HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la santé
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 2 décembre 2002
Á | 1105 |
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)) |
Mme Suzi Leather (présidente, Human Fertilization and Embryology Authority, Royaume-Uni) |
Á | 1110 |
Á | 1115 |
Á | 1120 |
La présidente |
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne) |
Á | 1125 |
Mme Suzi Leather |
M. Rob Merrifield |
Mme Suzi Leather |
M. Rob Merrifield |
Mme Suzi Leather |
M. Rob Merrifield |
Mme Suzi Leather |
M. Rob Merrifield |
Mme Suzi Leather |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.) |
Á | 1130 |
Mme Suzi Leather |
M. Stan Dromisky |
Mme Suzi Leather |
M. Stan Dromisky |
Mme Suzi Leather |
M. Stan Dromisky |
Mme Suzi Leather |
M. Stan Dromisky |
Mme Suzi Leather |
M. Stan Dromisky |
Mme Suzi Leather |
Á | 1135 |
M. Stan Dromisky |
Mme Suzi Leather |
M. Stan Dromisky |
Mme Suzi Leather |
M. Stan Dromisky |
La présidente |
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne) |
Mme Suzi Leather |
M. James Lunney |
Mme Suzi Leather |
M. James Lunney |
Mme Suzi Leather |
Á | 1140 |
M. James Lunney |
Mme Suzi Leather |
M. James Lunney |
Mme Suzi Leather |
M. James Lunney |
La présidente |
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.) |
Á | 1145 |
Mme Suzi Leather |
La présidente |
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) |
Mme Suzi Leather |
Á | 1150 |
M. Paul Szabo |
Mme Suzi Leather |
M. Paul Szabo |
Mme Suzi Leather |
M. Paul Szabo |
Mme Suzi Leather |
M. Paul Szabo |
Mme Suzi Leather |
M. Paul Szabo |
Mme Suzi Leather |
M. Paul Szabo |
Mme Suzi Leather |
M. Paul Szabo |
Mme Suzi Leather |
M. Paul Szabo |
Á | 1155 |
Mme Suzi Leather |
La présidente |
 | 1200 |
Mme Suzi Leather |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
Mme Suzi Leather |
M. Rob Merrifield |
Mme Suzi Leather |
M. Rob Merrifield |
Mme Suzi Leather |
M. Rob Merrifield |
Mme Suzi Leather |
M. Rob Merrifield |
 | 1205 |
Mme Suzi Leather |
M. Rob Merrifield |
Mme Suzi Leather |
M. Rob Merrifield |
Mme Suzi Leather |
M. Rob Merrifield |
Mme Suzi Leather |
M. Rob Merrifield |
Mme Suzi Leather |
M. Rob Merrifield |
Mme Suzi Leather |
M. Rob Merrifield |
Mme Suzi Leather |
M. Rob Merrifield |
Mme Suzi Leather |
M. Rob Merrifield |
Mme Suzi Leather |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
Mme Carolyn Bennett |
 | 1210 |
Mme Suzi Leather |
Mme Carolyn Bennett |
La présidente |
M. James Lunney |
Mme Suzi Leather |
M. James Lunney |
Mme Suzi Leather |
M. James Lunney |
Mme Suzi Leather |
M. James Lunney |
Mme Suzi Leather |
M. James Lunney |
Mme Suzi Leather |
M. James Lunney |
La présidente |
M. Paul Szabo |
Mme Suzi Leather |
M. Paul Szabo |
 | 1215 |
Mme Suzi Leather |
M. Paul Szabo |
Mme Suzi Leather |
M. Paul Szabo |
Mme Suzi Leather |
M. Paul Szabo |
Mme Suzi Leather |
M. Paul Szabo |
Mme Suzi Leather |
M. Paul Szabo |
Mme Suzi Leather |
La présidente |
Mme Suzi Leather |
La présidente |
 | 1220 |
Mme Suzi Leather |
La présidente |
M. James Lunney |
 | 1225 |
La présidente |
M. James Lunney |
Mme Suzi Leather |
La présidente |
Mme Suzi Leather |
La présidente |
Mme Carolyn Bennett |
La présidente |
Mme Suzi Leather |
Mme Carolyn Bennett |
Mme Suzi Leather |
Mme Carolyn Bennett |
Mme Suzi Leather |
 | 1230 |
La présidente |
Mme Suzi Leather |
La présidente |
La présidente |
M. Sam Weiss (professeur, Département de biologie cellulaire et anatomie,Université de Calgary) |
· | 1300 |
La présidente |
M. Timothy Caulfield (président de recherche du Canada en politique et droit de la santé, professeur agrégé, Faculté de droit et Faculté de médecine et d’art dentaire, Université de l'Alberta) |
· | 1305 |
· | 1310 |
La présidente |
M. Clement Persaud (témoignage à titre personnel) |
· | 1315 |
La présidente |
· | 1320 |
M. James Lunney |
M. Sam Weiss |
M. James Lunney |
M. Sam Weiss |
M. James Lunney |
M. Sam Weiss |
· | 1325 |
M. James Lunney |
M. Sam Weiss |
M. James Lunney |
M. Sam Weiss |
M. James Lunney |
M. Clement Persaud |
· | 1330 |
La présidente |
M. Timothy Caulfield |
La présidente |
M. Timothy Caulfield |
La présidente |
M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.) |
M. Sam Weiss |
· | 1335 |
M. Jeannot Castonguay |
M. Timothy Caulfield |
La présidente |
M. Timothy Caulfield |
La présidente |
M. Clement Persaud |
M. Jeannot Castonguay |
M. Clement Persaud |
Mr. Jeannot Castonguay |
M. Clement Persaud |
La présidente |
M. Sam Weiss |
M. James Lunney |
M. Sam Weiss |
La présidente |
Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne) |
M. Timothy Caulfield |
· | 1340 |
Mme Carol Skelton |
La présidente |
M. Timothy Caulfield |
La présidente |
M. Timothy Caulfield |
La présidente |
M. Timothy Caulfield |
La présidente |
M. Timothy Caulfield |
La présidente |
M. Timothy Caulfield |
La présidente |
M. Timothy Caulfield |
Mme Carol Skelton |
· | 1345 |
La présidente |
M. Timothy Caulfield |
La présidente |
M. James Lunney |
M. Sam Weiss |
M. James Lunney |
M. Sam Weiss |
· | 1350 |
La présidente |
M. James Lunney |
La présidente |
M. Sam Weiss |
La présidente |
M. Sam Weiss |
La présidente |
M. Sam Weiss |
M. Timothy Caulfield |
La présidente |
M. Timothy Caulfield |
La présidente |
M. Timothy Caulfield |
La présidente |
· | 1355 |
M. Timothy Caulfield |
La présidente |
M. James Lunney |
M. Clement Persaud |
La présidente |
M. Clement Persaud |
La présidente |
CANADA
Comité permanent de la santé |
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l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 2 décembre 2002
[Enregistrement électronique]
Á (1105)
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Mesdames et messieurs, bonjour.
J'ai le plaisir de vous accueillir aujourd'hui devant le Comité permanent sur la santé et je souhaite la bienvenue parmi nous, par voie de vidéoconférence, à Mme Suzi Leather, présidente de la Human Fertilization and Embryology Authority de la Grande-Bretagne, et à Angela McNab, directrice générale de cette même organisation.
Bonjours mesdames. Nous sommes heureux de pouvoir bénéficier de votre savoir dans ce domaine alors que nous allons entreprendre l'étude article par article du projet de loi qui s'y applique. Donc, sans plus tarder, je vais donner la parole à celle d'entre vous qui souhaite intervenir en premier et nous passerons ensuite aux questions.
Allez-y.
Mme Suzi Leather (présidente, Human Fertilization and Embryology Authority, Royaume-Uni): Merci, madame la présidente, et de Londres je salue tous vos collègues. Merci beaucoup de nous avoir invitées à comparaître devant votre comité. C’est un grand honneur pour moi et pour ma directrice générale, Angela McNab, qui est à mes côtés aujourd’hui.
Angela occupe son poste depuis relativement peu de temps, deux ou trois semaines environ, et je me chargerai donc de présenter notre exposé, après quoi nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Je vous ai préparé deux séries de diapositives et je vous prie tout d’abord de m’excuser du fait qu’elles ne sont qu’en anglais. Je ne sais pas si vous les avez à votre disposition.
La première série porte sur la réglementation des techniques de reproduction assistée et de la recherche sur les embryons humains au Royaume-Uni. C’est une présentation que j’ai faite en octobre à Washington au Conseil du président sur la bioéthique.
La deuxième s’intitule «Licences de recherche de la HFEA sur les embryons humains». Cette série de diapositives a été présentée lors de la première conférence internationale sur les cellules souches organisée par le gouvernement britannique à Londres en septembre. Il serait bon que l’auditoire anglophone ait devant lui cette deuxième série de diapositives.
Quoi qu’il en soit, je vais consacrer quelques minutes à la question car, en consultant le courrier électronique que vous nous avez envoyé, je constate que vous souhaitiez particulièrement nous interroger sur les licences de recherche concernant les embryons. Donc, si ça vous convient, madame la présidente, je vais consacrer quelques minutes à cette question. J’évoquerai ensuite d’autres sujets tel que l’anonymat des donneurs.
Est-ce que cette façon de procéder vous convient?
La présidente: Très bien, allez-y.
Mme Suzi Leather: La création à l’extérieur du corps, le stockage, l’utilisation et le traitement, ainsi que la manipulation scientifique des embryons est réglementée au Royaume-Uni par la Human Fertilisation and Embryology Authority. La HFEA, c’est son sigle, est un organisme public non ministériel. Il rend des comptes au Parlement par l’entremise du Secrétaire d’État à la Santé. La HFEA joue un rôle important en matière de réglementation de la recherche sur les cellules embryonnaires, sur les embryons et plus spécialement sur les cellules souches embryonnaires.
Je vais me pencher sur ce rôle et vous montrer plus particulièrement comment nous cherchons à nous assurer que les cellules souches embryonnaires sont créées légalement et en respectant les règles de l’éthique. De toute évidence, il est très important de maintenir la confiance du public, non seulement dans la recherche sur les embryons en général, mais plus particulièrement en matière de recherche sur les cellules souches, qui nous apparaît comme un nouveau domaine plein de promesses pour la science médicale.
Notre organisation a été créée en 1991 et nous étions à l’époque la première organisation de réglementation de ce type dans le monde. Toutes les recherches effectuées sur les embryons au Royaume-Uni doivent être approuvées par la HFEA, et nous n’établissons aucune distinction entre les recherches publiques et privées.
La procédure d’octroi de licences de recherche est stricte et s’appuie sur un certain nombre de principes. Lorsqu’elle se penche sur les demandes de recherche portant sur les embryons, notre organisation détermine tout d’abord si la proposition de recherche répond aux critères en ce qui a trait à la nécessité et au but de la recherche. En vertu de la loi adoptée en 1990, aucune licence ne peut être accordée si notre organisation n’est pas convaincue que l’utilisation que l’on se propose de faire des embryons est indispensable pour les besoins de la recherche. Nous ne pouvons autoriser une activité que si elle nous apparaît nécessaire ou souhaitable compte tenu des objectifs fixés par le Parlement.
La Human Fertilisation and Embryology Act de 1990 définit ces objectifs de la manière suivante:
Encourager les progrès réalisés dans le traitement de la stérilité, mieux connaître les causes des maladies congénitales; mieux savoir ce qui cause les fausses-couches; mettre en oeuvre de meilleures techniques de contraception; enfin, élaborer des méthodes de détection des gènes ou des chromosomes anormaux dans les embryons avant leur implantation. |
Á (1110)
En janvier 2001, à une grande majorité dans les deux chambres du Parlement—et je tiens à souligner que ces deux votes étaient libres—trois objectifs de recherche ont été rajoutés. Il s’agissait tout d’abord de mieux connaître le développement de l’embryon, ensuite de renforcer nos connaissances en ce qui a trait aux maladies graves et, en troisième lieu, de faire en sorte que ces connaissances puissent être appliquées à la mise en oeuvre de traitements contre les maladies graves.
Outre qu’il leur faut respecter les critères que je viens d’évoquer—soit la nécessité et l’utilité des recherches—toutes les demandes de recherche doivent être approuvées par un comité d’éthique institué dans les formes au niveau local. Les chercheurs doivent alors soumettre leurs recherches à leurs pairs. Les installations de recherche sont inspectées et l’on interroge le futur détenteur de la licence s’appliquant au projet ainsi que certains de ses collaborateurs avant qu’un rapport définitif soit examiné par le comité des licences de la HFEA.
L’examen effectué par les pairs se fait dans les domaines suivants: savoir si la recherche relève des catégories de recherche sur les embryons autorisées par le Parlement; importance de la recherche dans ce domaine; savoir si d’autres recherches ont déjà été effectuées et, autrement dit, si le projet est nouveau; savoir s’il est justifié d’utiliser des embryons humains; intérêt des méthodes pouvant être employées; durée de l’étude proposée; enfin, qualifications du requérant.
Pour tenir compte des différents objectifs désormais autorisés par la loi de 2001, la HFEA a renforcé son mécanisme d’octroi de licences. Ainsi, les demandeurs qui souhaitent entreprendre des recherches visant à tirer des cellules souches des embryons seront tenus de justifier au départ l’utilisation des cellules souches embryonnaires par opposition à d’autres cellules souches. Ensuite, il leur faudra fournir des précisions détaillées concernant ce qu’il va advenir des cellules souches tout au long du projet. En troisième lieu, ils devront remettre un échantillon de toutes les lignes de cellules souches créées à la banque de cellules souches que doit établir le conseil de recherche médicale—ce sera la banque des cellules souches du Royaume-Uni. Les chercheurs ne pourront pas transmettre directement à des tiers des lignes de cellules souches et, par conséquent, quiconque souhaite utiliser des lignes de cellules créées par la recherche sur les embryons humains devra en faire la demande à la banque des cellules souches du Royaume-Uni.
Nous veillons aussi à faire respecter la réglementation en inspectant les installations de recherche. Cette inspection est obligatoire pour qu’une licence puisse être délivrée ou pour que l’on puisse modifier une licence existante afin d’inclure un nouveau procédé ou un nouveau projet de recherche. Les inspecteurs doivent pouvoir s’assurer qu’un consentement est donné en toute connaissance de cause sans aucune coercition, que la confidentialité sera maintenue tout au long du projet, que les chercheurs comprennent les exigences de la Loi sur la fertilisation et l’embryologie humaines et que les installations sont bien adaptées, les mesures de sécurité nécessaires étant mises en place.
En plus de réglementer les projets par l’octroi de licences et de faire respecter les dispositions de la loi, la HFEA insiste bien sur la séparation entre les embryons devant servir à la recherche et les embryons servant au traitement; sur la nécessité d’un consentement et sur les méthodes d’obtention des embryons; sur la durée pendant laquelle les embryons sont maintenus en culture; enfin, sur la façon dont les fait ensuite éventuellement mourir.
Vous avez évoqué le sujet du consentement dans les questions que vous m’avez posées, et c’est important aussi en ce qui nous concerne.
Le service de santé national du Royaume-Uni n’offre pas de manière générale des services de traitement contre la stérilité. Cela ne fait pas partie des traitements normalement dispensés par notre service médical socialisé. Le coût d’un cycle de traitement, lorsqu’on englobe les médicaments nécessaires, se situe entre 5 000 et 10 000 $ canadiens.
Il y aura vraisemblablement des liens entre les organisations de recherche et de traitement et il est donc impératif que les embryons ou les gamètes qui sont données en vue de produire des embryons pour la recherche le soient librement et que les donneurs agissent en toute connaissance de cause. Pour cette raison, on n’autorise pas que les dons puissent influer de manière ou d’une autre sur les traitements. Les centres doivent s’assurer qu’une personne désignée à cet effet, qui n’est pas directement impliquée dans le traitement des patients, puisse intervenir pour discuter avec les malades de la recherche et de la possibilité de faire des dons. De plus, il faut que les malades soient informés du mode de financement de la recherche, y compris des bénéfices que peuvent en tirer les chercheurs ou leurs services.
Á (1115)
Pour s’assurer que l’on comprenne bien les implications des dons, y compris de l’immortalité éventuelle des lignes de cellules souches, la HFEA exige aussi que les malades soient informés du fait que les lignes de cellules souches peuvent se perpétuer indéfiniment et être utilisées dans le cadre de nombreux projets de recherche différents; qu’une fois qu’un embryon a servi pour leur projet de recherche, le donneur n’exerce plus aucun contrôle sur les utilisations futures des cellules embryonnaires et des lignes de cellules souches qui en sont tirées; enfin, que les lignes de cellules embryonnaires peuvent servir dans des applications commerciales sans que le donneur en retire des bénéfices financiers.
Depuis l’entrée en vigueur de la réglementation de 2001, nous avons délivré à ce titre deux licences portant sur des recherches sur les embryons. Les deux projets autorisés vont permettre de créer des lignes de cellules souches embryonnaires à partir d’embryons découlant d’une fécondation in vitro qui sont excédentaires ou dont on n’a plus besoin pour le traitement et qui ont par conséquent été donnés pour les besoins de la recherche.
En tant que présidente de la HFEA, j’aimerais que l’on s’efforce d’informer pleinement le public du déroulement des recherches sur les embryons. Nous sommes en train de reconfigurer notre site Internet—www.hfea.gov.uk—pour donner plus de détails sur les projets de recherche que nous avons autorisés. Nous ne savons pas encore exactement quelle est l’information que nous allons divulguer, et je crois qu’il faut maintenir un certain équilibre entre les exigences de transparence et la nécessité de protéger la confidentialité des personnes impliquées dans la recherche. Je considère cependant qu’il est important que les gens sachent quelles sont les recherches qui sont effectuées sur les embryons et quels avantages doit en retirer le public.
Pour conclure, entre autres activités, la HFEA est chargée de contrôler la création et l’utilisation de la recherche des embryons jusqu’à ce qu’ils aient 14 jours. Cela englobe les recherches susceptibles de produire des cellules souches embryonnaires.
