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Je vous remercie de votre invitation et de l'occasion que vous m'avez donnée de vous parler des pratiques prometteuses que nous avons établies dans nos efforts collectifs visant à prévenir la violence contre les femmes et, avec le temps, à y mettre fin.
Le Réseau canadien des maisons d'hébergement pour femmes regroupe 12 réseaux provinciaux et territoriaux de refuges, qui représentent plus de 350 maisons d'hébergement de tous les coins du Canada. Notre réseau est jeune, n'ayant été constitué qu'en novembre 2012. Il constitue une voix unifiée qui s'efforce de rendre prioritaire le problème de la violence envers les femmes. Dans tout le pays, les travailleuses des refuges reconnaissent que les services offerts ne peuvent pas, seuls, mettre fin à la violence.
Le réseau, de même que les refuges membres, est déterminé à travailler en vue d'un changement systémique à long terme. Pour cette raison, notre exposé traitera à la fois des pratiques prometteuses permettant de répondre aux besoins immédiats des femmes qui fuient la violence avec leurs enfants et des pratiques prometteuses pouvant mener au changement à long terme qui doit se faire pour que nous puissions constater des baisses sensibles des taux de violence envers les femmes au Canada.
Il est important de rappeler le fait que les refuges sont bien plus qu'un endroit sûr où les femmes peuvent rester. Ils offrent des ressources et des services vitaux qui permettent aux femmes victimes de violence et à leurs enfants de récupérer, de retrouver leur estime de soi et de prendre des mesures pour pouvoir mener à nouveau la vie indépendante que chacune aura choisie. Les refuges contribuent aussi à la sensibilisation et au changement social, en tant qu'éléments des efforts plus vastes visant à prévenir et à éliminer la violence contre les femmes et les filles.
Je vais commencer par présenter quelques pratiques prometteuses mises en place par nos membres.
Les femmes qui fuient des partenaires instables et violents sont confrontées au défi extrême consistant à trouver à temps des soutiens sûrs et adaptés auprès des tribunaux et de la police. Bien trop souvent, leur vie est en jeu.
En 2001, l'Alberta Council of Women's Shelters a mis à l'essai l'outil d'évaluation du danger de Jacquelyn Campbell pour aider les travailleuses des refuges à évaluer le risque de létalité que courent les femmes brutalisées et pour mettre en évidence les besoins de protection de ces femmes auprès des services judiciaires et policiers. L'outil consiste en une série de 20 questions pondérées avec un agenda dans lequel les femmes doivent noter les incidents survenus de concert avec les travailleuses du refuge.
Une étude de ce programme réalisée en 2009 a montré que, même s'il est émotionnellement difficile pour les femmes de répondre aux questions de l'outil, celui-ci les encourageait souvent à prendre la décision de quitter leur partenaire violent, les incitait à agir et à concevoir un plan de sécurité et les mettait au courant des services communautaires disponibles. Depuis 2009, l'outil d'évaluation du danger s'est répandu en Alberta après avoir été inséré dans le manuel d'orientation pratique des refuges.
Grâce au programme Walking the Path Together, l'Alberta Council of Women's Shelters a récemment adapté l'outil pour qu'il soit possible de l'utiliser dans les refuges hors réserve qui desservent les femmes autochtones, parallèlement à l'outil de planification de sécurité intitulé « Protection, Options, Planning: Taking Action Related to Safety ».
Une fois le risque évalué, les femmes à risque ont besoin de mécanismes de coordination avec les multiples services de sécurité et de soutien. Le « cercle de sécurité de soutien » est un mécanisme de ce genre offert dans l'Île-du-Prince-Édouard. Dans ce programme, les femmes qui craignent pour leur sécurité physique ou émotionnelle à cause de la violence familiale sont renvoyées à un cercle de facilitateurs de sécurité. Ensemble, ils choisissent un groupe de soutien composé de personnes faisant partie de la vie de la femme pour former le cercle: membres des services d'aide aux victimes de la police, agents de probation, travailleurs de centres de santé mentale ou de désintoxication, membres de la famille, voisins, amis, employeurs et représentants d'églises ou de groupes sociaux.
