pour le Canada et un élément clé de la sécurité collective de l'Occident, le maintien de sa pertinence dépend de sa capacité de s'adapter à l'évolution des conditions géopolitiques et de sécurité. Il y a quelques jours, l'OTAN a publié son Analyse de prospective stratégique de 2017, qui met à juste titre l'accent sur le contexte de sécurité fluide et complexe qui demande la transformation des capacités militaires de l'OTAN pour s'assurer que l'Alliance demeure pertinente et crédible aujourd'hui et dans un avenir prévisible.
Un vieil adage dans le milieu militaire — même si je ne suis pas issu de ce milieu — prévient que les armées doivent toujours se garder de se préparer à mener la dernière guerre. L'OTAN doit tenir compte de cet avertissement et elle doit se moderniser, innover et se diversifier pour se préparer à surmonter les défis à venir.
Voici quatre domaines dans lesquels l'OTAN pourrait prendre des mesures en la matière.
Premièrement, l'OTAN doit éviter la tentation de trop se concentrer sur la Russie, malgré la récente hausse des tensions avec la Russie. Elle doit plutôt se préparer à faire face à une multitude de défis du XXIe siècle en matière de sécurité, notamment la cyberguerre, le terrorisme, les pandémies et les changements climatiques. L'OTAN doit poursuivre sa transformation d'une alliance militaire datant de la guerre froide à un organe de sécurité multidimensionnel. Les précédentes missions de l'OTAN pour lutter contre la piraterie dans la Corne de l'Afrique, sécuriser la mer Méditerranée et soutenir les opérations de secours aux sinistrés au Pakistan et même aux États-Unis après le passage de l'ouragan Katrina montrent la capacité de l'Alliance de répondre à de multiples défis. L'OTAN doit continuer de renforcer cette vaste gamme de capacités.
Deuxièmement, l'OTAN devrait devenir une plaque tournante mondiale et un centre d'excellence pour la réforme du secteur de la sécurité, soit le processus pour renforcer les capacités des institutions militaires et publiques de sécurité dans les États fragiles, en déroute et touchés par des conflits. L'OTAN a appuyé des activités d'entraînement militaire de façon ponctuelle dans une vaste gamme de milieux complexes: en Afghanistan, en Irak, dans les Balkans et en Afrique subsaharienne. Cependant, l'OTAN doit renforcer ses capacités de réforme du secteur de la sécurité pour qu'elles soient plus institutionnalisées et puissent être déployées plus rapidement, ce dont ont désespérément besoin bon nombre de pays et de régions instables où la transition est difficile.
Troisièmement, l'OTAN pourrait aider d'autres organisations régionales comme l'Union africaine et l'Organisation des États américains en vue de renforcer leurs capacités en matière d'opérations collectives de sécurité et de maintien de la paix. L'Alliance a déjà adopté cette position quant à l'Union africaine en fournissant du transport aérien dans le cadre de sa mission de maintien de la paix en Somalie et de la formation spécialisée pour la jeune Force africaine en attente. L'Alliance pourrait élargir ses initiatives de renforcement des capacités en vue de créer un réseau solide et intégré d'organisations régionales de sécurité, ce qui renforcerait le système mondial de sécurité collective.
Enfin, compte tenu de la crise nucléaire en Corée du Nord, l'OTAN — et cela se veut un objectif à long terme — devrait s'appliquer à réduire les arsenaux nucléaires, à contribuer aux régimes internationaux de contrôle des armes nucléaires et à collaborer avec l'ONU, l'Agence internationale de l'énergie atomique et des intervenants mondiaux de la société civile.
Pour nous assurer qu'une alliance de l'envergure de l'OTAN s'adapte continuellement à l'évolution des conditions géopolitiques et de sécurité — elles évoluent rapidement —, nous avons besoin d'une volonté politique et de ressources. La question des ressources demeure l'évidence dont personne ne veut parler. Un reproche qui n'est pas totalement injustifié et qui est sans cesse fait à l'égard de l'OTAN est qu'elle est devenue une alliance à deux niveaux qui regroupe un petit nombre d'États qui contribuent à la hauteur de leurs moyens et un grand nombre d'États profiteurs qui n'assument pas leur juste part. Selon mes calculs, seuls 5 des 29 États membres de l'OTAN ont respecté l'objectif établi en 2006 par l'Alliance d'investir 2 % de leur PIB dans la défense.
Le Canada est l'un des pays qui n'atteint pas le seuil de 2 %. Cependant, je crois que le gouvernement canadien a raison de faire valoir que, même s'il n'atteint pas l'objectif en la matière, il a régulièrement dépassé les attentes dans d'autres secteurs, notamment les déploiements de troupes, comme le montre la mission actuelle en Lettonie.
En fait, nous pouvons faire valoir que l'OTAN devrait élaborer une autre façon de mesurer le tout, outre les dépenses, qui tiendrait compte des contributions aux activités en cours de l'Alliance. Néanmoins, pour assurer la survie et le succès de l'Alliance dans l'avenir, tous les États membres doivent lui fournir les ressources nécessaires. Les plans du gouvernement en vue d'accroître les sommes destinées à la défense sont résumés dans l'examen de la politique de défense, et c'est bon signe; le Canada pourrait encourager les autres États membres de l'OTAN à faire de nouveaux investissements. Je crois vraiment que le Canada est bien placé pour stimuler l'innovation et la modernisation au sein de l'Alliance.
En cette période d'instabilité géopolitique, un tel leadership est précieux et devra probablement venir de pays comme le Canada, étant donné que les États-Unis et d'autres membres de l'Alliance doivent de plus en plus composer avec des difficultés internes et des pressions isolationnistes.
Merci de votre attention. J'ai hâte de répondre à vos questions.
Merci, monsieur Sedra.
À titre d'information concernant la réunion, vous resterez des nôtres jusqu'à environ 17 heures. Cela nous donnera amplement le temps de faire une série de questions. J'ai une liste d'intervenants, puis nous prendrons 30 minutes pour les travaux du Comité.
Voici le drapeau blanc que j'agiterai lorsqu'il sera le temps de me céder la parole pour que je puisse la céder à un autre et ainsi m'assurer que tout le monde a la chance de prendre la parole. Si vous avez la parole, jeter un coup d'œil de temps à autre dans ma direction pour que je puisse attirer votre attention et passer à un autre pour que tout le monde ait l'occasion d'intervenir. C'est parfois difficile pour moi.
Mark Gerretsen, vous êtes le premier intervenant.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie nos deux témoins de leur présence devant le Comité aujourd'hui.
Madame Meharg, vers la fin de son exposé, M. Sedra a parlé de mesurer les avantages de la contribution du Canada à l'OTAN. Personnellement, je crois que c'est l'un des aspects qui a vraiment évolué dans ma perception de la contribution du Canada. Lorsque nous avons entamé notre étude sur l'OTAN, je dirais que j'étais passablement convaincu que le Canada devait s'engager à investir 2 % de son PIB. Nous avons étudié la question et nous avons visité les diverses opérations auxquelles participe le Canada dans le cadre de l'OTAN, et je peux dire que cela commence à être de plus en plus évident pour moi que le concept du 2 % est difficile à utiliser seul.
Lorsque nous étions en Lettonie, nous avons appris que d'autres pays se joignent au bataillon dirigé par le Canada, parce que le Canada est là. Parmi les quatre bataillons de l'opération UNIFIER, le bataillon que dirige le Canada suscite la plus forte participation. Comme M. Sedra l'a dit, nous dépassons sans cesse les attentes en ce qui concerne notre participation. Nos investissements en la matière ne sont peut-être pas les plus élevés, mais nous répondons à l'appel lorsque notre présence est requise.
Vous avez parlé un peu de mesurer la participation du Canada. Êtes-vous d'accord avec son évaluation qui sous-entend que la contribution financière n'est pas le seul élément qui compte? Qui plus est, comment pouvons-nous commencer à tenir compte de certaines de ces autres contributions? Devrions-nous encourager l'OTAN à utiliser un autre paramètre, comme M. Sedra le mentionne, qui ne tient pas seulement compte de la contribution financière?
Merci beaucoup de votre question.
J'aimerais vous répondre en parlant tout d'abord de la manière dont nous mesurons les activités, en particulier les interventions internationales, et peut-être le travail que réalise le Canada.
J'ai écrit le livre Measuring What Matters in Peace Operations and Crisis Management. Je me suis en fait rendu au siège de l'OTAN et j'ai réalisé deux dizaines d'entrevues avec de hauts gradés en Belgique. J'ai parlé avec eux de la façon dont ils abordent ce problème, parce qu'à cette époque l'Afghanistan était à l'avant-scène. Nous savions que nous ne réussissions pas à changer les attitudes et les comportements au sein des populations locales comme nous l'avions prévu et comme les politiciens l'avaient fait valoir pour nous convaincre avant les déploiements.
Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a deux façons de mesurer le tout: l'approche quantitative et l'approche qualitative. Il arrive souvent que nous restions accrochés à l'approche quantitative. Cela concerne les chiffres, les kilomètres de route que nous avons asphaltés en Afghanistan, le nombre de trous que nous avons creusés pour des poteaux, le nombre de participants aux formations et les programmes de mentorat. Nous mettons l'accent sur la quantité. Selon moi, ce que mon collègue suggère, c'est d'adopter une approche équilibrée pour mesurer la contribution. Il faut probablement mesurer cet engagement de 2 % de diverses manières et le disséquer différemment. Selon ce que j'en comprends, divers pays utilisent en fait une formule différente pour calculer le 2 %.
