Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Ladies and gentlemen, mesdames et messieurs, nous sommes prêts à commencer.
Aujourd'hui, le Comité permanent des anciens combattants est très heureux d'accueillir Mme Melissa McDiarmid et de discuter avec elle, par vidéoconférence. Elle est directrice médicale du Depleted Uranium Program au Toxic Embedded Fragment Surveillance Center. C'est un titre impressionnant.
Madame McDiarmid, c'est un honneur de vous parler aujourd'hui et nous avons hâte d'entendre votre exposé. Nous voulons vous remercier d'avance au nom de notre président, Greg Kerr, qui ne peut se joindre à nous. Au nom de tous les membres du comité, merci beaucoup de votre temps et de vos renseignements. Nous savons que vous êtes extrêmement occupée chez vous, dans la formidable ville de Baltimore au Maryland. Donc, merci beaucoup.
Merci beaucoup de l'invitation. J'ai une brève introduction qui permettra aux membres de connaître mes antécédents. Ensuite, c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Je m'appelle Melissa McDiarmid. Je suis médecin et j'ai une formation et une spécialisation en médecine interne, en médecine du travail et en toxicologie clinique. Depuis 1997, je suis directrice médicale du programme de surveillance pour les anciens combattants de la guerre du Golfe exposés à de l'uranium appauvri du Department of Veterans Affairs des États-Unis. Comme vous l'avez indiqué, j'ai aussi hérité d'une autre responsabilité, celle de diriger un programme de surveillance pour les anciens combattants qui ont des blessures causées par des EEI et ont des fragments toxiques logés dans leur organisme.
Notre équipe a réalisé neuf évaluations biennales de surveillance auprès d'un groupe de 84 anciens combattants de la première guerre du Golfe et de l'OIF qui ont été exposés à de l'uranium appauvri et nous avons largement diffusé nos conclusions. En février de l'an dernier, le Comité consultatif scientifique sur la santé des anciens combattants, convoqué par votre ministre des Anciens Combattants, a demandé une séance d'information sur les travaux que nous menons à Baltimore, ce que j'ai fait à ce moment-là. J'ai reçu par courriel quelques demandes de précisions sur les renseignements initiaux.
Il y a environ un mois, on m'a demandé de présenter mes commentaires au sujet du rapport du comité consultatif scientifique, intitulé Uranium appauvri et anciens combattants canadiens: Bilan de l'exposition possible et de ses effets sur la santé. Voici la phrase-choc: dans l'ensemble, je suis d'accord avec les conclusions de votre comité. Je crois que son examen des preuves était complet et bien décrit. De plus, je suis d'accord avec votre dernier point, selon lequel à la suite d'un déploiement, de nombreux anciens combattants présentent des symptômes persistants qui, même s'il est peu probable qu'ils soient associés à l'exposition à de l'uranium appauvri, peuvent et devraient néanmoins être traités efficacement par votre système de santé pour les anciens combattants.
C'est avec plaisir que je répondrai aux questions précises des membres du comité.
Très bien. Il s'agit de tours de cinq minutes. Vous remarquerez qu'il y aura des questions en français, et il y aura un léger décalage pour les entendre en anglais. En passant, je devrais vous poser cette question:
Merci, madame. Je vais vous poser directement mes questions.
Pouvez-vous nous parler du programme de suivi sur l'uranium appauvri qui s'adresse à ceux qui: « étaient sur, dans ou près des véhicules frappés par des tirs amis; sont entrés ou étaient près de véhicules en flammes; étaient près d'incendies impliquant des munitions à l'uranium appauvri; ou récupéraient des véhicules endommagés »?
En matière de soins de santé, quelle est votre approche?
Votre description correspond plutôt bien à ce que nous appelons le scénario d'exposition pour le groupe qui fait partie de notre programme pour la première mission, qui consistait à exercer une surveillance en ce qui a trait à la première guerre du Golfe. Depuis les récents conflits, nous avons quatre nouveaux patients de l'OIF qui ont été exposés à de l'uranium appauvri parce qu'ils étaient sur ou dans un véhicule qui a été touché par un projectile à noyau d'uranium appauvri ou parce qu'ils étaient dans un char d'assaut blindé à l'uranium appauvri qui a été entièrement exposé à l'aide d'un pénétrateur.
Depuis le début des années 1990, tous les deux ans, nous invitons les anciens combattants à venir à Baltimore pour une évaluation en personne, pendant trois jours. Essentiellement, il s'agit d'un bilan médical complet et d'un examen physique. Il y a aussi des analyses en laboratoire plutôt détaillées axées sur les organes cibles connus de l'uranium dans l'organisme. Nous avons fait neuf séries d'examens de suivi. En fait, nous nous préparons à accueillir de nouveau nos patients à Baltimore, dans deux semaines, pour la 10e série d'évaluations.
Les résultats de ces examens ont fait l'objet de beaucoup de publications et nous pouvons vous en fournir des exemplaires à... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]
J'informais le comité que nous avons publié de nombreux articles sur le programme de surveillance de l'uranium appauvri, y compris les détails des résultats des évaluations et que c'est avec plaisir que nous fournirions ces documents aux membres du comité, si cela peut être utile.
Est-ce que tous les vétérans doivent vous faire part de leurs problèmes individuellement? Est-ce que vous déterminez quels sont leurs problèmes de santé ou les causes de ces derniers à mesure qu'ils vous les décrivent?
C'est une très bonne question qui me permet de vous expliquer ce qui distingue les deux méthodes auxquelles les anciens combattants peuvent avoir recours pour déterminer leur degré d'exposition à de l'uranium appauvri.
Je viens de vous parler de la première méthode, qui est probablement celle que connaissent le mieux nos anciens combattants. Nous avions des documents de la guerre de 1991 concernant plusieurs incidents de tir fratricide, ce qui nous a permis de cibler le premier groupe d'anciens combattants et de militaires en service actif qui devait faire l'objet d'un suivi. Nous avons été en mesure d'établir une concordance entre les noms des militaires et les véhicules qui ont été touchés. Nous nous sommes mis à la recherche de ces gens. Nous avons exercé un suivi actif et le département de la Défense a été un partenaire clé à cet égard.
Cependant, beaucoup d'anciens combattants qui reviennent de mission sont préoccupés et inquiets et veulent avoir l'assurance qu'ils n'ont pas été exposés. Même s'ils n'ont pas été mêlés à un incident de tir fratricide, ils peuvent s'être retrouvés à une distance qu'ils considèrent trop rapprochée d'un char d'assaut en flammes pouvant ou non transporter des armes à l'uranium appauvri. Ils peuvent avoir été exposés à autre chose par l'inhalation. Ils veulent être en mesure d'éliminer la possibilité qu'ils aient été exposés.
Nous avons mis au point une méthode permettant de mesurer le taux d'uranium appauvri dans l'urine, ce qui est la meilleure méthode. Cela peut se faire par la poste. Grâce à des prélèvements d'urine sur 24 heures, nous analysons le taux d'uranium dans l'urine, et ce, pour tout ancien combattant ayant une quelconque préoccupation, qu'il ait été déployé ou non. Les trousses sont disponibles dans tous nos hôpitaux et nos cliniques communautaires. Les anciens combattants peuvent en faire la demande auprès de leur fournisseur de soins de santé primaires.
Tous les aspects des analyses sont prévus. Comme vous pouvez l'imaginer, puisque nous mesurons quelque chose d'assez inhabituel — l'uranium —, nous avons recours à la mesure isotopique pour savoir si l'uranium que nous trouvons dans l'urine du patient provient de sources naturelles. Nous avons tous de l'uranium naturel dans notre urine. Nous pouvons faire la distinction entre l'uranium appauvri et l'uranium naturel contenu dans l'échantillon d'urine.
Nous avons fait des études pour déterminer quel genre de contenant peut être utilisé de façon sécuritaire dans le cadre de ces projets postaux pour nous assurer que le contenant lui-même ne contribue pas à augmenter le taux d'uranium ni à lier l'uranium qui pourrait être présent dans l'échantillon. Autrement dit, nous avons essayé d'éliminer tout facteur qui pourrait entraîner un résultat erroné.
L'ancien combattant nous renvoie la trousse à Baltimore...
Je suis désolé, madame McDiarmid, mais nous avons peu de temps et j'aimerais passer à d'autres questions. Il est fort possible que quelqu'un pose une question à ce sujet.
Madame McDiarmid, merci de témoigner au comité aujourd'hui. J'aimerais aussi remercier les anciens combattants qui sont présents dans la salle et qui ont servi notre pays, et aussi les anciens combattants qui pourraient être dans votre salle et qui ont servi votre pays. Nous leur en sommes très reconnaissants. Nous apprécions tous leur service.
J'aimerais parler de votre recherche intitulée The Gulf War Depleted Uranium Cohort at 20 years: Bioassay Results and Novel Approaches to Fragment Surveillance. Dans votre conclusion, on indique:
Aucune mesure du taux d'uranium dans l'urine des anciens combattants américain n'a permis de détecter une signature isotopique appauvrie chez ceux qui n'avaient pas au préalable de fragments contenant de l'uranium appauvri dans leur organisme en raison d'une blessure antérieure. Ces résultats semblent indiquer qu'il est peu probable que les anciens combattants qui n'ont pas de fragments contenant de l'uranium appauvri aient des problèmes de santé liés à l'uranium appauvri.