Le groupe tient plusieurs réunions pour discuter de la façon dont tous les membres peuvent contribuer à l'établissement d'un plan de sécurité personnalisé pour la femme et sa famille. Le programme aide à créer des liens, à assurer la continuité des soins offerts par les services de soutien et à permettre aux femmes de se sentir en sécurité et de savoir qu'elles peuvent compter sur le soutien de la collectivité. Et, ce qui est encore plus important, il réduit le risque de violence physique et psychologique et le risque de meurtre que courent les femmes qui quittent un partenaire violent et instable.
Les femmes qui ont longtemps subi la violence familiale ont souvent des problèmes de santé mentale et de toxicomanie qui créent des obstacles lorsqu'elles cherchent à obtenir l'aide des refuges pour femmes.
En 2011, la BC Society of Transition Houses a mis à l'essai le projet Reducing Barriers destiné à améliorer les pratiques d'aide aux femmes brutalisées. Le projet pilote a pris la forme d'un groupe de travail réunissant des membres du personnel de foyers de transition ayant différents critères d'admission de femmes victimes de violence. Le projet comprenait également des séances de formation et une trousse de pratiques exemplaires sur les moyens de s'occuper des femmes ayant des problèmes de santé mentale et de toxicomanie.
L'évaluation du projet pilote a montré que les refuges acceptaient 9 % de plus de femmes ayant une forme ou une autre de troubles mentaux ou de toxicomanie, qui n'auraient pas pu auparavant accéder aux services de certaines maisons d'hébergement. À leur arrivée, les femmes acceptées à l'issue du projet Reducing Barriers avaient, par rapport aux autres, de plus grands besoins, des niveaux plus élevés de pauvreté et d'exposition à la violence et des niveaux moindres de soutien familial. Les femmes ainsi accueillies ont déclaré avoir l'impression d'obtenir une aide considérable dans les refuges, mais n'étaient pas satisfaites de l'aide et des services offerts dans la communauté où elles continuaient à affronter de nombreux obstacles. Ce projet montre les effets sur les groupes de femmes qui courent les plus grands risques d'une approche de réduction des méfaits comprenant une formation du personnel et la fourniture d'un logement. Il met également en évidence les limites d'une initiative tendant à mettre en place des foyers isolés de soutien dans un contexte où les obstacles abondent.
Il y a lieu de noter qu'un certain nombre de pratiques prometteuses sont élaborées et mises en oeuvre grâce à un financement offert dans le cadre d'un projet. Même si elles sont prometteuses, ces pratiques atteignent rarement leur plein potentiel par suite du manque de financement. On estime qu'il faut trois ans pour réaliser une mise en oeuvre complète d'une pratique prometteuse. Le financement des projets va rarement au-delà de deux ans. Lorsqu'on applique une pratique qui a des résultats positifs clairs, l'étape logique suivante consiste à en élargir la portée. Malheureusement, le financement est encore plus difficile à ce stade parce que les gouvernements rejettent souvent les demandes présentées sous prétexte que le projet proposé fait double emploi avec un travail antérieur. Cela a été le cas pour le projet de l'Alberta qui a permis d'adapter l'outil d'évaluation du danger aux conditions particulières des femmes autochtones. Une proposition avait été soumise à Justice Canada pour étendre la mise en oeuvre de l'outil à tous les refuges de l'Alberta. Malheureusement, elle a été rejetée.
En mars 2014, le réseau a publié les résultats de sa première enquête annuelle auprès des maisons d'hébergement. Nous avons choisi de donner à notre bulletin le titre « Les maisons s'expriment » afin de mettre en évidence le fait que les chiffres représentent des personnes, c'est-à-dire les femmes qui ont survécu à la violence et les travailleuses des refuges. Dans l'ensemble, 242 maisons d'hébergement de tous les coins du pays ont répondu à notre enquête. Les travailleuses avaient été invitées à signaler les trois problèmes les plus critiques et les plus urgents qu'elles ont eu à affronter: 60 % ont mentionné les moyens de faire face efficacement aux problèmes de plus en plus complexes des clientes, 51 % ont parlé de l'impuissance ressentie quand on est incapable d'agir sur les causes systémiques des problèmes affrontés par les clientes, et 46 % se sont plaintes de l'insuffisance de leur rémunération.
