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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 059 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 14 février 2013

[Enregistrement électronique]

(0850)

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, députés et membres du public, je constate qu'il y a quorum. Je vous remercie tous d'être présents.
    Monsieur le major général, Dr Pierre Morisset, je tiens aussi à vous remercier d'être parmi nous aujourd'hui. Nous attendons avec intérêt vos commentaires.
    Notre collègue, M. O'Toole, a pris connaissance de très bonnes nouvelles et souhaite disposer d'une minute, avant que nous entamions nos travaux, pour nous en faire part.
    Monsieur, la parole est à vous.
    Je vous remercie, monsieur le président, de m'accorder ainsi quelques instants.
     Chers collègues, j'ai eu l'honneur hier soir d'assister à la première mondiale de March to the Top. Il s'agit d'un documentaire canadien qui présente 12 anciens combattants canadiens, hommes et femmes, qui sont sortis des Forces canadiennes avec des handicaps physiques ou mentaux. Ils se sont regroupés pour lancer une initiative de collecte de fonds. La fondation La patrie gravée sur le coeur, dont je me suis occupé avant de faire de la politique, leur a permis l'an dernier de monter leur projet et d'atteindre ainsi le sommet du Island Peak dans l'Himalaya.
     Ce documentaire est édifiant et je crois qu'il inspirera des générations d'anciens combattants. Il sera diffusé lundi soir à 20 heures sur CBC. J'invite tous mes collègues et amis à le regarder. Il a pour titre March to the Top. S'il retient votre intérêt, j'aimerais que quelques députés puissent m'aider à organiser un visionnement spécial à Ottawa qui permettrait à un plus grand nombre de nos collègues de voir cet édifiant documentaire.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur O'Toole, je vous remercie de nous avoir communiqué cette information. Je vous en suis très reconnaissant.
    Major-général Pierre Morisset, la parole est maintenant à vous.
    J'ai quelques commentaires préliminaires à vous faire, qui ne devraient pas dépasser les 20 minutes à ce qu'on m'a dit, à moins que vous n'en préfériez une version plus concentrée?
    La décision vous appartient, en autant que vous ne preniez pas plus de 20 minutes.

[Français]

    Je vais commencer en français.
    Le comité qui a été mis sur pied par le ministre des Anciens Combattants en décembre 2011 est composé de cinq individus qui ont été mandatés pour étudier un premier sujet: l'uranium appauvri. Je pourrais vous lire le contenu du mandat qu'on nous a confié, mais il est dans le rapport.
     Essentiellement, le mandat se réduit à deux questions. L'uranium appauvri est-il nocif pour la santé humaine? Les soldats canadiens auraient-ils été exposés à l'uranium appauvri? Il y a un lien entre les deux questions, parce qu'il doit y avoir une exposition pour qu'il y ait un effet sur la santé. Il est très important de savoir cela. Il y avait quand même un lien très étroit et très important entre les deux aspects du mandat.
    Je vais commencer par l'exposition. Je vais poursuivre en anglais.

[Traduction]

    L'uranium, et je ne parle pas ici d'uranium appauvri, mais bien d'uranium, est omniprésent. Je veux dire qu'on en trouve partout. Il y en a dans la croûte terrestre. D'une façon ou d'une autre, nous avons tous en nous de l'uranium à des niveaux variables mais mesurables. Il provient de diverses sources naturelles. Il y en a dans nos aliments et dans notre eau. Ce niveau d'uranium dans notre corps dépend de la zone géographique où nous nous trouvons.
    Il faut que vous sachiez que les soldats en opération ne disposent pas d'appareils individuels de mesure leur indiquant leur niveau d'exposition à l'uranium appauvri à un moment donné. Pourquoi? Parce que ce type d'appareil n'existe pas. Nous n'avons pas la technologie nécessaire pour en fabriquer. Ce n'est pas propre au Canada car, à ma connaissance, aucun pays ne dispose de ce type d'appareil. Cela rend encore plus difficile la mesure de l'exposition à l'uranium appauvri, puisqu'elle ne peut se faire que de façon indirecte, en examinant la situation, le contexte général et en vérifiant un certain nombre de faits.
    Le Canada n'utilise pas d'uranium appauvri. Nous n'avons donc pas de projectiles à noyau d'uranium appauvri. Dans les conflits dans lesquels les soldats canadiens ont été impliqués, leurs ennemis ne disposaient pas non plus de tels projectiles, et ils n'étaient donc pas exposés directement à ce type de projectiles. Nous n'avons pas connaissance, non plus, d'incidents dus à des tirs amis et accidentels de nos alliés, soit les Américains ou les Britanniques, sur des troupes canadiennes.
    Pour nous faire une idée de la possibilité d'exposition des soldats canadiens à l'uranium appauvri, voyons donc ce qui s'est passé sur les théâtres d'opérations où ces soldats se sont trouvés.
    C'est durant la guerre du Golfe, en 1991, que des armes à l'uranium appauvri sont apparues pour la première fois. Le Canada n'a pas déployé de troupes de combat sur le terrain pendant ce conflit. Ses seules interventions militaires ont été aériennes ou navales, sans oublier un hôpital de campagne qui se trouvait loin derrière la ligne de front. Il y a toutefois eu une exception, peu de temps après la fin de la guerre. Nous avions alors un groupe de sapeurs de combat qui occupait les mêmes installations que les troupes américaines à un endroit appelé Camp Doha. Là, un incendie accidentel, sans lien avec la guerre ou quoi que ce soit d'autre, a touché certains projectiles à noyau d'uranium appauvri. Les Américains en avaient passablement utilisés pendant la guerre du Golfe. Il n'y a pas eu d'explosion au sens propre mais des munitions à l'uranium appauvri ont été touchées par l'incendie. Une partie de celles-ci a brûlé, libérant des particules d'uranium appauvri dans l'atmosphère. Nous pourrons revenir au cas du camp Doha par la suite, mais c'est vraiment le seul qui soit documenté.
    Je peux vous dire tout de suite, en anticipant sur la suite, que ce cas a fait l'objet d'enquêtes en profondeur qui ont amené à conclure qu'il n'avait posé aucun risque appréciable sur la santé de ces anciens combattants.
(0855)

[Français]

    Les analyses d'urine constituent une autre façon de déterminer s'il y a eu une exposition. Il s'agit d'une mesure individuelle, et non d'une mesure de groupe. Le principe derrière cela est que l'uranium ainsi que l'uranium appauvri, car ils sont tous les deux reliés, se retrouvent dans l'urine. En effet, tout uranium ou uranium appauvri qui est ingéré ou inhalé va finir par être excrété dans l'urine. C'est le point final, tout va là. À ce moment, l'analyse peut déterminer s'il y a eu de l'uranium ou de l'uranium appauvri.
    Ces méthodes ont été utilisées par plusieurs pays, dont le Canada. Environ 5 000 soldats de tous les pays de l'OTAN, pas seulement du Canada, auraient subi ces tests d'urine. Les résultats ont démontré que seulement ceux qui avaient reçu des fragments d'obus d'uranium appauvri avaient de l'uranium appauvri dans l'urine. C'est important. Combien sont-ils? Ce sont majoritairement des Américains victimes de tirs fratricides. On a tiré accidentellement sur des véhicules blindés américains. Il y a eu des morts, évidemment, mais il y a quand même eu des survivants. Certains d'entre eux avaient des fragments d'uranium appauvri dans le corps qui ne pouvaient pas être enlevés à cause de leur localisation. Il était plus dangereux de les enlever que de les laisser là. C'est un autre élément important.
    Une autre méthode a été employée pour déterminer quelle sorte d'exposition il y aurait eu. Les Américains, les Français et les Britanniques ont fait des simulations de tirs réels. Ils ont tiré des obus identiques à ceux qui avaient été utilisés lors des conflits sur des véhicules identiques à ceux qui avaient été utilisés lors des conflits. Ils ont effectué des mesures pour les particules. Ensuite, on a eu recours à la modélisation pour arriver à déterminer le degré d'exposition qu'auraient pu subir des soldats. C'est une reconstruction de la situation.
    Pour simplifier les choses et pour normaliser un peu le tout, trois niveaux ont été établis, à la suite d'une entente entre tous les pays: les niveaux 1, 2 et 3. Le niveau 1 est le plus élevé. On parle donc des soldats qui ont subi des tirs fratricides. Au troisième niveau, on retrouve ceux qui auraient pu être exposés de façon temporaire à des niveaux beaucoup moins élevés. Comme je le mentionnais plus tôt, il s'agit de la cohorte de soldats à Doha. L’un d’eux aurait pu respirer des particules qui auraient été libérées dans l'air après l’incendie.
    Je vais maintenant parler des effets. Il y a deux effets radioactifs.

