NDDN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la défense nationale
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 22 novembre 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je vous souhaite à tous la bienvenue au Comité de la défense. Nous allons poursuivre nos discussions sur le Canada et l’OTAN.
J’aimerais accueillir nos invités d’aujourd’hui, qui vont s’entretenir avec nous par vidéoconférence. De Vancouver, nous accueillons M. Michael Byers, et de Winnipeg, Mme Andrea Charron.
Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux en vous remerciant d’avoir accepté notre invitation de vous joindre à nous pour cette discussion.
Nous attendons toujours Mme Mason. Nous allons commencer en espérant qu’elle pourra se joindre à la discussion dès son arrivée.
Ce n’est pas la première fois, loin de là, que nous avons le plaisir de discuter avec vous.
Je vais commencer par donner la parole à Mme Charron, pour 10 minutes.
Je vous remercie de m’avoir invitée aujourd’hui.
S’agissant de la participation du Canada à l’OTAN, je souhaite aborder deux questions. La première concerne une zone d’importance stratégique sous-estimée — à savoir, le couloir maritime reliant le Groenland, l’Islande et le Royaume-Uni, par où transitaient un grand nombre de sous-marins ennemis pendant la guerre froide. La deuxième concerne la présence potentielle de l’OTAN dans l’Arctique canadien, qu’à mon avis on ne devrait pas encourager.
L’Atlantique Nord et les couloirs maritimes de l’Europe de l’OTAN connaissent un regain d’intérêt. C’est dû en grande partie aux activités navales des Russes dans cette région et, dans une beaucoup moins grande mesure, à celles des Chinois. Il est donc important de remettre à plat la coopération des pays de l’OTAN en matière de défense maritime. Depuis la fin de la guerre froide, l’Atlantique Nord n’est plus à l’ordre du jour des questions de défense et de sécurité. Le Commandement suprême allié de Atlantique, alias SACLANT, était la structure principale de la défense alliée nord-atlantique, mais il a été démantelé et remplacé par le Commandement allié Transformation. La coopération navale des alliés s’est alors déplacée en périphérie, se concentrant sur des missions dans le golfe Persique et au large de la Corne de l’Afrique, lors des nombreux conflits qui ont retenu l’attention des alliés pendant cette période.
Plus récemment, les alliés se sont davantage intéressés à la mer Méditerranée, à la mer Noire et à la mer Baltique, en réponse à des activités russes auxquelles étaient présents les deux groupes maritimes permanents OTAN, sous le commandement de la composante maritime alliée, MARCOM, basée à Northwood, en Angleterre.
Étant donné que l’Atlantique Nord suscite aujourd’hui un regain d’attention, un certain nombre de priorités apparaissent, qui soulèvent tout naturellement des questions en ce qui concerne la relation Canada-États-Unis et Canada-OTAN. La Marine royale canadienne et la marine américaine entretiennent des relations de coopération qui remontent à la Deuxième Guerre mondiale et qui se sont maintenues pendant la guerre froide. Depuis, la marine canadienne s’emploie à consolider cette relation, comme en témoigne la capacité des navires canadiens d’intégrer et, partant, de remplacer des navires américains dans le groupe opérationnel aéronaval américain.
Cela s’applique aussi à certains pays de l’OTAN, notamment le Royaume-Uni et la marine britannique. Toutefois, cette capacité est surtout limitée au niveau de la coopération tactique. Il n’y a pratiquement pas d’arrangements de commandement et de contrôle, comme il y en avait pendant la guerre froide avec le SACLANT, les navires alliés ne participent pas à des manoeuvres, les secteurs de responsabilité ne sont pas formellement définis, et les couloirs maritimes ne sont pas protégés.
Parallèlement, la lutte anti-sous-marine, surtout en ce qui concerne l’Atlantique Nord et l’ancienne menace soviétique, ne fait pas partie des priorités d’entraînement. La marine canadienne, jadis un exemple pour les alliés, a perdu une grande partie de son expertise dans ce domaine. Les missions de l’après-guerre froide avaient naturellement la priorité sur la lutte anti-sous-marine, ce qui était dû au climat de tension qui avait prévalu pendant plus de 20 ans, en dépit du fait que les sous-marins ont depuis proliféré dans les pays en développement. On n’a pas non plus jugé urgent de renforcer le flanc septentrional de l’OTAN. Face à la réduction des ressources navales, des deux côtés de l’Atlantique, pour des raisons politiques et opérationnelles, il a fallu faire des choix, et le premier qui s’est imposé a été de négliger l’Atlantique Nord. De plus, les missions navales des Russes ont pratiquement disparu de cette zone à la fin de la guerre froide, à cause du manque de ressources provoqué par les bouleversements politiques, sociaux et économiques qui ont suivi l’effondrement de l’Union soviétique.
Même avec l’apparition de la menace terroriste, au lendemain du 11 septembre, et de sa dimension maritime, on n’a pas jugé bon de faire renaître ses arrangements. La menace terroriste maritime sur la côte est de l’Amérique du Nord, en particulier, était essentiellement un secteur de coopération en matière de renseignement. Toutefois, depuis une dizaine d’années, grosso modo, les relations politiques entre l’OTAN et la Russie se sont détériorées. De nouvelles générations de capacités russes, notamment des missiles de croisière de surface et souterrains à long rayon d’action, posent aujourd’hui une grave menace maritime. En conséquence, le flanc septentrional de l’OTAN est redevenu un enjeu de sécurité. La défense maritime ne doit pas être négligée, surtout dans l’Atlantique, ce qui ramène les alliés du littoral européen et l’OTAN à la table de discussion.
Il y a sur le sujet deux perspectives distinctes, quoique reliées entre elles. La première est celle de l’Europe de l’OTAN, surtout les pays membres qui bordent l’Atlantique Nord, et l’autre est celle d’USNORTHCOM et d’EUCOM, et finalement l’aide du Canada à toutes ces organisations.
L’autre question que j’aimerais aborder concerne la possibilité, telle qu’elle semble être envisagée dans « Protection, Sécurité, Engagement », d’avoir un jour des manoeuvres de l’OTAN dans l’Arctique canadien, ce qui romprait avec la tradition qui consistait à inviter certains pays membres de l’OTAN, mais pas l’OTAN dans son ensemble. À mon avis, c’est quelque chose qu’il ne faut pas envisager.
Bien sûr, cela peut paraître très contradictoire. Si la Russie et les couloirs maritimes sont potentiellement à risque dans l’Atlantique Nord, pourquoi accepter de s’intéresser davantage au passage GIRU, par exemple, et pas à l’Arctique canadien? Je répondrai à cela en disant que la Russie essaie de fragiliser la sécurité européenne, dont le passage GIRU est l’une des composantes, en plus d’être un lien transatlantique essentiel.
Jusqu’à présent, toutefois, l’activité des Russes dans l’Arctique a donné pas mal de résultats. Il s’agit là essentiellement, à mon avis, d’une fonction du Conseil de l’Arctique, et l’Arctique est très important pour la Russie.
Je ne dis pas que le Canada devrait cesser de surveiller l’Arctique, ce qu’il fait essentiellement par l’entremise du NORAD et de ses missions de surveillance maritime et d’alerte et de contrôle de l’espace aérien. Je dis plutôt que le Canada devrait, avec ses alliés, redéfinir les responsabilités de surveillance de l’Atlantique Nord, ce qui nécessitera des discussions avec l’OTAN, le NORAD, USNORTHCOM et sa flotte, ainsi qu’avec EUCOM.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup. Je suis ravi de comparaître à nouveau devant votre Comité.
Je me propose d’aborder trois questions aujourd’hui, mais auparavant, j’aimerais vous parler d’un article que j’ai lu ce matin et qui a été écrit il y a quatre ans par mon ami Jack Granatstein, dans lequel il pose la question de savoir si le Canada devrait rester dans l’OTAN. Il ne répond pas à la question, mais ce que je veux souligner ici, c’est que la question se posait déjà il y a quatre ans.
Aujourd’hui, il ne poserait pas la question, et je pense que personne ne la poserait. Nous avons assisté, par exemple, à l’annexion de la Crimée en mars 2014. Nous avons des preuves crédibles de nombreuses interférences électroniques des Russes dans les élections de pays occidentaux, y compris dans le référendum du Brexit au Royaume-Uni et dans les élections aux États-Unis, notre principal allié. Je parlerai de la cybersécurité dans quelques minutes, mais il est évident qu’il vaut mieux être alliés que divisés. Nos adversaires vont chercher à nous diviser. C’est leur stratégie, et l’OTAN est par conséquent tout aussi importante aujourd’hui qu’elle l’était dans le passé.
J’aimerais aborder trois questions, en commençant par ajouter quelques observations à ce que ma collègue vient de dire, avec raison, au sujet de l’Arctique; deuxièmement, je parlerai brièvement du cyberespace; enfin, je dirai quelques mots sur les dépenses de l’OTAN et sur la question de savoir si le Canada devrait augmenter le pourcentage de sa contribution financière, par rapport à son PIB.
S’agissant de l’Arctique, il ne faut pas oublier que, d’un point de vue sécuritaire et organisationnel, il y a deux Arctique. Il y a l’Arctique européen, qui, selon les Américains, relève du Commandement américain en Europe, lequel est un mécanisme de coopération de l’OTAN. Et il y a l’Arctique nord-américain, qui, selon la perspective américaine, est incarné par NORTHCOM, et qui, selon la perspective canadienne, est une mission du NORAD, pas une mission de l’OTAN. La ligne de démarcation remonte jusqu’à la baie de Baffin et au détroit de Nares, séparant le Groenland de l’Amérique du Nord et faisant de cette zone deux missions organisationnelles distinctes.
Il est peu probable que les États-Unis laissent l’OTAN s’immiscer dans une sphère de responsabilité NORTHCOM. Lorsque les Européens parlent d’amener l’OTAN dans l’Arctique, tant qu’ils se limitent au Groenland, à l’Islande et à la Norvège, c’est une bonne chose, que nous pouvons appuyer. Mais en ce qui concerne l’Arctique nord-américain, c’est nous qui en assumons le contrôle avec nos alliés américains.
Par ailleurs, comme quelqu’un l’a déjà fait remarquer, ce n’est pas là où se situe la menace. C’est avant tout une mission de surveillance, de recherche et de sauvetage. Certes, on peut en améliorer l’efficacité, en achetant par exemple six satellites au lieu de trois pour la mission Constellation Radarsat. Je pourrai revenir là-dessus tout à l’heure si vous le voulez, mais l’OTAN ne doit pas venir dans l’Arctique nord-américain. L’OTAN s’occupe de l’Arctique européen… et il s’en occupe déjà.