Les travailleuses des refuges ont également été invitées à dire ce qu'elles choisiraient si elles avaient la possibilité de changer une seule chose pour améliorer la vie des femmes victimes de violence et de leurs enfants. Les quatre réponses les plus fréquentes étaient les suivantes: un logement abordable et sûr, un système judiciaire complet pouvant réagir rapidement, un revenu et un soutien social adéquats et des services complémentaires et continus. Voici le commentaire d'une travailleuse:
Il est vraiment dur de constater à quel point le système use les femmes, surtout à un moment où elles doivent affronter tant d'obstacles qu'elles sont très tentées de renoncer. C'est la raison pour laquelle c'est tellement important pour nous: chaque femme devrait être persuadée qu'elle a une chance de s'en tirer.
Effectivement, nous devons faire en sorte que chaque femme ait une chance de s'en tirer. À cette fin, nous devons faire plus que traiter les symptômes de la violence envers les femmes. Nous devons faire un effort concerté pour réaliser des changements systémiques. À cet égard, une pratique prometteuse consisterait à mettre en oeuvre un plan d'action national sur la violence envers les femmes. À l'heure actuelle, le Canada n'a aucune stratégie globale de lutte contre cette violence. Nous croyons que le gouvernement fédéral devrait immédiatement lancer une enquête publique nationale sur les femmes autochtones disparues et assassinées. Le plan d'action national de lutte sur la violence envers les femmes doit se fonder sur les résultats de cette enquête. Par conséquent, le plan d'action conçu particulièrement pour les femmes autochtones servira de base au plan d'action national du Canada.
Des plans d'action nationaux peuvent donner lieu à un cadre de renforcement des systèmes qui réagissent à la violence envers les femmes. Ils favorisent la collaboration entre tous les ordres de gouvernement, la société civile, les survivantes et les premiers intervenants. En avril 2014, le Réseau canadien des maisons d'hébergement pour femmes a organisé une réunion entre 26 femmes représentant différents secteurs du mouvement de lutte contre la violence faite aux femmes afin de commencer à établir un projet de plan d'action national canadien sur la violence envers les femmes. Ce travail est en cours. Nous espérons sincèrement que tous les partis politiques fédéraux s'engageront à élaborer et à mettre en oeuvre un tel plan d'action dans le cadre de leur campagne électorale de 2015.
De même que de nombreux partenaires, notre réseau croit qu'un plan d'action constitue une pratique prometteuse parce qu'il permettra d'assurer la cohérence des politiques et des lois entre les différentes administrations et à l'intérieur de chacune, de favoriser des approches cohérentes pour prévenir et combattre la violence envers les femmes, de rechercher collectivement les solutions les plus efficaces, d'obtenir l'engagement des décideurs envers une approche pancanadienne concertée à volets multiples, et de mettre en place, à l'intention des survivantes, des services et des systèmes efficaces respectueux de la diversité.
Pour que le plan d'action canadien puisse aboutir à des changements à long terme, il doit comprendre, entre autres, de nouveaux engagements et des objectifs clairs, des mécanismes efficaces de prévention, des mécanismes d'intervention universels pour les survivantes, une révision des mécanismes judiciaires et des pratiques policières, la collecte de données fiables permettant d'améliorer le suivi et l'évaluation ainsi que des ressources humaines et financières suffisantes pour appuyer ces mesures.
Enfin, le processus d'élaboration du plan d'action national canadien doit comprendre des consultations avec tous les intervenants, y compris les travailleuses de première ligne et les survivantes, une participation directe et sérieuse des intervenants non gouvernementaux et un mécanisme officiel leur assurant une participation permanente à la mise en oeuvre, un leadership de haut niveau et des mesures de responsabilisation de tous les ordres de gouvernement, des objectifs clairement définis et des calendriers d'exécution pour mesurer les progrès accomplis par rapport à des données de base détaillées ainsi que des ressources humaines et financières suffisantes pour appuyer ces processus.
