JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 26 avril 2001
Le vice-président (M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.)): Ce matin, trois personnes vont témoigner. Nous accueillons, le sous-ministre du ministère de la Sécurité publique du Nouveau-Brunswick, M. Donald Dennison, et M. Bob Eckstein, qui est consultant. M. Phil Arbing, conseiller provincial, Justice et services correctionnels, représente le Cabinet du procureur général de l'Île-du-Prince-Édouard.
Messieurs, avez-vous décidé qui va commencer?
D'habitude, nous accordons dix minutes à chaque témoin pour faire une déclaration. Aujourd'hui, je vais me montrer quelque peu accommodant, car nous n'avons que trois témoins; alors, ne vous inquiétez pas si vous prenez quelques minutes de plus. Ensuite, nous allons commencer à poser des questions, et c'est là où les choses deviennent intéressantes.
Qui aimerait commencer? Monsieur Dennison?
M. Donald Dennison (sous-ministre, ministère de la Sécurité publique du Nouveau-Brunswick): Bonjour. Je suis très heureux d'avoir l'occasion de témoigner ce matin devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
Je suis accompagné de Bob Eckstein, un consultant que le ministère de la Sécurité publique du Nouveau-Brunswick a chargé du programme des jeunes contrevenants.
• 0940
Le ministère de la Sécurité publique est un nouveau ministère.
Il regroupe ce qui était précédemment le ministère du Solliciteur
général, ainsi que des segments de quatre autres anciens ministères
du gouvernement provincial, et il a été créé pour inscrire les
questions ayant trait à la sécurité publique dans une nouvelle
perspective et y accorder une plus grande attention.
Ce matin, au cours de ma présentation, j'aimerais me concentrer sur deux thèmes. Premièrement, l'importance que nous accordons aux programmes communautaires et deuxièmement, le partenariat instauré de longue date avec le gouvernement fédéral dans le domaine de la justice.
Comme nous l'avons indiqué dans la note que nous avons adressée au président du comité, le Nouveau-Brunswick a toujours appuyé l'esprit et la philosophie qui sous-tendent la législation fédérale en ce domaine. Les programmes établis au Nouveau-Brunswick démontrent que nous avons déjà fait de bonnes avancées, dans la ligne de la législation fédérale. Nous avons mis en oeuvre un plan de trois ans relatif aux services communautaires et correctionnels, et il existe dans toute la province des programmes d'assistance intensive pour les jeunes, axés par exemple sur le traitement de la toxicomanie et des mesures de rechange.
Le principe que nous appliquons est de n'utiliser la garde en milieu fermé qu'en dernier ressort, et c'est une approche qui donne de bons résultats. Nos taux d'incarcération, en ce qui concerne les jeunes, ont chuté sensiblement, et c'est dans notre province que le nombre des affaires résolues grâce à la probation plutôt qu'à la garde en milieu ouvert ou fermé est le plus élevé au Canada.
Quel va être, selon nous, l'impact de ce nouveau texte législatif? Tout d'abord, même si nous appuyons sans aucune réserve la philosophie et l'approche dont il témoigne, nous trouvons que ce projet de loi est plutôt compliqué, notamment en ce qui concerne les dispositions relatives à la détermination de la peine et au calcul de cette peine.
La Loi sur les jeunes délinquants comptait moins de 30 pages. La Loi sur les jeunes contrevenants comportait 70 articles, et le projet de loi C-7, la nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, contient plus de 190 articles. À cause de la longueur et de la complexité de ce texte législatif, les parents et les jeunes auront plus de difficultés à comprendre la signification et la portée de la loi, et il faudra donc fournir plus de documentation pour l'expliquer. Deuxièmement, respecter des prescriptions comme celles qui s'appliquent, entre autre, aux groupes consultatifs, au renvoi à des organismes de protection de la jeunesse, dans le cadre de l'article 35, ou à la préparation de déclarations sur les répercussions des crimes sur les victimes, grèvera davantage les ressources provinciales.
Nous ne remettons pas en cause le fait qu'il s'agit de mesures utiles ou nécessaires. Nous le reconnaissons, mais le Nouveau- Brunswick estime également qu'elles devraient être mises en oeuvre dans le cadre d'un véritable partenariat avec le gouvernement fédéral. Nous nous sommes engagés sans réserve à coopérer avec le gouvernement fédéral pour appliquer certaines mesures dans le domaine de la justice, comme le démontre l'initiative du Canada et du Nouveau-Brunswick concernant les délinquants adultes. Je vais vous en parler brièvement, car il s'agit d'une mesure très importante qui, à notre avis, indique dans quelle voie nous devrions nous diriger.
Cette initiative a été lancée et mise au point par le président du comité, Andy Scott, et par mon ministère. Dans ce cadre, nous avons réussi à fermer sept des 11 établissements réservés aux délinquants adultes au Nouveau-Brunswick, et ces détenus sont maintenant dirigés vers des établissements fédéraux qui ne sont pas utilisés à pleine capacité et, ce qui est plus important, où il existe, à cause du plus grand nombre de détenus qui s'y trouvent, la masse critique nécessaire pour offrir des programmes de traitement efficaces. Les économies réalisées grâce à la fermeture de ces sept établissements provinciaux—le dernier a été fermé tout récemment, l'an dernier—sont directement réinvesties dans des programmes communautaires. C'est la raison pour laquelle il s'agit d'une excellente initiative.
Au Nouveau-Brunswick, les détenus qui purgent des peines d'une durée de plus d'un an ou les délinquants sexuels condamnés à la prison pour plus de six mois sont emprisonnés dans des établissements fédéraux où ils peuvent bénéficier d'une plus vaste gamme de programmes que dans nos prisons provinciales. Les économies réalisées à la suite de la fermeture des établissements provinciaux sont directement réinvesties dans des programmes communautaires.
Nous pensons que le comité, un autre jour et dans le cadre d'une série d'audiences différentes, devrait peut-être s'intéresser à cette innovation et voir si elle ne peut pas servir de modèle pour appliquer des mesures semblables ailleurs au Canada.
• 0945
À notre avis, il est tout à fait justifié d'envisager qu'un
niveau de gouvernement soit chargé de l'exploitation des
pénitenciers, alors qu'un autre assume la responsabilité de
services communautaires.
Nous ne remettons absolument pas en cause notre partenariat avec le gouvernement fédéral. Nous estimons qu'il devrait également exister un véritable partenariat au plan financier. Au départ, en 1985, le coût des programmes et des services destinés aux jeunes était assumé à part égale, mais la situation s'est détériorée au point où aujourd'hui, la contribution fédérale représente moins du tiers de ce coût. Cela pose deux problèmes au Nouveau-Brunswick.
Premièrement, nous n'avons pas la possibilité d'envisager la même solution que celle pour laquelle nous avons opté en ce qui concerne les établissements pour adultes, c'est-à-dire les fermer et injecter les économies ainsi réalisées dans des programmes communautaires. Nous ne pouvons pas procéder ainsi en ce qui concerne les établissements réservés aux jeunes, car nous n'en avons qu'un.
Cet établissement, organisé sur le modèle de la communauté thérapeutique—c'est d'ailleurs, à notre avis, et comme l'ont reconnu d'autres personnes, probablement le meilleur établissement de ce type qui existe dans le pays—, ne peut pas être fermé car c'est le seul que nous ayons. Nous sommes persuadés qu'il peut devenir plus multifonctionnel. Le nombre de jeunes qui purgent des peines en milieu fermé baisse, et nous sommes convaincus que cet établissement pourrait devenir un centre pour les jeunes.
Le deuxième problème auquel nous sommes confrontés—et c'est un problème qui est lié au financement des prescriptions contenues dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents qu'on se propose d'adopter—c'est que les budgets du Nouveau- Brunswick réservés aux services sociaux sont déjà mis à rude épreuve à la suite de la baisse du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, le TCSPS. Cela signifie qu'il est plus difficile pour nous de trouver les fonds supplémentaires que nous voulons injecter dans des programmes communautaires destinés aux jeunes. C'est plus difficile car nous avons déjà du mal, avec les fonds que nous réservons aux services sociaux, à respecter nos engagements et à financer les services généraux de santé et d'éducation.
Pour conclure, monsieur le président, nous souhaitons que le principe du partenariat soit pleinement respecté et qu'on revienne à une formule de financement à part égale avec le gouvernement fédéral en ce qui concerne les services réservés aux jeunes. Nous bénéficions d'un financement de transition, mais éventuellement, il sera supprimé. Nous avons besoin d'un financement soutenu, pour qu'existe un véritable partenariat à long terme. Nous appuyons la mise en oeuvre de cette législation et nous voulons travailler en étroite collaboration avec le gouvernement du Canada à cet égard.
Nous serons très heureux de répondre à vos questions. Comme je l'ai dit, je suis accompagné de Bob Eckstein, notre conseiller, qui a consacré de nombreuses années à ce domaine et qui peut répondre aux questions que vous pourriez avoir à propos de notre présentation.
Merci.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Dennison.
Monsieur Eckstein, voulez-vous dire quelques mots?
M. Bob Eckstein (consultant, ministère de la Sécurité publique, province du Nouveau-Brunswick): Je vais juste ajouter quelques commentaires à la déclaration de M. Dennison.
Une des grandes difficultés auxquelles nous faisons face découle des nouvelles dispositions sur la détermination de la peine contenues dans le projet de loi, car à l'heure actuelle—je le souligne—, nous n'avons qu'un seul établissement de garde en milieu fermé. C'est un établissement qui fonctionne très bien et où l'on offre un nombre considérable de programmes.
Quant à la garde en milieu ouvert, au Nouveau-Brunswick, nous avons un système communautaire sur lequel l'appareil judiciaire compte beaucoup. Il comprend des foyers d'accueil et des foyers de groupe, et les jeunes de notre province fréquentent l'école normalement et utilisent les ressources qui existent déjà au sein des collectivités. Ce n'est pas un système qui repose sur le concept de la garde en établissement, c'est plutôt un programme qui entre dans le cadre des services de protection de la jeunesse. Il est très difficile de prendre des ressources qui sont précieuses, puisque les collectivités en bénéficient, et de les investir dans autre chose, car cela laisse un vide.
Nous voulons conserver les services que nous offrons aux jeunes détenus pour que ceux qui en ont vraiment besoin puissent en bénéficier. Nous voulons également avoir la capacité de donner plus d'envergure aux services communautaires, mais nous n'avons tout simplement pas l'argent nécessaire pour agir en ce sens. Je pense qu'il est vraiment important de souligner cela.