Nous continuons à nous assurer, comme nous l’avons fait pour toutes nos recherches sur les embryons, que le recours à des embryons pour se procurer des lignes de cellules souches se fait selon des procédés strictement contrôlés et de manière responsable et équitable pour tout le monde. Il est illégal au Royaume-Uni de créer des cellules souches embryonnaires sans qu’une licence ait été délivrée par la HFEA.
Cela couvre de manière générale la procédure d’octroi de licences au titre de la recherche sur les embryons humains. Vous avez aussi abordé la question de l’anonymat des donneurs et du secret par opposition à un système de dons public de sperme, d’oeufs et d’embryons.
En juillet, la Human Fertilisation and Embryology Authority a donné sa réponse au gouvernement, qui l’avait consulté en la matière. Je me contenterai de vous lire nos recommandations, qui sont très brèves mais dont vous devriez constater la pertinence.
Tout d’abord, nous considérons qu’il conviendrait de supprimer l’anonymat des donneurs. En second lieu, nous conseillons d’appliquer de manière rétrospective tout changement apporté à l’anonymat des donneurs. Pour une question d’éthique et de logistique, nous avons rejeté le principe de la double filière, les futurs parents pouvant choisir entre un don anonyme ou un don d’une personne connue. Enfin, nous avons aussi considéré qu’il convenait d’élaborer des directives plus strictes sur les besoins de consultation ressentis par les personnes qui envisagent un traitement faisant appel aux gamètes d’un donneur, ainsi que des descendants des donneurs qui veulent avoir des renseignements sur celui-ci.
Pour conclure comme nous l’avons fait sur l’anonymat des donneurs, nous avons pris en compte deux facteurs importants. Bien évidemment, il faut concilier les intérêts des différentes parties concernées, mais nous avons considéré que l’information—l’importance de connaître ses origines et les circonstances de sa propre conception—avait une grande valeur pour la propre identité de chacun. Nous étions tout à fait convaincus que les gens avaient besoin d’être informés de leurs origines génétiques.
Á (1120)
Je pense que vous m’avez posé une dernière question au sujet de l’indemnisation et du remboursement des dépenses des donneurs et des mères de substitution. En ce qui a trait aux gamètes et aux embryons, comme pour tous les autres tissus humains, nous avons la ferme conviction au Royaume-Uni qu’il convient d’agir pour des motifs altruistes et non pas pour des motifs commerciaux. Nous autorisons une très faible rémunération de quelque 30 $ canadiens au titre des dons de sperme ou d’oeufs. Les donneurs peuvent se faire rembourser en plus les frais raisonnables encourus. Vous pouvez en déduire que la situation est très différente de celle qui a cours aux États-Unis, par exemple.
J’espère que ce petit exposé vous a été utile. Je me ferai un plaisir, avec Angela, de répondre à vos questions.
La présidente: Merci, madame Leather.
Nous allons maintenant passer aux questions en commençant par les députés de l’opposition.
Monsieur Merrifield.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): Merci d’être venues nous parler ce matin. J’imagine que c’est l’après-midi chez vous. Je comprends bien votre situation, sur un sujet bien délicat.
J’en reviens cependant à la question de l’éthique pour tout ce qui concerne cette recherche sur les cellules souches embryonnaires. Lorsque des considérations d’éthique s’opposent au potentiel scientifique, le problème c’est de savoir qui doit gagner—la science ou l’éthique? Voilà le dilemme pour tout ce qui entoure la recherche effectuée dans ce domaine.
Comment déterminer ce qui est nécessaire et ce qui ne l’est pas? Comment allez-vous déterminer ce qui est nécessaire et comment savoir si une chose est inutile tel que vous l’avez précisément déterminé?
Á (1125)
Mme Suzi Leather: Nous avons longuement discuté en public, et je suis sûre que vous l’avez fait vous aussi au Canada, de la dimension éthique de la recherche sur la stérilité et les embryons. Je pense que nous avons eu la chance de bénéficier de 10 ou 12 années de bonne réglementation des traitements de la stérilité et des recherches sur les embryons avant que n’intervienne le débat sur les cellules souches.
Je ne situerais pas le débat en opposant l’éthique à la science parce que je considère qu’il y a des arguments éthiques aussi bien pour que contre les travaux menés sur les cellules souches. Si vous partez du principe, comme le fait notre législation, que jusqu’à 14 jours le pré-embryon n’est pas une personne humaine, et si vous autorisez les traitements contre la stérilité et la recherche sur les embryons jusqu’à 14 jours, il n’est pas difficile d’accepter par principe que l’on puisse tirer de ces débuts d’embryons des lignes de cellules souches embryonnaires dont le potentiel est évidemment très grand.
Nous ne disons pas que les cellules souches embryonnaires sont plus importantes que les autres cellules souches. Je crois qu’au stade du développement de cette science, le Royaume-Uni part du principe qu’il convient d’étudier les cellules souches dans tous leurs aspects.
M. Rob Merrifield: Cela m’amène à vous poser une autre question. Jusqu’à 14 jours, vous ne considérez pas qu’il s’agit d’un embryon, mais d’un pré-embryon, je crois que c’est ce que vous venez de dire. Il me semble que d’autres personnes vont considérer qu’il y a un embryon dès la conception.
Mme Suzi Leather: Soyons clairs. Je ne le considère pas, et il n’est pas considéré par la loi, comme une personne humaine au sens où nous l’entendons d’un enfant de deux ans ou de vous et moi.
M. Rob Merrifield: Personne ne va d’ailleurs vous contredire, je pense, mais le dilemme sur le plan de l’éthique est de savoir s’il y a une vie humaine au moment de la conception, avec tout le potentiel qu’offre une vie humaine. Nous pourrions en débattre longuement; ce n’est pas ce qui est véritablement important. Je me demande cependant ce qui ne vous paraît alors pas nécessaire sur le plan de la recherche. Nous voulons définir le terme «nécessaire». Qu’entendez-vous par là?
Mme Suzi Leather: Eh bien, je vais vous lire à haute voix la définition du terme «nécessaire», telle qu’elle a été donnée par le Parlement. Nous disons que c’est nécessaire pour faire progresser les traitements de la stérilité, pour mieux connaître la cause des maladies congénitales, pour mieux savoir ce qui cause les fausses-couches, pour mettre en oeuvre des techniques de contraception plus efficaces, pour élaborer des méthodes visant à déceler la présence de gènes ou de chromosomes anormaux dans les embryons avant leur implantation et, en outre, pour mieux connaître le développement des embryons, pour améliorer les connaissances des maladies graves et pour faire en sorte que ces connaissances puissent servir à mettre au point des traitements des maladies graves.
Nous avons donc nettement élargi cette définition dans la loi de 2001, mais cela signifie toujours que l’on ne va délivrer des licences que pour les raisons ci-dessus et seulement si les autres conditions préalables sont réunies.
M. Rob Merrifield: L’autre condition préalable, c’est le consentement, si je comprends bien.
Tout se ramène cependant à votre définition de ce qui est «nécessaire» et l’on ouvre ici la porte à un éventail très large de recherches qui fait qu’on ne limite plus grand-chose. Ce que je veux vous faire dire, en fait, c’est à partir de quel moment vous allez vous opposer en affirmant qu’il est contraire à l’éthique d’utiliser des embryons humains pour telle ou telle recherche?
Mme Suzi Leather: Il y a bien évidemment des domaines que nous allons considérer comme étant contraires à l’éthique et, si vous le voulez, je pourrai vous faire parvenir des exemples de projets de recherche qui ont été refusés.
M. Rob Merrifield: Oui. Si vous pouviez nous donner un ou deux exemples, ou...?
Mme Suzi Leather: Non, je ne peux pas le faire au pied levé.
M. Rob Merrifield: C’est tout pour maintenant. Je vous poserai d’autres questions lors du prochain...
La présidente: Docteur Dromisky.
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci.
Je vous remercie de votre exposé. Il est bon d’entendre le point de vue d’une personne spécialisée dans ce domaine de recherche particulièrement délicat.
J’aimerais avoir quelques précisions concernant le rôle de votre organe de réglementation. En vertu des dispositions de la Human Fertilisation and Embryology Act de 1990, un organe a été institué qui comporte une majorité de non-spécialistes et qui compte en tout 21 membres. Je regarde ici votre organigramme et la façon dont sont prises les décisions jusqu’au moment de l’octroi des licences. Où se situe cet organe au sein de l’organigramme?
Á (1130)
Mme Suzi Leather: Laissez-moi mieux m’expliquer.
Aux termes de la loi, notre organisation doit comprendre des gens ayant de nombreuses spécialités. Toutefois, vous avez absolument raison de dire qu’il faut en permanence une majorité de non-spécialistes. Selon cette interprétation, les scientifiques et les cliniciens spécialistes du domaine ne peuvent pas constituer la majorité. En outre, il faut aussi que le président et le vice-président soient des non-spécialistes.
Les comités d’octroi des licences, qu’il s’agisse de licences portant sur des projets de recherche ou sur des cliniques de traitement, sont composés de membres de l’organisation, généralement cinq. Donc, en vertu de la loi, les décisions individuelles de licence ne doivent pas être prises par l’ensemble de l’organisation, mais par l’un de ses sous-comités, soit un comité chargé de l’octroi des licences.
M. Stan Dromisky: Vous nous dites ce que l’on peut faire ou non dans ce cadre et une question de crédibilité se pose alors. Cet organe n’opère pas comme protecteur du citoyen. Je ne sais pas quels sont ses pouvoirs effectifs de surveillance et de contrôle sur le terrain, au sein du secteur privé comme du secteur public. D’où proviennent donc ces responsabilités?
Mme Suzi Leather: Notre organisation a été instituée en vertu de la loi pour contrôler, réglementer et autoriser au moyen de licences les traitements et la recherche menée sur les embryons jusqu’à 14 jours, le stockage des gamètes et des embryons, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé.
M. Stan Dromisky: Qui en a la responsabilité?
Mme Suzi Leather: Excusez-moi, mais je ne comprends pas bien votre question. Nous avons été institués en vertu de la loi. D’un point de vue constitutionnel, nous sommes un organisme public non ministériel. Nous sommes donc, jusqu’à un certain point, indépendant du gouvernement, mais nous rendons des comptes au Parlement par l’entremise des ministres de la Santé.
M. Stan Dromisky: Je comprends bien, mais je ne vois toujours pas comment vous pouvez garantir jusqu’à un certain point que tout se passe bien et que tout le monde respecte la réglementation puisque vous n’avez pas de protecteur du citoyen enregistrant les plaintes ou les sujets de préoccupation dont peut faire état une personne quelconque au sein de l’ensemble du système.
Mme Suzi Leather: Pour nous assurer que l’on respecte la volonté du Parlement en matière de recherche... Je prends tout d’abord la question du traitement. Nous inspectons chaque année les centres de traitement. Nous demandons à voir tous leurs dossiers, nous interrogeons les patients pour savoir quel est leur sentiment, nous passons en revue l’ensemble des gamètes et des embryons entreposés pour nous assurer que tout est conforme aux dossiers et, sur cette base, nous délivrons des licences aux cliniques.
Les licences de recherche sont attribuées de leur côté par les comités des licences de la HFEA. Là encore, nous procédons à des inspections, nous effectuons des contrôles sur le terrain, au hasard et, sur le plan des recherches, nous exigeons bien entendu une révision par les pairs.
M. Stan Dromisky: Voilà qui répond à ma question. Je vous remercie.
Pour ce qui est de la disponibilité des embryons, il en faut un bon nombre pour pouvoir en quelque sorte déclencher une grossesse. Est-ce que l’approvisionnement est suffisant? Y a-t-il un bon approvisionnement dans votre pays et dans vos cliniques?
Mme Suzi Leather: Vous voulez parler des gamètes?
M. Stan Dromisky: Oui, excusez-moi, des gamètes.
Mme Suzi Leather: Non, l’offre n’est pas abondante. Le problème de l’approvisionnement sur le marché en gamètes est de plus en plus pressant au Royaume-Uni. Je crois que l’on a toujours manqué d’oeufs et qu’il a toujours été plus facile d’obtenir du sperme. Nous constatons aujourd’hui qu’il y a aussi des pénuries locales de sperme et je dirais donc que nous éprouvons des difficultés à nous approvisionner en oeufs et en sperme.
Á (1135)
M. Stan Dromisky: Pour ce qui est des donneurs de sperme, par exemple, jusqu’à quel point recueille-t-on des renseignements complets et détaillés à leur sujet? Recueillez-vous beaucoup d’autres données sur ces personnes?
Mme Suzi Leather: Nous faisons un examen de santé de tous les donneurs. On vérifie s’ils ne sont pas séropositifs, s’ils n’ont pas l’hépatite B ou C, on recherche tous les antécédents familiaux... que fait-on encore? On limite le nombre de fois que chacun peut donner, pour limiter le nombre d’enfants susceptibles d’être créés par un seul donneur. Cela s’applique aussi bien au secteur public qu’au secteur privé.
M. Stan Dromisky: Je vous remercie.
Mme Suzi Leather: Toutefois, le contrôle génétique se limite à cela.
M. Stan Dromisky: Bien, merci.
La présidente: Merci, docteur Dromisky.
Docteur Lunney.
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne): Merci.
J’ai plusieurs questions à vous poser, mais je vais peut-être enchaîner dans le domaine que vient d’aborder le docteur Dromisky au sujet des donneurs.
Je vais me faire un instant l’avocat du diable. Vous avez évoqué un certain nombre de contrôles auxquels vous procédez au sujet du sperme, de la séropositivité et de l’hépatite C et B. Vous vous renseignez sur les antécédents familiaux et vous limitez le nombre de dons. Ma première question est donc la suivante: autorisez-vous l’importation et l’exportation de gamètes?
Mme Suzi Leather: Oui, mais uniquement en vertu d’une licence spécialement délivrée par la HFEA. Nous le faisons à la fois pour remédier aux pénuries locales... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... et il y a aussi des personnes qui sont en déplacement au Royaume-Uni, qui ont éventuellement déjà eu un enfant avec du sperme d’un certain donneur et qui souhaitent agrandir leur famille en lui donnant des frères et soeurs ayant la même mère et le même père, ce qui peut les amener à importer du sperme en provenance du même donneur.
M. James Lunney: Le problème, chez nous, c’est que certaines cliniques ont importé du sperme en provenance des prisons des États-Unis. Nous contrôlons donc la qualité des produits en cherchant à déceler les différentes maladies connues au moment où nous opérons. Rappelez-vous que nous avons mis un certain temps avant de savoir reconnaître l’agent entraînant la séropositivité et avant de mettre au point un test. Il ne serait pas étonnant qu’il y ait d’autres choses qui nous échappent.
Faisons-nous ici l’avocat du diable en rappelant que certaines personnes estiment que la criminalité, par exemple, a des causes génétiques, même si ce n’est pas ce que je pense. Supposons toutefois qu’il en soit ainsi. Comment procéder à un contrôle sur ce point à l’importation et à l’exportation? Il est déjà bien difficile de contrôler ce qui se passe sur son propre territoire, ne pensez-vous pas?
Mme Suzi Leather: Je suis bien d’accord avec vous pour dire que quelle que soit la qualité des contrôles, on ne peut éliminer tous les risques, et je pense qu’il convient de le faire savoir aux patients. Nous allons effectuer de plus en plus de contrôles et je pense que l’on procédera ainsi aussi bien dans le cadre d’un régime médical socialisé que dans celui du marché libre.
Je ne pense pas que nous demandions ou que nous exigions que nos cliniques se renseignent sur les antécédents judiciaires. S’il était suffisamment prouvé que certaines caractéristiques de comportement ont une base génétique, on serait peut-être bien alors obligé de le faire, mais autant que je puisse le savoir ce n’est pas ce que la science dit pour l’instant.
M. James Lunney: Sur un autre plan, je crois comprendre que selon vous il y a une tendance à supprimer l’anonymat des donneurs parce qu’il est important que chacun puisse connaître ses origines pour former sa personnalité. Je me demande simplement comment vous conciliez notamment la chose avec le recours à l’importation et à l’exportation, en ce qui a trait aux prisons, par exemple. N’y a-t-il pas un groupe de donneurs plus stables et, si l’on adoptait un système plus transparent, un groupe, disons, plus responsable?
Mme Suzi Leather: Effectivement, les contradictions que vous soulignez peuvent exister dans une certaine mesure, mais on pourrait expliquer aux intéressés qu’ils peuvent avoir recours à des donneurs qu’ils connaissent très bien ou encore à des donneurs qu’ils connaissent moins bien, et l’on pourrait concevoir un système offrant à ces gens une possibilité de choix. Je ne vous conseille pas de procéder ainsi.
Á (1140)
M. James Lunney: Il y a bien des raisons de s’inquiéter dans ce domaine.
Considérons la question sous un autre angle. Vous nous avez indiqué qu’il était important que les embryons soient donnés en toute liberté, sans aucune pression, etc. Je suis intrigué par le fait que vous fassiez observer qu’en raison de l’immortalité potentielle de ces cellules souches, il faut faire comprendre aux donneurs que même si ces produits peuvent finalement être utilisés dans un but commercial, ils n’auront aucun droit sur ceux-ci et ne pourront retirer aucun intérêt commercial des applications tirées des cellules souches de l’embryon qu’ils ont donné. Je me demande simplement comment vous conciliez tout cela.
J’imagine qu’en parlant d’immortalité vous faites allusion au fait que même si ces cellules sont tirées d’embryons destinés à devenir de véritables êtres humains, quelque 80 à 100 billions de cellules, la croissance, qui s’arrête normalement entre 18 et 21 ans, ou qui ralentit immédiatement, parce que les cellules sont congelées, puis relancées et arrêtées à nouveau, donne l’impression d’être indéfinie et certaines personnes peuvent la qualifier d’immortalité. C’est bien ce que vous dites?
Mme Suzi Leather: Non, je parlais en fait de multiplication et non pas de développement.
M. James Lunney: Alors même que la recherche est en cours depuis des années, nous croyons savoir que sur les quelque 60 lignes de cellules disponibles ou censées être disponibles aux États-Unis, trois seulement sont effectivement utilisées et qu’il y a très souvent des dérapages. Les lignes de cellules souches finissent par s’écarter de la voie normale et ne se reproduisent pas de la manière prévue. Je pense qu’il n’est pas très logique de parler d’«immortalité» à propos de choses tels qu’un embryon ou des cellules souches, qui vont normalement se développer pendant 18 à 21 ans avant d’atteindre le stade adulte, qui sera suivi d’un ralentissement. Personne n’a cultivé des cellules souches pendant une telle période.
