INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 19 février 2003
¹ | 1535 |
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)) |
M. Brian Payne (président, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, Alliance nationale des syndicats en communications) |
Le président |
M. Brian Payne |
¹ | 1540 |
M. Neil Morrison (vice-président, «Telecommunications Workers Union», Alliance nationale des syndicats en communications) |
¹ | 1545 |
M. Peter Murdock (vice-président, Média, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, Alliance nationale des syndicats en communications) |
¹ | 1550 |
Le président |
M. Ron Carlson (vice-président administratif, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, Alliance nationale des syndicats en communications) |
Le président |
M. Ron Carlson |
¹ | 1555 |
Le président |
Pr Richard Schultz (professeur James McGill, Direction des sciences politiques, Université McGill) |
º | 1600 |
º | 1605 |
º | 1610 |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne) |
º | 1615 |
M. Brian Payne |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Brian Payne |
Le président |
M. Brian Fitzpatrick |
M. Brian Payne |
M. Ron Carlson |
º | 1620 |
Le président |
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.) |
M. Peter Murdock |
M. Brent St. Denis |
M. Peter Murdock |
M. Brent St. Denis |
º | 1625 |
Pr Richard Schultz |
M. Brent St. Denis |
Pr Richard Schultz |
M. Brent St. Denis |
Le président |
Mr. Brent St. Denis |
Pr Richard Schultz |
M. Brent St. Denis |
Pr Richard Schultz |
M. Brent St. Denis |
Le président |
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ) |
º | 1630 |
Pr Richard Schultz |
Mme Christiane Gagnon |
º | 1635 |
Pr Richard Schultz |
Le président |
M. Peter Murdock |
º | 1640 |
Le président |
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.) |
º | 1645 |
Le président |
Pr Richard Schultz |
Le président |
º | 1650 |
M. Brian Payne |
Mr. Brian Fitzpatrick |
Mr. Brian Payne |
Le président |
M. Neil Morrison |
Le président |
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD) |
º | 1655 |
Le président |
M. Ron Carlson |
Le président |
Pr Richard Schultz |
» | 1700 |
Le président |
Pr Richard Schultz |
Le président |
M. Peter Murdock |
Le président |
M. Gilbert Normand (Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, Lib.) |
» | 1705 |
Le président |
M. Ron Carlson |
M. Brian Payne |
Le président |
Pr Richard Schultz |
» | 1710 |
Le président |
Pr Richard Schultz |
M. Peter Murdock |
Le président |
M. Neil Morrison |
» | 1715 |
Le président |
Pr Richard Schultz |
Le président |
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne) |
M. Peter Murdock |
M. James Rajotte |
M. Peter Murdock |
M. James Rajotte |
M. Peter Murdock |
M. Neil Morrison |
M. Brian Payne |
M. James Rajotte |
» | 1720 |
M. Ron Carlson |
M. James Rajotte |
M. Ron Carlson |
M. James Rajotte |
M. Ron Carlson |
Pr Richard Schultz |
» | 1725 |
Le président |
M. Neil Morrison |
Le président |
M. James Rajotte |
M. Brian Payne |
M. James Rajotte |
M. Brian Payne |
Le président |
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ) |
» | 1730 |
M. Brian Payne |
Pr Richard Schultz |
M. Ron Carlson |
Le président |
» | 1735 |
M. Brian Payne |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 19 février 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, je déclare ouverte la séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie, chargé d'étudier les restrictions à l'investissement étranger s’appliquant aux entreprises de télécommunication.
Aujourd'hui nous entendrons les représentants de l'Alliance nationale des syndicats en communications: James Kinkaid, Brian Payne, Neil Morrison, Ron Carlson et Peter Murdock; ainsi que le professeur de l'Université McGill, Richard Schultz. Est-ce exact? Je n'oublie personne?
Qui va témoigner au nom de l'Alliance nationale des syndicats en communications? Monsieur Payne?
M. Brian Payne (président, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, Alliance nationale des syndicats en communications): Monsieur le président, je vais entamer notre présentation, mais j'ai l'intention d'inviter mes collègues à y participer.
Tout d'abord, je voudrais savoir de combien de temps nous disposons.
Le président: Vous avez dix minutes.
N'importe qui peut répondre au cours de la période des questions. On pourra prendre la parole à tour de rôle. Ce sont nos règles. Il n'y a aucun mal à dépasser un peu le délai de dix minutes, mais s'il y a exagération, je devrai intervenir. Je dois penser à mes collègues qui voudront poser des questions, ce qui est très important.
Vous pouvez donc commencer, monsieur Payne.
M. Brian Payne: Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que les membres du comité.
En guise de présentation, qu'il me suffise de dire que je m'appelle Brian Payne et que je suis président du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier. Je suis ici en compagnie de collègues de mon syndicat, qui sont également membres de l'Alliance nationale des syndicats en communications. Deux autres collègues n'ont pu se joindre à nous aujourd'hui, la date des audiences ayant changé. Ils représentent d'autres syndicats faisant partie de l'Alliance nationale des syndicats en communications. L'Alliance compte environ 70 000 membres qui travaillent dans le secteur des télécommunications et des médias de l'économie canadienne. Environ 20 000 de ces membres sont directement employés dans les médias.
Étant donné le délai imparti, nous n'avons certes pas l'intention de lire chacun des paragraphes de notre mémoire. Nous sommes d'avis qu'il y a ici des aspects très importants à signaler au comité. Je suis certain qu'au cours de la période des questions et au cours des délibérations, les membres du comité voudront des précisions sur ces aspects.
Je me permets de dire d'emblée que nous espérons que le comité prêtera une oreille attentive à la voix des travailleurs pour qui nous avons rédigé ce mémoire. Ces travailleurs ne savent que trop ce qui se passe dans le secteur des communications de notre économie, par suite de la déréglementation et d'autres changements. Nous entretenons des opinions très fermes et des préoccupations à l'égard des questions touchant la propriété étrangère, les changements en cause et ce qu'ils pourraient signifier pour l'économie canadienne.
Comme notre mémoire le fait ressortir, nous sommes préoccupés à l'idée que, dans une autre enceinte, les intérêts étrangers et le contrôle de cette industrie vitale soient au premier rang des priorités du gouvernement en ce qui concerne tout le processus du GATS. Nous espérons que ce n'est pas le cas. Nous faisons réellement confiance à votre comité et à ses conclusions pour que la question de la propriété étrangère soit traitée dans l'intérêt des Canadiens, en particulier des travailleurs canadiens.
Nous craignons fort que les changements visant la propriété n'entraînent le chaos dans l'industrie canadienne, qui, malgré ses nombreuses difficultés, a été plus épargnée que l'industrie se trouvant immédiatement au Sud, du moins jusqu'à maintenant.
Dans notre mémoire, nous faisons remarquer que les Canadiens s'opposent à une hausse des intérêts étrangers. Selon un sondage Decima, 72 p. 100 des Canadiens seraient opposés à des changements que d'autres peuvent envisager et préconiser. À notre avis, leur voix est ferme et vous l'écoutez, vous et ceux qui finalement devrez prendre des décisions à l'égard de ces changements au Canada. Nous tenons beaucoup à ce qu'on prête l'oreille aux opinions exprimées dans nos milieux de travail.
Les emplois dans le secteur ont été décimés avec le temps. Pour autant que nous pouvons le dire—et nous travaillons dans cette industrie—cette perte d'emplois n'a avantagé personne. En fait, on constate une baisse de la qualité des services et certainement de l'accessibilité. Nous sommes plus convaincus que jamais que l'assouplissement des règles sur la propriété et le fait de laisser renaître WorldCom ou de laisser entrer un autre intervenant ne sont pas dans l'intérêt de l'industrie canadienne des télécommunications.
Je m'arrête ici pour laisser la parole à d'autres témoins. Je crois qu'il est extrêmement important pour le comité de confronter ceux qui exercent de fortes pressions, prenant prétexte de divers problèmes, pour libéraliser—on pourra choisir un autre terme si l'on veut—la propriété de cette industrie absolument essentielle, voire vitale pour les Canadiens d'un océan à l'autre et à l'autre.
Sur ce, je cède la parole à Neil.
¹ (1540)
M. Neil Morrison (vice-président, «Telecommunications Workers Union», Alliance nationale des syndicats en communications): Merci, monsieur le président.
Je voudrais simplement donner un aperçu de la conjoncture actuelle dans l'industrie au Canada et de la situation que nous envisageons. Actuellement, TELUS a une dette de neuf milliards de dollars, dont environ sept milliards résultant de l'acquisition de Clearnet, une entreprise de communications sans fil; les obligations ont été révisées à la baisse et se retrouvent au rang de pacotille; le câblodistributeur Shaw est lourdement endetté; d'importantes radiations sont effectuées au chapitre des investissements dans des entreprises de communications par satellite et dans 360networks; et les obligations récemment révisées à la baisse se retrouvent aussi au rang de pacotille. Depuis deux ans, Bell Canada a subi une diminution de valeur de huit milliards pour Téléglobe. Cela a causé le départ de son président du conseil et PDG, à mon avis, parce que M. Monty a dit qu'il fallait tourner la page sur les difficultés causées par Téléglobe.
Plusieurs compétiteurs plus petits—par exemple, 360networks—Groupe Télécom, AT&T Canada et Microcell—ont procédé récemment à une restructuration financière de sorte que leur situation s'est considérablement dégradée. Certains ont même dû se mettre sous la protection de la loi de la faillite. Aucun des problèmes en cause ne résulte d'un manque d'accès à des capitaux. En fait, comme le mentionne notre mémoire à l'article 14, c'est le surinvestissement de capitaux qui est à l'origine du déclin de la plupart de ces entreprises, voire même de la disparition de certaines d'entre elles. Ce n'est pas la sous-capitalisation qui faisait problème dans ces cas, mais bien la surcapitalisation dans la bulle des télécommunications que nous connaissons tous.
Dans l'industrie, ce sont les fusions qui semblent être à l'ordre du jour. Dans l'Ouest, TELUS procède à une fusion importante, entraînant la fermeture de bureaux et de lieux où travaillent des employés. Bell Canada effectue plusieurs fusions. Les quatre compagnies de téléphone de l'Atlantique fusionnent pour former Aliant. Comme le mentionne notre mémoire, la direction d'Aliant relève maintenant directement de Bell Canada. On devine que tout n'est pas encore dit en matière de fusion. La société Aliant est en voie d'être incorporée dans Bell Canada. Entre les câblodistributeurs Rogers et Swap, il y a eu un échange de clients de la Colombie-Britannique et de ceux du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario. Toutes ces fusions ont pour objet une concentration critique de la propriété des médias de masse—de plus grandes efficiences dans les industries grâce à des fusions.
Un plus grand contrôle étranger des entreprises canadiennes de télécommunications entraînerait de lourdes pertes d'emplois au Canada. Je négocie avec TELUS et je peux dire qu'il y a quelques années à peine, GTE était propriétaire majoritaire de l'entreprise. Aujourd'hui GTE possède 26 ou 28 p. 100 de la nouvelle entreprise TELUS, qui résulte d'une fusion de l'Alberta Telephone Company et de la B.C. Telephone Company. À l'époque, il était question de transférer toutes les activités de surveillance et d'entretien à distance par commutation numérique au grand centre de Dallas, Texas, aux États-Unis.
Il est question ici d'emplois axés sur le savoir dans l'industrie des télécommunications et, compte tenu des capacités de transmission des câbles de fibre optique, dans la mesure où le travail s'effectue à l'aide d'un clavier, le lieu de travail n'a aucune importance. L'employé n'a pas à être sur place, de là les mégacentres d'appels établis aux États-Unis où se rassemblent les sociétés. Le travail des téléphonistes, quand on signale le zéro, est mis en commun et donné en sous-traitance. Il y aura donc des mégacentres de répartition, probablement à l'extérieur du Canada.
¹ (1545)
Nous avons aussi joint à notre mémoire un document qui décrit l'expérience de la Nouvelle-Zélande et qu'il vaut la peine de lire. En Nouvelle-Zélande, il y a une entreprise des télécommunications qui appartient à l'État. C'est l'exemple parfait d'une déréglementation effrénée et d'une élimination sauvage des restrictions à la propriété étrangère.
Deux grandes sociétés américaines, Southern Bell Corporation et Bell Atlantic, maintenant SBC et Verizon, ont conjointement fait l'acquisition et privatisé la Telecom New Zealand. L'entreprise n'a jamais avantagé ni les consommateurs, ni les travailleurs, ni même la Nouvelle-Zélande. Les deux grandes sociétés américaines ont dépouillé l'entreprise de ses éléments d'actif. En fait, pendant plusieurs années, elles ont utilisé plus de 100 p. 100 des profits pour verser des dividendes. Au fond, elles ont dépouillé l'entreprise de ses éléments d'actif, bradé ses composantes, tout vendu leurs intérêts et sont parties.
Au bout du compte, les prix n'ont pas chuté, la qualité du service a empiré et, à cause du mécontentement des citoyens et de la pression qu'ils ont exercée, le gouvernement se penche sur le dossier. La Nouvelle-Zélande est sur le point de réglementer de nouveau l'industrie des télécommunications.
Sur ce, je cède la parole à mon collègue, Peter Murdock.
M. Peter Murdock (vice-président, Média, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, Alliance nationale des syndicats en communications): Le SCEP a comparu devant le Comité permanent du patrimoine canadiensur cette question et sur d'autres, et je vous renverrai à certaines des observations que nous y avons faites.
Je tiens d'abord à répéter que la nécessité de préserver au Canada la propriété et le contrôle du secteur des médias, ainsi que du secteur des télécommunications, est aussi grande aujourd'hui qu'elle l'était quand les législateurs ont rédigé la réglementation à l'origine. La Loi sur la radiodiffusion stipule que «le système canadien de radiodiffusion doit être, effectivement, la propriété des Canadiens et sous leur contrôle».
Il est intéressant de noter qu'au tout début des industries de la radiodiffusion et des télécommunications, il n'a même pas été question de capitaux étrangers; ces industries se sont développées au Canada. Nous sommes d'avis qu'il convient de se demander pourquoi, bien des années plus tard, à une époque où ces industries sont vigoureuses et prospères, la nécessité de subvertir les impératifs de la souveraineté et les capitaux ferait problème.
Si on libéralise les règles sur la propriété étrangère des systèmes de télécommunication et de câblodistribution, les radiodiffuseurs et les propriétaires de journaux vont certainement tenter d'exploiter ces changements à leur avantage. La Société Radio-Canada deviendra alors l'unique institution de collecte d'information ou culturelle d'importance sous contrôle canadien.
Comme on l'a fait remarquer ailleurs, l'assouplissement des restrictions sur la propriété avantagerait, pour ce qui est des médias du moins, seulement un petit nombre de câblodistributeurs et pas l'industrie ni les Canadiens. Encore une fois, je ferai remarquer que ce petit nombre de câblodistributeurs ont été et sont des entreprises familiales. Si l'investissement étranger doit alléger l'endettement et hausser les actions, le nombre de Canadiens qui y gagneront sera bien faible—soit les actionnaires majoritaires d'un petit nombre de câblodistributeurs.