Vu les nouvelles dispositions du projet de loi C-7, qui prévoit des ordonnances de placement et de surveillance, un grand nombre de jeunes, au moment de leur réinsertion dans la société... Il va falloir, en particulier, que nous ayons de solides programmes axés sur la famille, parce que tous les jeunes qui sont libérés reviennent au sein de la collectivité. Ils retournent habituellement dans le milieu d'où ils sont venus. Si vous leur posez la question, c'est exactement là où ils veulent aller, et il est donc logique de travailler en collaboration avec les familles et les collectivités concernés. C'est la raison pour laquelle nous possédons à l'heure actuelle un bon régime de garde en milieu ouvert.
• 0950
Au cours des trois ou quatre dernières années, nous avons
réduit le nombre de jeunes placés dans des établissements de garde
en milieu ouvert et en milieu fermé, et ce, de manière
significative. Notre taux de détention a chuté—je crois que le
chiffre que je vais citer est exact—de 34 sur 10 000 en 1996 à
23,5 sur 10 000 au cours de l'exercice 1999-2000. À mon avis, c'est
une baisse importante. Nous sommes sur la bonne voie. Nous
approuvons l'orientation de cette loi et la philosophie qui
l'inspire, mais nous faisons face à un gros problème. Comment
allons-nous financer à long terme l'infrastructure communautaire
sur laquelle vont compter les tribunaux si le projet de loi et les
nouvelles dispositions sur la détermination de la peine sont
adoptés? Je pense qu'il est important de souligner cela.
L'autre question sur laquelle je souhaite m'attarder est celle de la formation. Cela va s'avérer très coûteux pour les autorités compétentes. Nous apprécions l'aide financière accordée par le gouvernement fédéral au titre de la formation du personnel qui doit appliquer les nouvelles politiques et procédures. Toutefois, au cours des deux ou trois prochaines années, cette formation va devoir prendre plus d'ampleur, notamment dans le domaine du calcul des peines.
Nous travaillons en collaboration avec les autorités de la Saskatchewan et le gouvernement fédéral pour mettre au point un algorithme, ainsi que des règles d'application et un manuel portant sur le calcul des peines, mais la loi est très complexe. C'est un épais document, et il va falloir que nous donnions une formation poussée à notre personnel dans le domaine de la détermination de la peine, notamment dans les situations où il faut, par exemple, calculer la peine globale ou dans les cas où des délinquants ne respectent pas les conditions de leur probation au sein de la collectivité.
Le taux de manquement aux conditions de la probation est déjà de 20 à 26 p. 100 dans ce pays. Dans le cadre des nouvelles dispositions sur le manquement aux conditions de la probation, notamment les articles 102, 103 et 109 du projet de loi C-7, nous allons avoir grand besoin d'équipes affectées à la surveillance des jeunes qui vont demeurer au sein de la collectivité. Ce sont des jeunes qui présentent des risques moyennement ou très élevés et qui, nous l'espérons, bénéficieront d'ordonnances différées de placement, ainsi que des jeunes qui, une fois libérés, doivent être réinsérés au sein de la collectivité. Ils vont avoir énormément besoin d'avoir accès à des programmes, et c'est ce à quoi les tribunaux vont s'attendre. Ils vont s'attendre à ce qu'il y ait certains manquements aux conditions de la probation.
Nous souhaitons que la surveillance exercée au sein de la collectivité soit plutôt prise en charge par des services d'assistance que par des services chargés de l'exécution de la loi. Dans le contexte de ces nouvelles dispositions, dont nous approuvons l'esprit, il nous faut simplement des ressources supplémentaires pour intervenir, au sein de la collectivité, auprès de ces jeunes contrevenants souvent difficiles, et également pour offrir un soutien aux familles.
Merci.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Eckstein.
Monsieur Arbing.
M. Phil Arbing (conseiller provincial, Justice et services correctionnels, Cabinet du procureur général de l'Île-du-Prince- Édouard): Bonjour, monsieur le président, et messieurs et mesdames les membres du comité permanent.
Je représente le Cabinet du procureur général de l'Île-du- Prince-Édouard, le ministère responsable de l'administration de la justice. Nos responsabilités sont nombreuses et elles comprennent l'exécution de la loi concernant les jeunes contrevenants.
Je vous remercie de m'avoir invité et de me donner l'occasion de vous présenter cet exposé, dans lequel je vais vous faire part de certaines de nos préoccupations et formuler des suggestions pour amender le projet de loi C-7. Nous sommes conscients du fait que le système de justice pour les jeunes est à l'étude depuis plusieurs années et, comme notre province a participé aux discussions tenues à divers niveaux, le contenu de notre présentation ce matin va se limiter à certains points. Cinq d'entre eux concernent la loi, un sa mise en oeuvre et un les ressources.
Le premier point sur lequel je souhaite faire quelques brèves observations est la nécessité d'introduire plus de souplesse dans les dispositions habilitantes sur le soutien des familles. Nous reconnaissons qu'il est important, et même nécessaire, non seulement de prendre des mesures en réaction au comportement criminel de certains jeunes, mais également de fournir un soutien aux membres de leurs familles. Entretenir les relations familiales et obtenir un soutien adéquat des parents et leur participation est essentiel pour aider les jeunes qui ont maille à partir avec la justice, répondre à leurs besoins et réduire la probabilité qu'ils continuent à avoir un comportement de délinquant. Ainsi, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents devrait donc comporter des dispositions habilitantes aussi souples que possible sur la prestation de services de soutien aux jeunes et aux membres de leurs familles, particulièrement lorsque les parents ont du mal à faire face ou sont incapables de soutenir adéquatement l'enfant ou l'adolescent dont le comportement est criminel.
Les accords de partage des coûts, qui prévoient le versement de contributions financières du gouvernement fédéral à l'appui des objectifs fixés dans ce projet de loi, devraient également permettre de faire preuve de la souplesse maximale compatible avec les principes et la politique qui le sous-tendent.
Nous proposons trois changements. Premièrement, nous suggérons d'amender la déclaration de principes, plus particulièrement le sous-alinéa 3(1)c)(iii), pour exiger qu'un soutien adéquat soit fourni aux parents et à la famille étendue. Cela s'ajouterait aux prescriptions concernant la simple participation des parents à la procédure.
• 0955
Deuxièmement, nous suggérons que l'article 156, selon lequel
des accords seront conclus avec les provinces, soit amendé de façon
à prévoir qu'un soutien sera fourni aux familles. L'énoncé actuel
prescrit des versements aux provinces pour compenser les coûts liés
aux soins et aux services fournis aux jeunes. Nous suggérons de
prévoir également la prestation d'un soutien ou de services
adéquats aux familles. Cela assurera que les futurs accords
reflètent ce changement et le prennent en compte.
Troisièmement, nous suggérons d'amender l'article 157 concernant la prestation de programmes communautaires par les provinces et d'y ajouter un paragraphe portant sur des programmes de soutien aux parents et aux donneurs de soins qui aident un enfant ou un adolescent à modifier son comportement criminel, par exemple, des programmes axés sur le rôle parental, le renforcement des liens familiaux ou le counselling.
Le deuxième point sur lequel nous souhaitons attirer votre attention concerne les groupes consultatifs dont il est question à l'article 19. Le concept de groupe consultatif est plutôt vague et indéterminé. Une province peut établir des règles à ce sujet, mais elle n'est pas tenue de se conformer à une norme minimale, ni de répondre à certaines attentes. Ainsi, même si des règles peuvent être établies, elles ne s'appliquent pas aux groupes consultatifs constitués par le juge d'un tribunal pour adolescents ou un juge de paix.
Nous suggérons de prescrire dans la loi une norme, une exigence ou des attentes minimales, qui pourraient être le fondement de règles permettant d'assurer un minimum de cohérence et de prévisibilité dans l'approche adoptée par les intervenants. En outre, pour assurer un niveau de responsabilisation plus élevé et pour promouvoir la confiance du public dans ce système, tous les groupes consultatifs devraient être tenus de respecter des règles et des normes minimales.
Monsieur le président, le troisième point porte sur l'article 35, qui concerne l'aiguillage vers un service d'aide sociale à l'enfance. L'objectif de cette disposition est certainement digne d'intérêt; toutefois, dans cet article, on ne fait pas de distinction entre l'aide sociale à l'enfance et la protection de l'enfance. La législation provinciale oblige déjà à établir des rapports. Aucune définition de «service d'aide sociale à l'enfance» n'est donnée. À l'heure actuelle, cette disposition ne fixe aucun critère en ce qui concerne les raisons de l'orientation vers de tels services, les résultats qu'on doit en attendre et, entre autres questions de procédure, l'établissement de rapports à l'intention du tribunal.
Il est également intéressant de noter que cette disposition ne prévoit que la possibilité d'adresser un jeune à un service d'aide sociale à l'enfance, et ne mentionne aucun des autres services spéciaux, comme ceux dont pourraient avoir besoin les toxicomanes.
On peut également s'interroger sur les raisons pour lesquelles cet objectif ne pourrait pas être atteint en appliquant d'autres dispositions du projet de loi, comme l'article 34 qui porte sur les rapports médicaux et psychologiques ou l'article 40 relatif aux rapports présentenciels ou encore d'autres dispositions sur les évaluations et les plans de gestion des cas ou de réinsertion sociale.
Nous croyons savoir qu'on demandera peut-être de supprimer l'article 35. Une autre possibilité serait d'amender cet article et de donner une définition de ce qu'on entend par service d'aide sociale à l'enfance ou les autres options d'aiguillage comme celles qui sont approuvées par notre province. Si l'on s'attend seulement à ce que les jeunes soient adressés à un organisme, il n'est pas nécessaire d'exiger qu'un rapport soit envoyé au tribunal.
Le quatrième point sur lequel nous souhaitons attirer l'attention du comité concerne les peines imposées aux jeunes, plus particulièrement celles dont il est question au paragraphe 42(7) qui porte sur le programme intensif de réadaptation et l'ordonnance de placement sous garde et de surveillance. Cette disposition ne s'applique qu'aux délinquants qui ont commis des infractions désignées.