Mme Suzi Leather: Nous avons jugé important que les donneurs donnent leur consentement en toute connaissance de cause et il est évident qu’en cas de don d’embryons dont on tire des lignes de cellules souches, les donneurs donnent un consentement différent de celui qui consiste à donner des embryons devant permettre de découvrir les causes d’une fausse-couche. Je pense que les personnes qui donnent leurs embryons ont le droit de disposer de cette information.
M. James Lunney: Je vous remercie.
La présidente: Merci, docteur Lunney.
Docteure Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci.
Nous sommes très préoccupés au Canada par la nécessité pour les enfants de savoir qu’ils ont été conçus de manière particulière. En tant que médecin de famille, j’ai toujours recherché un véritable équilibre entre les différents intérêts, notamment sur le caractère non rétrospectif des décisions prises que vous évoquez dans le document de discussion. Je considère que l’on risque de porter un grave préjudice à l’enfant et aux parents si l’on change les règles en cours de route. Comment faire pour se procurer le document de discussion qui a été publié? Je pense qu’il serait vraiment utile.
Nous avons entendu dire ici que depuis la publication de ce document de discussion, les dons de gamètes ont baissé de manière significative. J’aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.
J’aimerais aussi que vous nous disiez s’il y a une différence entre le fait de connaître les origines génétiques du donneur biologique et celui de connaître son nom et son adresse. Est-il nécessaire à un titre quelconque de tenir son dossier à jour auprès d’un médecin de famille et de signaler tout ce qui survient après coup—soudainement, on peut se retrouver avec un cancer du côlon, un cancer du sein, des choses de ce genre. Est-il nécessaire que les donneurs tiennent à jour leur fiche familiale et leur dossier médical?
Nous avons vu par ailleurs aux États-Unis que si le droit de la famille ne prévoit pas certaines dispositions régissant la garde, l’accès et les mesures d’entretien... Avez-vous ce genre de protection contre les poursuites en justice? Avez-vous évoqué la chose dans votre document de discussion? Des interdictions sont-elles prévues dans le droit local de la famille pour préciser la situation des donneurs de gamètes et leur conférer une protection?
Ce sont là les principales questions que je vous pose.
Á (1145)
Mme Suzi Leather: Je pense que votre question comporte quatre volets. Sur le premier point, le caractère rétrospectif des modifications apportées à la loi en ce qui a trait à l’anonymat des donneurs, je considère qu’il était en fait contraire à la justice naturelle de promettre aux donneurs l’anonymat pour revenir sur cet engagement 10 ans plus tard. Nous avons pensé aussi qu’il fallait tenir compte des intérêts des donneurs existants. Je pense que l’on se retrouverait dans des situations assez difficiles si de nombreuses personnes voyaient soudainement quelqu’un frapper à leur porte pour leur dire qu’ils sont éventuellement frères et soeurs. Vous pourriez imaginer le coup qui serait porté aux familles existantes.
Nous avons pensé évidemment que l’on pourrait établir un registre de contact volontaire comme on l’a fait, je crois, à Victoria en Australie, les donneurs disposés à être contactés s’inscrivant et pouvant être contactés par les personnes auxquelles ils ont donné la vie, sans que ce soit obligatoire.
Vous avez évoqué ensuite la question des répercussions de l’abandon de l’anonymat sur l’approvisionnement en gamètes. Je pense qu’il est encore trop tôt pour dire si les consultations menées actuellement auprès du public au Royaume-Uni en ce qui a trait à l’anonymat des donneurs ont eu des répercussions. Il est évident cependant que les cliniques éprouvent en ce moment davantage de difficultés en raison de la pénurie de sperme. Il me semble qu’il y a un plus grand désir d’importer du sperme de l’extérieur du Royaume-Uni.
Nous en avons discuté à l’intérieur de notre organisation. Nous avons estimé qu’en dépit de l’importance des problèmes d’approvisionnement en gamètes, cela n’empêchait pas que les personnes nées dans le cadre d’un traitement contre la stérilité grâce à une insémination provenant d’un donneur aient le droit de connaître leurs origines. Nous pensons qu’il y aura éventuellement des incidences sur l’approvisionnement, mais pour nous ce n’était pas une raison suffisante pour ne pas revenir sur l’anonymat des donneurs.
Vous nous demandez ensuite si l’on tient compte de l’évolution de la santé des donneurs après coup. Je pense que c’est là une autre raison qui justifie que l’on abandonne l’anonymat des donneurs. Nous demandons effectivement aux donneurs de rester en contact avec les cliniques auxquelles ils ont fait des dons et de leur signaler toute évolution de leur santé susceptible d’avoir des incidences sur les enfants nés antérieurement. Je pense qu’en réalité très peu de personnes le font. Je ne pense pas que ce système ait obtenu de grands succès.
Vous évoquez enfin les droits s’appliquant aux parents. Dans la loi établissant les règlements régissant les traitements contre la stérilité et dans la législation ultérieure sur la famille, nous avons bien précisé que les donneurs de gamètes n’ont aucune responsabilité et aucun droit parental vis-à-vis des enfants nés à la suite de leur don. C’est précisé dans la loi.
La présidente: Merci, docteur Bennett.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): C’est le matin ici. J’imagine qu’il est assez tard chez vous. Merci de nous faciliter la tâche sur ce texte de loi important.
On a fait référence à une banque, j’imagine qu’il s’agit d’une banque de gamètes ou d’embryons pour les cellules souches. Pour quelle raison l’a-t-on créée?
Mme Suzi Leather: Il s’agit d’une banque de cellules souches, non pas d’embryons mais de cellules souches. Elle a été créée en quelque sorte au Royaume-Uni pour servir le bien public et faire en sorte que l’on puisse déposer des échantillons de lignes de cellules provenant des recherches sur les embryons financées par des fonds privés et par des fonds publics. [Note de la rédaction: inaudible]... des lignes de cellules souches, et l’on a prévu par ailleurs que cela aurait pour avantage de réduire au minimum le nombre d’embryons servant à créer des lignes de cellules souches.
Á (1150)
M. Paul Szabo: La commercialisation revêt aussi pour nous une très grande importance. Dans notre projet de loi, il est précisé que le donneur ne doit pas profiter sur le plan commercial de son don ou des applications futures. Vous venez désormais d’ajouter une autre dimension à partir du moment où les gamètes, les embryons ou les cellules souches finissent par se retrouver, en bout de ligne, dans une banque. Y a-t-il une indemnisation...
Mme Suzi Leather: Seul un échantillon peut être déposé dans une banque.
M. Paul Szabo: Aucune contrepartie n’est donc versée aux chercheurs qui les produisent?
Mme Suzi Leather: Dans le cadre de la procédure d’octroi de licences, les chercheurs acceptent de déposer dans cette banque un échantillon des lignes de cellules souches qui sont créées.
M. Paul Szabo: Est-ce que la banque relève des responsabilités de votre organisation et est-ce que vous l’administrez?
Mme Suzi Leather: La banque ne relève pas de la responsabilité de notre organisation et je crains d’être dans l’impossibilité de vous dire de mémoire quel est son statut sur le plan constitutionnel. Nous nous intéressons à la question et je pourrais vous envoyer par courrier électronique les détails correspondants.
M. Paul Szabo: Ce serait une bonne chose.
En 1990, lorsqu’on a rédigé au départ le projet de loi, j’ai relevé que le législateur a fait appel à des annexes mais qu’il s’en est aussi remis à la réglementation, ce qui signifie qu’après les différentes phases législatives de l’adoption du projet de loi, suivies de la promulgation, il restait encore du travail à faire pour mettre en place les règlements. Pouvez-vous nous dire combien de temps il a fallu avant que l’organisation puisse effectivement exercer ses activités à la suite de l’adoption de la loi?
Mme Suzi Leather: Nous avons commencé à opérer en août 1991.
M. Paul Szabo: C’est presque un an et trois trimestres plus tard.
Mme Suzi Leather: Un peu moins, en fait.
M. Paul Szabo: C’était donc plus d’un an plus tard.
Avez-vous éprouvé des difficultés à amener les cliniques de fertilité à respecter la loi étant donné que certaines d’entre elles étaient évidemment privées? Avez-vous enregistré des réactions, par exemple, lors de l’uniformisation indispensable des formules de consentement et autres documents?
Mme Suzi Leather: Notre organisation a mis en place un modèle d’autoréglementation institué par l’industrie elle-même. Nous ne sommes donc pas partis de zéro, nous sommes partis de cette autoréglementation. Cela nous a probablement aidés. Les cliniques elles-mêmes, les cliniciens et les scientifiques, ont compris l’intérêt d’une organisation visant à renforcer la confiance du public parce que cela garantissait en quelque sorte leur avenir.
Il y avait un grand débat dans le public à l’époque concernant le bien-fondé des traitements sur la stérilité et de la recherche sur les embryons. Même si certains étaient moins en faveur de la réglementation que d’autres, je ne pense pas que l’on ait considéré de manière générale que c’était une mauvaise chose.
M. Paul Szabo: L’annexe 3 de la loi traite du consentement et je n’ai rien vu qui se rapporte aux dispositions transitoires. Je me demande ce qu’a fait le législateur sur les questions de consentement ou de l’équivalent du consentement pour les embryons préexistants. A-t-on mis en place une procédure ou est-on parti tout simplement du principe qu’à partir du moment où il fallait un consentement écrit pour pouvoir donner les gamètes, les embryons préexistants étaient fondamentalement disqualifiés pour la recherche.
Mme Suzi Leather: J’ai bien peur qu’il me faille vous communiquer plus tard ces renseignements. Je ne suis en poste que depuis le mois de mars et je ne suis pas au courant de certaines de ces données historiques. Je ne manquerai pas, cependant, de vous faire parvenir cette information.
M. Paul Szabo: Très bien.
Votre organisation exerce ses activités depuis plus de 10 ans. Est-ce que l’on a rencontré des difficultés imprévues? Je ne suis pas au courant des modifications qui ont été apportées en 2001, mais à mesure que vous avez progressé, le système s’est affiné. Quand avez-vous éprouvé la nécessité de rationaliser les activités de votre organisation dans le cadre de ses relations avec toutes les parties intéressées?
Á (1155)
Mme Suzi Leather: Je pense que la loi fondatrice a fait preuve de son utilité. La grande difficulté a été de nous adapter à la demande et à la complexité accrue des traitements contre la stérilité et plus encore, peut-être, de réagir face aux différentes façons dont le public perçoit le rôle de la réglementation dans le domaine de la santé.
Je ne sais pas ce qu’il en est au Canada, mais nous n’avons pas manqué d’enregistrer certains scandales dans le secteur de la santé qui ont mis l’accent sur la nécessité d’une réglementation accrue. Je pense que le fait que le public demande davantage d’informations et cherche à être rassuré dans ces domaines a exercé par ailleurs une grande influence, de même que le débat public mené au sujet des risques. Toute cette question des risques, qui doit les assumer et jusqu’à quel point il est juste que certaines personnes et non pas d’autres assument des risques, a fait l’objet d’un débat public important ces dernières années.
La présidente: Merci, monsieur Szabo.
Avant de passer à un second tour, je veux poser quelques questions.
Je vous félicite tout d’abord d’utiliser l’expression «choix fait en toute connaissance de cause». Tout au long de nos auditions, nous nous sommes efforcés de parler de choix fait en toute connaissance de cause, mais nous constatons que les scientifiques comme les médecins insistent pour parler de «consentement donné en toute connaissance de cause». Je me demande si vous parlez de «consentement» ou de «choix» dans votre loi. C’est ma première question.
En second lieu, vous nous avez parlé d’une indemnisation assez minime des donneurs de gamètes, soit de 30 $, en partant du principe que cette opération doit être altruiste, mais vous n’avez pas évoqué l’indemnisation ou le remboursement des dépenses des mères porteuses. Je me demande si vous avez une idée de ces deux chiffres.
En troisième lieu, vous avez été interrogée au sujet de l’importation et de l’exportation de produits. Vous ne le saviez peut-être pas, mais certaines de nos entreprises commercialisant du sperme importent la plus grande partie de leur sperme de l’étranger. Vous nous avez cité l’exemple d’un couple souhaitant commander du sperme à une personne habitant à l’étranger et devant obtenir pour cela une licence spéciale. Qu’en est-il pour les fournisseurs de grandes quantités de sperme? Les autorisez-vous à en importer ou à en exporter de grandes quantités ou vous référez-vous précisément à des individus?
J’en arrive au quatrième volet de ma question, qui est le principal. Il s’agit du financement de votre organisation. Je crois comprendre que vous délivrez des licences à la fois aux projets de recherche et aux cliniques de fertilité, et je me demande comment vous récupérez vos coûts. Ainsi, est-ce que les responsables des projets que vous examinez vous paient pour obtenir une licence? Est-ce que les cliniques de fertilité font une demande et, à la suite d’une première inspection, défraient le coût de l’obtention d’une licence? S’il en est ainsi, est-ce que cela ne place pas en quelque sorte votre organisation en conflit d’intérêts étant donné que ce n’est plus le public qui est le patron mais éventuellement les personnes qui versent ces frais pour vous maintenir en activité? «Patron» n’est pas le mot qui convient, mais vous voyez ce que je veux dire—les bailleurs de fonds.
Nous avons chez nous des services qui doivent récupérer leurs coûts et nous craignons qu’il leur arrive la même chose. Un organisme venant tout juste d’être créé chez nous, je me demande comment le vôtre est financé et quelle est la part de son budget qui est financée par les groupes d’intérêt qu’il est chargé d’administrer par opposition aux fonds versés par son conseil d’administration et par le grand public.
Ce sont là mes questions. Je vous remercie.
 (1200)
Mme Suzi Leather: Je pense que la loi parle plutôt de «consentement».
J’ai fait ma carrière dans les groupes de défense des consommateurs. J’ai travaillé au sein des organisations de consommateurs et de santé et j’ai tendance à penser avant tout en termes de choix fait en toute connaissance de cause. Je pense que c’est un point de vue personnel.
Votre deuxième question porte sur l’altruisme et la rémunération des mères porteuses. Il en va des mères porteuses comme des dons de gamètes. Nous n’autorisons pas l’indemnisation des mères porteuses si ce n’est pour leur rembourser leurs frais.
En troisième lieu, vous évoquez la question de l’importation de grandes quantités de gamètes. Nous y avons effectivement eu recours dans des cas particuliers. À l’heure actuelle, nous n’autorisons pas les importations en grande quantité et nous n’autorisons pas non plus la vente. Si une clinique importe pour son propre usage, elle n’est pas autorisée à vendre à une autre clinique.
Votre dernière question, qui concerne les bailleurs de fonds, est très importante. Lors de la création de la Human Fertilisation and Embryology Authority, il était entendu—même si je n’ai pas l’impression que cela ait jamais figuré dans la loi—que les cliniques, ou dois-je dire les patients, défraieraient quelque 70 p. 100 de notre budget, le gouvernement se chargeant des 30 p. 100 restants. Nous avons passé toute notre existence à nous battre sur cette question, et vous avez tout à fait raison de dire qu’il faut faire attention. Lorsqu’on est entièrement financé par les gens que l’on est chargé de réglementer, on éprouve des difficultés de contrôle, ce qui a été le cas.
Récemment, la semaine dernière, en fait, nos crédits ont fortement augmenté. Notre base de financement est désormais de quelque 11 millions de dollars canadiens, ce qui est très supérieur à ce dont nous disposions jusque-là. La majorité de notre financement provient des patients, qui nous versent des frais correspondants à chaque cycle de traitement. Ces frais, qui étaient de 50 £ par cycle de fécondation in vitro, sont passé à 100 £. La part versée par le gouvernement central a elle aussi augmenté. Elle a progressé de 150 p. 100, je crois. Nous recevons nettement plus de crédits en provenance des cliniques et des caisses de l’État.
La présidente: Je vous remercie.
Nous allons maintenant passer à un deuxième tour. Monsieur Merrifield.
M. Rob Merrifield: Depuis combien d’années faites-vous des recherches sur les cellules souches des embryons humains au Royaume-Uni?
Mme Suzi Leather: Je ne peux pas vous répondre sur ce point. Cela faisait partie de la loi de 1990 concernant la recherche sur les embryons.
M. Rob Merrifield: Nous pouvons donc partir du principe que cela se fait depuis le début des années 1990.
Mme Suzi Leather: Il me faudra vous en reparler. La liste des renseignements que je dois vous donner plus tard s’allonge.
M. Rob Merrifield: Très bien.
Quelle est la taille de votre banque de cellules souches?
Mme Suzi Leather: Je ne pense pas qu’à l’heure actuelle il y ait une seule cellule souche à la banque. Nous n’avons fait que lancer l’idée. Je siège au sein du comité directeur et nous aurons notre première réunion à ce sujet demain. Je vous l’ai dit, ce n’est que récemment que nous avons délivré deux licences s’appliquant à des projets de recherche, et je ne pense pas que ceux-ci produisent déjà des lignes de cellules souches.
M. Rob Merrifield: Vous avez parlé d’homologuer les entreprises du secteur public comme du secteur privé. Pouvez-vous nous dire quelle est la part du public et du privé dans la recherche sur les cellules souches embryonnaires? Quel est le pourcentage financé par des fonds privés par rapport aux fonds publics?
Mme Suzi Leather: Non, je ne peux pas vous le dire pour les cellules souches en général. Nous nous occupons uniquement des cellules souches embryonnaires.
M. Rob Merrifield: En ce qui a trait aux cellules souches embryonnaires, pouvez-vous me dire quel est le pourcentage de financement public par opposition au financement privé?
 (1205)
Mme Suzi Leather: Nous avons délivré jusqu’à présent cette année deux licences à des projets de recherche. Il s’agit de ceux du Centre de recherche sur le génome d’Edinburgh et de l’hôpital Guy's and St. Thomas' de Londres. Si vous voulez des détails sur le financement de ces projets, il me faudra vous les communiquer plus tard.
