:
Je vais commencer en français.
Le comité qui a été mis sur pied par le ministre des Anciens Combattants en décembre 2011 est composé de cinq individus qui ont été mandatés pour étudier un premier sujet: l'uranium appauvri. Je pourrais vous lire le contenu du mandat qu'on nous a confié, mais il est dans le rapport.
Essentiellement, le mandat se réduit à deux questions. L'uranium appauvri est-il nocif pour la santé humaine? Les soldats canadiens auraient-ils été exposés à l'uranium appauvri? Il y a un lien entre les deux questions, parce qu'il doit y avoir une exposition pour qu'il y ait un effet sur la santé. Il est très important de savoir cela. Il y avait quand même un lien très étroit et très important entre les deux aspects du mandat.
Je vais commencer par l'exposition. Je vais poursuivre en anglais.
[Traduction]
L'uranium, et je ne parle pas ici d'uranium appauvri, mais bien d'uranium, est omniprésent. Je veux dire qu'on en trouve partout. Il y en a dans la croûte terrestre. D'une façon ou d'une autre, nous avons tous en nous de l'uranium à des niveaux variables mais mesurables. Il provient de diverses sources naturelles. Il y en a dans nos aliments et dans notre eau. Ce niveau d'uranium dans notre corps dépend de la zone géographique où nous nous trouvons.
Il faut que vous sachiez que les soldats en opération ne disposent pas d'appareils individuels de mesure leur indiquant leur niveau d'exposition à l'uranium appauvri à un moment donné. Pourquoi? Parce que ce type d'appareil n'existe pas. Nous n'avons pas la technologie nécessaire pour en fabriquer. Ce n'est pas propre au Canada car, à ma connaissance, aucun pays ne dispose de ce type d'appareil. Cela rend encore plus difficile la mesure de l'exposition à l'uranium appauvri, puisqu'elle ne peut se faire que de façon indirecte, en examinant la situation, le contexte général et en vérifiant un certain nombre de faits.
Le Canada n'utilise pas d'uranium appauvri. Nous n'avons donc pas de projectiles à noyau d'uranium appauvri. Dans les conflits dans lesquels les soldats canadiens ont été impliqués, leurs ennemis ne disposaient pas non plus de tels projectiles, et ils n'étaient donc pas exposés directement à ce type de projectiles. Nous n'avons pas connaissance, non plus, d'incidents dus à des tirs amis et accidentels de nos alliés, soit les Américains ou les Britanniques, sur des troupes canadiennes.
Pour nous faire une idée de la possibilité d'exposition des soldats canadiens à l'uranium appauvri, voyons donc ce qui s'est passé sur les théâtres d'opérations où ces soldats se sont trouvés.
C'est durant la guerre du Golfe, en 1991, que des armes à l'uranium appauvri sont apparues pour la première fois. Le Canada n'a pas déployé de troupes de combat sur le terrain pendant ce conflit. Ses seules interventions militaires ont été aériennes ou navales, sans oublier un hôpital de campagne qui se trouvait loin derrière la ligne de front. Il y a toutefois eu une exception, peu de temps après la fin de la guerre. Nous avions alors un groupe de sapeurs de combat qui occupait les mêmes installations que les troupes américaines à un endroit appelé Camp Doha. Là, un incendie accidentel, sans lien avec la guerre ou quoi que ce soit d'autre, a touché certains projectiles à noyau d'uranium appauvri. Les Américains en avaient passablement utilisés pendant la guerre du Golfe. Il n'y a pas eu d'explosion au sens propre mais des munitions à l'uranium appauvri ont été touchées par l'incendie. Une partie de celles-ci a brûlé, libérant des particules d'uranium appauvri dans l'atmosphère. Nous pourrons revenir au cas du camp Doha par la suite, mais c'est vraiment le seul qui soit documenté.
Je peux vous dire tout de suite, en anticipant sur la suite, que ce cas a fait l'objet d'enquêtes en profondeur qui ont amené à conclure qu'il n'avait posé aucun risque appréciable sur la santé de ces anciens combattants.