Il y a d'autres délinquants à risque élevé qui ont un comportement complexe et qui pourraient bénéficier de cette approche, notamment les jeunes de moins de 14 ans. Nous proposons donc que le paragraphe 42(7) soit amendé pour donner au tribunal le pouvoir discrétionnaire d'utiliser cette option en matière de détermination de la peine dans le cas de délinquants qui ont commis un crime de violence, à condition que ce soit compatible avec le but et les principes énoncés à l'article 38 et avec les dispositions sur le placement sous garde de l'article 39. En pratique, nous proposons que l'alinéa 42(7)a) soit amendé pour se lire comme suit: «l'adolescent a été déclaré coupable d'une infraction désignée ou d'avoir récidivé en commettant de multiples crimes de violence», ou qu'un énoncé similaire soit adopté.
Cinquièmement, il y a une question qui est pour nous un sujet de préoccupation constant, c'est l'application. Même si ce projet de loi comprend plusieurs dispositions de l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants, on y trouve également de nouveaux concepts et de nouveaux termes, et son application et son administration requièrent de nombreuses procédures nouvelles ou modifiées. En pratique, cette loi est très complexe. Il est important que nous disposions d'assez de temps pour étudier son incidence et sa portée dans notre province. De nombreuses options et plusieurs changements en matière de politique doivent être considérés. Lorsque nous aurons pris des décisions sur les orientations de notre politique, il nous faudra les élaborer davantage et les intégrer à des activités de communication et d'éducation, et prévoir également les ressources qu'il faudra consacrer à la formation, ainsi que les documents et les méthodes nécessaires, avant de fournir des services d'éducation et de formation à de nombreux intervenants appartenant à l'appareil judiciaire et aux services publics, ainsi qu'aux groupes communautaires intéressés ou touchés par ces mesures.
• 1000
En outre, il y aura beaucoup de travail à faire pour examiner
les services, établir de nouvelles priorités, élaborer une
politique et des méthodes opérationnelles et enfin, étudier et
remettre au point des systèmes d'information et de maintenance des
dossiers. Cela n'exigera pas seulement des ressources, mais de
multiples efforts au cours d'une période qui doit être suffisamment
longue. Tout cela requiert un travail intensif de la part des
autorités compétentes, ainsi que des efforts considérables de
coordination et de collaboration entre le gouvernement fédéral, les
provinces et les territoires, afin de s'assurer que la loi est
appliquée méthodiquement et effectivement.
Nous devons coopérer, et les autorités de l'Île-du-Prince- Édouard sont tout à fait disposées à poursuivre leur collaboration avec le gouvernement fédéral. Si une période d'une durée adéquate n'est pas prévue pour appliquer la loi méthodiquement et de façon réfléchie, nous risquons de voir s'éroder la confiance du public dans le système de justice pour les jeunes, sans parler de sa confiance dans la nouvelle loi ni du soutien qu'il pourrait lui apporter.
Encore une fois, la plupart de ces initiatives ne peuvent être prises avant que le contenu définitif de la loi soit connu. Monsieur le président, le comité n'a peut-être pas le pouvoir de fixer la date à laquelle cette loi entrera en vigueur, mais nous demandons respectueusement que le comité étudie la possibilité de fixer un délai de 12 à 15 mois entre l'adoption de ce texte législatif et son entrée en vigueur, et recommande instamment que ce délai soit prévu. À notre avis, si nous ne faisons pas ce qu'il faut comme il faut, nous courons de grands risques en ce qui concerne la confiance que le public peut avoir dans cette loi.
J'aimerais maintenant attirer l'attention du comité sur mon sixième point, qui touche les considérations financières et les ressources. Le gouvernement fédéral a accordé une aide financière supplémentaire pour faciliter la transition et la mise en oeuvre de la loi, nous le reconnaissons et nous l'apprécions, mais lorsque la loi sera pleinement en vigueur, la province devra engager de nouvelles dépenses et fera face à des coûts très élevés. Même si plusieurs nouvelles dispositions, comme les mesures extrajudiciaires, sont facultatives pour les provinces, il ne fait aucun doute qu'à l'échelle nationale et parmi la population, notamment les groupes d'intérêt concernés, on s'attendra à ce que des mesures, même minimales, soient prises pour mettre en oeuvre ces dispositions ou on exercera des pressions pour que la province les applique.
Le principe de la déjudiciarisation et le fait qu'on met l'accent sur les interventions communautaires sont louables, mais il reste à déterminer les nouveaux liens à établir entre le système officiel et les services communautaires, et à décider comment réaffecter les ressources pour pouvoir, d'une part, satisfaire à des obligations plus strictes et, d'autre part, élaborer une vaste gamme de solutions de rechange communautaires.
De plus, étant donné la petite taille de notre province et le fait que notre capacité actuelle est limitée, nous aurons à faire face au défi que représente l'obligation de fournir des services spéciaux, qu'il s'agisse du soutien transitoire à offrir aux jeunes qui viennent d'être remis en liberté, des programmes de surveillance et de réadaptation intensives ou de placement, ou encore de programmes de traitement ou d'évaluations cliniques.
Nous proposons que le comité considère la possibilité de recommander le versement d'un financement additionnel, éventuellement sur une base progressive, pour que dans trois à cinq ans, la contribution financière du gouvernement fédéral se rapproche autant que possible de la moitié des coûts, conformément aux accords conclus en ce sens au cours des premières années de l'application de l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants. Je le répète, des ressources financières adéquates seront essentielles pour mettre en place un système de justice efficace pour les jeunes, un système dans lequel le public aura confiance, qu'il comprendra et qu'il soutiendra.
Enfin, monsieur le président, je voudrais soulever la question de l'examen et de l'évaluation. Au début de mon exposé, j'ai mentionné que le système de justice pour les jeunes est à l'étude depuis de nombreuses années. Sans doute le sera-t-il encore longtemps. C'est reconnaître qu'il est improbable qu'une nouvelle loi soit dans l'intérêt de tous et réponde à toutes les attentes. On demandera sans doute régulièrement que la loi soit modifiée, étant donné l'importance de ce texte législatif pour les jeunes de notre pays et pour la société en général.
Il sera nécessaire d'évaluer et de réexaminer l'efficacité de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Nous proposons donc que le comité recommande que cette loi soit obligatoirement examinée avant la fin des cinq premières années qui s'écouleront à compter de son entrée en vigueur et que la loi comprenne une disposition à cette fin.
Pour conclure, monsieur le président, si nous formulons ces observations et si nous vous faisons part de nos préoccupations, si nous attirons votre attention sur certains points et si nous faisons des suggestions d'amendement, c'est pour que ce texte législatif, sa mise en oeuvre et son administration soient plus efficaces. Ainsi, on pourra mieux répondre aux besoins des jeunes dont le comportement est criminel et à ceux des membres de leurs familles en quête de services de soutien, et le public sera de cette façon mieux protégé.
Merci.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Arbing.
Pour l'information des témoins, au premier tour, chaque député dispose de sept minutes pour poser des questions, et cela comprend le temps qu'il faut pour y répondre. Donc, si un député fait un discours de sept minutes, ce n'est même pas la peine de lui répondre. Vous allez voir que j'adore couper la parole aux membres du comité. Mais je ne coupe jamais la parole à un témoin au beau milieu d'une explication qu'il est en train de donner. Sur ce, allons-y.
Monsieur Cadman.
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, AC): Merci, monsieur le président. Je ne vais pas prendre sept minutes, vous le savez bien.
Vous avez exprimé des préoccupations qui nous ont déjà été communiquées par certaines autres provinces, je vais donc vous poser la même question que celle que j'ai posée aux témoins qui ont comparu hier. Le ministre a déclaré que des consultations approfondies avaient été menées à propos de ce texte; or, j'entends des observations sur des questions qui, me semble-t-il, auraient dû être réglées lors de ces consultations. J'aimerais que chacun d'entre vous me dise quelle est son impression, qu'est-ce qu'il en a véritablement été de ces consultations. Est-ce que le gouvernement a vraiment écouté ce que vous disiez? Y a-t-il eu le genre de consultations que le gouvernement décrit?
M. Bob Eckstein: C'est une bonne question. Il y a eu certaines réunions concernant cette loi. Cela fait environ trois ans que cela dure. Quant à savoir s'il s'agissait de véritables consultations, une des choses que nous aurions souhaitées, c'était la possibilité d'examiner à fond certains des problèmes importants qui découlent de la complexité de ce projet de loi. Nous aurions probablement pu régler certaines des questions que soulève le projet de loi et le rendre plus acceptable pour les provinces.
En ce qui concerne la consultation des autorités compétentes, je sais que nous avons eu la possibilité de tenir quelques réunions dans notre province, mais dans la plupart des cas, elles ont eu lieu après que le projet de loi ait été mis au point. Au départ, il s'agissait du projet de loi C-3, maintenant, c'est le projet de loi C-7. Nous aurions dû pouvoir tenir des consultations au niveau local sur l'impact du projet de loi sur les jeunes de la province et sur la société en général et ensuite, on aurait pu présenter le texte dans le cadre d'un forum national et prendre en considération les réactions des collectivités et des jeunes.
M. Chuck Cadman: Autre chose?
M. Phil Arbing: M. Eckstein a probablement résumé la situation à laquelle nous avons fait face ces quelques dernières années. Manifestement, il serait utile d'en savoir plus à l'avance sur les propositions concrètes. Nous nous rendons compte que cela pose certaines difficultés d'ordre protocolaire, mais nous sommes aussi impliqués dans ce projet, donc, si nous pouvons travailler tous ensemble dès le départ, les difficultés ou les obstacles que nous pouvons rencontrer au fur et à mesure que le projet prend forme seront moins nombreuses.
M. Chuck Cadman: Bien.
Deuxièmement, je vous ai entendu parler de complexité. On a mentionné à plusieurs reprises que la loi était complexe, et quelqu'un a dit qu'elle était plus difficile à comprendre par la population et par les jeunes. Nous avons entendu certains juges dire qu'ils avaient des difficultés à la comprendre. Il semble donc que ce texte est jugé difficile par certains professionnels, pas seulement par la population. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela, du fait que les gens qui, en fait, doivent exécuter cette loi ont de la difficulté à la comprendre.
M. Bob Eckstein: Une des choses dont nous avons parlé dans notre province—il y en a plusieurs, et je vais donc vous répondre en deux temps—c'est qu'il n'y a pas beaucoup d'infractions désignées au Nouveau-Brunswick—je pense qu'au cours des deux ou trois dernières années, il y en a eu deux—mais lorsque ce genre de cas se présente, les dispositions qui s'appliquent sont très complexes et difficiles à comprendre. Il va falloir que les procureurs et les avocats de la défense connaissent bien cette loi, et les avocats de l'aide juridique, ceux qui vont représenter ces jeunes, vont avoir besoin de temps pour assimiler ce texte et pouvoir défendre les jeunes de façon appropriée, à cause de la complexité de certaines de ces dispositions, notamment les nouvelles prescriptions concernant la détermination de la peine.