De toute évidence, les entreprises médiatiques—et d'une certaine façon, nous répétons pour les médias ce que nous avons dit pour les télécommunications—n'ont eu aucun mal à trouver du financement pour réaliser leurs projets trop ambitieux. D'ailleurs, on peut soutenir que le problème est dû à la grande facilité d'obtenir des capitaux et au manque de sens commun.
Ces entreprises qu'assiègent des créanciers cherchent à alléger leur endettement, et non à obtenir des investissements pour étendre l'éventail de leurs produits et de leurs services. Le fait qu'elles ont été touchées par le repli des marchés et qu'elles ont malheureusement mal placé les fonds de leurs investisseurs dans des projets trop ambitieux sera, à notre avis, corrigé par le marché. Elles n'ont pas besoin d'investissements américains pour s'en remettre.
Les Canadiens ont maintes fois exprimé leur appui envers une propriété canadienne de leurs médias et de leurs télécommunications, et notre président, Brian Payne, y a fait allusion. À notre avis, étant donné cet appui solide, les plaidoyers de quelques propriétaires intéressés ne devraient pas faire oublier l'engagement pris envers les Canadiens.
Même si les secousses dans le secteur des télécommunications et les prises de contrôle ont entraîné la confusion, les marchés sont restés vigoureux au Canada. Au fond, notre industrie est robuste, mis à part un certain endettement qui finira bien par disparaître, ce qui devrait se faire sans aller chercher des capitaux dans des pays qui n'ont aucun lien, ou alors si peu, avec notre programme culturel et national.
Je voudrais juste signaler que les médias et les télécommunications ont quelque chose de différent qui est enraciné très profondément dans notre identité nationale. Ce n'est pas l'industrie automobile. Il y a quelque chose dans les médias qui reflètent ce que nous sommes. Le fait d'autoriser des étrangers à acquérir nos médias et à les contrôler d'un endroit comme Dallas ou Houston crée un énorme problème pour nous, en tant que Canadiens. L'industrie de la câblodistribution est un messager canadien. Nous sommes d'avis qu'il ne faudrait pas tuer le messager, ni le vendre morceau par morceau au plus offrant.
Enfin, je dirai que notre industrie de la câblodistribution dépend des règlements et des organismes de réglementation. Si nous laissons l'investissement étranger atteindre des niveaux plus élevés qu'ils le sont actuellement, les responsables de la réglementation converseront bientôt avec des réceptionnistes de Dallas au sujet de la météo plutôt que d'échanger avec des PDG à Montréal, Toronto, Winnipeg ou Vancouver. Notre crainte est que nous devenions à peine plus qu'un centre de profit régional, un Wal-Mart culturel.
Ron, je vous cède la parole.
¹ (1550)
Le président: Vous allez devoir être très bref, et je m'en excuse.
M. Ron Carlson (vice-président administratif, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, Alliance nationale des syndicats en communications): Je vais essayer d'être aussi bref que possible, je veux seulement...
Le président: Si vous avez des choses à ajouter... mais ne m'obligez pas à vous couper la parole.
M. Ron Carlson: D'accord, je serai très bref si je le peux.
J'aimerais faire une ou deux observations au sujet des décisions qui ont été prises par le passé et qui nous conduisent aujourd'hui à nous demander si on devrait lever les restrictions à l'investissement étranger dans l'industrie. J'aimerais parler également des effets de la déréglementation et de la privatisation, de l'exode de nos réseaux vers le Sud ainsi que du plafonnement des tarifs.
La principale observation que j'aimerais faire est que, le système précédent, qui était au service des consommateurs, obligeait les compagnies de téléphone à demander au CRTC l'autorisation d'augmenter leurs tarifs. Ces derniers étaient fonction d'un taux de rendement raisonnable des investissements dans l'industrie. Autrement dit, plus les compagnies investissaient plus les augmentations de tarifs étaient justifiables et, en bout de ligne, les compagnies étaient assurées d'un taux de rendement acceptable, voire accru. Les emplois, les travailleurs qualifiés demeuraient en place; ils étaient formés par les entreprises et avaient presque toujours accès aux technologies les plus récentes.
Dans le cadre du nouveau système, qui est déjà en place—le système de plafonnement des tarifs—l'industrie a bénéficié de trois changements spectaculaires. Premièrement, les compagnies de téléphone ne sont plus obligées de communiquer leurs plans d'investissement au CRTC, ce qui bien entendu comprend leurs plans pour tous leurs services, y compris les services à large bande. Deuxièmement, les compagnies de téléphone n'ont plus à communiquer au CRTC les changements qu'elles apportent à leur méthode comptable ou à leurs prévisions financières, car on considère que cela donnerait un avantage indu à leurs concurrents. Troisièmement, elles ne sont pas tenues de respecter les règles ou les procédures existantes concernant les opérations intersociétés. Il s'agit bien entendu des transferts d'argent entre sociétés affiliées.
Aujourd'hui, toute augmentation des tarifs est déterminée selon une formule en fonction du genre de services. Comme beaucoup d'entre vous le savent, ces derniers sont répartis en trois catégories: les services concurrentiels, pour lesquels il n'y a aucune restriction; les services semi-concurrentiels, qui sont assujettis à des règles générales et au plafonnement des tarifs; et les services réglementés, auxquels s'applique une formule utilisée pour déterminer si en fait les tarifs seront augmentés. Cette formule est l'indice des prix du PIB moins le facteur de productivité établi par le CRTC. En outre, pendant la période initiale de transition, les compagnies de téléphone ont été autorisées à augmenter leurs tarifs pour les rééquilibrer—5$, trois fois, pour les tarifs affaires et les tarifs locaux—et une légère augmentation des tarifs dans les régions rurales.
En résumé, l'ancien système encourageait les compagnies à accroître leurs investissements afin d'obtenir une augmentation de tarifs, alors que le nouveau système les encourage à réduire les coûts—donc à ne pas accroître les investissements—et à regrouper davantage les services. Par conséquent, je pense qu'on peut facilement affirmer que l'existence de ce nouveau système, pour ce qui est de l'ouverture à la participation étrangère, ne fait qu'ajouter au problème car les propriétaires étrangers ne vont pas venir ici pour investir et créer de nouvelles entreprises. Ils se contenteront d'acheter les entreprises existantes ou simplement de les fusionner, de réduire les services et de les regrouper. En fait ils ne viendront pas au Canada pour réinvestir dans le système.
¹ (1555)
Le président: Je vous remercie. Je vous prie de m'excuser, mais je dois vivre avec ces députés.
Professeur Schultz.
Pr Richard Schultz (professeur James McGill, Direction des sciences politiques, Université McGill): Bonjour monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que les membres du comité de me donner l'occasion de présenter mon opinion sur la question des restrictions à l'investissement étranger.
Je devrais dire—je m'éloigne déjà de mon texte—je vais vous présenter quelque chose d'entièrement différent sur la question de l'investissement étranger dans le secteur des télécommunications. Pour ne pas être accusé de faire de la publicité mensongère, je tiens à signaler que la recherche pour cette présentation a été financée par Microcell; elle concorde toutefois avec mon opinion personnelle, dont j'assume l'entière responsabilité. J'ai présenté un point de vue similaire au comité sénatorial qui a étudié la loi de 1992 sur les télécommunications.
J'aimerais faire valoir trois points. Le premier est que la crainte des conséquences négatives qu'entraînerait éventuellement l'arrivée d'investissements étrangers dans le secteur des télécommunications est grandement exagérée et non fondée, et qu'elle entre en contradiction avec l'historique des télécommunications au Canada.
Le deuxième est que les restrictions en vigueur nuisent non seulement à certains acteurs actuels et potentiels de l'industrie, particulièrement les nouveaux venus, mais constituent surtout un obstacle au développement d'une industrie des télécommunications dynamique, viable et concurrentielle au Canada. Si cet obstacle n'est pas levé, je suis d'avis que la stratégie d'innovation du gouvernement—ou toute autre stratégie d'innovation—sera l'otage des quelques fournisseurs de services de télécommunications qui resteront.
Le troisième et dernier, vous n'en serez pas surpris, est que je crois que les restrictions actuelles devraient être levées dans les plus brefs délais.
Permettez-moi de développer mon raisonnement. À mon avis, la présumée crainte des conséquences qu'entraînerait l'éventuelle levée des restrictions à l'investissement étranger ne repose sur aucun élément tangible et a été exploitée par certains joueurs de l'industrie comme une autre stratégie pour consolider leur avantage concurrentiel par rapport aux nouveaux venus. Je ne prétends pas avoir consulté toute la documentation sur l'investissement étranger, mais ce que j'ai lu me permet d'en arriver à une seule et même conclusion: les prétendues conséquences désastreuses sont purement hypothétiques et spéculatives, et ne s'appuient sur aucune donnée empirique.
Les arguments avancés se résument essentiellement comme suit: les investissements étrangers pourraient menacer la sécurité nationale, ils pourraient entraîner des pertes d'emplois, ils pourraient entraîner une diminution de la recherche au pays, ou—pour citer une déclaration faite devant ce comité il y a seulement deux semaines—ils pourraient mettre en péril la prestation de services à prix abordable. À ce que je sache, personne n'a encore avancé de preuves solides et convaincantes comme quoi ces conséquences se produiront effectivement, ou risquent de se produire, si les restrictions sont levées. Le débat sur les investissements étrangers est, à mon avis, essentiellement empreint d'un «pressentiment sombre et vague de l'inconnu», pour reprendre ce qui a déjà été dit.
Il est souvent difficile de dissiper une crainte négative qui brandit le spectre du «bonhomme sept heures», surtout lorsqu'il s'agit d'une crainte spéculative. Il ne fait toutefois aucun doute que des pans complets de l'industrie canadienne des télécommunications se sont développés grâce à cet élément que l'on considère être une menace: les investissements étrangers. Je dois admettre dès maintenant que je vais être en désaccord avec l'un des autres témoins, et je pense que nous allons pouvoir procéder à un échange intéressant par l'intermédiaire du président.
Contrairement à toutes ces craintes, il est reconnu que la qualité exceptionnelle du secteur canadien des télécommunications est attribuable en grande partie aux investissements étrangers. J'irai même jusqu'à prétendre que le Canada a constitué un laboratoire qui nous a permis de porter des jugements éclairés sur les conséquences des investissements étrangers.
Prenons le cas de Bell Canada, dont le président vient de comparaître devant vous. Bell a été le produit d'investissements étrangers et a été créée par l'entreprise qui allait plus tard devenir AT&T. C'est au cours des premières années d'existence de Bell, en tant que filiale d'AT&T, que le taux de pénétration du téléphone s'est accru de façon substantielle, au point où, en 1915, le Canada affichait le deuxième taux de pénétration le plus élevé au monde; autrement dit, tandis que l'entreprise était contrôlée par un investisseur étranger. De plus, même lorsque la compagnie AT&T est devenue actionnaire minoritaire de Bell Canada après 1915, elle est demeurée un actionnaire important pendant plusieurs décennies. Grâce à ses liens avec AT&T, et surtout avec l'une de ses filiales, Bell Labs, Bell Canada a été en mesure de profiter d'importants transferts technologiques. Non seulement ces transferts ont-ils constitué la base qui allait permettre à Bell Canada de s'imposer, au cours des années subséquentes, comme chef de file des télécommunications au Canada, mais ils ont également bénéficié à l'ensemble du pays, grâce aux ententes de service conclues par Bell avec la plupart des autres compagnies de téléphone.
º (1600)
Prenons également le cas de BC TEL. Pendant la majeure partie du siècle dernier, BC TEL, avant sa fusion avec la société privatisée AGT—qui allait devenir TELUS—était contrôlée par une entreprise américaine, GTE. En 1990, j'ai eu l'occasion de demander au ministre des Communications de l'époque, qui travaillait alors à l'élaboration de la politique que vous êtes en train d'étudier, ce qu'il pouvait bien y avoir dans le dossier de BC TEL qui pouvait nous laisser croire que des investissements étrangers représentaient un problème. Mesdames et messieurs, nous sommes en 2003. J'attends toujours sa réponse. Pour ma part, je n'ai pas encore trouvé de réponse.
Je suis spécialiste de la réglementation et j'ai également examiné le dossier de la réglementation ainsi que les décisions de la Commission des transports depuis 1905. Je n'y ai trouvé qu'un seul exemple indiquant que la propriété de BC TEL pourrait être liée à d'éventuelles conséquences négatives.
Si problème il y avait, l'organisme de réglementation de l'époque estimait détenir les pouvoirs nécessaires pour le régler, ce qu'il a d'ailleurs fait. Les gouvernements qui se sont succédé (libéraux et conservateurs) semblaient croire que la mainmise étrangère ne constituait aucune menace, puisqu'ils ont accordé à BC TEL une licence de service cellulaire en 1983. En 1993, le gouvernement dispensait BC TEL des restrictions en matière de propriété étrangère en lui reconnaissant des droits acquis. Enfin, en 1996, il lui permettait de faire une demande de licence de distribution de radiodiffusion.
En bref, je crois que les arguments en faveur des restrictions ne sont pas fondés, alors que les avantages que l'on pourrait tirer de tels investissements ont par contre été clairement démontrés.
Pour terminer sur ce point, j'aimerais ajouter que l'utilisation d'une mesure aussi imprécise représente une piètre opinion des autres mesures dont dispose le gouvernement, à savoir la réglementation, la politique en matière de concurrence, la fiscalité et l'examen ministériel.
À cet égard, l'affirmation faite devant ce comité il y a deux semaines, voulant que l'ouverture du marché aux étrangers mettrait en péril la prestation de services abordables aux Canadiens qui vivent en région éloignée, constitue un bel exemple de crainte non fondée qui, malheureusement, se substitue trop souvent aux discussions bien fondées. Une telle affirmation est non sans nous rappeler les détracteurs de l'ouverture du marché des télécommunications à la concurrence, qui clamaient il y a plus de dix ans: «Le ciel va nous tomber sur la tête», ce qui est une absurdité. Qui plus est, c'est une véritable insulte envers toutes les agences gouvernementales chargées de faire évoluer la concurrence dans le domaine des télécommunications et de protéger l'universalité des services au Canada, notamment le CRTC, Industrie Canada et le Commissaire à la concurrence.
Croit-on vraiment que si nous levons les restrictions à la propriété étrangère, le Canada ne pourra pas imposer et faire respecter ses propres politiques? Si c'est là l'argument que l'on défend, les inquiétudes concernant les supposés effets nuisibles des investissements étrangers dans le secteur des télécommunications sont le moindre de nos problèmes en tant que pays souverain.
Avec mon deuxième point, je veux démontrer que les coûts actuels et potentiels des restrictions à l'investissement étranger sont beaucoup plus élevés que les supposés coûts qu'entraînerait la levée de ces restrictions. Mon argument se divise en trois parties.