[Traduction]

    Je passe maintenant à l'anglais. Je vous demande pardon, mais je ne sais pas avec précision quand changer de langue.
    La seconde partie de mes commentaires porte sur les effets de l'exposition à l'uranium. Il y en a de deux types. Le premier est radiologique. Il s'agit essentiellement de l'apparition du cancer du poumon et du lymphome dans les ganglions lymphatiques voisins à la suite d'une exposition à l'uranium. Le type d'exposition le plus dangereux est l'inhalation, donc le fait de respirer des particules d'uranium. L'autre effet est la toxicité, qui touche directement les reins. Il ne s'agit pas là d'un effet radiologique mais chimique.
    Si vous comparez les effets de l'uranium et de l'uranium appauvri, leurs effets toxiques sont les mêmes, mais pas leurs effets radiologiques car l'uranium appauvri est 40 p. 100 moins radioactif que l'uranium.
    Je dois vous prévenir tout de suite que je vais passer de l'uranium à l'uranium appauvri, mais que la plupart de mes remarques porteront sur l'uranium, parce que c'est un sujet que nous étudions depuis longtemps, depuis les années 1940, alors que l'uranium appauvri n'est apparu qu'assez récemment. Il a été utilisé pour la première fois en 1991, lors de la guerre du Golfe, et uniquement lors des combats. C'est à lui que nous nous intéressons.
    On peut donc dire qu'il y a eu des cas dans lesquels il a été prouvé très clairement que l'uranium a des effets négatifs sur le corps. Des personnes ont voulu se suicider en avalant des quantités importantes d'uranium. Ce n'étaient pas des militaires mais des précurseurs de l'atome. Comme les modèles animaux permettaient de le prévoir très clairement, ces gens ont eu de graves problèmes reinaux, mais ils n'en sont pas décédés. On a aussi relevé quelques accidents touchant des travailleurs du secteur du traitement de l'uranium, exposés eux aussi à d'importantes quantités de ce minerai. Eux aussi ont subi des dommages aux reins qui, soi-dit en passant, se sont avérés réversibles. Ils n'en sont pas morts.
    Je crois vous avoir déjà parlé des travailleurs, mais je n'en suis pas sûr. On procède à l'extraction de l'uranium pour produire de l'énergie nucléaire. Il y a donc des mineurs qui ont été exposés à des particules d'uranium, ou à des particules chargées en uranium, si vous préférez. On a cru pendant de nombreuses années que celles-ci causaient le cancer. Incidemment, ces travailleurs ont eu des cancers. Les mineurs ont eu des cancers. Ils se sont alors dit « Bingo. Nous avons la réponse, c'est l'uranium appauvri — je m'excuse, je me trompe et je veux parler ici d'uranium tout court. » D'autres d'études ont alors été réalisées, qui ont montré très clairement et de façon convaincante que l'uranium n'était pas la cause de ces cancers. En vérité, ils étaient causés par le radon, qui est beaucoup plus radioactif que l'uranium.
    Outre les mineurs, d'autres travailleurs ont oeuvré aux diverses étapes de la transformation. Ils ont broyé le minerai, l'ont transporté d'un endroit à l'autre et ont produit divers oxydes pour parvenir à obtenir de l'uranium enrichi utilisé dans les centrales nucléaires et pour fabriquer des armes. Que s'est-il passé dans leur cas? Ils ont fait, pendant des années, l'objet d'études très poussées. Ils ont été exposés à l'uranium. Je vous rappelle ici que l'uranium a les mêmes effets toxicologiques que l'uranium appauvri, mais qu'il est plus radioactif. Dans quantité d'endroits, des gens ont donc été exposés à de l'uranium pendant de nombreuses années et ont fait l'objet d'études très poussées. On peut dire que, dans l'ensemble, on n'a pas trouvé de preuves convaincantes ni solides dans un sens ou dans un autre sur les effets de cette exposition... alors que ces gens ont été sans l'ombre d'un doute exposés à ces minerais et à ces oxydes, qui sont comparables à ceux que l'on retrouve dans les armes, et ils n'ont pas développé de cancers ou d'autres problèmes connexes.
    On s'attendait à ce qu'ils le fassent. C'eut été logique. Un tel résultat aurait été plausible du point de vue biologique, mais aucune des 28 études épidémiologiques réalisées n'a conclu de façon probante que l'uranium était en cause dans tous les incidents relevés. Il y a des cas où le lien de cause à effet semblait évident alors qu'il ne l'était pas dans d'autres. C'est pourquoi je peux vous dire que ces études n'ont pas fourni de preuves convaincantes. Certaines études ont démontré que les reins des personnes exposées de façon prolongée à l'uranium avaient subi certains effets à long terme, mais ces effets étaient bénins. Elles n'ont pas été victimes de défaillance rénale ou de maladie rénale grave.
(0900)

[Français]

    Environ six ou sept études d'envergure sur la mortalité et l'incidence du cancer précisément sur les cohortes de militaires dans leur pays ont été réalisées par des pays de l'OTAN. Ces études n'ont pas non plus démontré qu'il y avait une augmentation de l'incidence du cancer ou de la mortalité attribuable au cancer.
(0905)

[Traduction]

    Le Programme des Nations Unies pour l'environnement, le PNUE, a déployé des équipes dans les Balkans. Celles-ci devaient démontrer si les populations de la région étaient exposées ou non à des risques résiduels parce que des armes à l'uranium appauvri avaient été utilisées dans cette région. Des avions avaient lâché des bombes de petit calibre et certaines d'entre elles n'avaient pas explosé. Il y en avait encore d'enterrées dans le sol. On s'interrogeait sur les risques que cela présentait pour les populations civiles.
     Ces équipes du PNUE ont réalisé des études dans trois États différents des Balkans. Elles ont conclu que, dans l'ensemble, cette situation ne présentait pas de risques appréciables. Ce sont les enfants qui étaient exposés aux risques les plus importants, en particulier ceux qui avaient joué autour des réservoirs qui avaient été touchés par des projectiles à noyau d'uranium appauvri pendant environ 500 heures. Ceux-ci étaient exposés à un faible risque de cancer du poumon pendant toute leur vie. Il s'agissait d'un faible pourcentage. Ces équipes ont dit que les risques étaient extrêmement faibles. C'est l'évaluation qu'elles ont faite de la situation.
    La raison pour laquelle j'insiste sur l'importance de ces études du PNUE est que les soldats canadiens qui se trouvaient dans les Balkans ne se sont pas fait tirer dessus. S'ils n'ont pas été touchés par des tirs amis, comment auraient-ils pu être exposés à de l'uranium appauvri? Personne ne le sait avec certitude, mais ils auraient pu se déplacer dans les alentours et entrer dans certains bâtiments qui avaient été touchés et être ainsi exposés. C'est un type de situation qui a précisément été abordé par ces études, non pas en pensant aux soldats canadiens mais à la population. C'est la conclusion à laquelle ces études sont parvenues.
    Il y a également eu le groupe de Baltimore qui s'est penché sur le cas des Américains qui avaient été l'objet de tirs. Ces soldats américains ont fait l'objet d'un suivi intensif pendant de nombreuses années. Aucun d'entre eux n'a subi aucune forme d'effets néfastes sur sa santé.
    Des organismes très respectés comme l'Institute of Medicine, la Royal Society britannique, le National Research Council, ont réalisé des études importantes sur l'uranium appauvri. Je vous résumerai leurs conclusions en disant qu'elles prédisaient l'atteinte du niveau 3, soit le niveau le plus faible, celui auquel les Canadiens auraient été exposés au camp Doha. Le risque additionnel d'apparition d'un cancer du poumon au cours de toute la vie était inférieur à un sur 100 000. Il était inférieur à un, autrement dit négligeable. Santé Canada dit que, à ce niveau, c'est un effet négligeable.
    Il y a un autre point que je veux mentionner sur l'exposition à l'uranium appauvri et sur ses effets.

[Français]

    Je vais continuer en français. J'essaie d'utiliser le français et l'anglais de façon équitable, mais dites-le-moi, monsieur le président, si ce n'est pas le cas.
    En ce moment précis, parmi toutes les personnes qui subissent des interventions médicales, quelqu'un dans un hôpital de l'Ontario ou du Québec subit une angiographie en vue d'une angioplastie, et cela libère des particules ionisantes. Il y a donc un risque d'exposition radiologique interne. Ce phénomène a été étudié. Récemment, un article du journal de l'Association médicale canadienne s'est penché sur le sujet. Selon les conclusions tirées dans cet article, lorsqu'un civil subit une angiographie, le niveau de radiation est de 15 millisieverts, ce qui est 15 fois plus que ce qu'a reçu un soldat à Doha, et pourtant le risque est nul pour le patient.
    Tout ça pour dire qu'il n'y a pas vraiment de... Je cherche le mot. Je vais le dire en anglais.
(0910)

[Traduction]

    Il n'y a pas de preuve manifeste d'effets néfastes sur la santé.

[Français]

    Il n'y a pas de preuve — c'est le mot que je cherchais. Il n'y a aucune preuve convaincante d'effets néfastes sur la santé, selon ces études.