M. Rob Merrifield: Très bien, je vous remercie.
Mme Suzi Leather: Il n’y a que ces deux projets.
M. Rob Merrifield: Très bien, c’est deux seulement. Je vous serais reconnaissant de nous recontacter à ce sujet.
Ce qui m’intrigue aussi dans votre législation, c’est tout ce qui a trait à la concession de brevets s’appliquant à des formes de vie supérieures et aux recherches qui en découlent. Avez-vous pris des dispositions à ce sujet? Est-ce que l’on autorise au Royaume-Uni l’octroi de brevets sur les lignes de cellules souches humaines?
Mme Suzi Leather: Nous abordons un grand nombre de questions épineuses, mais j’ai le très grand plaisir de pouvoir vous dire que la question des brevets n’en fait pas partie. Nous n’avons aucune responsabilité dans le domaine des brevets.
M. Rob Merrifield: Je vous comprends bien, mais y a-t-il des dispositions qui limitent l’octroi de brevets s’appliquant au Royaume-Uni aux formes de vie supérieures?
Mme Suzi Leather: Je crois savoir que dans ce domaine c’est la loi de l’Union européenne qui s’applique. Je pense qu’il y a en ce domaine une législation de l’Union européenne qui s’applique au Royaume-Uni comme aux autres États membres.
M. Rob Merrifield: Savez-vous si elle est restrictive ou si elle fait preuve d’ouverture en ce qui a trait au caractère brevetable des recherches effectuées dans ce domaine?
Mme Suzi Leather: Je ne ferai pas de commentaire à ce sujet.
M. Rob Merrifield: Très bien.
Ma question suivante va alors porter sur l’organisme de réglementation. Je pense que c’est la partie la plus importante de ce texte législatif parce que cela va déterminer en fait quelles sont les recherches qui vont être autorisées ou non au cours du XXIe siècle. Donc, alors que vous vous apprêtez à élargir vos recherches dans ce domaine, je me demande si vous avez le sentiment que toutes les voix se sont fait entendre et ont été bien écoutées dans le cadre de ce débat, et si l’on agit vraiment pour des raisons scientifiques.
Mme Suzi Leather: Vous parlez du débat parlementaire?
M. Rob Merrifield: Oui, en effet.
Mme Suzi Leather: Je pense qu’il vous faudrait consulter dans le hansard la transcription des débats, aussi bien à la Chambre des communes qu’à la Chambre des lords. Vous pourrez voir que les participants appartenaient à des milieux très différents. Certes, les scientifiques sont intervenus, mais on a entendu aussi les spécialistes de l’éthique et les représentants des différentes religions.
M. Rob Merrifield: Effectivement.
A-t-on débattu de cette question au sein de votre comité et a-t-on recommandé de saisir le Parlement en la matière?
Mme Suzi Leather: Non, je ne crois pas que nous ayons conseillé le Parlement à ce sujet, même si cela s’est passé avant mon arrivée. Je pense que tout est parti d’un rapport du chef des services médicaux.
En fait, il me semble que j’ai tort. Excusez-moi. Je pense que nous avons agi à la suite du rapport du chef des services médicaux. Il n’en reste pas moins que son rapport était tout à fait persuasif.
M. Rob Merrifield: Oui, est-ce que c’était à la suite d’une recommandation de votre conseil d’administration ou de votre comité? C’est bien ça?
Mme Suzi Leather: Il me faudra vous en reparler car ça s’est passé avant mon arrivée.
M. Rob Merrifield: Je vous remercie.
La présidente: Merci, monsieur Merrifield.
Docteure Bennett.
Mme Carolyn Bennett: La controverse a aussi porté, bien entendu, sur le remboursement, ou l’indemnisation, des donneurs et des mères porteuses. Est-ce que ces 30 $ ou ces 30 £ étaient fixés plus ou moins au même niveau que la rémunération des jurés? S’est-on inspirer de quelque modèle, comment en est-on arrivé à cette somme? Bien des gens chez nous pensent qu’il faudrait peut-être appliquer le tarif de l’assurance-emploi ou que l’on devrait prévoir d’une manière ou d’une autre... pour les mères porteuses, plus particulièrement.
J’aimerais savoir ce que recouvrent ces frais. Si, par exemple, une mère porteuse est trop malade pour travailler lors du premier trimestre ou pendant toute autre période, est-ce que ces journées de maladie pourront être remboursées? Est-ce que l’on prend en compte les frais remboursables découlant du fait d’être enceinte?
Voilà quelles sont mes principales questions.
 (1210)
Mme Suzi Leather: Très bien. En ce qui concerne les frais des donneurs et des mères porteuses, je pense qu’ils sont autorisés à se faire rembourser leurs frais de logement—il y a une indemnité de déplacement qui est prévu à cet effet—ainsi que leurs frais divers, qu’il s’agisse du téléphone, du stationnement, des frais postaux et des frais de garderie. On autorise le remboursement d’un manque à gagner pouvant aller jusqu’à 50 £ par jour. J’imagine donc que les principaux postes de remboursement seront le manque à gagner, les frais de garderie et les frais de déplacement.
Mme Carolyn Bennett: Je vous remercie.
La présidente: Merci, docteure Bennett.
Le docteur Lunney, suivi de M. Szabo.
M. James Lunney: Pour revenir à la question de la recherche, est-ce que votre loi autorise la création d’hybrides entre l’homme et l’animal ou de chimères pour les besoins de la recherche?
Mme Suzi Leather: Non, c’est interdit.
M. James Lunney: Voilà qui est intéressant. On ne donne pas carte blanche alors que les chercheurs semblent vouloir chez nous qu’on leur accorde cette possibilité. La réponse est donc carrément non.
Mme Suzi Leather: Je pense que...
M. James Lunney: C’est autorisé chez nous, mais sous licence.
Mme Suzi Leather: ... pour démontrer la viabilité du sperme, on peut le placer dans des oeufs de hamster pour s’assurer qu’il est bien actif. Toutefois, de manière générale, il n’est certainement pas permis de placer un embryon humain à l’intérieur d’un animal, ou vice-versa.
M. James Lunney: Oui, mais notre loi—et je m’adresse un instant à nos propres attachés de recherche—autorise, sous licence, la création d’êtres hybrides entre l’homme et les animaux.
Non? Non pour les besoins de la reproduction, mais de la recherche. Je comprends. Il semble bien que nous ayons besoin d’un contrôle plus strict en la matière.
J’en reviens à une question qui a été posée—je pense que c’était par le docteur Bennett—concernant les mères porteuses. Je change à nouveau de sujet et j’en reviens aux mères porteuses. Sur la liste des frais pouvant être remboursés, vous faites figurer 50 £ par jour au titre du manque à gagner?
Mme Suzi Leather: Le manque à gagner, à concurrence de 50 £, s’applique aux donneurs. Il me faudra vérifier pour savoir s’il s’applique aussi aux mères porteuses.
M. James Lunney: Je vois.
Mme Suzi Leather: Peut-être que non, mais c’est effectivement le cas pour les donneurs.
M. James Lunney: C’est un sujet de préoccupation chez nous parce qu’il y a des gens qui souhaitent qu’elles soient indemnisées. On les qualifie de «porteuses en gestation».
Mme Suzi Leather: Non, je ne crois pas que ce soit possible chez nous.
M. James Lunney: Je vous remercie.
La présidente: Merci.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Merci, madame la présidente.
Excusez-moi, nous vous posons probablement des questions naïves, mais en l’absence de réglementation, a-t-on fixé dans la loi le nombre maximum d’ovules que l’on peut prélever sur une femme qui subit un traitement de fécondation in vitro?
Mme Suzi Leather: Je ne pense pas qu’on limite le nombre d’ovules susceptibles d’être prélevés, mais il est indéniable qu’on ne peut donner du sperme que pour donner naissance à 10 enfants vivants. Il doit en aller de même pour les dons d’ovules. De plus, nous précisons très clairement qu’on ne peut implanter, dans les circonstances normales, que deux embryons dans la matrice d’une femme. Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que l’on est autorisé à implanter trois embryons. C’est une façon de procéder très différente de ce qui se passe aux États-Unis, par exemple.
M. Paul Szabo: Nous avons une étude en cours pour déterminer si nous avons stocké suffisamment d’embryons dans des congélateurs cryogéniques pour pouvoir effectuer de véritables recherches. Personne ne le sait.
Est-ce que dans votre réglementation, ou dans les directives qui s’appliquent à votre organisation, on a prévu de vous autoriser, en cas de pénurie, à regrouper en fait ces embryons congelés dans un autre type de banque et à déterminer quels sont les chercheurs qui auront accès à ce nombre limité d’embryons?
 (1215)
Mme Suzi Leather: Je ne pense pas que nous ayons ce pouvoir.
M. Paul Szabo: Votre loi ne mentionne pas expressément le clonage. En consultant vos définitions, je vois que l’on y parle de gamètes, d’embryons, et...
Mme Suzi Leather: Nous avons interdit—en fait, je pense que nous avons été le premier pays à le faire—le clonage lié à la reproduction dans un texte de loi spécialement prévu à cet effet.
M. Paul Szabo: Je vous remercie.
Toutefois, vous interdisez plus particulièrement le clonage thérapeutique à l’alinéa 3(3)d). On ne parle pas de clonage thérapeutique mais du fait de remplacer le noyau d’un embryon. Pourquoi avez-vous estimé devoir le faire? N’est-ce pas du clonage?
Mme Suzi Leather: Non, nous autorisons en fait le clonage thérapeutique. Nous interdisons le clonage pour des fins de reproduction, mais nous autorisons le clonage thérapeutique.
Je me ferai un plaisir de vous communiquer les textes de loi pertinents. Il s’agit d’une loi ultérieure s’appliquant à...
M. Paul Szabo:
On nous dit ici:
(3) On ne peut autoriser en délivrant une licence |
d) le remplacement du noyau de la cellule d’un embryon par un noyau prélevé sur une cellule d’une personne ou d’un embryon quelconque ou encore du développement ultérieur d’un embryon». |
Est-ce que j’ai une version périmée de la loi?
Mme Suzi Leather: Quel est le texte de loi que vous êtes en train de me citer?
M. Paul Szabo: La Human Fertilisation and Embryology Act de 1990 telle et ses modifications. Je ne sais pas. Je l’ai prise sur votre site Internet.
Mme Suzi Leather: Très bien. Je vous ferai parvenir la loi ultérieure qui autorise effectivement le clonage thérapeutique. Toutefois, nous interdisons absolument tout clonage à des fins de reproduction.
M. Paul Szabo: Très bien. Je pense que ma dernière question va porter sur tout ce qui a trait à la nécessité... Pouvez-vous me donner un exemple? Je sais que la question a déjà été posée, mais a-t-on une idée du nombre de projets de recherche que l’on a refusé d’autoriser? Quel en est le pourcentage? Est-ce 5, 10, 50 p. 100 – je ne sais pas – pour ce qui est de l’utilisation des embryons excédentaires?
Mme Suzi Leather: Il faudra que je vous communique plus tard les chiffres exacts. Je ne peux pas vous donner d’indication. Je serais très surprise si c’était 50 p. 100.
La présidente: Merci, monsieur Szabo.
Puis-je en revenir à la création de cet organisme qui fait que vous avez 10 années d’expérience alors que nous n’en avons aucune? Nous aimerions faire bien les choses. Il y a deux ans, lorsque nous lui avons parlé, la responsable qui vous a précédée nous a laissé entendre que le financement de votre organisme était insuffisant—je vous ai entendu dire tout à l’heure que votre financement avait augmenté, ce qui est une bonne chose—et elle a précisé qu’à son avis votre organisme avait peut-être concédé trop rapidement trop de licences à des cliniques de fertilité avant d’avoir suffisamment d’expérience au sujet de toutes les modalités d’inspection indispensables.
En vous appuyant sur l’expérience de votre organisation, pensez-vous qu’il nous faille agir prudemment en délivrant des licences en attendant de bien comprendre quelles sont nos capacités et nos possibilités d’établir un budget couvrant le coût des inspections?
Mme Suzi Leather: Je pense que la prudence est probablement la clé de l’avenir. Je ne sais pas pourquoi la responsable qui m’a précédée, Ruth Deech, a fait cette déclaration. En fait, elle ne présidait pas notre organisation au tout début. Lors des trois premières années de l’existence de notre organisation, il y avait un autre président.
Je considère qu’il est bien vrai qu’au tout début les cliniques étaient probablement plus influentes et plus puissantes qu’à l’heure actuelle. Je vous ai indiqué tout à l’heure que le modèle de réglementation avait été élaboré à partir d’une phase d’autoréglementation au cours de laquelle, bien évidemment, les cliniques avaient un rôle important à jouer. Je pense qu’à votre place je m’efforcerais de rester très indépendant du secteur que vous êtes chargé de réglementer.
La présidente: Je vous remercie.
Vous avez envisagé l’abandon de l’anonymat des donneurs et des mères porteuses et vous avez présenté certaines recommandations à cet effet. Ainsi, est-ce que le Comité permanent de la santé à la Chambre ou le conseil d’administration de votre organisation ont pris des mesures dans ce sens? Vous nous avez dit qu’on s’apprêtait à le faire, mais je me demande si l’on a débattu de la question et à quel moment vous prévoyez que l’on va adopter une résolution à cet effet. Est-ce que vous ne chercherez pas plutôt à exercer des pressions et à convaincre les cliniques de fertilité d’inciter les gens à ne pas exiger l’anonymat?
Si je vous pose la question, c’est parce que dans votre témoignage vous nous avez laissé entendre que les enfants nés grâce à la technologie de la reproduction, et qui sont aujourd’hui adultes, veulent que l’on abandonne l’anonymat. Toutefois, les personnes qui veulent avoir recours aujourd’hui aux techniques de reproduction—en l’occurrence, les couples demandeurs—ne souhaitent pas, en somme, que l’on impose des restrictions aux donneurs.
D’après ce que nous avons pu voir en rendant visite à des cliniques de fertilité et en consultant certaines formules remplies par les donneurs, c’est que s’ils ne peuvent conserver l’anonymat et si leurs frais ne sont pas remboursés, ils ne donneront pas. On peut en déduire que leur don n’est pas vraiment altruiste s’ils ne sont pas prêts à le faire sans contrepartie monétaire. Pour en revenir toutefois à l’anonymat, comment estimez-vous que l’on va procéder chez vous?
 (1220)
Mme Suzi Leather: Je pense que dans un avenir assez rapproché nous risquons de faire face aux mêmes difficultés que vous lorsqu’il s’agit de savoir si l’on peut à la fois s’écarter de l’anonymat et garantir notre approvisionnement de gamètes. Je pense qu’il s’est passé la même chose en Suède, où l’on a enregistré une forte baisse des dons. Il faut garder l’oeil ouvert à ce stade.
Il n’appartient pas à la Human Fertilisation and Embryology Authority de décider d’abandonner l’anonymat des donneurs. Ce sont en fait les ministres du gouvernement qui devront prendre cette décision. Il y aura bien d’autres débats à ce sujet. Je pense cependant que notre recommandation aura un grand poids.
Nous avons fait la même expérience que vous pour ce qui est de savoir si les futurs parents souhaitent l’anonymat. Je pense que de nombreux parents d’enfants nés grâce à des techniques de reproduction assistée faisant appel à un don n’exposent pas très volontiers la situation à leurs enfants. Ils sont d’ailleurs très peu nombreux à le faire, à mon avis. Toutefois, comme vous avez pu le constater, les enfants, une fois parvenus à l’adolescence et à la vie adulte semblent avoir un fort désir de savoir, et les groupes qui les représentent soutiennent de façon très pressante, depuis de nombreuses années, qu’il convient d’abandonner l’anonymat.
La présidente: Je vous remercie.
Le docteur Lunney, puis le docteur Bennett, vont vous poser rapidement une question.
Docteur Lunney.
M. James Lunney: On a peut-être déjà évoqué la question. Je n’ai pas très bien compris et j’aimerais que l’on en revienne à la composition du comité. Je crois comprendre qu’il comporte à la fois des scientifiques et des non-spécialistes. Pourriez-vous nous dire tout d’abord combien il compte effectivement de membres? Quelle est la durée de leur mandat? Cette durée est-elle limitée? Comment se fait la sélection, sont-ils nommés et, dans l’affirmative, par qui? C’est là ma première question.
Je regarde d’où vous êtes partis en imposant des restrictions dans la loi, où l’on nous dit qu’aucune licence ne peut être délivrée si l’utilisation que l’on se propose de faire des embryons n’est pas jugée nécessaire. En cherchant à définir cette nécessité, je vois que vous êtes partis des questions liées au traitement de la fertilité et de la stérilité. Cela englobe les traitements contre la stérilité, les maladies congénitales, les fausses-couches, les techniques de contraception et enfin les malformations des chromosomes dans les embryons avant leur implantation. Toutefois, les modifications que vous avez récemment apportées s’étendent à l’amélioration des connaissances concernant le développement des embryons ainsi que les maladies et leur traitement, ce qui vise essentiellement la recherche sur les médicaments et probablement tout ce que les scientifiques souhaitent faire avec des tissus humains ayant une origine embryonnaire.
 (1225)
La présidente: Est-ce une question, docteur Lunney, ou un simple commentaire?
M. James Lunney: C’est un commentaire, et je constate qu’un champ d’application jusqu’alors limité a été élargi.
Mme Suzi Leather: Les membres de notre organisation sont nommés par le secrétaire d’État à la Santé. Nous avons 21 membres, en majorité des non-spécialistes. Les scientifiques sont en minorité, mais il est utile néanmoins de pouvoir compter sur leurs compétences. Nous comptons aussi parmi nos membres des spécialistes de l’éthique médicale, des travailleurs sociaux, des psychologues, des représentants des consommateurs et des conseillers. Nous avons annoncé aujourd’hui que de nouveaux membres s’étaient joints à nous. L’un d’entre eux représente une organisation de malades et un autre une organisation de donneurs. L’éventail est très large.
Selon les règles s’appliquant à l’heure actuelle aux organisations de ce type au Royaume-Uni, ces personnes sont normalement nommées pour trois ans. Leur mandat peut être reconduit, mais ce n’est pas automatique.
La présidente: Merci, docteur Lunney.