Premièrement, comme l'ont déclaré plusieurs témoins devant ce comité, notamment Microcell, AT&T et Rogers Sans-fil, les restrictions actuelles imposent un fardeau onéreux et inéquitable aux nouveaux venus à la recherche de capitaux. Je ne prétends pas être un expert dans ce domaine, mais il me semble que de tels arguments sont convaincants. Cela signifie que le processus concurrentiel penche de façon inéquitable en faveur des entreprises établies.
J'aimerais ajouter que la question dépasse largement le simple fait d'accéder à une source de capitaux plus diversifiée à des coûts plus raisonnables.
Les restrictions actuelles à la propriété étrangère constituent sans aucun doute un obstacle à l'accès aux ressources d'entreprises non canadiennes qui pourrait être rendu possible par des alliances et des partenariats stratégiques fondés sur des investissements, cela même qui a donné à Bell Canada un avantage stratégique entre 1880 et 1956, en fait même jusqu'en 1975. Si de tels investissements étaient permis, les nouveaux venus disposeraient d'un bassin beaucoup plus vaste de personnel, d'idées et de technologies qui, par exemple, pourraient non seulement consolider leur position concurrentielle, mais également celle de l'industrie canadienne des télécommunications.
Ce point, qui constitue l'obstacle le plus difficile à franchir pour les nouveaux venus, m'amène à mon deuxième argument. Si nous nuisons à la capacité concurrentielle des nouveaux venus, ce que nous faisons aujourd'hui, j'estime que nous empêchons l'ensemble de l'industrie canadienne des télécommunications d'être véritablement concurrentielle.
º (1605)
Certains d'entre vous savent peut-être qu'il y a une dizaine d'années, j'ai été l'un des premiers à plaider en faveur de l'ouverture du marché des télécommunications à la concurrence. Je croyais alors, et je crois encore aujourd'hui, que la prospérité économique du Canada et le passage à une économie axée sur l'information exigent la transition radicale du régime monopolistique au régime concurrentiel dans la prestation des services de télécommunications. L'argument de base qui sous-tend une telle transition n'était pas de plaire à quelques capitalistes ou gens d'affaires, mais à donner aux utilisateurs, surtout les clients d'affaires, le contrôle de leur système de télécommunications en leur permettant de choisir leurs services et leur fournisseur, par opposition au contexte traditionnel de monopole où les services offerts et les prix sont déterminés à l'avance.
Cela permet d'améliorer à la fois la productivité de l'économie canadienne et celle des compagnies monopolistiques traditionnelles. De plus, l'argument avançait l'idée, que d'autres ont également défendue, qu'il était possible de remettre le contrôle au consommateur et de mettre en place une industrie des télécommunications axée sur le consommateur, sans que cela ne soit préjudiciable à la clientèle résidentielle et surtout ne mette en péril l'universalité du service téléphonique.
Je crois que rien n'indique que l'introduction de la concurrence sur le marché des télécommunications ait été préjudiciable pour l'universalité des services au Canada. Je crois que les avantages qui ont découlé de l'introduction et de l'élargissement de la concurrence dans ce marché au cours de la dernière décennie, et l'absence de conséquences négatives pour l'universalité des services, confirment le bien-fondé d'un régime concurrentiel plutôt que monopolistique.
Bien que des mesures importantes aient été prises pour favoriser la concurrence dans les télécommunications, il reste encore beaucoup à accomplir pour que cette concurrence soit dynamique et viable. Je n'insisterai jamais assez sur le fait que nous sommes encore en période de transition et que la concurrence viable n'est pas encore solidement établie. En fait, après une décennie d'efforts, je dois admettre que je ne suis pas particulièrement optimiste quant à la santé de la concurrence dans les télécommunications au Canada. Cette concurrence n'est pas encore viable, et ce, pour plusieurs raisons.
Les restrictions actuelles à l'investissement étranger constituent, selon moi, un obstacle majeur à une concurrence viable, et il faut admettre que ce n'est pas le seul. La précarité de la concurrence est, selon moi, en partie attribuable, et je suis d'accord en cela avec ce que disait plus tôt un autre témoin, à des décisions stratégiques discutables prises par certains nouveaux venus. Malgré ces décisions qui ont affaibli le potentiel concurrentiel, je crois qu'il nous faut des engagements encore plus fermes des décideurs sur le plan des politiques de concurrence et des efforts de promotion de la concurrence encore plus énergiques de la part du CRTC.
Je dois toutefois souligner, compte tenu de ce que j'ai lu dans les comptes rendus des dépositions de témoins précédents, qu'il nous faut reconnaître que le processus qui nous permettra d'atteindre notre objectif de concurrence viable sera inévitablement désordonné et chaotique. La transformation du secteur des télécommunications d'un régime de monopole à un régime de concurrence viable ne peut se faire étape par étape. Il est impossible de prédire qui seront les gagnants et les perdants. La transition n'est pas un projet de peinture à numéros.
Par conséquent, j'exhorte les membres de ce comité et le gouvernement à résister à la tentation, aussi alléchante qu'elle puisse paraître, de remettre à plus tard toute mesure visant à éliminer cet obstacle particulier, qui empêche une saine concurrence, l'objet de votre étude, en accordant une plus haute priorité, comme d'autres l'ont suggéré, à l'élimination d'autres obstacles à la concurrence. Aussi désordonné que cela puisse paraître, il faut s'attaquer à tous les obstacles simultanément.
Il est impératif que le Canada complète la transition vers un marché de concurrence. La logique de cet argument est aussi convaincante que les arguments originaux qui sous-tendent l'ouverture du marché à la concurrence. Sans concurrence vigoureuse et importante, l'industrie des télécommunications ne peut devenir le catalyseur d'une activité économique, de productivité et de création d'emplois qu'elle devrait être. Un marché des télécommunications fondé sur un duopole ou un oligopole, caractérisé par la tranquillité d'esprit, pour quelques fournisseurs de services, face au partage du marché et à la concurrence sur les marges ne peut que constituer un frein à notre croissance et à notre prospérité économique.
Une industrie des télécommunications viable, dynamique et concurrentielle est une condition sine qua non au déploiement de toute stratégie d'innovation. Sans concurrence saine dans le marché des télécommunications, le Canada sera condamné à renoncer à un statut de chef de file en matière d'innovation. S'ils ne peuvent miser sur le dynamisme de la concurrence, nos fournisseurs de services de télécommunications devront inévitablement se contenter d'un rôle d'acheteurs d'applications novatrices, plutôt que d'un rôle de créateurs d'applications.
Si nous aspirons à contrôler le plus rigoureusement possible la transformation de notre économie et de notre société, plutôt que de simplement suivre le chemin tracé par les autres, la promotion et la défense d'un régime de télécommunications concurrentiel doivent alors devenir notre principale priorité.
º (1610)
Il ne peut y avoir d'innovation significative et complète sans une saine concurrence. Il ne peut y avoir d'expériences qui déboucheront sur de nouveaux services, de nouvelles applications et de nouveaux systèmes sans une vive concurrence. Nous ne connaîtrons jamais les surprises de l'innovation technologique sans une concurrence viable. Sans concurrence efficace, nous ne serons jamais témoins de l'enthousiasme des nouveaux venus et de l'épanouissement des talents d'entrepreneur qui seront assurément les moteurs d'une économie novatrice. Selon moi, les restrictions actuelles à l'investissement étranger dans le secteur des télécommunications, sans être le seul obstacle à la transition, constituent un obstacle inutile et majeur.
Dans ces circonstances, que faut-il faire? Je conclurai là-dessus. La logique de ma position mène de toute évidence à la conclusion que les restrictions actuelles à l'investissement étranger devraient être levées et, pour reprendre les mots de Macbeth, «Si, une fois fait, c'était fini, il serait bon que ce fut vite fait.» Mais j'enseigne depuis suffisamment longtemps pour reconnaître que la logique est souvent incapable par elle-même d'être persuasive.
J'aimerais donc proposer deux solutions possibles, les deux n'étant pas nécessairement sans rapport l'une avec l'autre. La première consiste à entreprendre une expérience d'une durée limitée où certaines entreprises se situant sous un certain seuil de part de marché bénéficieraient d'une levée des restrictions, sous réserve du contrôle réglementaire du CRTC. Je sais que le comité a entendu des témoins qui s'opposent à ce qui a été décrit comme une approche par palier. Franchement, je ne comprends pas cette opposition. Une telle approche ne procurerait aucun avantage à ceux qu'elle viserait. Bien que j'hésite à exprimer mon désaccord avec mon bon ami Hudson Janish, une approche par palier ne «privera pas les titulaires des avantages en termes de savoir-faire et de transfert technologique liés aux capitaux étrangers». La compagnie Bell n'en a pas souffert et James Peters, de TELUS, a déclaré que les restrictions actuelles n'étaient pas préjudiciables à cette entreprise. Aussi, je ne vois pas comment deux systèmes à double palier ou des systèmes distincts avantageraient les nouveaux venus par rapport aux entreprises qui sont déjà sur le marché.
Si une expérience fondée sur la part de marché n'est pas acceptable, et il me semble que cette approche du tout ou rien n'est rien d'autre qu'une tactique visant à nous dissuader d'agir, je crois que la seule autre alternative serait de mettre sur pied un système de licence pour tous les intervenants de l'industrie. Un tel système devrait être assez rigoureux, fondé sur des objectifs précis de politique publique vraisemblablement basée sur les craintes manifestées au comité, avec des directives et des tests significatifs pour l'organisme chargé d'accorder les licences. Il nécessiterait également un suivi et un rapport public annuel par ce même organisme.
À cet égard, je crois qu'il est essentiel que cette responsabilité incombe au CRTC, possiblement en association avec le Commissaire de la concurrence, et non à un organisme ministériel, ce dernier ne possédant pas la transparence nécessaire pour respecter nos engagements envers l'OMC.
Monsieur le président, je terminerai ici mon exposé. Je tiens à remercier les membres du comité de leur attention, et je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Fitzpatrick.
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Merci, monsieur Schultz.
Franchement, je n'ai pas grand-chose à redire au sujet de ce que vous avez déclaré. Abstraction faite de l'aspect rhétorique, je crois que vous avez défendu votre point de vue de façon très logique. Quant à ce que vous disiez au sujet du système de palier, nous améliorons notre connaissance de la question, mais si le comité décidait de suivre votre conseil et d'ajouter à son rapport une recommandation fondée sur ce que vous disiez, je ne pense pas que je m'y opposerais beaucoup.
Je commenterai ce que disait l'Alliance nationale des syndicats en communications.
J'ai essayé de résumer vos observations, et la première conclusion que j'en ai tirée est que la privatisation est une mauvaise chose et que les télécommunications devraient être la propriété de l'État. Je crois aussi avoir compris qu'à défaut d'avoir un système d'État, le capitalisme canadien serait préférable au capitalisme mondial ou au capitalisme américain. Si j'ai bien compris, ce serait une bonne chose de revenir au système des années 80 ou des années 70.
Je conteste cet argument. Selon moi, les gens qui font des affaires au Canada et les consommateurs obtiennent aujourd'hui de bien meilleurs produits que ce n'était le cas pendant les années 70 ou 80. La gamme de choix et la qualité est nettement supérieure à ce qu'elle était à cette époque. Les coûts ont beaucoup baissé. À l'époque où nous avions un régime monopolistique, dans les années 80, j'avais ma propre entreprise et il m'en coûtait 14 000 $ par année en frais d'appels interurbains, entre autres. L'arrivée de la concurrence, dans les années 90, m'a permis de réduire mes frais à 5 000 $, et ils n'ont pas augmenté depuis. C'est d'une importance fondamentale pour une entreprise.
À l'époque, j'avais accès à deux chaînes de télévision. Le choix est aujourd'hui beaucoup plus varié. Je possède un téléphone cellulaire, j'ai accès à Internet et à toutes sortes de nouveautés qui ont vu le jour au cours de la dernière décennie. Et je crois que tout cela est attribuable au système privé, qui a engendré une révolution technologique.
Cet appareil est fabriqué par la compagnie Samsung, mais ce pourrait tout aussi bien être un Motorola ou un Nokia, et je ne me sens nullement coupable que quelqu'un doive appeler au siège social de la société Samsung à Séoul, en Corée, pour faire une vérification.
Je conteste votre idée selon laquelle l'évolution des années 90 dans le secteur des télécommunications est condamnable. Je crois plutôt qu'elle a donné des résultats très bénéfiques et positifs, et je ne voudrais pas revenir en arrière.
Je vous laisse libre de me répondre, mais je crois avoir raison.
J'ajouterai que, peu importe que ce soit Samsung, Bell Canada ou une autre entreprise, toutes ces compagnies sont là pour offrir des services aux consommateurs et pour faire des profits, sinon elles disparaîtraient. Mais ça, c'est leur affaire. Dans l'ensemble, ces sociétés font du très bon travail et j'apprécie de pouvoir choisir celle qui m'offre, en tant que consommateur, les meilleurs services.
º (1615)
M. Brian Payne: Nous aurions pu lire notre mémoire intégralement et aborder chaque aspect. Vous auriez peut-être pu ainsi mieux cerner notre position d'ensemble.
Il n'y a pas que les entreprises canadiennes, notamment dans les régions métropolitaines, qui dépendent du service téléphonique. Les Canadiens qui vivent en région rurale doivent aussi y avoir accès. Allez leur demander s'ils croient que le service s'est amélioré.
M. Brian Fitzpatrick: Je viens de la Saskatchewan, d'une région rurale.
M. Brian Payne: Très bien.
Il n'est pas question ici de privatisation mais de propriété étrangère. J'ai moi aussi accès à un plus grand nombre de chaînes de télévision, mais il existe une différence considérable entre CNN et Radio-Canada. Quiconque suit le débat actuel peut s'en rendre compte. Je suis tenté d'en débattre avec vous, mais je m'efforce de ne pas le faire.
Des dizaines de milliers de travailleurs ont déjà perdu leur emploi à cause du processus actuel. En ce qui concerne le système de télécommunications américain, si vous essayez d'utiliser votre téléphone cellulaire au sud de la frontière, je vous souhaite bonne chance. La situation y est absolument chaotique.
Il n'y a pas de problème d'investissement dans les télécommunications au Canada. En fait, il y a eu surinvestissement, et nous en subissons encore le contrecoup. Le problème n'est pas l'investissement ou le fait qu'un individu qui construit des tours de relais pour téléphone cellulaire ou qui fournit des services de communications au Canada ne puisse pas faire des profits. La vraie question est de pouvoir fournir de bons services aux Canadiens d'un océan à l'autre. Il ne s'agit pas d'avoir ou non un système d'État, mais d'exercer un certain contrôle pour empêcher certaines compagnies d'écrémer les profits dans la communauté urbaine de Toronto ou dans celle de Vancouver.