S’agissant de cyberespace, c’est là un problème extrêmement préoccupant, notamment parce que la Russie devient rapidement un expert en la matière. Nous en avons déjà vu des conséquences très réelles. Toutes les considérations qui s’appliquent à un domaine militaire s’appliquent aussi au cyberespace, y compris le dilemme sécuritaire. Avec nos alliés de l’OTAN, nous devons faire extrêmement attention à ne pas déclencher, par nos propres actions, une course aux armements dans le cyberespace qui viendrait alimenter l’anxiété des Russes et leur désir de développer leur arsenal. Nos actions doivent être défensives, et non pas offensives, à moins que nous soyons victimes d’une attaque réelle et que nous puissions en attribuer l’origine à un État en particulier.
Il y a aussi des risques d’escalade. Comment faire pour limiter un conflit au cyberespace? À partir de quel moment les gens commencent-ils à surveiller les noeuds dans un réseau de communication, les câbles de fibre optique dans les fonds marins, et les satellites en orbite?
Un cyberconflit peut facilement dégénérer et devenir très vite incontrôlable. Il est donc absolument nécessaire dans ce domaine d’avoir une politique défensive plutôt qu’offensive. Il n’y a rien de particulièrement spécial dans le cyberespace. Quand on parle d’ordinateurs, il ne faut pas perdre de vue tous les paramètres stratégiques qui s’appliquent aux autres domaines.
Finalement, en ce qui concerne la contribution du Canada à l’OTAN, le critère de 2 % du PIB n’est qu’un objectif. C’est un critère que les pays mesurent de manières différentes pour évaluer leur contribution. Le Canada est en fait très prudent quand il mesure ses dépenses militaires. Par exemple, nous n’incluons pas la Garde côtière alors que d’autres pays ont armé leur garde côtière et l’ajoutent donc à leurs dépenses militaires. Si le Canada voulait montrer qu’il a accru ses dépenses militaires, il lui suffirait d’installer une mitrailleuse légère sur le pont avant de chaque navire de sa Garde côtière, en ajoutant un ou deux soldats à l’équipage pour s’en occuper. Il pourrait faire la même chose sur ses navires qui patrouillent les Grands Lacs ainsi que sur ceux qui sillonnent ses côtes est et ouest pour intercepter les immigrants illégaux et les contrebandiers. En règle générale, les autres pays incluent les dépenses de police dans leurs dépenses militaires. Tout dépend donc de la manière dont on définit ces dernières.
Il y a une autre chose que nous n’incluons pas dans nos calculs. Je veux parler du montant incroyable des dépenses futures que nous avons fermement engagées dans nos plans d’approvisionnement. Nous n’incluons pas les dépenses prévues pour les navires de surface, qui seront de l’ordre de 60 milliards de dollars. Nous n’incluons pas non plus les dépenses prévues pour le remplacement de nos avions de chasse. Le Canada a vraiment pris de très gros engagements en ce qui concerne ses futures dépenses militaires. Dans la plupart des cas, les contrats ne sont pas encore signés, mais il n’empêche que les engagements ont été pris et devront être tenus d’un point de vue pratique. C’est cela que nous devons expliquer à nos alliés, pour bien leur faire comprendre que nous sommes vraiment en train de rééquiper les Forces armées canadiennes.
Mon dernier commentaire à ce sujet est que, considérant la nouvelle importance de l’OTAN et considérant aussi que nous devons désespérément rééquiper nos Forces armées, l’heure est venue d’accélérer l’exécution de ces gros engagements d’approvisionnement de défense. Il est tout simplement inconcevable que la plupart de ces nouveaux navires ne soient pas prêts avant une ou deux décennies. Il est tout aussi inconcevable que nos nouveaux avions de chasse ne soient pas achetés avant les prochaines élections fédérales, ce qui est, je le soupçonne, ce qu’on prévoit actuellement.
Si nous voulons être un partenaire sérieux au sein de l’OTAN, nous devons absolument tenir nos promesses. Nous ne sommes pas obligés d’accroître nos dépenses militaires simplement parce que le président des États-Unis l’a demandé. Nous devons le faire parce que nous avons dit que nous allions le faire, parce que nous devons tenir nos promesses afin d’avoir des forces armées capables d’intervenir, et parce que nous voulons être un allié fiable dans les missions qui sont importantes pour le pays.
Merci beaucoup.
Je vous remercie beaucoup de m’avoir invitée à m’adresser au Comité au sujet de la participation du Canada à l’OTAN.
Mes remarques porteront sur la question extrêmement importante et tout à fait d’actualité de la politique nucléaire de l’OTAN. Elles sont le fruit de l’expertise professionnelle que j’ai acquise dans le domaine de la non-prolifération et du désarmement nucléaire, notamment en présidant la délégation canadienne aux conférences internationales consacrées à l’examen de l’application du Traité de non-prolifération nucléaire. On trouve dans ce traité les règles et obligations internationales qui lient les 191 États Parties et que le Conseil de l’Atlantique Nord décrit, dans sa déclaration du 20 septembre, comme étant « au coeur des initiatives mondiales de non-prolifération et de désarmement depuis près de 50 ans ».
Le Canada, qui est un État Partie à ce traité, n’est pas doté de l’arme nucléaire, tout comme les autres membres de l’OTAN, à l’exception des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France qui, eux, sont des États Parties dotés de l’arme nucléaire. Le traité distingue deux catégories de membres. Ceux qui ne sont pas dotés de l’arme nucléaire, soit la grande majorité, et ceux qui en sont dotés et qui sont au nombre de cinq.
Au titre de l’article VI de ce traité, tel qu’il a été interprété à l’unanimité dans l’avis consultatif de 1996 de la Cour internationale de Justice, tous les États Parties au Traité de non-prolifération nucléaire, qu’ils soient dotés ou non de l’arme nucléaire, sont légalement tenus de « poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace ». Cette obligation internationale légalement exécutoire offre un contraste radical avec l’engagement strictement politique pris par les États membres de l’OTAN en matière de politique nucléaire, lequel engagement n’est pas une obligation légale et ne fait aucunement référence aux armes nucléaires, étant bien entendu qu’il n’y a strictement aucune référence aux armes nucléaires dans le Traité de l’Atlantique Nord.
Dès l’entrée en vigueur du TNP en 1970, une controverse a éclaté au sujet de la contradiction patente qu’il y a entre l’adhésion à ce traité par des États non nucléaires comme le Canada, la Norvège et les Pays-Bas, et notre participation à une alliance nucléarisée. La justification a toujours été que la nucléarisation de l’OTAN date d’avant le traité et est finalement justifiable, bien qu’il n’y ait aucune formulation dans le traité qui puisse étayer cette position. Le Canada n’a ménagé aucun effort pour minimiser cette contradiction de la manière la plus productive possible — c’est-à-dire en respectant l’obligation « de bonne foi » du TNP relativement au désarmement nucléaire —, en prônant des mesures telles que l’adoption d’un traité d’interdiction complète des essais nucléaires. Même aux heures les plus sombres de la guerre froide — alors que les États-Unis s’y opposaient avec acharnement en tapant du poing sur la table lors des réunions du groupe de consultation occidental de l’ONU que je présidais, et en accusant de trahison les membres de l’OTAN qui prônaient l’interdiction des essais nucléaires, comme le Canada, l’Allemagne et les Pays-Bas —, nous avons tenu bon et nous avons toujours maintenu notre appui à cette initiative. En fait, nous avons été l’un des principaux promoteurs du traité d’interdiction des essais nucléaires. En fin de compte, les États-Unis y ont adhéré aussi.
À la fin de la guerre froide, lorsque l’Union soviétique et les États-Unis ont décidé de réduire considérablement leurs arsenaux nucléaires, les conditions étaient telles que les chefs de gouvernement de l’OTAN réunis au sommet de Londres de 1990 ont pu faire la déclaration suivante: « Toutefois, [les États membres de l’OTAN] seront en mesure d’adopter, dans une Europe transformée, une nouvelle stratégie de l’OTAN qui fasse véritablement des forces nucléaires larmes du dernier recours. » Cette déclaration concordait parfaitement avec l’une des principales leçons tirées de la guerre froide, encore tout à fait pertinente aujourd’hui, qui est qu’une guerre nucléaire ne peut jamais être gagnée et ne devrait donc jamais être déclenchée. La seule justification possible des armes nucléaires est qu’elles servent à dissuader les autres de s’en servir, jusqu’à ce qu’on les ait complètement éliminées.
La conséquence logique de cette déclaration du sommet était l’élaboration d’une nouvelle doctrine stratégique post-guerre froide dans laquelle l’OTAN s’engagerait à ne pas les utiliser en premier. Hélas, cela ne fut pas le résultat de la révision de 1991 de la doctrine stratégique de l’OTAN. Et aussi incroyablement que cela puisse paraître, l’alliance militaire conventionnelle la plus puissante de la terre réitéra la nécessité de l’arme nucléaire, non seulement comme moyen de dissuasion, mais aussi comme moyen de prévention de la guerre. Depuis lors, chaque révision de la doctrine a conduit à la réaffirmation de la nécessité de l’arme nucléaire, pas seulement pour dissuader les autres de l’utiliser, mais aussi pour prévenir la guerre. Au fond, l’OTAN dit aux 62 autres États Parties non nucléarisés qui ne sont pas membres de l’alliance: « Faites ce que nous disons, pas ce que nous faisons. »
Pour revenir au TNP, malgré la promesse répétée à toutes les conférences quinquennales de révision du traité, qui ont suivi le sommet de Londres de 1990, que les États prendront des mesures concrètes en vue du désarmement nucléaire, il y a d’abord eu l’échec des négociations bilatérales Russie-États-Unis, et, plus récemment, le lancement par les neuf États nucléarisés — cinq dans le TNP et quatre en dehors — de programmes de modernisation de leurs armes nucléaires, le programme de modernisation américain de plus de 1 000 milliards de dollars éclipsant tous les autres depuis que Trump a porté le budget initial de 1 000 milliards à plus de 1 000 milliards.
Ce programme revêt une importance particulière pour les États non nucléarisés de l’OTAN comme le Canada qui sont Parties au TNP, parce qu’il comprend l’introduction d’armes nucléaires américaines soi-disant tactiques dans cinq États non nucléarisés du TNP qui sont aussi des États hébergeant des bases de l’OTAN, soit l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, l’Italie et la Turquie. Ces pays doivent accueillir sur leur sol des armes nucléaires B61 améliorées, de moindre puissance et de plus grande précision. Je parle d’armes « soi-disant tactiques » — l’expression typique des anciens ambassadeurs pour le désarmement — parce qu’il est inconcevable que l’explosion d’armes nucléaires, quels que soient leur nature et leur niveau de précision, ne puisse pas avoir d’effets stratégiques.