[Traduction]

    Docteur Morisset, je vous remercie beaucoup de cet exposé.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Nous commençons par ce côté et alternons ensuite entre les partis.
    Nous allons commencer avec M. Chicoine, qui dispose de cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Morisset, je vous remercie beaucoup de cette présentation. Vous avez exposé brièvement les conclusions de l'étude qui indique qu'il y a peu de probabilités que les soldats canadiens aient été exposés à l'uranium appauvri.
     Lors de vos études, on a reconnu que les soldats canadiens avaient des problèmes de santé. Selon vous et selon l'étude, il n'y a pas de probabilités que les causes soient liées à l'uranium appauvri. Par contre, avez-vous trouvé des études qui colligeaient les symptômes observés chez les soldats? A-t-on déjà commencé à examiner certaines pistes qui nous indiqueraient les causes de leurs problèmes de santé?
    Sauf erreur, vous me demandez quels sont les problèmes de façon générale.
    De façon générale, les soldats qui ont été déployés dans n'importe quel territoire...
    Je parle de n'importe quel territoire que vous avez ciblé.
    Dans n'importe quel...
    Pendant plusieurs années, on a soupçonné que l'exposition à l'uranium appauvri était une cause probable des problèmes de santé...
    Oui, c'est possible.
    ... lors des guerres dans les Balkans et des suivantes. Pendant plusieurs années, à la suite des études qui ont été faites, on a pensé que c'était dû à l'exposition à l'uranium appauvri. Vous en avez fait un résumé. Y a-t-il des études qui disent que les causes pourraient être autres? A-t-on commencé à évaluer les soldats et quelles seraient les causes de leurs problèmes de santé?
    C'est une question générale. Je vais essayer de répondre de façon assez générale, mais aussi précise que possible.
    Dès l'année 1991, lors de la guerre du Golfe, un ensemble de problèmes avait été nommé « syndrome de la guerre du Golfe ». Ce syndrome comportait plusieurs symptômes non subjectifs que l'on retrouvait chez les soldats déployés pendant la guerre du Golfe. Il y avait toutes sortes de symptômes, comme la fatigue, des maux de tête, etc. On a beaucoup enquêté et il y avait plusieurs possibilités, que ce soit l'exposition à la fumée des puits de pétrole qui brûlaient — on parle de la première guerre du Golfe —, des pesticides ou des vaccins. La liste était très longue. L'uranium appauvri faisait partie des 15 à 20 causes. Cela a été étudié de très près et les causes ont toutes été écartées une par une. Ces études ont été faites et elles n'ont pas établi de lien entre les symptômes et les différentes possibilités d'exposition.
    Chaque possibilité a été étudiée isolément, mais l'ensemble de ces facteurs pourrait-il être la cause? Les vaccins, les pesticides et l'uranium appauvri auraient tous un petit effet et, mis ensemble, ces effets pourraient être la cause des problèmes de santé des soldats. On a de la difficulté à définir cela.
    Oui, mais si aucun d'eux n'en est la cause, il est difficile de concevoir qu'un petit morceau de celui-ci et un petit morceau de celui-là réunis comme un chapelet...
    Vous avez fait appel à des anciens combattants qui voulaient participer à l'étude, et quelques-uns vous ont répondu. Pouvez-vous expliquer pourquoi on ne retrouve pas le témoignage ou l'expérience de ces soldats dans l'étude? Pourquoi ne les avez-vous pas pris en considération? On ne trouve pas cela dans votre conclusion. Pouvez-vous expliquez cela?
(0915)
    Cela a clairement été pris en considération. Je dois vous corriger là-dessus. Si nous avions inclus tous les témoignages de tous les experts, le rapport aurait été énorme. Nous ne prétendions pas qu'il allait rivaliser avec les grosses études américaines ou britanniques. Nous voulions qu'il soit assez simple, abordable et compréhensible par les anciens combattants. En effet, c'est pour eux que ce rapport a été fait. C'est du moins la façon dont nous voyons les choses.
    Pour ce qui est de leurs témoignages, nous allons les examiner, c'est certain. Nous nous sommes penchés sur tout ce qu'ils nous ont présenté et nous avons corrigé notre tir. Le plus souvent, nous sommes retournés à nos dossiers et avons approfondi de nouveau notre enquête sur ces aspects.
    C'est très bien.
    Est-ce qu'il me reste un peu de temps?

[Traduction]

