HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la santé
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 27 octobre 2003
· | 1345 |
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)) |
M. Thomas Ward (sous-ministre de la santé, Ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse) |
La présidente |
Mme Leanne Jardine (directrice par intérim, Plan de médicaments sur ordonnance du Nouveau-Brunswick, Ministère de la Santé et du Mieux-être du Nouveau-Brunswick) |
· | 1350 |
· | 1355 |
La présidente |
M. Thomas Ward |
Mme Emily Somers (directrice par intérim, Services pharmaceutiques, Ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse) |
¸ | 1400 |
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD) |
Mme Emily Somers |
M. Thomas Ward |
¸ | 1405 |
La présidente |
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne) |
M. Thomas Ward |
M. Rob Merrifield |
M. Thomas Ward |
M. Rob Merrifield |
¸ | 1410 |
M. Thomas Ward |
M. Rob Merrifield |
M. Thomas Ward |
M. Rob Merrifield |
M. Thomas Ward |
M. Rob Merrifield |
Mme Emily Somers |
M. Rob Merrifield |
Mme Emily Somers |
M. Rob Merrifield |
Mme Emily Somers |
M. Rob Merrifield |
Mme Emily Somers |
M. Rob Merrifield |
Mme Emily Somers |
¸ | 1415 |
M. Rob Merrifield |
Mme Emily Somers |
M. Rob Merrifield |
Mme Emily Somers |
M. Rob Merrifield |
Mme Emily Somers |
M. Rob Merrifield |
Mme Leanne Jardine |
M. Rob Merrifield |
Mme Leanne Jardine |
M. Rob Merrifield |
Mme Leanne Jardine |
M. Rob Merrifield |
Mme Leanne Jardine |
M. Rob Merrifield |
Mme Leanne Jardine |
M. Rob Merrifield |
M. Thomas Ward |
M. Svend Robinson |
M. Thomas Ward |
M. Rob Merrifield |
Mme Leanne Jardine |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
¸ | 1420 |
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ) |
M. Svend Robinson |
M. Réal Ménard |
M. Svend Robinson |
M. Réal Ménard |
Mme Leanne Jardine |
M. Réal Ménard |
Mme Leanne Jardine |
M. Réal Ménard |
Mme Leanne Jardine |
¸ | 1425 |
M. Réal Ménard |
Mme Leanne Jardine |
M. Thomas Ward |
M. Réal Ménard |
Mme Emily Somers |
¸ | 1430 |
M. Réal Ménard |
La présidente |
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.) |
M. Thomas Ward |
¸ | 1435 |
Mme Carolyn Bennett |
M. Thomas Ward |
La présidente |
M. Svend Robinson |
M. Thomas Ward |
M. Svend Robinson |
M. Thomas Ward |
M. Svend Robinson |
Mme Emily Somers |
M. Svend Robinson |
¸ | 1440 |
M. Thomas Ward |
M. Svend Robinson |
M. Thomas Ward |
M. Svend Robinson |
M. Thomas Ward |
M. Svend Robinson |
Mme Emily Somers |
M. Svend Robinson |
Mme Emily Somers |
M. Svend Robinson |
¸ | 1445 |
La présidente |
M. Svend Robinson |
Mme Leanne Jardine |
M. Svend Robinson |
Mme Leanne Jardine |
M. Svend Robinson |
La présidente |
Mme Leanne Jardine |
La présidente |
Mme Leanne Jardine |
La présidente |
Mme Leanne Jardine |
La présidente |
Mme Leanne Jardine |
La présidente |
Mme Leanne Jardine |
La présidente |
M. Gilbert Barrette (Témiscamingue, Lib.) |
Mme Leanne Jardine |
M. Gilbert Barrette |
Mme Leanne Jardine |
M. Gilbert Barrette |
Mme Leanne Jardine |
M. Gilbert Barrette |
¸ | 1450 |
M. Thomas Ward |
La présidente |
¸ | 1455 |
Mme Carolyn Bennett |
La présidente |
Mme Carolyn Bennett |
La présidente |
M. Thomas Ward |
La présidente |
M. Thomas Ward |
La présidente |
Mme Emily Somers |
¹ | 1500 |
La présidente |
M. Svend Robinson |
La présidente |
M. Thomas Ward |
La présidente |
M. Svend Robinson |
M. Thomas Ward |
M. Svend Robinson |
Mme Carolyn Bennett |
Mme Emily Somers |
Mme Carolyn Bennett |
Mme Emily Somers |
Mme Leanne Jardine |
M. Thomas Ward |
Mme Carolyn Bennett |
M. Thomas Ward |
La présidente |
CANADA
Comité permanent de la santé |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 27 octobre 2003
[Enregistrement électronique]
· (1345)
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Mesdames et messieurs, bonjour. Le Comité permanent de la santé est heureux de vous rencontrer à Halifax, dans le cadre de son étude sur les médicaments sur ordonnance.
Nous accueillons aujourd'hui des représentants des ministères de la Santé de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. Nous allons d'abord entendre M. Thomas Ward, sous-ministre de la Santé de la Nouvelle-Écosse, et Mme Emily Somers, directrice par intérim des Services pharmaceutiques.
Monsieur Ward, nous vous écoutons.
M. Thomas Ward (sous-ministre de la santé, Ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse): Merci, madame la présidente.
Je me suis entretenu brièvement avec ma collègue du Nouveau-Brunswick, et elle m' a dit qu'elle souhaitait prendre la parole en premier. Elle espère peut-être que je vais répondre à toutes les questions, une fois nos exposés terminés. Si vous êtes d'accord, nous allons procéder de cette façon.
La présidente: Très bien. La parole est à vous, madame Jardine.
Mme Leanne Jardine (directrice par intérim, Plan de médicaments sur ordonnance du Nouveau-Brunswick, Ministère de la Santé et du Mieux-être du Nouveau-Brunswick): Merci, madame la présidente.
Je suis heureuse d'avoir l'occasion de comparaître devant le Comité permanent de la santé, dans le cadre de son étude sur les médicaments sur ordonnance au Canada.
J'aborderai, dans mon exposé, les thèmes suivants : la hausse des prix des médicaments et les facteurs qui y contribuent, les pratiques en matière de prescription et d'utilisation, les initiatives fédérales/provinciales/territoriales, les médicaments génériques et la publicité s'adressant directement aux consommateurs.
Il est bien connu que les médicaments sont le secteur de la santé où les dépenses augmentent le plus rapidement au Canada. Au Nouveau-Brunswick, la hausse des prix des médicaments a un impact non seulement sur le programme provincial d'assurance-médicaments, mais également sur de nombreux particuliers et familles qui n'ont pas d'assurance et qui doivent payer eux-mêmes leurs médicaments.
Le plan de médicaments sur ordonnance du Nouveau-Brunswick est un programme financé par la province qui fournit des services assurés aux résidents admissibles du Nouveau-Brunswick. Il ne s'agit pas d'une assurance universelle. Certaines provinces et certains territoires en offrent une, mais pas les provinces de l'Atlantique. Environ 106 000 résidents sur 750 000 sont admissibles au programme. Les autres souscrivent à un régime privé, ou n'ont pas d'assurance.
Les coûts du PMONB sont passés de 63 millions de dollars, en 1991-1992, à environ 103 millions, en 2002-2003. Plusieurs mesures ont été prises dans les années 90 pour freiner la hausse des coûts. Toutefois, les dépenses, au cours des cinq dernières années, ont augmenté en moyenne d'environ 13 p. 100 par année, un rythme qui ne pourra être soutenu indéfiniment. On prévoit que les dépenses vont doubler tous les quatre à cinq ans.
Deux facteurs surtout contribuent à la hausse des coûts : le prix des médicaments—la création et l'introduction de médicaments nouveaux et dispendieux—et le volume—l'augmentation du nombre de prescriptions et l'utilisation accrue de médicaments par les patients. De nouvelles pharmacothérapies sont en train d'être mises au point pour des maladies pour lesquelles il n'existait, jadis, aucun traitement. Les prescripteurs ont tendance à favoriser les médicaments nouveaux, habituellement plus dispendieux, malgré l'existence de produits de marque et génériques comparables. Le volume d'utilisation des médicaments est fonction du vieillissement de la population et des techniques de commercialisation utilisées par les compagnies pharmaceutiques auprès des médecins et des patients.
D'autres facteurs expliquent la hausse des coûts. Mentionnons la couverture limitée ou réduite offerte par les régimes collectifs, ce qui oblige les patients à se tourner vers le gouvernement ou la collectivité pour obtenir des médicaments qui étaient auparavant offerts par les hôpitaux.
Bien que les médicaments très dispendieux pour les maladies plutôt rares soient souvent invoqués quand vient le temps d'expliquer la hausse des coûts, ce sont les médicaments moins dispendieux utilisés pour soigner les maladies courantes qui sont à l'origine de cette augmentation. Sur les dix médicaments assurés par le PMONB l'an dernier, un seul est jugé dispendieux, son prix s'élevant à 20 000 $ par année, par patient. Les autres sont des médicaments peu dispendieux utilisés par un grand nombre de bénéficiaires. Deux médicaments parmi les dix sont maintenant disponibles sous forme générique, dont un depuis peu de temps. Toutefois, il y a peu de chances que ce médicament se retrouve sur la liste des dix médicaments les plus chers l'an prochain, car il aura été remplacé par un autre produit de marque.
· (1350)
Nous avons eu recours à diverses mesures pour réglementer l'utilisation des médicaments et améliorer les pratiques de prescription. Nous avons, par exemple, établi des profils des ordonnances d'antibiotiques pour mieux informer les médecins. Ces profils font état du taux de consommation d'antibiotiques au sein de la population par région sanitaire. Ils ont été distribués il y a deux ans. Ceux de cette année le seront bientôt. D'après les données, la consommation d'antibiotiques diminue. Bien sûr, divers facteurs expliquent cette baisse.
Nous avons également mis sur pied un projet de recueil de médicaments sur appareil portatif. Beaucoup de médecins ne savent pas combien coûtent les médicaments. Ils n'ont souvent pas accès facilement à cette information, ou n'ont pas le temps de se renseigner quand ils doivent prescrire un médicament. Le fait de fournir aux médecins des renseignements sur le prix réel des médicaments peut avoir un impact sur les pratiques de prescription. Le projet permettra de déterminer si l'établissement d'un formulaire et l'accès aux prix des médicaments contribueront à améliorer ces pratiques.