[Français]
Les analyses d'urine constituent une autre façon de déterminer s'il y a eu une exposition. Il s'agit d'une mesure individuelle, et non d'une mesure de groupe. Le principe derrière cela est que l'uranium ainsi que l'uranium appauvri, car ils sont tous les deux reliés, se retrouvent dans l'urine. En effet, tout uranium ou uranium appauvri qui est ingéré ou inhalé va finir par être excrété dans l'urine. C'est le point final, tout va là. À ce moment, l'analyse peut déterminer s'il y a eu de l'uranium ou de l'uranium appauvri.
Ces méthodes ont été utilisées par plusieurs pays, dont le Canada. Environ 5 000 soldats de tous les pays de l'OTAN, pas seulement du Canada, auraient subi ces tests d'urine. Les résultats ont démontré que seulement ceux qui avaient reçu des fragments d'obus d'uranium appauvri avaient de l'uranium appauvri dans l'urine. C'est important. Combien sont-ils? Ce sont majoritairement des Américains victimes de tirs fratricides. On a tiré accidentellement sur des véhicules blindés américains. Il y a eu des morts, évidemment, mais il y a quand même eu des survivants. Certains d'entre eux avaient des fragments d'uranium appauvri dans le corps qui ne pouvaient pas être enlevés à cause de leur localisation. Il était plus dangereux de les enlever que de les laisser là. C'est un autre élément important.
Une autre méthode a été employée pour déterminer quelle sorte d'exposition il y aurait eu. Les Américains, les Français et les Britanniques ont fait des simulations de tirs réels. Ils ont tiré des obus identiques à ceux qui avaient été utilisés lors des conflits sur des véhicules identiques à ceux qui avaient été utilisés lors des conflits. Ils ont effectué des mesures pour les particules. Ensuite, on a eu recours à la modélisation pour arriver à déterminer le degré d'exposition qu'auraient pu subir des soldats. C'est une reconstruction de la situation.
Pour simplifier les choses et pour normaliser un peu le tout, trois niveaux ont été établis, à la suite d'une entente entre tous les pays: les niveaux 1, 2 et 3. Le niveau 1 est le plus élevé. On parle donc des soldats qui ont subi des tirs fratricides. Au troisième niveau, on retrouve ceux qui auraient pu être exposés de façon temporaire à des niveaux beaucoup moins élevés. Comme je le mentionnais plus tôt, il s'agit de la cohorte de soldats à Doha. L’un d’eux aurait pu respirer des particules qui auraient été libérées dans l'air après l’incendie.
Je vais maintenant parler des effets. Il y a deux effets radioactifs.
[Traduction]
Je passe maintenant à l'anglais. Je vous demande pardon, mais je ne sais pas avec précision quand changer de langue.
La seconde partie de mes commentaires porte sur les effets de l'exposition à l'uranium. Il y en a de deux types. Le premier est radiologique. Il s'agit essentiellement de l'apparition du cancer du poumon et du lymphome dans les ganglions lymphatiques voisins à la suite d'une exposition à l'uranium. Le type d'exposition le plus dangereux est l'inhalation, donc le fait de respirer des particules d'uranium. L'autre effet est la toxicité, qui touche directement les reins. Il ne s'agit pas là d'un effet radiologique mais chimique.
Si vous comparez les effets de l'uranium et de l'uranium appauvri, leurs effets toxiques sont les mêmes, mais pas leurs effets radiologiques car l'uranium appauvri est 40 p. 100 moins radioactif que l'uranium.
Je dois vous prévenir tout de suite que je vais passer de l'uranium à l'uranium appauvri, mais que la plupart de mes remarques porteront sur l'uranium, parce que c'est un sujet que nous étudions depuis longtemps, depuis les années 1940, alors que l'uranium appauvri n'est apparu qu'assez récemment. Il a été utilisé pour la première fois en 1991, lors de la guerre du Golfe, et uniquement lors des combats. C'est à lui que nous nous intéressons.