    Non, c'est ainsi. Je m'en excuse.
     Monsieur Ben Lobb, vous disposez de cinq minutes pour interroger le témoin.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Morisset, estimez-vous que l'étude que vous avez réalisée avec les autres membres de votre comité a vraiment analysé les faits de façon indépendante? Il n'y a dans celle-ci aucun parti pris. Elle fait simplement état des faits. Votre rapport nous présente objectivement les faits et les conclusions qui en découlent. Pensez-vous pouvoir qualifier votre étude d'indépendante?
    La notion d'indépendance ne prête pas à confusion et nous tenions certainement à ce qu'elle soit indépendante, parce que si elle ne l'était pas, nos réputations individuelles seraient en jeu.
    D'accord. Donc, si...
    Mais pour répondre, je sais fort bien de quoi vous me parlez. Ce fut notre principe directeur. Les scientifiques que nous sommes voulions, bien évidemment, être indépendants et objectifs, tout à fait objectifs.
    Donc si une information que vous avez recueillie s'est révélée bonne, ou mauvaise, ou ne permet pas de tirer de conclusion, votre rapport en fait état.
    Nous avions des critères scientifiques. Notre étude a été indépendante de toute pression extérieure, si c'est bien ce à quoi vous pensez.
    Oui.
    Je vous dis alors que nous n'avons subi aucune pression extérieure et j'insiste sur ce point.
    Vous nous avez dit dans vos commentaires préliminaires qu'il n'existe pas d'appareils de mesure que les militaires pourraient intégrer à leur équipement. Des fabricants travaillent-ils actuellement à la mise au point de tels appareils? Est-ce une priorité? Du travail de R-D se fait-il actuellement dans ce domaine?
    Je me suis posé moi-même cette question et puisque vous me la posez, c'est donc que c'était une bonne question.
    D'accord, cela me plaît.
    Je n'ai connaissance d'aucun projet de cette nature, mais c'est un sujet qui mériterait certainement de faire l'objet de recherches parce que nous nous trouverions dans une situation complètement différente si nous avions une possibilité de mesurer l'exposition, non seulement à l'uranium appauvri, mais également à l'arsenic, au nickel, au cadmium ou à tout autre produit auquel les soldats pourraient être exposés, qui ne se trouve pas nécessairement dans l'environnement quotidien. Nos soldats ne disposent que de petits détecteurs personnels de radiations extérieures en cas de risque nucléaire. Il s'agit là de détecter les radiations extérieures de forte intensité, des rayons gamma, qui ne concernent pas l'uranium appauvri. Disposer de ce type d'équipement pour détecter la radiation de ce dernier aurait été beaucoup plus simple.
    C'est ce qui limite la précision de nombreuses études, dans tous les pays.
    Il se peut que M. Stoffer et moi proposions un mécanisme de ce genre cet été pour mesurer la présence d'uranium appauvri.
    Parfait. Si c'est le cas, vous allez devenir riche.
    D'accord. J'ai une autre question à vous poser.
    Pouvez-vous nous expliquer comment les militaires canadiens gèrent les armes à uranium appauvri? Procèdent-ils de façon différente des militaires américains ou de ceux de tout autre pays, et cela a-t-il changé au cours des 20 dernières années?
    Je me suis peut-être exprimé un peu trop rapidement, ou alors c'était en français, mais les Forces canadiennes n'ont pas d'armes à uranium appauvri. Elles en ont eu pendant une brève période à bord des navires de 1989, ou peut-être de 1990, jusqu'à 1998. Je me trompe peut-être d'une année au début ou à la fin, mais c'est la seule époque pendant laquelle elles ont eu de l'uranium appauvri.
    Donc, même dans une mission dirigée par l'OTAN, c'est une situation très improbable.
    Nous n'en avons jamais tiré. Le Canada n'a jamais tiré un projectile à noyau d'uranium appauvri dans une bataille.
    D'accord. Serait-il possible de savoir avec précision si les militaires canadiens n'ont jamais eu à en manutentionner dans le cadre d'une mission dirigée par l'OTAN?
(0920)
    Oh, ils ont certainement eu à en manutentionner. C'est certainement le cas puisqu'il s'agit en quelque sorte de cartouches. Ce sont des obus et ils sont entreposés, et il y en avait sur les navires.
    Afin que tout le monde comprenne, le simple fait de les toucher à mains nues ou quelque chose de ce genre ne va vous causer aucun effet particulier.
    Non. C'est exact.
    C'est précisément ce que je voulais savoir.
    Bien, je vous remercie de m'avoir permis de préciser les choses.
    L'exposition externe, et tout le monde en convient, est très faible, parce que les rayons qui sont dangereux sont les rayons alpha. C'est ceux qui sont produits par l'uranium appauvri. Ces rayons émettent ce qu'on appelle des particules alpha. Elles ne franchissent pas la barrière de la peau, et ne peuvent même pas passer à travers une feuille de papier.
    J'en viens maintenant à ma dernière question, s'il me reste assez de temps.
    Puisque certains de leurs militaires peuvent être exposés à ces munitions, que font actuellement les Américains pour essayer d'exercer un contrôle, de procéder à des mesures? Que font-ils pour essayer de renforcer les mesures de protection de leurs militaires?
    Je l'ignore, mais je crois que la solution raisonnable pour n'importe quelle force militaire, en l'absence de l'appareil sur lequel M. Stoffer et vous allez travailler et qui va vous rendre riches, la seule amélioration possible actuellement serait, dans une situation donnée avec des chances raisonnables d'exposition, disons à l'uranium appauvri ou à quelque chose d'autre, de prendre ces mesures, de réaliser des analyses d'urine dès que possible parce que plus vous attendez et moins vos résultats sont faibles. C'est la seule solution disponible.
    Quant à la technologie, j'ignore où en sont les Américains. Il est probable qu'ils y travaillent.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Casey, qui dispose de cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous souhaite à nouveau la bienvenue, docteur Morisset.
    En répondant à une question que vous a posée M. Chicoine, vous avez précisé que ce rapport est destiné aux anciens combattants. J'aimerais que vous nous disiez très clairement quel est le message envoyé aux anciens combattants et aux gens qui défendent leurs réclamations. Ce rapport signifie-t-il que vous proposez que toute réclamation présentée par n'importe quel ancien combattant prétendant avoir souffert d'une blessure ou d'une incapacité, ou demandant à bénéficier d'une pension, parce qu'il a été exposé à de l'uranium appauvri, soit rejetée?
    Je saisis parfaitement la portée de votre question, mais permettez-moi, avant de répondre, d'ajouter ceci.
    Il y a là deux aspects. Quand nous disons qu'il est destiné aux anciens combattants, ce n'est pas nécessairement dans le cadre de réclamations. Nous nous intéressons à leur santé. Si un ancien combattant est malade et estime que cela est imputable à de l'uranium appauvri, il est important pour lui d'obtenir le traitement qui convient parce que, sur la foi de notre enquête, il est peu probable d'un point de vue scientifique que cela puisse être attribué à de l'uranium appauvri. Nous ne disons pas que c'est impossible. Nous avons choisi nos termes avec grand soin. C'est improbable. Nous ne disons pas que c'est totalement improbable. Nous n'utilisons aucun de ces termes, mais c'est improbable.
    Il se peut que, quelque part, il y ait des soldats qui aient été exposés à de l'uranium enrichi sans que nous le sachions, par exemple des personnes ayant participé à des opérations spéciales, qui se trouvaient avec les Américains dans un de ces... Je n'ai pas eu connaissance de tel cas. Notre comité ne peut rien dire à ce sujet. Il se peut qu'il y ait quelque part un ancien combattant qui ait été exposé à de l'uranium appauvri, mais il faudrait qu'il eût été exposé à des niveaux très élevés de radiation.
    Je dois vous redire que lorsque nous avons étudié les cas des militaires qui, à notre connaissance, avaient été les plus exposés, ces cas fratricides de tirs amis, et je m'excuse de prendre ici une formulation chère aux militaires, ces personnes n'éprouvent aucun problème.
    En ce qui concerne les décisions à rendre, ce rapport n'est pas un message destiné aux arbitres. Ils vont certainement l'étudier pour rafraîchir leurs connaissances scientifiques, mais il ne leur est pas destiné.
(0925)
    En procédant à votre étude, vous avez demandé l'apport des anciens combattants. Vous vous êtes adressés à eux par courriel. Six d'entre eux vous ont répondu par courriel et vous en avez entendu deux en personne. Est-ce exact?
    Vous évoquez là deux choses différentes. Il y a eu ce compte de courriel accessible à tous que nous avons ouvert sur lequel tout ancien combattant pouvait nous adresser ses remarques ou nous suggérer des lectures sur l'uranium appauvri. Cela devait couvrir tout notre sujet d'étude. De façon surprenante, nous n'avons pas reçu beaucoup de messages sur ce compte. En réalité, seulement six anciens combattants nous ont écrit. Nous avons reçu les premiers messages en février et cela n'a pas cessé ensuite, et je crois d'ailleurs que ce compte de courriel est encore ouvert. Les anciens combattants qui ont demandé à comparaître devant le comité ont tous été invités individuellement, en personne, sans qu'il leur en coûte rien. Nous leur avons également offert, s'ils le souhaitaient, d'être accompagnés d'un spécialiste de leur choix pour mieux nous expliquer leur point de vue. Nous leur avons précisé que nous serions ravis de les entendre sans qu'il leur en coûte rien. Deux sur trois ont répondu et ont comparu ainsi devant le comité.
    D'accord.
    À la page 24 de la version française de votre rapport, on lit au dernier paragraphe que votre examen « exclut les rapports de cas, les études transversales et les études cliniques menées auprès d'anciens combattants hospitalisés... ».
    Vous n'avez pas pris en compte les dossiers ou les études cliniques portant sur des anciens combattants hospitalisés.
    C'est exact.
    Poursuivez, posez votre question.