Ces armes nucléaires tactiques moins puissantes, mais plus précises sont justement celles qui ont amené le Congrès des États-Unis à en interdire la mise au point dans les années 1990, au motif que cela aurait créé « l’illusion de leur utilisabilité », alors que la seule utilité rationnelle des armes nucléaires est de dissuader qui que ce soit de les utiliser.
Entretemps, la majeure partie de la communauté internationale devenait de plus en plus frustrée par l’incapacité de la conférence sur le désarmement à s’entendre ne serait-ce que sur un programme de travail, sans parler de mesures concrètes vers le désarmement nucléaire. Malgré cela, le Canada a continué de défendre un processus étapiste équivalant à marcher lentement sur un tapis roulant pour atteindre l’objectif du désarmement nucléaire qui ne cesse de s’éloigner, alors que le tapis lui-même roule dans l’autre sens, vers un monde doté d’armes nucléaires toujours plus létales.
Cette insatisfaction a finalement amené la majorité des États membres de l’ONU, par un vote majoritaire de l’Assemblée générale en décembre 2016, à entreprendre des négociations multilatérales en vue d’un traité d’interdiction nucléaire. Ces négociations ont débouché sur un nouveau texte de traité, qui a été approuvé par 122 États membres de l’ONU, le 7 juillet dernier, en vue d’une signature à l’ONU le 20 septembre 2017, et qui compte aujourd’hui 53 signataires. Si ces 53 signataires le ratifient, il prendra effet 90 jours après la ratification.
Pour l’heure, le Canada a abandonné tout espoir de mettre en place de véritables mesures de désarmement nucléaire, comme il est tenu de le faire au titre de l’article VI du TNP, et a plutôt décidé de faire cause commune avec les pays occidentaux non nucléarisés qui sont Parties au TNP. Cette renonciation à des négociations multilatérales pour le désarmement, qui va totalement à l’encontre de notre histoire et de notre tradition, a connu son point d’orgue lorsque le Canada a donné son accord à une déclaration extraordinaire du Conseil de l’Atlantique Nord portant sur le Traité d’interdiction le jour même où il était ouvert à la signature, ce qui fut, je crois, le jour le plus sombre de toute l’histoire de l’OTAN.
Cette déclaration est truffée d’erreurs, d’interprétations erronées du droit international et d’inepties. Qu’elle soit signée par les États nucléarisés est déjà pitoyable, mais qu’elle soit aussi avalisée par un État non nucléarisé Partie au TNP comme le Canada, qui a toujours fièrement défendu le désarmement nucléaire, même durant les périodes les plus tendues de la guerre froide, est absolument choquant. L’affirmation la plus insupportable de cette déclaration du CAN est que le traité d’interdiction des armes nucléaires « risque de fragiliser le TNP », alors que c’est précisément le contraire qui est vrai. Ce sont évidemment les États qui ont tenté d’empêcher la négociation du traité d’interdiction et qui tentent aujourd’hui futilement d’empêcher son entrée en vigueur qui fragilisent le TNP. La deuxième affirmation foncièrement inexacte est que le traité d’interdiction « n’engagera aucun État possédant effectivement de telles armes ». Rien ne saurait être plus faux.
Voici le traité. Je l’ai annexé à mon mémoire. J’espère que vous le lirez tous.
L’article VI de ce traité expose en détail deux méthodes offertes aux États nucléarisés pour y adhérer: une méthode de destruction avant adhésion et une méthode d’adhésion avant destruction, en suivant les conseils de l’AIEA, qui est l’organisme international compétent pour prendre le contrôle de toutes les matières fissiles provenant des armes nucléaires désactivées.
Je passe maintenant à ma conclusion en sautant les inepties que j’énumère dans mon mémoire.
La déclaration du 20 septembre du CAN se termine par l’affirmation extraordinaire qui suit: « Nous n'accepterons aucun argument selon lequel ce traité [d’interdiction] refléterait ou contribuerait de quelque manière que ce soit au développement du droit international ». Heureusement pour nous, ce n’est pas à l’OTAN mais à la Cour internationale de Justice et au Tribunal pénal international qu’il appartient de déterminer ce qu’est le droit international.
Toutefois, puisqu’ils ont soulevé la question, ils auraient peut-être intérêt à relire encore une fois l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice que j’ai mentionné tout à l’heure, au sujet de « la licéité de la menace ou de l’utilisation d’armes nucléaires », qui n’est acceptable que dans une circonstance extrême dans laquelle « la survie même d’un État serait en cause ». La Cour a jugé que, dans toute autre circonstance, utiliser des armes nucléaires ou menacer de les utiliser serait manifestement illicite en vertu du droit international, étant donné qu’il serait impossible, en utilisant des armes nucléaires, de respecter les critères fondamentaux du droit humanitaire international exigeant que l’on différencie les cibles militaires visibles des cibles civiles et qu’il y ait proportionnalité entre les dommages militaires objectifs et collatéraux. Ainsi, la déclaration du commandant de la U.S. Air Force la fin de semaine dernière, au forum de Halifax sur la sécurité, où il affirmait qu’il n’exécuterait jamais un ordre d’utiliser des armes nucléaires qui serait illicite en droit international, avait peut-être encore plus de sens qu’il ne le pensait.
Qu’est-ce que tout cela signifie pour le Canada? La réponse est claire. Nous avons l’obligation légale, au titre de l’article VI du TNP, d’entamer le processus — ce qui prendra évidemment un certain temps — de signature et de ratification du traité d’interdiction, en nous dissociant de la doctrine nucléaire de l’OTAN et en amorçant un dialogue au sein de l’OTAN pour convaincre les autres États non nucléarisés de rejeter eux aussi la politique nucléaire inutile, dangereusement provocante et antiproductive de l’alliance. Comme trois États membres de l’OTAN ont voté en faveur de la négociation du traité d’interdiction, nous devrions avoir des alliés dans cette démarche.
Comment l’OTAN, l’alliance militaire conventionnelle la plus puissante de la terre, peut-elle prétendre avoir besoin d’armes nucléaires pour sa sécurité, alors qu’elle refuse ce droit à la Corée du Nord, qui est confrontée aux États-Unis et à leurs alliés?
Merci de votre attention.
Merci beaucoup.
Je vous remercie tous de comparaître devant notre comité.
Je vais commencer par poser une question sur l’OTAN. On dit souvent que l’Alliance de l’Atlantique Nord joue un rôle absolument fondamental dans la défense de nos idéaux libéraux occidentaux, et qu’elle repose sur le fait que nous partageons des valeurs, des idéaux et des principes, notamment des principes démocratiques. Pour en faire partie, le mécanisme d’adhésion est très rigoureux, mais en revanche, il n’existe aucun mécanisme de sortie.
Pensez-vous que le moment soit venu d’entamer cette discussion? Devrions-nous avoir un mécanisme qui permettrait de vérifier que les membres et partenaires continuent de partager nos valeurs? Dans l’affirmative, quelle forme devrait prendre cette discussion? J’aimerais que chaque témoin réponde à la question.
Monsieur Byers.
Je dirai pour commencer qu’il est clair que certains des nouveaux membres de l’OTAN méritaient absolument d’en faire partie. Pensez à l’Estonie, à la Lettonie et à la Lituanie — ces pays indépendants avaient été envahis et annexés par l’Union soviétique et ont recouvré la liberté et l’indépendance après la fin de la guerre froide. C’était une très bonne chose de les accueillir au sein de l’OTAN. À l’heure actuelle, ils ont besoin de notre aide, et le Canada leur en a fourni en envoyant des soldats en Lettonie.
Je pense que votre question concerne plus les pays qui ont tendance à s’éloigner de ce que nous considérons comme un système libre et démocratique. Je songe ici à la Turquie, à la Hongrie et, de plus en plus, à la Pologne. Je crois toutefois que parler publiquement de les expulser de l’OTAN reviendrait à faire une diplomatie du gros, du très gros bâton et à renoncer à notre diplomatie de discrétion et de persuasion, voire à renoncer à la possibilité d’exercer des pressions économiques avant d’arriver à cette décision ultime.
Rien ne ferait plus plaisir à la Russie que de nous voir expulser de l’OTAN des pays comme la Hongrie et la Turquie. Ce n’est pas le moment d’envisager ce genre de châtiment ultime. Par contre, oui, ce qui se passe dans ces pays m’inquiète, et je pense qu’on devrait envisager toutes les autres formes de pressions diplomatiques et économiques pour les ramener dans le droit chemin.
Ne croyez-vous pas, cependant, que nous devrions justement avoir une discussion pour définir ce que devrait être le point de bascule, précisément avant qu’un pays ne l’atteigne? L’intérêt d’une telle conversation ne serait-il pas justement de permettre aux membres de réfléchir à la question avant d’avoir à examiner le cas de l’un d’entre eux en particulier?
Certes, nous pourrions absolument organiser une discussion pour savoir s’il y a des normes politiques à respecter pour pouvoir rester membre de l’OTAN. Il n’y aurait rien de mal à cela. Mais ce n’est pas le moment de le faire. Permettez-moi de rappeler que le Canada et l’OTAN ont coopéré avec des régimes autocratiques dans des missions militaires. Certains États arabes non démocratiques ont participé à notre mission en Libye en offrant le soutien de leurs forces aériennes.
Mais il y a une différence, n’est-ce pas, entre un pays membre qui est assujetti aux dispositions de l’article V et un pays qui est notre partenaire dans une mission?
Absolument. Je dis simplement que nous ne sommes pas nous-mêmes absolument purs et que nous ne pouvons pas exiger que nos partenaires soient toujours des pays pleinement démocratiques. Le fait que des pays comme la Turquie et la Hongrie s’écartent des principes démocratiques fondamentaux suscite de graves préoccupations au sein de l’OTAN. Je dis simplement qu’il y a une série de mesures que l’on peut prendre pour essayer de les ramener dans le droit chemin. Les exclure maintenant de l’OTAN, ou même commencer à parler publiquement de cette éventualité, ferait certainement la joie de nos adversaires.
Je partage totalement l’avis de M. Byers. Je pense que l’idée d’expulser des États parce qu’ils se comportent mal n’en a jamais amené un à se dire: « Dans ces conditions, il faudrait peut-être que je change de politique ». Au contraire, cela peut souvent les renforcer dans leur conviction et les amener à se dire: « Je me distingue des autres et je fais preuve d’audace. » Cela risque plutôt d’avoir pour effet de rassembler la population autour du gouvernement. Je ne pense pas que…
Mais nous ne l’avons jamais fait. Nous n’avons jamais eu de discussion à ce sujet. La question n’a jamais été soulevée. Je ne pense pas qu’on puisse dire que ce ne serait pas efficace ou que ça n’a pas marché, parce qu’on n’en a jamais parlé. N’êtes-vous pas d’accord?