Pourriez-vous nous parler davantage de ses résultats? Vous en avez déjà parlé, mais vous pourriez parler de cet aspect précis.
Comme je l'ai indiqué plus tôt, nous pouvons faire une distinction entre l'uranium naturel et l'uranium appauvri grâce à ce que l'on appelle la signature isotopique, qui est un terme savant utilisé pour dire que nous pourrions faire cette distinction par des moyens physiques et chimiques. C'est important pour les anciens combattants parce qu'ils veulent savoir s'ils ont été exposés à de l'uranium appauvri ou non.
Cependant, les répercussions pour la santé de l'exposition à l'uranium ne varient pas en fonction de la signature isotopique. L'effet sur la santé dépend de la charge totale d'uranium dans l'organisme. Nous avons déterminé que la majeure partie du risque est associée aux effets chimiques de l'uranium en tant que métal lourd plutôt qu'aux effets liés à la radioactivité.
Je vais en rester là par crainte d'en dire trop et pour éviter de gaspiller votre temps. S'il y a quelque chose que vous voulez que je clarifie, je le ferai.
Vous dites en réalité, il y a deux groupes. Il y a ceux qui ont été exposés à de l'uranium appauvri par les poumons, par exposition aérienne, et il y a les autres anciens combattants qui ont été exposés à de l'uranium appauvri parce que des fragments se sont logés dans leur organisme.
Je crois que vous avez conclu que même si les anciens combattants ont eu des fragments d'uranium appauvri dans leur organisme — et je vous prie de me corriger si j'ai tort —, même avec ces fragments dans leur organisme, aucun effet nocif pour la santé n'a été attribué à l'uranium appauvri. Est-ce exact?
C'est une formulation plus directe que la nôtre, parce qu'un des points que je fais valoir dans nos articles, c'est qu'il n'est pas normal d'expulser de l'uranium par voie urinaire. Donc, c'est un résultat anormal.
Nous avons examiné tous les aspects possibles pour découvrir d'importants problèmes auquel on pourrait s'attendre en raison d'une exposition à de l'uranium et nous n'en trouvons pas. La plupart des séquelles de nos patients découlant de l'exposition sont liées à la blessure traumatique subie lorsque les chars d'assaut et autres véhicules dans lesquels ils prenaient place ont été touchés.
Nous avons fait d'autres examens très poussés, pourrait-on dire, qui portent en quelque sorte sur le prochain niveau de fonctions organiques. Par exemple, dans le cas du rein, nous n'avons trouvé aucune anomalie par rapport aux résultats typiques pour vos fonctions rénales que votre médecin verrait lors de votre examen médical annuel. Nous ne décelons aucun indice d'anomalie, mais nous procédons à des examens plus approfondis pour nous assurer de ne rien manquer.
Nous voulons vraiment aller au fond des choses nous aussi. La raison pour laquelle nous avons fait cette étude, c'est que nous voulons savoir si les anciens combattants ont vraiment des problèmes de santé en raison de l'exposition à l'uranium appauvri. C'est ce qui nous intéresse. Ce que nous avons constaté, je suppose que c'est ce que vous pourriez conclure, c'est que les effets de l'uranium appauvri sur la santé des anciens combattants sont inexistants.
Je crois vous avoir entendu dire plus tôt qu'il y a tout de même d'anciens combattants qui ont des problèmes de santé. Je veux simplement vous demander s'il ne conviendrait pas d'écarter l'uranium appauvri, essentiellement, et nous concentrer sur ce qui a une incidence sur la santé des anciens combattants plutôt que sur l'uranium appauvri parce qu'il n'a pas été prouvé qu'il entraîne des effets négatifs sur la santé.
En tant que clinicienne qui a affaire à des patients qui se posent ces questions, je crois que je dirais que nous sommes convaincus d'avoir suivi les patients qui ont le plus haut taux d'exposition à l'uranium. Nous pouvons le documenter. Il est toujours possible de le faire 20 ans plus tard. En passant, pour les membres du comité qui pourraient se demander pourquoi nous n'avons pas retiré tout l'uranium de nos patients, c'est parce que les chirurgiens pensent que c'est trop dangereux.
Depuis maintenant 20 ans, à titre préventif, nous avons dû faire un suivi auprès de nos anciens combattants; nous les avons surveillés de près. Je pense que la plupart des gens conviendront que les anciens combattants de ce groupe sont sans aucun doute des candidats les plus susceptibles d'être considérés comme les personnes les plus exposées que l'on peut suivre. Nous sommes heureux de ne pas avoir observé ce que l'on appellerait des effets sur la santé liés à l'uranium, sauf pour ce qui est de l'excrétion de concentrations anormalement élevées d'uranium ayant la signature isotopique prouvant qu'il s'agit d'uranium appauvri.
Permettez-moi de dire une chose. Si on ne l'écarte pas complètement, je pense qu'il faut à tout le moins le placer plus loin dans la liste des choses que nous recherchons, parce que ce qui me préoccupe à cet égard, c'est que si nous nous concentrons seulement sur l'uranium appauvri, nous pourrions passer à côté de ce qui cause vraiment le problème de l'ancien combattant.
Madame McDiarmid, nous avons entendu au comité un témoignage selon lequel vous avez, aux États-Unis, quelque chose qu'on appelle le concept de maladie présumée, qui réduit ou élimine le fardeau de la preuve qui incombe à l'ancien combattant d'établir le lien entre son service militaire et certaines maladies. Étant donné que cela n'existe pas ici et que vous l'avez aux États-Unis, je me demande si vous pourriez nous parler davantage du lien de causalité présumé.
Heureusement, monsieur, je ne suis pas un expert en ce domaine. J'ai siégé à deux ou trois comités qui se sont penchés sur la question. Je ne veux pas dire ce que je sais à ce sujet; ce n'est pas moi l'experte. Au département des Anciens combattants des États-Unis, il y a tout un groupe de spécialistes en avantages sociaux qui s'occupe de ces questions. Nous en sommes très éloignés; nous sommes du côté médical.
J'aimerais vous poser une question au sujet de l'étude réalisée en France qui a été publiée par Guseva Canu en 2010. Elle s'intitulait « Uranium carcinogenicity in humans might depend on the physical and chemical nature of uranium and its isotopic composition: results from pilot epidemiological study of French nuclear workers » et est paru dans la publication Cancer Causes & Control.
Si vous en avez seulement entendu parler, je suppose que vous ne la connaissez pas suffisamment pour répondre à des questions sur celle-ci, n'est-ce pas?
Effectivement, monsieur. Je croyais que vous alliez me demander ce que je pensais du rapport que vous avez préparé, si bien que je n'ai pas passé en revue toutes les publications portant sur l'uranium, bien que je l'aie fait dans le passé.
Merci, docteure McDiarmid, du temps que vous nous consacrez et du travail soutenu que vous effectuez auprès des anciens combattants américains.
J'ai quelques questions à vous poser. Tout d'abord, vous avez dit que le rapport canadien était complet et bien expliqué. Comme vous avez travaillé dans ce secteur, croyez-vous que le comité a consulté en profondeur les recherches de pointe pertinentes qui ont été effectuées dans le monde entier?
Il arrive qu'on mentionne un rapport, une affaire devant les tribunaux italiens ou d'autres documents issus du secteur de l'uranium appauvri. Dans la liste de renvois, on semble cependant avoir consulté ce qui est généralement reconnu comme étant la recherche de pointe sur l'UA.
Oui. Les études comme celle-ci sont normalement assorties d'un critère de qualité. Ce serait la norme pour n'importe quel examen systématique des données. Par exemple, le Centre international de recherche sur le cancer procéderait ainsi s'il se penchait sur les effets du cancer. Il doit examiner la qualité des études, qui sont incluses ou exclues selon qu'elles comportent des lacunes ou non.
Pour parler un instant des membres de votre cohorte à Baltimore, ont-ils tous été exposés directement à des fragments contenant de l'UA? Le cas échéant, est-ce une exposition de niveau un?
Nous ne mesurons pas précisément la fertilité; nous mesurons l'issue des grossesses et prenons note des antécédents médicaux des partenaires des anciens combattants. Ce n'est pas une étude épidémiologique de la reproduction parfaite. C'est impossible à mesurer car bon nombre de ces personnes ont eu plusieurs partenaires. Lorsque nous voyons les patients tous les deux ans, nous demandons à leur partenaire de remplir un formulaire pour déterminer les antécédents génésiques.
Nous nous fions aux 60 naissances qu'il y a eues après le déploiement.
C'est très utile. L'examen de la reproduction, que vous faites en surveillant l'issue des grossesses et en vous adressant aux partenaires, n'a pas sonné d'alarme, n'est-ce pas?
En réponse à des questions sur les conclusions finales du rapport — et je parle maintenant de maladies chroniques présentant des symptômes multiples, l'un des pairs examinateurs de l'étude menée au Canada, M. Nicholas Priest, a dit: « Je ne sais pas pourquoi nous sommes aux prises avec ce problème, mais je suis persuadé qu'il n'est pas lié à l'uranium appauvri. » Il est lié aux maladies chroniques présentant des symptômes multiples. Pourriez-vous nous donner votre avis à ce sujet?