Nous pouvons tirer des enseignements des réalisations de l'Australie qui a annoncé un plan d'action national sur la violence envers les femmes au terme d'un processus d'élaboration de deux ans auquel a participé un groupe représentatif d'intervenants. Le plan australien couvre une période de 12 ans répartie entre quatre plans triennaux. Nos collègues du réseau australien de refuges ont noté qu'une importante partie de ce travail a été rendue possible grâce à l'appui des deux partis fédéraux et à la collaboration des États et des territoires. Ils estiment que, pour la toute première fois, il y a en Australie un plan national appliqué aussi bien à l'échelle fédérale qu'au niveau des États et des territoires avec des politiques cohérentes fondées sur la compréhension de la violence fondée sur le sexe.
Tout en préconisant l'adoption d'un plan d'action national efficace sur la violence envers les femmes en tant que pratique prometteuse, nous ne saurions trop insister sur l'importance de vastes consultations avec les intervenants aussi bien au stade de l'élaboration qu'à celui de la mise en oeuvre.
Je vous remercie.
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Je remercie les membres du comité. Je vous suis reconnaissante de m'avoir donné la possibilité de m'adresser à vous pour vous parler de mon expérience comme survivante de la violence envers les femmes, comme travailleuse de première ligne, comme dirigeante d'un refuge pour les femmes victimes de violence et leurs enfants et comme personne ayant consacré près de 30 ans à la lutte pour mettre fin à la violence contre les femmes et les enfants.
Je m'appelle Sharlene Tygesen. Je suis la directrice générale de l'Ernestine's Women's Shelter de Rexdale, en Ontario. Le refuge Ernestine a été créé en 1983 par des membres de la communauté qui ont jugé que leur localité avait besoin d'un endroit sûr pour accueillir des femmes ayant fui un partenaire violent avec leurs enfants. Depuis, le refuge a aidé plus de 5 000 familles qui avaient un besoin critique et immédiat de services. Je crois pouvoir dire sans fausse modestie que je connais bien la violence familiale et les abus commis par des partenaires intimes.
Je suis vraiment très heureuse d'avoir l'occasion de mettre mon expérience à votre disposition. J'espère que, dans le cadre de votre étude, vous continuerez à quitter les sentiers battus pour écouter les organisations de première ligne telles que le refuge Ernestine. À cet égard, le mot-clé, c'est écouter. Si vous voulez bien écouter, vous comprendrez rapidement que vous ne trouverez pas beaucoup de renseignements nouveaux ou révolutionnaires.
Je peux vous raconter beaucoup d'histoires, en commençant par la mienne, pour vous faire comprendre ce que sont la violence et les sévices. Je peux vous entretenir de toutes les familles qui sont venues demander aide et refuge dans notre seule maison. Notre refuge n'est que l'un des 13 que vous trouverez dans la région métropolitaine de Toronto ou des quelque 593 que compte le pays. Si je commençais à vous raconter l'histoire de chacune des 3 300 femmes et de chacun des 3 000 enfants qui vont se réfugier chaque jour dans les maisons d'hébergement du pays, je pourrais vous parler sans interruption pendant plus de quatre jours. Le plus triste dans cette affaire, c'est que je n'aurais rien à dire à votre comité qu'il n'ait déjà entendu sous une forme ou une autre ailleurs.
La gravité de la violence faite aux femmes et aux enfants est bien connue. Elle est indiscutable et a fait l'objet de nombreuses recherches. Une femme sur trois a été battue, a été forcée à accepter des relations sexuelles ou a été autrement brutalisée au cours de sa vie. Chaque seconde, au Canada, il y a une femme qui connaît une forme de violence sexuelle. Parmi les femmes autochtones, 80 % ont été victimes d'agressions et de sévices. Les femmes handicapées sont 150 fois plus susceptibles que les femmes sans handicap d'être victimes d'une agression sexuelle ou de sévices.
Au Canada, une femme ou deux sont assassinées chaque semaine par un partenaire ancien ou actuel. Chaque année, jusqu'à 360 000 enfants sont exposés à des scènes de violence familiale. Les enfants témoins de telles scènes présentent souvent des taux élevés de dépression, d'agressivité, de délinquance et d'autres problèmes émotionnels.