Il faudrait alors une tribune plus large, comme les Nations unies, ou des organisations comme le Commonwealth, la Francophonie, etc.
J’estime comme M. Byers que nous devrions avoir des discussions. Devrions-nous, comme vous dites, faire une diplomatie discrète comme nous savons le faire? Pour le moment, dire à un pays: « Ou vous changez de politique ou vous sortez de l’OTAN » serait très dommageable pour l’OTAN, à mon avis.
Je voudrais dire deux choses à ce sujet. D’abord, je ne pense pas que ce soit tout l’un ou tout l’autre, dedans ou dehors. Je crois que cette discussion devrait ressembler à la discussion qu’on aurait avec un employé pour évaluer son rendement et dont on souhaite qu’il change son comportement. On commence par lui envoyer un avertissement écrit, puis on procède à l’évaluation de son rendement et il y a toutes sortes d’étapes avant de le renvoyer. C’est dans ce contexte là qu’on a ce genre de conversation.
Ma deuxième remarque est que, du fait de l’article V, les enjeux sont peut-être même plus élevés que l’adhésion à un organisme comme l’ONU. Qu’en pensez-vous?
Cela me fait penser à James Eayrs. Il disait souvent que si le Canada est trop idéaliste en politique étrangère, il finira par être perçu comme « la fille austère de la voix de Dieu » et ne plus être écouté.
Mme Leona Alleslev: Madame l'ambassadrice...
Votre temps de parole est écoulé.
Mme Leona Alleslev: Vraiment? Très bien.
Le président: Monsieur Hoback.
Je remercie tous nos témoins de comparaître devant notre comité.
Madame Charron, j’ai été un peu surpris de vous entendre parler du rôle de l’OTAN dans le Grand Nord et dans le nord du Canada. J’aimerais en savoir un peu plus à ce sujet, du moins en ce qui concerne le NORAD, l’OTAN et le Conseil de l’Arctique. Comment tout cela fonctionne-t-il? Pourquoi pensez-vous que l’OTAN ne devrait pas être plus présente dans l’Arctique? Quelles sont les bonnes choses que fait le Conseil de l’Arctique qui vous font penser que c’est l’organisme qui pourrait assumer une partie de ce rôle?
Le Conseil de l’Arctique regroupe huit États arctiques, mais il a aussi beaucoup d’autres membres. Ce que nous avons constaté, bien que son mandat soit limité à la protection de l’environnement et au développement durable, c’est qu’il a intégré la Russie. Il y a eu pas mal d’accords qui sont sortis du Conseil de l’Arctique, lequel a fait de la coopération son modus operandi. C’est en grande partie parce que la Russie est le plus gros acteur dans l’Arctique, loin devant tous les autres. Quelle que soit votre grille d’analyse, la Russie est essentielle dans l’Arctique. Étant donné sa proximité avec le Canada et l’Arctique américain, ou l’Arctique nord-américain, si nous commençons à dire que l’OTAN peut organiser des manoeuvres aux portes de la Russie, je pense que cela créera des problèmes dont nous n’avons pas besoin. À l’heure actuelle, le Conseil de l’Arctique est efficace dans les dossiers dont il s’occupe. C’est un organisme au sein duquel nous pouvons avoir des conversations discrètes avec la Russie sur des événements géopolitiques. Il serait regrettable de perdre cette possibilité à cause d’une action intempestive telle qu’une manoeuvre de l’OTAN.
Donc, si nous n’utilisons pas l’OTAN dans l’Arctique, cela nous ramène à NORAD et à notre participation à NORAD. Comment devrions-nous alors envisager notre participation? Que devrions-nous moderniser et que devrions-nous faire pour être certains d’avoir la capacité de protéger correctement le Nord?
Il y a un autre comité qui examine la question de la modernisation de NORAD, notamment EVONAD et la modernisation du système d’alerte du Nord. On examine aussi la possibilité de modifier le système de commandement et de contrôle afin d’avoir une structure combinée de combat et de commandement basée à Tyndall. C’est un examen séparé. Je veux dire que la réflexion sur la manière dont NORAD et USNORTHCOM surveillent et défendent l’Amérique du Nord doit être envisagée dans le contexte du champ de responsabilités de l’OTAN, car je pense qu’il y a là une grosse faille dont on ne s’est pas occupé.
Oui, c’était ma prochaine question. Comment tout cela est-il coordonné? Comment ces organismes travaillent-ils ensemble? Quand l’OTAN doit-il participer ou ne pas participer? Comment peut-on trouver la bonne…
Eh bien, c’est l’une des choses qu’il va falloir examiner de près. Au niveau tactique, ils le feront, mais, au niveau stratégique, nous avons cessé de le faire, essentiellement parce que nous n’avons plus notre place au SACLANT. Cela soulève la question des différents champs de responsabilités, du fait que USNORTHCOM s’étend sur 500 milles et que NORAD et le Canada ont un territoire différent à surveiller, et il y a la question de ce que le Royaume-Uni fait par rapport à l’OTAN. Ces choses-là dépendent bien souvent des événements, et nous aurions donc peut-être intérêt à examiner cela de manière plus stratégique afin de voir où sont les failles, car certains pourraient être tentés de les exploiter.
Il y a donc là des couloirs maritimes que nous devrions manifestement examiner d'un oeil stratégique; est-ce bien ce que vous dites?
Je dirais le passage GIRU, d'après l'emplacement de la presqu'île de Kola. C'est la principale voie de communication maritime pour les vaisseaux russes allant de l'Arctique à l'Atlantique Nord. C'est une zone que nous n'avons pas surveillée d'aussi près que nous le faisions auparavant.
Je m'intéresse aussi beaucoup à la question de la cybersécurité et des activités russes dans le domaine. Comment réagissez-vous à ce que nous avons vu en Ukraine, et quelles sont d'après vous les responsabilités de l'OTAN et du Canada en ce qui concerne ce genre de cyberattaques et de guerre informatique? Pensez-vous que nous sommes bien préparés à cela?
Comme on peut voir dans « Protection, sécurité, engagement », les Forces armées canadiennes sont conscientes, tout comme l'est l'OTAN, du fait que le domaine cybernétique est maintenant un théâtre d'opérations potentiel. Elles essayent de se défendre contre cela. Je ne suis pas une experte en informatique, et je ne peux donc que les encourager à poursuivre leur examen de ce qui doit être fait. Je crois aussi que nous avons besoin d'une formation accrue sur les choses comme les médias sociaux, parce que c'est sur ce plan que bien souvent les efforts de nos troupes en Europe sont sapés. Il y a de fausses nouvelles diffusées au sujet de leur intention et de leurs activités, et avec davantage de formation, les Forces armées canadiennes pourraient contrer cela.
C'est un bon point. Nous avons justement entendu dans certains médias la semaine dernière que nos forces en Lettonie font possiblement l'objet de cyberattaques ou de fausses nouvelles.
Monsieur Myers... ou, plutôt, monsieur Byers, vous auriez peut-être quelques observations sur le côté informatique des choses. Pensez-vous que c'est une chose sur laquelle nous devrions nous concentrer davantage?
Soyons clairs, je ne suis pas aussi drôle que Mike Myers.
Des voix: Oh, oh!
M. Randy Hoback: Je suis désolé.
M. Michael Byers: C'est une erreur courante.
Je crois que la cybersécurité est un domaine qui fait appel à une démarche pangouvernementale. C'est en partie un moyen de réglementer Internet tout en maintenant la liberté et la démocratie d'un Internet ouvert. C'est en partie les médias, et la façon dont nous encourageons des médias de qualité et dont nous distinguons les médias de qualité des viles tentatives de dissémination de fausses nouvelles. Avec tout ça, il faut aussi avoir des gouvernements qui se protègent eux-mêmes contre le piratage et l'intervention informatiques. C'est une question très étendue, et ce n'est pas une chose qu'un comité sur la défense peut régler tout seul. Il est très important que la démarche s'étende à tous les niveaux de gouvernement.
J'ai une dernière chose à dire au sujet de l'Arctique. C'est une très vaste région. L'océan Arctique s'étend sur des milliers de kilomètres. La Norvège, notre alliée à l'OTAN, partage une frontière terrestre avec la Russie, et elle s'inquiète beaucoup de la présence russe dans sa zone arctique. Pour nous, c'est différent. Nous sommes à des milliers de kilomètres de la Russie dans l'Arctique, et il n'y a aucun signe d'intention hostile de leur part dans cette région. Il faut donc faire la distinction entre l'Arctique nord-américain et l'Arctique européen, qui sont des endroits très différents sur le plan stratégique.
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais souhaiter la bienvenue de nouveau aux trois témoins. Tous ceux qui ont suivi les séances sauront que, pour moi, cette étude sur l'OTAN doit examiner très attentivement la politique de dissuasion nucléaire de l'OTAN.
Nous avons entendu Mme Mason dire cet après-midi qu'elle ne voit aucune contradiction entre l'affiliation à l'OTAN et le nouveau traité sur l'interdiction des armes nucléaires; elle laisse même entendre qu'il est possible pour le Canada d'avoir un rôle de chef de file sur cette question au sein de l'OTAN.
J'aimerais entendre d'abord la réponse de M. Byers, puis celle de Mme Charron. Êtes-vous d'accord avec Mme Mason pour dire qu'il n'y a aucune contradiction, et qu'il est possible pour le Canada de reprendre la direction des questions de désarmement au sein de l'OTAN?
Monsieur Byers.
Je suis d'abord et avant tout un avocat spécialiste du droit international. J'ai étudié de très près cette question, et je ne vois aucun obstacle juridique à ce que le Canada signe et ratifie le traité sur l'interdiction des armes nucléaires tout en demeurant un membre actif de l'OTAN. Nous n'avons pas d'armes nucléaires. Il n'y a aucune arme nucléaire sur le territoire canadien. Je dirais même que nous pourrions aller encore plus loin et déclarer que le Canada est une zone exempte d'armes nucléaires. Tout ceci est conforme à notre participation à l'OTAN. L'enjeu est politique. C'est une question politique. De toute évidence, les États-Unis pousseront très fort le Canada à ne pas prendre une telle mesure. Avons-nous la volonté politique d'aller quand même de l'avant?