À mon avis, c'est là que se loge la complexité, dans nombre des dispositions concernant le nouveau régime de détermination de la peine qui est envisagé. Cela va prendre beaucoup de temps pour que les gens comprennent, étant donné, notamment, la complexité des calculs nécessaires pour déterminer les peines globales, comme je l'ai déjà indiqué. Les parents disent qu'ils ne comprennent pas la Loi sur les jeunes contrevenants. De mon point de vue, les jeunes eux-mêmes vont avoir de la difficulté à comprendre, dans cette loi- ci, beaucoup des nouvelles dispositions sur la détermination de la peine et le calcul des peines globales, et à savoir, par exemple, si on va leur imposer des peines consécutives après des manquements, lorsqu'ils font l'objet d'une ordonnance différée de placement ou de surveillance au sein de la collectivité ou qu'ils en sont au stade de la réinsertion après avoir été libérés. Cela va donc prendre du temps pour amener le public à comprendre le système complexe de détermination de la peine en vertu de cette loi.
M. Chuck Cadman: Quelqu'un d'autre veut-il intervenir à ce propos? Monsieur Arbing?
M. Phil Arbing: La complexité de ce texte, dans une petite province comme la nôtre, présente également des difficultés, parce qu'il est probable que les dispositions ne seront pas appliquées fréquemment. Donc, que ce soit les procureurs de la Couronne, les avocats ou les juges, ils auront besoin de bons documents de référence à consulter, pour pouvoir traiter ce genre de dossiers, essentiellement, au cas par cas.
• 1010
Je ne vois pas comment pourrait se développer une certaine
routine. Heureusement, sans doute, ce genre d'affaire ne se
présente pas souvent, mais ce sera difficile. Si l'on prépare
convenablement la documentation nécessaire, comme je l'ai dit dans
mes remarques liminaires, si l'on fait ce qu'il faut, à mon avis,
cela se révélera très utile en ce qui concerne la façon dont nous
exécutons cette loi et la manière dont elle est perçue. Nous
n'avons certes pas besoin d'attirer de la part de la population des
commentaires négatifs sur ce que nous essayons de faire ensemble.
M. Chuck Cadman: J'ai juste une dernière question. Le problème des coûts est un autre point qui a été soulevé plusieurs fois. Pouvez-vous nous dire, sans nécessairement citer des chiffres exacts, mais, en gros, quel sera selon vous l'impact financier dans vos provinces respectives?
M. Bob Eckstein: C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. Nous sommes encore en train d'évaluer l'impact global, mais nous pensons que c'est dans le domaine des ressources pour les services de première ligne qu'il se fera le plus lourdement sentir. Nous savons déjà ce que coûte un programme d'assistance et de surveillance intensives. Nous avons lancé des programmes d'assistance intensive dans notre province il y a déjà quatre ans, donc nous savons ce que coûte le counselling, les services intensifs qui sont fournis par les organismes communautaires qui travaillent avec ces jeunes. Nous savons qu'il y aura un lourd impact financier dans ce domaine. À l'heure actuelle, nous faisons une analyse d'impact sur les services offerts aux victimes, lorsque les tribunaux décident qu'ils veulent savoir quelles sont les répercussions du crime sur la victime pour déterminer la peine. Nous examinons cela. Nous examinons également l'impact financier sur la réinsertion sociale des nombreux jeunes qui sont libérés, et nous essayons de voir de quel ordre sont ces coûts. Il y a donc véritablement un impact sur les ressources de la collectivité.
Par ailleurs, cela va alourdir la tâche du personnel chargé de la probation et de la surveillance communautaire, à cause du niveau de surveillance auquel on va s'attendre à ce que beaucoup de ces jeunes soient soumis lorsqu'ils sortent de prison. Si des ordonnances de surveillance leur sont imposées à tous lorsqu'ils sont remis en liberté, il va falloir que cette surveillance soit beaucoup plus intensive, sinon, ils ne vont pas respecter les conditions. Nous ne voulons pas que cela arrive, et il va donc falloir leur offrir des programmes d'intervention en santé mentale et des programmes d'éducation de rechange. La moyenne d'âge de nos jeunes contrevenants est de 16,2 ans. Nous voulons essayer de coopérer avec eux pour leur donner le désir de changer, mais cela requiert beaucoup d'interventions de la part d'équipes de surveillance, et cela coûte de l'argent.
Nous avons commencé à faire des analyses, mais il serait difficile de vous donner un ordre de grandeur à l'heure actuelle.
M. Chuck Cadman: Monsieur Arbing.
M. Phil Arbing: Nous ne savons pas précisément ce que sont ces coûts. Tous les secteurs de l'appareil judiciaire voudraient savoir ce que cela implique, la police, les procureurs de la Couronne et d'autres. La difficulté, je crois, dans une petite province, c'est de fournir des services minimums, qu'il s'agisse de services communautaires ou de garde ou d'autres programmes offerts dans les établissements, qui, tous, coûtent cher à l'unité. Il va être difficile de réaménager les budgets de dépense, même si nous sommes d'accord pour concentrer nos efforts sur d'autres domaines. On ne peut pas nécessairement éliminer des unités ni éliminer des programmes pour en lancer d'autres, et c'est donc le défi que nous allons avoir à relever. Le financement provisoire qui nous a été consenti a certainement été utile, mais à long terme, comme je l'ai dit dans mes remarques, nous souhaiterions une contribution supplémentaire et plus élevée de la part du gouvernement fédéral.
M. Chuck Cadman: Quelqu'un a suggéré qu'il aurait été plus judicieux que le gouvernement fédéral fasse une analyse de coût approfondie avec les provinces avant de déposer ce projet de loi. Êtes-vous d'accord?
M. Bob Eckstein: Puis-je également ajouter quelque chose à ce propos?
M. Chuck Cadman: Bien sûr.
M. Bob Eckstein: Il y a un autre point qu'il est important, selon moi, de prendre en compte dans le cas d'une petite province. Nous l'avons déjà signalé, nous avons seulement un établissement de garde en milieu fermé. Nous le réservons aux cas de délinquance les plus graves auxquels nous faisons face dans la province. Le traitement de ce type de délinquants coûte cher. Dans ces conditions, tenter de prendre des ressources allouées à cet établissement pour financer des services communautaires laissera un vide en ce qui concerne le genre de traitements qui seront fournis à ces jeunes.
Par ailleurs, dans une province aussi petite que le Nouveau- Brunswick, 52 p. 100 de la population habite dans des collectivités rurales. Il n'existe pas de grand centre où il y a beaucoup de jeunes. Dans ces conditions, il est difficile d'envisager des programmes réunissant de nombreux participants ou des programmes à grande échelle, pour des groupes. Nous sommes obligés de nous rabattre dans bien des cas sur le counselling individuel. Le transport représente également un coût important.
• 1015
Je voulais juste souligner cela, parce qu'il y a des
répercussions dans une petite province, notamment parce que ce sont
des programmes de type rural qui doivent être organisés la plupart
du temps.
M. Chuck Cadman: Mais à votre avis, est-ce qu'une analyse approfondie, effectuée au préalable, aurait été utile?
M. Bob Eckstein: Je crois.
M. Chuck Cadman: Monsieur Arbing?
M. Phil Arbing: Cela aurait certainement été utile.
M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Madame Venne.
[Français]
Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Merci, monsieur le président. Bonjour, messieurs.
Je vous trouve quand même très polis envers le gouvernement fédéral quand vous dites que vous appuyez la philosophie de la loi, mais que vous trouvez cette loi très complexe et très difficile d'application. Si je saisis bien vos propos, c'est une façon de dire que vous n'êtes pas tout à fait d'accord.
J'aimerais d'abord vous poser quelques questions sur l'article 24, qui prévoit que les poursuites d'adolescents seront menées par le procureur général de la province ou avec son consentement. Cette disposition, quant à moi, limite le recours aux poursuites privées et n'existait pas dans la Loi sur les jeunes contrevenants.
J'aimerais savoir quelle est l'expérience de vos deux provinces en matière de poursuites privées de jeunes contrevenants.
[Traduction]
M. Bob Eckstein: Je vais laisser M. Arbing répondre à cette question en premier.
M. Phil Arbing: C'est un sujet dont on n'a pas particulièrement discuté dans l'Île-du-Prince-Édouard—du moins à ce que je sache.
[Français]
Mme Pierrette Venne: D'accord. Est-ce qu'il en a été de même pour vous?
M. Bob Eckstein: C'est la même chose au Nouveau-Brunswick. Je ne pense pas que ce soit un problème dans le moment.
Mme Pierrette Venne: Ce n'est pas quelque chose qui vous préoccupe.
Pour ce qui est de la détention des jeunes contrevenants, vous avez mentionné tout à l'heure que le Nouveau-Brunswick n'avait qu'une seule prison. Pour ce qui est de l'Île-du-Prince-Édouard, on n'a pas eu de commentaires là-dessus. J'aimerais savoir s'il arrive que les jeunes contrevenants soient incarcérés dans le même établissement que les adultes. Est-ce que les jeunes sont incarcérés dans le même établissement que les adultes, ou s'il y a un établissement complètement différent qui les accueille? Est-ce qu'il peut arriver, à l'occasion, que des jeunes contrevenants soient incarcérés avec des adultes?
[Traduction]
M. Bob Eckstein: Au Nouveau-Brunswick, les délinquants adultes et les jeunes contrevenants ne sont pas incarcérés dans le même établissement. Il existe un établissement de garde en milieu fermé pour les jeunes contrevenants. On y compte en moyenne entre 70 et 75 jeunes. Vingt-huit autres sont sous garde en milieu ouvert dans des foyers de groupe, et dans deux cas, ce sont des jeunes qui sont traités pour leur toxicomanie. Il y a également 30 à 40 jeunes dans des foyers d'accueil. Nous n'incarcérons pas les jeunes contrevenants avec des adultes.
[Français]
Mme Pierrette Venne: Merci. Et chez vous, qu'en est-il?