Docteur Bennett, rapidement une question.
Mme Suzi Leather: Je dois ajouter que ces postes sont bien entendu annoncés publiquement.
La présidente: Docteure Bennett.
Mme Carolyn Bennett: J’ai maintenant deux petites questions à vous poser.
Au sein de notre comité consultatif sur le sida au Canada, les représentants des groupements de défense du sida ont fortement insisté pour qu’il y ait des sidatiques qui siègent au sein de tout comité consultatif traitant de cette maladie. Étant donné que ce projet de loi porte sur les problèmes de stérilité et vise à aider les personnes concernées sur le plan de l’éthique et de la sécurité, est-ce que vous faites siéger au sein de vos groupes de consommateurs un certain nombre de personnes qui souffrent de problèmes de stérilité et est-ce que cette question est jugée importante?
En second lieu, en ce qui a trait à la nécessité de savoir et pour tout ce qui concerne l’anonymat, ce que vous nous dites, et c’est tout à fait conforme à mon expérience... À partir du moment où les parents ne vont pas dire à leurs enfants qu’ils ont été conçus de telle ou telle manière, toute cette discussion au sujet de l’anonymat n’est-elle pas théorique en quelque sorte? Si les enfants n’en savent pas assez pour poser des questions et si le gouvernement juge effectivement que les enfants ont le droit de savoir, ne faudra-t-il pas alors, par définition, qu’il envoie une lettre à ces enfants une fois qu’ils auront atteint l’âge de 18 ans? Sinon, nous nous donnons bonne conscience sur la question de l’anonymat, mais nous ne faisons rien en fait pour ces enfants. Je considère donc que si l’on se contente de jouer ce double jeu en qualifiant de transparent un système qui ne l’est pas, parce que les enfants ne savent même pas...
J’aimerais donc savoir ce que vous en pensez. Est-ce que le gouvernement est disposé à envoyer une lettre à ces enfants lorsqu’ils auront 18 ans pour leur signifier qu’ils ont été conçus de telle ou telle manière? Faut-il plutôt décider de rester à l’écart et de laisser ce soin aux parents dans le cadre d’un système de déclaration volontaire?
La présidente: Merci, docteure Bennett.
Mme Suzi Leather: Nous avons aussi débattu de ces questions. Il sera intéressant de voir ce que le gouvernement décidera finalement de faire. On a beaucoup parlé de la possibilité pour les parents d’informer leurs enfants tout en accordant à ces derniers le droit de savoir à un certain âge.
Quelle est l’autre question que vous m’aviez posée?
Mme Carolyn Bennett: La première question portait sur les membres de l’organisation et sur la représentation des personnes souffrant de stérilité.
Mme Suzi Leather: Ah oui.
Non, il n’est pas nécessaire que des personnes souffrant de stérilité soient représentées au sein de notre organisation. Je me félicite d’ailleurs de pouvoir compter à partir de maintenant sur un représentant des malades, mais ce sera en fait une première. En tant qu’ancienne représentante des groupements de consommateurs, j’étais bien persuadée que c’était nécessaire et je suis très heureuse que le gouvernement en ait convenu. Il n’en reste pas moins que c’est la première fois.
Mme Carolyn Bennett: Un seul représentant, est-ce que c’est suffisant?
Mme Suzi Leather: Je verrai si c’est suffisant. Il s’agit d’une personne très compétente et ayant un énorme pouvoir de persuasion, de sorte que j’attends beaucoup d’elle.
 (1230)
La présidente: Je vous remercie, madame Leather et madame McNab, de votre aide. Je constate que vous nous dites «nous verrons ce que le gouvernement décide de faire». En ce moment, le projet de loi du Parlement canadien est entre les mains de notre comité et nous cherchons d’urgence à recueillir un maximum d’informations parce qu’il nous faut décider.
Votre expérience nous a été précieuse et nous vous sommes très reconnaissants d’avoir pris le temps de nous rencontrer, particulièrement à la fin de votre journée de travail, alors qu’il est midi ici. Recevez tous mes remerciements.
Mme Suzi Leather: Merci de nous avoir donné l’occasion de vous parler.
Nous vous donnerons les précisions que nous nous sommes engagés à vous fournir mais, si vous avez besoin d’autre chose, n’hésitez pas. Je vous souhaite bonne chance.
La présidente: Je vous remercie.
Nous allons maintenant faire une petite pause avant d’entendre les deux témoins qui suivent.
 (1231)
 (1255)
La présidente: Bonjour, mesdames et messieurs. Nous entamons la deuxième partie de la séance du Comité permanent de la santé. J’invite les témoins à se présenter à la table.
Le Dr Weiss, professeur au Département de biologie cellulaire et anatomie, représente l’Université de Calgary.
Docteur Weiss, vous avez la parole.
M. Sam Weiss (professeur, Département de biologie cellulaire et anatomie,Université de Calgary): Madame la présidente et mesdames et messieurs du Comité permanent de la santé, je tiens à vous remercier de m’avoir accordé le l’honneur et le privilège de comparaître devant votre comité pour vous faire part de mon point de vue au sujet du projet de loi C-13, Loi concernant les techniques de procréation assistée et la recherche connexe. Avant de commenter cette législation, et plus particulièrement certains articles du projet de loi C-13, laissez moi vous dire en gros pourquoi à mon avis j’ai été appelé à comparaître devant votre comité.
Je suis à la base un scientifique qui s’intéresse à la façon dont se forme le cerveau et comment on peut régénérer ses cellules après une blessure ou une maladie. En 1992, mon laboratoire a été le premier dans le monde à découvrir les cellules souches adultes dans des cerveaux de mammifères, et plus précisément chez les souris. Au cours des dix dernières années, on a trouvé par ailleurs des cellules souches adultes dans des cerveaux humains et les recherches effectuées dans le monde entier nous laissent entendre que ces cellules souches sont susceptibles d’ouvrir la voie à la régénération et à la réparation du cerveau.
Des scientifiques ou des non-spécialistes sont peut-être venus vous dire que ces cellules souches de cerveaux adultes peuvent être reprogrammées pour produire d’autres cellules, telles que les cellules du sang, des muscles, etc. Toutefois, les études les plus récentes nous montrent qu’il est très vraisemblable que les cellules souches de cerveaux adultes ne seront utilisées que pour réparer les tissus du cerveau.
Mes activités professionnelles, et l’intérêt que je porte aux cellules souches, ne se limitent pas au cerveau et, à ce titre, je me suis efforcé activement de bien comprendre le fonctionnement des différentes cellules souches à différents stades et dans des tissus divers ainsi que la façon dont on pourrait les utiliser pour améliorer la santé et le bien-être de Canadiens. J’ai appris que dans différents cas tout à fait clairs, et j’élaborerai davantage au sujet de l’un d’eux dans un instant, les cellules souches embryonnaires constituent éventuellement le meilleur espoir de guérison de maladies jusqu’alors incurables et débilitantes, et je suis donc amené à croire que nous sommes à la croisée des chemins en matière de recherche sur les cellules souches, les études parallèles menées au sujet des cellules souches embryonnaires et adultes promettant véritablement de soulager la souffrance de millions de Canadiens aux prises avec de terribles maladies. C’est dans ce cadre que je comparais devant vous aujourd’hui.
Je tiens à dire tout d’abord qu’à mon avis le projet de loi C-13 est un texte de loi important et fondamental pour le Canada. Il est de la plus grande importance de sauvegarder la santé et le bien-être des Canadiens en garantissant la dignité et la protection de la vie humaine. Il est important et judicieux d’instituer un organisme de réglementation chargé de superviser les activités liées à la reproduction humaine. Je soutiens toutefois que plusieurs dispositions de ce texte de loi méritent d’être revues et, sous leur forme actuelle, sont susceptibles d’aller à l’encontre des objectifs avoués de ce projet de loi.
Je suis particulièrement préoccupé par les alinéas a) et b) de l’article 5 qui interdisent, rejettent et pénalisent le fait de créer un clone humain ou un embryon in vitro à des fins autres que la création d’un être humain au moyen de techniques de procréation assistée. J’estime que cet article et les deux alinéas visés pourraient être contraires au principe s’appliquant à la «promotion de la santé humaine».
En ce qui concerne pour commencer l’alinéa 5(1)a), je suis bien d’accord pour dire qu’on ne doit pas autoriser le clonage d’êtres humains visant à fabriquer des copies identiques d’êtres humains passés ou présents. Par contre, en interdisant absolument tous les clones humains, tels qu’ils sont définis dans la version actuelle du projet de loi, on en vient à prohiber la création de cellules s’apparentant à des cellules embryonnaires, qui sont les mieux à même de créer de nouveaux tissus susceptibles d’être transplantés sans être rejetés. De plus, si la science des cellules souches humaines adultes, celles du cerveau, par exemple, devait progresser au point de nous permettre de les reprogrammer pour qu’elles agissent comme des cellules embryonnaires, en ayant le potentiel de donner d’autres cellules souches, on peut penser que cet article risque d’interdire et de pénaliser leur utilisation. Est-ce là l’intention de la législation? Est-ce dans l’intérêt des Canadiens? Je ne le crois pas.
Au sujet de l’alinéa 5(1)b), je suis sûr que vous connaissez les effets dévastateurs du diabète sur les enfants et les adultes qui ont eu le malheur de contracter cette maladie jusqu’alors incurable. Cette maladie amène à faire de lourds compromis touchant la qualité et la vie des personnes affectées et oblige ces derniers à dépendre toute leur vie d’injections quotidiennes de doses d’insuline. Vous n’ignorez pas non plus, j’en suis sûr, que le diabète chez la population autochtone du Canada est devenu une véritable épidémie.
Vous avez peut-être entendu parler du protocole d’Edmonton au sujet du diabète. Grâce à cette méthode canadienne jouissant d’une réputation mondiale, on voit pour la première fois qu’il est possible de transplanter des cellules d’îlots pancréatiques du donneur au bénéficiaire en permettant à ce dernier de vivre longtemps et normalement. Malheureusement, toutefois, alors que des milliers de Canadiens demandent instamment à leur médecin de pouvoir bénéficier de cette méthode, le nombre de patients susceptibles d’être traités est sévèrement limité par le fait que les cellules d’îlots pancréatiques ne peuvent à présent qu’être prélevées sur des cadavres dont les organes sont en bon état de fonctionnement, ce qui signifie qu’ils doivent être prélevés après le décès. Par contre, des expériences scientifiques probantes effectuées récemment nous révèlent que les cellules souches embryonnaires peuvent donner naissance à des cellules d’îlots pancréatiques en bon état de fonctionnement qui sont susceptibles de guérir, d’améliorer la santé et de prolonger la vie de milliers de Canadiens. Dans l’état de nos connaissances, aucune cellule souche adulte ne peut produire des cellules d’îlots pancréatiques.
Les dispositions de l’alinéa 5(1)b) vont restreindre, sinon empêcher, la guérison généralisée du diabète dans la population canadienne. Les personnes qui bénéficient de moyens financiers pourront décider d’aller se faire soigner à l’étranger afin de bénéficier de cette thérapie prometteuse. Des milliers d’autres continueront à souffrir. De plus—et je reviendrai sur cette question en faisant état de mes préoccupations au sujet d’un autre article—il est vraisemblablement que les pionniers d’Edmonton seront forcés d’aller ailleurs, en Europe ou aux États-Unis, où les procédés de clonage thérapeutique et de création d’embryons humains en vue de fabriquer des cellules souches continueront vraisemblablement à être contrôlés, sans être cependant interdits ou pénalisés. J’affirme là encore que ces conséquences vont à l’encontre des principes établis dans le projet de loi.
· (1300)
En tant qu’universitaire de pointe, je sais par expérience que lorsqu’on critique un projet, il faut donner des solutions de rechange. Je propose que l’on reformule l’article 5 afin d’établir une distinction entre l’utilisation des clones ou des embryons fabriqués in vitro pour des raisons thérapeutiques, cette dernière activité étant contrôlée et non pas interdite.
Enfin, je me préoccupe au sujet de l’article 11. En vertu de cet article, le fait de combiner—ou de transférer—une partie du génome humain avec celui d’une autre espèce devient une activité contrôlée exigeant une licence. Ces 25 dernières années, les progrès réalisés au niveau des techniques d’ADN recombinant ont permis de faire énormément progresser les thérapies liées aux maladies humaines. Ainsi, le transfert de minuscules parties d’ADN humain chez la souris—les souris qualifiées de transgéniques—constitue le fondement de la recherche sur les maladies génétiques. De nouvelles méthodes de guérison ont été découvertes par des centaines de laboratoires et de sociétés de biotechnologie de notre pays. Si chaque fois que l’on envisageait une expérience de cette nature il fallait obtenir une nouvelle licence, la marge de manoeuvre et la compétitivité des sociétés biomédicales canadiennes en souffriraient terriblement. Il est vraisemblable que cela obligerait en outre d’autres chercheurs et d’autres entrepreneurs à quitter le Canada. Là encore, je suis persuadé que ce n’est pas ce que l’on cherche en adoptant cet article.
Je propose que l’on reformule cet article pour préciser la quantité de matériel génétique nécessaire pour qu’il y ait un contrôle—ainsi, des chromosomes entiers, dont on peut considérer qu’ils confèrent des caractéristiques humaines à des espèces non humaines.
Je terminerai en résumant ma pensée. De nombreux sondages effectués récemment dans notre pays et dans le monde nous révèlent clairement que les non-spécialistes, les citoyens de notre pays, font bien la distinction entre, d’une part, la manipulation des embryons humains et du matériel reproductif pour des raisons non thérapeutiques et, d’autre part, les applications thérapeutiques visant à promouvoir la santé. Le fait d’interdire et de pénaliser ces activités—à savoir l’utilisation ou la fabrication de clones humains ou d’embryons in vitro pour des raisons thérapeutiques—pourrait entraîner trois conséquences. La première pourrait limiter à jamais la possibilité pour le Canada de fabriquer des cellules souches et de donner à sa population l’espoir d’être guérie un jour de terribles maladies. On risque de limiter le potentiel d’action des scientifiques canadiens du secteur public comme du secteur privé, qui ne pourront plus concurrencer leurs homologues dans le monde. Enfin, on risque de remettre en cause la possibilité pour le Canada de dispenser de bons soins de santé à l’avenir et de handicaper une industrie en pleine expansion axée sur le savoir médical. De ce fait, le Canada risque à l’avenir de se retrouver dans la position des pays du tiers monde dans ces domaines.
Je sais que tel n’est pas là votre intention ni celle du projet de loi C-13. Je vous invite donc à examiner ces questions avec soin.
Merci de votre attention.
La présidente: Merci, monsieur Weiss.
Nous allons maintenant donner la parole à M. Caulfield, qui est le président de recherche du Canada en politique et droit de la santé, professeur agrégé, Faculté de droit et Faculté de médecine et d’art dentaire de l’Université de l’Alberta.
M. Timothy Caulfield (président de recherche du Canada en politique et droit de la santé, professeur agrégé, Faculté de droit et Faculté de médecine et d’art dentaire, Université de l'Alberta): Merci. C’est un grand honneur pour moi d’être ici et je vous remercie de m’avoir invité à nouveau. C’est aujourd’hui mon anniversaire et il n’y a pas de meilleure façon de le célébrer que de venir parler d’une chose qui me tient passionnément à coeur.
Des voix: Oh, oh!
M. Timothy Caulfield: Avant de commencer, je tiens à vous signaler qu’une grande partie des observations que je fais aujourd’hui ont été tirées d’une étude qui fait partie d’un ensemble. Cet ensemble d'études a été regroupé dans une édition spéciale du Health Law Review. Le 21 septembre, nous avons organisé un colloque à Edmonton. Nous avons appelé plus d’une douzaine d’universitaires provenant de l’ensemble du Canada à critiquer le projet de loi C-13, qui était alors le projet de loi C-56. Nous avons réuni des spécialistes de différentes disciplines provenant de différents milieux. J’espérais que le compte rendu aurait été publié au moment de ma comparution aujourd’hui. Ça n’a pas été le cas et je n’ai qu'une version non définitive de toutes les études. Je les ai remises au greffier. J’invite les membres de votre comité à lire ce compte rendu. Il y a là des documents fascinants et une grande partie de ce que je vais vous dire aujourd’hui figure dans ces études.
Compte tenu du peu de temps dont nous disposons, j’ai décidé de mettre l’accent sur un point en particulier. Je ne savais pas si mon ami Sam serait là. Mes observations vont cependant porter elles aussi sur le clonage thérapeutique. Je vais vous donner cinq raisons pour lesquelles j’estime qu’il ne convient pas d’interdire, mais plutôt de contrôler étroitement, le clonage thérapeutique. La liste n’en est pas exhaustive, mais je crois que cela rend compte des problèmes qui se posent à vous aujourd’hui.
Pour commencer, nous n’interdisons pas de manière générale les techniques d’avant-garde dans les démocraties libérales. On a laissé entendre qu’il fallait interdire le clonage thérapeutique parce qu’il pouvait être détourné de son but ou, plus précisément, parce qu’il pouvait mener ou paver la voie au clonage reproducteur. Il s’agit là d’un argument en faveur de la réglementation et non pas d’une interdiction légale. Nous n’interdisons pas sur le plan pénal les substances chimiques dangereuses, les recherches sur les matières radioactives ou les médicaments contre la douleur pour la seule raison qu’ils peuvent être mal utilisés. Tous peuvent d’ailleurs être bien plus mal utilisés, et de manière bien plus évidente, que le clonage thérapeutique. Nous avons plutôt décidé de réglementer ces techniques.
En second lieu, il est préférable de réglementer les secteurs dans lesquels il n’y a pas de consensus moral. Vous savez probablement, mieux que quiconque au Canada, qu’il y a une grande ambiguïté morale dans ce secteur. Il n’y a aucun signe de consensus social et il n’y en aura jamais, c’est ce qu’a conclu le comité du président Bush. Notre institut a d’ailleurs fait une enquête sur l’ensemble des recherches qualitatives et quantitatives disponibles—du moins celles que nous avons pu trouver—et je pense qu’il n’y a aucun véritable appui dans le monde occidental en faveur de l’interdiction du clonage thérapeutique.