Plusieurs initiatives fédérales/provinciales/territoriales ont été lancées dans le domaine de la gestion des produits pharmaceutiques. J'aimerais en mentionner deux en particulier. Il y a d'abord le processus commun d'examen des médicaments. Les provinces de l'Atlantique ont donné le ton en mettant sur pied, en janvier 2002, un programme commun d'évaluation des médicaments. Ce modèle, de même que l'expérience que nous avons acquise en la matière, ont servi de base au processus qui a été établi à l'échelle nationale. Le Nouveau-Brunswick a participé de façon active au PCÉM, et souscrit à l'idée d'avoir un processus national. Le programme commun d'évaluation des médicaments est unique en son genre. Il a pour objet d'évaluer les nouveaux médicaments et de fournir des recommandations en vue de leur intégration dans les 19 régimes d'assurance-médicaments fédéraux, provinciaux et territoriaux. Le Comité consultatif canadien d'expertise sur les médicaments est chargé d'effectuer une évaluation critique des meilleures données cliniques et pharmaco-économiques disponibles, et de formuler des recommandations au sujet des médicaments qui peuvent être intégrés aux régimes. Dans le passé, toutes les provinces, y compris le Nouveau-Brunswick, procédaient à une évaluation des nouveaux médicaments dans le but de déterminer s'ils devaient être assurés en vertu de leurs régimes, et pour faire en sorte que les médicaments assurés soient bénéfiques sur le plan thérapeutique et efficaces quant au coût. Le processus commun d'examen des médicaments réduira les dédoublements, maximisera l'utilisation des ressources et permettra aux régimes d'avoir accès à des renseignements fondés sur des preuves, de même qu'à des conseil éclairés. Cet outil sera d'une grande utilité aux provinces et territoires, mais surtout aux provinces plus petites dont les ressources sont plutôt limitées.
La deuxième initiative est le Service canadien de prescription et d'utilisation optimales des médicaments, ou SCPUOM, dont la création a été approuvée en principe. L'objectif est d'améliorer les pratiques de prescription et d'utilisation des médicaments, ce qui aura un impact positif sur la santé et l'usage qui est fait des ressources consacrées aux régimes d'assurance-médicaments. Ce service remplira plusieurs rôles. Il servira de bureau central d'information pour les provinces et territoires qui souhaitent améliorer l'utilisation qui est faite des médicaments. Il procédera à une évaluation critique des diverses initiatives qui visent à promouvoir les meilleures pratiques, et sensibilisera les patients, les prescripteurs et les pharmaciens aux méthodes de prescription et d'utilisation jugées appropriées.
Les régimes d'assurance-médicaments, pour être en mesure de fournir des services assurés, doivent pouvoir contrôler leurs coûts. Les médicaments doivent être prescrits et utilisés de façon appropriée. De plus, un médicament doit être bénéfique sur le plan thérapeutique et efficace quant au coût. Les initiatives comme le PCEM et le SCPUOM nous permettront d'avoir accès à des données de meilleure qualité, de prendre des décisions plus éclairées et d'obtenir des résultats plus efficaces.
J'aimerais maintenant vous parler des médicaments génériques. L'ajout des médicaments génériques au formulaire contribuera à maîtriser les coûts des régimes provinciaux d'assurance-médicaments. En effet, le Nouveau-Brunswick a décidé, il y a plus de cinq ans, de simplifier son processus d'approbation des médicaments génériques en acceptant le facteur d'équivalence de Santé Canada, ce qui lui évite de reprendre le processus d'examen.
L'accès en temps opportun aux médicaments génériques ne peut que contribuer à maximiser les économies. Le règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) prévu par la Loi sur les brevets permet aux fabricants de produits de marque d'obtenir automatiquement une injonction de deux ans contre les fabricants de produits génériques au motif que les médicaments génériques constituent une atteinte à leur brevet. Santé Canada ne peut, pendant ce temps, approuver une version générique du médicament. Cette mesure a pour effet de prolonger la durée de vie du brevet. Même si les tribunaux finissent par statuer que le fabriquant de produits génériques n'a violé aucun brevet, les formulaires provinciaux et les consommateurs auront déjà payé, au cours de cette période, des coûts additionnels pour les médicaments.
La perpétuation des brevets, tactique qu'utilisent les compagnies pour apporter de légères variations à leurs produits de marque brevetés et obtenir automatiquement de nouvelles injonctions, a pour effet de prolonger la protection conférée par le brevet et de retarder la mise au point de médicaments génériques. Cette pratique soulève des inquiétudes, comme en témoigne le rapport Romanow qui, à la recommandation 41, propose que le gouvernement fédéral examine en particulier la perpétuation des brevets et la réglementation sur les avis de conformité. Le Nouveau-Brunswick, conscient de la nécessité d'établir un juste équilibre entre les droits des titulaires de brevet et l'accès aux médicaments génériques, appuie cette recommandation.
· (1355)
Le Comité de l'industrie de la Chambre des communes a tenu des audiences sur le règlement, en juin de cette année. Nous attendons avec impatience son rapport.
D'après une étude récente du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, qui a comparé les prix canadiens des médicaments produits par des sources multiples aux prix en vigueur dans neuf autres pays, les prix des médicaments génériques pratiqués au Canada dépassent la moyenne des prix étrangers de 21 à 51 p. 100. Ce qui donne à penser qu'il devrait être possible d'obtenir de meilleurs prix pour les médicaments génériques au Canada.
Toutefois, il est possible que certaines provinces appliquent à l'égard des médicaments produits par des sources multiples des politiques de prix qui nuisent au processus concurrentiel, de sorte que les prix sont maintenus à un niveau élevé. Par exemple, l'Ontario a adopté un règlement qui dispose que le prix du premier médicament générique doit correspondre à 70 p. 100 du prix du médicament de marque équivalent. Quand aux autres médicaments inscrits subséquemment, leur prix ne peut être supérieur à 90 p. 100 du prix du premier médicament générique. Les compagnies, semble-t-il, en profitent pour imposer le prix le plus élevé possible en Ontario et dans l'ensemble des provinces. Par ailleurs, de nombreuses provinces fixent un prix admissible maximal à l'égard des médicaments produits par des sources multiples, et ce, pour ne pas avoir à rembourser les médicaments de marque pour lesquels il existe des versions génériques. Le fait que les prix des produits génériques soumis par les fabricants pour les quatrième ou cinquième médicaments génériques inscrits correspondent au plafond qui a été fixé nous amène à nous demander si cette politique ne nuit pas, elle aussi, à la concurrence dans les prix.
Bien que la publicité s'adressant directement au consommateur soit interdite au Canada, les Canadiens ont accès aux annonces sur les médicaments qui sont diffusées largement dans les périodiques américains, à la télévision et sur Internet. D'après une étude récente du Journal de l'Association médicale canadienne, la publicité entraîne une hausse de la demande pour les médicaments annoncés, et donc des prescriptions. En effet, la publicité qui s'adresse directement aux consommateurs peut entraîner une hausse de la demande pour des médicaments d'ordonnance puisqu'elle encourage les patients à solliciter des traitements inutiles ou inadéquats, ce qui accroît les risques pour la santé et aussi les dépenses en médicaments. Par ailleurs, les médicaments nouveaux, dont les risques et les avantages sont souvent peu connus, ont tendance à faire l'objet d'une plus grande publicité. Nous nous opposons, pour ces raisons, à l'assouplissement des règles actuelles.
Les consommateurs doivent avoir accès à des données précises et objectives sur les médicaments et autres traitements disponibles, et ce, pour pouvoir participer aux décisions touchant leur santé. Toutefois, pour y arriver, il faut mettre en place des initiatives indépendantes, financées par le gouvernement, comme le SCPUOM.
Enfin, il est possible de freiner la hausse des prix des médicaments en améliorant les pratiques de prescription et d'utilisation, et en favorisant l'accès à des renseignements sur les médicaments qui sont fondés sur des preuves. Les provinces, surtout les plus petites, ne peuvent y arriver toutes seules. Voilà pourquoi il est essentiel de poursuivre la collaboration à ce chapitre aux niveaux fédéral, provincial et territorial.
Je tiens à remercier le comité de m'avoir donné l'occasion de présenter cet exposé au nom du Nouveau-Brunswick. Je répondrai volontiers à vos questions.
La présidente: Merci, madame Jardine.
Monsieur Ward.
M. Thomas Ward: Merci, madame la présidente.
Je tiens à dire, d'entrée de jeu, que la Nouvelle-Écosse et les provinces de l'Atlantique croient en un système de soins de santé public. Nous nous entendons tous pour dire que notre régime, de même que le régime canadien, doivent reposer sur un système de soins de santé communautaire fortement intégré.
Par ailleurs, nous sommes conscients du fait que le nombre de maladies chroniques au sein de la population ne cesse de croître. Autrement dit, les maladies constituent un fardeau de plus en plus lourd pour les particuliers, les familles, les collectivités et les gouvernements. Les compagnies pharmaceutiques ont un rôle à jouer à ce chapitre, puisqu'elles doivent aider les Canadiens à maintenir et à améliorer leur santé.
La région de l'Atlantique est confrontée à un défi particulier pour ce qui est des programmes pharmaceutiques publics, puisqu'elle est reconnue comme ayant le fardeau de maladies le plus élevé au Canada. Nous constatons que le fardeau a tendance à s'accroître d'ouest en est, tandis que la capacité de payer, elle, a tendance à diminuer. Je tiens à signaler que depuis 2001, 55 p. 100 des familles à double revenu en Nouvelle-Écosse ne payent aucun impôt. C'est beaucoup. Cela vous donne une idée de la capacité qu'a le public de participer à ces programmes. Il s'agit pour nous, comme pour d'autres, d'un défi de taille. Nous sommes constamment en train d'essayer de rattraper les autres provinces alors que les coûts, et le fardeau des maladies, ne cessent d'augmenter et que de plus en plus de soins sont dispensés non pas par les hôpitaux, mais par la collectivité, un secteur qui, à l'heure actuelle, n'est pas reconnu ou financé en vertu de la Loi canadienne sur la santé.
Je vais demander à ma collègue, Emily Somers, de vous parler des défis auxquels est confronté le programme d'assurance-médicaments de la province, un programme qui ne s'applique qu'aux personnes âgées. Les familles à faible revenu, elles, sont prises en charge, dans la mesure du possible, par le ministère des Services communautaires.