Les femmes sont trois fois plus susceptibles que les hommes de subir des blessures physiques par suite de la violence de leur conjoint et cinq fois plus susceptibles d'avoir besoin de soins médicaux. Quelque 98 % des victimes d'agression sexuelle n'ont aucune lésion physique visible. La violence envers les femmes et les filles prend des proportions épidémiques dans le monde. La violence est un important déterminant de la santé et du bien-être des femmes. Les dépenses de santé attribuables à la violence envers les femmes s'élèvent à plus de 1,5 milliard de dollars par an au Canada. En Ontario seulement, 500 femmes et enfants ont été assassinés depuis 1991. Pendant combien de temps allons-nous raconter toutes ces histoires? Avons-nous vraiment besoin de ressasser tout cela encore et encore?
Le présent gouvernement a lancé une audacieuse initiative pour améliorer la vie des femmes et des enfants partout dans le monde. Elle a pour titre « Sauvons chaque femme, chaque enfant: un objectif à notre portée » et a été annoncée en fanfare avec une fierté tout à fait justifiée. Il est vraiment triste pour les organisations qui doivent affronter les réalités quotidiennes de la violence et des abus de constater que le gouvernement prend systématiquement des mesures délibérées pour mettre la sécurité hors de la portée de bien des femmes et des enfants.
Cette situation perdure depuis 2006, année au cours de laquelle le budget de Condition féminine Canada a été réduit de 40 % tandis que 12 de ses 16 bureaux étaient fermés. En même temps, le gouvernement a modifié les règles de financement de façon à exclure tout particulièrement les organisations qui, à son avis, s'occupent de défense des droits, ce qui a entraîné le retrait du financement de l'Association nationale Femmes et Droit, ressource juridique vitale des femmes, qui a donc dû fermer ses portes. Ne nous leurrons pas: nous ne pouvons pas changer notre société pour le mieux, nous ne pouvons pas nous débarrasser des horribles coûts de la violence et des abus sans déployer des efforts pour obtenir la reconnaissance des droits des femmes et des enfants.
Malgré les appels répétés des groupes féminins, des Premières Nations et des dirigeants provinciaux, le présent gouvernement a également refusé d'ouvrir une enquête sur les 1 200 femmes autochtones disparues ou assassinées depuis 1970. Nous ne pouvons pas espérer répondre aux besoins complexes de communautés vulnérables comme celles des Premières Nations sans faire une étude honnête et transparente des causes et des effets socioéconomiques de la violence et des abus.
Le présent gouvernement a éliminé le programme national de garderies que des gouvernements précédents avaient mis des années à négocier avec les provinces. Le manque d'accès à de bonnes garderies joue un rôle critique dans le retour des femmes à une relation de violence et les prive de la possibilité de réaliser l'autonomie financière. Il fait également courir des risques aux enfants en les obligeant à revenir dans un milieu dangereux et malsain par suite de l'absence de choix abordables.
Il n'existe aucun équivalent fédéral du programme ontarien des Services d'intervention auprès des partenaires violents, qui utilise les ressources du système judiciaire pour trouver les cas de violence, intervenir, tenir les agresseurs responsables de leurs actes et imposer des séances obligatoires de soutien psychologique et d'éducation. L'approche fédérale consiste plutôt à assimiler les femmes brutalisées aux victimes d'actes criminels au lieu de reconnaître que la violence exercée contre elles est fondée sur le sexe.
Tandis que le présent gouvernement dépense des millions de dollars à l'étranger, nous ne faisons pas grand-chose pour affronter les coûts humains et financiers de la violence et des abus dans notre propre société.
Votre propre ministère de la Justice a conclu, dans une étude publiée en 2012, que le coût économique total de la violence familiale s'élève à 7,4 milliards de dollars par an. C'est un montant qui dépasse l'entendement. Nous n'aurions besoin que d'une toute petite fraction de cette somme pour faire des changements efficaces et durables dans le pays. Les motifs humains et économiques d'agir sont évidents. Qu'est-ce qui empêche donc le gouvernement fédéral de prendre des mesures décisives pour orienter le Canada et le monde vers la fin de la violence et des abus?