À ce sujet, l'un des éléments qui sont devenus très évidents, c'était que tout le monde calculait différemment l'engagement. Même en ce qui a trait seulement à la contribution financière, c'était difficile de la quantifier.
C'est exact.
Je tiens simplement à vous rappeler qu'il n'y a aucune façon parfaite de mesurer le tout ou aucune mesure parfaite qui nous permettra de calculer la capacité du Canada de dépasser les attentes. Nous devons faire des pressions à divers échelons au siège de l'OTAN pour déterminer ce que serait une meilleure formule pour y arriver, mais cela pourrait prendre des années...
C'est ce qui m'intéresse. Mon temps est limité, mais j'aimerais connaître... Nous avons l'occasion ici au Comité de recommander au gouvernement d'adopter diverses mesures en ce qui a trait à l'OTAN, du moins dans le cadre de cette étude.
Suggérez-vous ou recommandez-vous que le gouvernement encourage l'OTAN à modifier la formule qu'elle utilise actuellement au lieu de tout simplement utiliser l'approche axée sur la contribution financière?
Je crois que cela nécessiterait des efforts démesurés.
La sensibilisation et la modification d'une politique qui a déjà fait ses preuves ne sont jamais une mince affaire. Bref, nous pourrions tout simplement choisir de changer notre approche quant à la façon dont nous mesurons notre contribution de 2 %.
Nous devrons alors probablement réfléchir aux avantages que tire le Canada de sa participation à certaines opérations. Nous devons examiner les deux côtés.
Oui.
Premièrement, je dirais qu'il ne fait aucun doute qu'il est nécessaire que l'ensemble des États membres de l'OTAN augmentent les sommes destinées à la défense pour soutenir l'Alliance. Je ne suis pas un spécialiste de la surveillance, de l'évaluation et de l'élaboration de paramètres pour mesurer ces éléments. Il y a une science derrière cela, et Sarah s'y connaît mieux que moi dans le domaine.
Toutefois, je dirais qu'il faut nous attarder non seulement aux dépenses, mais aussi à certaines des autres contributions des membres de l'Alliance. Cela ne fait aucun doute. Si nous prenons l'Afghanistan, le Canada a encore une fois dépassé les attentes en la matière. Il a pris des engagements importants à l'égard de la mission. Par conséquent, nous avons souffert proportionnellement plus que tout autre État membre de l'OTAN, et cela doit compter pour quelque chose.
Dans votre exposé, vous avez mentionné diverses catégories de pays, et vous avez dit que certains étaient des profiteurs.
Incluez-vous le Canada dans la catégorie des profiteurs?
Non. Je suis en fait tout à fait d'accord pour dire que nos contributions qualitatives sont tellement grandes que je ne nous inclurais pas dans cette catégorie. Je crois qu'il y a des nations qui ne consacrent pas suffisamment d'argent à la cause et qui ne contribuent pas comme il se doit aux activités de l'Alliance.
L'un ou l'autre peut répondre à ma prochaine question, étant donné qu'il me reste environ 30 secondes.
Dans quelle mesure est-ce important d'avoir des pays comme le Canada qui apporte une certaine influence au sein de l'organisation, parce qu'ils sont vus comme des pays qui essaient vraiment — je ne dis pas que tous les États ne l'essaient pas — de changer la situation grâce à leurs contributions au sein de l'OTAN?
Je crois que cela améliore beaucoup la donne. Je crois que nous avons un certain poids, en particulier compte tenu de certains changements géopolitiques qui s'opèrent actuellement et de certains changements dans les points de vue aux États-Unis et ailleurs. Je crois que cela confère un certain poids lorsque cela provient du Canada.
Vous l'avez manqué, parce que vous ne regardiez pas dans ma direction.
Je vous félicite de votre excellente série de questions, Mark.
Monsieur Yurdiga, allez-y.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de participer à notre étude, qui est très importante.
Ma première question s'adresse à M. Sedra.
Dans le contexte de la menace croissante de la Russie, nous avons appris que la Turquie a décidé d'acheter le S-400, soit un système de défense antimissile russe. Il me semble que cela nuirait à la cohésion au sein de l'Alliance. Voyez-vous cela comme un problème qui peut être surmonté ou s'agira-t-il toujours de quelque chose qui sera à l'arrière-plan?
Je crois que c'est une bonne question. Je crois que cela soulève un autre enjeu dont personne ne veut parler à certains égards. L'OTAN s'est souvent vantée d'être un regroupement de démocraties libérales, mais la réalité est que bon nombre de ses États membres ne sont pas aussi libéraux et ne sont pas aussi démocratiques qu'ils l'étaient il y a à peine cinq ans. La Turquie en est un exemple. Nous pourrions aussi parler des récents événements en Hongrie, en Pologne et ailleurs.
Quels effets cette situation a-t-elle sur la cohésion au sein de l'Alliance? Cela m'inquiète. Je crois que c'est quelque chose que nous verrons davantage faire surface au fil du temps. Cela entraînera des divisions au sein de l'Alliance, et nous devons espérer que les États-Unis fassent preuve de leadership en la matière, étant donné que ce pays a déjà joué ce rôle par le passé. La grande question est de savoir si les États-Unis peuvent jouer ce rôle dans l'avenir ou si d'autres pays comme le Canada ou certains de nos alliés européens peuvent intervenir et assumer ce rôle.
Cela étant dit, je crois sincèrement — et je l'ai mentionné au début de mon exposé — qu'il y a toujours eu des divergences d'opinions au sein de l'OTAN et que c'est l'un des avantages d'avoir une telle alliance. Vous aviez la Grèce et la Turquie à la même table peu de temps après que ces pays se sont engagés dans un conflit ouvert, et cette situation a contribué à circonscrire le conflit. À mon avis, certaines des différences que nous constatons et certains des changements démocratiques que nous voyons dans bon nombre de ces pays pourraient servir à justifier le maintien de l'OTAN, soit nous opposer à ce qui se passe. Toutefois, c'est inquiétant.
Merci.
Sarah Meharg, l'OTAN et les Nations unies ont pris l'engagement commun de préserver la paix et la sécurité dans le monde. Pouvez-vous dire un mot sur le cadre de coopération entre l'OTAN et l'ONU et son évolution sur le terrain?
Je suis mieux placée pour vous parler des réalités sur le terrain que des réalités propres au siège.
Pour reprendre un point soulevé par Mark, l'OTAN est là pour fournir une capacité cinétique que l'ONU ne parvient pas à déployer avec efficience ou efficacité, mais du point de vue des mesures prises sur le terrain, nous avons vécu une période de transition et de transformation au cours des 20 dernières années, ce qui a abouti aux opérations hybrides. Nous effectuons toutes sortes d'activités conjointes ou communes — bref, il s'agit de l'approche globale.
Les forces de l'ONU et de l'OTAN utilisent ces types de modalités pour travailler ensemble. D'ailleurs, quand je parle de l'importance des routines et des rapports pour la façon dont le Canada se perçoit, toujours en ce qui concerne les réalités sur le terrain, il arrive parfois que le Canada collabore étroitement avec la Hongrie, la Bulgarie, la Pologne et les États-Unis; nous tissons ainsi des liens qui permettent de créer le mécanisme de résolution de problèmes dont nous avons besoin pour obtenir des résultats. Sans les rapports que nous entretenons et sans les routines que nous pratiquons, répétons et simulons depuis 25 ou 30 ans conformément à notre engagement envers l'OTAN, nous ne pouvons vraiment pas faire bouger les choses sur le terrain.
Merci.
La deuxième partie de la question suit le même raisonnement. Vous avez évoqué la reconstruction post-conflit dans votre exposé, et je suppose qu'elle comporte plusieurs étapes. Quelle est la plus grande difficulté pour ce qui est de stabiliser la région, et quel devrait être le rôle de l'OTAN et de l'ONU dans ce processus complexe?
Les activités de reconstruction ont, elles aussi, subi une transformation au cours des 15 dernières années. Ce que nous savons au sujet de la reconstruction et de la stabilisation, c'est que, dans bien des cas, il n'y a pas eu de cessation des hostilités, mais les secteurs de la défense, du développement, des relations diplomatiques ainsi que le secteur non étatique travaillent tous ensemble pour essayer d'apporter des changements au sein d'une population touchée, alors que les bombes et les balles continuent de pleuvoir.
Nous avons un problème sur les bras, et l'ONU réussit beaucoup mieux à gérer la situation après un cessez-le-feu. Elle sait déjà comment rétablir, reconstituer et rebâtir une société. L'OTAN, pour sa part, n'est pas aussi fonctionnelle dans ces domaines; par conséquent, ces deux groupes peuvent travailler ensemble de manière vraiment positive, comme Mark l'a dit, en misant sur la capacité cinétique aux premières lignes, même si l'OTAN ne participe pas aux efforts de secours en cas de catastrophe ni à la prestation d'une aide humanitaire quelconque.
Il semble y avoir une bonne fusion des capacités, mais nous devons réfléchir à... En fait, je trouve que le Canada est plus apte à contribuer à l'OTAN. Nous disposons, me semble-t-il, plus de mécanismes nous permettant d'y contribuer avec facilité et efficacité, comparativement à ce que nous pouvons faire par l'entremise de l'ONU.