Lorsqu'Emily aura terminé son exposé, je vous parlerai des orientations futures et des enjeux du programme.
Mme Emily Somers (directrice par intérim, Services pharmaceutiques, Ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse): Merci, monsieur Ward.
J'aimerais vous dire quelques mots au sujet du programme d'assurance-médicaments de la Nouvelle-Écosse. Ce régime été mis sur pied en 1974 dans le but d'aider les personnes âgées à faire face aux coûts élevés des médicaments. Le programme d'accès aux services communautaires, lui, avait pour but d'aider les personnes à faible revenu à payer les médicaments d'ordonnance qui leur étaient prescrits. À l'époque, 80 000 personnes âgées participaient au régime d'assurance-médicaments, dont le coût s'élevait à 7 millions de dollars. Bien qu'il existe des programmes de moins grande envergure en Nouvelle-Écosse pour certains types de maladies ou de médicaments, seuls ces deux programmes sont en vigueur aujourd'hui. Environ une centaine de personnes participent au programme d'assurance-médicaments destiné aux personnes âgées, tandis que 55 000 résidents sont couverts par le programme d'accès aux services communautaires.
¸ (1400)
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Combien de personnes âgées?
Mme Emily Somers: Il y a 100 000 personnes âgées qui participent au programme. Les autres résidents sont couverts par des régimes privés, ne bénéficient d'aucune assurance ou paient leurs médicaments d'ordonnance comptant.
Entre 1974 et 1994, les prix des médicaments ont augmenté d'environ 14 p. 100 par année. Nous avons adopté un train de mesures pour maîtriser les coûts. À l'époque, tous les médicaments lancés sur le marché étaient inscrits sur le formulaire de la province. Nous avons mis un terme à cette pratique et institué un processus qui nous permettait de déterminer si le médicament devait ou non être assuré. Nous avons restreint l'usage de certains médicaments en établissant des critères d'utilisation. Seuls les patients qui remplissaient les critères pouvaient avoir accès à ces médicaments. Nous avons également limité le montant qui pouvait être remboursé pour certains médicaments génériques en imposant un plafond maximal. Nous ne remboursions que le prix du produit générique jugé le moins dispendieux.
Toutefois, il était évident que ces mesures de portée limitée étaient loin d'être suffisantes, qu'elles ne nous permettraient pas de sauver le programme d'assurance-médicaments parce que les coûts augmentaient trop rapidement. Nous avons donc été obligés de modifier le programme en profondeur. Nous essayons, depuis 1995, de faire les choses différemment. Nous avons modifié l'entente de partage des coûts conclue entre le gouvernement et les personnes âgées et institué un régime de cotisations. Nous modifions constamment la quote-part de manière à tenir compte de la hausse des prix des produits pharmaceutiques.
Nous avons établi un nouveau formulaire qui est beaucoup plus qu'une simple liste de médicaments. Ce formulaire a pour but de mieux informer les médecins et de les aider à prendre des décisions plus éclairées quand vient le temps de prescrire des médicaments. Le nouveau formulaire est assorti d'indicateurs de coûts. Les médecins ne connaissent pas toujours le prix des médicaments. Ils ont donc maintenant une idée du coût relatif de ceux-ci. Nous avons également établi des indicateurs pour les soins de première, de deuxième ou de troisième ligne, de même que des directives sur les traitements, dans le but de renseigner les médecins sur les meilleures pratiques qui existent. Nous avons pensé que s'ils avaient accès à des renseignements de meilleure qualité, s'ils avaient une idée des coûts des soins thérapeutiques, nous pourrions les aider à mettre un terme à l'utilisation inadéquate de médicaments et à prescrire des médicaments qui sont bénéfiques sur le plan thérapeutique et efficaces quant au coût.
Nous avons également mis sur pied des programmes d'information à l'intention des personnes âgées. Lorsque les médicaments sont prescrits de façon appropriée, mais qu'ils ne sont pas utilisés comme il se doit, nous nous retrouvons à la case départ. Nous avons donc établi des programmes pour mieux renseigner les personnes âgées sur les médicaments qui leur sont prescrits.
La Nouvelle-Écosse s'est également dotée, depuis, d'un programme d'évaluation des médicaments. Nous essayons de cerner les problèmes que posent les pratiques de prescription. Nous sommes en train de mettre en place des mesures d'intervention et d'évaluer leur efficacité. Il y en a une dont nous sommes particulièrement fiers, soit la formation continue en pharmacothérapie. Les pharmaciens et autres professionnels de la santé rencontrent les médecins dans le but de leur fournir des renseignements sur l'utilisation de médicaments, renseignements qui sont fondés sur les résultats. Nous croyons que cette approche permettra à tous les intervenants de prendre des décisions plus éclairées.
Malgré toutes ces mesures, nos coûts continuent de croître. Comme nous pouvons le voir sur cette diapositive, les coûts du programme augmentent tous les ans. Nous nous attendons à ce qu'ils atteignent 136 millions de dollars cette année.
La hausse constante des prix des médicaments constitue le plus gros défi auquel nous sommes confrontés. Nous sommes convaincus que le taux d'utilisation des médicaments, de même que les prix, vont continuer de croître. Le programme n'est pas viable. Des médicaments de plus en plus efficaces et aux effets secondaires moindres font leur apparition sur le marché, sauf que leur prix est toujours plus élevé. Ces nouvelles thérapies sont adoptées très rapidement, ce qui complique encore davantage les choses. Le prix de lancement de certains médicaments oscille entre 20 000 et 50 000 $ par année, par patient, un montant que les gouvernements et les particuliers ne peuvent se permettre.
La prescription adéquate des médicaments est également source de problèmes. Les médecins, les infirmiers praticiens et autres prescripteurs ont beaucoup de difficulté à composer avec la situation. Il existe un nombre incroyable de médicaments sur le marché. Les renseignements qui proviennent de sources multiples abondent et sont souvent contradictoires. Les patients exercent des pressions et réclament des médicaments qui ne sont pas appropriés. Les choix de mode de vie en regard des médicaments que sont consommés laissent à désirer.
Voilà les principaux défis auxquels est confronté le programme d'assurance-médicaments de la Nouvelle-Écosse.
M. Thomas Ward: Chez nous, à mesure que nous allons de l'avant, nous constatons qu'il y a trois ou quatre points dont il faudrait discuter avec le gouvernement fédéral. Ainsi, il y a la question de la Loi canadienne sur la santé—est-elle contemporaine ou devrait-elle être revue pour débattre d'éventuels partages des coûts pour les produits pharmaceutiques qui ne sont pas prescrits en milieu hospitalier? Il faut le faire à tout prix, particulièrement si nous nous sommes engagés à développer des systèmes communautaires de santé.
Ensuite, il faudra bien, tôt ou tard, débattre du fardeau économique de la maladie. L'accord de février 2003 prévoit le versement par le gouvernement fédéral de deux autres milliards de dollars pour régler, peut-on supposer, le problème des médicaments onéreux. Le défi à relever consiste à reconnaître que la répartition de ces fonds par tête un peu partout au pays ne tient pas compte du fardeau économique de la maladie. Elle n'aide pas la Nouvelle-Écosse, comme c'est le cas pour l'Alberta ou d'autres provinces et territoires. Si nous voulons que le système national soit juste et équitable et qu'il repose sur des normes nationales, il faut proposer un mécanisme de financement qui tient compte du fardeau de la maladie.
Il existe certes des défis difficiles à relever. Nous estimons à 40 millions de dollars de plus que nos dépenses actuelles les fonds nécessaires pour offrir chez nous l'équivalent de ce qui existe dans d'autres juridictions. C'est là une augmentation salée, particulièrement pour une juridiction qui n'a pas des coffres bien garnis.
Nous allons tout de même nous efforcer de le faire au cours des deux ou trois prochaines années. Cette année, nous nous sommes engagés à essayer d'aider certains de nos groupes aux revenus les plus faibles, particulièrement chez les diabétiques, de manière à pouvoir gérer ces questions. Le cas des diabétiques est particulièrement éloquent. Le diabétique de 23 ans indépendant qui fréquente l'université, qui doit payer des frais de scolarité de plusieurs milliers de dollars, plus son logement et ses repas, et se trouver un emploi d'été débourse en un seul mois 500 $ pour l'achat de bâtonnets diagnostiques qui lui permettent de surveiller son taux de sucre. Donc, en l'absence d'un programme de financement des médicaments, il aurait à payer de sa poche 6 000 $ par année, plus ses frais de scolarité. Il faut ensuite qu'il achète l'insuline et il a un régime alimentaire à suivre. On peut facilement comprendre que, dans sa liste de priorités, les bâtonnets diagnostiques qui servent à gérer la maladie se retrouvent tout au bas de la liste. Si nous avions un programme de financement des médicaments onéreux, non seulement en Nouvelle-Écosse, mais partout au pays, il serait conçu pour faciliter la gestion de pareilles situations. Voilà le genre de programme qu'il nous faut.
Certaines de ces questions ont été soulevées par M. Kirby, dans le rapport du comité sénatorial, et par M. Romanow, dans son propre rapport.
Je vous renvoie à ce que j'ai dit au début. Nous sommes en train de passer à une approche communautaire intégrée. Les produits pharmaceutiques ont un rôle à jouer dans le maintien de la santé et la gestion de maladies chroniques au sein de nos collectivités. Le défi que nous avons tous à relever est de trouver un moyen de faire en sorte que ceux qui ont le plus besoin d'aide d'un système de financement public l'obtiennent.
C'est tout ce que j'avais à dire.
¸ (1405)
La présidente: Je vous remercie beaucoup.
Nous allons passer à la période de questions et de réponses. Le premier à prendre la parole est M. Merrifield.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): Je vous remercie d'avoir partagé ces vues avec nous.
J'ai quelques questions à vous poser. Je vais commencer par revenir à la dernière observation que vous avez fait au sujet des deux milliards de dollars prévus dans l'accord pour le programme de financement de médicaments onéreux. Je n'ai pas tout à fait saisi les raisons pour lesquelles vous affirmez que toutes les provinces ne devraient pas être traitées sur un pied d'égalité, que la Nouvelle-Écosse en serait désavantagée par rapport, par exemple, à l'Alberta. Expliquez-moi.