[Traduction]
M. Phil Arbing: Dans l'Île-du-Prince-Édouard, c'est la même chose, nous avons un établissement qui sert à la garde en milieu fermé. Il y a deux petits établissements réservés à la garde en milieu ouvert, et toute une série de foyers privés—pour ce qu'on appelle les placements résidentiels de rechange—que nous utilisons également pour mettre en pratique le concept de garde en milieu ouvert. Nous ne plaçons pas les jeunes avec des délinquants adultes quand il a été décidé de les mettre sous garde.
[Français]
Mme Pierrette Venne: D'accord. Merci.
Voici ma dernière question: avez-vous un programme ou des services destinés aux victimes des jeunes contrevenants?
[Traduction]
M. Bob Eckstein: À l'heure actuelle, au Nouveau-Brunswick, les services dont peuvent se prévaloir les victimes de crimes perpétrés par des jeunes ne sont pas aussi nombreux que ceux qui sont offerts aux victimes de délinquants adultes. Dans les cas de voies de fait commises par des jeunes, c'est le coordonnateur des services aux victimes qui peut indiquer le genre de programme ou d'indemnisation dont peuvent bénéficier les victimes. Nous avons un programme de mesures de rechange. Il s'agit d'un programme axé sur la justice réparatrice, et c'est le genre de programme dans lequel nous essayons d'impliquer les victimes dans la mesure du possible, pour leur donner la possibilité de s'exprimer dans le cadre du programme de mesures de rechange.
• 1020
Il existe aussi au Nouveau-Brunswick des programmes pilotes
axés sur la justice réparatrice, comme mesure de remplacement du
système de justice officiel pour les jeunes. Dans le cas d'un de
ces programmes, c'est la police qui prend la décision d'y placer
les jeunes. À l'heure actuelle, en ce qui concerne le programme
pilote pour les victimes qui décident de rencontrer les jeunes face
à face et de discuter de ce qu'elles ont vécu et des préoccupations
qu'elles peuvent avoir à ce sujet, le taux de participation est
d'environ 70 p. 100. Tels sont les programmes dont nous disposons
à l'heure actuelle.
M. Phil Arbing: Dans l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons un programme de services aux victimes qui couvre toute la province et dont peuvent se prévaloir toutes les victimes. Toutefois, il semble que ce soit surtout les gens qui ont subi un préjudice corporel ou des violences, y compris les enfants, et plus particulièrement ceux qui ont été victimes de violence ou d'agression sexuelle, qui participent à ce programme.
Il comprend des services d'aiguillage et de counselling à court terme, et permet également d'aider les victimes à se préparer à une éventuelle comparution en cour—par exemple, lors d'un procès, le cas échéant—ou encore à rédiger les déclarations qu'on demande aux victimes de produire. En outre, ce programme recouvre l'indemnisation des victimes d'actes criminels.
J'ajouterais que les contacts avec les victimes nous ont appris que ce dont elles ont le plus besoin, c'est de disposer d'une information de qualité et de services de communication efficaces, d'être au tenues courant de ce qui se passe et d'avoir la possibilité de s'impliquer. Toutes les victimes ne souhaitent pas être impliquées, mais elles veulent savoir exactement ce qui se passe. Dans ce contexte, qu'il s'agisse des rapports présentenciels, des mesures alternatives ou de toute autre initiative qui pourrait être prise en vertu des dispositions de la loi actuelle s'appliquant aux jeunes, les victimes sont mises au courant de ce qui se passe, et on leur donne la possibilité d'être impliquées dans les mesures alternatives envisagées, de participer ou de rencontrer le délinquant si elles le souhaitent. En ce qui concerne les infractions avec violence, la tendance est de ne pas prendre de mesures alternatives avant de savoir ce que souhaite la victime.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Vous avez le temps de faire un autre bref commentaire.
M. Bob Eckstein: Après avoir entendu ce qu'a dit Phil, je veux juste ajouter, ce que j'ai négligé de mentionner, que nous avons également un programme de services aux victimes qui couvre toute la province. Il y a 14 coordonnateurs qui oeuvrent dans toutes les régions de la province. Ils interviennent souvent pour préparer les victimes à comparaître en cour, ainsi qu'auprès de jeunes victimes. Dans toute la province, des protocoles s'appliquent pour assurer que les cas de violence envers les enfants sont déclarés. Le programme des services aux victimes recouvre aussi la préparation des déclarations concernant les répercussions subies par les victimes, qu'il s'agisse d'enfants ou d'adultes. Les coordonnateurs interviennent auprès des enfants et des familles, tout dépendant du nombre de victimes de l'acte criminel en question. Je voulais donc juste ajouter que nous avons, au Nouveau-Brunswick, un excellent programme de services aux victimes et des coordonnateurs très compétents.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Eckstein.
Monsieur Peter MacKay.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur le président. Je tiens également à remercier nos témoins d'être parmi nous.
Il est certes important que nous ayons le point de vue des provinces. Comme vous l'avez fait remarquer dans vos exposés, c'est vous qui êtes principalement responsables de l'administration de la loi qui est envisagée.
Je suis d'accord avec certains de mes collègues lorsqu'ils disent que les provinces semblent, de façon générale, accepter et appuyer l'idée que cette nouvelle loi, au plan philosophique, est un pas dans la bonne direction. On y fait la différence entre les crimes violents et non violents. Elle permet aux victimes de participer davantage au système de justice appliqué aux jeunes. Elle met l'accent sur la réadaptation et sur l'intervention précoce et en fait des objectifs majeurs.
Bien entendu, l'ennui, c'est qu'en cherchant à réaliser tous ces objectifs louables, il semble qu'on n'ait pas accordé une considération suffisante au fait que sur le plan administratif, la situation va être cauchemardesque. Vu la façon dont ce projet de loi est rédigé, il va falloir des années pour tirer les choses au clair et mettre la loi en oeuvre, ce qui va coûter cher.
J'aimerais vous poser une question d'ordre général: si la somme qu'on a prévu de dépenser pour mettre cette loi en oeuvre était allouée aux provinces, dans le contexte d'une entente de partage des coûts à part égale, et investie dans le genre de programmes axés sur la réadaptation, l'intervention précoce et la justice réparatrice qui sont envisagés, pensez-vous qu'avec cet argent, et en apportant des modifications au système qui s'applique actuellement aux jeunes contrevenants pour le mettre au point dans certains domaines, il s'agirait d'une meilleure initiative pour réformer le système de justice applicable aux jeunes, une initiative qui remplacerait avantageusement ce texte législatif qui est indigeste, alambiqué et contraignant?
M. Bob Eckstein: La première chose que je tiens à mentionner, comme l'a déjà indiqué le sous-ministre Dennison, c'est qu'il y a dans ce projet de loi un certain nombre de dispositions que nous appuyons. Nous sommes en faveur d'inclure les victimes dans le processus et nous approuvons le fait que tout soit basé sur le concept de justice réparatrice. Nous reconnaissons la nécessité de consacrer plus d'attention aux volets du système axés sur la prévention, comme les avertissements, ainsi que les sanctions et les mesures extrajudiciaires, et nous approuvons les dispositions sur la détermination de la peine qui mettent l'accent sur la prestation de services communautaires et non sur la détention des jeunes.
Nous savons d'expérience qu'au plan de la coordination, ces programmes exigent beaucoup de temps et d'argent. Pour préparer les victimes à s'impliquer dans le processus, il faut prendre le temps nécessaire. Autrement, le taux de participation des victimes va être faible. Les coordonnateurs ont indiqué que les victimes ont besoin de temps pour comprendre comment fonctionne le système, sinon, ce système leur fait subir une nouvelle épreuve, et c'est une chose que nous voulons éviter. Pour ce faire, il faut du temps et une intervention bien coordonnée.
Pour ce qui est des programmes d'assistance et de surveillance intensives, comme je l'ai indiqué, nous savons ce qu'il en est puisque nous les avons mis en place il y a quatre ou cinq ans. Leur administration est coûteuse, vu les besoins importants de ces jeunes. Si vous voulez faire baisser le risque de récidivisme, il faut que vous vous attaquiez aux besoins. En ce qui concerne notamment les programmes axés sur la famille, qui représentent la moitié des interventions, il faut du temps pour les coordonner et pour rencontrer les familles. Le recours à des groupes consultatifs prend également du temps.
La province du Nouveau-Brunswick approuverait votre proposition en ce sens que, si l'on consacrait plus de ressources aux services axés sur la prévention et ce, de façon durable, on accomplirait le virage systémique qui est, je pense, l'objectif poursuivi par le biais de ce projet de loi. Autrement, nous craignons qu'il y ait plus de jeunes au sein de la collectivité qui ne respectent pas les conditions qui leur sont imposées, car nous n'aurons pas le temps nécessaire pour leur fournir l'aide et leur garantir l'accès aux programmes dont ils ont besoin.
M. Peter MacKay: Autrement dit, est-il juste de dire que ces objectifs, que nous approuvons tous, pourraient être réalisés dans le contexte du système actuellement en place, si nous mettions l'accent sur les programmes et si, d'une façon ou d'une autre, nous pouvions nous passer de mettre en place un système entièrement nouveau—avec le temps que cela requiert et les complications que cela soulève—, un système que je trouve extrêmement frustrant lorsque je commence à l'examiner en détail?
Par exemple, j'aimerais attirer votre attention sur un de ces détails qui m'a sauté aux yeux. À l'article 9 du projet de loi, sous le titre «Avertissements, mises en garde et renvois», on dit que dans le cadre d'une enquête sur le cautionnement, toutes ces mesures que la police est censée prendre ne pourront être admises en preuve. C'est dire que si la police ramène un gamin à la maison plusieurs fois ou s'il l'observe dans un parc avec des gens qui sont connus comme des toxicomanes, si les policiers recueillent ce genre d'information, ce qu'ils font régulièrement lorsqu'ils sont en patrouille, ce ne sera plus une preuve valide lors d'une enquête sur le cautionnement, si et quand l'adolescent en question commet une infraction et que, de l'avis du tribunal, du travailleur social et du procureur, il devrait être mis sous garde. Ce genre de preuve ne sera pas admise. Selon moi, c'est une erreur flagrante.
Ce n'est là qu'un exemple, car il y a d'autres trous, si je peux m'exprimer ainsi, dans cette loi, à cause des renvois et des nouveaux systèmes qui vont être mis en place. Par exemple, nous allons maintenant avoir l'équivalent de la libération conditionnelle, avec libération d'office et condamnation avec sursis, un système qui ne fonctionne pas très bien, c'est le moins qu'on puisse dire, dans le cas des adultes. Or, nous introduisons cela dans le système qui s'applique aux jeunes.