C'est un point dont vous devriez tenir compte au moment de préparer le rapport. Nous semblons avoir établi plus de liens par l'entremise de l'OTAN sur le plan de la communication et de l'interopérabilité, et nous pouvons probablement en tirer plus de résultats si nous nous concentrons davantage là-dessus.
Il me reste 30 secondes, alors je vais être bref.
Compte tenu de la situation dans l'Est de l'Ukraine et sur le flanc oriental, sans oublier l'instabilité croissante au Moyen-Orient, etc., que devrait être la priorité de l'OTAN à ce stade-ci? Nous déployons des efforts dans tous les sens, mais quelle est la plus grande préoccupation des membres de l'OTAN?
C'est une bonne question.
Il est évidemment difficile d'assurer une mission de l'OTAN en Ukraine, en raison de la proximité de la Russie et des tensions qui règnent là-bas. Je crois que l'OTAN doit prendre bien soin de déterminer comment elle compte intervenir au Moyen-Orient. Je me contenterai de dire très brièvement que l'OTAN a pris part aux opérations en Irak, par exemple, mais c'était surtout dans le cadre d'une mission de formation. Elle a aussi participé aux opérations en Afghanistan, et il s'agissait davantage d'une mission pluridimensionnelle intégrée.
Manifestement, dans le cas de l'Ukraine, je ne crois pas que ce soit réalisable. À mon avis, il existe des options pour appuyer, par exemple, la reconstruction en Syrie et en Irak, mais je crois que ces efforts cibleraient probablement la réforme du secteur de la sécurité, dont j'ai parlé tout à l'heure.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie nos deux témoins d'être là aujourd'hui.
Je vais commencer par Mme Meharg, en grande partie, parce que je suis un ancien universitaire. Je m'intéresse beaucoup à votre théorie selon laquelle nous valorisons notre contribution à l'OTAN. Je veux simplement m'assurer de bien vous comprendre. Selon votre théorie, nous nous percevons comme un important joueur et un chef de file au sein de l'OTAN. Nous y accordons de la valeur notamment en continuant de trouver des occasions pour jouer un rôle de premier plan et en répétant ces activités de leadership. Ai-je bien compris?
Oui, et il ne s'agit pas seulement de leadership, mais aussi de différents mécanismes à plusieurs niveaux au sein de l'OTAN — bref, vous avez bien compris.
En ce qui a trait aux activités que nous menons actuellement, le Canada assume un rôle de premier plan en Lettonie. Nous avons certainement essayé de jouer ce rôle dans les domaines de la condition féminine, de la paix et de la sécurité. D'après vous, y a-t-il d'autres domaines où le Canada peut prendre les devants au sein de l'OTAN?
À mon sens, le Canada devrait participer davantage au processus d'expérimentation multinationale. Nous y avons consacré beaucoup d'efforts et de ressources intellectuelles. En réalité, il s'agissait d'un processus d'expérimentation des Forces canadiennes, mais c'est le Canada qui le dirigeait. Je crois qu'on l'avait baptisé EMN 5, c'est-à-dire la cinquième expérimentation multinationale — ou c'était peut-être la quatrième.
Il y a un processus qui nous permet de miser sur l'innovation et l'intelligence et de résoudre les problèmes comme seuls les Canadiens savent le faire. Souvent, nous n'avons pas accès à ces ressources et atouts. Parfois, le tout se fait lentement et, d'autres fois, c'est à vive allure, mais nous devons bien réfléchir à toutes les options lorsque nous participons à des commandements opérationnels ou lorsque nous occupons des postes de direction. La possibilité de diriger le processus d'expérimentation multinationale nous permet d'apporter ce genre de contribution en matière d'innovation qui fait parfois défaut dans les autres paliers et mécanismes au sein de l'OTAN.
C'est très bien. Merci.
Monsieur Sedra, je crois que votre quatrième point — que j'intitulerais « le maintien de la pertinence » — portait sur les mesures prises par l'OTAN, entre autres, pour réduire les arsenaux nucléaires.
Ma première question serait la suivante. Trouvez-vous contradictoire qu'un membre de l'OTAN signe un traité d'interdiction des armes nucléaires?
Je ne pense pas nécessairement que ce soit contradictoire. Quand je parlais de la réduction des arsenaux nucléaires, je ne faisais pas forcément allusion à l'interdiction complète, à l'abandon ou à la destruction de toutes les armes nucléaires. Il s'agit plutôt de chercher à renforcer le régime mondial, par exemple, pour empêcher des pays comme la Corée du Nord et l'Iran d'acquérir des armes nucléaires, mais en même temps, il faut aussi collaborer avec des États importants comme la Russie et les États-Unis pour les amener à réduire leurs arsenaux.
À mes yeux, il ne s'agit pas nécessairement de se joindre à un mouvement en faveur de l'interdiction, même si j'estime, dans une perspective réaliste, que c'est ce qui se produira à long terme.
Ce que je veux savoir, c'est si, selon vous, l'OTAN doit prendre une telle mesure. Le Canada a-t-il l'occasion de jouer un rôle de premier plan au sein de l'alliance de l'OTAN? Je vais relier les deux questions que je viens de poser.
Oui. Je pense que ce sont là des domaines où un pays comme le Canada a l'occasion de jouer un rôle de premier plan et d'aller de l'avant. Bien entendu, on ne peut pas tout faire en même temps. Il y a une gamme de possibilités. Je crois que ce sont tous des dossiers que l'OTAN est en mesure de faire avancer. Le Canada devra évaluer soigneusement les domaines où il peut obtenir le plus de résultats et les questions qui serviront ses intérêts nationaux, mais je crois que toutes ces activités doivent être prises en considération.
Comme le Canada est un pays qui a décidé, il y a longtemps, de ne pas se munir d'armes nucléaires, il me semble que nous avons peut-être une occasion unique, parmi certains des acteurs importants au sein de l'OTAN, de prendre les initiatives dont vous parlez.
Oui, surtout à la lumière de ce qui se produit dans la péninsule coréenne et compte tenu du fait que les tensions avec la Russie s'aggravent. Des progrès ont déjà été réalisés dans ce dossier pour ce qui est de réduire mutuellement les arsenaux nucléaires et tout le reste. C'est un domaine dont il faut tenir compte. Je sais que cela peut paraître paradoxal, en raison de la situation géopolitique actuelle, mais si l'on parvient à trouver un terrain d'entente, je crois qu'une telle approche peut servir à réduire les tensions à long terme.
Selon moi, il est de plus en plus admis, à la lumière de ce qui se passe en Corée du Nord, que la prolifération des armes nucléaires constitue l'une des plus graves menaces à la sécurité de notre planète.
En ce qui concerne l'OTAN, vous venez d'évoquer l'autre sujet que j'aimerais aborder. Vous avez commencé à parler de la Corée du Nord. Quel est le rôle de l'OTAN par rapport à ces problèmes plus régionaux, pour ainsi dire, comme la situation en Corée du Nord? Vous avez parlé de renforcer les organisations régionales. S'agit-il d'un exemple où, à défaut d'une organisation régionale, l'OTAN peut jouer un certain rôle?
L'un ou l'autre d'entre vous peut répondre à cette question.
La géographie est importante. Il ne s'agit pas d'un facteur dans l'argument de la prolifération nucléaire puisque, peu importe où l'on se trouve, on sera touché d'une façon ou d'une autre, mais il reste que la géographie compte pour l'OTAN. Il faut savoir que l'OTAN ne peut pas intervenir partout dans le monde; en théorie, elle remplit des fonctions dans ce qu'elle appelle des complexes de sécurité régionale, c'est-à-dire l'idée que certaines régions évoluent contre une menace commune et qu'elles renforcent ainsi les moyens de se protéger.
Si deux groupes qui se battent toujours entre eux font face à une menace commune, ils travailleront ensemble et créeront un complexe de sécurité pour être en mesure de contrer la menace. À certains égards, l'OTAN ne peut pas nécessairement être partout à la fois parce qu'elle est censée servir les pays qui, d'un point de vue géographique, bordent l'Atlantique Nord. Je tiens à le souligner parce que je suis une spécialiste en géopolitique.
J'aimerais offrir une perspective légèrement différente, même si je suis absolument conscient du danger que représente le changement d'orientation de mission. Il y a une citation que je n'oublie jamais. Il y a quelques années, lorsque le ministre allemand de la Défense, Peter Struck, exposait les motifs de la guerre en Afghanistan — l'Allemagne et l'OTAN étant en Afghanistan —, il a dit que la sécurité allemande dépendait de la sécurité dans les montagnes de l'Hindou Koush. Il voulait dire par là que, de nos jours, les menaces à la sécurité font fi des frontières et des régions.
Lorsqu'il s'agit de cybersécurité, on ne peut pas prétendre s'occuper de cette question uniquement dans la région de l'Atlantique Nord. Il en va de même pour le terrorisme. L'OTAN s'est engagée dans des opérations hors zone. À mon avis, bon nombre des menaces mondiales auxquelles nous faisons face sont de nature transnationale, d'où la nécessité de les considérer comme telles. Je conviens que nous devons être très prudents, et c'est pourquoi je parle de travailler avec des organisations régionales. L'OTAN ne devrait pas être partout à la fois. Si on peut collaborer avec d'autres acteurs sur le terrain, alors on devrait choisir cette option.