D'autres auraient peut-être davantage à dire sur le sujet, et je suis certain que d'autres questions se posent à nous, mais vous soulevez un aspect philosophique dont nous pourrons débattre en profondeur sur une autre tribune. Il ne s'agit pas ici de tenir un débat philosophique sur l'opportunité d'avoir un régime public ou privé. À une autre occasion, vous pourrez revenir en arrière et nous pourrons formuler toutes sortes de bons arguments, notamment au sujet de ce qui allait ou n'allait pas dans le cas de BC TEL ou de ce que cette entreprise a fait ou n'a pas fait.
Le président: Avez-vous une autre courte question?
M. Brian Fitzpatrick: Je voudrais poser une brève question complémentaire au sujet du secteur résidentiel.
J'habite aussi dans une région rurale reculée du Canada. Dans les années 80, et surtout pendant les périodes estivales où mes enfants étaient loin de la maison, mes frais d'interurbains et autres frais pouvaient atteindre 600 $ par mois. Aujourd'hui, pour 80 $ par mois, mon abonnement me permet de faire des appels interurbains presque sans limite et j'ai aussi un accès rapide à Internet. Je ne fais donc pas une mauvaise affaire. J'ai accès à un produit de bien meilleure qualité qu'autrefois. Je ne parle pas ici du point de vue d'une entreprise, mais en tant que consommateur du secteur résidentiel.
M. Brian Payne: Il est certain que les appels interurbains coûtent aujourd'hui moins cher, mais essayez d'utiliser votre carte de crédit TELUS à Ottawa; vous verrez que ça ne fonctionne pas.
M. Ron Carlson: J'aimerais faire une observation au sujet de la question de l'investissement.
Je suis originaire de Nipawin, donc de la Saskatchewan. Cette province est l'une des dernières régions au Canada à posséder un réseau d'État. Dans les régions rurales de la Saskatchewan, on pratique l'interfinancement; c'est l'une des dernières provinces au Canada où on le fait encore, et cela en raison de la présence d'une société d'État. Vous avez donc raison de dire qu'il y a certains avantages, qui sont d'ailleurs attribuables à la présence d'un réseau téléphonique d'État, même s'il y a sans doute des avantages en périphérie.
Je voudrais toutefois dire quelque chose au sujet du capital. Il m'apparaît intéressant que toute la question se rapporte à l'investissement dans l'industrie canadienne. Si vous vérifiez les chiffres, vous constaterez qu'il n'y a pas eu de sous-investissement au Canada ces dernières années, et il est absurde de soutenir le contraire.
En fait, le problème qui se pose actuellement est la surcapacité; il y a eu trop d'investissement. C'est d'ailleurs cette situation qui explique les faillites et les difficultés que connaît le système.
º (1620)
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur St. Denis.
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci à vous, messieurs, de votre présence aujourd'hui.
Je serai franc. J'aborde la question de la propriété étrangère avec la conviction que, du point de vue philosophique, la chose doit être envisagée. À vous de me convaincre du contraire.
Au cours des nombreuses séances que nous avons tenues, l'un des principaux arguments défavorables voulait que dans certains cas, par exemple dans l'industrie du câble, il serait très difficile de séparer le contenu de l'infrastructure. Je ne crois pas que nous ayons encore entendu les entreprises de câblodistribution, mais je m'attends à ce qu'elles fassent valoir, sans pour autant le présupposer, qu'elles sont en mesure de faire les deux choses, c'est-à-dire être propriétaires de l'infrastructure et en gérer le contenu.
Je me demande si, en tant que défenseurs d'un point de vue ou de son contraire, vous pourriez nous dire ce que vous pensez de l'importance du contenu, et nous dire s'il serait possible de séparer l'infrastructure du contenu. Les représentants du syndicat pourraient peut-être répondre en premier.
M. Peter Murdock: J'aurais quelques observations à faire. L'accès est l'une des choses que permet le câble. Voyons les choses de la façon la plus simple pour l'instant. Tout dépendant des chaînes auxquelles vous avez accès et de la façon dont les chaînes sont groupées, les progrès technologiques permettront un groupage de plus en plus précis et probablement aussi de plus en plus coûteux. Mais, à certains égards, ce sont les entreprise de télécommunications qui décideront de la façon de grouper les chaînes. En un sens, elles pourront ainsi décider du contenu.
Supposons, par exemple, que votre cablôdistributeur vous offre l'accès au National Post,à Law and Order et à Da Vinci's Inquest dans un groupe, et que vous puissiez également avoir accès à un autre groupe d'émissions. L'endroit où les groupes sont offerts, leur coût sont autant d'éléments qui peuvent être décidés par l'entreprise de télécommunications et, en ce sens, cette dernière exerce déjà une influence considérable sur le contenu.
D'autre part, mis à part l'investissement, pourquoi veut-on exercer un contrôle? Pourquoi les entreprises étrangères voudraient-elles nécessairement contrôler l'industrie de la câblodistribution si elles ne s'intéressaient pas au contenu? S'il s'agissait uniquement de l'aspect opérationnel, elles peuvent déjà le faire, dans une certaine mesure. Elles peuvent déjà détenir un certain intérêt dans ce secteur, sans actions donnant droit de vote. Je ne vois pas pourquoi une participation étrangère accrue viserait un tel contrôle. Je doute fort que l'organisme de réglementation soit en mesure d'empêcher cela car, dans l'état actuel des choses, le CRTC ne parvient déjà pas à contrôler le contenu sur le plan intérieur.
Comme vous pouvez cependant déjà le voir sur votre écran de télévision, sur les chaînes auxquelles vous avez accès, le contenu d'une chaîne—et cette question soulève un argument considérable au CRTC—influe considérablement sur le genre d'auditoires auxquels une compagnie a accès, sur sa part de l'auditoire, ce qui, en retour, influence considérablement la quantité d'argent dont elle disposera pour sa programmation, entre autres.
M. Brent St. Denis: Après vous avoir entendu, je m'attendais à ce que vous disiez qu'il est impossible de gérer séparément les deux éléments.
M. Peter Murdock: C'est, de toute évidence, impossible. Je suppose d'ailleurs que même si on peut défendre le pour et le contre, une compagnie comme CanWest dirait à ses investisseurs que c'est précisément la raison pour laquelle elle veut avoir le contrôle, c'est-à-dire pour être en mesure de contrôler la distribution et le contenu.
M. Brent St. Denis: Ma question présuppose évidemment l'importance du contenu. Sans présumer de la réponse, je voulais avoir une réaction initiale.
Monsieur Schultz, avez-vous quelque chose à dire?
º (1625)
Pr Richard Schultz: Je crois que j'ai beaucoup plus confiance en la capacité du CRTC, même si je partage le point ce vue de certains selon qui cet 'organisme pourrait appliquer beaucoup plus rigoureusement les exigences relatives au contenu canadien. Toutefois, des règles étaient en place depuis de nombreuses années avant que ne soit soulevée la question de la séparation de l'infrastructure et du contenu. Je reconnais cependant qu'on a laissé la situation s'embrouiller depuis quelques années en raison de certaines des fusions qui sont survenues; il sera peut-être nécessaire de débrouiller les choses. Je suis convaincu que nous pouvons le faire, dans une certaine mesure.
Le CRTC a beaucoup insisté...
M. Brent St. Denis: Dans une certaine mesure? Il faudrait que ce soit plus que dans une certaine mesure.
Pr Richard Schultz: Je dirais que nous pouvons réussir à le faire. Les autorités ont catégoriquement exigé des compagnies de téléphone, lorsqu'elles ont décidé de leur permettre d'offrir des services vidéo sur demande, qu'elles soient en mesure de contrôler l'infrastructure, et que cela n'interfère pas avec le contenu. Je crois que le comité devrait recommander impérativement que la politique gouvernementale et le CRTC clarifient cette politique. Je crois cependant, si je me fie à ce qui s'est fait jusqu'à maintenant, qu'il est possible de séparer l'infrastructure du contenu.
M. Brent St. Denis: Me reste-t-il encore un peu de temps, monsieur le président?
Le président: Vous avez le temps de poser une courte question.
Mr. Brent St. Denis: Merci.
Après avoir écouté les arguments présentés par M. Schultz, il me semble que la majeure partie de ce que vous disiez s'appliquerait aux nouveaux venus dans l'industrie des télécommunications. Bien que je souscrive à l'idée qui veut qu'un accès accru au capital, national ou étranger, le rendrait meilleur marché, qu'est-ce qui a changé pour eux en tant que nouveaux venus? Que s'est-il passé en cours de route? Car c'était la règle lorsqu'ils sont arrivés. Les règles relatives à la participation étaient les mêmes qu'aujourd'hui. Qu'est-ce qui a changé pour que cela prenne une telle importance dans leur cas?
Pr Richard Schultz: Je crois qu'il y a de nombreux facteurs, mais je ne voudrais pas...
M. Brent St. Denis: Je suis sûr que nous les avons entendus, mais j'aimerais que vous nous les résumiez.
Pr Richard Schultz: Je pense que ceux qui prônaient la concurrence ont moins pris conscience de l'importance de ce qu'a engendré le monopole, à savoir les avantages dont bénéficiaient les entreprises qui étaient déjà sur le marché. Si la compagnie Bell a pu vendre 20 p. 100 de son actif pour 5 milliards de dollars, se constituer une caisse énorme et connaître tellement de succès qu'elle a été en mesure de racheter ces 5 milliards de l'investisseur étranger... À certains égards, compte tenu que la compagnie Bell contrôlait le marché des appels locaux et le marché des interurbains, je crois que nous avons péché par excès d'optimisme quant à la facilité de réaliser la transition.
Deuxièmement, je crois qu'un facteur majeur est le fait que le CRTC a décidé—aujourd'hui je crois qu'il a eu tort, même si, à l'époque, je lui donnais raison, si bien que j'étais comme lui dans l'erreur—de ne pas intervenir dans la promotion de la concurrence. Le CRTC avait décidé d'autoriser la venue de nouvelles entreprises, sans plus. Aujourd'hui, j'estime que l'organisme devrait être beaucoup plus audacieux, comme on l'a fait au Royaume-Uni dans les années 80.
Je crois également, et j'emploierai cette expression pour commenter un sujet abordé précédemment, que nous n'avons pas fait d'écrémage. L'écrémage était l'argument invoqué au Canada dans les années 80 pour empêcher la concurrence, soit-disant parce que les nouveaux venus ne s'installeraient que sur les marchés riches. Le CRTC a très efficacement maintenu les tarifs locaux à de faibles niveaux. Ils ont subi des hausses, mais le CRTC les a maintenus à un faible niveau et a poursuivi la politique d'interfinancement en obligeant chaque nouveau venu à verser une contribution provenant des nouveaux services, afin de maintenir les tarifs locaux à un faible niveau. Nous y sommes arrivés, et je crois même que nous avons trop tardé à hausser les tarifs locaux, et—pour que la chose soit bien comprise—à cibler ceux qui devaient être subventionnés, comme on le fait couramment aux États-Unis. Il fallait désigner une cible claire.
Je crois que les Canadiens défavorisés devraient pouvoir bénéficier d'un service téléphonique gratuit, et nous pourrions le faire au moyen de subventions ciblées. Ce que nous voulions faire, cependant, c'était de poursuivre les subventions cachées, et je crois que cela a nui à la concurrence.
M. Brent St. Denis: Merci beaucoup.
Je me demande si quelqu'un aurait quelque chose à dire au sujet de...
Le président: Non, je regrette, monsieur St. Denis. C'était bien essayé.
Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur St. Denis, vous êtes très généreux de me laisser de la place. Pour commencer, je vais annoncer mes couleurs.
Comme je siège au Comité du patrimoine canadien, vous pouvez deviner que je suis sensible aux craintes qui sont exprimées concernant la levée des restrictions sur la propriété étrangère. Ce qui me fait sursauter, monsieur Schultz, malgré tout le respect que je porte au témoignage que vous venez de nous livrer--votre plaidoyer en faveur de l'industrie est assez convaincant--, c'est que vous ne semblez pas tenir compte de répercussions possibles telles que la perte d'emplois.
Vous parlez beaucoup de la nécessité d'être concurrentiels. Or, on se demande comment on pourrait l'être si une société étrangère possédait plus que ce qu'on lui permet présentement. En quoi serait-on plus concurrentiels dans une entreprise où les investissements étrangers seraient majoritaires? Comment pourrait-on exercer un contrôle sur l'emploi ou sur le contenu de ce qui est transmis par câble sur Internet?
J'ai un peu de difficulté à comprendre comment notre compétitivité peut s'amoindrir par manque d'investissements étrangers. À mon avis, c'est l'inverse; une entreprise qui serait détenue à majorité ou à part égale par des intérêts étrangers ne serait plus une entreprise canadienne.
º (1630)
[Traduction]
Pr Richard Schultz: Je vais répondre à deux ou trois parties de votre question.
Premièrement, nous n'avons actuellement aucun contrôle sur l'emploi, mais les entreprises existent, c'est la conséquence de l'ouverture du marché à la concurrence. Des compagnies comme Bell Canada ont licencié des gens. Certains ont trouvé du travail ailleurs dans l'industrie. Il y a davantage de débouchés. Actuellement, nous n'avons pas de contrôle réglementaire sur l'emploi.
Deuxièmement, vous avez parlé du contenu et de la manière dont on contrôle cet aspect. C'est pour moi un sujet de confusion et je vais probablement semer le trouble dans votre esprit car je viens juste de rédiger un rapport à l'intention de votre comité, le Comité du patrimoine, sur le rôle et l'efficacité du CRTC. Contrairement à l'opinion que j'avais précédemment, quand on m'avait demandé quelle orientation donner au CRTC et que j'avais répondu cavalièrement qu'il devrait disparaître, j'ai décidé que, pour le volet radiodiffusion, le CRTC devrait se défaire de son rôle d'organisme de réglementation culturelle, car je pense qu'il n'est pas très fort, et devenir plutôt un organisme de réglementation économique de l'industrie culturelle.
Pour ce qui est du contenu, l'évolution va faire que les câblodistributeurs, les sociétés de communications par satellite et les radiodiffuseurs vont entrer en conflit du fait que les câblodistributeurs et les sociétés de communications par satellite vont contrôler les installations goulot, tout comme les compagnies de téléphone le font aujourd'hui pour ce qui est de l'accès aux clients.
Le CRTC va donc devoir devenir beaucoup plus efficace en tant qu'organisme de réglementation du contenu. Mon opinion personnelle pour ce qui est de la radiodiffusion est que je n'ai pas encore de position au sujet du contrôle des radiodiffuseurs par des intérêts étrangers; par contre, pour ce qui est des systèmes de distribution, je suis fermement convaincu que le CRTC a suffisamment de pouvoir—et si tel n'est pas le cas, le Parlement peut y voir—pour réglementer ces compagnies, si les objectifs sont suffisamment clairs et explicites, de manière à répondre à ces derniers.
Si vous pensez que ce n'est pas possible, je vous servirai alors un argument que j'ai déjà présenté. Je pense que c'est très triste pour notre pays, parce que ce que vous dites, c'est que le gouvernement dispose de moyens d'action tellement faibles que nous devons nous cacher derrière un mini-mur de Berlin, en matière d'investissements, qui empêchera les gens de traverser la frontière.