Comme vous l’avez probablement entendu maintes reprises, les études dont on dispose au Canada nous révèlent que cette technique bénéficie d’un appui. Le sondage Ipsos-Reid de 2002, que l’on connaît bien, nous montre que 61 p. 100 des Canadiens sont favorables au clonage des embryons pour recueillir ou créer des cellules souches. Je considère que c’est très intéressant parce qu’il ne fixe aucune condition liée à la thérapie. Par ailleurs, le sondage Price-Waterhouse, avec lequel vous êtes aussi très familiarisés, nous révèle que les Canadiens sont favorables au clonage devant permettre de créer des tissus à des fins thérapeutiques.
Il serait bien étrange, à mon avis, d’envisager dans ce contexte une interdiction pénale. Je ne crois pas que la réglementation soit la meilleure stratégie, comme l’ont fait remarquer deux éminents universitaires australiens en commentant leur proposition de loi: «Le public a tendance à exiger l’interdiction des comportements faisant l’objet d’un opprobre universel, mais s’attend à ce que les questions caractérisées par une ambiguïté morale fassent l’objet d’une réglementation».
Je considère par ailleurs qu’un interdit pénal ne fait pas parvenir le bon message à la population canadienne. Il laisse entendre que la discussion est close, alors que la réglementation part du principe qu’il est important de maintenir le dialogue ouvert. Je considère en fait que le gouvernement doit prendre l’initiative dans ce domaine et favoriser la poursuite du dialogue.
En troisième lieu, je vais vous répéter une chose que vous avez entendue à maintes reprises, y compris par moi, en l’occurrence que nous avons besoin d’une marge de manoeuvre. Nous devons pouvoir réagir face aux inévitables—et je considère qu’ils sont inévitables—nouveaux progrès de la science et aux nouvelles préoccupations sociales. En dépit de tout ce qu’on a pu vous dire, je le sais, pour vous prouver le contraire, c’est une évidence en droit qu’un cadre de réglementation est plus souple que les interdictions prévues par la loi. Je pense que l’on a besoin de cette souplesse dans ce cadre.
Quatrièmement, le gouvernement doit faire preuve de beaucoup de mesure lorsqu’il fait appel au droit pénal. Comme on l’a signalé dans un document rédigé par le gouvernement fédéral, Notre droit pénal, signé par Jean Chrétien en 1982, le droit pénal ne doit être utilisé que comme une solution de dernier recours. Il doit uniquement servir à sanctionner une conduite coupable, sérieusement préjudiciable et considérée de manière générale comme devant être réprimée. Aucun de ces éléments n’est présent en matière de clonage thérapeutique.
· (1305)
Effectivement, un de mes collègues, Barb Billingsley, un spécialiste des questions constitutionnelles de la Faculté de droit de l’Université de l’Alberta, estime que les motifs avancés pour justifier l’interdiction du clonage thérapeutique sont si faibles qu’ils ne résisteraient peut-être pas à des poursuites intentées et peut-être pas non plus à une analyse en vertu de l’article 1.
En cinquième lieu, il y a le risque que l’on fasse de l’homme une marchandise, préoccupation bien légitime à mon avis et que je partage personnellement sans aller jusqu’à croire cependant que cela justifie une interdiction. Il est vrai que le clonage thérapeutique peut créer un cadre permettant de considérer plus facilement le matériel reproducteur humain comme une marchandise, mais là encore cela ne justifie pas une interdiction. De même que nous n’interdisons pas les greffes de rein sous prétexte qu’elles transforment les organes humains en marchandise, nous ne devons pas interdire la technologie du clonage thérapeutique mais plutôt interdire, réglementer et contrôler strictement le processus de commercialisation.
Je conclus en réaffirmant que je suis fermement convaincu que rien ne justifie l’interdiction du clonage thérapeutique. En fait, j’ai l’impression—et j’ai passé beaucoup de temps à étudier la question—que la communauté internationale a tendance à appuyer le clonage thérapeutique, comme le montrent certains commentaires entendus un peu plus tôt aujourd’hui ainsi que, par exemple, la décision prise par le gouvernement de la Californie d’interdire le clonage pour la reproduction tout en appuyant effectivement le clonage thérapeutique. Je pense que le clonage thérapeutique peut être efficacement réglementé par l’organisme actuel.
Enfin, je tiens à ce que votre comité sache qu’en ma qualité de juriste cette interdiction me préoccupe surtout, non pas en raison du recul scientifique et thérapeutique qui peut en résulter, ce qui ne manque pas de m’inquiéter, mais parce qu’à mon avis cette interdiction établit un très mauvais précédent sur le plan politique qui, je le crains, pourrait être le signe de la façon dont les Canadiens et leur gouvernement abordent nombre de problèmes scientifiques que notre société, je le sais, devra affronter à l’avenir.
Je vous remercie encore de m’avoir entendu.
· (1310)
La présidente: Merci, monsieur Caulfield, et soyez à nouveau le bienvenu. Voilà maintenant deux ans, je pense, que nous n'avons pas entendu parler de vous.
Nous allons maintenant donner la parole à M. Clement Persaud, qui témoigne ici à titre personnel.
Monsieur Persaud.
M. Clement Persaud (témoignage à titre personnel): Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs. Je vous remercie de m’avoir donné la possibilité aujourd’hui de prendre part à vos délibérations. J’ai malheureusement été convoqué trop tard et je n’ai pas eu le temps de faire traduire le texte en français. La version anglaise est cependant à votre disposition à l’avant de la salle.
Je passe donc directement à mon exposé.
Cet exposé comporte deux volets. Le premier a trait aux cellules souches et à la recherche sur les embryons, et le second porte sur la loi s’appliquant à l’Agence canadienne de contrôle de la procréation assistée dont la création proposée et que je désignerai par son sigle, l’ACCPA.
Pour ce qui est des cellules souches et de la recherche sur les embryons, nous avons fait des progrès rapides depuis 1991, date à laquelle Irving Weissman, de l’Université Stanford, a identifié une cellule souche dans la moelle des os d’une personne humaine, capable de différenciation selon les différents types de cellule du sang. Je vais vous citer ici les travaux de trois chercheurs canadiens. Freda Miller, de l’Université McGill, a démontré en 2001 que les cellules souches de la peau chez les adultes étaient polyvalentes et pouvaient se transformer en cellules de la graisse, du cerveau et des muscles. Mick Bhatia, l’un des grands chercheurs sur les cellules souches au Canada a réussi, alors qu’il travaillait en 2001 à l’Institut de recherche Robarts, à propager des cellules souches adultes sur plusieurs générations sans qu’elles se différencient. Il a fait appel à une molécule qualifiée depuis du nom intéressant de morphogène sonic hedgehog. La B.C. Cancer Agency a annoncé cette année la découverte d’une méthode de production de masse des cellules souches adultes du sang à l’aide d’un gène spécial.
Ces trois découvertes font état des trois propriétés importantes des cellules souches adultes: polyvalence, continuité et quantité. Toutes les études démontrent le potentiel thérapeutique des cellules souches adultes dans les modèles de maladie des animaux et des hommes.
Je peux me tromper, mais aucune étude n’a été publiée à ma connaissance qui fasse état d’un avantage clinique déterminant des cellules souches embryonnaires. Je crois qu’elles sont physiologiquement incompatibles avec les cellules des corps adultes, qu’elles sont par conséquent vouées à la croissance et à la différenciation, et non pas à la réparation des tissus, et qu’elles exigent des signes embryonnaires complexes pour fonctionner normalement. Elles sont difficiles à contrôler et forment des tératomes lorsqu’elles sont injectées. En fait, l’un des tests du potentiel multiple des cellules souches embryonnaires est la formation de tératomes chez les souris soumises à un agent immunosuppressif. D’aucuns ont réclamé un moratoire sur la recherche embryonnaire. Je considère personnellement qu’une fois que toutes les études nécessaires sur les cellules souches embryonnaires chez les animaux auront été terminées nous aurons un moratoire par défaut.
Le laboratoire de James Thompson au Wisconsin a déclaré «qu’il faudrait vraisemblablement plusieurs années dans le meilleur des cas pour que les techniques découlant de l’étude des cellules souches embryonnaires trouvent leur application clinique». Je tiens toutefois à ce que vous preniez connaissance de cette déclaration étonnante de John Gearhart, qui a trouvé les cellules souches totipotentes en 1998 dans des foetus avortés. Il a fait cette déclaration étonnante le 14 novembre: «Je ne suis pas sûr que ces cellules vont être utilisées dans les thérapies». C’est ce qu’il a dit.
Dans un article en date du 25 octobre, le National Post a fait état d’une femme souffrant de leucémie qui est aujourd’hui en rémission après avoir reçu une greffe des cellules souches du cordon ombilical du bébé auquel elle a donné le jour il y a 14 mois. Étant donné que plus d’un million de cordons ombilicaux sont jetés chaque année, je pense que Santé Canada devrait envisager la création de banques de cordons visant à tirer parti des cellules souches de cordons ombilicaux.
Je terminerai rapidement cette partie en disant que les découvertes scientifiques récentes font que les recherches sur les cellules souches embryonnaires sont pratiquement dépassées et que les cellules adultes et celles des cordons ombilicaux devraient représenter un meilleur choix scientifique pour la médecine régénérative. Si, par contre, votre comité continue à appuyer la recherche embryonnaire, je suggère un compromis dans la pure tradition du Canada, mesdames et messieurs, en proposant que le Parlement adopte la solution américaine, autorise la création d’un nombre fixe de lignes de cellules souches embryonnaires et interdise toute recherche sur les embryons une fois que ces lignes de cellules seront en exploitation.
J’en arrive maintenant à l’organisme, l’ACCPA. Je soutiens que ce projet de loi n’est pas assez ferme et que sa formulation n’est pas assez complète concernant le mandat et l’exploitation de l’ACCPA. Le projet de loi fait état au départ d’un certain nombre de principes directeurs utiles, mais je suis déçu de voir que le génome humain renvoie en soi à un principe directeur à l’alinéa 2f) alors que ce n’est pas le cas pour l’embryon. Il faut à mon avis que l’embryon, compte tenu des sensibilités de la population canadienne, comporte un principe directeur qui lui soit propre. Prenez l’exemple du principe directeur qu'applique l’administration Bush aux États-Unis: «Les embryons utilisés dans les expériences sont des sujets humains dont le sort doit être pris en compte comme celui des foetus, des enfants et des adultes».
· (1315)
La méthode d’injection du sperme à l’intérieur du cytoplasme présente de véritables risques. Je n’ai pas le temps de vous les exposer tous, mais je propose que le Parlement envisage d’interdire la procédure d’injection de sperme dans le cytoplasme qu’emploient les cliniques de fertilité au Canada.
Certes, la question de l’indemnisation des mères porteuses est traitée dans le projet de loi C-13, mais il convient de préciser si une femme qui fournit des embryons à un établissement de recherche peut retirer un profit financier d’un brevet éventuellement déposé à la suite des recherches portant sur ces embryons.
Le paragraphe 25(1) dispose que le ministre peut donner à l’Agence des instructions en matière d’orientation. Il est nécessaire de donner des instructions fermes lorsqu’il s’agit d’uniformiser les questionnaires de consultation s’adressant à l’ensemble des clients des cliniques. Pour que le consentement soit donné en toute connaissance de cause, il faudrait parler des risques éventuels pour les femmes d’injections d’hormones multiples, des accidents découlant éventuellement de l’extraction d’un trop grand nombre d’ovules, du pourcentage d’échecs, des grossesses multiples, de l’incidence des malformations et de la décision éventuelle de détruire certains foetus avant terme.
L’article 31 dispose que le conseil d’administration peut, par règlement administratif, régir la conduite de ses travaux. Ce conseil aura besoin d’instructions plus précises du Parlement pour accomplir sa tâche. Je propose que les cliniques de fécondation in vitro soient réglementées de la manière suivante par l’Agence.
Une licence doit être octroyée aux cliniques, dont la formulation doit préciser clairement à qui s’applique la licence, à la clinique ou à l’établissement de recherche.
En matière de recherche, il n’est pas nécessaire que les cliniques de fécondation in vitro fournissent des instructions ou effectuent des recherches sur les embryons qui leur sont confiés. On peut facilement le faire avec des embryons de mammifères.
Pour ce qui est des données, nous avons entendu dire que certaines cliniques britanniques avaient beaucoup ajouté à la confusion. Il nous faut, en vertu de notre loi, exiger régulièrement des données de nos meilleures cliniques de fécondation in vitro en fonction des pratiques en cours dans les meilleurs laboratoires.
Il convient que notre loi exige que les cliniques de fécondation in vitro précisent, en apportant des preuves, quelle est la durée de stockage des embryons, qu’il s’agisse de deux ans ou de cinq ans.
Pour ce qui est des inspecteurs, je propose que les inspections des établissements de recherche et de cliniques de fécondation in vitro se fassent avec ou sans avertissement de manière à améliorer le contrôle de qualité.
En matière d’homologation, en plus de détenir une licence en vertu de notre loi, toutes les cliniques de fécondation in vitro devront être homologuées par un organisme d’homologation externe.
Sur le plan de l’éthique, toutes les cliniques de fécondation in vitro devront être invitées à constituer leurs propres comités de surveillance internes visant à faire respecter l’éthique.
J’évoque en passant la question de le stockage des ovules en vous signalant qu’un rapport publié récemment au Royaume-Uni, le 4 novembre 2002, fait état de la congélation d’un ovule qui a été fécondé et qui a finalement donné un bébé en bonne santé. Voilà qui nous ouvre, bien entendu, de nombreuses possibilités.
Je conclurai, mesdames et messieurs, en vous disant qu’à mon avis la formulation du projet de loi C-13 n’est pas assez rigoureuse en ce qui a trait au fonctionnement de l’Agence canadienne de contrôle de la procréation assistée. Il convient de renforcer ses dispositions pour le plus grand bien de la population canadienne et de l’industrie de la fécondation in vitro au Canada.
En second lieu, indépendamment des préoccupations liées à l’éthique, je considère, pour des raisons scientifiques, qu’il convient d’abandonner la recherche sur les cellules souches embryonnaires compte tenu de la supériorité prouvée des cellules souches non embryonnaires. Les ressources limitées dont nous disposons en matière de santé doivent être délibérément affectées à des essais cliniques de longue durée portant sur les cellules souches adultes et celles du cordon ombilical, compte tenu des succès enregistrés par ces méthodes.
Pour terminer, mesdames et messieurs, je vous précise que je suis arrivé à Ottawa vendredi et je vous remercie de m’avoir accueilli aujourd’hui.
La présidente: Merci, docteur Persaud.
Nous allons maintenant passer aux questions en commençant par le Dr Lunney.
· (1320)
M. James Lunney: Merci, madame la présidente. Je remercie à nouveau tous nos intervenants de participer à ce débat et d’apporter de l’eau à notre moulin. Ce sont là des questions très importantes pour les Canadiens et pour le monde de la recherche. Comme vous le savez pertinemment, notre comité a bien du mal à appréhender tous les enjeux.
Pour commencer, docteur Weiss, pouvez-vous nous parler rapidement de votre recherche sur les cellules souches de neurones adultes?
M. Sam Weiss: Ma recherche porte sur des cultures de cellules adultes tirées du cerveau humain pour les différencier ensuite selon les trois grands types de cellules du cerveau. Ces cellules peuvent se révéler utiles pour la thérapie, les greffes et les traitements impliquant des médicaments. Nous avons par ailleurs localisé ces cellules souches dans le cerveau adulte et utilisé des protéines naturelles pour stimuler leur croissance dans le cerveau afin d’essayer de favoriser la régénération et la réparation des tissus endommagés du cerveau et de la moelle épinière.
M. James Lunney: C’est particulièrement intéressant.
J’en reviens à la question des greffes autologues. Je comprends ce que vous nous dites. Même si vous en reconnaissez éventuellement le potentiel, je suis surpris que vous soyez tellement enthousiaste au sujet des cellules souches embryonnaires. N’y a-t-il pas un très gros problème de rejet de cellules souches embryonnaires lorsqu’elles sont injectées, notamment dans le cerveau en raison du fait que la barrière entre le cerveau et le sang comporte sa propre isolation contre le système immunitaire? Le véritable risque de pyrogénicité, par exemple, dans le cerveau, me paraît très dangereux. C’était bien évidemment le problème dont souffrait le patient atteint de la maladie de Parkinson auquel on avait greffé des cellules souches embryonnaires.
M. Sam Weiss: Bien entendu, des problèmes se posent au sujet de l’immunocompatibilité. Toutefois, de nombreux patients souffrant de la maladie de Parkinson qui ont été traités au cours des 15 dernières années, en Suède et ailleurs, l’ont été à l’aide d’agents anti-rejet qui ont bien réussi à conserver les nouvelles cellules introduites dans le cerveau.
Pour ce qui est des facteurs tératogènes, la question est en fait très importante. Là encore, je considère qu’il est très important de tenir compte, comme nous le faisons, des études scientifiques et non pas de la presse non spécialisée en la matière. La plupart des découvertes récentes concernant les cellules souches adultes nous enseignent notamment que les cellules souches des cerveaux adultes, que l’on considérait à l’origine comme étant en mesure de produire tous les types de cellules, semblent être, dans les cultures de cellules souches adultes, plus sensibles à la transformation et à l’ontogenèse, en fait, que les cellules souches embryonnaires. Il en est ainsi dans les cultures de cellules avant même qu’on ne les place dans le cerveau. Je ne crois donc pas que l’on puisse dire que les cellules souches adultes sont moins susceptibles que les cellules souches embryonnaires, lorsqu’elles sont placées dans un milieu de culture, d’avoir finalement un effet tératogène lorsqu’on les introduit dans le corps.
M. James Lunney: Parlons donc de cela, puisqu’il semble que le but des cellules souches embryonnaires... Il semble qu’il y ait bien des gens dans l’industrie qui souhaitent concevoir une ligne de cellules souches qui soit bonne à la fois pour le pancréas, pour la maladie de Parkinson et éventuellement pour 200 types de maladies différentes, qui ait une longue durée de vie et qui conserve ses caractéristiques. Par contre, avec les cellules souches adultes, à partir du moment ou on réussit à les extraire du malade et à les cultiver in vitro, on n’a pas besoin de les conserver sur une longue période; on peut penser pouvoir les réintroduire dans le même malade à l’aide d’une greffe autologue. On n’a pas à s’inquiéter de la durée et les problèmes de commercialisation ne se posent pas dans les mêmes termes que ceux qui s’appliquent à l’octroi de brevets et aux modifications commerciales conjointes en ce qui a trait aux cellules embryonnaires. Je me demande ce que vous en pensez.