Merci beaucoup.
La discussion des paramètres est le débat le plus important qui s'impose parce que la question de la pertinence de l'OTAN est toujours liée, en partie, au financement et, même si l'argent n'est qu'un des avantages obtenus en retour, les dépenses doivent être l'autre élément. Les mesures qualitatives et quantitatives nous aideront à définir comment, pourquoi et dans quelle mesure nous obtenons de bons résultats, le cas échéant.
Cela dit, je sais que nous avons presque confondu ou mélangé le débat sur les avantages et les paramètres d'une mission ou d'une intervention militaire par rapport aux paramètres et à la valeur de l'adhésion à l'OTAN. Je veux simplement éclaircir un point: convenez-vous qu'il s'agit de deux choses distinctes qui doivent être examinées et mesurées séparément?
C'est excellent. Dans ce cas, parlons de la valeur ou des paramètres pour l'OTAN dans son ensemble parce que les missions sont un peu plus compliquées. Nous assumons un rôle dans le leadership en matière d'exécution militaire. Nous jouons également un rôle dans le leadership éclairé. Un des éléments clés dont vous avez parlé, ce sont les rapports que nous entretenons dans le cadre de nos rôles au sein de l'OTAN. De mémoire récente, nous avons réduit le nombre de personnes à tous les échelons, au siège de l'OTAN, dans les milieux universitaires, dans le domaine de la recherche et du développement, dans la région de l'Arctique ou dans d'autres rôles de ce genre.
Pour en revenir à votre discussion sur les rapports, pensez-vous qu'il est utile d'établir et de mesurer le nombre de personnes qui participent à des domaines clés, que nous définissons comme faisant partie intégrante des priorités du Canada à tous les échelons dans la structure générale de l'OTAN?
Nous avons besoin des chiffres pour être en mesure de relater une partie de l'histoire, mais ce n'est qu'une infime partie. En tant qu'êtres humains, nous avons du mal à aborder les histoires sur les relations, c'est-à-dire le discours sur notre participation aux opérations de l'OTAN, d'une manière qui est cohérente pour quelqu'un d'autre afin de l'aider à comprendre ce qu'il en est. Voilà le problème auquel nous faisons face lorsque nous nous limitons à des mesures quantitatives. Nous devons aborder la question sous un angle légèrement différent. Si j'ai choisi de vous présenter cette perspective aujourd'hui, c'est parce qu'après avoir lu la transcription des délibérations de séances précédentes, je ne voulais pas répéter ce que d'autres témoins vous avaient dit. Je voulais adopter une vision quelque peu différente.
La composante sur les mesures, le fait de comprendre comment faire rapport au gouvernement, comment déterminer que le Canada obtient des avantages, qu'il assure sa sécurité et qu'il renforce son image de marque, sa perception de soi et son sentiment d'utilité dans le monde par sa simple appartenance — le simple fait d'appartenir à une organisation, quelle que soit sa nature — et la routine pendant presque sept décennies...
Il faut donc rehausser notre participation aux discussions concernant l'approvisionnement de l'OTAN, la recherche et le développement d'un certain programme ou le Collège de défense de l'OTAN et la vision pédagogique de nos orientations futures grâce à un leadership éclairé. Ces démarches répondraient-elles aux exigences à la fois quantitatives et qualitatives?
D'une certaine façon, elles le feraient. Je vous sais gré de l'avoir mentionné. Je suis certaine que Mark aura aussi quelque chose à ajouter.
Si j'en juge par mon expérience, si vous ne participez pas aux discussions, nous n'avez pas voix au chapitre, et on aborde actuellement des choses assez importantes dans le domaine de la sécurité à l'échelle internationale. Si le Canada ne participe pas... Comme je l'ai dit, il s'agit d'une approche à plusieurs niveaux. L'OTAN n'est pas une organisation qui existe sans notre participation. Le seul fait d'appartenir à certaines composantes de l'OTAN nous permet d'avoir ce dont vous parlez et de participer aux discussions. Nous pouvons avoir voix au chapitre.
Je suis tout à fait d'accord. Je crois que cela compte, c'est clair. C'est l'essence même de ce que je disais. Lorsque nous devons revoir ou repenser les mesures, les contributions de personnel à tous les échelons des opérations de l'OTAN — pas seulement les militaires sur le terrain — sont absolument cruciales pour le fonctionnement de l'organisation.
Remarquable.
Votre prochaine mise en garde est que si à la prochaine guerre nous ne nous adaptons pas pour gagner en agilité et en rapidité... Par guerre, je veux parler du contexte changeant dans lequel se trouve l'alliance, car nous avons toujours tendance à nous attacher au passé. Sommes-nous dans une course contre la montre? Y a-t-il un sentiment d'urgence que d'autres membres de l'OTAN et nous-mêmes devrions communiquer? Devrions-nous faire valoir qu'il ne suffit pas de s'adapter, mais qu'il faut aussi faire les choses rapidement et disposer d'un modèle qui nous permette non seulement d'avancer, mais aussi de le faire en vitesse?
Oui, je pense que c'est cela. En réalité, une grande alliance comme l'OTAN a tendance à progresser tranquillement. Lorsque vous parlez à des responsables de l'OTAN, vous avez l'impression qu'ils se préparent à livrer un jour une bataille rangée de chars en Europe à la Russie. Ce n'est pas ainsi que la guerre se... s'il y a une guerre. En fait, je ne devrais pas dire...
Si un conflit éclatait, ce serait probablement dans le cyberespace ou par le truchement d'acteurs non étatiques. Je pense qu'il doit y avoir une accélération. Vous avez parlé de « leadership éclairé ». Je pense qu'une démarche importante que l'OTAN devrait suivre serait de songer à de nouvelles façons d'assurer la sécurité collective et la défense commune.
À titre de parlementaires des pays membres de l'OTAN, nous devrions faire valoir aussi énergiquement que possible qu'il est urgent que nous nous adaptions et rehaussions notre agilité.
Absolument. Un des points préoccupants dans le contexte du récent changement au plan géopolitique est que celui-ci nous a ramenés à la mentalité de la guerre froide et à sa vision binaire des choses: nous contre eux. Je pense que nous devons à nouveau voir le contexte de sécurité comme étant dynamique, en évolution rapide et doté de multiples...
C'est une question un peu délicate. On parle des relations, des valeurs partagées et de toute la sécurité qui découlent de l'appartenance à cette organisation, mais mon collègue a mentionné que la Turquie examinait les systèmes d'armes de la Russie. Nous suivons un processus très strict d'adhésion à l'OTAN. Est-il maintenant temps pour les membres de l'alliance d'au moins commencer à discuter des mesures à prendre si un membre ne souscrit plus à ce cadre idéologique?
J'aimerais beaucoup entendre la réponse à cette question, mais je vais devoir céder la parole à M. Robillard. Peut-être que quelqu'un d'autre y reviendra, car c'est une excellente question.
[Français]
Monsieur Sedra, il est écrit dans votre biographie que vous êtes cofondateur du Security Governance Group, un cabinet privé de consultants qui se consacre à des questions de sécurité.
Pouvez-vous nous dire comment votre travail, dans le domaine de la consultation privée, sur des questions de sécurité est affecté par les enjeux associés à l'OTAN, par sa présence dans le monde et par les contributions de ses membres?
[Traduction]
J'assume de nombreux rôles dans le cadre de mon travail. À l'heure actuelle, je m'attache surtout à gérer un groupe de réflexion sans but lucratif, un des plus anciens groupes de réflexion sur les affaires internationales au Canada. Je le mentionne au passage. Il s'agit du Conseil international du Canada. Cependant, pendant les cinq dernières années, j'ai géré une société d'experts-conseils. Nous offrions principalement des conseils fondés sur des recherches pour aider des pays comme le Canada, des organismes de l'ONU, des États — notamment les États-Unis — dans le secteur de la réforme de la sécurité, donc en ce qui concerne la formation et le renforcement des capacités des forces de sécurité dans les pays touchés par des conflits. Nous étions principalement chargés de réfléchir à certaines de ces questions. Nous ne mettions pas en oeuvre les programmes de renforcement des capacités, mais nous menions des recherches et prodiguions des conseils sur les meilleures approches à privilégier. Nous travaillions avec nombre d'États membres de l'OTAN à certaines de ces questions.
J'ai aussi une carrière universitaire. J'enseigne à l'Université de Toronto et à l'Université de Waterloo. Comme je l'ai mentionné, j'assume de nombreux rôles.
[Français]
Comment les frontières de l'OTAN et le concept de sécurité coopérative s'adaptent-ils à l'environnement actuel de la sécurité mondiale?
[Traduction]
Vous avez parlé des frontières et de la sécurité coopérative... Je ne suis pas certain de comprendre. Si vous me demandez si le système de sécurité collectif est géré à la lumière du fait qu'il y a des frontières et des questions de souveraineté et tout le reste, la réponse est oui.
De bien des façons, nous observons l'érosion de la notion traditionnelle de souveraineté en ce qui concerne les menaces pour la sécurité. Qu'il soit question de criminalité transnationale, de terrorisme, de cyberconflits ou de pandémies mondiales, les menaces pour la sécurité ne respectent pas les frontières nationales. Lorsqu'il s'agit d'appuyer une organisation multinationale comme l'OTAN pour faire face à ces menaces, certains États membres s'inquiéteront que les mesures prises pourraient aller à l'encontre du principe de souveraineté, et certaines personnes pourraient y voir une menace.