La protection: Je pense que rien de très créateur ne s'épanouit derrière un mur protecteur, à moins qu'il ne s'agisse d'une industrie soi-disant naissante qui sera alors protégée à mort.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Si j'ai bien compris, vous êtes d'avis que le CRTC devrait s'éloigner de son rôle culturel. Or, c'est justement ce qu'il a fait dans les dernières années; on n'a qu'à penser à la réglementation d'Internet et à plusieurs autres décisions qui auraient dû être prises pour mieux encadrer l'ensemble du système de téléradiodiffusion.
Prenons l'exemple de la concentration de la presse. On a formé des mégacompagnies et maintenant, rien ne va plus nulle part. Il est clair qu'on n'a plus le même genre de contrôle sur l'emploi; il y a maintenant beaucoup d'emplois de mauvaise qualité, et nombreux sont ceux qui ne peuvent plus penser à une permanence d'emploi. La précarité prévaut. On crée des monstres et par la suite, on doit ramasser les pots cassés.
La propriété étrangère inquiète bien des gens. Dans cet ordre d'idée, j'ai lu un livre qui parle de souveraineté écrit par un Canadien anglais, Paul Hellyer, et intitulé Adieu Canada. L'auteur, selon qui les deux réseaux les plus importants au Canada sont les télécommunications et les banques, croit que si on lève les restrictions sur la propriété étrangère dans ces deux domaines, on deviendra par le fait même des Américains. Dès lors, on ne pourra plus parler d'institutions canadiennes.
Je ne sais pas si, à votre avis, il est lui aussi trop alarmiste pour ce qui est de la propriété étrangère, mais il reste qu'il s'agit d'un Canadien anglais qui semble bien connaître les activités des différentes institutions canadiennes.
J'aimerais poser une deuxième question. On dit que dans le domaine des télécommunications, le pourcentage de propriété étrangère admis n'est même pas atteint. On dit que le plafond n'a pas été atteint. Est-ce exact?
º (1635)
[Traduction]
Pr Richard Schultz: Je commencerai par la première partie de votre commentaire.
Je suppose que cela trahit mes origines. Je suis fils d'un mineur du nord de l'Ontario. Je dois dire que je n'ai jamais partagé cette crainte que le Canada ne devienne un jour les États-Unis. C'est une crainte que, malheureusement, je retrouve trop souvent à Toronto, à Ottawa et à Montréal.
À ce sujet, si c'est une de vos préoccupations, madame, qui sont les plus gros fournisseurs d'émissions télévisées américaines au Canada? Les télédiffuseurs canadiens. Bien que je sois moi-même quelque peu préoccupé par le degré de concentration actuel, je vais citer—comme je l'ai fait dans le rapport à l'intention de votre comité—John Meisel qui s'est interrogé sur la question. Il dit qu'il y a un écart de rendement dans notre pays. Un écart entre l'objectif et la réalisation.
On fait étude après étude, recommandation après recommandation, et de nouveau étude après étude. Voici ce que j'ai dit du CRTC en tant qu'organisme de réglementation culturelle : Je ne pense pas qu'il fasse un travail efficace, en partie parce que je ne suis pas certain que le travail puisse être fait comme nous essayons de le faire.
Deuxièmement, pour répondre à votre question, le CRTC n'a actuellement aucun contrôle sur l'emploi dans le secteur de la radiodiffusion. Il me semble qu'à cet égard la propriété étrangère sert de faux-fuyant; si cela vous préoccupe, que le Comité du patrimoine culturel recommande que le gouvernement adopte comme politique que ce soit l'une des choses que le CRTC devrait faire.
Je regrette de devoir dire qu'il en sera de cette recommandation comme de toutes les autres : elle s'ajoutera à l'écart de rendement. Comme je le disais, l'expression ne vient pas de moi, mais de John Meisel, ancien président du CRTC.
Le président: Je vous remercie infiniment.
Monsieur Murdock, voulez-vous faire un bref commentaire?
M. Peter Murdock: J'aimerais pour commencer répondre à un ou deux commentaires.
Oui, ce n'est pas une question de progrès technologique. Nous nous en tirons très bien à cet égard dans notre pays. Certaines de nos entreprises de télécommunications sont des chefs de file à l'échelle mondiale. Ce n'est pas non plus une question de concurrence. Nous avons des organismes comme le Bureau de la concurrence; la concurrence est florissante dans notre pays. C'est uniquement une question de propriété étrangère.
Si nous pensons qu'il y a actuellement un problème et que le CRTC devrait y réagir, donnons-lui en les moyens. Faisons en sorte que le CRTC soit en position de force dans notre pays. Que le problème soit la programmation canadienne ou les tarifs... nous avons un organisme; nous devons lui donner des moyens d'action, et nous devons l'appuyer entièrement contre certains employeurs et contre certaines entreprises qui ont un très grand poids dans notre pays.
Oui, jusqu'à un certain point, vous avez absolument raison : par le biais de la diffusion simultanée, certaines compagnies, dont CanWest et CTV, diffusent en grande partie des émissions américaines. Comme plusieurs autres, nous nous démenons pour amener des changements au CRTC afin d'encourager une plus grande programmation canadienne. Si vous pensez un instant qu'une fois que les capitaux viendront—plutôt que de Winnipeg ou de Toronto—de Dallas ou de Los Angeles, que nous pourrons mieux réglementer ce secteur, je crains que vous ne vous mépreniez tristement.
º (1640)
Le président: Monsieur Marcil.
[Français]
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur, vous êtes, je pense, le troisième professeur d'université à nous faire un exposé sur les modèle économiques. En théorie, je pense que vous avez entièrement raison de croire qu'on devrait ouvrir la totalité de nos frontières. On devrait déréglementer autant que possible et, en fait, il ne devrait plus rester de règlements comme tels; on devrait simplement faire en sorte que le meilleur gagne.
Cependant, dans les faits, quand on se compare à certains concurrents, on doit admettre qu'on n'est pas de force égale. Un professeur est venu nous parler du marché européen qui est, à l'heure actuelle, une entité économique. Si un chef de file allemand du domaine des télécommunications venait investir au Canada et qu'il essayait de s'approprier une entreprise canadienne, je n'aurais pas de craintes; il serait obligé, à cause de la distance, de maintenir un siège social ou un centre de recherche et développement ici . Il faudrait donc développer des cerveaux canadiens.
Mais la situation est différente entre Detroit et Windsor, Montréal et New York, Toronto et Boston. Il faut toujours maintenir l'équilibre entre le marché canadien et le marché américain. Une entreprise américaine pourrait devenir propriétaire de BCE, Rogers Communications ou TELUS; dans un contexte de déréglementation, ce serait effectivement possible. On a assisté en 2001-2002 à de nombreuses faillites dans le domaine des télécommunications. BCE a même acheté Téléglobe--ils se sont fait un peu rouler, d'ailleurs-- pour avoir le contrôle d'un marché. Souvent, on achète pour faire disparaître.
La question est que théoriquement, on devrait déréglementer, mais qu'en pratique, il y a lieu de se demander si cela comporte des dangers. Quels seraient les risques si une entreprise américaine devenait propriétaire de BCE, Rogers ou TELUS et que ces dernières devaient déménager, étant donné qu'il ne serait pas nécessaire de maintenir des laboratoires de recherche et développement ainsi que des bureaux de direction à deux endroits différents? On a vu ce genre de situation à l'intérieur de notre propre pays, lorsqu'une entreprise de Toronto a acheté une entreprise de Montréal et a décidé de fermer celle de Montréal pour transférer toutes les activités à Toronto, ou encore lorsqu'une entreprise de Calgary a acquis une entreprise de Toronto pour ensuite la déménager. C'est là que se situe le problème.
À l'heure actuelle, on se démarque plutôt bien à l'échelle internationale pour ce qui est des télécommunications et du développement technologique. Comment peut-on s'assurer de garder ici nos cerveaux et notre main-d'oeuvre tout en se développant? Est-ce par une autre forme de réglementation? C'est ma première question.
Des entreprises canadiennes telles que BCE ont présentement la responsabilité de desservir les régions pour ce qui est du téléphone, entre autres. Lorsqu'on parle de rationalisation, on parle en fait de capitalisme, n'est-ce pas? Je dis toujours qu'on ne fait pas de la pastorale, mais qu'on est là pour faire de l'argent. Si j'achète des actions de BCE, je veux qu'elles me rapportent. Donc, si je les paye 10 $, j'aimerais bien que leur valeur atteigne 20 $.
Si on déréglementait complètement la concurrence, les nouvelles entreprises procéderaient à des rationalisations pour intégrer les marchés les plus viables et les plus rentables. Est-ce qu'on pourrait, en vertu de certains règlements, obliger toute nouvelle entreprise qui prendrait possession d'une entreprise canadienne, qu'elle soit américaine ou australienne, à desservir les régions et les petites communautés? Il y a beaucoup plus de petites communautés au Canada que dans beaucoup d'autres pays. La majorité des Canadiens sont à Toronto, Montréal, Vancouver, Calgary et Edmonton.
Ce sont mes deux premières questions. Je reviendrai plus tard s'il me reste du temps.
º (1645)
[Traduction]
Le président: Vous avez utilisé plus de la moitié du temps qui vous est alloué. Je voulais juste vous prévenir.
Monsieur Schultz vous avez la parole; ce sera ensuite le tour de M. Payne.
Pr Richard Schultz: J'espère que je ne vais pas utiliser l'autre moitié du temps qui lui est alloué pour lui répondre.
Je ne suis pas en faveur de la concurrence d'un point de vue strictement théorique. Vous avez probablement entendu les autres professeurs dire que les partisans les plus déterminés de la concurrence sont des universitaires nommés à titre permanent et qui n'ont donc pas à faire face à la concurrence. J'apprécie vos préoccupations théoriques.
Pour commencer, selon moi, l'esprit d'entreprise et d'innovation né de la concurrence.
Je puis vous assurer que, à l'époque où nous nous préparions à ouvrir le marché au Canada, entre 1976 et 1992, Bell a consacré davantage de temps à essayer d'éliminer ses concurrents qu'à élaborer une nouvelle approche pour relever la concurrence. Elle a acculé à la faillite une petite entreprise qui assurait un service qu'elle n'assurait pas—un service téléphonique dans les régions éloignées. Au cours de la seconde moitié des années 80, Bell a essayé d'acculer à la faillite le prédécesseur de Call-Net.
J'espère que je ne parle pas trop fort, monsieur le président. D'où je viens les votes sont pondérés, pas comptés.
Ce qu'on veut, c'est l'esprit de concurrence. Nous avons un système formidable, très avancé techniquement. À quoi le devons-nous? En partie aux investissements étrangers, pas uniquement à des facteurs canadiens.
Ce qui vous préoccupe—c'est tout à fait légitime—c'est de savoir si on va perdre tous ces emplois. Une certaine crainte existe, mais je suis sûr que vous n'êtes pas en faveur de l'imposition d'obstacles au commerce intérieur dans notre pays; nous devons éviter de créer des obstacles qui nuisent à la concurrence. Je trouve les choses parfois très frustrantes au Canada. Quand nous pensons propriété étrangère—et habituellement nous glissons sur le mot «étrangers»—nous pensons aux Américains. Mais ils ne sont pas les seuls. Il y a d'autres pays que ça intéresse. Je pense que si nous brandissons le sceptre du «bonhomme sept heures» contre les américains comme si ils étaient les seuls, nous sous-estimons le potentiel.
Enfin, nous pouvons avoir recours à la réglementation pour atteindre les objectifs de notre politique générale. Les politiques du CRTC n'ont pas entraîné la diminution des services dans les régions éloignées. Je suis personnellement en désaccord avec le conseil sur les méthodes qu'il a employées, mais son objectif est de maintenir l'universalité des services au Canada. Même maintenant que le marché est dans une certaine mesure ouvert à la concurrence, particulièrement pour les appels interurbains, les entreprises concurrentes sont obligées de contribuer au maintien de l'universalité des services. Les instruments sont en place et je pense que ces instruments, accompagnés d'objectifs explicites, constituent une manière beaucoup plus satisfaisante de servir les intérêts de notre pays que l'imposition d'obstacles restrictifs grossiers qui découragent la concurrence.
L'avenir appartient aux nouvelles entreprises, aux petites entreprises, pas aux grandes entreprises. J'ai beaucoup de respect pour Bell, mais le peu que j'ai étudié l'innovation et le développement technologique me dit que ce ne sont pas les entreprises établies qui innovent. Les innovations se font à la périphérie. Elles s'inquiètent pour le système. Elles s'inquiètent pour les gens qu'elles emploient et les systèmes qu'elles utilisent. Ce n'est pas IBM qui a produit Microsoft. Ce n'est pas de Microsoft que viendront les nouvelles innovations. Ce sont les petites entreprises à la périphérie qui vont tout remettre en question.
Mon opinion de la propriété étrangère est très influencée par le fait que j'ai grandi à South Porcupine, dans le nord de l'Ontario, quand toutes les mines canadiennes, à Rouyn-Noranda et ailleurs... C'est une entreprise américaine au bord de la faillite qui, avec ses derniers 50 millions de dollars, a découvert une mine de cuivre et de zinc près de Timmins. Elle est arrivée avec la toute dernière technologie à bord d'un hélicoptère pour survoler la région et découvrir la mine.
C'est ce genre de chose que je veux voir dans le domaine des télécommunications—les nouveaux venus, pas les entreprises établies. Ce ne sont pas elles qui innoveront.
Le président: Monsieur Payne.
º (1650)
M. Brian Payne: Monsieur le président, j'essaie d'imaginer une entreprise qui essaie d'en acculer une autre à la faillite. Avec nos 150 000 membres de St. John's à Port Alberni et à Whitehorse, nous vivons dans le monde réel de l'industrie forestière, des secteurs de l' énergie, du pétrole et du gaz naturel, des télécommunications et des médias. Imaginez une entreprise qui essaie d'en acculer une autre à la faillite—comme si on ne l'avait pas déjà entendu celle-là.
Moi aussi, j'ai grandi dans une petite localité où les forêts étaient exploitées par quelqu'un qui n'était pas d'ici, parce que ça leur convenait. C'était la même chose au Québec et partout ailleurs au Canada.
La participation majoritaire n'a rien à voir avec la concurrence et les investissements, mais avec le contrôle. C'est bien de cela dont il s'agit, du contrôle. Il ne s'agit pas de savoir si on peut avoir un revenu raisonnable en étant majoritaire, mais bien de contrôler l'entreprise afin d'en tirer le maximum. C'est comme ça que ça se passe dans tous les autres secteurs. Pourquoi est-ce que ça serait différent ici?
Le Canada n'est pas en retard pour ce qui est de l'innovation dans le secteur des télécommunications, et cela vaut également pour la Saskatchewan, où il y a des gens—il n'y en a pas dans cette salle, ou du moins ils ne sont pas nombreux—qui aimeraient jeter un mauvais sort à la compagnie saskatchewanaise de télécommunications parce qu'elle est publique et qu'elle rapporte aux citoyens de cette province; aux dernières nouvelles, elle assure des services aussi avancés sur le plan technologique que partout ailleurs au Canada. En fait, elle est même en train de prendre de l'avance.