    N'auriez-vous pas pu recueillir des renseignements précieux auprès de ces sources?
    Je conviens que cela n'est pas très clair.
    C'est là un jargon d'épidémiologiste. Nous entendons par rapport de cas un rapport sur une personne en particulier. C'est ce que cela veut dire. Une personne pourrait dire « Eh bien, notre étude a porté sur un cas, et cette personne avait ceci et cela... », etc. En règle générale, on n'utilise pas ce type de rapport dans les études épidémiologiques.
    Au sujet des « patients hospitalisés », cela veut en vérité dire qu'en nous fiant uniquement aux diagnostics de l'hôpital, en appuyant notre rapport sur ces diagnostics de patients hospitalisés, comme nous n'aurions pas su s'ils avaient été ou non exposés à de l'uranium appauvri, s'ils pouvaient ou non l'avoir été, l'information aurait été incomplète et nos résultats l'auraient également été.
    C'est une façon de procéder assez courante en épidémiologie, mais cela ne veut pas dire...
    Je vous remercie.
    Je vous demande pardon, mais cela ne veut pas dire que les études étaient incomplètes.
    Je vous remercie, monsieur Morisset.
    Je donne maintenant la parole à M. Hayes qui dispose de cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Permettez-moi de revenir un peu en arrière, afin de permettre aux gens de bien comprendre les termes utilisés parce que je ne crois pas que nous en ayons traité. Le rapport le fait, mais je veux l'entendre de vous. Qu'est-ce exactement l'uranium appauvri, comment le produit-on, en termes très simples?
    J'ai évoqué plus tôt toute la question de l'exploitation minière de l'uranium. À la fin du processus, on obtient de l'uranium qui est suffisamment purifié pour être utilisé afin de fabriquer des armes nucléaires, mais l'essentiel de la production sert à l'énergie nucléaire. Dans ce processus, et je dois ici être un chouïa scientifique, l'uranium se présente en trois variantes différentes. Celles-ci sont distinguées par un numéro ajouté au nom. Il y a l'uranium 235, l'uranium 238 et un autre, mais je vais le laisser de côté. Ce sont des produits différents. Ce sont comme les membres d'une famille qui ont le même nom de famille, mais pas le même prénom et comme les membres d'une famille, ils sont différents. En quoi sont-ils différents? L'un d'eux, l'uranium 235, est celui qui est important pour la production d'énergie nucléaire. Il est fissile et peut donc être utilisé pour créer de l'énergie par une réaction en chaîne, et il est plus radioactif. Ce sont là pour l'essentiel les deux principales différences.
    L'uranium appauvri est le produit résiduel qui reste après que vous ayez séparé ces deux formes d'uranium. L'uranium appauvri qui reste alors est moins radioactif, n'est pas du tout fissile, et il est donc impossible de l'utiliser pour produire une forme quelconque d'énergie ou des armes.
(0930)
    Il est donc moins radioactif, mais c'est cette radioactivité qui préoccupe la santé des gens, c'est-à-dire cette radioactivité qui peut causer le cancer du poumon.
    Oui.
    L'uranium appauvri est donc moins radioactif et risque donc moins de causer le cancer du poumon.
    Afin de bien comprendre, j'aimerais savoir dans quel milieu de travail les populations civiles pourraient être exposées à l'uranium. Bien évidemment, c'est celui qui a le plus haut niveau de radioactivité. Dans quel milieu de travail civil pourrait-on en trouver?
    De l'uranium appauvri?
    Non, de l'uranium normal.
    L'uranium normal se trouve dans ces usines de transformation qu'on retrouve partout à travers le monde. C'est là que les gens ont le plus de risque d'y être exposés.
    Mais nous sommes tous exposés à l'uranium, en buvant de l'eau. C'est constant. Actuellement, je bois de l'uranium, mais à des niveaux qui ne sont pas dangereux.
    Pour en revenir aux populations civiles, les résultats de la recherche montrent-ils des effets néfastes sur les civils qui travaillent dans ces milieux?
    C'est exact.
    Non, c'est une question. Que nous apprend la recherche sur les effets néfastes sur les civils qui travaillent dans ces milieux? Pouvez-vous nous en parler un peu?
    Oui. Je croyais avoir traité de cette question, mais je n'ai peut-être pas été clair.
    De très nombreuses études ont été réalisées et elles ont été très complètes. Elles sont bien couvertes dans notre rapport et en constituent une bonne partie. Celle-ci est très technique et même ardue.
    Pour l'essentiel, certaines études montrent une corrélation, un effet. Si on prend par exemple un groupe de 3 000 travailleurs, et qu'on observe les résultats sur eux, on relève chez certains d'entre eux un taux plus élevé de cancer, de cancer du poumon. Dans quelle mesure ce taux est-il plus élevé? Est-il significatif en termes statistiques? Non. D'autres études ne montrent aucun effet. Pour l'essentiel, les études s'annulent les unes les autres.
    Lorsqu'on résume toutes ces études en termes mathématiques pour voir à quoi elles aboutissent, notre conclusion est la suivante. Je devrais la connaître par coeur, mais je préfère vous la lire. Nous parlons ici des populations auxquelles vous faites allusion, ces travailleurs. Je lis:
Les études menées dans des populations civiles plus vastes davantage exposées à l’uranium (travailleurs des secteurs de la production et du traitement de l’uranium) et suivies pendant de longues périodes n’apportent pas de preuves solides de l’existence d’effets néfastes pour la santé.
    C'est la conclusion à laquelle nous sommes parvenus dans ce rapport.
    Je vous remercie beaucoup, docteur Morisset.
    Je donne maintenant la parole à « madame Butterfly ». Je m'en excuse, mais il fallait que je le dise.
    Madame Papillon, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Docteur Morisset, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui.
    J'aimerais voir beaucoup plus souvent à ce comité des médecins qui nous renseignent sur l'état de santé de nos vétérans. À mon avis, les anciens combattants ne sont pas les seuls à s'inquiéter de leur santé. Tous les Canadiens et Canadiennes s'en préoccupent.
    Dans votre septième conclusion, vous dites ceci:
À la suite d’un déploiement ou d’un conflit armé, de nombreux anciens combattants présentent des symptômes persistants qui [...] peuvent causer beaucoup de souffrance et faire l’objet d’un traitement efficace.
    Cette conclusion est un peu différente des autres. Pourriez-vous m'éclairer à ce sujet?
    Vous voulez savoir pourquoi nous avons tiré cette conclusion?
    Voilà.
    Ça nous renvoie à une question qui a été posée au début par M. Chicoine, je crois. Il était question des symptômes, notamment. Quand le syndrome de la guerre du Golfe a été étudié, on a fait état d'un lien possible entre l'uranium appauvri et des symptômes chroniques. C'était le point de départ, c'étaient les premières études. Nous sommes donc retournés à ces études. Comme le lien avait été établi dès le début...
(0935)
    Je pense qu'il n'y a pas seulement le syndrome de la guerre du Golfe. Bien d'autres symptômes pourraient être établis.
    C'est la genèse. C'est là que les choses ont commencé et que le terme « Gulf War syndrome » a été créé. Maintenant, le terme officiel est « chronic multisystem illness ». Si on décortique cela, on peut dire que c'est une maladie chronique basée sur des symptômes.
    Selon vous, à titre de médecin, que faut-il faire? Vous parlez d'un traitement efficace pour réduire la souffrance ressentie par un ancien combattant.
    Les soldats qui souffrent de cette maladie multisymptomatique chronique pourraient s'adresser à un endroit qui leur prodiguerait ces soins.
    J'aimerais que l'on fasse un peu plus état du bénéfice du doute qui est attribué, notamment, à un ancien combattant. En votre qualité de médecin, lorsqu'un ancien combattant souffre d'une maladie qu'il n'arrive pas à expliquer parce qu'il n'y a probablement pas eu de rapport ou d'étude prouvant son existence, croyez-vous qu'il est normal qu'il ait à prouver sa maladie avec tous les rapports de santé, tous les papiers qu'il faut présenter au Tribunal des anciens combattants ou à toute autre instance? Le bénéfice du doute ne doit-il pas lui être attribué?
    Vous m'avez demandé ce que je pensais à titre de médecin. Je vais répondre comme médecin.
    Oui, c'est ce que je souhaite.
    Je ne veux pas m'aventurer dans l'arbitraire. Si un ancien combattant venait me consulter, comme médecin, et me parlait de ses problèmes, même s'il n'avait rien de précis, même si on faisait tous les tests possible et qu'il n'y avait rien, je trouverais une façon de traiter ses problèmes. Est-ce au patient de démontrer au médecin, hors de tout doute, qu'il a un problème? Non. Le rapport entre le médecin et le patient est dynamique; c'est un partage.
    Je suis heureuse que vous affirmiez aujourd'hui qu'il faut donner les soins appropriés à quelqu'un qui les réclame.
    Encore une fois, je vous pose une question à titre de médecin. Je crois qu'il manque toujours des spécialistes pour partager avec nous leur expertise.
    Pourrait-on améliorer la situation dans les Forces canadiennes dès la prise en charge d'une recrue qui s'engage? Peut-on s'assurer que des tests de santé sont effectués dès le début et tout au long de son engagement? On pourrait peut-être même assurer un suivi pour être en mesure d'obtenir les preuves dont on parlait. On pourrait alors dire que sa santé a été compromise durant son service, lorsqu'il était sous la responsabilité des Forces canadiennes, puisqu'on peut constater qu'il éprouve des problèmes.
    Ne peut-on pas améliorer la situation dans ce sens?
    Il y a toujours moyen d'améliorer la santé. On le constate par les budgets toujours croissants dans le domaine de la santé.
    Les Forces canadiennes ont un bon système, meilleur, je dois le souligner, que le système civil sur le plan du suivi des patients. C'est beaucoup mieux documenté. Cela peut-il être amélioré? C'est probablement le cas.
    J'attends vos suggestions.
    Il n'est pas parfait, mais je souligne qu'il est quand même très bon.
    Justement, comme vous connaissez le milieu des forces armées, pensez-vous que le système peut être amélioré dès le début?