À bien des égards, cette tendance vers les mouvements populistes qu'on observe à l'échelle mondiale est en réaction à ce type de mondialisation et d'érosion du principe de souveraineté. Je pense qu'en tant qu'États responsables qui souhaitons répondre à ces questions de façon globale et exhaustive, nous ne pouvons le faire qu'en partenariat en faisant appel à des organisations multilatérales comme l'OTAN. Nul n'est une île. Même l'État le plus puissant — les États-Unis — ne peut pas faire face à ces menaces sans aide.
[Français]
Selon vous, comment les contributions du Canada à l'OTAN servent-elles les intérêts de notre pays en matière de défense et de politique étrangère?
Devrions-nous accroître nos contributions à l'OTAN?
[Traduction]
Oui. Je crois qu'il faut rehausser les dépenses consacrées à la défense — et on commence déjà à le faire — pour accroître nos contributions à l'OTAN... En outre, et je l'ai dit plus tôt, je pense que nous faisons déjà une contribution si importante sur le plan qualitatif en fait de personnel, de leadership et de leadership éclairé que nous aurions des possibilités si nous décidions d'élargir notre rôle dans ces secteurs. Si nous pouvons faire preuve d'un meilleur leadership, nous pourrons combler certaines lacunes au plan des ressources. Je crois vraiment que c'est la façon de procéder et que nous en avons cruellement besoin, car cette institution accuse actuellement des lacunes au chapitre du leadership en raison de ce qui se passe aux États-Unis et ailleurs.
Merci, monsieur le président, et merci aussi à vous, monsieur Sedra.
Vous avez fait allusion au contexte de sécurité mondial en rapide évolution. Aux nouvelles, il a récemment été question de l'intelligence artificielle dans le cadre des mesures défensives ou offensives et, plus précisément — au cours du week-end — des menaces que posent les drones armés. Même si l'ONU interdit leur utilisation, il y a des nations qui font constamment fi de ses conventions, et il y a aussi les guerres par factions interposées et les acteurs non étatiques.
Comment l'OTAN devrait-elle contribuer à la sécurité en ce qui concerne l'intelligence artificielle? On nous dit que dans le domaine de la cybersécurité, il faut être offensif pour se défendre, alors devons-nous aussi préparer une offensive avec des drones armés?
Je ne suis pas un spécialiste de la question, mais j'abonde dans le même sens que certaines organisations de la société civile qui militent en faveur de l'interdiction des systèmes d'armes pleinement autonomes. Il s'agit de systèmes dans lesquels aucun humain ne contrôle le levier de commande et qui ciblent les gens en fonction d'algorithmes.
Je pense qu'il y a trop de risques en ce moment. Nous ne comprenons pas pleinement les implications et les facteurs de risques potentiels de cette technologie. On a réduit les obstacles à l'accès à des technologies comme les drones et autres, drones qui ne sont pas pleinement autonomes parce qu'ils sont contrôlés par des humains. On constate que toutes sortes d'acteurs non étatiques peuvent en déployer. Cependant, on ne voit pas que bien des groupes peuvent avoir accès à ce type de technologies très sophistiquées. Nous avons cependant observé la même chose dans le cas de l'interdiction des mines antipersonnel. C'est très difficile, mais je ne pense pas que cela signifie que nous ne devrions pas essayer de suivre cette voie.
Je me préoccupe vivement de l'orientation que nous prenons en ce qui concerne les systèmes d'armes autonomes. Je pense que l'OTAN peut avoir beaucoup d'influence pour faire valoir qu'ils ne sont pas dans l'intérêt de la planète et qu'elle peut essayer de galvaniser les États pour dégager entre eux un consensus sur la question. Il est clair que chaque État membre devra tenir cette discussion à l'interne et penser à ses propres intérêts.
Avec le temps, la relative accessibilité à l'intelligence artificielle augmentera. Quel échéancier devrions-nous nous fixer pour rendre une décision à ce sujet? Il est clair que les belligérants y travaillent. Ne devrions-nous pas prendre une quelconque mesure ou, à tout le moins, une décision?
Oui, et je pense que nous devons le faire. Comme dans le cas des armes nucléaires et chimiques pour lesquelles nous avons instauré des régimes de contrôle très efficaces, nous devrions envisager de mettre en place un système de traité mondial, un régime de contrôle pour gérer ce type de choses. Il faudra, pour ce faire, la coopération, non seulement des États importants, mais aussi de l'industrie. Celle-ci devra se manifester et collaborer avec les États pour étudier cette question. Je pense en partie que nous ne comprenons pas encore pleinement ce qu'impliquent ces types de technologies, les facteurs de risques qui y sont associés et autres.
Vous avez absolument raison. D'ici deux ans, nous aurons des véhicules autonomes sur nos routes au Canada, alors cela s'en vient. Je crois qu'il faut se pencher d'urgence sur la question.
Je pense que la cybersécurité est un domaine, bien sûr, dans lequel nous sommes plus avancés. Nous voyons que les menaces bourgeonnent, qu'elles se multiplient. Je pense que nous accusons un retard quant au développement de nos capacités. Il n'y a pas d'autres façons de le dire.
Une des difficultés est qu'il faut toujours avoir une longueur d'avance sur les agresseurs. Je pense que nous devons accroître les ressources que nous investissons et je sais que l'OTAN prend la question au sérieux. On prend des mesures au sein de l'organisation pour développer les cybercapacités et coordonner différents États membres, mais il reste bien des possibilités de prendre des mesures.
Cela nous amène à ma prochaine question.
Il a fallu beaucoup insister pour que l'OTAN reconnaisse même que nous devrions envisager la cybersécurité comme autre domaine de défense. Même maintenant, ses responsables affirment que vous devez mettre de l'ordre dans votre propre doctrine avant qu'on puisse en avoir une collective.
Dans l'ensemble, pouvez-vous voir comment l'OTAN devrait fonctionner dans le domaine de la cybersécurité? Devrait-elle simplement protéger les ressources militaires ou devrait-elle aussi être, en quelque sorte, liée aux réseaux civils?
Je vais devoir vous arrêter ici. Nous avons dépassé les cinq minutes qui vous étaient allouées.
Je vais maintenant donner la parole à M. Rioux.
Merci beaucoup.
[Français]
Madame Meharg, d'abord, votre reconnaissance du professionnalisme des hommes et des femmes des Forces armées est bienvenue. Je l'ai souvent entendue lors de conférences, et je pense que c'est effectivement un atout pour l'OTAN.
Vous avez parlé de reconstruction. Je vais vous poser la même question à tous les deux, et je vais mettre un peu de côté la reconstruction des pays où nous avons été impliqués, comme l'Irak ou l'Afghanistan. Penchons-nous sur le cas de la Russie. Présentement, on réagit principalement en imposant des sanctions à la Russie. Ne pourrait-on pas adopter une approche différente envers la Russie, dont la situation économique, on le sait, est pitoyable? Est-ce que, à la suite des opérations Zapad, M. Poutine ne serait pas tenté de déclarer la guerre pour essayer de rétablir l'autonomie de la Russie et de garder le pouvoir? Serait-il envisageable de développer davantage des mécanismes de reconstruction au lieu d'imposer des sanctions? Cette hypothèse a été soulevée lors du Forum d'Halifax, la fin de semaine passée.
[Traduction]
J'apprécie beaucoup la nature de votre question, car elle va au coeur même du problème, c'est-à-dire que nous avons affaire à des personnes. Lorsque nous intervenons dans les affaires d'autres États, c'est avec des personnes que nous composons. C'est ce que fait l'OTAN. Nous le faisons par le truchement de l'ONU et nous le faisons dans notre propre domaine de compétence avec les Forces canadiennes. Nous intervenons dans les affaires d'autres États et nous influons grandement sur l'avenir à long terme des personnes qui reçoivent notre intervention. Je n'ai jamais été favorable aux sanctions économiques, car les personnes qui en souffrent sont les femmes, les enfants et les hommes — les belligérants sont peu touchés, et les dirigeants mégalomanes ne le sont jamais.
Dans le cas de la Russie, nous avons une situation où les gens seront plus touchés que les dirigeants en raison des systèmes en place, qu'ils peuvent contourner et éviter. Lorsqu'on prend les méthodes de reconstruction et de stabilisation, une des meilleures façons de travailler avec un pays comme la Russie est de tout faire ce qui est en notre pouvoir pour militer en faveur de l'établissement de relations, à de nombreux échelons, mais surtout avec les dirigeants de l'exécutif. Si le Canada a la possibilité de prendre part aux discussions, de participer à une conférence ou à un type d'accord économique, il devrait en profiter. L'histoire nous a montré que cela donne des résultats plus positifs que les sanctions économiques et la guerre.
Merci.
Je suis d'accord avec Sarah. Je pense qu'il est absolument primordial de tenter de maintenir un dialogue avec la Russie. De toute évidence, nous voyons une situation très tendue — des pressions sont exercées des deux côtés pour qu'elles s'intensifient — alors je pense qu'il est vraiment important de continuer à discuter.
Parallèlement, nous devons nous montrer solidaires de nos alliés, et c'est une des choses que nous faisons avec l'opération Reassurance. Il est important de faire preuve de solidarité à l'égard de notre partenaire en Ukraine et de l'appuyer parce qu'on a enfreint le droit international et qu'on doit défendre ces principes. En même temps, il n'est bon pour personne de cesser toute communication.