M. Thomas Ward: Les fonds actuels consacrés à la réforme de la santé, dont les médicaments onéreux ne représentent qu'un des trois volets, sont distribués à l'échelle nationale, par habitant. Dans une province où le nombre de malades est faible par rapport à sa population, contrairement à celle où il y a beaucoup de malades, il faut prévoir que ce sont les malades qui ont besoin de médicaments et il faudrait répartir les fonds en fonction de ce fardeau économique de la maladie, plutôt qu'en fonction du nombre d'habitants.
M. Rob Merrifield: Ce n'est donc pas la répartition par tête que vous contestez, mais plutôt le fait qu'on ne tienne pas compte du nombre de malades ou du niveau de vie.
M. Thomas Ward: Je préférerais une formule combinée qui reflète vraiment le nombre de maladies, le fardeau des maladies chroniques et les besoins de médicaments au sein d'une province ou d'une région particulière.
M. Rob Merrifield: Serait-ce complexe à évaluer? Est-ce que les données changeraient constamment? Ce serait difficile à déterminer.
¸ (1410)
M. Thomas Ward: À mon avis, il y a moyen de le faire. Dans ma province, nous avons essayé de cerner la situation. Nous avons un gradient analogue, en ce sens que les habitants de notre province qui semblent être les plus en santé habitent dans la vallée d'Annapolis. À mesure que nous nous rapprochons de la région de Cap-Breton et du Nord-Est, le fardeau de la maladie s'accroît radicalement. Nous avons examiné plusieurs indicateurs qui en témoignent. Nous nous sommes arrêtés à l'utilisation des services hospitaliers, qui à notre avis est un indicateur de maladie. Nous avons constaté que l'utilisation est fonction du revenu et du niveau d'instruction. Il existe un facteur de mobilité, que Statistique Canada inclut maintenant. C'est un examen quinquennal des changements survenus dans les groupes de population. Nous avons constaté l'existence d'une très forte corrélation avec cinq facteurs. Il serait raisonnable d'examiner au moins ce genre d'approche.
À mesure que progresse notre réflexion au sujet du changement que nous constatons dans le TCSPS et les discussions en cours maintenant que, l'accord conclu, il y aura un transfert canadien en matière de santé, ne serait-il pas opportun d'en parler au moins ou d'envisager que ce transfert tienne compte peut-être du fardeau économique de la maladie?
M. Rob Merrifield: Pour en revenir au programme de financement des médicaments onéreux, quel montant aimeriez-vous voir bloquer à cette fin?
M. Thomas Ward: La majorité des discussions au niveau fédéral-provincial-territorial porte au départ sur la terminologie et les définitions. En ce qui concerne les médicaments onéreux, il faut décider de trois points : définir ce qui est onéreux comme coût, ce qui est raisonnable et ce qui représente un fardeau financier trop lourd. Commençons par la dernière : pour ce qui est du fardeau financier trop lourd, tant M. Kirby que M. Romanow ont été très clairs. Il faut que le particulier participe sous une forme quelconque, c'est-à-dire qu'il paie de la coassurance. Cela se ferait en fonction d'une méthode de critères variables fondée sur l'impôt sur le revenu payé l'année précédente ou sur un niveau fixe. Les approches varient d'un bout à l'autre du pays. Je crois qu'il sera plus difficile de définir ce qui est onéreux et ce qui est raisonnable, bien que je soupçonne qu'il y ait moyen de le faire. Le débat gravitera en fin de compte autour de ce que les provinces estiment être raisonnable et des seuils à fixer à cette fin.
M. Rob Merrifield: Je comprends tout cela, mais je vous demandais si, en tant que province, vous aviez une recommandation quant au montant.
M. Thomas Ward: Nous allons participer au processus national. Dans le cadre du Comité consultatif sur l'information et les nouvelles technologies, on prévoit un processus de négociation fédérale-provinciale-territoriale à la première étape, qui consiste à examiner ces définitions.
M. Rob Merrifield: Pour en revenir à votre programme d'assurance-médicaments pour les personnes âgées, vous avez, comme vous le disiez, commencé à exiger une prime en 1995. Est-ce une prime annuelle ou une prime par ordonnance?
Mme Emily Somers: Il s'agit d'une prime annuelle qui s'ajoute à la coassurance. Des seuils de revenu sont prévus. Si votre revenu est inférieur à un certain niveau, vous ne payez pas de prime. S'il se situe quelque part entre deux seuils de revenu, il existe une échelle mobile. S'ajoute à tout cela la prime totale exigée des personnes âgées. Il s'agit d'une prime qui doit être payée chaque année. Elle s'ajoute à la coassurance exigée par ordonnance.
M. Rob Merrifield: Il y a de la coassurance en plus.
Mme Emily Somers: Oui.
M. Rob Merrifield: Comment l'accès et l'utilisation ont-ils changé depuis que vous avez apporté ces changements?
Mme Emily Somers: Au début, la prime a semé beaucoup de confusion chez les personnes âgées, de sorte qu'il y aurait eu un déclin... Est-ce bien ce que vous voulez dire, le changement survenu dans le nombre de personnes âgées adhérant au programme et le changement survenu dans l'accès aux médicaments?
M. Rob Merrifield: Ce n'était pas simplement une question d'avoir plus d'argent, n'est-ce pas? Est-ce ce que vous avez constaté ou avez-vous observé des tendances différentes en ce qui concerne l'utilisation des médicaments?
Mme Emily Somers: L'utilisation a continué de croître. Nous avions introduit ces charges parce que nous avions déjà commencé à observer une augmentation de l'utilisation des médicaments et de leur prix. Il fallait mettre en place une formule quelconque de partage des coûts que pouvaient gérer les personnes âgées et le gouvernement. Nous avons continué de relever le montant que versent le gouvernement et les personnes âgées, et il continue de croître sensiblement.
M. Rob Merrifield: Vous avez dit que les primes avaient augmenté également.
Mme Emily Somers: Les primes ont été introduites en 1995 et elles n'ont pas cessé depuis lors d'augmenter.
¸ (1415)
M. Rob Merrifield: Où se situent-elles actuellement?
Mme Emily Somers: Vous aimeriez en connaître le montant?
M. Rob Merrifield: Que verse-t-on comme prime? Combien?
Mme Emily Somers: La personne âgée verse 336 $ par année si son revenu dépasse un certain seuil.
M. Rob Merrifield: Combien verse-t-elle si son revenu est inférieur au seuil?
Mme Emily Somers: Si votre revenu annuel est inférieur à 20 000 $ par année, si j'ai bonne mémoire, vous ne versez pas de prime, et une échelle mobile est prévue pour les revenus variant entre 20 000 et 26 000 $. Vous payez alors une partie des 336 $.
M. Rob Merrifield: Vous avez mentionné la publicité s'adressant directement aux consommateurs comme étant un problème. Avez-vous constaté des abus? Il existe une loi au Canada qui l'interdit, mais personne n'assure le suivi. Je me demandais si vous aviez constaté des abus. Avez-vous, pour cette raison, cherché avec énergie à prendre des mesures contre les publicitaires?
Mme Leanne Jardine: Oui, nous avons constaté des abus, mais non, nous n'avons pas poursuivi ceux qui faisaient la publicité. Est-ce bien ce que vous avez demandé à savoir?
M. Rob Merrifield: Observez-vous des cas où la loi n'est pas suivie?
Mme Leanne Jardine: Nous avons discuté avec Santé Canada de l'exécution de la loi, plutôt qu'avec ceux qui font la publicité.
M. Rob Merrifield: Étant donné qu'il s'agit d'une loi fédérale, vous signalez les cas au gouvernement fédéral. Je me demande si vous avez creusé la question avec le gouvernement fédéral.
Mme Leanne Jardine: Au sujet de la publicité s'adressant directement aux consommateurs, oui, nous l'avons fait. Toutefois, ces pourparlers ont eu lieu il y a plusieurs années. Il n'y en a pas eu récemment entre notre province et Santé Canada à ce sujet. Si j'ai bien compris, le ministère examine la question depuis plusieurs années. Toutefois, nous n'en avons pas discuté avec le ministère récemment.
M. Rob Merrifield: Vous adressez-vous au ministère simplement pour discuter du problème ou demandez-vous à ce que soit plus rigoureusement appliquée la loi? Précisez-vous que cela vous pose un problème et qu'il faut y voir?
Mme Leanne Jardine: Il y a plusieurs années, quand les discussions étaient en cours, le Nouveau-Brunswick a participé à un comité fédéral-provincial-territorial qui avait recommandé que le règlement ne soit pas assoupli et que Santé Canada consulte les responsables des régimes de financement des médicaments pour tout changement envisagé au règlement relatif à la publicité s'adressant directement aux consommateurs.
M. Rob Merrifield: Si vous me permettez d'interpréter ce que je viens d'entendre, ce n'est pas tellement que vous constatez des abus et que vous les dénoncez que le fait que vous examinez la question d'un point de vue davantage lié à la politique.
Mme Leanne Jardine: Oui.
M. Rob Merrifield: Voilà où se trouve le problème. Au Canada, nous avons une loi et, à moins qu'il n'y ait des dénonciations, elle n'est pas vraiment appliquée.
M. Thomas Ward: Dans la pratique, je crois que la majorité des juridictions y ont tout simplement renoncé à un certain moment donné. Si vous passez votre temps à envoyer des lettres...
M. Svend Robinson: À Santé Canada.
M. Thomas Ward: ... oui, et que rien n'est fait, vous gaspillez votre temps.
M. Rob Merrifield: Avez-vous déjà reçu des réponses de Santé Canada?
Mme Leanne Jardine: Seulement par l'intermédiaire du processus fédéral-provincial-territorial, et c'était un processus d'information qui était à l'étude. Cependant, nous n'en avons jamais reçu à la suite de plaintes qui pourraient avoir été déposées ou de présumés abus dénoncés dans les médias.
M. Rob Merrifield: Je vous remercie.
La présidente: Monsieur Ménard.
¸ (1420)
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Merci. Excusez-moi si j'ai parfois tendance à sommeiller. Je suis un peu grippé et j'ai pris des comprimés, mais je vais quand même essayer de vous poser de bonnes questions.
M. Svend Robinson: Avez-vous pris un médicament générique?
M. Réal Ménard: J'ai pris cela, monsieur Robinson. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Svend Robinson: Ah, bon.