Prenons ces pays qui ont appuyé le traité sur l'interdiction des armes nucléaires. Un grand nombre d'entre eux sont des pays en développement. Les ratifications vont pleuvoir maintenant. C'est en train de devenir l'OTAN contre les autres, et où le Canada veut-il être dans tout ça? Voulons-nous être un leader mondial, ou nous contenterons-nous d'être un petit joueur dans ce groupe de pays résistants, surtout quand le gouvernement fait présentement campagne très fort pour un siège non permanent au Conseil de sécurité? C'est une question pour laquelle nous pourrions nous présenter comme étant très progressistes et aider une bonne partie du monde en développement.
Je crains fort que ce ne soit pas mon domaine. Quelqu'un comme Jim Fergusson pourrait mieux parler de cela.
Bon. Merci beaucoup.
Madame Mason, j'étais bien sûr très heureux de vous entendre parler des possibilités de leadership dans ce domaine au sein de l'OTAN. Pouvez-vous nous décrire un peu le rôle de leader que le Canada pourrait tenir au sein de l'OTAN?
Tout d'abord, j'aimerais éclaircir un point concernant ce que M. Byers a dit en ce qui concerne ce que le Canada aurait à faire pour ratifier le traité. Dans mes observations, j'ai parlé du fait que nous devrions commencer à nous dissocier de la position nucléaire de l'OTAN. Il y a des antécédents de pays prenant de petites mesures dans ce sens, avec les fameuses notes complémentaires de l'OTAN, y compris, par exemple, la Norvège qui n'autorise la présence d'aucune arme nucléaire sur son territoire. Mais l'article I du traité sur l'interdiction des armes nucléaires, le nouveau traité, stipule très clairement qu'une des obligations d'un État partie est de ne pas aider, encourager ni provoquer de quelque façon que ce soit une activité interdite. Bien sûr, activité interdite s'entend de toute chose se rapportant aux armes nucléaires, y compris leur possession, leur création ou leur modernisation. On a mis au point cette formulation pour se débarrasser de l'ambiguïté entre les États parties au TNP et les États non dotés d'armes nucléaires, comme le Canada, qui sont membres d'alliances nucléaires.
À la simple lecture du traité, j'en déduis que le Canada doit signaler son intention de se dissocier de la position de l'OTAN en matière d'armes nucléaires. Comme je l'ai dit, la Norvège et les Pays-Bas ont participé à la négociation, mais ont, en fin de compte, voté contre le traité. L'Estonie, l'Italie et l'Albanie ont toutes voté pour le lancement des négociations, puis, sous d'énormes pressions de la part de l'OTAN, n'ont pas participé aux négociations.
Cela vous donne un peu une idée du fait que si, au sein de l'OTAN, ce dialogue était enclenché par le Canada... Vous savez, la première étape est toujours la plus dure. Disons que le Canada lance le dialogue — au sein de l'OTAN —, soulève la question et déclare: « Nous voulons signer le traité. Nous voulons respecter nos obligations à l'endroit du TNP. Nous voulons entamer ce dialogue avec l'OTAN. » Il y a un comité de désarmement et de non-prolifération moribond qui, je crois bien, n'était pas moribond à l'époque. Le ministre des Affaires étrangères Axworthy y a pris la parole à un moment donné. Si nous commençons ce dialogue, de nombreux autres pays membres de l'OTAN se sentiraient fortement poussés à y participer. Pensez-y; le simple fait que les Pays-Bas, avec une décision majoritaire directe au Parlement de participer à la négociation... c'est pour cela qu'ils l'ont fait. Cela prouve que les membres du public de divers États membres de l'OTAN aimeraient vraiment que nous cessions d'avancer dans ce mauvais sens et que commencions réellement à accomplir quelques progrès.
J'aimerais aussi faire ressortir le fait que l'OTAN est véritablement en position d'être un leader mondial. Si l'OTAN peut déclarer que nous n'avons pas besoin des armes nucléaires, cela montrera aux autres qui commencent à penser qu'ils en ont besoin que c'est faux, parce que les arguments sont tous dans l'autre sens, avec de plus en plus de pays pensant qu'ils ont besoin d'armes nucléaires. Il faut un acte très courageux pour nous sortir de cette voie meurtrière dans laquelle nous semblons être présentement.
Avec le peu de temps qui me reste, j'aimerais revenir à M. Byers qui a dit que si le Canada adoptait une telle mesure, il y aurait des pressions manifestes de la part des États-Unis.
Voyez-vous d'autres conséquences pour le Canada sur le plan équilibre? Vous avez laissé entendre que nous pourrions gagner un certain prestige international, mais au prix d'une hostilité des États-Unis. Ai-je bien compris ce que vous avez dit plus tôt?
Les premiers ministres canadiens n'ont jamais eu peur de s'opposer aux États-Unis sur certaines questions, tout en étant un proche partenaire sur d'autres. De fait, c'est Pierre Trudeau qui a dit aux États-Unis de retirer toutes leurs armes nucléaires du territoire canadien, faisant le premier pas vers le genre de mesures que Mme Mason préconise.
Quant aux retombées positives, Mme Mason a tout à fait raison; un mouvement réel et important vers le désarmement nucléaire à l'échelle mondiale est indispensable, car sinon ce serait l'augmentation de la prolifération menant, en fin de compte, à un accident ou à une escalade résultant du fait qu'un pays se sent menacé par un adversaire. Combien d'autres générations devront vivre sous la menace lugubre d'une guerre nucléaire? Si nous ne faisons rien maintenant, nous n'éviterons pas à nos enfants ce risque à l'avenir. Mme Mason a donc absolument raison. Le moment n'est pas le plus propice pour entamer un tel processus. Il faudra beaucoup de courage; mais c'est une chose que le gouvernement canadien pourrait faire pour poursuivre les progrès réalisés par Pierre Trudeau.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame Mason, si je comprends bien votre position, vous dites essentiellement que l'OTAN devrait faire pression contre les armes nucléaires parce qu'en posséder n'a aucune valeur stratégique. Ai-je raison?
J'ai dit que tant qu'il y aura des armes nucléaires, leur seule utilité sera de décourager les autres d'en utiliser. Par conséquent, la première étape logique pour l'OTAN serait de cesser d'utiliser sa supposée « riposte graduée » et de se débarrasser de son énoncé, de sa position voulant que l'OTAN ait besoin d'armes nucléaires pour éviter la guerre; elle devrait déclarer que, tant qu'il y a des armes nucléaires, leur seule utilité est de décourager les autres de s'en servir.
Pas dans le vide, sans aucune raison.
M. Mark Gerretsen: Bon.
Mme Peggy Mason: Non, la fonction de l'OTAN n'est pas d'exercer son pouvoir militaire. Elle est d'être une alliance défensive. C'est là son objet.
D'accord.
Vous avez témoigné devant ce comité le 25 octobre 2012, et vous avez dit ce qui suit:
Tout d'abord, à mon avis, l'OTAN n'est pas l'ONU et elle ne devrait pas gaspiller un temps, des efforts et des ressources précieux à tenter de reproduire le rôle de l'ONU dans la gestion des crises. Les membres de l'OTAN devraient plutôt s'efforcer de déterminer la meilleure façon d'appuyer le rôle militaire de l'ONU dans la gestion des crises...
Vous avez poursuivi en disant:
Comme l'ont fait remarquer de nombreux témoins avant moi, la valeur ajoutée que présente l'OTAN est sa capacité militaire.
Vous ne semblez pas dire ce que vous avez dit ici il y a cinq ans. Qu'est-ce qui a changé votre opinion?
Je ne sais pas comment vous interprétez des mots simples, mais il n'y a aucune contradiction dans ces commentaires. Ce que je disais au sujet de l'OTAN...
À la fin de la guerre froide, lorsque l'OTAN tentait de se réinventer, elle s'est engagée dans des opérations humanitaires et des opérations de maintien de la paix. Tout cela a mené à son rôle en Afghanistan, qui n'a pas produit un résultat heureux. On peut voir le désastre qu'est l'Afghanistan aujourd'hui.
M. Mark Gerretsen: Je sais, mais...
Mme Peggy Mason: Une partie ...
M. Mark Gerretsen: ... ce que je veux dire, c'est...
Mme Peggy Mason: ... de ce que je...
Vous l'avez, mais malheureusement, c'est la façon dont nous fonctionnons ici: nous posons les questions et vous y répondez.
Allez-y, monsieur Garrison.
M. Mark Gerretsen: Pouvez-vous arrêter l'horloge, monsieur le président?
J'invoque le Règlement, monsieur le président. Malheureusement, il semble que nous nous dirigeons maintenant vers ce qui s'est déjà passé ici, soit l'intimidation de témoins. Je demanderais à M. Gerretsen d'être courtois envers le témoin, envers tous les témoins, comme nous le sommes normalement.
Je suis extrêmement reconnaissant, monsieur le président, aux témoins qui sont ici aujourd'hui. Mais quand je pose une question, et quand la réponse ne répond pas à ma question et que mon temps est limité, je crois que j'ai le droit d'essayer d'obtenir réponse à ma question.
Je vais reprendre, si vous le permettez.
Je m'excuse, madame Mason, si je semble vous bousculer. C'est simplement que je dispose d'un temps limité.
Il me semble que quand vous avez comparu devant le Comité, il y a cinq ans, vous étiez en faveur d'un rôle de pouvoir et de force militaires pour l'OTAN. Et aujourd'hui, j'ai l'impression que vous dites que l'OTAN devrait s'écarter d'un tel rôle.
Je ne dis même pas que vous avez tort si vous avez une opinion différente aujourd'hui par rapport à il y a cinq ans. J'essaie simplement de comprendre ce qui a changé depuis.
Je serais très heureuse de présenter à nouveau ce témoignage et de laisser tout le monde lire ce que j'ai dit. Vous en avez pris une petite partie et vous l'avez développée en une interprétation bizarre. Nous ne disons pas si l'OTAN doit avoir un pouvoir militaire ou non. Il s'agit de savoir si l'OTAN a besoin d'armes militaires ou non, et pas seulement besoin d'armes nucléaires, mais des armes nucléaires pour éviter la guerre; en d'autres termes, pas seulement pour décourager d'autres de les utiliser. On arrive finalement au fait que si l'OTAN déclare avoir besoin de ces armes nucléaires pour éviter la guerre, qu'elle ne peut assurer la sécurité sans elles, ça laisse entendre aux autres qu'ils en ont besoin aussi. Nous prenons l'exemple d'un État bien plus faible, la Corée du Nord, et le comparons à l'OTAN.