Mr. Brian Fitzpatrick: [Note de la rédaction: Inaudible]
Mr. Brian Payne: Vous savez, c'est une question de contrôle, comme je viens de le dire. Ce n'est pas une question de rendement des investissements. C'est un exemple de plus. Je ne suis pas professeur d'université, mais président d'un important syndicat qui représente tous les secteurs de l'économie de notre pays. En ce moment-même, des négociations sont en cours dans une autre salle au sujet de la souveraineté sur les forêts publiques de notre pays. Notre syndicat est très engagé dans ces négociations. Et au cas où les gens qui ont lu les manchettes se poseraient la question, il ne s'agit pas de droits de douanes; il s'agit d'obtenir du Canada un changement de politique quant à sa souveraineté dans ce dossier. C'est de cela qu'il s'agit, et nous devrions faire très attention quand nous jouons avec ça. Il ne s'agit pas... si tout à coup nous pouvions avoir tout ce que nous voulions, nous aurions des vols réguliers vers le Nunavut. C'est absolument ridicule.
Un témoin: Monsieur le président, je pense que l'un de mes collègues a quelque chose à dire.
Le président: Il faudra qu'il soit très bref, car nous avons déjà passé 11 minutes là-dessus.
M. Neil Morrison: J'aimerais seulement dissiper un malentendu: on a prétendu plus tôt que d'une manière ou d'une autre j'étais en faveur de l'étatisation. Nous ne sommes pas venus ici pour débattre de cette question.
Le professeur a mentionné que le CRTC estimait qu'avec 51 p. 100 des actions de BC TEL, GTE avait un contrôle suffisant, et que ce n'était pas un problème. Mais ce qu'il n'a pas dit, c'est qu'avec cette participation à 51 p. 100 et le maintien des droits acquis confirmé par la loi de 1996 sur les télécommunications venait l'obligation de restreindre ses services à son aire traditionnelle existante d'opération. C'est par nécessité que GTE a fusionné avec TELUS, la compagnie de téléphone privatisée de l'Alberta, et a réduit sa participation dans la nouvelle entreprise TELUS, qui de 51 p. 100 est passée à 28 p. 100. Comme peut le comprendre le monsieur de Nipawin, en Saskatchewan, cela a intensifié la concurrence dans le cadre des restrictions à l'investissement étranger existantes.
Le président: Monsieur Masse.
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): Je vous remercie, monsieur le président.
Je commencerai mes observations préalables à mes questions en disant que j'aimerais qu'une chose soit claire. Nous ne pouvons ignorer les besoins opérationnels des États-Unis relativement au contrôle de nos entreprises et à la participation majoritaire étrangère dans ces dernières étant donné la proximité de ce pays et les relations que nous entretenons, que ce soit dans le cadre des ententes commerciales et de l'infrastructure en place actuellement ou par le biais de relations personnelles.
J'habite à la frontière. Il y a des familles américaines dans ma circonscription. Certains de mes électeurs ont épousé des Américains. J'en suis très fier, mais la réalité est que nous devons tenir compte de l'environnement actuel en ce qui concerne les échanges commerciaux, mais aussi le caractère particulièrement délicat de ce dossier et la manière dont les emplois canadiens vont être touchés.
Je suis préoccupé par ce qui se passe actuellement. Dans les secteurs du bois d'oeuvre, du blé et de l'automobile, les États-Unis, à coup de subventions massives, essaient d'éliminer des emplois canadiens. Ensuite, il y a la frontière. Je m'occupe en ce moment d'une situation où les Américains ne font pas confiance aux succursales de leurs propres entreprises dans le secteur des transports routiers. Ils ont fermé la frontière pendant des heures entières parce qu'ils ne faisaient pas confiance aux employés qui souvent conduisent leurs propres camions venant de leur propre pays. Par ailleurs, ils dressent le profil racial de citoyens canadiens pour un an, dix ans, voire vingt ans, que ces derniers ils exercent une profession libérale ou autre.
Il faut tenir compte de tout ça; et avec tout ce qui s'est passé jusqu'à maintenant, je n'aime pas qu'on insinue que le Canada fait de l'obstruction. Je ne pense pas que ce soit vrai. Je pense que nous ne devons pas perdre cela de vue.
J'aimerais que nos témoins se penchent sur la question. Quel pourrait être l'incidence des conventions collectives et des pertes d'emplois qui pourraient se produire? Par ailleurs, nous devrions éprouver un peu de sympathie pour certaines des entreprises qui sont en difficulté et qui prétendent ne pas être traitées avec équité. Elles risquent elles aussi de subir des pertes d'emplois. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
Enfin, professeur, les étrangers peuvent actuellement investir dans nos entreprises s'ils acceptent le système actuel. Il n'y a pas que des actions qui donnent le droit de vote. Si on ouvre le marché, comment pouvez-vous prouver que cela améliorera l'emploi dans notre pays? Par ailleurs, en quoi cela va-t-il améliorer les prix à la consommation, l'accès aux services et toutes ces autres choses liées à l'ouverture du marché à la participation majoritaire étrangère?
Je vous remercie.
º (1655)
Le président: Monsieur Carlson, voulez-vous commencer?
M. Ron Carlson: Je ne vais répondre qu'à deux parties de la question, et d'autres témoins pourront ajouter leur grain de sel.
À propos de l'un des sujets, je pense qu'on n'a pas besoin de regarder très loin. On pourrait dire que si nos entreprises de télécommunications appartenaient à des intérêts étrangers, à une société américaine—prenez AT&T, ou n'importe laquelle des grandes entreprises comme Bell qui existent là-bas—pourrait-il y avoir des pertes d'emplois? Notre professeur nous dit que cette crainte n'est pas fondée. Et moi je vous dis que ce n'est pas vrai.
Prenons le service des téléphonistes. Pensez-vous que nous aurions besoin de téléphonistes au Canada, ou ailleurs, pour répondre aux appels, si en fait nous étions la propriété de Bell Canada aux États-Unis, de Southern Bell ou d'une filiale du groupe AT&T aux États-Unis? Non nous n'en aurions pas besoin.
Pensons-nous que nous aurions besoin d'un centre au Canada pour vérifier les lignes quand on aurait un problème? Tout cela pourrait être transféré à un centre de dépannage à Dallas, au Texas, ou au Mexique. En fait ça pourrait même être plus loin que cela. Les appels pourraient même être transférés assez facilement à l'étranger. Est-ce que nous pensons qu'il y aurait des pertes d'emplois? Oui.
Et ce n'est qu'un aperçu de l'incidence que la propriété étrangère pourrait avoir car, comme l'a dit mon compatriote Brian, c'est une question de contrôle et, en fin de compte, de réduction des coûts et de rendement maximum. Comment réduit-on les coûts? En centralisant les services, en réduisant le nombre de personnes qui assurent les services, c'est comme ça qu'on réduit les coûts et que l'on obtient des bénéfices plus importants.
On n'a pas besoin de regarder très loin au Canada pour voir les résultats de l'évolution de l'industrie jusqu'à maintenant, il suffit de voir les conséquences de l'amalgamation qui a donné Aliant, dans l'est du Canada. Au départ, avec Bell Canada, il y avait des entreprises distinctes, elles ont fusionné pour former une seule compagnie appelée Aliant. C'est la même compagnie pour Terre-Neuve, l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick.
Et que s'est-il produit? Les services ont été fusionnés. Ils ne sont plus assurés dans chacune des provinces, mais à partir d'un seul endroit. Le service des téléphonistes est assuré à partir d'un seul endroit. La vérification à partir d'un autre.
En fait, on est même allé plus loin que ça, on a transféré certains postes de direction à la maison mère de Bell, dans le centre du Canada. Au lieu de travailler pour la société Aliant, dans l'est du Canada, la gestion dépend du bureau central.
Donc déjà aujourd'hui nous voyons le déplacement des emplois. Pensons-nous qu'à l'avenir les répercussions seraient plus importantes? Oui, certainement.
J'aimerais faire un autre commentaire important à ce sujet, un commentaire qui figure dans notre mémoire.
Nous y citons Bill Linton de Call-Net. Quand nous avons discuté de toute cette question des investissement, des emplois et des conséquences, il a fait une excellente remarque que nous avons incluse dans notre mémoire. Il a dit: «Nous pourrions libéraliser les règles et aller chercher le financement sur Mars. Il n'en demeure pas moins que ce qui compte, c'est la rentabilité.»
Que se passera-t-il? Pensez-vous que des entreprises vont venir au Canada, investir et créer tout un système nouveau? Non. Elles prendront simplement le contrôle de nos entreprises, elles les absorberont, elles les rachèteront, elles exporteront les postes les plus importants à l'extérieur, et elles gagneront plus d'argent là où elles iront. Cela ne fait aucun doute.
Le président: Monsieur Schultz, voulez-vous répondre?
Pr Richard Schultz: Il est cinq heures; par quoi devrais-je commencer? Je ne réfuterai pas vos arguments, monsieur Masse, en partie parce que je refuse d'essayer de le faire.
Dans les années 80 et 90, du temps où je prêchais en faveur de la concurrence, Bell Canada disait, regardez, nous avons le deuxième système au monde en termes de qualité, nous avons l'universalité, etc., comment pouvez-vous prouver que quelque chose d'autre serait mieux? Ma position était alors qu'on ne pouvait pas le prouver.
On parle de l'exode des emplois et, là encore, je vais revenir à l'exemple de ma province. Verizon a des centres d'appels dans le nord de l'Ontario. Des compagnies américaines ont des centres d'appels au Nouveau-Brunswick. Je suis désolé, je ne veux pas donner l'impression que je suis Ross Perot, mais nous n'assistons pas à un gigantesque effet d'aspiration des emplois canadiens vers le Sud. Nous libéralisons... nous pouvons nous spécialiser. Nous pouvons offrir des services. Nous pouvons réagir.
Toutefois, les arguments que j'entends suggèrent qu'en fait ce n'est pas seulement de la propriété étrangère qu'il s'agit; nous devrions tout simplement éliminer la concurrence. Nous devrions rétablir le monopole pour garantir les emplois.
À moins que cette grande entreprise nationaliste canadienne qu'est Bell Canada n'appartienne à un propriétaire secret, il me semble que ce n'est pas une compagnie étrangère qui a vendu ses téléphonistes à une compagnie américaine comme un vulgaire bien meuble, ce n'est pas BC TEL sous contrôle étrange,; c'est Bell Canada sous contrôle canadien.
Il me semble que vous feriez bien de commencer à vous demander comment imposer ce genre de restrictions à ces entreprises pour atteindre ces objectifs, car la propriété étrangère n'est pas le problème. La concurrence, ce n'est pas très propre. Il y a des pertes, et je pense que nous devons protéger les gens contre les pertes et les indemniser, et pour ce faire nous avons les politiques sociales. Nous ne voulons pas que les pauvres ou les personnes âgées n'aient plus accès au téléphone. Je serais le dernier à le recommander.
Je pense qu'il y a une meilleure façon de procéder au lieu de protéger les entreprises établies. Ce n'est pas une question, à l'égard de mes collègues—et puisque j'adhère à un syndicat à l'université, je pourrais dire « mes frères »... Ne vous inquiétez pas; j'ai aussi trois frères et ils ne m'aiment pas eux non plus.
» (1700)
Le président: Ça ne fait qu'une heure et demie que nous siégeons et déjà nous sommes des «frères»; et il nous reste encore une heure!
Pr Richard Schultz: Le fait est que nous avons la possibilité d'élaborer des schémas différents. Nous assistons aux bouleversements les plus spectaculaires de notre économie. Et je crois réellement que nous devons—je le dis en tant que professeur et avec le plus grand respect—prendre notre ignorance très au sérieux. Nous devons éviter ces entraves incroyables à la croissance et à l'expansion. Nous devons adopter des politiques sociales et protéger ceux qui en ont besoin. J'en suis fermement convaincu. Mais nous devons également permettre à l'esprit d'entreprise de s'épanouir et aux nouvelles applications d'émerger. Nous n'y parviendrons pas en dressant des obstacles.
Si vous êtes convaincu que la propriété étrangère est un facteur—j'ai l'impression de vendre ma marchandise sur une chaîne de télé-achat—choisissez l'option numéro un. Procédons par étape. Faisons l'expérience avec les entreprises qui occupent moins de 40 ou 50 p. 100 du marché. Cela ne nuirait pas aux entreprises établies, en dépit de ce que vous avez dit; mais ça nous donnerait l'occasion d'essayer quelque chose. Ensuite, au lieu d'essayer de vous convaincre maintenant, j'essaierai de revenir, si vous m'invitez, et de vous convaincre, dans cinq ans.
Le président: Je vous remercie infiniment.
Y a-t-il quelqu'un qui aimerait faire un bref commentaire?
Monsieur Murdock.
M. Peter Murdock: J'aimerais seulement dire très rapidement que j'ai l'impression que nos députés ne sont pas nommés à titre permanent. Nos frères et soeurs ne le sont pas non plus.
J'aimerais juste dire une chose. Vous avez encore invoqué l'argument de la concurrence. Je ne pense pas que nous soyons ici et que ces audiences soient tenues pour parler de concurrence. Elles sont motivées principalement, je crois, par la dette des entreprises. Ces audiences sont motivées par le fait que des entreprises sont à la recherche de capitaux étrangers parce que, malheureusement, elles ont fait des erreurs énormes et que leurs investisseurs, leurs actionnaires, des Canadiens en paient le prix, tout comme d'ailleurs leur équipe de gestion. Mais elles ne peuvent pas rectifier leurs erreurs en faisant appel à la participation étrangère et au contrôle étranger.
C'est la raison d'être de ces audiences, admettons-le et faisons face à l'évidence. Il ne s'agit pas de concurrence. La concurrence a été vigoureuse, et si ce n'était de ces erreurs qui ont été faites sur le marché—dont certaines je pense sont dues à des facteurs imprévisibles—il y aurait énormément d'argent sur le marché pour que la concurrence s'exerce. Nous ne sommes pas ici pour décrier la concurrence.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Normand.
[Français]
M. Gilbert Normand (Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, Lib.): Merci, monsieur le président.
D'après un certain proverbe, la meilleure façon de se faire des ennemis est d'essayer de changer les choses. Je trouve intéressant d'observer qu'à la même table, depuis quelques semaines, les points de vue sont tout à fait polarisés. Je dirais presque qu'ils sont soit noirs soit blancs. Or, il se peut que la solution soit grise.
Depuis quelques semaines, on a entendu des gens dire qu'ils étaient prêts à accepter des changements, mais qu'il fallait procéder tranquillement, avec une certaine marge de manoeuvre. D'autres se disaient un peu réticents, tout en se déclarant prêts à accepter certains changements. Enfin, les gens du Comité du patrimoine nous ont dit qu'ils craignaient que le contenu soit mis en péril si des entreprises étrangères devenaient propriétaires des infrastructures.