M. Réal Ménard: Dans votre présentation, madame Jardine, vous avez parlé des coûts qui sont liés à l'augmentation. Les membres du comité ont pris connaissance du sommaire des études du comité fédéral-provincial-territorial, et il y a une phrase qui m'a intrigué dans les explications que vous nous avez données. Vous parlez de la « commercialisation » et des « manoeuvres de couloir ». Que voulez-vous dire exactement? En tout cas, c'est ainsi qu'on a traduit cela en français. C'est à la page 2, sur la deuxième acétate de votre document. Dans les facteurs liés à l'augmentation des coûts, vous parlez de l'inscription des nouveaux médicaments, de l'augmentation du volume d'utilisation, ainsi que de commercialisation et de manoeuvres de couloir. On sait ce que sont les manoeuvres de couloir au Parlement, mais il faudrait que vous m'expliquiez ce qu'elles sont dans l'industrie pharmaceutique.
[Traduction]
Mme Leanne Jardine: Je ne me souviens pas d'avoir parlé de « manoeuvres de couloir » ou de l'avoir laissé entendre.
M. Réal Ménard: C'est de la conjecture.
Des voix: Oh, oh!
Mme Leanne Jardine: Ce dont je parle, c'est la façon dont l'industrie pharmaceutique vend ses médicaments en faisant de la publicité qui s'adresse directement au consommateur ou au patient. Des représentants de l'industrie font du marketing directement auprès des médecins et auprès des professionnels de la santé, par l'intermédiaire de revues spécialisées. Par « marketing », j'entends les pratiques de vente.
[Français]
M. Réal Ménard: D'accord. Des témoins nous ont dit que les grandes compagnies pharmaceutiques investissaient 20 000 $ par médecin pour convaincre ces médecins de prescrire leurs médicaments. Il y a donc là un trafic d'influence bien réel. On peut même dire qu'à certains égards, les compagnies pharmaceutiques se sont comportées comme des délinquants de la pilule, et même comme des voyous du comprimé à certains égards. Devrions-nous recommander qu'on oblige soit le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, soit Santé Canada--ce n'est pas clair dans mon esprit et il faudra vérifier--à tenir un registre de tous les échantillons de médicaments en circulation? Ainsi, tous les échantillons de médicaments qui ne sont pas vendus devraient être déclarés à Santé Canada. Si une compagnie pharmaceutique donne 300 échantillons d'un médicament à des médecins, j'imagine qu'elle s'attend à ce que ces médecins prescrivent ce médicament. Seriez-vous favorable à ce qu'il y ait un genre de registre, avec déclaration obligatoire de tous les échantillons qui sont mis en circulation par les compagnies pharmaceutiques?
[Traduction]
Mme Leanne Jardine: Me demandez-vous si le fait d'avoir un registre des échantillons aiderait à évaluer le volume qui a été distribué aux médecins, ce qui permettrait d'une manière quelconque d'établir un lien avec les accroissements de prescription?
¸ (1425)
[Français]
M. Réal Ménard: Je vous demande si vous croyez qu'un registre permettrait que l'on voie plus clair dans le trafic d'influence auquel se livrent les compagnies pharmaceutiques. On part du principe qu'il existe une corrélation entre les échantillons qui sont mis en circulation et l'utilisation que les médecins font du médicament. En ce moment, tout cela est occulte. Les compagnies offrent des cadeaux aux médecins, les font participer à des congrès et mettent en circulation des échantillons de médicaments, mais tout cela n'est pas connu. C'est une idée à laquelle je songe depuis un certain nombre de mois, et j'espère convaincre mes collègues de retenir cette idée. Est-ce que ce registre devrait être tenu par Santé Canada ou le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés? Je ne le sais pas encore, mais croyez-vous que nous devrions faire cette recommandation?
[Traduction]
Mme Leanne Jardine: Cela pourrait être utile.
Un problème que je pourrais concevoir, c'est que beaucoup d'échantillons qui sont distribués ne sont jamais utilisés et finissent par être mis à la poubelle parce qu'ils sont périmés. Pour ma part, je ne crois pas que le processus actuel d'échantillonnage soit une bonne façon de faire. Il faudrait y voir. La sécurité des patients est compromise du fait qu'ils reçoivent des échantillons dont la date d'expiration est passée ou qu'ils apportent à la maison des échantillons qu'ils n'utilisent que plus tard. Ces médicaments ne figurent pas dans le profil des médicaments pris par le patient à la pharmacie.
Plusieurs initiatives ont été prises au fil des ans pour abolir complètement cette pratique. Bien que ces initiatives présentent beaucoup d'avantages, elles pourraient être considérées comme un inconvénient pour les personnes à très faible revenu. Parfois, les médecins remettent des échantillons à ceux qui n'ont pas les moyens de se payer les médicaments et qui ne sont pas admissibles à des programmes de financement public.
Je serais plus favorable à l'idée de modifier le processus d'échantillonnage pour que les échantillons remis à des patients figurent dans le profil de médicaments tenu à la pharmacie. Ce serait préférable à un registre. Comme je l'ai dit, beaucoup d'échantillons ne sont pas utilisés.
Bien qu'il puisse vous donner une idée générale du volume d'échantillons en circulation pour tel médicament et de quelle façon il accroît la prescription de ce médicament par les médecins, je ne crois pas qu'un registre serait très représentatif.
M. Thomas Ward: Dans ce genre de questions, il est juste de reconnaître au départ qu'il n'y a pas de convergence entre les objectifs des fabricants de produits pharmaceutiques et un régime de soins de santé public. On suppose que les fabricants de produits pharmaceutiques ont intérêt à offrir un taux de rendement raisonnable à leurs actionnaires, alors que le système de santé publique tente de fournir à la population qui en assume le coût l'avantage maximal pour un investissement minimal. En dépit des campagnes à l'effet contraire, c'est un fait plutôt élémentaire.
La question entourant la façon dont les compagnies pharmaceutiques mettent des médicaments en circulation sur le marché est problématique pour nous tous. Il n'y a pas longtemps, c'était Remicade, un anti-inflammatoire, qui posait problème. Le produit était distribué à un grand nombre de chercheurs dans des centres universitaires. On en a fait l'essai sur des patients pendant quelque temps. Vers le début de septembre, la plupart des sous-ministres ont reçu une lettre des fabricants laissant entendre qu'ils mettraient fin aux essais à la fin du mois, de sorte qu'il faudrait désormais payer le médicament. Remicade est très coûteux. Ce qu'il y a d'intéressant au sujet de Remicade, c'est qu'on vient de montrer qu'il a beaucoup d'effets secondaires et qu'il n'est assurément pas le médicament de prédilection pour traiter une inflammation.
Dans notre juridiction, nous avons éprouvé des difficultés récemment au sujet d'un nouvel inhibiteur de la pompe à protons à faible coût. Il s'agit en fait d'un antiacide. Il a été mis en marché et, par l'intermédiaire de notre programme d'assurance-médicaments, nous avons envoyé une lettre à nos médecins de famille leur suggérant de le choisir comme premier médicament de choix, plutôt que de prescrire un médicament au coût plus élevé comme Losec. Nous avons eu droit à toute une réaction. Des présidents de compagnies pharmaceutiques nous ont écrit et souhaitaient rencontrer le ministre. Pourtant, l'idée au départ était fort simple, soit d'économiser des deniers publics. Les compagnies pharmaceutiques étaient d'avis que nous ne pouvions pas le faire. Or, nous payons le médicament. Naturellement que nous pouvons le faire.
Quant à la question dont vous avez parlé au sujet de certains avantages que reçoivent les médecins, s'il s'agit vraiment d'un avantage, il faudrait peut-être le rendre imposable de sorte qu'on y accorderait peut-être une certaine valeur. Soyons francs : nous disposons de certains choix à cet égard.
La dernière pierre d'achoppement est simplement le nombre imposant de produits pharmaceutiques en existence. Santé Canada homologue habituellement plus de 100 médicaments par année. L'an dernier, un de ces médicaments était nouveau. Les autres étaient des variantes de médicaments déjà homologués. Si vous vous fiez à toute la documentation publiée par les compagnies pharmaceutiques, il faut bien qu'un de tous ces inhibiteurs soit le meilleur. Il ne doit pas y en avoir 27. Cela pose des difficultés, et le véritable enjeu est de savoir comment s'y retrouver dans toute cette paperasse.
[Français]
M. Réal Ménard: Êtes-vous relativement satisfait du mandat et du rôle du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés? Par exemple, si nous recommandions que soit élargi le rôle du conseil de manière à ce que ce dernier analyse aussi le prix des médicaments génériques, est-ce que ce serait acceptable pour vous? Pensez-vous qu'il faut élargir la base de comparaison des pays en vertu de laquelle on détermine ce qu'est un prix raisonnable ou un prix non raisonnable? Il y a des témoins qui nous ont dit qu'il fallait inclure l'Australie et la Nouvelle-Zélande, dont les politiques en matière de médicaments ne sont pas dépourvues d'intérêt. Quelle analyse faites-vous du rôle du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés?
[Traduction]
Mme Emily Somers: Nous croyons que le CEPMB réussit très bien à garder le prix des médicaments brevetés dans la médiane des sept pays de comparaison. Cependant, nous observons une hausse du coût des produits génériques à source unique et des produits à sources multiples. Nous croyons donc que le CEPMB serait probablement l'organisme le mieux placé pour commencer à évaluer les produits génériques, afin de déterminer si nous pouvons faire mieux. Si l'on observe la courbe des prix de nos produits génériques, on voit qu'ils sont bien supérieurs à la médiane des sept pays de comparaison. Nous serions donc favorables à l'élargissement du mandat du CEPMB.
Pour ce qui est des pays de comparaison, on en parle depuis toujours. Il faut examiner le bassin de pays de comparaison. Je sais qu'il a été beaucoup question de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie, mais il y aurait d'autres pays possibles. Nous devons seulement réexaminer la question pour voir s'il y a lieu de choisir un nouveau bassin de pays.
Nous devons probablement faire quelque chose concernant le prix de départ des médicaments. Le CEPMB pourrait probablement faire quelque chose pour favoriser des prix plus bas. Pour l'instant, le Conseil utilise le terme « non excessif ». Il vaudrait peut-être mieux favoriser des prix « raisonnables » plutôt que « non excessifs ». En somme, nous croyons que le CEPMB pourrait probablement jouer un rôle accru dans l'établissement des prix des médicaments.
¸ (1430)
M. Réal Ménard: Merci.
La présidente: Merci, monsieur Ménard.