Il est un peu difficile pour moi de me prononcer là-dessus car je n'ai rien entendu de ce qu'il a dit à l'époque. Permettez-moi de vous dire que notre pays a également son lot de personnes qui, après un déploiement, sont aux prises avec des maladies aux symptômes multiples pendant au moins 20 ans. Je sais que le premier groupe à avoir participé à la guerre du Golfe il y a de cela 20 ans comptait quelque 700 000 soldats, mais je vous donne ce chiffre sous toute réserve. Vos assistants pourront peut-être trouver les documents originaux.
Lorsqu'on leur offrait de subir une évaluation, un nombre élevé de personnes souffrant de maladies inexpliquées ou présentant des symptômes multiples avaient une explication à donner. Très peu de ces explications avaient un lien quelconque avec l'uranium appauvri. On a déjà répondu à cette question, peut-être pas à la satisfaction de tous les anciens combattants, mais on a déjà dû se pencher là-dessus.
Un grand nombre d'autres motifs possibles ont été invoqués pour expliquer les souffrances que nos anciens combattants enduraient lorsqu'ils rentraient au pays. Cela me ramène à l'observation que j'ai faite tout à l'heure selon laquelle il faut toujours faire attention de ne pas s'arrêter uniquement à une seule explication, de crainte de passer à côté des plus évidentes.
Je vous remercie de témoigner devant le comité aujourd'hui.
J'ai particulièrement aimé vous entendre dire que chez vous, du moment que les vétérans considèrent être affectés par quelque chose, par exemple s'ils croient avoir été exposés à de l'uranium appauvri, que ce soit réellement le cas ou non, ils peuvent subir des tests. Vous avez parlé d'un test d'urine, notamment.
J'imagine que vous faites partie de ces personnes qui considèrent qu'un ancien combattant, lorsqu'il estime être affecté par un problème de santé physique ou psychologique, peu importe si la cause potentielle de celui-ci est connue, doit obtenir des soins appropriés. Est-ce que je me trompe?
Vous reconnaissez également qu'un problème comme le syndrome de la guerre du Golfe donne lieu à des pensions, des indemnités d'invalidité et des soins de santé. C'est exact?
Je ne suis pas une experte des prestations qui sont accordées aux anciens combattants qui souffrent de ce que vous appelez le syndrome de la guerre du Golfe. Je pense que nous utilisons une autre expression pour ce trouble, mais je sais que nous discutons des maladies présentant des symptômes multiples dont souffrent des anciens combattants. Il y a un moyen à leur disposition pour faire une demande de prestations. C'est la vérité. Quant à savoir si on accède à toutes ces demandes, ces décisions sont prises au cas par cas.
Les premiers vétérans américains qui ont souffert du syndrome de la guerre du Golfe ont eu des problèmes relativement à leur crédibilité, au début. Ça a été le cas de plusieurs personnes qui ont témoigné au cours de la présente étude.
Ces vétérans doivent-ils prouver ce qui justifie leurs soins de santé?
Là encore, nous nous lançons sur le sujet du régime de pensions d'invalidité. Je peux vous dire qu'on a offert à tous les anciens combattants de la guerre du Golfe — on l'appelle la guerre du Golfe I, le conflit de 1991 — de subir un examen après leur déploiement dans le cadre duquel on évaluait leur état. Le peu que je sais au sujet des décisions entourant les pensions d'invalidité, c'est que l'état avant le déploiement, les facteurs de risque et un certain nombre de facteurs habituels, tels que les antécédents familiaux, seraient probablement évalués par un groupe tout à fait distinct de médecins experts d'Anciens Combattants. C'est un groupe distinct qui s'en occupe.
Recommanderiez-vous au comité de faire des recherches sur le syndrome de la guerre du Golfe, notamment? À cet égard, de quelles recherches médicales réalisées aux États-Unis le comité pourrait-il s'inspirer?
Je suggère que vos assistants et les experts de contenu passent en revue le vaste corpus de publications médicales qui ont été produites à la lumière de l'expérience des Américains pour que vous n'ayez pas à réinventer la roue. Comme je l'ai dit plus tôt, il est plus que probable que l'on puisse trouver une explication et une cause médicale pour le type de symptômes et de problèmes de santé dont souffre un ancien combattant. Si les anciens combattants ont accès à une évaluation médicale exhaustive, on peut alors déterminer les causes de leurs troubles de santé.
Je pense que compte tenu de la taille de votre pays et du nombre de personnes dans vos cohortes, il serait difficile de relever d'un point de vue épidémiologique un signe avant-coureur d'un problème qu'on n'avait encore jamais vu aux États-Unis, qui comptaient des populations à risque plus importantes.
Conviendrez-vous que les résultats de l'étude, même s'ils ne sont pas récents, coïncident avec les conclusions qu'ont tirées d'autres groupes d'experts en Europe et aux États-Unis, y compris des recherches sur la cohorte de militaires américains ayant essuyé des tirs fratricides? Cela décrit-il bien la réalité?
Je pense qu'on a fait un examen très complet. Nous avons parlé un peu plus tôt de la qualité des données examinées qui ont peut-être établi un système où l'on accordait plus d'importance à certains articles qu'à d'autres parce que ces études étaient réalisées de façon plus rigoureuse par des universitaires.
Il n'y a rien qui manquait et qui aurait dû être inclus, et rien n'a raté le coche.
Je pense que dans le cadre de l'examen exhaustif de l'épidémiologie des déploiements lors de la guerre du Golfe, on n'a pas clairement indiqué que ces études n'étaient pas des indicateurs ou ne portaient pas sur l'exposition à l'uranium appauvri. Il s'agissait plutôt d'études sur l'incidence du déploiement et de toutes les expositions non mesurées survenues durant les déploiements. Je pense qu'on aurait dû l'indiquer plus clairement.
Toutefois, cela a pour effet de miner vraiment la raison pour laquelle le comité leur avait demandé de se pencher là-dessus. Autrement dit, s'il y avait des conclusions dans ces études génériques sur le déploiement dans le cadre de la guerre du Golfe, ce qui n'était pas le cas, cela n'aurait tout de même pas aidé le comité à déterminer si c'était lié à l'UA ou non. C'est une chose que j'aurais clarifié pour le lecteur.
Toutefois, je pense qu'il était important que votre comité constate que des universitaires ont déjà répondu à un grand nombre de ces questions.
Cela dit, croyez-vous que les différentes recherches internationales et canadiennes en arrivent à des résultats concluants, ou y a-t-il des résultats contradictoires?
Le terme « concluant » est quelque chose qu'un avocat dirait. Je suis médecin et je prends soin de patients. Cela veut-il dire que nous fermons la porte au nez à un ancien combattant qui continue de penser qu'il y a un problème lié à l'UA? Certains ne seront jamais satisfaits de ce genre d'examens. Je pense que l'idéal, c'est de faire du mieux qu'on peut en disant qu'on a vérifié toutes les pistes et qu'on n'a rien trouvé qui puisse confirmer que l'uranium appauvri est la cause possible des symptômes dont souffrent la majorité des anciens combattants. Je pense que cela reflète bien la réalité.
À un ancien combattant qui est toujours frustré par cette conclusion, je dirais, « Assurons-nous que rien d'autre ne nous a échappé ».
Je remercie nos invités d'être des nôtres aujourd'hui.
Docteure McDiarmid, je tiens simplement à revenir à ce que M. Hayes vous a demandé dans sa dernière question. Quand on parle des résultats de l'étude et des conclusions auxquelles la majorité des experts semblent être parvenues, peut-on dire sans l'ombre d'un doute que la majorité des experts estiment que l'uranium appauvri n'est vraiment pas la cause des maladies dont souffrent les anciens combattants?
Il y a un autre point que je veux soulever. Des militaires ont comparu devant notre comité et nous ont dit qu'autant d'experts sont d'avis que l'uranium appauvri en est la cause.
Est-ce quelque chose dont vous avez entendu parler au cours de votre carrière, à savoir que presque 50 % des membres de la cohorte croient que c'est la cause?
Non. Certaines personnes n'approuvent pas les conclusions préliminaires, mais je n'ai jamais entendu dire que 50 % des membres étaient de cet avis. Je pense que c'est une minorité qui partage cette opinion.
Je comprends, car parmi le groupe de pairs que vous côtoyez, je suis certain que dans le cadre de conférences internationales et de vos démarches en vue de devenir des experts en la matière, vous avez entendu parler de cette soi-disant opinion contraire que partageraient 50 % des membres. Je comprends donc que vous disiez que ce n'est pas le cas et que c'est fort probablement une infime minorité qui est de cet avis.
À l'exception des raisons évidentes, savez-vous pourquoi certains anciens combattants aux États-Unis et au Canada sont si convaincus que l'uranium appauvri en est la cause?
Eh bien, je dirais que dans notre pays, l'uranium appauvri n'est plus tout à fait au sommet de la liste des causes possibles. Quand les gens sont malades, et pas seulement après un déploiement, ils se creusent les méninges pour trouver une explication à leurs malaises. En tant que clinicienne qui travaille dans le domaine depuis 35 ans, je m'aperçois que les gens commencent à dresser une liste de raisons possibles, puis procèdent par élimination. Je parle de façon générale. Je ne fais même pas allusion aux anciens combattants en ce moment. Toutefois, les gens connaissent moins, sans compter qu'il est question de quelque chose qui peut être radioactif, toutes les questions que les experts en communication des risques pour la santé ont relevées comme étant inquiétantes pour n'importe qui. De plus, en cas de doute, il est difficile pour les gens de croire que quelque chose qui semble aussi rare que l'uranium appauvri n'est pas la cause de leurs souffrances.