J'ai quelques recommandations à formuler en vue de l'élaboration d'un plan d'action national. Je suis heureuse de vous faire part du résultat de mes réflexions, mais je suis sûre que vous avez déjà entendu ce que je m'apprête à vous dire. En fait, l'Ontario Association of Interval and Transition Houses a présenté presque exactement les mêmes conclusions dans son rapport de 2013 en faveur d'un plan d'action national sur la violence envers les femmes.
Je recommande que le gouvernement fédéral prenne la direction d'un effort conjoint avec les provinces, les territoires et les gouvernements autochtones pour combattre la violence et les abus.
Je recommande, dans le cadre de cet effort, que le gouvernement fédéral veille à ce que tous les ordres de gouvernement continuent à profiter des conseils et de l'expertise des survivantes, des refuges et des organisations communautaires.
Je recommande que le présent gouvernement fédéral reconnaisse la réalité sexospécifique de la violence familiale et des sévices infligés par les partenaires intimes ainsi que l'inégalité du rapport de forces entre hommes et femmes.
Je recommande que le présent gouvernement reconnaisse que la violence fondée sur le sexe est une forme de discrimination et de violation des droits de la personne des femmes et des enfants.
Je recommande que le gouvernement, de concert avec les provinces, les territoires et les gouvernements autochtones, mette en oeuvre des stratégies claires pour aider les collectivités à prévenir les différents genres de violence et à les combattre.
Je recommande que le présent gouvernement ouvre une enquête sur les causes et les effets de la violence familiale dans les collectivités autochtones et les autres collectivités vulnérables et, en particulier, sur les causes et les solutions dans le cas des femmes autochtones disparues et assassinées.
Je recommande que le présent gouvernement, de concert avec les gouvernements provinciaux, territoriaux et autochtones, prenne des initiatives pour affronter les facteurs socioéconomiques qui contribuent à la violence envers les femmes et, en particulier, l'éducation, le logement, la parité salariale et les services socialisés de garde d'enfants.
Je recommande que le présent gouvernement définisse clairement des objectifs, des délais et des résultats précis pour mesurer les progrès accomplis.
Enfin, je recommande que le présent gouvernement réserve des ressources humaines et financières suffisantes pour mettre en oeuvre un plan d'action national.
Encore une fois, je voudrais vous exprimer ma reconnaissance pour m'avoir invitée et m'avoir donné l'occasion de vous faire part de mon expérience et de mes recommandations.
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Merci, madame la présidente et membres du comité, de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je voudrais préciser tout d'abord que je désignerai Armagh House simplement par son nom dans le reste de mon exposé.
Certains d'entre vous se demandent peut-être: C'est quoi Armagh? Eh bien, Armagh n'est pas un refuge, c'est une maison, une maison de seconde étape pour les femmes et les enfants victimes de violence familiale. Pour vous donner une idée de l'environnement matériel dans lequel nous aidons les victimes de violence, je vous dirai qu'Armagh se trouve à Mississauga dans une maison rénovée des années 1920.
J'aimerais vous donner quelques faits importants concernant Armagh. La maison se compose de neuf logements ou appartements distincts d'une superficie s'échelonnant entre 300 et 600 pieds carrés. Les appartements sont indépendants les uns des autres, et leurs locataires paient un loyer, comme pour tout autre logement, sauf que le loyer est proportionné à leur revenu.
Chaque pensionnaire peut rester à Armagh pendant une période maximale d'un an. À l'heure actuelle, Armagh est le seul établissement pouvant aider les femmes et les enfants de la région de Peel qui quittent un refuge d'urgence.
Il est clair que la région a besoin d'Armagh puisque, dans une période de 18 mois, nous avons eu 110 renvois concernant des femmes et des enfants dans le besoin, alors que nous ne pouvons accueillir que 21 familles dans une telle période. Nous pouvons loger simultanément jusqu'à 40 femmes et enfants. Nous recevons souvent des renvois des régions de Milton et d'Oakville parce que ces villes n'ont aucune maison de seconde étape pouvant accueillir ces femmes au terme de leur séjour dans un refuge d'urgence.