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Je vous remercie beaucoup.
La question du fardeau économique de la maladie a retenu mon attention. Je ne connais pas bien votre réalité, mais il se pourrait que la plupart de vos citoyens en santé déménagent vers le centre du Canada ou ailleurs. Comment conciliez-vous cela avec les mesures de prévention que nous devons prendre? Si nous avions une formule de financement du fardeau économique de la maladie, comment favoriserions-nous le financement de la prévention? J'ai lu un article paru en Grande-Bretagne dans lequel l'auteur se demandait s'il fallait inscrire les produits de renoncement au tabagisme sur un formulaire et établir des règles pour que les gens ne puissent les utiliser qu'une seule fois, alors que nous savons qu'il faut huit tentatives avant que les gens réussissent à cesser de fumer. Comment composons-nous avec le fardeau de la maladie tout en incitant le gens à essayer de favoriser la santé de tous?
M. Thomas Ward: Le maintien des gens en santé est un élément fondamental de la réforme des soins de santé primaires. Je présume que c'est le renouvellement de l'engagement des Canadiens à assumer une responsabilité croissante quant à leur propre santé. Je crois que notre pays n'investit pas suffisamment de temps dans ce type de travail. Nous nous réjouissons d'investir un demi-milliard de dollars par année dans les Instituts de recherche en santé du Canada, qui étudient surtout les mécanismes des maladies et qui cherchent à y trouver des cures miracle, alors que nous devrions dépenser autant pour trouver des moyens de mobiliser ces collectivités.
Pendant que nous approfondissons nos connaissances et que notre modèle médical traditionnel se transforme en un modèle axé sur la santé de la population, beaucoup de choses positives se font dans le monde, notamment dans les pays de l'OCDE, pour étudier les facteurs déterminants généraux en matière de santé. Je crois que nous devrions nous pencher sur la question à l'échelle nationale. Prenons l'exemple d'un pays comme le Danemark, qui n'a pas d'établissement de soins de longue durée, mais dont le modèle de soins des aînés prend racine dans la collectivité. Il y a une leçon à en tirer : il semble que nous n'ayons pas réussi à transférer nos connaissances au système public ou, et c'est d'autant plus important, à la sphère politique. Nous passons beaucoup de temps à parler du transfert de connaissances des laboratoires de recherche à la table de chevet. Nous devons maintenant nous occuper du transfert de connaissances des laboratoires de recherche à la sphère politique, pas seulement à l'échelle provinciale, mais aussi à l'échelle nationale.
Pour trouver l'équilibre, il faut vraiment commencer à réfléchir davantage au rôle du logement social et des produits pharmaceutiques dans le maintien des familles et des personnes dans la collectivité pour qu'elles puissent prendre soin d'elles-mêmes ou de leurs conjoints. Je crois que c'est ce sur quoi nous devons mettre l'accent.
Devons-nous craindre un débat national difficile? Absolument. En tant qu'État—et c'est strictement un point de vue de citoyen—, nous devrons un jour ou l'autre tenir le débat que presque toutes les autres administrations publiques ont tenu pour nous demander à quoi le citoyen canadien moyen peut s'attendre, de façon réaliste, d'un régime de soins de santé subventionné par l'État. Si la réponse à cette question c'est que nous pouvons nous attendre à tout, alors nous devons changer de modèle. Si nous sommes d'avis qu'il y aura des limites et que nous devrons accroître la participation du public, alors je crois que nous devons mettre l'accent là-dessus et le faire maintenant.
Je pense que dans certains secteurs de la population canadienne, nous avons vraiment raté le coche. Soyons francs, en ce qui concerne notre relation avec les Premières nations et les soins que nous leur offrons : c'est le tiers-monde, pour ainsi dire. Dans notre province, l'espérance de vie moyenne d'un homme est de 77 ans. Pour les membres de la communauté micmaque qui vivent dans la réserve Eskasoni, l'espérance de vie d'un homme est de 47 ans, comme en Afrique. C'est ridicule. Nous voyons bien qu'il y a un énorme problème de pauvreté infantile et adolescente et qu'il faut leur offrir des soins et des médicaments, ce qui signifie qu'ils doivent d'abord avoir accès à des repas et à des logements décents. Je pense que nous devons avoir une conversation pour essayer de trouver un équilibre dans tout cela.
La population monoparentale augmente, particulièrement celle des mères monoparentales qui prennent soin de leurs enfants. Dans certaines provinces comme la nôtre, il importe aussi de tenir compte d'une nouvelle population très difficile, celle des femmes âgées qui ont passé leur vie à s'occuper de leur mari, maintenant mort, et qui forment une population croissante de femmes de plus de 85 ans complètement démunies, qui ne peuvent rien se payer.
Nous devons avoir une conversation pour trouver un équilibre. Ultimement, le rôle du gouvernement, quel qu'il soit, sera-t-il de fournir des médicaments, des logements sociaux ou d'acheter un nouveau système d'IRM pour détecter plus de maladies?
¸ (1435)
Mme Carolyn Bennett: Quelqu'un a proposé la mise en place d'une agence des médicaments. Croyez-vous que le Nouvelle-Écosse serait en faveur de cette option?
M. Thomas Ward: Il vaudrait certainement la peine qu'on en discute.
La présidente: Merci, madame Bennett.
Monsieur Robinson.
M. Svend Robinson: Il vaudrait la peine qu'on en discute. C'est plutôt évoque. Si j'essayais de comprendre si la Nouvelle-Écosse appuie la recommandation d'une nouvelle agence des médicaments, et j'ajouterais même de celle d'un formulaire national aussi (ce ne sont là que deux de la demi-douzaine de recommandations sur les médicaments d'ordonnance)... La position de la Nouvelle-Écosse est-elle que nous devrions avoir une conversation?
M. Thomas Ward: Nous sommes d'avis que ce serait une excellente idée. Nous nous demandons toutefois si le gouvernement fédéral a la volonté de susciter cette discussion.
M. Svend Robinson: D'accord, mais vous êtes d'avis qu'il faudrait aller de l'avant.
M. Thomas Ward: Nous avons un régime national de soins de santé, en théorie. En pratique, il y a quatorze régimes de soins de santé différents : dix dans les provinces, trois dans les territoires et un engagement de la part du gouvernement fédéral envers les Premières nations, les Forces armées et la GRC. Il y a quatorze programmes différents, alors qu'il ne devrait n'y en avoir qu'un.
M. Svend Robinson: Je voudrais simplement faire quelques observations avant de poser des questions. Pour ce qui est de la formule par habitant, je suis absolument d'accord avec vous. Si vous avez besoin d'un exemple d'injustice de la formule par habitant, il y a bien sûr le traitement accordé aux trois territoires nordiques dans le plus récent accord sur la santé. Heureusement, grâce à une pression constante et à l'appui des provinces, nous avons pu reconnaître qu'il fallait établir des distinctions fondamentales. Je me suis rendu à Iqaluit plus tôt cette année. Les statistiques du Nunavut sur les problèmes respiratoires des enfants dans leur première année de vie sont désastreuses, elles battent tous les records mondiaux. Si je me rappelle bien, quelque 60 p. 100 des enfants là-bas doivent voir un médecin en raison de problèmes respiratoires dans leur première année de vie. La formule par habitant laisse donc entrevoir un immense problème et je suis content de vous l'entendre dire.
Plus tôt aujourd'hui, nous avons entendu des preuves qui me semblent irréfutables de la bouche du Dr Allan Abbass, qui dirige le Centre pour les émotions et la santé à l'Université Dalhousie. Il nous disait combien le travail et la recherche étaient plus qu'insuffisants pour trouver des solutions de rechange à la promotion et à l'usage de médicaments. Il nous donnait l'exemple des psychothérapies brèves pour traiter les troubles liés aux émotions comme la dépression, l'anxiété, les troubles de l'alimentation, etc. Ces thérapies nous feraient économiser beaucoup d'argent et seraient très efficaces, mais aux dires du Dr Abbass, elles manquent d'appui. Il travaille ici, en Nouvelle-Écosse. J'aimerais vous demander si le ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse serait prêt à envisager d'appuyer des mesures en ce sens. Êtes-vous au courant?
Mme Emily Somers: Le régime d'assurance-médicaments est axé sur les médicaments. Nous tenons compte des thérapies à base d'autres médicaments et nous nous penchons à l'occasion sur les solutions de rechange à la prise de médicaments, mais je ne connais pas bien le dossier.
M. Svend Robinson: C'est un véritable problème. Peut-être Mme Jardine aurait-elle une réponse à nous donner. Les choses sont peut-être différentes au Nouveau-Brunswick. Il fait valoir qu'il est très bien d'envisager des thérapies à base d'autres types de médicaments, mais lorsqu'il y a des solutions viables sans recours aux médicaments, nous devrions aussi en tenir compte. Seriez-vous prêt à rencontrer le Dr Abbass pour voir si cette option mérite d'être étudiée et même de l'appuyée?
¸ (1440)
M. Thomas Ward: Nous nous ferions un plaisir de rencontrer le Dr Abbass pour discuter de cette option ou de tout autre programme. Je dois toutefois vous mentionner l'une de nos contraintes administratives, parce que le ministère de la Santé est responsable de la population âgée. Les services communautaires, avec qui nous collaborons, assument la responsabilité d'une grande partie de la population, soit de celle des personnes de moins de 65 ans. Je serai très heureux de le rencontrer. Je vais inviter mes collègues des services communautaires à la table pour en discuter.
M. Svend Robinson: Je l'apprécie beaucoup.
Vous avez dit une chose pour le moins surprenante, monsieur Ward. Vous avez dit que le ministère fédéral de la Santé baissait les bras pour remettre la loi en question et la faire appliquer, ce qui est pourtant l'objet de notre discours en ce moment. Pouvez-vous préciser votre pensée? Vous êtes l'un des sous-ministres de la Santé ayant le plus d'expérience au Canada. Dans quelle mesure en avez-vous discuté aux rencontres FPT? Dans quelle mesure les provinces et territoires ont-ils exhorté le gouvernement fédéral à agir en ce sens? D'un autre côté, qu'entendez-vous au gouvernement fédéral sur la possibilité de permettre davantage de publicité visant directement le consommateur?