[Traduction]

    Madame Papillon, j'en suis navré, mais vous avez épuisé votre temps de parole. Je vous remercie.
    La parole est maintenant à M. Lizon.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous souhaite à nouveau la bienvenue, docteur Morisset.
    À nouveau.
    J'aimerais commencer par une question concernant votre septième conclusion. Elle figure à la page 3 du sommaire. Je peux vous lire le texte en question:
À la suite d'un déploiement ou d'un conflit armé, de nombreux anciens combattants présentent des symptômes persistants qui, bien qu'ils ne soient pas associés à l'exposition à une substance en particulier, tel l'uranium appauvri, peuvent causer beaucoup de souffrance et faire l'objet d'un traitement efficace.
    Seriez-vous d'accord pour dire que les symptômes peuvent être bien réels, mais qu'il est impossible de faire un lien avec l'exposition à l'uranium appauvri?
(0940)
    C'est précisément ce que nous disons, qu'il n'y a pas de lien. La preuve d'un lien n'a pas été faite, mais les symptômes existent. Les symptômes sont bien présents. Nous ne pouvons pas le nier, ils sont là. La preuve en a été faite très clairement, pas juste avec les soldats canadiens, mais avec ceux de nombreuses autres troupes. Pour l'essentiel, au sein des troupes déployées par les pays membres de l'OTAN, un certain nombre de soldats sont revenus et n'étaient plus les mêmes, mais aucun symptôme n'était apparent. Ce n'est pas une question physique. Cela ne se voit pas dans une analyse de sang. Cela ne se voit pas non plus sur un rayon X. On ne trouve rien d'évident. C'est un symptôme. Les gens sont mal dans leur peau. Ils ne peuvent pas dormir. Ils ne se sentent pas bien. Il y a toute une gamme de symptômes.
    Certains symptômes sont mieux définis dans ce cadre général. Par exemple, l'état de stress post-traumatique, l'ESPT, est plus facile à définir. Des critères de diagnostic ont été fixés. Ils ne sont pas liés à l'uranium appauvri. La preuve d'un tel lien n'a jamais été faite. Il n'y a pas d'analyse qu'on puisse faire. Les analyses de sang ou d'urine ne donnent pas de résultat, mais il y a un traitement. Ce n'est pas un traitement simple. Une pilule ne suffit pas. C'est une combinaison de traitements différents et il est possible de parvenir à guérir la personne.
    J'aimerais maintenant en venir au sujet suivant que je voulais aborder avec vous, soit à votre conclusion essentielle dans le rapport voulant que les anciens combattants canadiens n'aient jamais été exposés au risque combiné, à la proximité à l'uranium appauvri, d'une façon qui pourrait avoir eu des effets néfastes sur leur santé.
    Vous inventez cette conclusion, parce que ce n'est pas ce que nous disons.
    Non, je pose la question.
    Oh, je vois. Alors quelle est votre question?
    S'agit-il...
    ... où est-ce ce que nous croyons?
    Oui.
    Eh bien, nous ne l'aurions pas écrit si nous ne l'avions pas cru. Mais je ne suis pas sûr de la nature précise de votre question. S'agit-il de savoir dans quelle mesure nous sommes convaincus de cette conclusion?
    Je veux savoir si vous estimez qu'il pourrait y avoir des effets néfastes sur la santé liés à l'exposition à l'uranium appauvri.
    Il pourrait y en avoir en théorie parce que, comme je l'ai dit précédemment, l'uranium appauvri présente le même risque toxicologique que l'uranium, mais il faudrait une exposition très élevée. Comme je vous l'ai expliqué, la seule preuve manifeste que nous ayons d'un effet très marqué sur les reins a été avec ces accidents et ces tentatives de suicide à l'uranium. C'est donc très certainement possible. La preuve en a été faite. Le risque radiologique est théorique. Il est plausible, mais il n'a pas été prouvé.
    Non, mais ce à quoi je voulais en venir et vous l'avez indiqué précédemment dans vos commentaires, est qu'à partir de ce que vous savez de l'exposition des troupes canadiennes, disons en Bosnie, la santé de leurs membres ne devrait pas avoir été affectée...
    C'est exact. Les taux d'exposition que ces soldats auraient pu subir auraient été trop faibles pour produire n'importe lequel de ces effets.
    D'accord.
    Monsieur le président, me reste-t-il un peu de temps?
    Alors, j'aimerais poser une question concernant l'appareil qui...
    Dr Pierre Morisset: Vous voudriez y travailler, n'est-ce pas?
    M. Wladyslaw Lizon: ... mon collègue va le faire.
    Il existe, bien sûr, un appareil pour mesurer les radiations. On peut les détecter avec un compteur Geiger. Mais si vous vouliez essayer de mesurer les niveaux d'exposition de nos soldats, d'un point de vue médical, quel type d'examen feriez-vous? Serait-ce des analyses de sang, d'urine, de salive, de cheveux? Sur quoi porteraient vos analyses?
    La meilleure solution serait de prélever un échantillon d'air au fond des poumons. C'est ce qui permettrait d'obtenir la mesure la plus précise parce que tout l'air que vous inhalez ne va pas dans les poumons. Une partie se retrouve dans les expectorations et va dans l'intestin où il n'a aucun effet. Pour obtenir un résultat très précis, il faudrait insérer une petite sonde allant dans les poumons jusqu'au niveau de l'alvéole. Ce serait la meilleure façon de procéder à la mesure.
(0945)
    D'accord, mais qu'en est-il si vous mangez des aliments contaminés?
    Monsieur Lizon, je suis convaincu que vous ne voulez pas prendre le temps de votre collègue.
    Je crois qu'il pourrait être nerveux à l'idée de manger de tels aliments, mais je peux apaiser ses craintes d'être intoxiqué par l'uranium qui se trouve dans l'alimentation. Sachez qu'il y en a effectivement — on peut le détecter dans le sang — mais pas à des concentrations très élevées, ce qui fait qu'il n'a pas de répercussion sur la santé.
    Je vous remercie, monsieur Lizon.
    Monsieur Zimmer, à vous.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci encore à tous d'être venus, en particulier à tous les anciens combattants qui se trouvent dans la pièce, et merci à vous également. Je vous remercie de ce que vous avez fait pour le service de notre pays. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Mes collègues de tous bords ont rappelé plus tôt que nous nous préoccupons de la santé de nos anciens combattants. Indépendamment de la cause, nous nous préoccupons toujours de leurs problèmes de santé. Cette étude a pour but d'affirmer que l'uranium n'est peut-être pas la cause de leurs problèmes, mais cela n'empêche que nous nous préoccupons toujours de leur santé.
    J'aimerais que vous me disiez si votre recherche cadre avec d'autres études qui ont été faites ailleurs dans le monde ou aux États-Unis. Vos résultats sont-ils conformes à ceux de ces autres études? Je sais que les conclusions 4 et 5 de votre sommaire traitent de cet aspect des choses. Il nous arrive de vous demander de répéter des choses évidentes, mais elles ne le sont pas pour les gens qui liront le résultat de nos délibérations dans notre rapport. C'est pourquoi j'aimerais que vous nous disiez si vos résultats sont conformes à ceux des autres études sur l'uranium appauvri.
    Les commentaires sur la cohérence avec d'autres études qui figurent dans la conclusion renvoyaient à des études plus importantes. Quand nous parlons d'études plus importantes, il s'agit de celles qui ont été faites par l'Institute of Medicine, le National Research Council des États-Unis et la Royal Society de Grande-Bretagne. Ce sont les trois études les plus importantes, celles qui font le plus autorité en la matière, les plus complètes.
    Il est bien évident que nous les avons lues. Nous avons lu également d'autres articles, dont certains ont aussi été pris en compte par les auteurs des autres études. Il faut savoir que ces études ont été réalisées en 2001, 2004 et 2008. Nous les avons examinées, tout comme les études faites ultérieurement, et nos conclusions concordent avec les leurs.
    Elles concordent.
    Oui. Mais cela ne veut pas dire avec toutes les études. Un millier d'études revues par des pairs portent sur l'uranium. Il y en a très peu qui portent sur l'uranium appauvri parce que c'est un produit beaucoup plus récent. En vérité, il y en a très peu. Ce sont essentiellement des études américaines.
    Les modèles dont j'ai parlé, ceux portant sur des tirs réels, se trouvaient dans de très bonnes études que nous avons examinées.
     Nous nous sommes aussi penchés sur une autre étude, très récente, faite en France. Elle a procédé pour l'essentiel de la même façon. Ses auteurs ont fait le tour de la question et ont analysé toutes les autres études faites sur leurs travailleurs, et elles sont parvenues à la même conclusion.
    D'accord.
    J'insiste sur ce point pour les gens qui ne vont pas lire l'intégralité du rapport, mais tout simplement entendre parler de ce que nous disons aujourd'hui. Il me semble, après l'avoir lu, que votre rapport traite en vérité de deux choses. Il parle de l'exposition à l'uranium appauvri et des effets de cette exposition. En conclusion, pour reformuler ce que vous nous avez déjà dit de nombreuses fois, même si les gens ont été exposés à de l'uranium appauvri, vos évaluations vous amènent à penser, et c'est ce que dit votre rapport, que cette exposition n'a pas causé d'effets néfastes sur la santé de nos anciens combattants. Est-ce exact?
    J'aurais une petite correction à faire: il peut y avoir eu des gens exposés à de l'uranium appauvri.
    Il peut y en avoir eu.
    Cela ne veut pas dire qu'il y en a eu. En vérité, d'après les scénarios que j'ai évoqués, il est improbable qu'il y ait eu des gens à subir des expositions importantes, s'il y en a eu, et je répète, s'il y en a eu.
    S'il y avait même eu une faible probabilité d'exposition, la probabilité que celle-ci cause des effets néfastes sur la santé est...
    Nous disons que le niveau auquel ils auraient pu être exposés, étant donné la probabilité...
(0950)
    Oui, c'est une présomption.
    Oui, une présomption.
    Les effets... D'accord, ils sont liés, et je l'ai indiqué. Le niveau auquel ces personnes pourraient avoir été exposées n'aurait pas induit des effets néfastes sur la santé. C'est ce que nous disons.
    D'accord.
    Une fois encore, juste pour reprendre le point d'où je suis parti, si c'est là une des raisons nous permettant de l'éliminer de la liste, c'est à quoi cela sert au bout du compte. Cela ne veut pas dire que ces anciens combattants n'ont pas de problèmes de santé et nous devons nous en occuper, mais au moins cette cause est éliminée et nous pouvons poursuivre et chercher d'autres explications à leurs problèmes.
    Vous avez tout à fait raison, et tant et aussi longtemps qu'un ancien combattant aura ces symptômes et estimera que c'en est la cause, vous ne serez jamais en mesure de traiter cette personne comme il convient. C'est ce que vous dites pour l'essentiel.
    Je vous remercie beaucoup de votre présence aujourd'hui parmi nous.
    Merci, monsieur Zimmer.
    Cela met fin à notre première série de questions et nous allons passer à la seconde, avec des périodes de quatre minutes. C'est Mme Mathyssen qui va prendre la parole en premier.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Encore merci, docteur Morisset. J'ai un certain nombre de questions à vous poser et je vais m'efforcer d'être brève.
    Nous avons beaucoup parlé de la croyance d'un lien entre l'uranium appauvri et le cancer, mais il me semble que les effets les plus graves dont nous devrions nous préoccuper sont ceux qui sont liés aux symptômes chroniques parce qu'ils sont très réels. Vous avez dit qu'il est très difficile d'isoler une cause quand on examine ces symptômes, cette réalité à laquelle sont confrontés les anciens membres des Forces canadiennes.