Il serait difficile de vendre le concept de la reconstruction économique à certains de nos partenaires. Pour ce qui est de la façon dont on s'y prendrait à ce stade, on pourrait faire valoir qu'à une époque, nous aurions pu jouer un rôle plus efficace sur le plan de la reconstruction économique après la chute de l'Union soviétique, etc. Je pense que ce serait difficile.
Merci, monsieur le président.
J'appréciais la discussion jusqu'à cette dernière série. En tant que parrain à la Chambre de la Loi sur la condamnation de la corruption en Russie, mon opinion sur les sanctions est diamétralement opposée. Je pense que les sanctions ciblées contre les personnes à l'origine de toute la corruption et des violations des droits de la personne ont été très efficaces. Si vous prenez la liste récente de 52 personnes — je rends hommage au gouvernement sur ce point — vous voyez que le premier nom qui y figure est celui du président Maduro du Venezuela. Nous nous en prenons à certains des dirigeants.
Concernant les propos que vient de tenir M. Sedra, nous voulons avoir un dialogue avec la Russie. Si le président Poutine et le ministre Lavrov ne figurent pas sur cette liste, c'est pour qu'ils puissent toujours participer à ces discussions, mais les kleptocrates hauts placés du régime au Kremlin sont ciblés et se voient imposer des sanctions, c'est clair. J'espère qu'on verra d'autres mesures à cet égard, car j'estime que c'est la seule façon de pouvoir changer les attitudes des personnes qui prennent ces décisions, contrairement à... je suis d'accord. Si nous n'imposons pas de sanctions sectorielles à grande échelle sur les matières premières ou les ressources, c'est en raison des répercussions qu'elles auraient sur les gens. C'est eux que nous voulons rallier à notre cause dans le contexte de la situation en Russie.
La semaine dernière, il y a eu un développement en Europe. Vingt-trois membres de l'Union européenne ont signé un nouvel accord de sécurité de la défense, l'accord de coopération structurée permanente — le PESCO. Estimez-vous que cet accord fasse concurrence à l'OTAN? Quelle serait son incidence sur les mesures de sécurité de l'Atlantique Nord que nous avons mises en place par le truchement de l'OTAN?
Je vais vous laisser répondre tous les deux à cette question.
Encore une fois, je vais me contenter de reprendre ce que Mark a dit tout à l'heure. Je ne suis pas une spécialiste dans ce domaine. Dans un sens, les Européens doivent voir à leur propre sécurité. Ils ne sont pas complètement dépendants de l'OTAN pour ces choses-là. Il s'agit d'un appareil de sécurité qui a évolué en parallèle avec l'appareil de sécurité qu'est l'OTAN.
Mes collègues européens m'ont confié qu'à certains égards, ils se sentaient très menacés à l'heure actuelle, puisqu'ils ne pourront plus se fier à ce qu'ils considéraient comme étant une sécurité sous garantie américaine. La signature dont vous parlez est peut-être une manifestation de cela. Il s'agit simplement d'une entente efficace et efficiente susceptible de produire des résultats d'une plus grande fiabilité en matière de sécurité pour ces pays centraux.
Oui. Il ne fait aucun doute que... L'Europe essaie depuis longtemps de créer ses propres mécanismes de sécurité collective, mais elle a échoué dans une large mesure, et ses tentatives n'ont pas résisté à l'épreuve du temps. En revanche, l'OTAN, bien sûr, s'est imposée comme une force plus durable. Bien entendu, je crois que l'on se préoccupe du fait qu'il y ait eu un virage majeur aux États-Unis. Les États-Unis ont été la colle qui a assuré la cohésion de l'OTAN et l'un de ses acteurs clés. Si le leadership des États-Unis disparaît, faut-il envisager d'autres options? Je crois que l'avenir nous réserve d'autres initiatives de cette nature. Je pense que c'est la raison pour laquelle il est particulièrement important de renouveler notre engagement à l'égard de l'OTAN; nous devons tenter de protéger les ressources afin d'assurer la pertinence à long terme de l'organisation.
Permettez-moi de revenir sur la loi Magnitsky. Je suis tout à fait pour le dialogue, mais je crois que les sanctions ont leur raison d'être. Je crois que ce que nous avons vu avec la loi Magnitsky... Regardez ce qui se passe aux États-Unis. Nous avons vu que la Russie a sans doute réagi avec une férocité accrue aux sanctions Magnitsky — que ce soit aux États-Unis ou même ici —, alors je pense qu'il y a une possibilité que...
Comment expliquez-vous cela? Croyez-vous que ces sanctions font mal au gouvernement corrompu qui est le leur?
Oui. Bien sûr, je ne suis pas un spécialiste en matière de sanctions et il s'agit d'une conjoncture très complexe, mais je crois que certains signes nous portent à croire que des sanctions « réfléchies » peuvent avoir un certain effet.
Je crois que ce sont effectivement des sanctions réfléchies. Je crois qu'elles empêchent que l'on se serve du Canada comme d'un abri sûr pour les fortunes illicites et les familles de ces personnes corrompues.
Je vais terminer par cette question à votre intention, madame Meharg. Vous avez élaboré une théorie sur l'« identicide » perpétré lors de conflits. Je présume que vous vous êtes penchée sur les génocides qui se sont produits au Rwanda, en Bosnie et ailleurs dans le monde. Tout récemment, nous avons été témoins du génocide des yézidis dans la région des monts Sinjar. Que pensez-vous de ce qui est en train de se passer avec les Tatars de Crimée?
La théorie de l'identicide a été élaborée en réponse au phénomène qui s'est produit lors du conflit yougoslave au cours duquel l'on s'est mis à cibler et à détruire des lieux de façon intentionnelle — surtout, des endroits emblématiques du patrimoine culturel — de manière à évacuer d'une région les personnes qui fréquentaient ces endroits, ce patrimoine culturel. Lorsque vous bombardez les endroits qui leur sont chers, les gens finissent par déménager et ils ne reviennent pas, car le lien qu'ils avaient avec ces endroits n'existe plus. C'est quelque chose qui a été utilisé comme stratégie guerrière en Bosnie.
Lorsqu'il est question de la Crimée, nous parlons de « génocide potentiel » ou de « génocide possible ». Ce sont les concepts dont nous disposons pour décrire ce qui se passe en Crimée et ce qui s'est passé dans le contexte d'une partie des exemples que vous avez donnés. Nous ne pouvons pas vraiment parler de « génocide » avant le fait accompli. C'est l'un des problèmes de la convention internationale en matière de génocide; vous ne pouvez pas utiliser le terme « génocide » pour désigner quelque chose qui est en cours. Le terme « identicide » est un terme approprié pour désigner quelque chose qui est en train de se passer, et le fait de pouvoir nommer cette chose nous permet d'anticiper les résultats possibles et d'essayer d'en stopper le cours.
Quoi qu'il en soit, je suis tout à fait d'accord pour dire qu'un identicide est en train de se produire dans cette région du monde. Les Forces canadiennes ont des mécanismes pour reconnaître ce genre de chose. Nous avons travaillé en collaboration très étroite avec les forces armées américaines afin de repérer les atrocités de masse pendant qu'elles sont perpétrées, les mouvements de masse et les événements déclencheurs. Nous pouvons mettre ce savoir-faire à profit afin d'intervenir dans certaines de ces régions en ébullition, et ce, avant que la communauté internationale ne puisse vraiment parler de génocide.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à vous deux. J'aime beaucoup la conversation en cours.
Notre étude porte sur la participation du Canada à l'OTAN et sur la pertinence de l'OTAN. Je crois que nous sommes peut-être motivés par les propos que M. Trump a tenus durant sa campagne et depuis son élection au sujet de l'OTAN et de ce qu'elle représente dans le monde. Je crois que cela m'a mis sur la défensive par rapport à l'OTAN et m'a porté à réfléchir sur ce que nous avons à offrir. Lors de nos délibérations, nous avons souvent dit que le Canada en faisait plus que ce que l'on attend de lui.
Vous-même, Mark, je crois que vous avez dit quelque chose de semblable tout à l'heure.
Je ne cessais de percevoir cette étude comme étant un examen de ce que nous avions à offrir au monde et de ce que nous avions à offrir dans le cadre de l'OTAN. J'ai donc été très captivé, Sarah, lorsque vous avez parlé de ce que le Canada retire de sa participation à l'OTAN. En quelque sorte, cela renverse la perspective. Vous avez dit avoir approché votre témoignage d'aujourd'hui sous un angle un peu différent parce que vous aviez déjà lu tous les témoignages. Je vous sais gré d'avoir cherché un angle différent. Cela m'a permis de me focaliser sur cet autre aspect.
Vous dites qu'il est plus facile pour le Canada de contribuer à l'OTAN. Est-ce que c'est notre objectif? Est-ce que c'est notre idéologie? Vous ne vous êtes jamais expliquée là-dessus. J'ai une autre question, mais pourriez-vous d'abord m'expliquer votre raisonnement au sujet de la contribution du Canada?