Tous ces détails montrent qu'Armagh est nécessaire, mais ne disent pas de quelle façon nous avons rénové le bâtiment pour en faire une maison d'accueil pour des familles ayant besoin d'un environnement sûr et protecteur afin de poursuivre leur lutte pour l'indépendance et de surmonter les multiples obstacles qu'elles doivent affronter pour échapper à la violence.
Je voudrais vous présenter un bref historique d'Armagh pour vous donner une idée de notre point de départ et de notre objectif. Armagh a été créé en 1991 comme option de logement de seconde étape pour les femmes et les enfants qui quittent les refuges locaux. Même si, dans le passé, les femmes étaient envoyées à Armagh par les refuges, ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Nous accueillons maintenant les femmes que nous renvoie la Société locale d'aide à l'enfance et, plus particulièrement, l'équipe chargée de la violence familiale. Le besoin d'un endroit comme Armagh ne fait qu'augmenter, mais le rôle de notre établissement va bien au-delà de celui d'un simple logement.
Que fait Armagh de plus qu'offrir un logement? Nous avons pour but de faire évoluer ces femmes afin qu'elles puissent affronter le défi qui les attend après avoir échappé à un foyer violent. Notre premier objectif est d'assurer la sécurité des femmes et de leurs enfants lorsqu'ils commencent à réintégrer la collectivité. Nous les aidons aussi au niveau personnel en renforçant leur estime de soi pour leur permettre d'échapper au cycle du retour à des relations violentes. Nous aidons aussi ces femmes et leurs enfants à se débarrasser des effets de la violence grâce à des conseils et à un soutien psychologique et les orientons vers différents services pouvant répondre à leurs besoins juridiques, sociaux et financiers.
Nous atteignons ces objectifs grâce aux nombreux programmes offerts à Armagh. Voici quelques exemples de nos programmes et de la portée des sujets qu'ils abordent: élaboration de plans de sécurité pour apaiser les inquiétudes des femmes aussi bien dans l'immédiat qu'à leur retour dans la collectivité, soutien parental des femmes accompagnées d'enfants avec consultations de santé publique au besoin, présentation de demandes de soutien du revenu pour les nombreuses femmes sans moyens qui n'ont pas fait d'études ou ne savent pas comment procéder, aide à l'obtention du statut d'immigrant au besoin, soutien juridique et présentation de demandes d'aide juridique, soutien au cours d'un procès, aide psychologique et conseils sur place en groupe ou sur une base individuelle.
Je voudrais aborder quelques autres points. En 2013, nous avons entrepris de produire un plan stratégique pour Armagh. Cela a constitué un moment décisif dans l'histoire de l'établissement. Le processus de planification stratégique a fait intervenir les membres volontaires du conseil d'administration, le personnel, les clients, les bailleurs de fonds, les donateurs et les partenaires communautaires. Ce processus fondé sur la collaboration a confirmé que les services d'Armagh suscitaient l'admiration dans la région de Peel et que les intervenants souhaitaient voir l'établissement étendre ses activités afin de répondre à la demande croissante des nombreux habitants de la communauté.
Nous avons défini les trois piliers suivants: établir les options d'expansion de la capacité et de conformité de l'établissement, préparer l'avenir en appuyant les enfants de nos clientes et aider celles-ci à bâtir un nouvel avenir.
En ce qui concerne les options d'expansion de la capacité et de conformité de l'établissement, il a fallu admettre que l'impact d'Armagh est en partie limité à cause de son emplacement, de sa taille et de l'âge du bâtiment. Nous avons l'intention de prendre de l'expansion à l'avenir en examinant les possibilités d'accroissement de la capacité dans les locaux actuels et dans d'éventuels locaux futurs. Cette initiative en est encore aux stades préliminaires. Elle fait l'objet de discussions à cause des besoins que connaît l'établissement actuel.
Pour ce qui est de préparer l'avenir en appuyant les enfants de nos clientes, il est généralement admis que la meilleure façon de rompre le cycle de la violence est d'appuyer et d'éduquer les enfants qui ont été témoins de violence familiale. Nous avons pour objectif d'établir un modèle complet de service pour les femmes et les enfants qui résident à Armagh. Ce modèle comprend des programmes et des partenariats de services communautaires axés sur l'éducation et les politiques d'appui parental afin de rompre le cycle de la violence.