On peut donc dire qu'il y a eu des cas dans lesquels il a été prouvé très clairement que l'uranium a des effets négatifs sur le corps. Des personnes ont voulu se suicider en avalant des quantités importantes d'uranium. Ce n'étaient pas des militaires mais des précurseurs de l'atome. Comme les modèles animaux permettaient de le prévoir très clairement, ces gens ont eu de graves problèmes reinaux, mais ils n'en sont pas décédés. On a aussi relevé quelques accidents touchant des travailleurs du secteur du traitement de l'uranium, exposés eux aussi à d'importantes quantités de ce minerai. Eux aussi ont subi des dommages aux reins qui, soi-dit en passant, se sont avérés réversibles. Ils n'en sont pas morts.
Je crois vous avoir déjà parlé des travailleurs, mais je n'en suis pas sûr. On procède à l'extraction de l'uranium pour produire de l'énergie nucléaire. Il y a donc des mineurs qui ont été exposés à des particules d'uranium, ou à des particules chargées en uranium, si vous préférez. On a cru pendant de nombreuses années que celles-ci causaient le cancer. Incidemment, ces travailleurs ont eu des cancers. Les mineurs ont eu des cancers. Ils se sont alors dit « Bingo. Nous avons la réponse, c'est l'uranium appauvri — je m'excuse, je me trompe et je veux parler ici d'uranium tout court. » D'autres d'études ont alors été réalisées, qui ont montré très clairement et de façon convaincante que l'uranium n'était pas la cause de ces cancers. En vérité, ils étaient causés par le radon, qui est beaucoup plus radioactif que l'uranium.
Outre les mineurs, d'autres travailleurs ont oeuvré aux diverses étapes de la transformation. Ils ont broyé le minerai, l'ont transporté d'un endroit à l'autre et ont produit divers oxydes pour parvenir à obtenir de l'uranium enrichi utilisé dans les centrales nucléaires et pour fabriquer des armes. Que s'est-il passé dans leur cas? Ils ont fait, pendant des années, l'objet d'études très poussées. Ils ont été exposés à l'uranium. Je vous rappelle ici que l'uranium a les mêmes effets toxicologiques que l'uranium appauvri, mais qu'il est plus radioactif. Dans quantité d'endroits, des gens ont donc été exposés à de l'uranium pendant de nombreuses années et ont fait l'objet d'études très poussées. On peut dire que, dans l'ensemble, on n'a pas trouvé de preuves convaincantes ni solides dans un sens ou dans un autre sur les effets de cette exposition... alors que ces gens ont été sans l'ombre d'un doute exposés à ces minerais et à ces oxydes, qui sont comparables à ceux que l'on retrouve dans les armes, et ils n'ont pas développé de cancers ou d'autres problèmes connexes.
On s'attendait à ce qu'ils le fassent. C'eut été logique. Un tel résultat aurait été plausible du point de vue biologique, mais aucune des 28 études épidémiologiques réalisées n'a conclu de façon probante que l'uranium était en cause dans tous les incidents relevés. Il y a des cas où le lien de cause à effet semblait évident alors qu'il ne l'était pas dans d'autres. C'est pourquoi je peux vous dire que ces études n'ont pas fourni de preuves convaincantes. Certaines études ont démontré que les reins des personnes exposées de façon prolongée à l'uranium avaient subi certains effets à long terme, mais ces effets étaient bénins. Elles n'ont pas été victimes de défaillance rénale ou de maladie rénale grave.
[Français]
Environ six ou sept études d'envergure sur la mortalité et l'incidence du cancer précisément sur les cohortes de militaires dans leur pays ont été réalisées par des pays de l'OTAN. Ces études n'ont pas non plus démontré qu'il y avait une augmentation de l'incidence du cancer ou de la mortalité attribuable au cancer.