M. Thomas Ward: Les réunions FPT ont été difficiles dans les dernières années parce que les sous-ministres du pays ont été complètement débordés par certains problèmes. Il est indéniable que le problème du sang contaminé a fait passer certains aspects habituels du travail au second plan, parce que parfois, toute la rencontre était axée sur ce problème. Il a fallu presque un an pour que les choses rentrent dans l'ordre. Puis il y a eu l'accord de 2000, puis nous avons commencé à travailler en vue de février 2003. J'ai essayé de trouver un moyen de simplifier le processus ou de recourir à des conseils consultatifs de la Conférence des sous-ministres pour nous conseiller de façon stratégique sur l'évolution de ces dossiers.
Nul besoin de vous dire qu'en ce moment, tous les ministères de la Santé sont occupés à trouver du personnel. Il est remarquable que pendant la réforme des soins de santé du pays, tout le monde a fait valoir très clairement que l'administration était trop lourde, donc tout le monde a favorisé les compressions. Lorsqu'il ne reste plus qu'une poignée de gestionnaires, on n'a pas vraiment les ressources scientifiques et stratégiques nécessaires...
M. Svend Robinson: Pour revenir aux publicités visant directement les consommateurs, quelles incidences remarquez-vous?
M. Thomas Ward: Monsieur Robinson, lorsque je participe à une rencontre, ce n'est pas ma priorité ultime. J'aurai peut-être l'occasion de glisser un mot au sous-ministre fédéral ou à l'un des SMA pour lui dire que le problème persiste, mais je suppose qu'ils subissent également beaucoup de pressions à Ottawa en ce moment.
M. Svend Robinson: Mais vous continuez de soulever le problème.
Mme Emily Somers: Comme Leanne l'a déjà dit, il y a eu des consultations à ce sujet il y a plusieurs années, et nous avons présenté notre point de vue sur la publicité visant directement les consommateurs. Je crois qu'il y a eu deux ou trois vagues de consultations. Peut-être sommes-nous tous trop patients, mais nous attendons toujours la publication des résultats de ces consultations.
M. Svend Robinson: Il n'y a donc pas eu de publication.
Mme Emily Somers: Non, il n'y en a pas eu. Ce que M. Ward dit est vrai. Nous sommes tous occupés à d'autres problèmes. Nous pensions que quelque chose allait se passer dans ce domaine, mais non. Nous attendons toujours que les résultats des consultations tenues il y a plusieurs années soient publiés pour relancer le débat sur ce problème.
M. Svend Robinson: Nous pourrons certainement faire un suivi en ce sens.
Ai-je le temps de poser une dernière petite question?
¸ (1445)
La présidente: Oui.
M. Svend Robinson: Madame Jardine, nous avons entendu aujourd'hui des témoins du Nouveau-Brunswick. Mme Margaret Dykeman, de la Clinique de santé communautaire de Fredericton, déclare dans son mémoire qu'« aucun système de suivi n'existe au Nouveau-Brunswick, afin d'enregistrer et de signaler le nombre de narcotiques auxquels une personne peut avoir accès ». J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet. Y a-t-il des projets à l'étude pour mettre en place un tel système de suivi. Il y a PharmaNet en Colombie-Britannique, qui fonctionne très bien. J'aimerais que nos témoins nous disent s'ils envisagent un concept semblable dans leur province.
Mme Leanne Jardine: Nous avons un système de suivi, et nous recueillons des données sur nos bénéficiaires dans le cadre du Plan de médicaments sur ordonnance du Nouveau-Brunswick. Notre programme n'est pas universel. Nous ne disposons pas des moyens législatifs ni des pouvoirs nécessaires pour surveiller la consommation de narcotiques par d'autres individus que nos bénéficiaires. Si nous devions faire le suivi pour tous les résidants, nous aurions besoin d'une loi. Nous aurions aussi besoin d'un système, ce qui coûte cher. Alors, il nous faudrait deux choses : la capacité et le pouvoir de recueillir l'information, puis le système pour le faire. Nous étudions différentes possibilités, mais dans le contexte de l'élaboration de notre système de dossiers médicaux électroniques « un patient-un dossier ». C'est un projet à plus long terme. Nous étudions aussi la question dans le contexte de nos travaux sur l'élargissement, au Nouveau-Brunswick, du paiement des médicaments dont le prix est exorbitant, et il nous faudra un système si cet élargissement a lieu. Alors non, ça n'existe pas au Nouveau-Brunswick. Oui, ce serait merveilleux d'avoir un système comme celui de la Colombie-Britannique. Mais à l'heure actuelle, nous n'en avons pas.
M. Svend Robinson: Vous avez besoin que le gouvernement intervienne pour l'instaurer.
Mme Leanne Jardine: Et cela exigerait beaucoup d'argent et de ressources.
M. Svend Robinson: Qu'en est-il de la Nouvelle-Écosse?
La présidente: Leanne a dit quelque chose que j'aimerais qu'elle clarifie. Vous avez dit que vous n'aviez pas l'argent pour créer le système. Vous avez aussi dit que vous n'aviez pas les pouvoirs. Mais n'est-ce pas vous qui agréez les médecins qui rédigent les ordonnances et les pharmaciens qui les exécutent?
Mme Leanne Jardine: Je parlais du pouvoir de recueillir des renseignements personnels sur les patients.
La présidente: Dites-vous que les bénéficiaires de l'aide sociale, par exemple...
Mme Leanne Jardine: Nous recueillons ces données...
La présidente: ... n'ont pas les mêmes droits que les citoyens qui ne reçoivent pas d'aide sociale?
Mme Leanne Jardine: Non, loin de là.
La présidente: Si vous recueillez des données personnelles sur les bénéficiaires de l'aide sociale, pourquoi ne pouvez-vous pas en recueillir sur les gens qui, par exemple, ont une assurance privée?
Mme Leanne Jardine: Le pouvoir de le faire est accordé par la Loi sur la gratuité des médicaments sur ordonnance, qui a été rédigée en 1975.
La présidente: Par conséquent, la loi stipule que si la province paie le médicament d'ordonnance, vous pouvez recueillir les données.
Mme Leanne Jardine: Oui.
La présidente: Il semble y avoir deux catégories de citoyens. Je ne savais pas que c'était le cas.
Monsieur Barrette.
[Français]
M. Gilbert Barrette (Témiscamingue, Lib.): Merci, madame la présidente.
Vous dites que vous apportez de l'aide aux gens à faible revenu par l'entremise des community services. Ces services sont-ils dispensés au niveau municipal, au niveau d'une région ou au niveau d'un comté?
[Traduction]
Mme Leanne Jardine: Notre régime de médicaments est un régime provincial central.
[Français]
M. Gilbert Barrette: Vous parlez du programme pour les personnes à faible revenu, n'est-ce pas?
[Traduction]
Mme Leanne Jardine: Le volet du programme des médicaments l'est. Les Services familiaux et communautaires qui donnent accès à l'aide sont régionaux. Mais le programme de médicaments est un programme provincial géré de manière centrale.
[Français]
M. Gilbert Barrette: Les gens doivent-ils débourser un montant ou si on paie 100 p. 100 des coûts?
[Traduction]
Mme Leanne Jardine: Dans le cas des clients des Services familiaux et communautaires, les adultes paient 4 $ par ordonnance, et les enfants de moins de 18 ans paient 2 $. Mais il y a un plafond annuel de 250 $ par famille.
[Français]
M. Gilbert Barrette: Cette question s'adresse au Dr Ward.
En tant que sous-ministre de la Santé, vous avez sûrement eu des échanges avec votre ministre au sujet du type d'intervention que le gouvernement fédéral pourrait ou devrait faire dans le cadre d'un programme pancanadien. Souhaitez-vous allouer de l'argent et dire aux gens d'en faire ce qu'ils veulent, ou si vous souhaitez allouer de l'argent spécifiquement pour les médicaments ou faire une autre forme d'investissement dans un programme pancanadien, ce que plusieurs souhaitent, je pense?
¸ (1450)
[Traduction]
M. Thomas Ward: Il y a deux éléments à cette question. L'un d'eux est évidemment la question de l'imputabilité à l'égard des fonds publics, qu'ils proviennent des gouvernements provinciaux, municipaux ou fédéral. Il est très clair que l'un des éléments moteurs du système de gestion publique de ce pays est, à l'heure actuelle, l'intérêt croissant des citoyens pour la valeur obtenue en contrepartie de l'argent dépensé. Si nous recevions de l'argent du gouvernement fédéral à l'appui d'un programme de paiement des médicaments au prix exorbitant, je serais ravi de rendre compte de la façon dont l'argent a été dépensé. Ça ne me pose aucun problème. C'est l'argent des contribuables; ils ont le droit de savoir.
Pour ce qui est d'un programme national de médicaments financé par le gouvernement fédéral, j'ai l'impression que la plupart des administrations souhaiteraient ardemment que cela se réalise. Un tel régime apporterait une certaine équité en ce sens qu'il reconnaîtrait au moins, à l'échelle nationale, le fardeau de la maladie.
Je suppose que nous aurions des difficultés dans deux domaines. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral réglemente les médicaments, les nouveaux médicaments ou agents chimiques, et il ne peut pas être à la fois celui qui décide qui obtiendra quoi et celui qui approuve. Il y a là un conflit fondamental. C'est un élément. Le gouvernement fédéral serait dans une position difficile, c'est-à-dire qu'il pourrait bien devenir la cible de beaucoup de provinces, et je pourrais finir par sonner moi-même la charge. Si le fédéral impose un plafond aux médicaments ou aux types de médicaments et décide que c'est ce que le programme national couvrira, que c'est ce qu'il estime être un programme raisonnable de paiement des médicaments au prix exorbitant, il y aurait de la contestation. Beaucoup de nouveaux médicaments actuels, surtout ceux contre certaines maladies rares... L'industrie pharmaceutique donne des signes selon lesquels un nouveau médicament pourrait arriver sur le marché et coûter jusqu'à 600 000 $ par année par patient. Ces coûts deviennent un énorme problème pour un gouvernement qui peine à boucler son budget.
En ce qui concerne les agents, il y a deux domaines dont nous n'avons pas discuté. L'un d'eux est la question des produits sanguins et des produits sanguins synthétiques. Pour ce qui est des gammaglobulines ou des produits sanguins fractionnés administrés par voie intraveineuse, leur coût augmente de 40 p. 100 par année à l'échelle mondiale. À mon avis, ce coût devrait être régi comme celui des médicaments. Il existe des composés synthétiques, comme les synergistes. Ce sont des agents qui servent à protéger les enfants contre le virus respiratoire syncytial, une maladie qui peut être mortelle, particulièrement dans les collectivités des Premières nations ou chez les enfants qui ont une maladie chronique, comme une maladie cardiaque ou pulmonaire. Dans la province, nous couvrons actuellement une centaine d'enfants et le coût est de 700 000 $.