Donc, je le répète, si on mettait davantage l'accent sur ces programmes, plutôt que d'instaurer un nouveau système compliqué, tous les objectifs que nous espérons atteindre seraient mieux et plus facilement réalisés en allouant tout simplement l'argent nécessaire.
M. Phil Arbing: Nous pourrions tous, monsieur MacKay, vous poser la question suivante pour répondre à la vôtre: Qu'y a-t-il de différent dans de projet de loi? Pour ce qui est de l'Île-du- Prince-Édouard, comme nous l'avons mentionné, on trouve dans le nouveau projet de loi beaucoup de dispositions qui s'appliquent déjà. Peut-être sont-elles énoncées différemment.
En outre, certaines de ces dispositions sont habilitantes, vu qu'en pratique, elles cautionnent certains de nos programmes en place qui donnent de bons résultats. Si nous avions les ressources nécessaires, nous pourrions à la fois offrir ces programmes, qu'il s'agisse de mesures de rechange axées sur la prévention ou d'initiatives permettant d'impliquer davantage les victimes, ce genre de chose, et fournir une assistance aux jeunes qui sortent de prison.
Même si légiférer en la matière peut être utile, cela n'ajoute rien, en l'occurrence, à ce que nous avons. Au tout début du processus, les autorités de l'Île-du-Prince-Édouard ont essayé de remettre en question l'idée d'introduire une nouvelle loi plutôt que de modifier celle qui est en vigueur. Car, comme je viens de le dire, cela n'ajoute rien, en l'occurrence, à ce que ce que nous avons. Essentiellement, il est certain que disposer de ressources adéquates pour financer les programmes et les services permettra d'accomplir quelque chose en bout de ligne, ce qui n'est pas nécessairement le cas en ce qui concerne la loi.
M. Peter MacKay: Vous avez tous évoqué cette question. Je pense que ces nouveaux processus vont entraîner de nouveaux appels et le recours à des groupes consultatifs à de nombreuses étapes de la procédure, semble-t-il. Je sais pertinemment que c'est quelque chose qui se révèle extrêmement frustrant pour les parents, les victimes, la police et, dans une large mesure, les jeunes que cela concerne. Faire traîner les choses est la pire forme du déni de justice; or, nous avons là la recette d'un système où les retards se multiplieront. Ne pensez-vous pas que j'ai raison?
M. Bob Eckstein: D'abord et avant tout, nous l'avons déjà indiqué, nous voulons qu'on revienne à une entente de partage des coûts à part égale, ce qui, à notre avis, aiderait vraiment notre province.
En ce qui concerne les retards, nous avons signalé dans notre mémoire que le recours à des groupes consultatifs nous préoccupe, vu le temps et les ressources requises, notamment en l'absence de critères définissant comment et quand un juge peut décider d'établir un groupe consultatif. Donc, c'est un des sujets qui nous préoccupe. Lorsqu'il faut disposer des ressources nécessaires, par exemple, des spécialistes de la santé mentale, que ce soit dans l'optique d'une conférence de concertation familiale, d'un cercle de détermination de la peine ou d'un autre mécanisme, cela va entraîner des retards. Nous espérons que les tribunaux en tiendront compte lorsqu'ils décideront d'avoir recours à des groupes consultatifs, et que nous serons capables de régler le problème. Notre juridiction n'est pas vaste, et il y a une bonne communication. Mais il est certain qu'il va falloir que nous essayions de régler la question des retards.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur MacKay. Je vous redonnerai la parole au prochain tour.
Monsieur John McKay.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.
Le transfert le plus important du gouvernement fédéral aux provinces est le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Que représente ce transfert du gouvernement fédéral à vos gouvernements provinciaux respectifs, en termes absolus? Quel pourcentage du budget de vos gouvernements provinciaux respectifs représente le paiement de péréquation fiscale que vous recevez? Les budgets de vos ministères respectifs ont-ils augmenté suite à la hausse des transferts de points d'impôt et de liquidités? Avez-vous fait une analyse de ce que va représenter effectivement pour vous l'allocation de 206 millions de dollars dont cette loi est assortie?
Je pose ces questions parce qu'il me semble que votre argument est quelque peu fallacieux. D'un côté, vous dites que vous ne savez pas quelles peuvent être les répercussions de la loi au plan des coûts et que vous n'avez pas eu le temps de faire ce genre d'analyse, même si cela fait pratiquement sept ans que cette loi est en gestation et qu'on a discuté de trois projets de loi pendant trois législatures. Vous dites que vous approuvez la philosophie de la loi, où l'on propose d'autres solutions que l'incarcération, ce qui, de l'avis de tout le monde, est une méthode d'intervention auprès des jeunes contrevenants beaucoup plus coûteuse.
• 1035
Vous comparaissez devant le comité et vous dites que vous ne
savez pas très bien quels vont être les coûts, qu'à votre avis,
cela va être compliqué et que vous voulez que nous revenions à une
formule de partage des coûts à part égale, sans trop savoir combien
d'argent le gouvernement fédéral a en fait déjà débloqué et quel
est le pourcentage des 206 millions que vous pourriez recevoir. Je
me demande alors si vous ne cherchez pas à éviter des conflits
internes au sein de votre ministère à propos des ressources ou si
vous souhaitez plutôt, en fait, juste recevoir un chèque
directement du gouvernement fédéral dans le cadre d'une entente
bilatérale. Cela m'intéresserait d'entendre vos commentaires à ce
propos et de voir si vous pouvez me donner quelques précisions sur
certaines des questions qui me préoccupent.
M. Donald Dennison: Pour commencer, je dirais simplement que le principe fondamental à la base du partenariat fédéral- provincial, est celui du partage des coûts à part égale. Comme nous l'avons indiqué, cela n'est plus d'actualité. Nous savons maintenant qu'avant que la nouvelle loi entre en vigueur... Désormais, ce principe n'est plus respecté. En conséquence, les provinces sont dans une situation difficile.
En pratique, parce que ce principe n'est plus respecté, la province doit puiser dans les fonds alloués au titre du TCSPS, qui sont censés être principalement réservés à l'éducation et à la santé. Pour justifier cette ponction à des fins autres que celles auxquelles ce programme de transfert était prévu, la province doit faire valoir que cette nouvelle loi va exiger un financement supplémentaire. En fait, cela ne serait pas nécessaire si les autorités respectaient l'engagement pris au départ, en 1985, en ce qui concerne le financement des services de justice destinés aux jeunes contrevenants.
Ce n'est donc pas que les provinces reviennent sur l'engagement qu'elles ont pris en ce qui concerne la mise en oeuvre de ces programmes, absolument pas. Nous voulons simplement qu'on revienne aux engagements pris au départ par les deux paliers de gouvernement, de façon à ce que nous ne soyons pas, en pratique, soit obligés de faire une ponction dans les paiements de transfert au titre de la santé et des services sociaux, soit dans l'impossibilité de mettre en place un système de justice pour les jeunes qui soit du niveau que nous voulons tous atteindre.
Je vais demander à Bob de vous donner des précisions sur nos évaluations des coûts découlant de la nouvelle loi. Vous avez raison, cela fait longtemps que le projet est à l'étude et nous avons en fait une bonne idée de ce que sont ces coûts.
M. Bob Eckstein: Je veux juste vous signaler au départ que même avec le financement supplémentaire de 2 p. 100 qui s'ajoutera à notre budget de base au cours des six prochaines années, la contribution fédérale ne représentera encore que 36 p. 100 des coûts réels que nous assumons à l'heure actuelle. C'est nous qui devons trouver le reste de l'argent.
Par ailleurs, sur les 203 millions dont vous avez parlé, la province du Nouveau-Brunswick recevra 3,5 millions. Il s'agit d'un financement provisoire. Ce n'est pas un investissement sur le long terme. Au cours des cinq à six prochaines années, il va falloir que nous trouvions ce financement soutenu.
Nous avons fait une première analyse des coûts découlant de cette loi, mais elle ne prenait en compte que ses répercussions sur le plan des programmes communautaires. Cela laisse de côté les coûts liés aux services de police, aux systèmes et aux heures de travail supplémentaires que cela exigera sans doute pour les procureurs de la Couronne.
En ce qui concerne les agents de probation, les programmes d'intervention en santé mentale, de lutte contre la toxicomanie et de gestion de la colère, les évaluations d'impact réalisées dans le cadre des services aux victimes, ainsi que les nouveaux PSSI qui sont déjà en place—ils sont mis en oeuvre dans certains endroits, mais il va falloir que nous les étendions pour qu'ils soient offerts dans d'autres régions de la province—, il va sans doute falloir, que dans le contexte de l'application de la nouvelle loi, nous trouvions un financement soutenu additionnel de l'ordre de 2 millions de dollars.
Donc, 700 000 $ ne vont pas nous permettre de faire grand chose—c'est juste pour nous aider au niveau des ressources communautaires. Nous avons déjà signalé que nous ne pouvons pas transférer au niveau communautaire beaucoup de ressources actuellement affectées à la garde en milieu fermé ou en milieu ouvert, parce que nous avons déjà fait cela. Nous avons déjà fermé des foyers de groupe et fait passer au niveau communautaire certaines des ressources affectées à la garde en milieu ouvert.
M. John McKay: Ai-je encore un peu de temps?
Le vice-président (M. Ivan Grose): Oui.
M. John McKay: À propos du financement soutenu de 2 millions de dollars dont vous avez parlé, lorsque vous dites qu'il s'agit d'une augmentation de 2 millions de dollars, est-ce que c'est un chiffre qui prend en compte—en théorie, je présume, parce que tout est théorique ici—les économies réalisées grâce aux programmes de déjudiciarisation? Autrement dit, pour simplifier les choses, vous ne mettez plus le gamin en prison—cela devrait vous permettre d'économiser 100 000 $ par an. Il va y avoir, je présume, x gamins qui vont vous permettre de faire des économies. Alors, le chiffre que vous citez est-il un chiffre net ou correspond-il simplement à la majoration brute de vos coûts?