Oui. Mon raisonnement s'appuie sur les données empiriques qui montrent que le Canada a appuyé l'interopérabilité de l'OTAN pendant au moins 35 ans, puisque les Forces armées canadiennes utilisent des systèmes qui sont compatibles avec ceux des autres intervenants. Les choses ne se passent pas exactement de la même façon avec les Nations unies. Lorsque nous participons à une mission de l'OTAN, nous parlons essentiellement la même langue que nos partenaires; nous utilisons les mêmes systèmes qu'eux et nos façons de faire sont les mêmes.
D'accord. J'ai compris.
La glace de mer de l'Arctique fond à cause des changements climatiques et l'on craint que la région soit déstabilisée en raison des prétentions des Russes. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec Mark lorsqu'il dit que l'OTAN devrait être moins axée sur la Russie, et je sais que ma question va dans cette direction de toute façon. L'OTAN devrait-elle assumer un rôle fort dans cette affaire? À quoi cette prise de position à l'égard de l'Arctique peut-elle mener, et quel est le rôle que le Canada peut ou doit jouer là-dedans? Après tout, il s'agit de notre grenier.
L'Arctique est un endroit qui veut dire quelque chose pour le Canada et pour la Russie; les pays scandinaves et l'Islande le considèrent eux aussi à leur façon. Toutes les parties concernées ont leur propre façon de penser à l'Arctique. En fait, il y a de multiples perspectives à l'intérieur même du Canada. La statistique que je retiens, c'est qu'au moins 25 à 55 % des gens qui peuplent le territoire canadien de l'Arctique à l'heure actuelle ne sont pas des Autochtones. Le Nord accueille en effet un très grand nombre d'acteurs du secteur industriel.
Je dois réfléchir en fonction de votre question. Ce que je veux dire au sujet de notre Arctique, de l'Arctique du Canada, c'est que nous aimons faire partie des pays circumpolaires, du Conseil de l'Arctique. Notre façon de contribuer à cette conversation nordique par l'intermédiaire de cette plateforme est différente de ce qu'elle serait dans le cadre de l'OTAN. L'OTAN est une organisation de défense. Nos relations avec les autres États circumpolaires sur cette autre plateforme ne se déroulent pas dans une perspective défensive ou offensive. Je crois qu'il est important d'utiliser toutes les plateformes disponibles afin d'assurer que l'Arctique est utilisé ou partagé d'une façon qui avantage toutes les parties. Je sais que c'est un concept plutôt vaste, mais c'est quelque chose que j'aimerais bien approfondir.
Puis-je dire une chose à propos de l'Arctique? N'envisageons pas la sécurité de l'Arctique en fonction de ce qui se passe ailleurs. Je m'explique. Par exemple, n'appliquons pas la lentille de l'Ukraine à l'Arctique, parce que l'Arctique est un endroit où il y a eu une quantité surprenante d'ententes et d'efforts de coopération entre la Russie et les États-Unis.
Nous ne nous attendons pas à ce que l'Arctique soit le théâtre d'un affrontement militaire. Cela ne signifie pas qu'il faut s'abstenir de se préparer, etc., mais disons que, plus récemment, je me suis intéressé à cette région et j'ai constaté qu'il y avait une forte augmentation des échanges multinationaux. Le Conseil de l'Arctique est très efficace. En fait, c'est un endroit où nous pourrions promouvoir la bonne entente. Nous devons mettre la lentille de la sécurité de côté, et percevoir l'Arctique comme une région propice à une coopération féconde. Par exemple, en matière de recherche et de sauvetage, la Russie, les États-Unis et le Canada continuent de collaborer de très près les uns avec les autres, malgré ce que l'on peut voir ailleurs dans le monde.
Non. Votre temps de parole est terminé depuis un moment déjà.
C'est M. Garrison qui nous fera les honneurs de la dernière question officielle.
Merci, monsieur le président.
Je veux revenir à ce que j'appellerais la liste des choses qui restent pertinentes pour l'OTAN de M. Sedra. Dans cette liste, je crois que votre deuxième point portait sur la nécessité de faire en sorte que l'OTAN devienne un carrefour mondial pour la réforme du secteur de la sécurité.
Comme je n'ai pas beaucoup de temps, je vais vous poser deux questions et vous laisser répondre comme vous l'entendez. Premièrement, comment évalueriez-vous la capacité actuelle de l'OTAN en ce qui concerne la réforme du secteur de la sécurité? Nous savons que le Canada est très impliqué en Ukraine, mais comment cette implication s'inscrit-elle dans ce rôle de carrefour mondial que vous souhaitez pour l'OTAN? Deuxièmement, à quoi verrait-on concrètement que l'OTAN est un carrefour mondial pour la réforme du secteur de la sécurité?
En ce moment, l’OTAN contribue à diverses opérations et missions d’une façon plus ponctuelle. Si des formateurs sont requis, l’organisation mobilise ces formateurs auprès des divers États membres et les dépêche là où ils sont requis. Je parle de la création d’une capacité pratiquement en attente pour procéder à ce genre de réforme. Soit dit en passant, il existe une méthodologie complète, accompagnée de divers types de systèmes et de leçons tirées sur la façon de créer efficacement cette capacité et d’établir des institutions de sécurité. L’OTAN pourrait héberger ce savoir afin d’être vraiment en mesure de développer une capacité en matière de leadership éclairé dans ce domaine.
Je fais allusion au fait de disposer d’une capacité permanente, et pas seulement sur le plan militaire. J’estime qu’il faudrait que l’organisation étende ses activités afin d’envisager également d’offrir des services de police et de développer la capacité requise pour pourvoir en personnel des organismes de renseignement et de gouvernance qui assureraient une surveillance. Je parle de la possibilité pour l’OTAN de développer une capacité générale à cet égard, parce que je peux vous indiquer qu’en dépit du fait que nous considérons la réforme du secteur de la sécurité comme le pilier d’une reconstruction d’après-conflit réussie, aucune institution à l’échelle mondiale n’a, dans une mesure suffisante, le mandat de développer cette capacité, de tirer des enseignements et de déployer cette capacité de façon générale.
Certaines sections de l’ONU s’occupent de ces questions, mais elles sont sous-financées. L’OSCE a étudié ces aspects dans le passé et a élaboré une méthodologie et des pratiques exemplaires, mais elle a abandonné la plupart de ses efforts. Je pense que l’OTAN pourrait être l’une des institutions qui assument un rôle de chef de file à cet égard.
Est-ce que l’une des façons d’accomplir cela consisterait à confier cette tâche à un centre d’excellence de l’OTAN? Étant donné que le Canada ne possède pas de centre d’excellence, je considérerais cela comme une bonne occasion.
Oui, et, dans le contexte du maintien de la paix, le Canada a indiqué que l’une de ses priorités consisterait à développer sa capacité en matière de forces militaires et de sécurité. J’estime qu’il serait naturel que le Canada… En fait, on demande souvent aux Canadiens d’apporter ce genre d’aide dans le domaine de la gouvernance ou des forces policières et militaires. Je crois qu’un grand nombre de nos alliés appuieraient l’idée que le Canada développe ce genre de capacité.
Cette capacité pourrait-elle être développée dans le cadre de la création d’un centre d’excellence sur le maintien de la paix, ou l’envisagez-vous comme une capacité distincte?
Je l’envisage comme une capacité distincte. Bien entendu, elle pourrait être reliée aux activités de maintien de la paix, mais il s’agirait d’une capacité distincte… Ce genre de processus peut être entrepris même en l’absence d’opérations de maintien de la paix.
Avant de passer à cela, je vous rappelle que vous avez légèrement dépassé vos trois minutes de temps de parole.
Compte tenu du temps qui reste et de ma connaissance des travaux du Comité dont nous allons discuter à huis clos, je vais prolonger la série de questions. Nous allons passer à MM. Spengemann, Bezan et Garrison, qui disposeront de quatre minutes de plus chacun.
Ainsi, vous aurez l’occasion de terminer ce que vous disiez plus tôt. Cela mettra fin à la série de questions officielle.
Je vais maintenant céder la parole à M. Spengemann qui interviendra pendant quatre minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je souhaite reprendre le genre de questions que mon collègue, M. Yurdiga, a posées.
Madame Meharg, vous avez mentionné que les éléments nécessaires pour rétablir tout cela sont la défense, le développement, la diplomatie et les affaires humanitaires. Ces éléments sont-ils classés dans un ordre quelconque d’importance, ou s’agit-il simplement des quatre éléments requis?
J’y faisais allusion simplement à titre d’éléments de base. Tout dépend du genre d’opération dont il s’agit.
Nous pouvons reprendre le commentaire de M. Garrison selon lequel les opérations ne se limitent pas à la guerre, et les Forces canadiennes ont la formation nécessaire pour participer à un vaste éventail d’opérations. Comme Mark l’a laissé entendre, elles sont très respectées dans le monde entier. Que les Canadiens soient des civils ou qu’ils servent dans l’armée, ils sont la voix de la raison ailleurs. Il importe peu que leur champ d’activité soit la diplomatie, les forces ou le développement.
L’éventail des opérations est essentiel. Cette idée du maintien de la paix… Le maintien de la paix est seulement un élément d’une très grande gamme d’activités. Nous devons commencer à employer ce langage lorsque nous parlons de ce que nous faisons, des endroits où nous déployons nos forces et de la façon dont nous le faisons.
D’accord. Si je disposais du temps nécessaire, je vous interrogerais un peu plus longuement à propos de cette philosophie, mais ce n’est pas le cas. Il est donc juste de dire qu’il n’y a aucun ordre d’importance parmi ces quatre éléments. Ils sont également importants pour ce qui est d’obtenir une bonne sécurité à l’échelle internationale...