Il me reste probablement du temps pour une dernière question. Pourriez-vous nous dire s'il y a une association internationale avec laquelle vous travaillez, avec laquelle vous échangez sur les pratiques exemplaires ou les peaufiner et faites le tri dans certaines de ces maladies perçues? Existe-t-il une entité mondiale qui travaille essentiellement à éliminer certaines des causes de ces maladies dont souffrent les anciens combattants?
Je ne pense pas qu'il y ait une organisation internationale. Je peux vous dire que ceux qui prennent soin des anciens combattants dans nos pays alliés se connaissent, même si ce n'est peut-être pas personnellement. Par exemple, les Britanniques communiqueront avec nous à l'occasion, et les Italiens nous ont contactés lorsqu'ils avaient des réserves au début. Lorsqu'ils ont réécrit leurs ouvrages, ils ont découvert qu'il y avait des problèmes avec leurs examens initiaux. Les Italiens ont tenu quelques réunions. Nous avons été invités à collaborer ou à tenir des séances d'information avec vos experts médicaux dans le passé. C'est un peu informel.
Merci, madame McDiarmid. Nous sommes très reconnaissants de votre expertise. Nous espérons que vous serez en mesure de nous éclairer, parce que nous avons entendu des témoignages contradictoires, en particulier de la part d’anciens combattants dont la santé a été gravement hypothéquée.
Je voulais notamment vous parler du lymphome non hodgkinien. Nous avons entendu la semaine dernière le témoignage d’un ancien combattant qui se meurt de ce type de cancer, et il a mentionné qu’un rapport de la Société royale affirmait que la plus grande exposition par radiation provenant de l’UA était l’inhalation de particules d’UA.
Vous avez parlé de la présence d’uranium dans le corps provenant d’éclats de munitions. Avez-vous examiné la possibilité que l’inhalation de particules soit la cause de ce type de cancer pour certaines victimes?
C’est une très bonne question, et je suis ravie que vous me la posiez; cela me donne l’occasion de préciser le tout. Tous les membres de notre cohorte ont été exposés par inhalation au moment de l’impact, ce que nous appelons le moment zéro. C’est logique.
Grâce aux progrès scientifiques réalisés au cours des 20 années qui se sont écoulées depuis l’exposition, nous avons mis au point des techniques d’imagerie médicale qui nous ont permis d’examiner les ganglions lymphatiques pulmonaires; c’est là que certaines particules inhalées auraient pu se déposer. Même si la majorité des particules inhalées sont éliminées au fil du temps, c’est une hypothèse que je voulais écarter; je tenais à m’assurer que des particules n’étaient pas coincées dans les ganglions lymphatiques pulmonaires. C’est une bonne question.
Lorsque nous avons procédé aux examens, nous n’avons pas vu de problèmes dans les ganglions lymphatiques pulmonaires. Encore une fois, j’espère que vous et les autres qui avez lu nos travaux convenez que si vous êtes victime d’une attaque et que vous inhalez les particules provenant de l’explosion d’une munition à l’UA, vous êtes la personne la plus exposée. Nous n’avons pas de cas de lymphomes non hodgkiniens dans notre cohorte.
Encore une fois, au sujet de la question de la radiation, la présence de lymphome non hodgkinien a généralement été associée à l’exposition par radiation, mais je vous rappelle que j’ai mentionné au début de la séance que nous croyons vraiment que l’exposition à l’UA est principalement toxique pour nos anciens combattants en raison de ses effets chimiques et non de ses effets radiologiques.
Cela étant dit, l’inhalation de particules radioactives serait ce que nous devrions surveiller en ce qui a trait aux risques relatifs à la radiation. Cela se rapporte peut-être aux autres éléments du rapport et de l’examen de votre comité. Votre groupe d’experts n’a pas seulement procédé à l’examen des effets sur la santé. Il a aussi évalué les risques et les possibilités d’exposition. J’espère que votre présent examen sera aussi soigneusement effectué que l’examen des effets sur la santé, parce que s’il n’y a pas eu d’exposition à l’UA, les problèmes de santé, même s’il y en a, ne peuvent pas y être attribués.
Nous avons parlé du syndrome de la guerre du Golfe, soit une maladie accompagnée de symptômes multiples dont étaient atteints bon nombre d’anciens combattants à leur retour. Je me demande si les troupes américaines avaient été vaccinées. Vos soldats ont-ils été exposés à des toxines, comme des produits chimiques associés aux pesticides? Pensez-vous que l’exposition des soldats au cours de leur déploiement incluait également cet élément?
Merci, madame McDiarmid, de venir témoigner devant notre comité.
Comme vous le savez très bien, nous avons demandé à un comité d’examen indépendant composé de divers experts scientifiques de passer en revue la littérature sur l’UA. Ce rapport a été évalué par des pairs, et nous avons eu le très grand privilège d'accueillir certains de ces scientifiques au comité. D’autres scientifiques, qui n’ont pas pris part à ce projet, sont également venus nous faire part de leurs opinions; nous avons également entendu d’anciens combattants. Cependant, nous sommes particulièrement heureux d’avoir l’occasion de discuter avec une personne comme vous qui a mené des recherches sur d'anciens combattants qui ont des fragments d’UA dans le corps. Merci beaucoup de votre présence.
J’ai une petite question au sujet des conclusions de vos travaux, puis j’aimerais aborder les conclusions du rapport.
Dans vos travaux, vous avez analysé un peu moins de 1 800 échantillons d’urine, et seulement trois présentaient des traces d’UA.
Exact. Cela me donne l’occasion rêvée de vous donner quelques précisions, parce qu’il est probablement fait mention de 84 et de 1 300 personnes. Nous avons deux grands projets distincts concernant l’UA. Le premier est le suivi exhaustif de 84 membres qui se trouvaient sur ou dans un véhicule qui a été pris pour cible; l’autre projet est le programme de surveillance d’échantillons d’urine envoyés par la poste auquel j’ai fait allusion plus tôt. Nous sommes rendus à plus de 3 000 échantillons analysés, et chaque envoi est accompagné d’un questionnaire qui établit les circonstances entourant la possible exposition à l’UA. Bref, vous avez raison.
Nous avons découvert que les trois personnes trouvées dans le cadre du programme de surveillance par la poste se trouvaient dans ou sur un véhicule qui a été pris pour cible. Il s’agit de gens que le département de la Défense n’avait pas été en mesure de trouver lorsqu’il cherchait à retrouver la première cohorte de 84 personnes. Donc, compte tenu de cette imposante...
Mme Eve Adams: Accidents aériens?
Mme Melissa McDiarmid: ... expérience de 3 000... désolée.
L’étude réalisée à la demande du Canada est arrivée à sept conclusions. Je vais vous les lire, et j’aimerais que vous me disiez si vous êtes d’accord ou en désaccord avec l’affirmation.
La première conclusion:
L’uranium appauvri peut être nocif pour la santé humaine en raison de ses effets chimiques et radiologiques.
Dans le contexte militaire, les personnes qui risquaient le plus d’être exposées à l’UA sont celles qui se trouvaient à bord ou à proximité d’un véhicule frappé par un tir fratricide; qui ont pénétré dans un tel véhicule en feu ou qui se trouvaient à proximité; qui se trouvaient près d’un incendie dans lequel des munitions à l’uranium brûlaient; qui ont participé à des opérations de récupération de véhicules endommagés; ou qui ont participé à des opérations de nettoyage de sites contaminés.
Il est peu probable que des militaires canadiens aient été exposés à des concentrations d’uranium appauvri qui pourraient représenter un danger pour leur santé.
Je pense que c’est une décision canadienne, parce que vous savez où vos troupes se trouvaient ou ne se trouvaient pas lors d’une possible exposition. Selon ce que j’ai lu et ce que j’ai entendu de votre groupe d’experts, je crois que cela semble exact.
Les études de cohortes militaires n’attestent pas de manière constante que des effets néfastes pour la santé puissent être attribués à l’uranium appauvri.
Les études menées dans des populations civiles plus vastes davantage exposées à l’uranium [...] et suivies pendant de longues périodes n’apportent pas de preuves solides de l’existence d’effets néfastes pour la santé.
Je crois que c’est vrai, mais nous parlons ici de divers types d’expositions, comme je l’ai mentionné plus tôt. Ce n’était pas seulement de l’uranium; ce n’était même pas seulement de l’uranium appauvri.
Notre conclusion selon laquelle l’exposition à l’uranium n’est pas associée à un effet important ou fréquent sur la santé concorde avec les conclusions d’autres groupes d’experts.
À la suite d’un déploiement ou d’un conflit armé, de nombreux anciens combattants présentent des symptômes persistants qui, bien qu’ils ne soient pas associés à l’exposition à une substance en particulier, tel l’uranium appauvri, peuvent causer beaucoup de souffrance et faire l’objet d’un traitement efficace.
Merci, madame Adams. Nous vous en sommes grandement reconnaissants.
Madame McDiarmid, au nom du comité et de notre président, M. Kerr, merci beaucoup de votre témoignage.
Je profite de mon privilège en tant que président pour vous poser moi-même deux petites questions.
Comme vous nous l’avez dit et comme des spécialistes canadiens nous l’ont raconté, la majorité des analyses se font par l’entremise d’échantillons d’urine. En vue d’écarter les inquiétudes au sujet de l’UA, y a-t-il déjà eu une vaste étude sur les autopsies d’anciens combattants de la guerre du Golfe aux États-Unis, au Canada ou en Europe en ce qui a trait aux prélèvements d’organes comme les reins, le foie, les poumons ou le coeur?