M. Mark Gerretsen: Bon...
Mme Peggy Mason: Il y a le problème que si vous prenez une chose hors contexte et posez une question qui fait appel à une réponse bien pensée, cette réponse sera plus longue que deux ou trois secondes.
Malheureusement, ce n'est pas moi qui établis les règles. Je ne suis qu'une des 338 personnes qui contribuent aux règles de fonctionnement de ces séances.
Je le ferai. Merci beaucoup.
Monsieur Byers, vous parliez d'une occasion pour le Canada de se déclarer le premier pays exempt d'armes nucléaires. Je crois que c'étaient les termes que vous avez employés dans une de vos réponses. Il me semble que cela soulève deux problèmes. Premièrement, nous n'avons pas d'armes nucléaires maintenant, c'est donc très simple de déclarer que nous sommes une zone exempte d'armes nucléaires. Mais aussi, il y a l'avantage que nous procure notre emplacement géographique, là où nous sommes dans le monde, ce qui fait qu'il est très facile pour nous de lancer une telle affirmation.
Rendrions-nous un mauvais service aux autres membres de l'OTAN si nous faisions cela, si nous tentions de le projeter, compte tenu de l'emplacement géographique des autres pays dans des environnements hostiles?
Tout d'abord, une petite correction: il y a des dizaines de pays qui sont déclarés zone exempte d'armes nucléaires dans le monde. De plus, une des dispositions du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, dont le Canada est partie, prévoit un nombre encore plus élevé de zones exemptes d'armes nucléaires, et, de fait, l'administration Obama encourageait les zones exemptes d'armes nucléaires.
Ce que je dis n'est donc pas inhabituel. Je suis désolé que cela vous surprenne.
Non, non, je cherche simplement à savoir ce que vous avez dit. J'ai cru vous entendre dire que le Canada devrait être le premier... Est-ce que je me trompe?
Je disais que le Canada devrait envisager de se joindre aux dizaines d'autres pays en déclarant officiellement qu'il est une zone exempte d'armes nucléaires — ce qui est, de fait, le cas.
D'accord. Merci. Mais compte tenu de notre emplacement géographique, ne pensez-vous pas qu'il est très facile pour nous de déclarer cela, étant donné que nous sommes si proches des États-Unis et que nous pouvons compter sur eux, comme nous l'avons fait pendant si longtemps?
À moins que vous ne suggériez que nous devrions encourager les États-Unis à ramener et à déployer des armes nucléaires dans le territoire canadien, je ne vois pas la nécessité d'une discussion ici. Nous sommes exempts d'armes nucléaires. Pierre Trudeau a décidé que ce serait le cas, et nous avons maintenu cette position pendant des décennies.
Madame Mason parle de trouver des occasions diplomatiques pouvant aider cet effort de dénucléarisation du monde, ce que souhaitent bien des gens et bien des pays, et je signale simplement que c'est une des nombreuses options que le Canada pourrait envisager.
Mais je reviens au fait que le traité visant l'interdiction des armes nucléaires qui vient tout juste d'être adopté est ce qui est le plus important. Le Canada pourrait signer et ratifier ce traité et rester membre de l'OTAN. Je ne comprends pas pourquoi nous n'étions pas à cette conférence de négociation, pourquoi nous n'avons pas signé et pourquoi nous n'envisageons pas la ratification pour l'instant. C'est un mystère pour moi, parce que ça manque de cohérence. La position actuelle ne concorde pas avec des décennies d'histoire diplomatique canadienne.
Monsieur le président, je vous remercie.
Merci aux trois témoins d'être revenus devant le Comité.
J'adresse mes questions principalement à M. Byers et à Mme Charron. Deux sujets m'intéressent, un étant la Russie et l'autre la reconstruction après conflit. Ce comité a entendu un très grand nombre de témoignages sur la crise Russie-Ukraine et son impact sur l'Europe et le Canada — et il a, de fait, visité l'Ukraine. D'un autre côté, il y a la Russie qui est un joueur dans l'Arctique. C'est la même Russie, les mêmes leaders qui dirigent des activités de diplomatie, de négociation et de défense.
Sur le plan de l'Arctique, comment voyez-vous l'axe Canada-Russie se placer face au conflit actuel dans la région de Donbass — pas nécessairement s'y harmoniser, mais s'ériger contre?
Je dis tout d'abord que nous pouvons marcher et mâcher de la gomme en même temps. Le monde est un endroit très complexe. Il y a beaucoup de théâtres dans lesquels nous continuons à coopérer avec la Russie. L'Europe occidentale importera cet hiver des quantités massives de gaz naturel russe pour chauffer des maisons dans des pays de l'Europe occidentale membres de l'OTAN. Nous participons aux activités de recherche et sauvetage sur toutes les frontières entre la Russie et des pays membres de l'OTAN — par exemple, pour les États-Unis, au niveau de la mer de Béring et du détroit de Béring; c'est une relation très étroite.
Nous sommes dans un monde très complexe où il y a un grand nombre d'interdépendances, et quand un pays se comporte aussi monumentalement mal que la Russie, nous prenons de sévères mesures contre lui, y compris de fortes sanctions ciblées. Mais ça ne veut pas dire que nous sommes en guerre avec la Russie. Ça veut dire que nous gérons la relation — exprimant notre désapprobation, appliquant des sanctions, mais aussi souhaitant travailler ensemble quand c'est possible pour ramener la relation à un niveau plus sain.
Félicitations à l'ancien ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, pour son effort de rapprochement avec la Russie au sujet de l'Arctique l'an dernier. Je crois que c'était un bon pas en avant. Il a été fait dans le contexte où votre gouvernement était assez ferme concernant le comportement de la Crimée et de la Russie dans l'Est de l'Ukraine. Une fois de plus, on peut marcher et mâcher de la gomme en même temps.
Mon message concernant la Russie est simple: ne soyons pas naïfs. C'est un pays qui cherche à affaiblir l'OTAN et les pays membres de l'OTAN, comme le Canada, un pays qui tentera de nous diviser. En réaction, nous devrions faire preuve de fermeté et de maturité et mener des activités de diplomatie constantes afin d'aiguiller ce pays vers de meilleures conditions. Ce n'est jamais facile. Mais c'est pour ça que nous avons un si merveilleux service extérieur et c'est pour ça que nous avons de si merveilleuses forces armées, nous donnant les outils dont nous avons besoin pour participer à cette danse complexe et absolument vitale.
Nos points de vue sont très semblables. Chaque fois que nous avons une occasion de continuer à dialoguer avec la Russie dans des domaines positifs, nous devrions continuer à le faire. L'unique but de notre engagement avec la Russie dans l'Arctique est d'abord et avant tout l'amélioration de la vie des habitants du Nord. Nous ne voulons pas leur nuire au nom d'autres enjeux politiques. Ce ne serait tout simplement pas logique.
Je conviens que notre politique étrangère pourrait avoir différentes directions. Nous imposons des sanctions pour certaines activités. Nous encourageons la participation à d'autres. Ce n'est pas toujours la même chose. C'est l'art de la diplomatie.
Merci beaucoup.
Je passe à mon deuxième sujet. Nous avons entendu un témoignage fort intéressant et fascinant l'autre jour sur le rôle de la reconstruction après conflit et la répartition du travail entre les diverses organisations internationales, l'OTAN, les Nations unies, l'OSCE, en ce qui a trait à la dimension cinétique des conflits, à l'interposition des forces armées au besoin et au dur travail subséquent pour la reconstruction après le conflit.
Il plane encore une certaine... je ne dirais pas doctrine, mais une certaine philosophie, pour ainsi dire, voulant que nous ne participions pas à la construction de nations; pourtant, dans le cas de tant de conflits, la construction de nations se fait et, de fait, est cruciale s'il faut éviter une deuxième, troisième voire une quatrième répétition du conflit dans une même région.
Comment voyez-vous le thème de reconstruction après conflit à l'OTAN? Comment cette organisation devrait-elle ne pas nécessairement faire elle-même le travail, mais avoir des liens vers ceux qui font bien ce travail, et faire en sorte que les États membres de l'OTAN adoptent tant une perspective pangouvernementale qu'une perspective d'ensemble du conflit par le truchement d'une résolution réussie?
Très rapidement, il me semble que c'est précisément ce que disait Mme Mason il y a cinq ans dans son témoignage qui a été contesté. L'OTAN est parfois très utile pour marquer des limites dans une situation d'après-conflit où il faut encore prendre des mesures de coercition ou bien où des activités de maintien de la paix sont nécessaires. Eh puis, des organisations telles que les Nations unies, qui peuvent effectuer une grande partie du travail important d'après-conflit à un bien moindre coût et avec plus d'expérience, ont un rôle vraiment important à jouer.
Nous l'avons vu, par exemple, en Afghanistan, où les Nations unies et l'OTAN ont travaillé côte à côte pendant des années pour essayer de gérer ces différents objectifs. Nous ne devrions pas être exclusifs à ce sujet. Nous devrions soutenir ces deux organisations et d'autres encore. Le Canada devrait participer à des opérations de maintien de la paix de l'ONU et nous devrions jouer un rôle actif à l'OTAN. Il n'y a là aucune contradiction.
Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais remercier les témoins de leur participation à notre étude sur l'OTAN. Elle est très importante et complexe.
Mes premières questions seront pour Andrea Charron. Étant donné les tensions croissantes entre les États intéressés en ce qui concerne la souveraineté dans l'Arctique, quel rôle devrait jouer l'OTAN et quelles sont les conséquences et les perspectives potentielles d'une militarisation accrue de l'Arctique par toutes les parties?
Je demanderai d'abord quels États en particulier ont des désaccords sur la souveraineté dans l'Arctique. Ce serait ma première question. Nous avons plusieurs processus à notre disposition pour délimiter, entre autres, les frontières maritimes qui ne le sont pas encore. Vous faites sans doute référence au prolongement des plateaux continentaux. Les États se soumettent tous à un processus. Personne ne dit que l'Arctique canadien n'est pas canadien et que l'Arctique américain n'est pas américain. Nous ergotons peut-être en marge, nous avons sans doute des problèmes avec les règles que nous avons mises en place dans ces territoires, mais cela ne signifie pas que la souveraineté disparaît. Je suppose que j'ai besoin d'un peu plus de clarification.
Quant à ce que fait l'OTAN, eh bien, ce n'est pas du tout son rôle. Ce sont des traités, des règlements et des processus de l'ONU qui sont à respecter, pas ceux de l'OTAN.
Je vais préciser. Nous assistons à la militarisation de l'Arctique. Si la Russie fait une chose, puis que nous en faisons une autre, à qui incombe-t-il de vérifier qu'il n'y a pas de militarisation de l'Arctique? Nous la voyons se faire en ce moment.