    Dans quelle mesure le traitement qu'ils doivent suivre est-il pris en charge par le ministère de la Défense? Je pose cette question parce que vous nous avez dit que le système de santé des Forces canadiennes est meilleur que le système dont bénéficient les civils. Même s'ils prennent leur retraite et quittent le service, est-ce du personnel des Forces canadiennes qui va continuer à s'occuper d'eux?
    Le Canada ne s'est pas doté du même système que les États-Unis avec leur vaste réseau d'hôpitaux pour anciens combattants, essentiellement des centres de traitement, etc. Lorsqu'un soldat quitte les Forces canadiennes et est officiellement reconnu comme un ancien combattant, ses problèmes de santé sont pris en charge par le secteur civil de la santé. Nos anciens combattants n'ont pas accès au même type de système complet de soins de la santé qu'aux États-Unis.
    Donc, si les symptômes persistent, l'ancien combattant ne pourra pas suivre de soins à long terme dans une installation pour anciens combattants. Cette personne ne relève plus de services dédiés aux anciens combattants.
    Je sais qu'il y a certaines installations, mais je ne sais pas précisément ce qu'elles offrent. Ce que je sais est que ces gens n'ont plus accès au système de soins de santé des Forces canadiennes. Ils doivent donc recourir aux services de médecins civils.
    Vous dites dans votre rapport qu'il faut que les médecins soient mieux formés à ce type de cas. Je me préoccupe de ces anciens combattants parce que pour eux ces maux de tête, cette fatigue et les perturbations du sommeil sont très réels. Je me demande si nous ne nous trompons pas ici de but et si nous ne devrions pas revoir la façon dont nous traitons nos anciens combattants et veiller à leur manifester notre respect pour les services qu'ils ont rendus à notre pays en leur offrant les traitements dont ils ont besoin, y compris lorsqu'ils ont pris leur retraite.
    Le médecin que je suis vous dira qu'il est tout à fait d'accord avec vous. Le Canada dispose d'un bon système de soins de la santé. Nous le disons tous et nous nous en félicitons. Mais je crois que l'une des failles de ce système concerne les anciens combattants qui ont des problèmes, qui leurs sont propres. Il faut que j'apporte ici une correction parce que certains de ces symptômes, de ces maladies, comme l'ESPT et d'autres, ne sont pas propres aux militaires. On le trouve aussi chez les civils, mais une population civile ne connaît pas nécessairement les réalités de la vie que les soldats peuvent avoir menée. Le soldat était habitué à un système de soins de la santé qui prenait soin de lui, mais lorsqu'il quitte les Forces et devient un ancien combattant dans le monde civil, les choses ne sont plus les mêmes. Votre question vise à savoir s'il serait possible d'apporter des améliorations au système et la réponse est probablement oui.
(0955)
    J'en suis consciente.
    Je vous remercie, madame Mathyssen.
    Merci monsieur.
    La parole est maintenant à M. O'Toole, qui dispose de quatre minutes.
    Je vous remercie monsieur le président et merci à vous, docteur Morisset.
    Lorsque vous êtes le dernier à intervenir, nombre de vos collègues ont déjà abordé certaines des questions dont vous vouliez traiter. Comme l'a dit M. Zimmer, je trouve ce rapport utile parce qu'il scinde la question en deux volets. L'un d'eux est de savoir s'il est possible que des membres des Forces canadiennes aient été exposés à de l'uranium appauvri. Le second est de savoir quelles sont, en règle générale, les répercussions d'une telle exposition.
    J'ai des questions sur les deux volets. Dans le cas de l'incendie du camp Doha, vous indiquez à la page 13 de votre rapport que vous vous êtes penché sur les modalités de lutte contre l'incendie et sur les effets du panache de fumée. Après avoir étudié l'ensemble des effets possibles sur les groupes d'intervenants, vous concluez qu'il était improbable que des soldats aient été exposés à un niveau pouvant avoir des répercussions sur leur santé. Est-ce bien exact?
    Oui.
    L'incendie du camp Doha a fait l'objet d'une enquête très sérieuse des Américains. Il s'agissait de leur incendie et de leurs armes à uranium appauvri et ils avaient beaucoup plus de troupes sur place. Ils ont procédé à une analyse très détaillée. J'ai lu leur rapport trois ou quatre fois. En tenant compte de leurs expériences des tirs réels et de toutes les études précédentes, les études sur l'aérosolisation comme ils les appellent, qui analysent comment l'uranium appauvri forme de petites particules qui se retrouvent dans l'air... Ceci est une étude d'aérosolisation. Cela a servi de base à leur enquête et ce sont eux qui ont conclu que le niveau d'exposition des soldats canadiens était de x. Cela ne concernait pas uniquement les soldats canadiens, mais toutes les personnes qui avaient pu se trouver sous le vent de ce panache de fumée. Pour situer les choses, ce niveau était inférieur à un millisievert.
    Un millisievert est un niveau qui est considéré comme absolument sécuritaire et tolérable par l'ensemble de la population mondiale. C'est le niveau défini par l'Organisation mondiale de la Santé, la CIPR et toutes ces organisations qui n'ont rien d'autre à faire que de fixer les bons niveaux de radioactivité dans le domaine de la santé des populations. Le résultat était donc inférieur à un.
    Je vous remercie.
    C'est sur cette base que nous disons que le niveau atteint a été de trois. Il est probable que certains soldats canadiens aient été exposés à des particules d'uranium appauvri. Il y a eu un incendie, qui a produit des particules qui ont obligatoirement été emportées par le vent. Les personnes présentes peuvent donc avoir été exposées à ces particules.
    Je suis bien conscient du temps. Il ne fait aucun doute, comme plusieurs de mes collègues membres de ce comité l'ont mentionné, que nous avons des anciens combattants qui ont servi notre pays avec distinction mais qui, comme l'a rappelé Mme Papillon, ont des symptômes persistants. Beaucoup ont des maladies idiopathiques, des maladies auxquelles, pour l'essentiel, on ne peut attribuer de cause précise. MM. Casey et Zimmer ont laissé entendre que ce rapport nous autorise à nous pencher dans de nouvelles directions sur les causes possibles de ces symptômes.
    Êtes-vous d'avis qu'il est possible de conclure de cette étude que, étant donné le caractère improbable des expositions, et celui tout aussi improbable de la présence d'uranium appauvri à proximité de nos soldats, nous devrions étudier d'autres causes possibles à certaines de ces maladies idiopathiques?
    Vous devriez très certainement laisser de côté l'exposition à l'uranium appauvri.
    Je vais vous répondre comme un médecin. Si un patient était venu me voir avec des symptômes que nous caractérisons comme multiples et chroniques, etc., et me disait « Docteur, je suis convaincu que c'est la faute de l'uranium appauvri », et que j'ai lu ce rapport et sache ce que je sais maintenant, je serais tenu de dire à ce soldat « Ce n'est pas ça. Voyons quelles autres causes sont possibles. Peut-être n'allons-nous pas en trouver, mais envisageons une forme de traitement qui vous aidera. Le résultat n'est pas garanti, mais dans votre situation, c'est votre meilleure chance d'amélioration. » C'est là toute la question des diverses modalités de traitement pour les maladies chroniques à symptômes multiples. C'est une question qui a été examinée très récemment.
    J'ai indiqué récemment que l'Institute of Medicine des États-Unis venait tout juste de publier un rapport majeur, et je me permets de vous suggérer de le lire, au moins son résumé. Pour l'essentiel, il affirme noir sur blanc que oui, ces soldats ont effectivement ces symptômes, et qu'il s'agit d'une entité reconnaissable, mais non, nous n'en connaissons pas la cause, et peut-être ne la connaîtrons-nous jamais même si nous l'étudions jusqu'à notre mort. C'est pour l'essentiel ce que dit ce rapport.
    On y lit également qu'on peut recourir à divers traitements qui ont une chance d'aider ces soldats. À mes yeux, c'est ce que nous devrions faire: fournir les traitements qui conviennent à nos anciens combattants. C'est aussi simple que cela.
(1000)
    Je vous remercie, docteur Morisset.
    Pour la dernière série de questions, nous allons maintenant entendre M. Chicoine qui dispose de quatre minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'ai une ou deux questions à poser. Par la suite, s'il me reste du temps, je vais le partager avec Mme Papillon.
    J'ai une question qui porte sur la technologie, en réponse à M. Lobb. Je crois que vous avez mentionné un peu plus tôt que rien ne permettait de mesurer le degré d'exposition à l'uranium appauvri ou de radiation.
    Je dois vous interrompre. Vous voudrez peut-être reformuler votre question.
    Il n'est pas possible pour un individu de dire qu'à ce moment précis et à cet endroit précis, il a été exposé à une quantité précise d'uranium appauvri ou de cadmium.
    Connaissez-vous le DT-60/PD?
    Je connais cela.
    Que mesure-t-il ou à quoi sert-il?
    Cela mesure les radiations externes. On utilisait cela quand on se préparait à la guerre nucléaire, pour mesurer les radiations externes. Il y avait d'importantes doses de radiations à la suite d'explosions de bombes.
    Est-il possible qu'un soldat qui portait le DT-60/PD ait pu lire exactement le degré de radiation auquel il était exposé?
    Il ne s'agit pas de la même sorte de radiation.
    Mais, certains soldats pouvaient lire...
    On ne pourrait pas en tirer de conclusion.
    Avez-vous eu accès aux données des DT-60/PD ou est-ce qu'elles n'auraient pas été...
    Elles n'auraient pas été utiles du tout.
    Je vous remercie.
    Madame Papillon, c'est à vous.
    Lors de votre témoignage, vous avez dit que, parfois, il n'y a pas de test pour déterminer exactement de quoi souffre un ancien combattant, mais qu'un traitement est possible.
    Il y a des traitements possibles.
    Je ne suis pas médecin, mais il m'apparaît un peu étrange de dire qu'il n'y a pas de test, mais qu'il y a un traitement possible. Certaines instances administratives exigent certains tests précis et ceux-ci doivent être positifs pour avoir accès aux traitements. Y a-t-il une certaine dislocation dans le système?
    C'est courant. Je suis médecin. Si quelqu'un vient me voir, si quelqu'un pleure et me dit qu'il est déprimé, on peut faire un diagnostic de dépression, mais il n'y a pas de test pour la dépression. Il est faux de croire qu'on peut tout démontrer de façon physique, avec des tests, qu'il s'agisse de tests de sang, d'urine, des radiographies ou des tomographies.
    Si, par exemple, il y a de la fatigue chronique ou certains symptômes persistants, il faudra un billet du médecin. Il faudrait qu'il y ait cela pour qu'il puisse...
(1005)
    Entendons-nous bien. On va jouer au médecin encore une fois. Si quelqu'un vient me voir et me dit qu'il est fatigué, je vais essayer de trouver des raisons cliniques pour expliquer sa fatigue. Est-ce de l'anémie ou un cancer? Je vais éliminer toutes les causes. Ma première conclusion ne sera pas qu'il souffre du syndrome de fatigue chronique. On y arrive seulement en éliminant les causes. Par exemple, si ce n'est pas un problème à la glande thyroïde et que tout est normal, à ce moment, on examine...