M. Bob Eckstein: Comme nous l'avons déjà mentionné, un des défis auxquels est confrontée une petite juridiction, c'est qu'on ne peut trouver d'argent nulle part. Nous avons un seul établissement de garde en milieu fermé. Nous pourrions peut-être transférer certains des employés qui travaillent dans la collectivité et les affecter aux nouveaux programmes et services que nous allons devoir fournir. Il y aura plus de jeunes au sein des collectivités, nous l'espérons. Si nous ne fournissons pas ces services, nous allons faire face au problème des manquements aux conditions imposées. Si les jeunes n'ont pas accès à des programmes qui répondent à leurs besoins, on va très rapidement les retrouver en prison. Il va donc falloir que nous essayions de faire cette transition. Cela a été pris en compte dans une partie de notre analyse. Elle est encore en cours, mais nous estimons que nous allons devoir trouver environ 2 millions de dollars supplémentaires pour les investir dans les services communautaires.
M. John McKay: Deux millions de dollars, nets. En termes simples, cela revient à dire que si vous faites sortir 10 gamins des établissements où ils sont incarcérés, leur nombre passe de 75 à 65, mais vous ne faites pas 1 million de dollars d'économies.
M. Bob Eckstein: Mais il reste la capacité administrative. Nous avons seulement un établissement de garde en milieu fermé.
M. John McKay: Bien.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur McKay.
Bon, à partir de maintenant, on abrège. Trois minutes par client.
Monsieur Cadman, s'il vous plaît.
M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.
Pour revenir sur la question qu'a posée M. Peter MacKay à propos des mesures extrajudiciaires, j'aimerais l'examiner sous un autre angle. Dans le contexte de la coordination entre différentes autorités compétentes, M. MacKay a soulevé toute la question de la prise en compte des mesures extrajudiciaires lors des enquêtes sur le cautionnement. Une chose me préoccupe: que se passe-t-il dans le cas d'un jeune qui passe d'une juridiction à une autre—pas nécessairement d'une région du Canada à l'autre—, disons de Moncton à Fredericton, et qu'il s'agit d'un jeune qui a déjà reçu plusieurs avertissements à Moncton. Dans votre province, existe-t- il des mécanismes permettant de conserver une trace de ce type de mesures extrajudiciaires et d'avertissements d'une municipalité à l'autre? Parfois, les policiers qui appartiennent au même service ne se parlent même pas et ne sont pas au courant de ce genre de chose. Vu l'accent qui est mis dans ce projet de loi sur les mesures extrajudiciaires, est-ce que vous procédez déjà ainsi? Envisagez-vous mettre en oeuvre un programme de ce type et combien cela va-t-il vous coûter?
M. Bob Eckstein: Phil, voulez-vous commencer?
M. Phil Arbing: Je ne suis pas sûr du coût, mais cela soulève certainement la question de la responsabilité. Dans le cadre de nos discussions sur le système de justice applicable aux jeunes, nous parlons souvent de tenir les jeunes responsables de leurs actes ou de leur demander des comptes. Mais la responsabilité n'est pas à sens unique, et il faudrait aussi que le système rende des comptes. La question porte sur le suivi qui doit être assuré non seulement auprès des jeunes qui bénéficient de mesures de rechange pendant qu'elles s'appliquent, et aussi d'un service policier à l'autre, mais aussi après qu'une infraction a été commise et lorsque les jeunes se réinsèrent dans la société, s'ils y reviennent un jour. Il y a là une différence, à mon avis, et peut-être devrait-on donner des précisions dans la loi sur la question de l'information et des dossiers. Qu'est-ce qui constitue un dossier, qu'est-ce qu'on entend par information et comment peut-elle être utilisée?
M. Chuck Cadman: Si un jeune a reçu un avertissement et qu'il en reçoit un autre six mois plus tard, il serait utile que l'agent de police qui l'avertit une seconde fois sache que cela a déjà été fait six mois plus tôt dans une autre juridiction. C'est le genre de chose dont je parle.
M. Phil Arbing: C'est une question de mise en oeuvre, qui touche le principe à la base du suivi qui doit être assuré auprès de certaines personnes tout en restant objectif, dans l'optique de la police, mais également à des fins ultérieures. C'est une question que nous examinons à l'heure actuelle dans l'Île-du- Prince-Édouard. Les avis sur ce qu'il faudrait faire à cet égard ne sont pas unanimes. Je dirais que vu les améliorations qui ont été apportées aux systèmes dont se sert la police et aux mécanismes qui permettent de suivre les dossiers, c'est quelque chose de faisable, s'il existe un dossier. Cela dit, il faut se fier aux informations enregistrées dans le système, mais nous devons définir d'abord notre politique en ce qui concerne la procédure à suivre.
M. Chuck Cadman: Monsieur Eckstein.
M. Bob Eckstein: Je ne sais pas non plus quels seraient les coûts qui découleraient de ce genre de chose. C'est une question dont nous avons commencé à discuter avec certains services de police et certains policiers. Le suivi est une question de mise en oeuvre que nous examinons actuellement. Nous sommes en train d'élaborer des systèmes dans cette optique. Nous nous intéressons à l'heure actuelle à la façon dont nous pourrions garder trace des diverses sanctions et mesures qui peuvent être prises.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Cadman.
Monsieur Owen, s'il vous plaît.
M. Stephen Owen (Vancouver Quadra, Lib.): Merci.
Messieurs, je vous remercie d'avoir accepté de comparaître. Les informations que vous nous donnez sont très intéressantes, et il est essentiel pour nous d'avoir le point de vue de chaque province.
En écoutant les débats qui ont eu lieu ce matin et précédemment, je suis frappé parce ce qui semble être, en apparence, des contradictions. Nous entendons les membres du comité ainsi que les représentants des provinces dire qu'ils appuient résolument les principes philosophiques qui sous-tendent ce projet de loi ou plutôt la loi à l'étude depuis de nombreuses années.
Il semble qu'on accepte la philosophie et les principes qui sous-tendent le concept de justice réparatrice, ainsi que l'idée de séparer les criminels violents de ceux qui sont non violents et dont c'est peut-être la première infraction, mais il semble aussi qu'à travers le pays, on ait accumulé une expérience considérable dans la mise en oeuvre de ces programmes, non seulement parce qu'ils permettent d'épargner de l'argent—c'est un fait, et toutes les études dont j'ai entendu parler qu'elles aient été menées aux États-Unis, au Canada, en Australie ou au Royaume-Uni, démontrent que ces programmes de justice réparatrice et ces mesures de rechange permettent véritablement d'épargner de l'argent—mais à part cela, la raison pour laquelle on penche en leur faveur, c'est qu'ils permettent de renouer des liens qui avaient été brisés au sein des collectivités, de faire baisser le récidivisme, de responsabiliser davantage les jeunes, ce qui a une influence positive sur le reste de leur vie et donc sur les collectivités auxquelles ils appartiennent, et de traiter les victimes de manière beaucoup plus digne en leur permettant de tourner la page après qu'un crime ou une infraction ait été commis.
Cela mis à part, par définition, quand on parle de déjudiciarisation, cela veut dire qu'on n'a pas recours à certaines procédures judiciaires coûteuses. Je pense donc que les questions concernant le coût net ou exprimé en termes absolus sont très pertinentes.
Mais d'après votre témoignage et un autre mémoire qui nous a été présenté, ces systèmes sont très complexes, et il va falloir beaucoup de temps et d'argent pour les mettre en oeuvre. Pourtant, on nous dit également qu'il y a toutes sortes de bonnes raisons pour appuyer les principes en cause, y compris le fait que cela peut permettre de réduire les coûts et que, de toute façon, cela fait déjà quelque temps qu'on essaie de les appliquer.
On nous transmet donc des messages différents. À titre d'ancien représentant de la justice au niveau provincial, je peux parfaitement comprendre les provinces—et sympathiser avec elles—lorsqu'elles essaient d'obtenir une contribution aussi importante que possible du gouvernement fédéral pour les aider à se décharger de leurs responsabilités en ce qui concerne l'administration de la justice, la protection de la jeunesse, les services qui lui sont destinés et ainsi de suite, mais il me semble que cela ne concorde pas avec les principes que vous appuyez et les programmes que vous mettez en oeuvre depuis quelque temps. Peut- être pourriez-vous m'aider à éclairer ce qui me semble être, en apparence, une contradiction.
Le vice-président (M. Ivan Grose): J'accorde mon temps de parole aux témoins pour répondre.
M. Bob Eckstein: Merci, monsieur le président.
Comme je l'ai déjà mentionné, notre juridiction n'est pas vaste. Il y a environ cinq ans, nous avons pris un virage important lorsque nous avons décidé de réduire le nombre d'établissements de garde en milieu ouvert et d'utiliser certaines de ces ressources pour financer des services communautaires. Nous avons déjà fait cela. En conséquence, essayer de réduire encore cette capacité et de donner plus d'ampleur aux programmes communautaires va nous poser un véritable défi, puisqu'il va falloir essayer de trouver les quelque 700 000 $ supplémentaires qu'il nous faudra investir dans les services communautaires, une fois que le financement provisoire aura cessé, dans six ans.
C'est un financement à long terme qu'il va falloir essayer de trouver. Un financement provisoire ne permet pas de mettre en place des programmes durables, et il va donc falloir que nous ayons trouvé une solution avant d'investir dans ces ressources communautaires.
Vous parlez des mesures qui s'inspirent du concept de justice réparatrice; je le répète, il faut du temps pour coordonner ce genre de chose. La coordination de programmes de justice réparatrice exige des ressources humaines et financières.
Je pense à deux ou trois programmes qui sont mis en oeuvre dans notre province. L'un d'eux est un programme pilote, un programme pilote qui coûte cher et qui est financé par le ministère fédéral de la Justice. J'en suis heureux, parce que cela démontre que c'est un bon programme. Mais lorsque le programme pilote arrivera à échéance, si nous voulons le poursuivre et le coordonner à long terme, cela va prendre du temps et de l'argent. Où allons- nous trouver cet argent? À l'heure actuelle, je n'en sais rien.
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L'autre point sensible, ce sont les mesures de remplacement de
l'incarcération. Vous parlez des ordonnances différées de
placement, qui sont des peines communautaires et des condamnations
avec sursis, comme on l'a déjà mentionné, mais il y a aussi, dans
le cadre de cette nouvelle loi, des dispositions sur la libération
conditionnelle. Il va falloir que les autorités compétentes
permettent aux délinquants qui en bénéficieront d'avoir
immédiatement accès à des programmes répondant à leurs besoins.
Sinon, ils ne vont pas respecter les conditions qui leur sont
imposées. Cela coûte de l'argent et cela exige un travail en
équipe.