Ma question est bien simple et elle s'adresse aux deux groupes. Selon vous, peut-il exister une solution qui se situe à mi-chemin entre les deux extrêmes?
» (1705)
[Traduction]
Le président: Monsieur Carlson.
M. Ron Carlson: Je vais faire une observation initiale à ce sujet et, là encore, peut-être que l'un de mes collègues voudra ajouter quelques mots.
Malheureusement, mon ami de Nipawin n'est plus là. Il a parlé plus tôt de revenir au monde qui existait avant, avant la déréglementation de l'industrie, etc., j'aurais voulu lui faire part de l'une des suggestions qui figure dans notre mémoire. Nous y suggérons d'entreprendre une étude, au nom du gouvernement canadien, de ce qui s'est passé depuis la privatisation et la déréglementation de l'industrie du téléphone. L'étude devrait porter sur l'ensemble de l'industrie pour voir si en fait ça a été un succès.
Est-ce que, sur une période de dix ans, ça a été un succès et, pendant cette période, qui ont été les perdants et les gagnants? En outre, le problème est-il lié à cette décision initiale plutôt qu'à la nécessité d'aller plus loin maintenant et d'ajouter le problème de l'accroissement des investissements étrangers?
Nous disons pourquoi aller plus loin? Peut-être devrions-nous voir où nous en sommes maintenant et, en fait, faire le point et voir ce qui s'est passé dans l'industrie au cours des dix dernières années—demander à une commission d'enquête de se pencher sur la question et de se prononcer sur le succès ou l'échec de la politique.
On peut facilement affirmer que la privatisation et la déréglementation de l'industrie ont fait autant de gagnants que de perdants. Les tarifs des services interurbains ont peut-être diminué pour le Canadien moyen mais, par ailleurs, les tarifs locaux ont plus que doublé. Les gens paient plus aujourd'hui pour leur téléphone qu'ils ne l'ont jamais fait, ce à quoi ils ne s'attendaient absolument pas.
M. Brian Payne: J'ai juste un autre point à faire valoir pour répondre précisément à votre question.
Vous avez demandé si nous voyions cela comme étant soit noir soit blanc, et s'il pouvait y avoir des teintes de gris. Je ne suis pas sûr qu'il puisse y avoir des teintes de gris quand une participation majoritaire équivaut à une prise de contrôle.
C'est le problème. Ce n'est pas la juste compétition qui est en cause. Il ne manque pas d'argent pour cette industrie. Toute l'industrie va très bien, pour toutes les raison que nous connaissons. Le problème tient au contrôle et à la situation d'un service — quel que soit le mot qu'on choisisse pour désigner l'industrie des télécommunications — offert dans un grand pays ayant une très petite population agglomérée le long de sa frontière. Je ne sais pas s'il peut y avoir du gris là-dedans. Je crains que cette question soit, comme certains autres enjeux, bien particulière à notre pays.
Comme le témoin l'a signalé, il n'y a pas à s'inquiéter du fait que quelqu'un pourrait venir d'Europe et acheter des sociétés, installer des travailleurs, bâtir un grand complexe en face de chez Bell, à Montréal ou ailleurs, et voler ainsi quelques emplois. Notre position est la même, mais ce qui nous inquiète vraiment, c'est ce que pourraient faire nos amis du Sud, les habitants de la nation la plus protectionniste sur Terre qui tentent de prétendre qu'ils sont en faveur du libre-échange.
Il n'y a pas de possibilité de gris quand il est question de propriété. Dans toutes les industries, si la propriété équivaut au contrôle, la question devient de savoir comment maximiser les profits. Et franchement, nous ne croyons pas que, au bout du compte, cette industrie devrait se limiter à cela. Il faut évidemment qu'elle fasse des bénéfices, mais pas nécessairement qu'elle les maximise.
Le président: Monsieur Schultz.
Pr Richard Schultz: Permettez-moi d'être raisonnable.
» (1710)
Le président: J'ai besoin que vous soyez bref et que vous vous en teniez à la question afin que je puisse être raisonnable.
Pr Richard Schultz: Oui, Monsieur.
Il y a une zone grise, mais avant d'en parler, je veux préciser que nous n'avons pas besoin d'une autre commission, Monsieur. Il y a une enquête continue et des rapports. Je vous propose de prendre connaissance des rapports annuels du CRTC sur le contrôle, qui montrent l'état de la situation en matière de concurrence.
Il y a 15 ans, j'ai été engagé par le Bureau de la concurrence. On disait alors que, si jamais la concurrence était permise, 6 millions de Canadiens n'auraient plus les moyens de s'offrir le téléphone. On disait que 8 millions d'Américains ne l'auraient plus après 1984. Cela ne s'est pas produit.
Il est vrai que les prix ont monté, pour les appels locaux. Les interurbains sont maintenant beaucoup moins chers. Quand j'étais consultant pour Bell, le prix du service de base était tellement subventionné qu'il aurait normalement été probablement cinq fois plus élevé. Il n'est donc absolument pas près d'atteindre son véritable coût, même s'il augmente.
Où est la zone grise? Si, comme les témoins de l'Alliance nationale le disent, c'est une question de contrôle, je suggère que nous instaurions un système par paliers. Je trouve que la question n'est pas de savoir s'il faut favoriser Bell Canada ou TELUS mais plutôt de vérifier la part de marché de chacune. Pour celles qui se trouvent sous une certaine limite, disons 40 ou 50 p. 100, qu'on leur permette d'avoir un plus grand accès aux capitaux étrangers et voyons qui seront les nouveaux venus qui voudront participer à cette industrie.
Je tiendrais compte de la suggestion de M. Carlson. J'augmenterais les responsabilités de contrôle du CRTC et lui dirais qu'on attend de lui un rapport annuel au Parlement sur ce qui se passe au sein de cette industrie et les conséquences que cela a eu pour les nouveaux venus.
Si l'on s'inquiète tellement de Bell Canada et de TELUS, il faut les laisser tranquilles. Il faut prendre garde de ne pas en faire un symbole, parce qu'elles chercheront à obtenir un statut spécial pour cette raison. Elles ont déjà dit qu'elles ne souffrent pas des restrictions actuelles. Elles l'ont dit au comité. Par conséquent, je dis qu'il ne faut pas s'en inquiéter, qu'il faut s'occuper des nouveaux venus et des plus petites entreprises et voir si, de fait, d'autres intéressés pourraient s'ajouter avec de nouveaux investissements. Il faut penser au prix du capital. C'est n'est pas qu'il y ait beaucoup de capitaux, mais ces entreprises ont dit que le problème était le prix qu'elles avaient à payer — non pas le prix que Bell doit payer, mais le prix que Microcell ou Call-Net devaient payer pour le capital.
Tentons une expérience qui nous permettra de chercher à faire avancer les choses, à surveiller ce qui se passe. Si les craintes que vous et d'autres entretiennent s'avèrent fondées, mettons y fin. Imposons une politique gouvernementale avec des objectifs précis. Mais commençons par essayer.
M. Peter Murdock: Si l'on envisage un système à deux paliers, on se retrouve avec une société ou peut-être une poignée de sociétés qui sont ouvertes aux investissements étrangers même si elles sont plus petites. Cela fait monter le prix des actions. Les actionnaires vont donc immédiatement se retirer de chez BCE et des autres entreprises de ce genre seulement pour maximiser leurs profits. Pour un avantage injuste, c'en est tout un. Ce serait ridicule d'avoir un tel système. Cela rendrait le marché instable, et je ne dis rien des questions de propriété.
En passant, jusqu'à un certain point, c'est exactement ce que veulent les sociétés de câblodiffusion, bien sûr. Elles veulent faire monter les actions, pour ne rien dire de l'apport de capitaux. Cependant, quand les capitaux commencent à entrer, le prix des actions monte et qui en bénéficie? C'est certain que, dans l'industrie de la câblodiffusion, ce ne serait pas nécessairement les consommateurs.
Le président: J'ai vu une autre main se lever.
Monsieur Morrison.
M. Neil Morrison: Oui, je veux répondre à la question de Monsieur.
Je ne crois pas que les zones de gris soient bien grandes parce que, une fois qu'il n'y a plus de contrôle majoritaire, c'est terminé. On dirait que les gens pensent que la concurrence est la seule responsable de la baisse du coût des interurbains mais, comme M. Schultz l'a mentionné, les taux ont été rééquilibrés et, avant cela, le coût des interurbains subventionnait fortement — je suis d'accord avec lui là-dessus — le coût du service local. C'est la raison pour laquelle le service local était répandu beaucoup plus largement au Canada et aux États-Unis. Aux États-Unis, le taux de pénétration du service local est d'environ 93 p. 100, et au Canada il est de 98 p. 100. C'est grâce à l'interfinancement qu'on avait avec ce système.
On a supprimé, ou presque, cet interfinancement entre les services locaux et les services interurbains, mais ce n'est pas la seule chose qui a fait tomber le coût des interurbains. La technologie y est aussi pour quelque chose. Quand deux tubes à fibres optiques permettent d'acheminer tous les appels au Canada, le coût des appels à l'unité en est réduit d'autant. En outre, on installe maintenant un prisme devant le faisceau lumineux, ce qui multiplie par sept la capacité de la fibre, parce qu'on peut utiliser sept couleurs différentes. Une fois que cette fibre optique est en place, le nombre de communications acheminées est quasi illimité, dans le contexte actuel. Donc, le coût de l'entretien de cette infrastructure revient presque à zéro par appel.
On a aussi le courrier électronique. Les données changent. La plupart des appels que vous faites de vive voix sont compressés et envoyés à destination sous forme de données.
Ce sont donc ces progrès technologiques qui ont entraîné la baisse des coûts, et non pas seulement la concurrence.
» (1715)
Le président: Monsieur Schultz.
Pr Richard Schultz: Je suis d'accord au sujet des changements technologiques. Mais en l'absence de concurrence, les utilisateurs d'interurbains et les gens d'affaires n'auraient pas profité des avantages de ces changements. L'argent aurait disparu, comme ce fut le cas au début des années 80, quand Bell Canada a investi dans la construction d'un siège social, dans l'immobilier et dans d'autres domaines, prétextant qu'il lui fallait diversifier ses investissements. Qu'avait-elle acheté alors? Bell Canada avait acheté Trans-Canada PipeLines.
En l'absence de concurrence concrète pour faire baisser les prix, ces avantages technologiques n'auraient pas bénéficié aux simples consommateurs comme vous. Le prix du service de base serait resté le même, et les interurbains seraient restés chers.
Le président: Nous devons passer la parole à M. Rajotte.
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et merci, messieurs, de vous être joints à nous aujourd'hui.
Je veux traiter de certains des enjeux que les syndicats des communications ont soulevés, en particulier le contrôle et la propriété. L'une des suggestions présentées par les témoins était de restreindre le pourcentage que l'une ou l'autre des parties pourrait détenir. Prenons TELUS ou BCE. Disons que le maximum serait de 5 ou 10 p. 100. Il n'y aurait pas d'actionnaire majoritaire unique. Cela réglerait-il vos préoccupations à l'égard de la propriété étrangère?
Je pose la question à celui qui veut y répondre.
M. Peter Murdock: J'ai quelque chose à mentionner là-dessus. Ensuite, je passerai la parole à quelqu'un d'autre.
Ce qui me frappe, c'est que, dans ce cas, nous serions en présence d'un monstre étranger à plusieurs têtes. Il faudrait donc communiquer non seulement avec Los Angeles, mais aussi quelque part au Wyoming. Je ne suis donc pas sûr que cela réglerait quoi que ce soit.
M. James Rajotte: Je pensais pourtant qu'une partie des préoccupations tenait au contrôle majoritaire.
M. Peter Murdock: C'est vrai, et dans un sens cette solution semble régler ce problème, mais comment ferions-nous alors pour réglementer l'industrie si la majorité des actionnaires sont à l'extérieur de nos frontières? Ce serait impossible.
M. James Rajotte: Mais le fait d'avoir le contrôle majoritaire n'empêche pas une nation d'adopter une réglementation interne.
M. Peter Murdock: Non, mais.... désolé, continuez.
M. Neil Morrison: Je ne crois pas, parce que les entreprises de services téléphoniques peuvent former des structures de télécommunications qui ressemblent au pire embrouillamini qu'on ait jamais vu sur Terre.
Ce que j'ai remarqué, c'est que même ces grands concurrents qui se prennent à la gorge peuvent se lier sur certaines choses. On en voit des exemples dans des domaines où, comme vous l'avez dit, il peut y avoir plus d'un actionnaire étranger qui représenteraient plus qu'un contrôle majoritaire. Si une certaine personne et moi-même détenons chacun 26 p. 100, cela fait 52 p. 100, et nous sommes des amis et des partenaires d'exploitation dans d'autres domaines. C'est ainsi qu'on peut en venir à sceller des ententes. Je peux dire que je vais m'occuper entièrement de la direction de cette entreprise et que l'autre s'occupera de la direction de l'autre entreprise.
C'est ainsi que les choses fonctionnent. Les actionnaires se rencontrent en coulisses et ils en ressortent en disant la même chose.
M. Brian Payne: Il y a un point que je pourrais ajouter. Je ne veux pas faire paraître les choses trop menaçantes. Je ne peux trouver le mot juste. Dans le monde où nous vivons, on sait d'expérience que, si nous parlons d'un conglomérat d'entreprises en participation américaines qui représentaient ensemble plus de 50 p. 100, je crois que quelques porte-parole commerciaux s'adresseraient en leur nom. Je ne suis pas sûr que cela nous mène ou nous voulons aller. Cela réduit le danger, mais je ne suis pas sûr que nous obtiendrions ainsi les résultats recherchés quant au contrôle canadien de l'industrie des communications.
M. James Rajotte: Supposons qu'on permette à une partie d'être actionnaire majoritaire et qu'on élimine les restrictions quant à la participation étrangère. Monsieur Carlson, vous avez parlé de réduction des coûts, de pertes d'emplois, de voir nos entreprises achetées par des intérêts étrangers et de voir nos emplois sortir du pays. Prenons TELUS, par exemple. C'est l'entreprise que je connais le mieux. Elle a des câbles souterrains ainsi que TELUS Mobility. Elle a une clientèle qui se trouve surtout dans l'Ouest. Si une société américaine en achète 51 p. 100, expliquez-moi comment elle pourrait déménager tous les emplois au Sud. Si je demande un service téléphonique, il faut que quelqu'un vienne l'installer. Il faut qu'il y ait un employé de TELUS Mobility dans un centre commercial, par exemple, pour proposer les services. Vous avez parlé de services de téléphonistes et de centres de vérification. Si tout cela déménage dans le Sud, combien d'emplois perdons-nous? Pourquoi y a-t-il des centres d'appels de sociétés américaines dans le nord de l'Ontario et au Nouveau-Brunswick?