Nous avons entendu spécialiste après spécialiste nous affirmer que, selon eux, c’est peu probable que l’UA soit la cause des problèmes de santé de nos anciens combattants. Je ne suis pas spécialiste en la matière, mais c’est un peu consternant qu’après 23 ans les spécialistes ne connaissent toujours pas la cause des symptômes.
Est-ce une inquiétude normale à cet égard, ou est-ce que je rêve en couleurs?
Je crois que c’est complexe. La souffrance est distincte d’un patient à l’autre. Je peux par contre vous dire que nous en avons également été témoins de notre côté.
Comme je l’ai dit, je crois que les présents anciens combattants s’inquiètent moins de l’UA qu’il y a 20 ans. Est-ce complètement éliminé? Je ne sais pas. Pas nécessairement. Il y a un très grand nombre d’enjeux qui entrent en ligne de compte.
Je ne veux pas tout prendre votre temps, monsieur. Pour revenir à votre première question, il n’y a pas eu d’étude proprement dite sur les autopsies d’anciens combattants. Il y en a eu dans le cas de travailleurs du département de l’Énergie en ce qui concerne les gens qui ont participé à l’époque au projet Manhattan, par exemple, il y a 50 ou 60 ans.
En fait, les résultats à cet égard nous ont aidés au début de nos travaux; les chercheurs et les cliniciens ont ainsi pu écarter certaines inquiétudes.
En toute honnêteté, nos travailleurs du secteur de l’énergie ont été plus exposés à des concentrations d’uranium hautement dangereuses et à d’autres produits connexes que nos anciens combattants semblent heureusement l’avoir été.
Au nom du comité, merci beaucoup. Nous vous souhaitons une bonne journée. Nous vous sommes grandement reconnaissants de votre témoignage. Merci beaucoup.
Mme Melissa McDiarmid: Merci à tous.
Le vice-président (M. Peter Stoffer): Chers collègues, nous allons suspendre les travaux du comité deux ou trois minutes en attendant l’arrivée de notre prochain témoin.
Avant de laisser la parole à Pierre Morisset, le président du Comité consultatif scientifique, j’aimerais vous présenter M. Joel Watson de Heenan Blaikie. Veuillez vous lever.
Hier soir, M. Watson et un groupe ont organisé une formidable réception dans la pièce 216-N, avec le secteur privé, dans le but d’aider nos anciens combattants à faire la transition dans le secteur privé. Je dois dire que tout le monde présent a trouvé cela très positif. Monsieur O’Toole, vous et les autres députés qui avez aidé à l’organisation de la réception, je vous remercie. C’était une grande réception.
Selon moi, c’est un tournant en ce qui a trait à la coopération entre le gouvernement, le secteur privé et des groupes comme le vôtre, monsieur, en vue de nous assurer que nos anciens combattants font une transition en douceur dans leur nouvelle carrière lorsqu’ils quittent les forces canadiennes.
Merci beaucoup, monsieur. Nous vous sommes énormément reconnaissants de ce que vous avez fait hier soir. Je vous souhaite encore beaucoup de succès.
Des voix: Bravo!
Le vice-président (M. Peter Stoffer): Monsieur Morisset, allez-y, s’il vous plaît.
Mme Corbin m’a informé que je pouvais faire un exposé. Je vais le lire pour éviter de dépasser mon temps de parole.
Même si cela ne fait pas vraiment partie de mon exposé, j’aimerais vous faire part de quatre recommandations. Il ne s’agit pas de recommandations issues des travaux du comité, mais je suis arrivé à ces recommandations à la suite des témoignages que j’ai entendus.
J’ai aussi une petite demande de nature un peu plus personnelle. Je suis disposé à les aborder au moment que vous choisirez au cours de la séance.
Mon premier commentaire porte sur le mandat, à savoir de procéder à un examen approfondi des publications scientifiques sur l’UA en vue d’évaluer la probabilité que des militaires canadiens présentent des effets néfastes pour la santé attribuables à l’UA. Il semble que certains anciens combattants s’attendaient à ce que nous examinions leur dossier médical personnel. Je me trompe peut-être, mais cette opinion semble être partagée par au moins l’un des membres de votre comité qui a dit: « Or, nous avons un rapport qui ne tient pas compte de leurs dossiers, qui tire des conclusions en se fondant sur une recherche documentaire. »
Si l’objectif du comité avait été de mener un examen clinique des cas, son mandat et sa composition auraient été structurés très différemment. Notre objectif global était de produire un rapport exact, complet, clair et cohérent. Nous considérons avoir rempli ces objectifs, et ceux qui ont révisé notre travail et les autres scientifiques qui ont lu le rapport le confirment.
Nous souhaitons également qu’il soit utile. Après tout, c’est le seul examen scientifique approfondi sur l’uranium appauvri qui aborde le contexte militaire canadien.
(0950)
[Français]
Nos conclusions sont le fruit de notre meilleure interprétation des données scientifiques actuelles. Nous n'avons nullement la prétention de dire qu'elles sont absolues. La science évolue continuellement, et de nouvelles études apporteront sans doute de nouveaux éclairages sur le sujet.
[Traduction]
Il n’est pas surprenant qu’il existe des points de vue contraires. C’est le cas dans les milieux scientifique, juridique et même politique. C’est d’autant plus compréhensible compte tenu du rôle que joue la radiation dans le développement du cancer, d’autant plus que les mécanismes en cause ne sont pas encore complètement compris. En fin de compte, peu importe le contexte, c’est l’opinion de la majorité qui l’emporte.
[Français]
Les témoignages de certains anciens combattants laissent entendre que nous n'avons pas tenu compte de certaines études importantes, par exemple les rapports des Nations Unies en Bosnie et les récentes études menées en France. Au contraire, nous en avons tenu compte et elles figurent dans le rapport. Il semblerait, par contre, que nous ne les ayons pas suffisamment mises en évidence, et à cet égard, nous nous en voulons.
[Traduction]
On a laissé entendre que notre comité avait pris sa décision dès le début pour ensuite choisir ce qui lui plaisait dans la documentation, à la recherche d'études qui appuyaient nos conclusions. En tant que président de notre comité, permettez-moi de vous rassurer que ce n'est aucunement le cas.
On a également laissé entendre que le processus d'examen lui-même comportait des lacunes, étant donné qu'on n'avait pas présenté aux examinateurs la version finale du rapport. Sur ce point, soyez rassurés que nous avons suivi l'approche standard du processus d'examen.
Enfin, et je parle maintenant à titre personnel, je suis moi-même un ancien combattant, ayant servi pendant 33 ans, d'abord comme pilote, puis comme médecin. J'ai, moi aussi, été gravement blessé à la suite d'un accident d'aviation militaire. Croyez-moi, je comprends les effets d'un mauvais état de santé et je sympathise avec les anciens combattants malades que vous avez entendus, ainsi qu'avec ceux qui n'ont pas témoigné. Je comprends également leurs frustrations. Par conséquent, je ne pense pas que ces anciens combattants me considèrent comme leur adversaire dans le cadre de ce processus.
Merci beaucoup de vos commentaires, monsieur Morisset.
Les vétérans qui se sont présentés devant notre comité ont tous parlé d'études qui tendaient à confirmer l'effet de l'uranium appauvri sur leur santé. Pourquoi ne pas les avoir insérées dans l'étude? Même si vous n'étiez pas favorable aux conclusions de ces études, il aurait été intéressant de savoir pourquoi elles avaient été rejetées. Après tout, ce rapport est censé informer les vétérans, mais on ne les informe pas du tout sur ces études.
Beaucoup d'études de cas ont été faites. Le personnel de M. Chicoine a fait des recherches et a trouvé plusieurs études faites par le Canada sur l'uranium appauvri qui n'ont pas été incluses dans le rapport. Il y a eu une étude effectuée par Énergie Atomique du Canada en 2011. Recherche et développement pour la Défense du Canada a également fait des études en 2000, en 2002 et en 2004, de même que le Collège militaire royal en 2000 et en 2001. Il y a aussi le rapport sur la décontamination de Valcartier de 1999 et de 2006.
Vous ratissez très large. Vous parlez de plusieurs choses. Vous parlez d'études de cas. Dans toutes les études de Mme McDiarmid, le rapport n'inclut pas les études de cas. C'est la même chose pour les études de l'Institute of Medicine.
Par ailleurs, les études de cas sont intéressantes pour soulever des problèmes rares qui surviennent dès le début. Par exemple, de telles situations peuvent survenir dans le cas de nouveaux médicaments, en dépit d'avoir fait des études avant l'obtention des brevets. Même si des études ont été menées, certains effets secondaires peuvent se manifester plus tard, après que le médicament a été utilisé par une plus grande population pendant plusieurs années.
Ces études de cas, par exemple une personne qui aurait des effets secondaires rares, seront publiées. Je dis bien que ces études de cas seront publiées, car cela amorcera peut-être un certain dialogue. On fait connaître une étude de cas, ce qui en fait surgir une autre dans un autre pays, et tout s'enchaîne. Par contre, ce ne sont pas des études qu'on inclut dans des études épidémiologiques sur de grandes populations.