Mme Sarah Jane Meharg: Lors de différents stades…
M. Sven Spengemann: Lors de différents stades de conflit.
Je souhaitais aborder l’argument que vous avez avancé, à savoir que l’OTAN est la pointe cinétique de la lance — l’extrémité pointue du bâton, pour ainsi dire, ou de la lance — et que l’OTAN n’est pas aussi douée pour la reconstruction d’après-conflit que d’autres entités ou institutions, et qu’elle ne devrait pas l’être. Pourquoi un dédoublement des tâches est-il nécessaire? Je suis préoccupé par la doctrine selon laquelle nous ne bâtissons pas des nations, doctrine qui est encore embrassée par de nombreux camps. Nous avons vu ce qui se produit lorsqu’on retire l’élément cinétique trop rapidement du théâtre des opérations. Nous avons observé ce problème en Irak et ailleurs. On obtient un conflit 1.0, 2.0 et 3.0.
Comment pouvons-nous mettre un terme à ce cycle de pensée pangouvernementale afin de nous assurer que nous nous occupons d’un conflit jusqu’à ce qu’une reconstruction d’après-conflit ait été menée à bien et que nous ne régressons pas jusqu’à la prochaine version du conflit? Bâtissons-nous des nations? Devons-nous le faire? Si nous confions la tâche à l’ONU, nous la confions à une organisation plus diffuse sur le plan politique, plus attrayante et moins encline à imposer ses vues. Si l’OTAN s’occupait de ce travail, elle serait peut-être perçue comme trop occidentale, trop puissante et pas suffisamment endogène pour les processus locaux.
Comment pouvons-nous boucler la boucle afin de nous assurer que nous ne transférons pas simplement la tâche à l’ONU qui pourrait s’égarer dans les détails? Et comment pouvons-nous veiller à ce que le travail soit accompli d’une façon cyclique, qu’il mène à la réussite et que nous n’aboutissions pas à la version 2.0 du conflit dans lequel nous sommes intervenus en premier lieu?
Pour commencer, lorsque le Canada, comme d’autres nations, intervient à l’étranger, il mène des expériences sur les populations d’autres pays. Nous ne connaissons pas les effets que nos actions auront à moyen et à long terme en ce qui concerne les efforts de consolidation de la paix et d’autres opérations qui surviennent après la fin de l’application cinétique. Il y a différentes façons de reconstruire et de stabiliser des nations. Nous avons vu ce qui se produit lorsque les forces partent trop tôt et que la sécurité en général est compromise, un domaine dans lequel Mark se spécialise.
Oui, des changements doivent être apportés à l’ONU afin qu’elle s’appuie vraiment sur les leçons tirées, sur la connaissance de ce qui fonctionne à chaque endroit, sur les groupes qui devraient intervenir…
Mon temps de parole sera écoulé dans 20 secondes.
Est-il juste de dire qu’il faudrait établir un mécanisme de responsabilisation visant à prévenir les retraits trop précoces? Une coalition ou un groupe de pays qui intervient ne peut se retirer au gré de ses politiques. Il doit se retirer au bon moment, c’est-à-dire lorsque la responsabilité peut être transférée aux institutions locales. Comment pouvons-nous établir cette responsabilisation? Est-il juste de poser cette question?
Je pense que cela fonctionne en théorie, mais je ne suis pas certaine que ce soit le cas en pratique.
À mon avis, il est primordial de suivre le principe de l’innocuité. Le fait est que, si vous n’êtes pas prêts à demeurer sur place pendant le temps nécessaire pour mener à terme certaines des activités que vous appuyez, il vaut mieux ne pas intervenir du tout.
Merci, monsieur le président.
Au cours des observations formulées par nos deux témoins d’aujourd’hui, ils ont déclaré que nous devions être moins centrés sur la Russie. Qui est la première source de mesures de guerre hybride en Europe en ce moment?
Qui est derrière les petits hommes verts et les cyberattaques? C’est la Russie. Qui est la principale source de cyberattaques contre les États membres de l’Europe? C’est la Russie. Qui représente le plus grand défi dans l’invasion possible des pays baltes? C’est la Russie.
Comment l’OTAN peut-elle ne pas être centrée sur la Russie quand Poutine et le Kremlin pratiquent une politique d’intimidation en affirmant avoir l’arsenal nucléaire le plus important de la planète et être prêts à protéger les groupes ethniques russes, peu importe où ils se trouvent dans le monde? Si, d’un point de vue militaire, vous cherchez à protéger vos citoyens, comment pourriez-vous ne pas être préoccupés par la menace russe?
Premièrement, j’ai absolument indiqué que la résurgence de la Russie et son attitude de plus en plus agressive font partie des raisons pour lesquelles l’OTAN doit continuer de survivre et de prospérer. Cela ne fait aucun doute. Ce sont des faits, et j’en prends note. Toutefois, je soutiens que nous devons examiner la situation d’un point de vue à long terme. L’environnement international présente une multitude de menaces.
En outre, en présentant l’OTAN uniquement comme un contrepoids à la Russie, je pense que nous pouvons faire plus de mal que de bien à long terme. Si nous souhaitons adopter une attitude ferme envers la Russie, ce que j’appuie complètement, il faut aussi que nous continuions d’envisager la possibilité d’entamer un dialogue avec elle. Cela signifie que nous devons faire attention à la façon dont nous présentons certaines de nos actions, parce qu’il ne fait aucun doute que la Russie perçoit la présence de l’OTAN à ses portes comme une menace existentielle. Nous devons aussi comprendre sa propre perception des menaces.
La géographie importe. Si votre voisin vous attaquait, vous ne songeriez pas aux menaces que la communauté élargie fait peser sur vous. Vous vous soucieriez seulement de la menace la plus proche. Nous ne pouvons pas reprocher à nos homologues européens de penser de cette façon. Cependant, je souhaite simplement répéter l’argument de Mark. Nous ne voulons pas que l’OTAN manifeste une tendance que nous avons observée dans le passé, c’est-à-dire son orientation vers l’est. Nous soutenons que nous devons simplement élargir l’identité de l’OTAN.
Examinons quelque chose très rapidement. Notre cybersécurité n’est pas menacée uniquement par la Russie. Il y a aussi la Chine, l’Iran et la Corée du Nord. Comment l’OTAN peut-elle faire mieux, en particulier lorsque vous parlez de processus expérimentaux? Comment pouvons-nous améliorer notre capacité de défendre le cyberespace et de l’utiliser pour attaquer?
L’OTAN peut être le tissu conjonctif qui relie les divers travaux portant sur la cybersécurité entrepris par tous les alliés de l’OTAN. Elle peut être aussi l’un des mécanismes utilisés pour exhorter les États membres à prendre cette menace plus au sérieux et à investir dans ce domaine. De plus, l’OTAN peut être encore une fois l’endroit où un leadership éclairé devrait se manifester et où des efforts devraient être déployés pour être à l’avant-garde dans ce domaine. L’important, c’est son rôle rassembleur, parce que tous les différents États membres développent bien entendu leurs capacités cybernétiques défensives et, de plus en plus souvent maintenant, leurs capacités offensives à cet égard. L’OTAN est le mécanisme qui nous permet de réunir ces ressources et d’adopter une approche commune.
Merci, monsieur le président.
Je veux interroger de nouveau Mme Meharg au sujet d’un éventuel centre d’excellence de l’OTAN, car elle n’a pas vraiment eu la chance d’exprimer complètement son opinion à ce sujet. J’aimerais aussi savoir si un centre consacré à la réforme stratégique du secteur de la sécurité pourrait être lié à un centre de maintien de la paix ou séparé de lui. L’envisagez-vous comme distinct?
Je crois que si le Canada a l’intention d’appuyer financièrement un centre d’excellence et de le diriger, il doit faire coïncider les capacités des Forces canadiennes avec ce centre. Il faut que nous choisissions des responsabilités que nos forces canadiennes sont en mesure d’assumer. Ainsi, elles cadreront avec celles de nos alliés et avec le contexte plus général de l’alliance.
Je forme des centaines de membres des Forces canadiennes, et ils sont ce que j’appellerais des agents humanitaires et des soldats. Ils se sont enrôlés parce qu’ils aimeraient vraiment réussir à aider les gens à améliorer leur vie, à élever l’humanité. Nous les formons à accomplir ce travail. La reconstruction et la stabilisation sont des étapes qui surviennent parfois après les très mauvais moments. Ces étapes nous donnent l’occasion d’exceller et, si aucun centre ne porte sur ce domaine de compétence, ce qui est le cas, il pourrait être profitable d’harmoniser les compétences de nos forces et de créer un centre d’excellence portant sur ce domaine de compétence.
Vous appelez peut-être ces étapes la reconstruction et la stabilisation plutôt que le maintien de la paix pour les cibler davantage et les relier au mandat de l’OTAN.
Je vous remercie tous les deux d’être venus aujourd’hui. Nous avons eu une excellente discussion que nous avons abordée sous un angle que nous n’avions jamais envisagé auparavant. Je vous en suis donc très reconnaissant.
Je vais suspendre la séance pendant une minute afin que nous puissions saluer nos invités. Ensuite, nous reprendrons la séance à huis clos afin de discuter des travaux du comité.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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