M. Sam Weiss: Ce sont des facteurs importants. Je pense qu’il faudra évidemment faire la distinction entre différents types de maladies. Lorsqu’on disposera d’une longue période pour extraire des cellules, les cultiver, etc., on pourra utilement recourir à cette méthode pour traiter des maladies chroniques. Par contre, il y a aussi des maladies aiguës, telles que les traumatismes au cerveau ou les accidents vasculaires cérébraux, par exemple, auquel cas il est impossible de disposer du temps nécessaire pour extraire des cellules et les cultiver alors qu’il est prouvé que l’on peut faire appel à des banques de cellules pour régénérer des cellules du cerveau lorsqu’on réintroduit ces cellules dans le corps des malades. Donc, dans bien des cas, il faudra considérer le type de maladie et d’autres facteurs.
L’autre facteur important, c’est que nous avons appris que le potentiel des cellules souches embryonnaires est bien plus grand. Je pense que c’est très clair. Au niveau expérimental, elles peuvent effectivement produire tous les types de cellules du corps alors que les cellules souches adultes, en dépit de certaines annonces faites dans la presse, n’ont pas cette capacité. En fait, leur pouvoir est très limité et nous avons d’ailleurs appris que les cellules souches embryonnaires étaient capables d’inverser des maladies neurologiques dans des expériences menées sur les animaux. Il n’a pas encore été démontré que les cellules souches du cerveau adulte étaient en mesure d’inverser des maladies neurologiques dans des expériences menées sur les animaux.
Je pense que c’est un facteur très important. Ce n’est pas l’un ou l’autre. Dans chaque cas, les recherches nous indiquent que tout dépend éventuellement des maladies et des circonstances particulières sans qu’un type de traitement prime par rapport à l’autre.
· (1325)
M. James Lunney: Pour ce qui est de la comparaison entre les banques de cellules et le recours aux cellules du corps qui présentent l’avantage de ne pas être rejetées, j’aimerais revenir sur la plasticité des cellules souches adultes. Il n’y a pas très longtemps, on pensait qu’une cellule d’un type donné ne pouvait pas se transformer ou se métamorphoser en une cellule d’un autre type. Par définition, bien entendu, on sait que si un embryon peut produire tous les types de tissus, il va devenir un être humain complet. Il n’est pas donc besoin d’être un grand savant pour penser que les cellules embryonnaires vont pouvoir réaliser cette transformation. Pourquoi, par conséquent, la communauté scientifique se montre si réticente, en dépit des remarquables progrès que nous avons enregistrés au niveau de la plasticité des cellules adultes?
M. Sam Weiss: Je ne dirai pas que nous sommes réticents; nous sommes prudents, comme il est de règle dans toute entreprise scientifique. Il est peut-être vrai que par définition les cellules souches embryonnaires ou les cellules de l’embryon sont en mesure de produire tous les types de cellules, mais on ne peut toutefois pas produire automatiquement un type de cellules donné dans des conditions précises et contrôlées. En fait, cela exige d’énormes recherches. Il a fallu quelque six années de recherche pour faire cette magnifique découverte selon laquelle on peut produire des cellules d’îlots pancréatiques—celles qui guérissent le diabète—à partir de cellules souches embryonnaires, parce que ça ne se produit pas spontanément dans une culture de cellules.
Nous ne nions pas a priori le potentiel des cellules souches adultes, mais ça ne se produit pas normalement dans ces cellules. En tant que scientifiques, nous nous opposons à cette vérification lubie qui consiste à dire que puisqu’il arrive à des cellules de changer suffisamment pour s’apparenter en surface à d’autres cellules, il suffit donc de les réintroduire dans un animal ou dans le corps d’un animal pour qu’elles fonctionnent bien. On a déjà démontré que les cellules souches embryonnaires pouvaient y parvenir. Elles peuvent reproduire l’animal en entier ou encore reproduire certains organes ou inverser des maladies. Les cellules souches adultes n’en sont encore qu’à un stade très expérimental en la matière, du moins lorsqu’elles sont mises en culture et transplantées.
Nous n’avons donc rien contre cette démarche, mais nous disons que les recherches ne nous permettent pas de dire pour l’instant qu’il n’est pas nécessaire de travailler sur les cellules souches embryonnaires—bien au contraire.
M. James Lunney: Vous savez toutefois que certains modèles ont obtenu du succès. Le Dr Persaud a évoqué ici les cellules de la moelle épinière.
Je connais un patient, auquel j’ai parlé récemment, qui a subi de multiples traitements d’un myélome. Avant d’être traité par la chimiothérapie pour éliminer la tumeur, on lui a extrait des cellules de la moelle pour les réintroduire ensuite, et il se porte très bien. Il s’agit donc là d’une transplantation autologue.
Je suis sûr aussi que vous êtes au courant des recherches qui viennent d’être faite en Italie au sujet des muscles du squelette pour des applications cardiaques, alors qu’après avoir réinjecté des cellules immatures d’un muscle du squelette dans le corps d’un malade ayant eu un infarctus du myocarde, on a constaté une certaine transformation de ces cellules dans la zone de l’infarctus.
M. Sam Weiss: Laissez-moi tout d’abord vous répondre sur le premier point, celui des cellules hématopoïétiques, ou cellules de la moelle. La recherche sur les cellules souches hématopoïétiques est là encore tout à l’honneur du Canada. Ces cellules souches hématopoïétiques ont effectivement été découvertes au Canada il y a 25 ou 30 ans.
Le traitement des leucémies à l’aide des cellules de la moelle est généralement reconnu et il nous montre bien toute l’importance des cellules souches adultes pour traiter des maladies auxquelles elles contribuent normalement. Toutefois, nous n’avons pas là un très bon exemple de transformation de ces cellules.
Le cas que vous me citez présente là encore un grand intérêt pour des chercheurs spécialisés comme moi dans les cellules souches adultes, qui entrevoient tout le potentiel qu’offrent les cellules souches adultes produites par un tissu donné et susceptibles de régénérer un autre tissu. Toutefois, on n’a pas encore effectué des analyses complètes et à grande échelle à ce sujet.
Par conséquent, tout en effectuant cette recherche – et je ne travaille personnellement que sur les cellules souches adultes – je ne me sentirais pas à la hauteur de mes responsabilités si je disais qu’il n’y a qu’une seule solution thérapeutique à l’aide des cellules souches, alors que la recherche sur les cellules souches embryonnaires, du moins telle qu’elle apparaît à mes yeux, offre plus d’espoir pour certaines maladies, notamment le diabète, où l’on n’a jamais réussi à prouver que des cellules souches adultes étaient en mesure de produire des cellules d’îlots pancréatiques. En excluant ce genre de recherche, on abandonnerait des milliers de diabétiques qui souffrent quotidiennement.
M. James Lunney: Docteur Persaud, Clem, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
M. Clement Persaud: Je comprends vos arguments, et si vous me permettez d’y répondre rapidement, je suis d’accord en partie avec ce que vous nous dites, docteur Weiss, mais intuitivement, pour que tout le monde comprenne bien, n’êtes-vous pas prêt à dire que cet embryon, avec ses cellules qui se développent... Cet embryon comporte des cellules qui font deux choses: elles se différencient et elles se multiplient. Chez l’adulte, les cellules font une chose: elles réparent. En présence d’un traumatisme cérébral, je demande pour ma part qu’on me donne des cellules qui vont réparer la cellule dans le cerveau au lieu de se différencier et de se multiplier. Ce n’est pas ça que je veux.
Pour en revenir toutefois à vos commentaires sur le diabète, aux États-Unis, E.J. Abraham, du Massachusetts General Hospital, a transformé des cellules souches pancréatiques d’un corps humain adulte en des cellules bêta sécrétant de l’insuline. C’est un grand progrès réalisé dans le traitement du diabète cité dans Endocrinology en 2002. Il a transformé des cellules souches pancréatiques adultes en cellules souches bêta produisant de l’insuline.
· (1330)
La présidente: Je pense que le Dr Caulfield aimerait apporter un commentaire.
M. Timothy Caulfield: Oui.
La présidente: Lorsque le Dr Lunney en aura fini, nous...
M. Timothy Caulfield: Je suis le professeur Caulfield.
Je me sens tenu de faire cette observation parce que c’est extrêmement important et c'est ce qui, à mon avis, a fait dérailler les discussions au sujet de ce projet de loi. On peut toujours parler du potentiel de la recherche sur les embryons et sur les cellules souches adultes, mais on n’interdit pas un procédé parce qu’il ne donne pas des résultats. Il faut qu’il y ait une autre raison. Nous n’interdisons pas la fusion à froid ni les machines à mouvement perpétuel. Il faut qu’il y ait une autre raison.
Lorsqu’une commission chargée de faire respecter l’éthique se penche sur des recherches, elle doit bien entendu tenir compte du potentiel scientifique, mais nous parlons ici d’une interdiction prononcée en vertu du droit pénal. Il faut qu’il y ait un motif plus sérieux que le simple fait que ce procédé ne donne pas de résultats et que d’autres méthodes sont tout aussi prometteuses. Il faut que cette interdiction puisse s’expliquer. Je sais que des responsables comme Freda Miller ou d’autres spécialistes à la pointe de la recherche sur les cellules souches adultes dans le monde vous diront la même chose que Sam.
Je pose alors au comité la question suivante. Si nous réussissons en fait à parvenir à nos fins au sujet des cellules souches adultes et à les rendre totipotentes—c’est une question que Sam nous a posée dans son étude parce que c’est l’un des objectifs, qu’elles soient totipotentes, ou du moins, on peut l’espérer, pluripotentes—s’agit-il alors d’un embryon? Disons que ces cellules sont pluripotentes et que nous nous en servons pour faire une transplantation autologue. S’agit-il d’un embryon qui est alors interdit? Faut-il qu’il en soit ainsi? Sinon, pour quelle raison? En quoi cela est-il différent d’un embryon dans un autre contexte? Il faut qu’il y ait une raison.
La présidente: C’est au tour du Dr Castonguay.
[Français]
M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Merci, madame la présidente. Merci à nos invités.
D'abord, je crois que nous en sommes à un stade très jeune de la recherche sur les cellules souches, peu importe leur origine. Est-ce que j'ai raison de penser ainsi? C'est ma première question.
Dans l'état actuel de notre ignorance--je dis bien «de notre ignorance»--, peut-on, à ce stade-ci, se permettre de ne pas faire de recherche sur une sorte de cellules souches, en prétendant que l'autre sorte a plus de potentiel?
J'aimerais avoir l'opinion de nos invités là-dessus.
[Traduction]
M. Sam Weiss: Si j’ai bien compris, la réponse c’est qu’à ce stade il est vrai que l’on ne peut pas vraiment prendre de décision ni conclure qu’une population de cellules souches est meilleure qu’une autre en opposant les cellules adultes aux cellules embryonnaires. Sur un plan scientifique, je dirais qu’à partir du moment où l’on ne peut pas choisir entre les unes et les autres, il serait illogique d’en interdire certaines et pas d’autres. Il est en fait important d’exercer un contrôle sur les activités susceptibles de poser des problèmes de morale ou d’éthique dans notre pays. Nous soutenons toutefois qu’il est prématuré d’interdire ces activités et que cela limiterait le potentiel du Canada.
· (1335)
M. Jeannot Castonguay: Je vous remercie.
M. Timothy Caulfield: J’ai aussi un commentaire à faire à ce sujet, qui renvoie à la conclusion de mon exposé. Ce qui me préoccupe surtout, ce n’est pas la perte du potentiel scientifique ou thérapeutique, mais la nature des décisions qui sont prises, les politiques adoptées dans ce domaine. Une interdiction ou une réglementation doivent s’appuyer sur des principes, surtout lorsqu’on se propose de prononcer un interdit légal sur lequel il est difficile de revenir. C’est l’histoire des interdits légaux dans notre pays, comme le révèlent de nombreuses lois...
La présidente: Professeur Caulfield, la question oppose les cellules souches embryonnaires aux cellules adultes; il ne s’agit pas d’interdire ou de ne pas interdire le clonage thérapeutique. Vous revenez à votre sujet favori plutôt que de répondre à la question posée.
M. Timothy Caulfield: Je vous prie de m’en excuser.
La présidente: Est-ce que le Dr Persaud veut répondre à la question posée par le Dr Castonguay?
M. Clement Persaud: Je suis tout à fait désolé. Je me suis branché en retard. Si vous pouvez répéter la question, je m’efforcerai...
M. Jeannot Castonguay: Pour l’essentiel, je crois comprendre que nous n’en sommes encore qu’au tout début des recherches, que ce soit sur les cellules souches adultes ou sur les cellules souches embryonnaires. Pouvons-nous nous permettre à ce stade de ne pas faire de recherche en prétendant qu’un type de cellules offre plus de potentiel qu’un autre.
M. Clement Persaud: Vous avez raison de dire que de manière générale nous en sommes au tout début des recherches sur les cellules souches. Néanmoins, les données recueillies jusqu’à présent au sujet des essais effectués à l’aide de cellules embryonnaires sur des personnes adultes nous révèlent que les effets ont été parfois catastrophiques, ainsi pour les personnes souffrant de la maladie de Parkinson. En conséquence – et nous parlons ici de la vie de gens – je considère qu’il faut faire preuve de prudence. Le principe de précaution doit nous amener à poursuivre notre action en nous en remettant aux cellules souches adultes, qui donnent de bons résultats, en attendant que les choses soient plus claires.
Mr. Jeannot Castonguay: Très bien, mais à mes yeux, si nous nous en tenons à ce type de recherche sur les cellules souches adultes, nous ne connaîtrons jamais le potentiel des autres types de cellules. Excusez-moi, mais je ne peux pas être d’accord aujourd’hui avec ceux qui prétendent que les cellules souches adultes ne posent aucun problème. Il y a bien évidemment des problèmes.
À ce premier stade des recherches et compte tenu de leur nature, il vous faut toujours prendre conscience du fait que des problèmes vont constamment se présenter. J’ai du mal à comprendre que l’on puisse prétendre que parce que l’on a une conviction aujourd’hui—l’intime conviction qu’un champ d’intervention donné offre plus de potentiel—il nous faille pour cela interdire l’autre champ de recherche.
C’est tout ce que je voulais dire.
M. Clement Persaud: Je comprends.
La présidente: Docteur Weiss.
M. Sam Weiss: J’ai bien peur de devoir contredire mon éminent collègue, M. Persaud, qui affirme qu’il est parfaitement prouvé que les cellules embryonnaires ont des conséquences dévastatrices lorsqu’elles sont transplantées dans le corps des patients souffrant de la maladie de Parkinson. Pour commencer, évidemment, il ne s’agissait pas de cellules souches embryonnaires. C’était des cellules embryonnaires extraites de foetus avortés, et la moitié des patients ont en fait enregistré des progrès.
M. James Lunney: C’était à très court terme.
M. Sam Weiss: Disons que l’on n’a pas encore procédé à des études sur une longue durée, mais il y a eu au moins des progrès initiaux. Bien évidemment, on n’a pas encore essayé les cellules souches adultes et je suis donc d’accord avec l’argument selon lequel on peut toujours donner des exemples de succès et d’échec et qu’il ne convient pas dans les circonstances d’abandonner une piste de recherche dès que l’on enregistre un échec.
Là encore, je pense qu’il serait prématuré de tirer des conclusions alors que les scientifiques—et vous m’excuserez de devoir vous répéter que l’expression de la science ne se trouve pas dans la presse non spécialisée mais dans les études scientifiques—soutiennent que les cellules souches, tant adultes qu’embryonnaires, offrent un grand potentiel et qu’il convient de les étudier avec soin en ayant recours à de bons protocoles de recherche dans le monde entier.
La présidente: Madame Skelton.
Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Ma question s’adresse au professeur Caulfield. Ce matin, alors que nous organisions une téléconférence avec le Royaume-Uni, Mme Leather a proposé que l’on parle de «choix» et non pas de «consentement» dans le projet de loi. Qu’en pensez-vous?
M. Timothy Caulfield: C'est une question très intéressante qui fait d’ailleurs l’objet de nombreux commentaires chez les spécialistes du droit et de l’éthique étant donné qu’il y a une différence subtile entre choix et consentement. Je considère pour ma part que ces deux notions ont leur mérite; elles présentent toutes deux de l’intérêt. Traditionnellement, la loi fait état du consentement puisque, malheureusement, la relation n’est pas fondée sur l’égalité. Il y a un rapport de force asymétrique entre le thérapeute et le patient et il s’agit donc par conséquent d’un modèle de consentement. D’aucuns ont soutenu que le principe du choix impliquait une relation d’égalité, l’intéressé faisant un choix qui s’apparente à un contrat.
D’un autre côté, je considère que les gens y voient davantage un modèle faisant davantage appel à la collaboration, et c’est justement pour cela, à mon avis, que les études modernes de bioéthique ont préconisé la notion de choix. Elle renvoie davantage à la collaboration et on part du principe que ces personnes ne décident pas dans le vide mais qu’elles s’insèrent plutôt dans un cadre très complexe.
J’ai bien peur de ne pas vous donner une réponse satisfaisante. En tant que juriste, j’ai tendance à m’en tenir au consentement parce qu’il reflète la véritable nature de la relation en droit, mais je pense que sur le plan philosophique il y a d’excellents arguments en faveur de la notion de choix. Est-ce que je réponds bien ici aux questions que vous vous posez?
· (1340)
Mme Carol Skelton: Oui.
La présidente: Je n’ai pas compris ce que vous disiez juste avant, qu’il fallait s’en tenir au consentement parce que... Quel était l’argument?
M. Timothy Caulfield: En tant que juriste, je préconise la notion de consentement parce que je considère effectivement qu’elle reflète la véritable nature de la relation en droit.
La présidente: C’est bien ça. Quelle relation en droit?