En ce qui a trait aux études de Valcartier, je n'en sais rien. Je ne suis pas au courant de cela. On en aurait entendu parler s'il y avait eu des études à Valcartier au sujet de l'uranium appauvri, ce dont je doute fort. La seule étude du Collège militaire royal est celle sur les analyses d'urine.
Vous avez fait la recommandation 7 pour les vétérans. Iriez-vous plus loin, jusqu'à dire qu'on devrait leur accorder le bénéfice du doute? Devrions-nous continuer l'étude de façon plus large, jusqu'à y inclure le syndrome de la guerre du Golfe? Quelle serait votre recommandation au comité?
Je vais parler des recommandations plus tard, ce qui répondra en partie à votre question.
Pour ce qui est du bénéfice du doute, je vous répondrais comme Mme McDiarmid. Ce n'est pas à moi de vous dire comment fonctionne la prise de décision vis-à-vis des anciens combattants à cet égard.
Je suis désolé, mais je n'ai plus de voix aujourd'hui.
En fait, il y a environ 15 ans, on avait entreposé une certaine quantité d'uranium appauvri à Valcartier, puis on avait décidé d'entreprendre une procédure de décontamination préventive afin de retirer ce qui était entreposé.
Je suis désolé, mais personne ne connaissait les effets de l'uranium appauvri; c'est pourquoi les gens de Valcartier ont mené un exercice de décontamination.
Dr Pierre Morisset: Merci beaucoup. Je n'étais pas au courant.
Le vice-président (M. Peter Stoffer): C'est seulement à titre de précision.
Merci.
Passons à M. Zimmer. Sachez que le temps de parole sera maintenant réduit à quatre minutes afin de permettre au plus grand nombre possible de députés d'intervenir.
Mon fils est actuellement membre des Cadets de l'Air et il essaie de suivre mes pas. Nous vous remercions du bon service que vous avez rendu. Parfois, j'aimerais être à votre place. Être capable de piloter ces avions, c'est vraiment formidable.
J'ai une question à vous poser sur la différence entre les études sur les animaux et les études sur les humains. Le rapport en fait peu mention. Pourriez-vous expliquer les différences, mis à part ce qui est évident, entre une étude sur les animaux et une étude sur les humains?
J’ignore ce que vous jugez évident dans les recherches scientifiques effectuées chez les animaux. Il serait faux de dire que nous n'en avons pas tenu compte. Il y a une vaste documentation à ce sujet.
Je vais revenir en arrière et fournir quelques explications. On effectue des études expérimentales sur les animaux. On réalise aussi des recherches fondamentales in vitro; on entend par là des recherches menées en laboratoire, sur des cellules vivantes ou des insectes. C’est la première étape. Ensuite, on applique les conclusions à des organismes vivants plus complexes, comme les animaux, les rats de laboratoire, les singes, les babouins, les chiens, etc. On essaie de vérifier davantage les hypothèses. Enfin, on les applique aux humains. C'est habituellement à cette étape qu'on lance de nouveaux médicaments.
Nous avons examiné les études menées sur les animaux, surtout en lien avec les candidats pour des maladies. Par exemple, Dre McDiarmid n'a pas mentionné qu'elle et son groupe s’inquiétaient de l’apparition possible du cancer dans le tissu musculaire situé près des fragments d'uranium appauvri. Pour tirer les choses au clair, ils ont mené des études dans lesquelles des animaux, plus précisément des rats, se sont faits injecter des pastilles d'uranium, dont le nombre élevé et la grosseur représentaient une charge beaucoup plus importante que ce à quoi seraient exposés les soldats portant des fragments dans leur corps. Ensuite, ces animaux ont fait l’objet d’un suivi. Alors, quels étaient les effets d’une telle charge supérieure? Que s'est-il passé aux animaux? Ont-il eu le cancer? Nous avons examiné ces résultats. Un certain nombre d'autres études remontent aux années 1940, lorsque l'uranium était utilisé. Là, je passe de l’uranium appauvri à l'uranium. Oui, ils ont eu le cancer du poumon, c'est-à-dire une fibrose. J'ai déjà dit, à une séance antérieure, que des charges massives d'uranium ont, à coup sûr, des effets toxiques sur le foie.
La raison pour laquelle on ne peut pas se servir d’études sur les animaux pour extrapoler ou transposer les résultats aux humains, c’est parce que les différences entre les espèces posent des difficultés. C’est tout simplement impossible. Les espèces ne se comportent pas de la même façon. Il existe des similitudes, mais elles ne suffisent pas. Même d’une espèce animale à l’autre —par exemple, si on compare les babouins aux souris —, on observe différentes réactions. Voilà pourquoi on a créé certaines souches de souris, etc. C'est très complexe.
J'ai une dernière question, étant donné que je n'ai pas beaucoup de temps. Vous y avez déjà fait allusion. Avez-vous d'autres recommandations ou suggestions scientifiques à ce stade-ci?
Nous y reviendrons dans la conclusion. Qu'en pensez-vous? De toute façon, le temps est écoulé. Ce serait ainsi une bonne manière de conclure notre réunion.
Docteur Morisset, bon retour au comité. Je suis franchement surpris de vous voir ici.
Dr Pierre Morisset: Moi aussi.
M. Sean Casey: C'est justement la première question que je voulais vous poser. Sachez que jusqu'à présent, nous avons passé plus de temps à vous interroger en comité qu'à étudier les compressions budgétaires au ministère des Anciens Combattants.
Quand vous dites que vous êtes supris d'être ici, expliquez-moi comment vous en êtes arrivé là. J'en déduis, d'après votre remarque, que ce n'était pas votre idée.
Dr Pierre Morisset: Excusez-moi, parlez-vous du fait que je sois ici une troisième fois?
Je dois faire attention. Je pensais que vous aviez déjà entendu les témoignages et je n'étais pas sûr si je devais revenir une troisième fois. Je ne m'y attendais pas, c'est tout. Ce n'est pas que j'étais déçu, mais je pensais qu'on se contenterait de tenir une séance à huis clos, puis une réunion consacrée aux témoignages. Je ne pensais pas qu'on m'inviterait une troisième fois, mais cela ne me dérange pas. Je n'éprouve pas d'appréhension à cet égard.
Alors, si vous comparaissez aujourd'hui, ce n'est pas de votre propre gré, mais c'est à l'invitation de la personne qui a établi la liste de témoins. Ce n'était pas votre idée?
Non, non. J'ai répondu à la lettre d'invitation de Mme Corbin, votre greffière. Je n'en ai pas fait la demande. Je n'ai pas supplié de venir ici, si c'est ce que vous voulez savoir.
Dans ce cas-là, monsieur le président, je donne avis au comité que j'aimerais qu'on accepte la demande de Louise Richard et qu'on la réinvite à comparaître, elle aussi. Je crois comprendre qu'elle en a fait la demande.
Docteur, dans le cadre de votre étude.... Je sais que vous êtes indigné par certaines des questions que j'ai posées en ce qui concerne...
Je n'ai rien dit de tel; c'est vous qui le dites. Je regrette. Ce que j'ai dit, c'est que je n'étais pas sûr de vous avoir bien compris. C'est ce que j'ai dit, et je voulais simplement préciser pourquoi nous n'avions pas entrepris cette démarche.
J'en viens à ma question. Au moment où vous meniez votre étude, un tribunal en Italie avait établi, dans le cadre d'un procès, un lien d'ordre juridique entre le lymphome de Hodgkin et une exposition à l'uranium appauvri; le tribunal avait en fait ordonné le versement de dommages-intérêts.
Voici la question que je vous pose, docteur: d'abord, le comité était-il au courant du procès et ensuite, le comité a-t-il étudié à fond les preuves médicales que le tribunal avait jugées suffisantes pour établir ce lien?
Vous me demandez si nous étions au courant de deux choses.
Étions-nous au courant du procès? Non. On ne trouve pas ce genre d'information dans les publications scientifiques. Par contre, j'étais au courant d'une affaire judiciaire en Italie dans laquelle un groupe de juges ou peut-être un juge avait condamné certains scientifiques pour ne pas avoir pu prévoir un tremblement de terre. C'est tout ce que je savais. Quant à l'uranium appauvri et à sa relation avec le lymphome de Hodgkin.... Je pense que c'était la maladie de Hodgkin, n'est-ce pas?
Non, nous n'avons pas examiné cet aspect. L'autre question était de savoir si nous avions tenu compte des preuves que le juge avait étudiées. Non. Bien entendu, nous n'étions pas au courant de l'affaire, mais nous avons examiné très soigneusement les seuls ouvrages scientifiques qui étaient disponibles, à savoir les études italiennes.
Merci, monsieur le président. Merci encore une fois, docteur Morisset.
Que vous comparaissiez à l’invitation de la greffière ou de votre plein gré, cela importe peu. Ce qui compte, selon moi, c’est que vous avez rappelé au comité que votre équipe a abordé cette question de manière scientifique et impartiale et que vous-mêmes êtes un ancien combattant. Je pense qu'il est important de rétablir les faits, particulièrement en ce qui concerne certains arguments invoqués dans divers témoignages qui ne s’appuient pas sur la science et qui remettent en question votre rapport. Je suis donc content que vous soyez ici.
J’ai trouvé intéressant d’entendre la Dre McDiarmid dire, dans son témoignage ce matin, que l’étude sur la cohorte de militaires de Baltimore constitue peut-être la meilleure étude continue menée auprès d’anciens combattants touchés par l'uranium appauvri. Il s'agit tous d'anciens combattants de niveau I, c'est-à-dire qu’ils portent des fragments d'uranium appauvri dans leur corps; pourtant, ils ne semblent pas présenter les symptômes dont souffrent certains des anciens combattants que nous avons entendus.