[Traduction]
Le Programme des Nations Unies pour l'environnement, le PNUE, a déployé des équipes dans les Balkans. Celles-ci devaient démontrer si les populations de la région étaient exposées ou non à des risques résiduels parce que des armes à l'uranium appauvri avaient été utilisées dans cette région. Des avions avaient lâché des bombes de petit calibre et certaines d'entre elles n'avaient pas explosé. Il y en avait encore d'enterrées dans le sol. On s'interrogeait sur les risques que cela présentait pour les populations civiles.
Ces équipes du PNUE ont réalisé des études dans trois États différents des Balkans. Elles ont conclu que, dans l'ensemble, cette situation ne présentait pas de risques appréciables. Ce sont les enfants qui étaient exposés aux risques les plus importants, en particulier ceux qui avaient joué autour des réservoirs qui avaient été touchés par des projectiles à noyau d'uranium appauvri pendant environ 500 heures. Ceux-ci étaient exposés à un faible risque de cancer du poumon pendant toute leur vie. Il s'agissait d'un faible pourcentage. Ces équipes ont dit que les risques étaient extrêmement faibles. C'est l'évaluation qu'elles ont faite de la situation.
La raison pour laquelle j'insiste sur l'importance de ces études du PNUE est que les soldats canadiens qui se trouvaient dans les Balkans ne se sont pas fait tirer dessus. S'ils n'ont pas été touchés par des tirs amis, comment auraient-ils pu être exposés à de l'uranium appauvri? Personne ne le sait avec certitude, mais ils auraient pu se déplacer dans les alentours et entrer dans certains bâtiments qui avaient été touchés et être ainsi exposés. C'est un type de situation qui a précisément été abordé par ces études, non pas en pensant aux soldats canadiens mais à la population. C'est la conclusion à laquelle ces études sont parvenues.
Il y a également eu le groupe de Baltimore qui s'est penché sur le cas des Américains qui avaient été l'objet de tirs. Ces soldats américains ont fait l'objet d'un suivi intensif pendant de nombreuses années. Aucun d'entre eux n'a subi aucune forme d'effets néfastes sur sa santé.
Des organismes très respectés comme l'Institute of Medicine, la Royal Society britannique, le National Research Council, ont réalisé des études importantes sur l'uranium appauvri. Je vous résumerai leurs conclusions en disant qu'elles prédisaient l'atteinte du niveau 3, soit le niveau le plus faible, celui auquel les Canadiens auraient été exposés au camp Doha. Le risque additionnel d'apparition d'un cancer du poumon au cours de toute la vie était inférieur à un sur 100 000. Il était inférieur à un, autrement dit négligeable. Santé Canada dit que, à ce niveau, c'est un effet négligeable.
Il y a un autre point que je veux mentionner sur l'exposition à l'uranium appauvri et sur ses effets.
[Français]
Je vais continuer en français. J'essaie d'utiliser le français et l'anglais de façon équitable, mais dites-le-moi, monsieur le président, si ce n'est pas le cas.
En ce moment précis, parmi toutes les personnes qui subissent des interventions médicales, quelqu'un dans un hôpital de l'Ontario ou du Québec subit une angiographie en vue d'une angioplastie, et cela libère des particules ionisantes. Il y a donc un risque d'exposition radiologique interne. Ce phénomène a été étudié. Récemment, un article du journal de l'Association médicale canadienne s'est penché sur le sujet. Selon les conclusions tirées dans cet article, lorsqu'un civil subit une angiographie, le niveau de radiation est de 15 millisieverts, ce qui est 15 fois plus que ce qu'a reçu un soldat à Doha, et pourtant le risque est nul pour le patient.
Tout ça pour dire qu'il n'y a pas vraiment de... Je cherche le mot. Je vais le dire en anglais.
[Traduction]
Il n'y a pas de preuve manifeste d'effets néfastes sur la santé.
[Français]
Il n'y a pas de preuve — c'est le mot que je cherchais. Il n'y a aucune preuve convaincante d'effets néfastes sur la santé, selon ces études.