» (1720)
M. Ron Carlson: Je vais essayer de répondre de mon mieux. Mon collègue pourra probablement ajouter d'autres points.
Sur la question du centre d'appels, j'ai une réponse courte à la question soulevée par M. Schultz, qui dit que ces centres d'appels se répandent partout au Canada. Il en est ainsi pour différentes raisons. Il y a un avantage économique à diriger un centre d'appels au Canada en raison de la différence de valeur entre les devises canadienne et américaine. On peut payer une personne au salaire minimum dans une province et s'en tirer pour quelque 2 $ américains de moins l'heure. C'est donc un avantage de diriger un centre d'appels au Canada plutôt qu'aux États-Unis. Si notre dollar avait la même valeur que le dollar américain, je suis pratiquement sûr que bon nombre de ces centres ne seraient pas où ils sont aujourd'hui.
Sur la question du déménagement d'emplois advenant que l'entreprise devienne propriété étrangère, il suffit de repenser à ce qui est arrivé dans cette industrie, sur toute la question de la privatisation et de la déréglementation, et de voir ce que cela représente comme nouvelle étape. C'est la débandade, quand ce genre de choses survient. Regardez les régions plus rurales du Canada. Prenez la Saskatchewan et l'Alberta, par exemple. Commençons par le Manitoba. Quand il y a eu privatisation au Manitoba et que la déréglementation a été mise en place, quelque 2 000 emplois ont été perdus avec la centralisation. Il n'y a plus de représentant des services à Dauphin, ni à Morden, Selkirk ou à Portage la Prairie. En fait, on est même en train d'éliminer ceux de Thompson.
M. James Rajotte: En raison de la consolidation.
M. Ron Carlson: Oui.
Portons cette consolidation à l'étape suivante. Si la Société de téléphone du Manitoba, une entreprise privée, était achetée par AT&T, ne serait-il pas facile de consolider ces emplois — même les préposés au service, les vérificateurs de lignes et les téléphonistes — et de les déménager à Denver, où il y a effectivement plus de ressources et d'installations que n'importe où ailleurs? Ne serait-il pas facile de transférer les lignes et les appels de l'autre côté de la frontière, ou n'importe où ailleurs, et de les intégrer au système déjà existant? Ce serait beaucoup plus facile.
Regardez ce qu'AT&T a fait au Canada. Malheureusement, notre compagnon d'AT&T n'est pas ici pour conter son histoire. On a mis à pied des gens au Canada et emmené des gens des États-Unis pour qu'ils fassent le travail sur les standards au Canada. Tout cela s'enchaîne, à mon avis.
M. James Rajotte: Cela ne se fait que dans une direction, jamais dans l'autre. Autrement dit, dans une province comme l'Alberta, les entreprises ne choisiraient pas d'augmenter leur main-d'oeuvre en Alberta pour pouvoir servir leurs clients américains.
M. Ron Carlson: Cela pourrait peut-être se produire dans le sens contraire, mais c'est très improbable si l'entreprise a déjà les centres de service et les ressources aux États-Unis. Pourquoi le ferait-on en sens inverse? Cela ne me semble pas bien sensé.
Pr Richard Schultz: Cet argument n'est pas contre la propriété américaine ou la libéralisation permettant la propriété étrangère en général. Avec tout le respect que je vous dois, cet argument me semble contredire presque deux décennies de politiques gouvernementales contre la privatisation et la concurrence dans le domaine des télécommunications pour réclamer un retour au statu quo. Vous ne pouvez pas faire ça.
D'un autre côté, je pense qu'il va de soi que les deux décennies de concurrence en télécommunications que nous avons connues ont apporté des avantages. Nous devons nous demander si nous passons à l'étape suivante, et je pense que nous risquons de revenir à une situation genre Air Canada. Nous avons une grosse entreprise et quelques petites qui tentent de se tailler une place. Espérons qu'elles pourront prendre assez d'expansion, mais je crains que nous ne revenions à TELUS et BCE.
» (1725)
Le président: Monsieur Morrison.
M. Neil Morrison: Pour répondre à ce monsieur, je ne sais pas si vous comprenez de quelle taille sont ces entreprises. Il y a quelques années, et c'est encore plus vrai aujourd'hui, il y avait quelques compagnies régionales exploitantes associées à Bell aux États-Unis – des baby Bell. L'ensemble du système canadien de télécommunications était plus petit que la plus petite baby Bell.
Je sais que de telles entreprises se trouvaient au sud de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, dans ces 14 États du Midwest américain, et l'ensemble du réseau canadien n'est pas aussi gros que la société de téléphone US West, qui s'appelle maintenant Qwest. Tous leurs systèmes, centraux téléphoniques, centres de vérification et téléphonistes se trouvent à Denver, au Colorado. Pourraient-ils nous avaler? Bien sûr, en un tournemain. Nous ne serions même pas assez gros pour que ça paraisse.
Le président: M. Rajotte sera le prochain à avoir la parole, et Mme Girard-Bujold aura le mot de la fin.
M. James Rajotte: Recommandez-vous une propriété à majorité canadienne pour toutes les industries au Canada? Les travailleurs canadiens de l'automobile sont censés comparaître, mais je ne sais pas s'il y a des représentants présents ici aujourd'hui. Recommandez-vous une propriété à majorité canadienne pour l'industrie de l'automobile? Devrions-nous dire à Ford Canada qu'elle doit être de propriété majoritairement canadienne et que, même, elle devrait se séparer? Est-ce bien ce que nous voulons au Canada, que toutes les industries soient de propriété majoritairement canadienne?
M. Brian Payne: Soyons clairs. Nous participons à ces audiences au sujet de cette industrie, pour laquelle nous avons des intérêts et des préoccupations bien particuliers. Nous avons fait référence en passant à quelques autres...
M. James Rajotte: Vous avez parlé du bois d'oeuvre et d'autres industries.
M. Brian Payne: Je vous dis seulement que ce sont là certaines des raisons qui nous rendent si passionnés et préoccupés au sujet de cette industrie.
Même si quelques-uns d'entre nous voient Wal-Mart un peu de travers, nous ne disons pas qu'il faut garder le contrôle sur tout. Nous préconisons le contrôle majoritaire de cette très importante industrie qui nous permet de communiquer au pays. Nous disons au comité qu'il ne manque pas d'innovation, de percées technologiques ni de téléphones cellulaires Samsung au Canada, de nos jours.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Girard-Bujold.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Ce n'est pas drôle, messieurs, d'être la dernière à poser des questions. J'ai trouvé les débats d'aujourd'hui extraordinaires, mais il reste que je me pose certaines questions. Il est évident que si on veut agir sur l'avenir, il faut s'en parler dans le présent. Mais est-ce qu'on a vraiment analysé tout ce qui se passe? Est-ce qu'à l'heure actuelle, on a atteint le maximum permis d'investissements étrangers dans nos compagnies ici, au Canada? J'aimerais que quelqu'un me réponde avant que je continue.
Si oui, qu'est-ce qu'on va gagner à lever les restrictions? Plus d'argent? Une qualité différente? Plus de contrôle chez nous? Le protectionnisme américain implique des pertes d'emplois chez nous. Du moins, c'est ce que ça signifie pour moi.
Pourquoi est-ce qu'on ne se demande pas pourquoi on n'a pas atteint le plafond établi? Pourquoi veut-on hausser le plafond établi, même si ce dernier n'a pas été atteint, sous prétexte que cela pourrait élargir l'éventail de possibilités?
En ce qui me concerne, il y a beaucoup de questions que je veux poser avant de déclarer, comme le professeur, qu'on va élever un mur de Berlin devant nous. Le présent m'inquiète plus que l'avenir, parce que lorsqu'on se pose des questions dans le présent, on peut arriver, à long terme, à agir sur l'avenir. Toutefois, la question se résume pour moi à la création d'emplois chez nous.
Vous avez parlé de Bell Canada. Je viens d'une région du Québec, le Saguenay--Lac-Saint-Jean, où, croyez-le ou non, certaines communautés n'ont même pas le téléphone. Vous ne le saviez pas? Des études ont été menées, des commissions ont été créées par le CRTC, puis on a exigé que Bell Canada procède au branchement. Le processus est si long que ces gens n'ont toujours pas le téléphone.
Par contre, pendant ces événements, Bell Canada était accessible et on pouvait les interpeller. Si les Américains prennent le contrôle, est-ce que ça va être aussi facile de leur dire qu'ils doivent offrir le service téléphonique chez nous? Ce problème sera bien loin de chez eux. Voilà quelles sont aujourd'hui mes préoccupations.
Professeur, il y a plusieurs sujets que j'aimerais bien aborder avec vous, mais j'aimerais surtout que vous, les syndicats, qui représentez les gens ordinaires, vous vous préoccupiez de la question des emplois chez nous. La qualité est difficile à obtenir chez nous, mais on peut au moins vous demander de vous adresser à ceux qui peuvent vraiment changer la situation.
S'il est question d'obtenir de l'équipement plus sophistiqué, je peux vous dire qu'on en a déjà. C'est une question de volonté.
Enfin, vous avez parlé du CRTC, et je suis bien d'accord avec vous à ce sujet. Ils vont devoir mettre leurs culottes, un de ces jours, et prendre des décisions rapidement plutôt que de toujours tergiverser. C'est aussi mon avis.
Voilà mes questions; j'en aurais bien d'autres encore.
» (1730)
[Traduction]
M. Brian Payne: Je vais essayer de répondre à quelques-unes d'entre elles.
Si j'ai bien compris votre question, vous avez demandé si nous avions atteint le niveau maximal d'investissement auquel nous pouvons nous attendre dans le cadre de la réglementation actuelle — autrement dit, vous voulez savoir si la réglementation actuelle impose une limite.
Selon notre mémoire, les règles actuelles ne sont pas une limite. Nous parlons d'une industrie qui a connu d'énormes changements ces dernières années. S'il y a eu une insuffisance d'investissements dans l'industrie des télécommunications partout dans le monde, ce n'est pas à cause de la propriété étrangère, c'est à cause du gâchis qu'elle a franchement créé elle-même depuis quelques années.
C'est incroyable, si on regarde ça avec un certain recul, de constater que la moitié de la population mondiale n'a jamais fait ni reçu un coup de téléphone de sa vie. Pourtant, les plus grandes sociétés téléphoniques ont gaspillé des centaines de milliards de dollars au cours des dernières années et, tout d'un coup, elles veulent recommencer à neuf en prétendant que, cette fois, elles ne feront pas un gâchis.
Je n'en crois rien. Je ne crois pas que ce soit la seule manière d'obtenir des investissements pour assurer un service téléphonique convenable dans notre région du Québec. Il peut y avoir d'autres règles à mettre en place pour favoriser les investissements. C'est un argument dont il faudra débattre un bon jour, parce que je crois qu'il y a d'autres obligations auxquelles le Canada devrait s'attendre. Si l'on assouplit les règles de la propriété étrangère, je crois que vous aurez plus de difficulté à obtenir ce service que ce n'est le cas aujourd'hui.
Pr Richard Schultz: Puis-je faire juste une autre observation, s'il vous plaît?
Monsieur le président, Madame, il me semble que la question ne tient pas tant à la disponibilité des capitaux, mais plutôt au coût des capitaux. Bell Canada, en vertu de la règle des 20 p. 100, peut facilement obtenir 5 milliards de dollars et même, avec le système de réglementation, s'organiser pour rembourser ces 5 milliards, parce qu'elle obtient des capitaux à plus bas prix. Les nouveaux venus ne peuvent pas faire ça.
Cela nous amène à la question du service. J'en ai été témoin personnellement. Je dirige des programmes de formation dans différentes parties du monde où l'on passe par-dessus, si l'on peut dire, le service qui est offert en Amérique du Nord. De nouveaux venus s'y sont installés et ont élargi la gamme de services, parce que c'était une question de concurrence. Ils ont établi des services sans fil, dans bien des cas.
Je suis sûr de cela. Si l'on garde les nouveaux venus dans l'état de faiblesse dans lequel ils sont aujourd'hui, même si certains d'entre eux ont fait des erreurs, vous serez à la merci des sociétés dominantes, comme c'est manifestement le cas aujourd'hui, pour ce qui est de l'accès aux nouveaux services. La concurrence exige que les nouveaux venus soient solides. Elle ne consiste pas à permettre à deux grandes sociétés de se combattre mutuellement. C'est en cela que c'est une question de coût du capital et non de contrôle majoritaire. Laissons ces sociétés avoir accès plus librement et à meilleur marché aux capitaux afin qu'elles puissent mieux soutenir la concurrence. Si on ne leur permet pas de le faire, on peut dire adieu à la concurrence.
M. Ron Carlson: Je veux juste ajouter un mot à ce que disait mon collègue Brian Payne. Sur le plan des chiffres, quand nous avons fait nos recherches pour rassembler l'information afin de la présenter au comité, nous avons constaté que les capitaux de placement, en 2001, étaient de quelque 7,7 milliards de dollars, dans cette industrie au Canada. Ce n'est pas rien. C'est une somme très importante.
Mais plus encore, sur le point soulevé par M. Schultz, la question de la lutte pour les capitaux, on constate que nous sommes dans un monde intéressant quand on voit que WorldCom, cette merveilleuse grande société qui est sortie de nulle part et a fini par faire faillite, n'a maintenant plus aucune dette. Elle pourrait acheter l'une des sociétés canadiennes si la règle de la propriété étrangère était abolie, parce qu'elle n'a pas de dettes. Croyez-vous qu'elle ait accès plus facilement aux capitaux qu'une société canadienne? Oh, que oui!
Le président: Je suis désolé, mais je vais devoir mettre un terme à la rencontre.
J'avais une question à poser aux membres de l'Alliance nationale. M. Schultz a mentionné qu'il était consultant pour Microcell et Bell. J'aimerais que vous me disiez quelles sont les entreprises de télécommunications et de câblodiffusion où vous avez des membres.
» (1735)
M. Brian Payne: Ça se trouve dans notre mémoire. Ensemble, nous représentons ici des membres travaillant pour Aliant, Bell, TELUS, SaskTel, Manitoba Telecom Services, Rogers, Shaw et à peu près tous les médias qu'on peut nommer au pays, de la SRC jusqu'aux grands journaux. Nous représentons toutes les principales sociétés de télécommunications.
Je veux préciser, toutefois, en répondant à cette question, que nous n'avons pas été envoyés ici pour faire des pressions en leur nom. C'est ce que nous faisons. Nous sommes à Grand Falls. Nous sommes à Badger aussi, en fait. Nous sommes dans toutes ces collectivités. Nous savons combien les gens se ressentent des résultats de ces changements, tout comme les gens souffrent du fait que les déplacements en avion soient inaccessibles au Canada.
Le président: Je veux remercier les témoins pour leur exposé et leur participation à la discussion, et pour leur sens de l'humour, pour une fois, parce que nous avons eu beaucoup d'exposés très arides. Je vous remercie beaucoup et vous souhaite une bonne journée.
Je rappelle aux membres du comité que, demain à 9 h 30, nous avons des visiteurs du Royaume-Uni. Nous ne voulons pas les laisser tomber.
La séance est ajournée jusqu'à l'appel de la présidence.