Les magistrats ou les tribunaux comptent beaucoup sur les mécanismes officiels, qu'il s'agisse de programmes d'intervention en santé mentale ou de programmes d'éducation de rechange qui s'adressent aux quelque 30 à 35 p. 100 de jeunes qui, à un moment donné, ne vont pas à l'école. Il va falloir que nous trouvions des programmes pour eux, sinon, ils ne vont pas respecter les conditions qu'on leur a imposées. Ce sont des programmes coûteux qu'il va nous falloir trouver.
En ce qui concerne les programmes de gestion de la colère, étant donné que 52 p. 100 de notre population vit dans des collectivités rurales, nous devrons souvent avoir recours au counselling individuel. C'est cher, par rapport aux programmes donnés à des groupes. Cela coûte de l'argent, et tous ces coûts s'additionnent. Il faut consacrer beaucoup d'argent à la coordination. N'offrir que des programmes conçus pour des groupes n'est pas quelque chose qu'on peut envisager dans une petite province comme la nôtre.
M. Stephen Owen: Je veux juste un peu mieux comprendre les réponses que vous m'avez données. Lorsqu'on accorde un financement provisoire, c'est souvent parce qu'on présume qu'avec le temps, des économies vont pouvoir être réalisées à cause de l'impact positif des programmes—par exemple, moins de récidivisme, moins de poursuites engagées devant les tribunaux. Donc, avec le temps, ne parvient-on pas à un certain équilibre?
M. Bob Eckstein: On y parviendra en effet dans une certaine mesure. Manifestement, si vous investissez en moyenne 700 000 $ par an pendant cinq ans dans des programmes communautaires, vos finances vont nécessairement s'équilibrer.
Comme je l'ai également indiqué, l'argent que nous dépensons est principalement consacré à des programmes d'assistance et de surveillance intensives. Mais en bout de ligne, il va falloir que nous trouvions des ressources à long terme. Avec un peu de chance, nous allons pouvoir puiser dans celles qui sont consacrées à certains établissements de garde en milieu ouvert ou fermé; c'est ce que nous allons essayer de faire, mais cela va s'avérer difficile étant donné que nous n'avons qu'un établissement de garde en milieu fermé. C'est ce que j'ai indiqué au début.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Quelqu'un d'autre veut-il répondre?
M. Phil Arbing: L'Île-du-Prince-Édouard ayant des antécédents en la matière, nous pensons que nous avons des raisons particulières d'essayer d'obtenir un financement à part égale. Lorsque la Loi sur les jeunes contrevenants est entrée en vigueur, les services qu'elle prescrivait devaient être financés à part égale. En 1988 ou en 1989, le gouvernement fédéral a décidé de plafonner le financement. Nous n'avions pas complètement mis cette loi en oeuvre et nous n'avons donc jamais reçu un financement à part égale.
À notre avis, c'est une question d'équité, et nous avons essayé d'invoquer cet argument pour bénéficier d'un traitement spécial. Je pense que l'Île-du-Prince-Édouard a été la seule province qui avait pris autant de retard.
En outre, l'entente de partage des coûts qui existe—je me répète un peu, je crois—ne porte que sur les services communautaires, les services de probation ainsi que les services et les programmes concernant la garde. Les coûts liés à la police, aux procureurs de la Couronne, aux tribunaux et à d'autres types de services, y compris ceux qui sont offerts aux victimes, ne sont pas couverts.
L'autre défi que nous devons relever est de passer du point A au point B; à cet égard, le financement provisoire sera certainement utile. Nous sommes une organisation de petite taille et nous espérons pouvoir réduire la demande d'un côté pour donner plus d'expansion aux services fournis de l'autre. Mais pouvons-nous mettre un terme à certains programmes? C'est très difficile.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci.
Monsieur MacKay, une question. Le temps réservé à notre réunion est bientôt écoulé.
M. Peter MacKay: D'accord. Merci, monsieur le président.
Messieurs les témoins, j'ai une dernière question à vous poser, une question générale, évidemment, qui porte sur la philosophie qui sous-tend la loi. Étant donné que je vous ai entendu dire plus tôt que vous approuviez la philosophie générale de la loi et son orientation, quel est votre avis sur le ton qui est donné dans le préambule, où l'on ne parle absolument pas, ni d'ailleurs nulle part dans le projet de loi, de dissuasion ou d'exemplarité de la peine? Je ne veux pas dire par là que nous voulons adopter un ton négatif, mais ce sont des mots qui font partie du vocabulaire employé communément dans les tribunaux du pays qui jugent des jeunes.
Je sais que pour ceux qui ont été chargés de rédiger la loi, il est très difficile de faire la part des choses et de ne pas faire abstraction de la protection du public en mettant l'accent sur la réadaptation, la réinsertion sociale et toutes les autres bonnes idées de ce genre. Mais le fait qu'on ne parle aucunement dans ce projet de loi de dissuasion ni d'exemplarité de la peine ne vous trouble-t-il pas, sachant que ce sont des principes qui doivent être appliqués, particulièrement dans le cas des jeunes?
M. Bob Eckstein: Ce n'est pas une question dont nous nous sommes préoccupés au niveau provincial. Ayant été en contact avec des jeunes contrevenants pendant les 15 dernières années, je sais que la dissuasion n'est pas nécessairement un facteur qui a sur eux une influence considérable et qui les incite à éviter les ennuis que leur causerait la perpétration d'autres infractions. Les gens présument qu'ils voient les choses comme vous et moi, mais il faut répondre aux besoins de ces délinquants et tenir compte des circonstances qui les entourent si on veut les dissuader de commettre des actes criminels.
Je sais que les recherches démontrent que la dissuasion et l'exemplarité de la peine ne marchent pas, et c'est donc une chose à laquelle nous n'avons pas beaucoup réfléchi, ni sous l'angle des programmes, ni au plan des recherches. Je le répète, à mon avis, la meilleure façon de faire valoir la dissuasion et l'exemplarité de la peine, c'est d'inclure les victimes dans tout le processus et de donner aux jeunes et à leurs familles la possibilité d'avoir accès à des programmes qui leur permettront de changer leurs conditions de vie. Au bout du compte, c'est de cette façon que nous entendons la dissuasion.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Eckstein.
Monsieur Maloney, s'il vous plaît.
M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Je voulais soulever la question des coûts, dont on a tellement discuté ici ce matin qu'on a pratiquement épuisé le sujet.
Je crois comprendre, monsieur Eckstein, que votre part du financement de transition, du financement provisoire, se chiffre à environ 5,2 millions de dollars sur cinq ans, ce qui représente à peu près 1 million par an, et non 700 000 $. C'est un point à préciser. Je crois savoir que la part de l'Île-du-Prince-Édouard est à peu près de 2,2 millions, étalés également sur cinq ans. À mes yeux, c'est une importante somme d'argent pour vous aider à vous organiser.
Le projet de loi C-7 est en quelque sorte le projet de loi C-3, avec des amendements apportés en réponse à des préoccupations qui nous ont été communiquées lorsque nous avons examiné le projet de loi C-3. Dans l'ensemble, ou en général, quels commentaires pouvez-vous faire sur le projet de loi amendé, c'est-à-dire le nouveau projet de loi C-7? Avez-vous des réserves importantes à formuler à propos de ces amendements, comme ceux qui portent sur les règles prescrivant les circonstances dans lesquelles on peut réunir un groupe consultatif, le pouvoir judiciaire discrétionnaire en matière de détermination de la peine ou l'incarcération par rapport à la surveillance?
Le vice-président (M. Ivan Grose): Je tiens à prévenir les témoins qu'il ne nous reste qu'environ deux minutes avant que le bail dont nous jouissons sur cette pièce n'arrive à échéance. Soyez brefs, s'il vous plaît.
M. Bob Eckstein: Je vais laisser Phil répondre à cette question, parce qu'il me semble que j'ai quelque peu monopolisé le micro. Je vais le laisser répondre, mais il y a une chose que je tiens à mentionner lorsqu'il en aura terminé.
M. Phil Arbing: Premièrement, des précisions. En ce qui concerne le financement de transition ou le financement provisoire qui revient à l'Île-du-Prince-Édouard, sur cinq ans, cela s'élève à environ 1,3 million de dollars. Le chiffre de 2,2 millions de dollars correspond en réalité à la moyenne sur cinq ans, y compris le financement de base. Cette année, par exemple, nous allons recevoir un financement provisoire de 300 000 $, qui s'ajoute au financement de base de 1,9 million. La cinquième année, nous devons recevoir 130 000 $ en financement provisoire et 2 millions de dollars en financement de base. Il y a une anomalie quelque part. À toutes fins utiles, cette année, cela couvre environ 35 p. 100 du total de nos frais d'exploitation des services fournis—je tiens à attirer votre attention sur ce point—dans le cadre de l'entente de partage des coûts, ce qui ne couvre pas des services qui devraient être inclus, à notre avis, comme les programmes de soutien aux familles des jeunes contrevenants.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Il vous reste à peu près 30 secondes, monsieur Eckstein.
M. Bob Eckstein: Je ne veux pas me lancer dans une discussion à propos du partage des coûts, mais le financement de base dont vous parliez est inclus.
Il y a une disposition, l'alinéa 42(2)l), que nous n'avons pas mentionnée dans notre mémoire, mais dont je voudrais parler. Elle concerne le consentement du directeur provincial qui doit déterminer si un programme permettant la mise en oeuvre d'une ordonnance d'assistance et de surveillance intensives est disponible. Je crois que cet amendement ne va pas assez loin. Dans l'état actuel des choses, un juge peut diriger un jeune vers un programme d'assistance et de surveillance intensives si le directeur provincial conclut qu'un tel programme est disponible. J'aimerais mieux qu'on indique que le placement dans un tel programme doit être approuvé par le directeur provincial, parce qu'autrement, un grand nombre de jeunes vont être dirigés vers ces programmes, alors qu'ils devraient être réservés à ceux qui requièrent des services intensifs au sein de la collectivité. Il ne s'agit pas uniquement de l'approbation du programme, car les juges de notre juridiction savent déjà que ces programmes existent.
Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Eckstein.
Avant de lever la séance, je vous signale que M. Peter MacKay a déposé un avis de motion qui sera inscrit à l'ordre du jour de la réunion de mardi.
Je tiens à remercier les témoins. Je m'excuse de vous avoir pressés un peu à la fin, mais un bail arrive toujours à un moment donné à échéance. Merci beaucoup, bon voyage de retour.
La séance est levée.