Là encore, je n'en suis pas certaine, surtout dans le contexte canadien. Par exemple, nous attendons, entre autres, l'entrée en service des navires de patrouille extracôtiers et de l'Arctique, mais ce sera une plateforme pangouvernementale pilotée par la marine, avec cependant la GRC et Environnement Canada, etc. Pour moi, il ne s'agit pas de la militarisation de l'Arctique.
À mon avis, on avait avant un cloisonnement de la défense, la sécurité et la sûreté. L'armée s'occupait de la défense, la GRC de la sécurité, et les ambulances et la police locale, de la sûreté. Ce que nous voyons maintenant, c'est un continuum du tout. L'environnement est tellement complexe dans l'Arctique. Les militaires ont, par exemple, la capacité aérienne dont nous avons souvent besoin pour y acheminer de l'équipement, donc nous les faisons participer. Cela ne veut pas nécessairement dire que nous assistons à une militarisation, toutefois, surtout dans l'Arctique canadien.
Je vous remercie.
Ensuite, l'OTAN est entrée dans une décennie dangereuse avec la Russie, à mon avis. Est-il possible de venir à bout des tensions entre la Russie, l'OTAN et l'Europe de l'Ouest depuis l'invasion de l'Ukraine ou de les atténuer? C'est très inquiétant. Jusqu'où ira la Russie et comment réagira l'OTAN?
J'espère qu'elle réagira comme à présent, très prudemment. Nous restons dans les limites de notre mandat. Nous sommes là pour soutenir en particulier nos alliés de l'OTAN qui ont des frontières avec la Russie ou qui en sont proches, mais ce n'est pas à l'OTAN toute seule de régler le problème. Comme vous le savez, nous avons des sanctions contre la Russie, tout comme l'Union européenne et d'autres États, donc ce n'est pas à l'OTAN de régler la question. Ce sera une affaire multilatérale qui fera intervenir plusieurs organisations et plusieurs États. Il est à espérer que nous passerons à des pourparlers diplomatiques avant de commencer à suggérer un nécessaire recours à la force.
Par ailleurs, quel devrait être le rôle de l'ONU dans ce conflit? Je sais qu'elle en a un, mais quel devrait être son rôle par la suite?
C'est toujours difficile, évidemment, parce que la Russie fait partie des membres permanents, qu'elle a donc un droit de veto et qu'elle va veiller à ce qu'aucune mesure ne soit prise contre elle au Conseil de sécurité de l'ONU. C'est pourquoi les Nations unies sont tellement importantes, parce que nous avons quelque chose qui s'appelle l'Assemblée générale à laquelle siègent tous les États membres et qui peut être l'occasion d'apartés. Je pense que tout ce que nous pouvons faire, c'est encourager les conversations, au lieu de se montrer forcément intransigeants et de dire que le moment est venu pour l'OTAN de prendre les choses en mains.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui. Je tiens à leur dire que mes questions seront formulées en français.
Lors de la précédente rencontre de notre comité, un témoin nous a dit que, lorsque nous observons la situation en Arctique, nous nous devions d'analyser les actions de la Russie dans une perspective différente de celle du conflit en Ukraine.
Madame Charron et monsieur Byers, êtes-vous d'accord sur cette affirmation? Devrions-nous avoir une lorgnette spéciale pour la région de l'Arctique ou devrions-nous plutôt avoir un jugement unilatéral à l'égard de la Russie et de ses actions?
[Traduction]
Je redirai simplement pour commencer que l'Arctique est une région immense. La Russie en possède plus ou moins la moitié, incontestablement, au regard du droit international, parce que c'est le plus grand pays du monde et qu'il a un très long littoral arctique. Pour l'essentiel, ce que nous voyons, pour ce qui est du soi-disant renforcement de la présence militaire russe dans l'Arctique, est une réponse à la fonte des glaces qui fait, entre autres, que la voie maritime septentrionale qui longe les côtes arctiques russes devient accessible aux navires étrangers. Sept cargos étrangers ont emprunté la voie maritime du Nord l'été dernier. Alors, la Russie augmente sa capacité policière, sa capacité de recherche et de sauvetage dans l'Arctique russe.
Ce qui complique aussi les choses, c'est que la flotte nordique russe est basée dans la péninsule de Kola, près de Mourmansk, et que ses sous-marins nucléaires quittent l'Arctique russe pour rejoindre l'océan Atlantique et d'autres océans. Il est très difficile de dire s'il s'agit d'un renforcement de la présence dans l'Arctique ou dans le monde. L'armée russe ne s'est pas effondrée, mais très nettement détériorée dans les années 1990, et la Russie a entrepris de reconstituer ses capacités. Là encore, je ne suis pas naïf à propos de la Russie, mais il est important de comprendre ce contexte.
L'Arctique canadien est loin de l'Arctique russe. Un océan les sépare, un océan très hostile. La Russie ne veut pas de notre Arctique. Elle a déjà bien à faire avec le sien. Il ne s'agit pas d'un domaine où un acteur russe rationnel irait dire que le pays doit renforcer sa propre sécurité. Les Russes ne s'intéressent pas à l'Arctique canadien. Nous ne nous intéressons pas à l'Arctique russe. Nous avons un certain luxe en la matière. Nous ne sommes pas comme la Norvège. Nous ne sommes pas voisins directs.
Pour répondre simplement à votre question, je dirai qu'on peut être très inquiet devant le comportement de la Russie dans d'autres régions du monde, mais qu'il n'y a pas urgence dans l'Arctique et, en tout cas, aucune raison pour nous de dépenser des milliards pour répondre à une menace qui n'existe pas.
[Français]
Oui, je pense la même chose. Nous devrions continuer de discuter avec la Russie au sujet de l'Arctique.
[Traduction]
La Russie est très productive dans l'Arctique. Nous avons quantité d'ententes. Nous avons besoin d'elle pour la recherche et le sauvetage. En effet, comme M. Byers essayait de le dire, je crois, nous devons faire confiance et vérifier en ce qui a trait à l'Arctique. Tant que la relation est productive et que la Russie respecte le droit international, cette relation devrait être encouragée et elle devrait continuer. C'est sur son voisinage immédiat et sur l'Europe que la Russie concentre actuellement son agressivité.
J'ai juste une petite question pour Mme Charron.
Vous avez écrit précédemment, et vous en parliez aujourd'hui, au sujet des exercices de l'OTAN dans l'Arctique, que vous ne les jugiez pas prudents à l'heure actuelle, étant donné les tensions avec la Russie. Pouvez-vous nous dire quand vous les jugeriez prudents? À quel moment se justifieraient-ils?
J'ai dit que je ne veux pas d'exercices de l'OTAN dans l'Arctique « canadien ». Que de tels exercices ne seraient pas prudents.
Je pense qu'il devra se produire de grands événements avant d'en arriver là, mais je ne crois pas que ce sera de sitôt.
Je vous remercie.
Je tiens à remercier les témoins de leur présence.
Pour faire suite au commentaire de M. Gerretsen, madame Charron, vous parlez de ne pas avoir d'exercices dans l'Arctique. Nous faisons nos propres exercices tous les ans, l'opération Nanook. Pourquoi n'inviterions-nous pas d'autres pays membres de l'OTAN à y participer? Je crois que ce que le Canada peut apporter à l'OTAN, entre autres choses, c'est sa capacité arctique, et l'entraînement en fait partie. Nous allons bientôt y avoir la base navale de Nanisivik, et nous allons avoir nos patrouilleurs arctiques. Est-ce que nous ne voudrions pas collaborer avec certains de nos alliés de l'OTAN dans le cadre d'exercices?
J'aimerais faire quelques observations. Tout d'abord, nous invitons certains alliés de l'OTAN à participer aux exercices. Nous avons eu le Danemark, nous avons les États-Unis, etc. Nous pouvons continuer, mais c'est parce que ces alliés sont proches de notre Arctique. C'est logique pour les opérations de recherche et de sauvetage, par exemple.
Ensuite, Nanisivik ne sera pas une base navale. Ce sera un lieu de stockage de carburant quand...
Prenons l'OTAN, toutefois, du point de vue de l'Atlantique Nord et de la région arctique européenne, où sont les faiblesses et comment y remédions-nous? Nous parlons de prolifération de sous-marins. Nous assistons à une recrudescence d'activité, surtout de la part de la Russie, dans l'Atlantique Nord et, comme vous le mentionniez, elle n'est pas bien surveillée. Est-ce que nous parlons d'une augmentation du nombre de sous-marins et de quelle manière le Canada y contribue-t-il? Qu'en est-il des drones et des systèmes sans pilote pour surveiller ces régions? Je suis à la recherche d'autres idées sur le sujet.
Je crois qu'il s'agit d'une région particulière, le passage GIRU, c'est-à-dire le passage Groenland-Islande-Royaume-Uni qui mène à l'Atlantique Nord. C'est une région où nous avions auparavant, avec le Commandant suprême allié Transformation ou SACT, une surveillance stratégique de la coordination d'exercices et de la collaboration stratégique. À présent, à mon avis, nous avons bien encore des liens opérationnels tactiques, mais parce que notre attention s'est reportée sur des choses comme le terrorisme, la Méditerranée et tout le reste, nous avons peut-être oublié de revenir à l'Atlantique Nord pour nous assurer d'y avoir les capacités et la coopération nécessaires.
Si nous prenons « Protection, Sécurité, Engagement » et les sous-marins de la classe Victoria qui ne sont pas près d'être remplacés, que recommanderiez-vous par rapport aux sous-marins tactiques, d'un point de vue canadien, dans le cadre de la mission de l'OTAN?
Je ne suis en rien spécialiste des sous-marins, il ne m'appartient donc pas de dire quels sont les besoins militaires. Ce que disent beaucoup de professionnels, c'est que globalement, l'OTAN et ses alliés ont laissé leurs capacités de lutte anti-sous-marine s'atrophier, en tant que fonction des différents types de conflits qui se produisent. Le moment est peut-être venu de se demander s'il faut revisiter ce type d'entraînement.
Monsieur Byers, vous avez parlé de l'acquisition de navires de guerre. Je sais que vous parliez plus particulièrement des navires de combat de surface et des navires de patrouille extracôtiers et de l'Arctique, mais qu'en est-il des sous-marins dans le cadre de la mission de l'OTAN?
Je suis heureux que vous posiez la question parce qu'il est urgent qu'on se demande, au gouvernement et plus généralement, s'il est nécessaire de remplacer la classe Victoria. Si nous voulons avoir des sous-marins par la suite, la capacité, nous devons nous décider très rapidement. L'acquisition de sous-marins est un long processus. La classe Victoria vieillit beaucoup — on peut encore l'utiliser, mais elle est très vieille —, ce qui veut dire que nous devons avoir cette discussion, ce débat, au sein de votre comité dès à présent. Et ce, sans que je prenne parti pour son remplacement ou pas, mais la question doit être posée.