M. Timothy Caulfield: La relation en droit entre le clinicien, ce qui est le cas pour nombre de ces relations, et le patient. Si les tribunaux parlent de consentement et non de choix c’est, tout d’abord, en raison de l’asymétrie et de la relation de pouvoir entre le clinicien et le patient. Le patient consent par conséquent à ce qu’une autre personne agisse à son sujet. Ce n’est pas un contrat. Du point de vue du patient, il y a certains avantages à ce que l’on parle de consentement. Vous n’êtes pas...
La présidente: Il me semble qu’il est avantageux pour le clinicien...
M. Timothy Caulfield: Au contraire...
La présidente: ... d’obtenir un consentement par opposition... L'expression «consentement donné en toute connaissance de cause» implique que l’intéressé va probablement dire oui alors qu’en terme de choix, il m’apparaît qu’on a l’obligation d’indiquer au patient les différentes options qui s’offrent à lui, ce dernier choisissant alors celle qu’il préfère ou encore de ne rien faire du tout.
M. Timothy Caulfield: Je suis tout à fait d’accord. En fait, la loi du consentement au Canada, dont nous pouvons être fiers, je pense, est probablement la plus stricte du monde. Je suis d’ailleurs d’accord avec les observations de mon collègue concernant ce qui doit faire partie du mécanisme de consentement. L’obligation est très stricte et, pour obtenir un consentement, les cliniciens ont un véritable devoir de divulguer une grande quantité de renseignements, notamment sur le plan commercial, ainsi que la façon dont ces renseignements vont être utilisés. Cela fait déjà partie du droit du consentement régi actuellement par la common law au Canada, et je pense que ce projet de loi réaffirme ces dispositions s’appliquant au consentement.
C’est exactement en fonction de ce que vous nous dites du «choix» que les philosophes, et certains juristes, préfèrent utiliser ce terme. Certains juristes estiment que ce principe du choix pourrait agir en fait au détriment des patients parce qu’il laisse entendre que la relation est symétrique ce qui fait, par exemple, que le patient serait lié par son choix. Vous n’ignorez pas que le consentement ne se donne pas à tout jamais. Ce n’est pas une formule. Le consentement évolue avec le temps. Il peut être retiré à tout moment. Les médecins ont l’obligation de s’assurer que les patients comprennent l’information qui leur est donnée et nombre...
La présidente: Avant une opération, les patients signent souvent un document attestant qu’on leur a donné toute l’information nécessaire et qu’ils donnent leur consentement après être convaincus d'avoir été bien mis au courant. Êtes-vous en train de me dire que cinq minutes plus tard, ce n’est plus valable?
M. Timothy Caulfield: Il ne s’agit pas ici du consentement. Ce document est une preuve de consentement. Si vous vous présentez devant le juge en lui disant que vous avez ici un consentement, le juge vous répondra que l’on a là que la preuve que le document a été signé. On ne sait pas si l’intéressé l’a bien compris. Le consentement est un continuum qui implique une relation suivie avec le clinicien.
La présidente: La plupart des gens ne le savent pas. Ils pensent signer...
M. Timothy Caulfield: La plupart des médecins, la plupart des commissions d’éthique et des projets de recherche et la plupart des sociétés pharmaceutiques qui élaborent ces formules de consentement tellement complexes ne le savent pas, mais c’est pourtant vrai. Ce n’est pas un contrat passé entre le clinicien et son patient, mais plutôt une relation qui évolue.
Le Canada a en fait un droit du consentement très structuré depuis l’affaire Reibl c. Hughes qui a été jugée en 1980. Je pense que nous pouvons d’ailleurs en être fiers parce que nous servons d’exemple dans le monde en matière de droit sur le consentement.
Cela dit, j’aime le principe du choix parce qu’il nous rappelle qu’on agit dans un cadre complexe et que de nombreux facteurs, et pas seulement les facteurs cliniques, doivent être pris en compte.
Je n’ai probablement pas donné une réponse très satisfaisante à votre comité. Veuillez m’en excuser.
Mme Carol Skelton: Non, c’est très bien. Je pense en fait que ça nous aide, car j’éprouvais de véritables difficultés avec la notion de choix et de consentement. En parlant avec mon voisin dans l’avion qui me ramenait chez moi, j’ai appris qu’en compagnie de sa femme, ils s’étaient rendus dans une clinique de fertilité et qu’ils avaient fini par abandonner. Il m’a dit que jusqu’à la fin il n’a pas pu savoir ce qu’il allait faire subir à sa femme. Je suis donc très préoccupé par le fait que certaines personnes vont devoir en passer par là sans savoir à quoi elles consentent ni quels sont les choix qui s’offrent à elles. C’est une préoccupation qui me tournait dans la tête et, par conséquent, je vous remercie.
· (1345)
La présidente: Non seulement ça, madame Skelton, mais souvenez-vous aussi que nous avons précisément demandé à certains témoins ayant suivi des traitements de fécondité si on leur avait expliqué certains champs d’intervention possibles, et personne n’avait été dans ce cas; cela n’avait jamais été mentionné à personne. Nous étions très préoccupés par le fait de savoir si ou non... Et cela ne concerne pas seulement ce domaine restreint de la médecine, celui qui renvoie aux pratiques des cliniques de fertilité, mais nous n’avons pas manqué d’être déçus en écoutant les témoignages d’un groupe de personnes ayant suivi des traitements de fécondité. On ne peut que se poser des questions au sujet d’autres pratiques médicales lorsqu’on est censé donner le choix aux patients ou obtenir leur consentement, alors qu’on leur laisse entendre que le traitement est de telle ou telle nature et que c’est à prendre ou à laisser. Il n’y a pas véritablement de possibilité de choix.
M. Timothy Caulfield: La norme au Canada, qui a été entérinée à maintes reprises par la Cour suprême du Canada, c’est que le clinicien est censé divulgué au patient tout ce qu’il lui appartient raisonnablement de savoir. C’est très complet. Vous avez probablement raison de dire que ces renseignements ne sont pas toujours communiqués, non seulement dans le domaine de la reproduction, mais aussi dans d’autres secteurs.
En prenant connaissance du projet de loi, ma première réaction a été de dire que ces dispositions étaient inutiles, parce qu’elles sont déjà prévues par la common law. J’avais peur que les cliniciens les édulcorent en les prenant à la lettre alors que je considère qu’en fait la common law est plus complète. Mais, après réflexion, je me suis dit que c’était une bonne idée parce que l’on insiste dans ce cadre sur l’importance du consentement.
La présidente: Effectivement.
M. Timothy Caulfield: Je pense que le grand danger est là.
La présidente: Je vous remercie.
C’est au tour de M. Lunney.
M. James Lunney: Merci.
Laissez-moi tout d’abord vous dire, pour que l’on en prenne acte, et je sûr que tous les membres du comité seront d’accord avec moi, que nous voulons pouvoir faire progresser le traitement des maladies au Canada. C’est indéniable.
Pour ce qui est de l’interdiction, nous ne sommes pas surpris par le fait qu’un juriste va s’y opposer. Il faut bien reconnaître que tous les avocats qui sont venus témoigner devant nous se sont opposés à l’interdiction. Les avocats n’aiment pas les interdictions; ils aiment les règlements. Excusez-moi de parler ainsi, mais on peut alors plus facilement manoeuvrer.
Ce qui nous inquiète ici, c’est la commercialisation et le fait que nous soyons transformés en marchandise. Avouez que tout le monde n’est pas d’accord avec vous lorsque vous rapprochez l’absence d’interdit clinique sur les essais de produits chimiques ou de médicaments de l’interdiction qui pourrait être prononcée ici. Il s’agit ici de reproduction humaine et d’êtres humains. Tout le monde n’est pas d’accord avec la théorie facile qui consiste à dire que la vie ne commence plus ou moins qu’à partir du moment où l’embryon a 14 jours.
C’est donc une question qui présente une charge émotionnelle, qui définit la vie et qui nous définit en tant qu’êtres humains. Au Canada, nous l’abordons à un autre moment que d’autres pays, comme la Grande-Bretagne ou les États-Unis, en raison des progrès faits par la recherche sur les cellules souches adultes.
Cela dit, et pour revenir sur cette question, docteur Weiss et docteur Persaud, est-ce que les perspectives de commercialisation vous paraissent plus grandes dans l’une des deux branches—celle des embryons? Êtes-vous préoccupés par la commercialisation et la transformation en marchandise des tissus humains?
M. Sam Weiss: Je pense là aussi que ce sont des questions très importantes.
Je ne suis pas prêt à soutenir que la commercialisation des cellules souches embryonnaires offre plus de potentiel que celle des cellules souches adultes. Dans les deux cas, il me semble que les avancées de la reprogrammation génétique assurent à ces deux types de populations une plus grande longévité, la possibilité de proliférer et un potentiel de commercialisation. Dans les deux cas, la commercialisation des cellules d’un corps humain va soulever de gros problèmes sur le plan de l’éthique. Il appartiendra aux organismes de réglementation et évidemment aux gouvernements de régler ces questions. À ma connaissance, toutefois, rien ne dit pour l’instant que la commercialisation et plus facile dans un secteur que dans l’autre. Dans les deux cas, je pense, pour ainsi dire, que rien n’est joué.
M. James Lunney: Qu’en est-il des brevets? Le potentiel n’est-il pas plus grand dans ce domaine et l’industrie n’envisage-t-elle pas la possibilité de breveter telle ou telle ligne de cellules souches pour guérir telle ou telle maladie?
M. Sam Weiss: Si j’en crois du moins mon expérience, généralement ce ne sont pas tant les cellules que les procédés qui sont brevetés. J’ai neuf brevets aux É.-U. sur les cellules souches. Ils ne portent pas toutefois sur les cellules souches cultivées en laboratoire; ils portent sur les procédés ayant permis de les produire et sur la possibilité de les utiliser dans des applications spéciales. Mon expérience des cellules souches me fait dire que l’on a affaire à des «brevets de procédé» et non pas à des brevets portant sur les cellules elles-mêmes.
Je tiens à préciser que le brevet que détient l’Université du Wisconsin porte purement et simplement sur la production de cellules embryonnaires, et non pas sur les cellules produites par les laboratoires Gerhart et Thompson. Il porte effectivement sur le procédé ayant permis de les produire et non pas sur les cellules elles-mêmes.
· (1350)
La présidente: Docteur Lunney, puis-je intervenir ici et vous poser une question dans ce même domaine?
M. James Lunney: Oui.
La présidente: Nous sommes préoccupés par toute cette dimension commerciale, une société, que ce soit une entreprise pharmaceutique ou de biotechnologie, pouvant se retrouver en possession d’un brevet de procédé. Des universitaires nous on dit l’autre jour—du moins, c’est ce que je crois avoir compris—que dans l’ensemble, même lorsque le brevet porte sur un procédé, les universitaires s’échangent les résultats si c’est une université qui possède le brevet.
D’après ce que vous pouvez en savoir, que fait une société de biotechnologie qui a fait breveter un procédé comme vous l’avez fait vous-même? Est-ce qu’elle en fait profiter les universités ou est-ce qu’elle fait payer des droits lorsqu’on veut reproduire ce procédé?
M. Sam Weiss: C’est une excellente question.
Dans la plupart des cas, à ma connaissance, lorsqu’une société, et même une université, détient un brevet portant sur un procédé particulier, si les connaissances scientifiques à la base de ce brevet appartiennent au domaine public, d’autres scientifiques peuvent s’en servir à condition de ne pas le faire dans un but commercial. Si un tiers cherche alors à commercialiser ces mêmes techniques, on peut penser qu’il devra en référer au détenteur du brevet.
La présidente: Que se passe-t-il si le détenteur du brevet, en supposant que ce soit une université, ne veut pas explorer les débouchés commerciaux? Qu’arrive-t-il alors? L’entreprise en question commettra bien une infraction à la loi sur les brevets si elle explore ces débouchés commerciaux?
M. Sam Weiss: En effet.
La présidente: Comment va-t-on pouvoir éviter, alors, que ces recherches soient bloquées? On en a eu un exemple dans un État de la côte du Pacifique, l’Oregon, il me semble, alors que la C.-B. s’était mise à utiliser un procédé similaire, le détenteur du brevet en Oregon a exigé qu’on lui verse des droits d’un montant ridiculement élevé. Vous vous souvenez de cette affaire?
M. Sam Weiss: Oui, je crois que ça portait sur des essais s’appliquant aux gènes du cancer du sein.
M. Timothy Caulfield: Je pense que c’était Myriad Genetics.
La présidente: Oui, en effet.
M. Timothy Caulfield: Effectivement.
La présidente: C'était entre les mains d’une société privée, je crois.
M. Timothy Caulfield: J’ai d’ailleurs beaucoup écrit sur la question...
La présidente: Oui, je le sais. C’est pourquoi je voulais l'évoquer, parce que vous êtes ici.
M. Timothy Caulfield: ... et je suis heureux d’y répondre.
Je suis en fait très préoccupé par les enjeux liés à la commercialisation et à la transformation de notre corps en marchandise. Je m’écarte sur ce point de mon ami Sam. On peut effectivement bloquer une technologie avec un brevet. L’exemple de Myriad Genetics illustre bien ce qui peut se passer, mais il en va de même du brevet sur les cellules souches de l’Université du Wisconsin, qui a soulevé de grosses polémiques aux États-Unis, au sein de l’industrie, en fait, parce que l’on craignait, en raison du nombre limité de cellules souches disponibles aux É.-U., que le brevet ait en fait des répercussions négatives dans le cadre de la recherche.
Je pense que le problème est bien réel. J’aimerais que le gouvernement tienne compte à la fois des réserves qui ont été faites au sujet des brevets portant sur les gènes et de leurs répercussions éventuelles sur la recherche et sur l’accès à des technologies utiles, et des nouveaux problèmes qui se posent au sujet des cellules souches. D’autres problèmes vont se poser d’ailleurs au sujet des brevets délivrés dans le domaine scientifique et il faudra que le gouvernement canadien s’en occupe.
L’un des gros inconvénients du droit des brevets, c’est que l’on fait intervenir des accords internationaux: l’ALENA et l’ADPIC. Je pense que l’Organisation internationale du commerce a assoupli sa position en matière de brevets, notamment lorsqu’il s’agit de santé publique. Il me semble que l’on pourrait s’en servir d’argument en faveur de licences obligatoires pour préciser l’exonération scientifique à laquelle Sam a fait allusion, l’exonération portant sur la recherche, qui n’est pas très claire à l’heure actuelle. Il y a en quelque sorte ce mythe qui veut que l’on ait les coudées franches pour faire de la recherche tant que l’on ne fait pas de commercialisation. Ce n’est pas aussi clair. Je pense qu’il nous faut nous servir de cet exemple, et de celui de Myriad Genetics, comme prétexte pour étudier en fait davantage la question et faire en sorte que la communauté internationale s’entende à ce sujet. Je pense qu’elle souhaite éventuellement agir.
La présidente: Je vous remercie. Nous en arrivons toujours, à la toute fin d’une étude, à ces questions de brevet et de commercialisation... En fait, nous avons parlé de commercialisation, mais dans un ordre d’idée différent. Je pense que nous nous pencherons sur la question lorsqu’il sera temps de passer à la suite, soit à l’étude article par article qui aura lieu demain.
Je dois vous dire cependant qu’il y a parmi notre auditoire une représentante du ministère de la Justice, en veste blanche, qui souhaitera peut-être vous poser quelques questions à ce sujet.
Je crois que vous avez écrit un livre sur la question, n’est-ce pas, Tim?
· (1355)
M. Timothy Caulfield: Oui.
La présidente: Je ne suis pas sûre qu’elle vous ait déjà rencontré mais, quoi qu’il en soit, je crois qu’elle s’intéresse à certaines questions que nous avons évoquées.
Avez-vous une autre question à poser?
M. James Lunney: J’aimerais que M. Persaud nous dise ce qu’il en pense, madame la présidente.
M. Clement Persaud: Je n’ai qu’une chose à répondre, madame la présidente, à votre question. Imaginons, à titre d’exemple, le scénario suivant. Je ne sais pas combien le Canada compte de cliniques de fécondation in vitro, disons une vingtaine. Partons du principe qu’à un moment donné nous ayons 40 embryons (excédentaires). Si une centaine d’établissements demandent à avoir des embryons, selon quels critères va-t-on répondre à cette demande? Imaginons que l’établissement de recherche décide lors d’un cycle donné de prendre deux embryons, d’en tirer des lignes de cellules souches et de les distribuer comme s’il s’agissait d’embryons. J’en reviens à ma proposition, qui consiste à dire qu’il pourrait être préférable, pour des raisons de justice et d’équité, de produire des lignes de cellules souches de façon à bien servir tous les établissements de recherche.
Ce que je dis, en somme, c’est que le potentiel qu’offre la commercialisation permet d’inciter les femmes à produire des embryons, avec les avantages que cela représente—pas nécessairement sur le plan monétaire. On se rappellera qu’il y a déjà un certain temps l’industrie pharmaceutique avait pris l’habitude de faire cadeau d’un ordinateur aux médecins qui prescrivaient tel ou tel médicament. Aujourd’hui, c’est interdit. Il faudra faire bien attention de ne pas tomber dans la commercialisation dans ce domaine.
Je vous remercie.
La présidente: Merci.
Au nom des membres de notre comité—et je n’ai pas besoin d’en excuser certains, qui avaient des responsabilités lors de la période des questions et qui ont dû nous quitter en conséquence—je dois vous dire que nous avons particulièrement apprécié cette rencontre. Je tiens à vous remercier d’avoir pris le temps de venir nous voir cette semaine parce que je sais que vous venez tous de loin, et à vous dire que nous avons vraiment apprécié vos témoignages et vos réflexions. Nous apprécions aussi, en tant que Canadiens, les travaux que vous menez chez vous, les études et les recherches scientifiques sur ces questions juridiques très délicates, etc.
Je crois savoir que vous êtes à la retraite, docteur Persaud, mais de toute évidence vous continuez à vous intéresser aux politiques publiques. Je vous en remercie.
M. Clement Persaud: Je suis aussi animé d’un élan nouveau, vous savez, madame la présidente. Je vous remercie.
La présidente: Merci.
La séance est levée.