Pourriez-vous nous dire quelques mots là-dessus? Dans votre rapport, vous semblez indiquer qu'il pourrait y avoir trois niveaux d’exposition; vous dites aussi qu’il est très peu probable que le personnel des Forces canadiennes ait subi une exposition de niveau II et qu’il n’a certainement pas subi une exposition de niveau I. Pourriez-vous nous parler de ces niveaux et du fait que malgré une exposition de niveau I, la cohorte de militaires de Baltimore ne présentent pas certains des symptômes dont souffrent d'autres anciens combattants?
Les niveaux I, II et III désignent essentiellement les divers degrés d'exposition. Les expositions de niveau I sont les plus élevées; les militaires ayant subi ce niveau d'exposition sont suivis et examinés de très près, depuis 20 ans, par un groupe d'experts. Si on n’a observé aucun changement considérable à l'un ou l'autre des niveaux.... La Dre McDiarmid a mentionné que son équipe a fait d'autres examens très poussés pour ce qui est des dommages aux reins. Même à ce niveau, il n'y a rien de concluant.
Pour revenir au point que je voulais faire valoir, si on n’observe rien aux niveaux de très forte exposition, alors il y a très peu de chances qu'on trouve quelque chose aux niveaux de très faible exposition.
Enfin, nos experts médicaux et scientifiques souscrivent à la conclusion finale de votre rapport, à savoir que certains anciens combattants souffrent de maladies multisymptomatiques chroniques qui, selon toute vraisemblance, ne sont pas attribuables à l'uranium appauvri, mais qui peuvent quand même être traitées.
Nous en avons parlé lors de votre première comparution. Y a-t-il un impact sur le traitement approprié des anciens combattants si la cause profonde de la maladie n'est pas la même parmi un grand nombre d'anciens combattants souffrant de fatigue chronique et d'autres symptômes? On peut quand même les traiter individuellement, selon les symptômes, malgré l'absence d'une seule cause principale. Qu'en pensez-vous?
Il s'agit d'un syndrome. J'ai mentionné, à une séance antérieure, que ce syndrome se présente de différentes façons et qu'il varie selon la personne. Certains individus pourraient souffrir d'un syndrome de fatigue chronique et d'autres, d'une douleur généralisée; dans d'autres cas, on peut observer une mauvaise concentration ou encore, une combinaison de ces syndromes. La liste est longue.
Docteur Morisset, plusieurs témoins reçus en comité nous ont fait part de dossiers médicaux ou livres de vaccination d'anciens combattants manquants ou très peu documentés au moment de leur libération des forces. Nous avons été témoins du fait que les Forces canadiennes ont enlevé des documents clés de dossiers d'anciens combattants. Elles ont également noirci des informations contenues dans de tels dossiers.
Comment un ancien combattant peut-il prouver qu'il souffre d'un tel syndrome et le relier directement au service militaire, lorsque les documents nécessaires ont disparu? Cela va nuire au dossier du vétéran qui voudra obtenir des services et des avantages auprès d'Anciens Combattants Canada. De plus, si les vaccins ne sont pas documentés, comment sait-on à quel vaccin tel ou tel ancien combattant a mal réagi? Comment peut-on savoir s'il s'agit simplement d'une réaction à des vaccins ou des médicaments expérimentaux qu'on a donnés aux soldats canadiens?
En fait, lorsque des témoins avancent certains arguments semblables, je me demande comment on peut être certain qu'il y a une lecture indépendante de leur dossier médical.
Vous me posez une question sur la fiabilité de la documentation médicale à propos d'un ancien combattant qui va se présenter devant le ministère des Anciens Combattants, n'est-ce pas?
On parle de dossiers manquants, de dossiers qui ont été trafiqués et ainsi de suite. J'ai déjà entendu ce genre de témoignage. Cela m'étonne énormément.
Premièrement, si jamais un membre du personnel militaire faisait cela, il ferait l'objet d'une mesure disciplinaire. Ce n'est absolument pas permis. On ne modifie pas des dossiers médicaux.
Comment peut-on garantir, autant aux militaires qu'à la population canadienne, qu'à partir du moment où le militaire s'engage dans les forces armées et jusqu'à sa sortie, son dossier médical sera traité de manière indépendante? De cette manière, s'il est affecté par une maladie, par un vaccin ou par de l'uranium appauvri, peu importe...
Ce n'est pas différent du contexte civil. C'est le médecin qui s'occupe du dossier médical d'un patient. Ce dossier est confidentiel et ne peut pas être modifié par la suite.
J'aimerais que vous commentiez l'affirmation suivante de M. Lacoste. Il a dit que son DT-60 indiquait le niveau de radiation le plus élevé lorsqu'on a prélevé la mesure. Il l'a toujours en sa possession. Pour votre part, vous avez dit que le DT-60 servait à détecter un autre type de radiation.
Comment expliquez-vous, en tant que médecin, que le DT-60 de M. Lacoste indiquait que son corps contenait un niveau d'uranium 61 fois plus élevé que le niveau moyen?
J'aimerais bien voir le résultat. Ce ne sont pas des médecins mais des spécialistes de Santé Canada qui font ces vérifications. Ils interprètent les lectures des DT-60.
S'il avait son DT-60 lors d'un déploiement et que l'appareil indiquait une certaine mesure, comment peut-on constituer une preuve pouvant servir ensuite à déterminer exactement ce qui s'est passé? Je m'interroge énormément à ce sujet. Je ne veux pas qu'on perde l'information.
Dans les zones de combat, nous ne pouvons pas faire la lecture des DT-60. Nous n'avons pas l'équipement requis pour le faire, que ce soit chaque jour, chaque semaine ou à une autre fréquence. Nous ne pouvons pas non plus faire des prises de sang ou autres tests du genre. Vous comprenez cela. C'est pour des raisons d'ordre pratique.
À certains intervalles, la lecture des DT-60 est effectuée. Comme je l'ai dit plus tôt, la Défense nationale confie cette tâche à Santé Canada. Autrement dit, ça ne se fait pas sur le terrain, par un individu, mais dans des laboratoires de Santé Canada.
Docteur Morisset, certains des témoins que nous avons entendus semblent avoir oublié par inadvertance la distinction entre l'uranium appauvri et l'uranium en ce qui concerne les effets sur la santé. Pourriez-vous prendre un instant pour préciser les risques de l'uranium pour la santé, comparativement à ceux de l'uranium appauvri?
C'est un peu déroutant, n'est-ce pas? Même Dre McDiarmid, que j'admire énormément et qui est une experte mondiale en la matière, a fait quelques lapsus de ce genre aujourd'hui. Elle parlait tantôt d'uranium et tantôt d'uranium appauvri. Il faut faire très attention, car cela sème la confusion dans mon esprit.
La raison pour laquelle nous évoquons aussi fréquemment des études portant sur l'uranium, lorsque nous parlons d'enquêter sur les effets de l'uranium appauvri, c'est que leurs effets se ressemblent et que, sur le plan toxicologique, ils sont identiques, comme Dre McDiarmid l'a fait ressortir. Ce sont ces derniers effets qui préoccupent surtout leur groupe. Les effets radiologiques les inquiètent moins.
Les études qui ont été menées sur l'exposition à l'uranium chez les humains datent de nombreuses années et portaient sur des groupes très importants de gens qui travaillaient dans l'industrie de l'uranium. Si l’on parle aussi souvent d'études épidémiologiques dans le cas de l'uranium, c'est en raison de leur grand nombre. Les études qui portent précisément sur l'uranium appauvri ne sont pas utilisées très fréquemment et ne l'ont pas été depuis longtemps. Voilà pourquoi elles sont peu nombreuses. Toutefois, une fois que l'on a déterminé les effets de l'uranium, on peut les appliquer à l'uranium appauvri.
D'un point de vue toxicologique, ils seraient identiques. D'un point de vue radiologique, l'exposition, le degré d'irradiation si vous voulez, imputable à l'uranium appauvri est grandement inférieure, soit 40 % de moins.
La semaine dernière, Dr Lalonde a déclaré que la présence d'uranium appauvri n'avait été détectée dans l'organisme d'aucun des 230 membres des Forces canadiennes qui avaient accepté d'être testés. J'ai lu le rapport au début de l'étude, mais je ne l'ai pas relu depuis. Par conséquent, pardonnez-moi si cela m'a échappé, mais est-ce que l'étude tient compte de ces résultats?
Oui, l'étude en tient compte. Dans un énoncé général, on indique que, prises dans leur ensemble, les analyses d'urine effectuées aux États-Unis, au Canada, en Suède, en Grande-Bretagne et en France ont donné les mêmes résultats.
Je vais poser ma dernière question. Les anciens combattants ont dit qu'ils étaient reconnaissants à M. Blackburn, l'ancien ministre, et à M. Blaney, le ministre actuel, d'avoir permis à cette étude d'aller de l'avant, car ce sujet devait faire l'objet d'une discussion. Êtes-vous d'accord pour dire qu'il était important d'étudier cette question et que l'étude bénéficiera aux anciens combattants canadiens?