Dans le domaine de la génomique, est-ce que les traitements géniques n'entrent pas aussi dans cette catégorie? N'est-il pas nécessaire d'établir un programme national ou des contrôles à cet égard? Nous avons déjà des problèmes avec la protection juridique des modifications génétiques, entre autres, un domaine dans lequel les ministères de la Santé exhortent Industrie Canada à agir. Ces problèmes risquent d'entraîner des dépenses énormes pour notre pays.
J'estime que nous ne devons pas nous limiter au présent. Le comité doit examiner certains enjeux de l'avenir. Je pense que les discussions du comité doivent être quelque peu élargies.
La présidente: Monsieur Barrette, vous avez soulevé une question sur laquelle le comité a tenté d'obtenir de l'information dans le cadre d'études précédentes, et c'est celle de la protection juridique des modifications génétiques, des traitements géniques, etc.
J'aimerais revenir à la question de la publicité directe auprès des consommateurs. Vous avez probablement vu la publicité télévisée sur Twinrex, un vaccin à recevoir avant d'aller dans le Sud pour éviter de contracter l'hépatite A ou B. La publicité décrit ce qui peut vous arriver. Elle décrit ce que vous devez acheter. Le comité s'est interrogé là-dessus; il a demandé pourquoi il était permis d'annoncer ce produit à la télévision. C'était parce que c'est un produit biologique.
Compte tenu de ce que vous venez de dire, croyez-vous que nous devrions songer à bannir la publicité directe sur les produits biologiques ou géniques, s'ils servent à lutter contre une maladie ou à la prévenir? Autrement, un traitement...
¸ (1455)
Mme Carolyn Bennett: Si Santé Canada avait l'argent pour faire ça... Cela prévient la réapparition d'un grand nombre de maladies...
La présidente: En fait, la publicité pourrait être faite sans nommer le produit. Les fabricants de médicaments sont limités à une publicité qui peut décrire une affection et laisser entendre qu'elle est très dangereuse, que quiconque présente ces symptômes ou pourrait être exposé à cette maladie devrait demander à son médecin...
Mme Carolyn Bennett: C'est un vaccin.
La présidente: Mais il pourrait y en avoir d'autres qui concevraient un vaccin, un médicament...
M. Thomas Ward: À propos des produits biologiques et de l'immunisation ou de la vaccination, les principaux avantages que nous avons constatés au cours du siècle dernier pour les soins de santé étaient liés à la lutte contre les maladies infectieuses. C'est là que les plus grands...
La présidente: Mais jusqu'à maintenant, c'étaient les gouvernements, pas les compagnies. Un gouvernement provincial fait de la publicité pour rappeler aux gens que c'est le temps de recevoir un vaccin contre la grippe, de faire ceci ou de faire cela.
M. Thomas Ward: Je pense que cette publicité est clairement destinée à prévenir la maladie dans la population.
Quant à la génomique, je pense qu'avec le temps, le défi que nous aurons à relever sera celui du rapport coût-avantage. Ces nouveautés améliorent-elles la longévité du patient?
La question des brevets pose un énorme problème. Vous êtes certainement au courant de ce qui s'est produit en Ontario. Les marqueurs génétiques BRAC 1 et 2, qui sont associés à une forte incidence du cancer du sein, ont été brevetés par une entreprise de l'Utah. Quand le gouvernement de l'Ontario a voulu choisir un test différent, cette entreprise a intenté des poursuites en soutenant qu'elle détenait le droit d'auteur sur ces gènes. C'est ridicule.
Le gouvernement fédéral et Industrie Canada doivent se faire à l'idée que nous devons gérer ces questions. Si ce n'est pas fait et que quelqu'un conçoit un traitement génétique qui permet de guérir une certaine maladie cardiaque ou une maladie pulmonaire sous-jacente d'origine génétique, ce qui pourrait évidemment faire épargner des millions de dollars avec le temps, et que l'inventeur du médicament détient un brevet, comme c'est le cas des compagnies pharmaceutiques actuellement, il pourrait dire que le coût du médicament, pour ce gène, est de 100 millions de dollars. Pour ce qui est de l'avenir, nous cherchons vraiment à atteindre un équilibre entre, d'une part, le besoin pour le système public d'améliorer ou de protéger la santé de la population et, d'autre part, la reconnaissance du fait que les créateurs de composés chimiques, génétiques ou biologiques doivent être récompensés pour leurs travaux. Encore une fois, il s'agit d'équilibrer cela avec la quantité de ces produits dont nous avons besoin.
La présidente: J'aimerais entendre la deuxième partie de votre anecdote au sujet de l'envoi d'une lettre aux médecins prescripteurs, à propos de la préférence d'un médicament par rapport à un autre, d'un médicament qui est moins cher qu'un autre, puis de tous les appels reçus des compagnies pharmaceutiques. Avez-vous remporté ce combat, ou les politiciens ont-ils cédé devant les compagnies pharmaceutiques?
Mme Emily Somers: La politique n'a pas changé. Elle a été légèrement modifiée mais, en gros, elle a été appliquée comme elle avait été annoncée. Je précise qu'il y avait deux éléments. Nous voulions faire passer les patients au médicament moins cher, et tous les nouveaux patients recevraient ce médicament moins cher. Nous avons décidé de ne pas changer les médicaments des patients qui en recevaient déjà; si leur état s'était stabilisé avec un produit, nous allions les laisser le prendre. Mais tous les nouveaux patients devraient commencer à prendre le médicament moins cher. Cela semblait une solution...
¹ (1500)
La présidente: Un compromis. C'est plutôt surprenant, pourtant, que ces compagnies téléphonent au gouvernement provincial et tentent d'exercer des pressions, n'est-ce pas?
M. Svend Robinson: Ils le font tout le temps.
La présidente: Je le sais.
M. Thomas Ward: Ce n'est pas inhabituel.
La présidente: Je ne disais pas que c'était inhabituel.
M. Svend Robinson: Continuez votre récit. Poursuivez.
M. Thomas Ward: Tout le monde parle de ces questions. Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit de nouveau là-dedans. Les compagnies recourent intensément au marketing et aux pressions.
M. Svend Robinson: Et du lobbying.
Mme Carolyn Bennett: S'il y a 22 différents détergents pour lave-vaisselle sur le marché, il y a un nombre limité de lave-vaisselle et vous avez besoin d'une quantité limitée de savon. Si vous approuvez un nombre x de pompes à proton et que vous expliquez aux médecins laquelle est la moins chère et fonctionne tout aussi bien, ou encore qu'il doit y avoir des directives à ce sujet, pourquoi le coût est-il plus élevé? C'est quelque chose que je ne comprends toujours pas, pourquoi il y a plus de médicaments homologués si les médecins ne vont en prescrire qu'un.
Mme Emily Somers: Demandez-vous pourquoi l'ajout d'un nouveau médicament à une catégorie pourrait soudainement faire augmenter les coûts?
Mme Carolyn Bennett: Oui.
Mme Emily Somers: Souvent, quand un nouveau médicament arrive sur le marché, les ventes augmentent soudainement. Les gens pour qui d'autres médicaments semblables ont échoué essaieront ce nouveau médicament. Dans le cas des inhibiteurs de l'enzyme COX-2 qui viennent d'être commercialisés, le marché a connu une énorme croissance, parce que c'était une nouvelle catégorie de médicament et que les gens pour qui les traitements précédents avaient échoué l'ont essayé. Cela se produit quand de nouveaux médicaments entrent sur le marché.
Mme Leanne Jardine: L'autre effet, c'est l'augmentation de l'effervescence sur le marché, parce qu'il y a plus de compagnies qui veulent transmettre un message à propos de leur médicament appartenant à la même catégorie. Là où il y en avait peut-être deux, il y en a maintenant dix. L'activité déployée pour vendre ces produits a augmenté d'autant.
M. Thomas Ward: L'une des difficultés du système est de reconnaître et de comprendre qu'une somme considérable de recherche, surtout pendant les essais cliniques des phases 3 et 4, est financée par les compagnies pharmaceutiques, qui jouent un rôle économique pour le soutien des établissements d'enseignement.
Cette question comporte deux éléments importants, du moins à mon avis. L'un d'eux est lié à la manière dont les études sont menées, c'est-à-dire qu'on a tendance à comparer la céphalosporine de 8e génération au résultat obtenu avec la 9e génération sans jamais discuter de la nécessité de soumettre la céphalosporine de 9e génération aux essais qui servaient à comparer la pénicilline et la céphalosporine de 1re génération.
Mme Carolyn Bennett: Contre l'angine streptococcique. Il faudrait revenir à ce qui se passait avant.
M. Thomas Ward: Il faudrait revenir à ce que je décrirais comme la méthode clinique classique. Un article récemment publié dans le New England Journal of Medicine ou The Lancet démontrait que l'hydrochlorothiazide, le principal diurétique employé depuis 25 ans, était aussi efficace que la plupart des médicaments plus chers comme moyen de première intervention contre l'insuffisance cardiaque.
Il y a une lueur d'espoir, car les éditeurs de cinq ou six grandes revues médicales du monde viennent d'accepter de publier ce qu'ils estiment être des essais cliniques importants qui produisent des résultats négatifs, c'est-à-dire qu'un nouveau médicament cher est comparé à un médicament existant, et qu'il ne présente aucun avantage prouvé. Nous n'avions jamais vu cela. Pourquoi publierait-on des résultats négatifs dans une revue scientifique? À mon avis, la réponse est que, en fin de compte, ces études doivent être publiées.
Je crois donc que ce sont là des éléments importants, mais il y a encore de la place pour l'amélioration.
La présidente: Nous serions heureux de poursuivre cette conversation. Elle est très intéressante. Mais, à cause de l'horaire de nos déplacements, nous devons y mettre fin.
Au nom des membres du comité, je vous remercie beaucoup d'être venus. Je vous remercie aussi pour le travail que vous accomplissez chaque jour dans ces dossiers difficiles. Nous nous réservons le droit de revenir et de vous poser des questions par téléphone ou par courriel. Merci pour vos vastes connaissances et pour votre travail.
La séance est levée.