En tant que professeur de l'UBC sur la côte Ouest, où nous avons trois sous-marins, alors que nous n'en avons qu'un sur la côte Atlantique, je sais que vous vous sentez bien protégé à Vancouver, mais que diriez-vous d'une flotte plus importante dans la région de l'Atlantique dans le cadre de la mission de l'OTAN?
Un de ces sous-marins devrait être envoyé à Halifax, une fois réparé et prêt à prendre la mer. L'idée est d'en avoir deux par flotte, mais évidemment, le projet a été retardé et bousculé quantité de fois. Par conséquent, nul ne sait quand il se concrétisera. Pour résumer, vous avez besoin de votre sous-marin sur la côte Est et nous avons besoin de notre ravitailleur sur la côte Ouest, mais pour l'instant, nous ne voyons rien venir à l'horizon.
Ce que je veux dire, c'est qu'il est temps de secouer Seaspan et Irving pour que ces acquisitions avancent, et vite, en partie en raison des engagements pris envers l'OTAN et en partie parce que nous n'aurons pas de marine fonctionnelle si nous n'accélérons pas les choses.
Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence. J'apprécie toujours la conversation quand vous êtes tous là.
Madame Charron, nous avons beaucoup entendu dire et je pense que la plupart des gens en général diraient que nous sommes réputés ou connus ou jugés bons en ce qui a trait à la formation, à l'aide humanitaire et peut-être au maintien de la paix et pour des choses de ce genre. À votre avis, devrions-nous nous en tenir à cela? Est-ce que c'est dans ces domaines que nous excellons et est-ce ce que nous apportons de mieux à l'OTAN? Pensez-vous que nous devrions nous y cantonner, peut-être dans un rôle de force stabilisatrice ou d'aide à la reconstruction après des conflits?
Je ne pense pas. Nous avons des Forces armées canadiennes aptes au combat qui feront ce que le gouvernement canadien leur demandera de faire. Il appartient au gouvernement canadien de décider de ce qu'elles feront. Je ferai remarquer que depuis 1990, le Canada a participé à plus d'opérations menées par l'OTAN ou par les États-Unis que par l'ONU
Je crois que ce que M. Byers voulait dire, c'est que nous pouvons faire les deux. Il ne s'agit pas de faire l'un ou l'autre. Il s'agit que le gouvernement canadien dise aux Forces armées canadiennes où elles doivent aller et elles feront ce qu'on leur demande.
Excellent. Je vous remercie.
Monsieur Byers, je sais qu'on a discuté en long et en large de la question de l'OTAN dans l'Arctique. Je suis surpris du temps qu'on y a consacré ce soir, alors qu'hier, le sujet n'a fait l'objet que d'une question. Abstraction faite de vos observations... et je suis d'accord avec presque tout ce que vous avez dit, que nous ne voulons pas aller dépenser des milliards, qu'il n'y a actuellement aucun signe d'agression de la part de la Russie et que ce pays se trouve à des milliers de kilomètres.
Je repense à ce que vous avez évoqué dans vos observations préliminaires — excusez-moi si je paraphrase un peu et si je me trompe —, une conversation que vous avez eue il y a quatre ans avec quelqu'un au sujet de l'utilité de l'OTAN où la personne pensait à l'époque que l'Organisation ne servait à rien et qu'elle ne devrait probablement pas exister. À présent, il y a les questions électorales, les référendums, les problèmes liés à Internet. Vous avez dit que nous sommes mieux ensemble. Il ne fait aucun doute que dans la conjoncture actuelle, nous avons besoin de l'OTAN et nous devons participer à ses activités.
Je me demande si vous savez ce que ce professeur, votre ami, dirait aujourd'hui, à peine quatre ans plus tard, connaissant le commentaire sur l'OTAN dans l'Arctique et sachant qu'il n'y a aucun signe d'agression de la part de la Russie... dont nous sommes, il est vrai, séparés par des milliers de kilomètres. J'aimerais savoir si vous avez reparlé à ce monsieur. Savez-vous s'il a changé d'avis sur l'utilité de l'OTAN et sur notre participation à ses activités?
Je suis désolé d'avoir mis autant de temps à formuler ma question.
La personne dont je parlais est Jack Granatstein, qui est un des plus fervents défenseurs de longue date d'une armée canadienne forte. Il y a deux ou trois ans que je ne lui ai pas parlé, mais je suis certain qu'il est convaincu que nous devrions rester dans l'OTAN. Je tiens à préciser qu'en 2013, il ne préconisait pas notre sortie de l'OTAN. Il posait tout simplement la question. Il la mettait sur la table.
La question ne se pose plus. Nous devons rester dans l'OTAN. Nous devons soutenir l'Organisation. Dans l'Arctique, cependant, nous devons faire preuve d'intelligence. Nous devons reconnaître que le monde est complexe et qu'il y a des endroits dangereux qui requièrent notre attention. L'Arctique canadien n'en fait pas partie. Nous devons améliorer notre surveillance. Je parlais de faire passer la Constellation RADARSAT à six satellites.
J'aimerais attirer votre attention sur le projet des satellites météorologiques et de communications sur orbite polaire, qui prévoyait deux satellites multimission en orbite polaire qui répondraient à ces objectifs civils et militaires. Malheureusement, il est tombé dans les oubliettes au changement de gouvernement, il y a deux ans, mais il faudrait le reprendre pour la surveillance, en association avec les collectivités et les gouvernements des régions septentrionales, avec de nouveaux investissements dans la flotte de brise-glace de la Garde côtière canadienne. Je sais qu'il en est question, ce qui est une bonne chose. Les navires de patrouille extracôtiers et de l'Arctique ne sont pas des brise-glace. Ils ne peuvent pas se rendre partout en tout temps. Nous avons aussi besoin de ces navires rouges et blancs. Ce sont également des plateformes multimission, comme le seront les NPEA. Ils pourraient jouer quantité de rôles, y compris de gendarmes, ce qui sera très important à mesure que la fonte de la glace marine et les changements climatiques ouvriront l'Arctique canadien à la navigation.
Je vous remercie, monsieur Byers. J'ai une bonne idée de ce que vous recommanderiez à notre gouvernement si vous le pouviez.
Madame Charron, avez-vous une recommandation? Si vous pouviez recommander une mesure au gouvernement sur le maintien ou l'augmentation de notre participation à l'OTAN, quelle serait-elle? Je crois que M. Byers a dit qu'il secouerait les constructeurs navals.
Je pense qu'il a raison. Si nous n'avons pas les capacités nécessaires pour participer, alors... On disait dans le temps que le Canada dînait à la table de l'OTAN, mais que, quand l'addition arrivait, il partait en courant. Nous voulons nous assurer que ce n'est pas le cas.
Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais revenir à l'ambassadrice Mason à propos du rôle que le Canada pourrait jouer au sein de l'OTAN au sujet du désarmement nucléaire. La déclaration — le nom m'échappe toujours, mais je crois qu'il s'agissait de l'Examen du dispositif de dissuasion et de défense de l'OTAN en 2012 — disait, entre autres, qu'un des objectifs de l'OTAN était de « créer les conditions pour un monde sans armes nucléaires ». Objectif réaffirmé au Sommet de Varsovie en 2016.
Pourriez-vous nous donner une idée de ce que l'OTAN veut dire par cette déclaration, « créer les conditions pour un monde sans armes nucléaires »?
Je vous remercie beaucoup de votre question. C'est en fait très difficile de savoir. J'entends par là que l'OTAN dit cela, tout comme elle dit, dans le document du 20 septembre dont je parlais, que le TNP est la pierre angulaire de l'architecture internationale de la non-prolifération et du désarmement. Évidemment, aux termes du TNP, toutes les parties sont tenues de mener des négociations de bonne foi vers le désarmement nucléaire, mais ce n'est manifestement pas ce que fait l'OTAN.
Ce que j'essaie de dire, c'est que l'OTAN s'engage en fait dans la mauvaise direction avec ce processus de modernisation alarmant qui verra de nouvelles armes nucléaires tactiques placées dans des pays de l'OTAN ne possédant pas l'arme nucléaire. Cet engagement à créer les conditions nécessaires pour arriver à un monde sans armes nucléaires est une sorte de déclaration officielle, mais qui n'est pas suivie d'effet, à mon sens. Or, l'OTAN ferait bien d'y donner suite.
En fait, je crois que ce changement de position par rapport au nucléaire, ce passage d'une réponse graduée à une déclaration très claire de non-recours en premier — l'argument étant que la seule fonction que l'OTAN voit à ses armes nucléaires est une fonction dissuasive — est facile pour l'OTAN, franchement, et pourtant, le message serait tellement puissant si l'OTAN se donnait vraiment cet objectif et reconnaissait donc, bien sûr, qu'aussi longtemps qu'il y a des armes nucléaires dans le monde, il faut user de dissuasion, et seulement de dissuasion, et que, par conséquent, l'OTAN va faire un premier pas dans ce sens.
Elles n'ont pas été ajoutées au Traité parce que la position de l'OTAN sur le nucléaire ne fait évidemment pas partie du Traité. Il s'agit d'une politique, examinée et modifiée assez régulièrement. Il y a une longue histoire de notes sur divers aspects de la politique. Elles ne concernent pas nécessairement la politique nucléaire, mais les pays membres y recourent en cas de désaccord sur des éléments particuliers. Elles renforcent l'idée qu'il s'agit d'une politique et pas d'une obligation prévue par le Traité et, donc, cette mesure peut être prise, même s'il est évident qu'il faudrait l'accord de...
En fait, les notes permettent aux différents pays de se soustraire à certains aspects de la politique. L'exemple le plus célèbre est celui de la France qui ne fait pas partie du Groupe des plans nucléaires. Donc, même si l'OTAN repose sur le consensus, lorsqu'elle fait des déclarations positives, il existe ce mécanisme très intéressant qui permet d'avoir des points de vue différents sur des aspects particuliers de la politique. Il donne une marge de manoeuvre au Canada et à d'autres qui souhaitent faire avancer les choses, ouvrir un dialogue. Ce n'est pas un « tout ou rien ». On ne dit pas que la politique doit changer demain. On peut dire, non, nous ne sommes pas d'accord sur ce point, nous prenons cette mesure maintenant. Avec un peu de chance, cela permet d'engager un dialogue avec d'autres sur d'autres mesures que nous pouvons prendre.
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