C'est ce que nous prévoyons. On n’avait jamais mené une étude sur l'uranium appauvri auparavant. Celui-ci représente toujours un mystère. Au début, en tant que citoyen, vous ne saviez pas en quoi consistait l’uranium appauvri, n'est-ce pas? C'est également le cas de bon nombre d'anciens combattants, mais il se peut que cela les inquiète, car il s'agit d'uranium. Si le métal portait un autre nom, ces préoccupations ou ces soupçons n’existeraient pas.
Au moins, nous avons examiné la documentation scientifique jusqu'à la fin de 2012. Donc, nous avons actualisé l'étude documentaire, et nous l'avons appliquée au contexte canadien qui, sur le plan de l'exposition, diffère de celui des États-Unis. Nous espérons que l'étude servira à informer et à rassurer les anciens combattants.
Je vous remercie encore une fois, docteur Morisset, d'être venu comparaître devant le comité.
Si vous me le permettez, j'aimerais vous poser une question très franche. Certains membres du comité et au moins un ancien combattant qui a comparu devant notre comité vous ont essentiellement accusé d'avoir, plus ou moins, examiné et inclus dans votre rapport les renseignements qui vous convenaient. Je ne crois pas que ce soit le cas, mais j'aimerais que vous indiquiez au comité si vous avez l’impression qu’ils ont raison.
Eh bien, j’ai une observation à formuler. J’ai horreur de nommer les gens, mais M. Dornan est la personne qui m’a reproché d’examiner seulement les renseignements qui me convenaient. Mme Richard m’a accusé d’être impliqué dans un complot sordide visant à administrer des médicaments et des vaccins expérimentaux. Je n’aime pas entendre des commentaires comme ceux-là mais, en même temps, je peux comprendre leurs frustrations. Par conséquent, je ne les prends pas personnellement. Il ne s’agissait là que d’une déclaration préliminaire.
En ce qui a trait à l’examen sélectif de renseignements… Soit dit en passant, lorsque M. Dornan a comparu devant notre comité, il nous a remis une pile de documents et d’articles qu’il avait réunis. Lui et son épouse sont très doués pour la recherche. J’admire réellement leur ténacité et la façon dont ils envisagent la question. J’ai moi-même examiné chacune des pages de cette pile. Nous n’avons pas mentionné toutes ces études, parce que certaines d’entre elles étaient mineures, non pas dans le sens minier du terme, mais dans le sens d’être de petite envergure.
L’une des études… et je dois la mentionner, parce qu’elle mérite un deuxième examen. Je me souviens qu’il a mentionné dans son témoignage que les études françaises étaient marquantes. Il a déclaré que nous avions fermé les yeux sur ces études qui démontraient telle et telle chose. J’ai pensé ce qui suit: « Dieu sait que j’ai examiné cette étude, mais je ne suis pas parvenu à cette conclusion ». Hier, j’ai retrouvé l’article original, et je me suis dit ce qui suit: « Bon sang, je vais lire cet article. Qu’avons-nous négligé collectivement? » En fait, nous avions lu cet article, et nous ne faisions nullement erreur. Apparemment, les constatations de l’étude figurent dans le rapport — à la page 19 ou 20; je ne me souviens plus exactement de la page, mais les références s’y trouvent, et elles ont été prises en considération.
Le rapport, qui était révolutionnaire, selon lui, portait sur l’uranium de retraitement, et non sur l’uranium appauvri. De plus, c’était de l’uranium enrichi qui faisait l’objet de retraitement, et non de l’uranium appauvri. Il contenait du plutonium, de l’américium et toutes sortes d’autres composantes. Par conséquent, je ne crois pas que le rapport était très pertinent dans le contexte de notre étude. De plus, ils signalaient qu’il s’agissait d’un projet pilote, d’une étude initiale, et ils affirmaient que, oui, certains signes pouvaient indiquer un risque accru de cancer des tissus hématopoïétiques, se manifestant par la présence de multiples lymphomes. D’accord. Nous pensons qu’il pourrait y avoir un lien, que cela évoque — c’est le mot qu’ils emploient — une association, mais nous devons étudier cette question plus attentivement.
De plus, je tiens à mentionner que l’un des coauteurs de l’étude est l’un de nos examinateurs. Il a approuvé nos conclusions, et il était d’avis que notre étude était complète, etc. Vous me demandez de rétablir les faits à cet égard, alors je vous indique que nous n’avons pas examiné seulement les renseignements qui nous convenaient.
Je vous remercie, docteur Morisset, d’être revenu témoigner et apporter des précisions. Je cherche également à obtenir des précisions.
J’ai deux questions à vous poser. Comment des médecins ont-ils pu diagnostiquer un empoisonnement à l’UA sans s’appuyer sur des données scientifiques? Voilà ma première question.
Deuxièmement, trop de questions demeurent sans réponse. Vous avez fait allusion à votre mandat, et je crois comprendre que celui-ci ne comportait pas d’études cliniques, ce qui est compréhensible. Toutefois, où en sommes-nous pour ce qui est d’examiner chaque dossier clinique et de mener des études? Est-ce que trop peu d’études ont été entreprises?
Lorsque j’examine la situation de Louise Richard, de Pascal Lacoste et de Steve Dornan, je constate que ces anciens combattants souffrent. Doit-on se livrer à d’autres études cliniques?
Oui, exactement. C'est vraiment une bonne question.
J'aurais aimé pouvoir en discuter avec un médecin ayant supposément posé un diagnostic d'intoxication à l'uranium appauvri pour savoir sur quoi il appuie sa décision. C'est un très très gros point d'interrogation dans mon esprit.
Sur les études cliniques, pardonnez-moi. Je suis passé rapidement sur ce point. Si des recherches sont réalisées à ce sujet, je propose un moyen d'examiner la question.
Merci, docteur Morisset, de comparaître. Vous avez dit que vous étiez surpris de revenir. En fait, j'allais proposer, sans demander à qui que ce soit, que vous reveniez. Il est très important que vous fassiez la lumière sur certains propos et opinions que nous avons entendus de la part des témoins. C'est crucial. Ainsi, si je n'ai qu'une question, je vous poserai la suivante, qui est très directe. Ne vous sentez pas personnellement attaqué.
Diriez-vous que vous avez sciemment omis des documents ou une recherche particulière en raison de leurs conclusions?
Vous souvenez-vous quand vous faisiez des expériences à l'école secondaire? Si vous trichiez en rédigeant un rapport, que ce soit au secondaire ou à l'université, et que vous vous faisiez prendre, qu'arrivait-t-il?
Non, nous n'avons rien fait de tel, et je suis outré qu'on puisse le suggérer. Nous nous sommes appliqués. Je l'ai certainement fait, et nous comptions parmi nous des gens extrêmement rigoureux. Je vous affirme que ces professeurs d'université en épidémiologie et en d'autres matières ont été rigoureux et qu'ils ne nous auraient jamais laissé ne serait-ce qu'envisager une telle possibilité. La réponse est donc non.
Nous vous accorderons quelques minutes pour nous faire part de vos quatre points. Les avez-vous couchés sur papier pour les remettre au comité ou vous contenterez-vous de les lire?
Si vous le souhaitez, nous pouvons en discuter plus tard.
Il est d'abord recommandé que les membres du comité lisent le rapport que l'Institute of Medicine a publié en janvier 2013 sur le trouble multisystémique chronique ou au moins un résumé. Cette lecture vous sera fort utile.
Nous recommandons ensuite que le MDN et Anciens combattants Canada envisage la possibilité de créer à l'échelle du pays un réseau de médecins de premier recours disposés à accepter des anciens combattants comme patients. Ce groupe de médecins comprendrait d'anciens médecins militaires.
Nous recommandons également de communiquer les conclusions de notre rapport aux anciens combattants de la manière la plus appropriée.
Nous vous recommandons enfin de vous familiariser avec le comité de recherche mis sur pied récemment par le MDN et Anciens combattants Canada sous le nom d'Institut Canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans, ou ICRSMV, et de lui apporter tout le soutien que vous pouvez. Les nouveaux travaux de recherche devraient être financés adéquatement.
J'ai aussi indiqué que j'avais une faveur à demander. En fait, j'en ai deux, car je viens de penser à une autre. Les gens appelle ce rapport le rapport Morisset ou le rapport du docteur Morisset, ce qui ne convient pas, à mon avis. Nous étions une équipe de cinq, dont je n'étais qu'un membre. Le président jouit évidemment d'une plus grande visibilité, mais je dois souligner que les autres membres ont beaucoup travaillé. Je ne cherche pas à me distancer du rapport ou de sa notoriété, car ce n'est pas du tout le cas. Nous sommes très fiers de ce que nous avons réalisé.
Pour vous donner un point de référence à ce sujet, quand le rapport Kirby sur les problèmes dans le domaine de la santé a été publié, le sénateur Kirby était président du comité sénatorial, et même si bien des gens ont participé aux travaux, on parle encore du rapport Kirby.
Mon autre faveur concerne les quelques erreurs que comprend mon deuxième témoignage. Si certaines sont mineures, d'autres rendent mal compte des faits et doivent être corrigées.
Sachez que j'ai effectivement reçu les modifications que le Dr Morisset veut apporter à son témoignage. Je les ai transmises à l'équipe des publications. Ce n'est pas moi qui décide s'il y a des inexactitudes ou des erreurs concernant les faits. L'équipe a de nouveau écouté les enregistrements audio, et effectué des vérifications et des recherches. C'est elle qui prendra la décision finale.