[Traduction]

    Je vous prie de bien vouloir m'excuser, madame Papillon, mais vous avez épuisé les quatre minutes dont vous disposiez. Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à Mme Adams, qui dispose aussi de quatre minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Sachez que mon père a travaillé dans les mines d'uranium de Sudbury.
    Parlez-vous des mines d'uranium de Sudbury ou d'Elliot Lake?
    Je veux dire Elliot Lake. Vous connaissez très bien la géographie de la région de Sudbury.
    Eh bien, j'en viens.
    J'y suis née moi aussi, comme mes frères.
    D'après votre témoignage, docteur Morisset, si une personne a servi dans les Forces armées canadiennes, c'est dans le cas de l'incendie au camp Doha que la probabilité est la plus élevée qu'un de nos militaires ait été exposé à de l'uranium appauvri. Est-ce bien exact?
    C'est bien ça, d'après les informations dont nous disposons.
    Vous avez également indiqué précédemment qu'une personne qui subit un angiogramme reçoit 15 fois plus de radiations provenant de l'uranium appauvri que nos membres des Forces armées canadiennes n'auraient pu en recevoir au camp Doha.
    Les radiations.
    Mme Eve Adams: Les radiations...
    Dr Pierre Morisset: Les radiations, vraiment? Ils ne sont pas exposés à l'uranium appauvri...
    Mme Eve Adams: Non, mais aux radiations.
    Dr Pierre Morisset: ... mais c'est l'effet des radiations, de radiations équivalentes.
    À quelle fréquence croyez-vous que les Canadiens subissent des angiogrammes?
    Eh bien, je n'en ai jamais eu. Je ne vous en souhaite pas non plus, mais...
    Des voix: Oh, oh!
    À votre avis, combien de Canadiens peuvent subir un angiogramme chaque année?
    Eh bien, c'est un examen assez courant. Ce qui est encore plus courant est les tomodensitogrammes. Il s'agit de rayons X. La personne reçoit une quantité importante de rayons X lors d'un examen. En moyenne et selon l'appareil utilisé, lors d'un tomodensitogramme, vous recevez 15 millisieverts, ce qui est considérable. C'est externe. Cela se produit une fois, mais il s'agit néanmoins de radiations. Ce sont 15 millisieverts et c'est 15 fois le niveau de radiation qu'un soldat aurait pu recevoir au camp Doha.
    Mais ce n'est pas tout à fait la même chose, n'est-ce pas. Il s'agit de radiations externes. C'est pourquoi j'ai parlé d'angiogrammes, parce que ce sont là des examens internes. Un produit est injecté dans le corps.
    La conclusion numéro 3 de votre rapport indique qu'il est peu probable que des militaires canadiens aient été exposés à des concentrations d'uranium appauvri qui pourraient représenter un danger pour leur santé. La conclusion numéro 4 indique que les études n'attestent pas de manière constante que des effets néfastes pour la santé puissent être attribués à l'uranium appauvri. Pouvez-vous nous expliquer ce que cela signifie précisément pour les anciens combattants canadiens?
    Laquelle? La première ou...?
    Les deux, si vous pouvez être assez aimable pour les concilier. Elles ne disent pas la même chose.
    Non, effectivement, les deux ne disent pas la même chose.
    En vérité, la seconde renvoie aux études qui ont porté précisément sur les cohortes ou des groupes de militaires. J'ai fait allusion précédemment à une étude des pays membres de l'OTAN. Ces études se penchent sur le cancer, sur la mortalité et sur l'incidence du cancer. La raison pour laquelle nous les avons étudiées séparément est qu'elles ont été faites par divers pays membres de l'OTAN et ont traité de soldats qui avaient été dans des zones différentes.
    L'autre est de nature plus générale: « Il est peu probable que des militaires canadiens aient été exposés... ». Le numéro 3 constitue une conclusion beaucoup plus large. Elle ne parle pas uniquement du cancer ni de l'incidence du cancer. Elle est moins restrictive que ces études.
    A-t-on étudié le cas de personnes ayant absorbé de l'uranium appauvri? Avez-vous eu connaissance de tels cas?
    De personnes qui ont absorbé de l'uranium appauvri?
    Oui.
    Oh, oui, tout à fait. C'est l'étude Baltimore. Nous l'avons examinée. Elle est très importante. Elle constitue en elle-même une expérience. Elle se penche sur le cas d'un certain nombre de soldats dont, à la suite de tirs amis malencontreux, les corps ont absorbé de l'uranium appauvri. Ces soldats ont été identifiés. Ils sont suivis régulièrement à l'hôpital des anciens combattants de Baltimore depuis une vingtaine d'années.
    Ce qui les distingue des autres est que nombre d'entre eux ont encore de l'uranium appauvri dans le corps et qu'ils continuent à l'excréter. Cela s'apparente donc à une exposition continue. À partir d'une telle situation, vous pouvez déduire certaines conclusions scientifiques.
    Ils ne sont pas si nombreux que cela, moins d'une centaine, mais c'est encore le meilleur échantillon que nous ayons.
(1010)
    Je vous remercie beaucoup, madame Adams.
    Cela met fin à nos deux séries de questions de nature générale.
    Monsieur, je vais user de mes prérogatives de président pour vous poser rapidement une question avant de mettre fin à cette séance.
    Une question de vous?
    Oui, monsieur.
    D'accord, je vais vous chronométrer.
    Des voix: Oh, oh!
    C'est très bien. Je vous en remercie.
    Le mandat incombant à votre comité comportait deux volets: l'un était d'examiner et de résumer la documentation scientifique publiée ayant trait aux effets de l'uranium appauvri sur la santé humaine et l'autre d'évaluer la solidité des preuves des liens de causalité entre l'état de santé du personnel militaire canadien et l'uranium appauvri. C'était là pour l'essentiel les deux principaux aspects de votre mandat.
    Votre septième conclusion est à l'effet qu'« à la suite d'un déploiement, [...] de nombreux anciens combattants présentent des symptômes persistants qui [...] peuvent causer beaucoup de souffrance et faire l'objet d'un traitement efficace ». À la différence des autres six conclusions du comité, qui traitent directement de l'étude scientifique, celle-ci semble être un énoncé d'opinion de nature générale sans lien direct avec la littérature scientifique que vous avez examinée. Je me demande tout simplement pourquoi vous ou le comité avez jugé nécessaire d'ajouter ce septième point aux conclusions de votre rapport.
    Lorsqu'on examine la littérature sur l'uranium appauvri, on revient fréquemment à ces hypothèses. Il nous a semblé que cette question suscitait suffisamment de confusion dans l'esprit des anciens combattants, ou de toute autre personne qui pourrait lire ce rapport, pour que nous laissions entendre qu'il peut y avoir un lien putatif entre l'uranium appauvri et ces symptômes. C'est que ces symptômes sont bien réels et touchent un nombre important d'anciens combattants. Il pourrait donc s'avérer utile de les inclure dans la conclusion pour indiquer qu'il pourrait y avoir quelque chose d'autre.
    Très bien monsieur, je vous en remercie.
    Cela met fin à nos questions d'aujourd'hui.
    Vous avez très bien mené le débat.
    Je vous remercie, monsieur.
    Docteur Morisset, major-général, je tiens à vous remercier infiniment de votre participation à ce débat.
    Les échanges que nous avons eus avec les membres de votre comité sur ce rapport ont été précieux pour nous. Nous vous remercions du temps que vous nous avez consacré.
     Au nom de notre président, M. Kerr qui ne pouvez malheureusement pas être présent aujourd'hui, et à celui de tous les membres de notre comité, nous vous remercions infiniment du temps que vous nous avez accordé.
    Nous tenons également à remercier tous les membres du comité.
    Il me reste à vous dire à tous de ne pas oublier aujourd'hui votre être cher et de lui souhaiter une très heureuse Saint-Valentin.
    Monsieur, je vous souhaite la meilleure des réussites dans vos entreprises.
    Cela met fin à notre réunion, à moins que quelqu'un ait quelque chose à ajouter.
    Une voix: Bonne Saint-Valentin!
    Le vice-président (M. Peter Stoffer): Merci beaucoup.
    Je dirais que c'est une réunion qui nous a bien intoxiqués.
    Des voix: Oh, oh!
    Le vice-président (M. Peter Stoffer): Merci. La séance est levée.
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