Au cours du processus de planification stratégique, le soutien des enfants et des jeunes a été reconnu comme objectif hautement prioritaire. Compte tenu de cette lacune des programmes destinés à nos clientes, nous sommes en train de mettre au point un plan visant à les éduquer ainsi que leur famille de façon à répondre aux besoins qu'elles ont clairement exprimés. Nous avons absolument besoin d'un plan de cette nature pour les aider d'abord et avant tout à retrouver la santé, rétablir leur estime de soi et leur permettre en définitive d'accéder à l'autonomie.
Pour ce qui est d'aider les clientes à bâtir un nouvel avenir, les participants ont en grande majorité trouvé qu'Armagh constitue non seulement un refuge sûr pour les femmes, mais aussi le meilleur moyen pour elles de bâtir un nouvel avenir. Beaucoup de participants étaient d'avis que les femmes qui essaient de faire la transition vers une vie indépendante doivent affronter d'importants obstacles systémiques, et notamment les disparités économiques attribuables au manque de compétences professionnelles et de services accessibles de garde d'enfants, les obstacles linguistiques, la pénurie de logements abordables et les facteurs culturels tels que l'isolement social.
En conclusion, je dirais qu'Armagh a une influence positive sur la vie des femmes et des enfants dont la vie a été marquée par la violence. De quelle façon? Armagh leur donne les moyens de se refaire avant de réintégrer la communauté, souvent pour la première fois de leur vie.
Nous faisons partie du processus de reconstruction de ces victimes quand il s'agit de répondre à leurs besoins découlant des réalités de la violence. L'établissement de maisons de seconde étape dotées de programmes de soutien dans les collectivités qui n'en ont que peu ou pas du tout contribue à créer de la stabilité et à renforcer la prévention de la violence envers les femmes.
Une stratégie nationale devrait dépendre de la réalisation de stratégies et d'objectifs clairs et précis et comprendre des mesures d'évaluation du succès. Elle devrait reconnaître le degré supérieur de risque des femmes marginalisées, relier ce facteur à d'autres problèmes sociaux tels que l'itinérance, prendre en compte les effets de l'exposition des enfants, veiller à ce que les hommes et les collectivités contribuent aux solutions, prévoir des réactions efficaces du système judiciaire et comprendre un plan complet de prévention ainsi que des stratégies liées à des enjeux allant de l'éducation publique aux interventions auprès des victimes et des agresseurs.
Tous les ordres de gouvernement doivent travailler ensemble pour combler les lacunes des services et assurer le succès de la stratégie.
Nous sommes fières de ce que nous avons réalisé en donnant aux femmes et à leurs enfants les meilleures occasions possibles de surmonter les effets dévastateurs de la violence, de résister au passé, d'affronter le présent, de préparer l'avenir et de mener une vie exempte de violence.
J'espère que les renseignements que je vous ai présentés vous seront utiles dans votre étude. Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé. Je serai maintenant heureuse de répondre à vos questions.
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Merci, madame la présidente.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins et les remercie des renseignements qu'elles nous ont présentés.
Notre étude porte sur les pratiques exemplaires et les pratiques prometteuses, c'est-à-dire les choses que votre organisation a faites, les projets que vous avez réalisés et qui peuvent aider d'autres. Vous avez parlé de multiples initiatives que vous aimeriez prendre, mais ce ne sont pas nécessairement des pratiques exemplaires ou prometteuses. Comme vous dirigez des organisations admirables, j'espère bien trouver chez vous de grandes réalisations dont nous pourrons nous servir comme modèles pour d'autres organisations.
Je voudrais également faire une mise au point.
Sharlene, vous avez parlé du financement de Condition féminine Canada.
Je voudrais préciser que la réduction était attribuable à des économies administratives et n'avait pas touché le financement des projets. En 2007, Condition féminine a obtenu de nouveaux fonds s'élevant à 10 millions de dollars pour augmenter le financement des programmes, qui est alors passé à 19 millions de dollars. Je tenais à donner ces précisions. De plus, 146 millions de dollars ont été attribués depuis 2007 aux programmes de lutte contre la violence envers les femmes et les filles.
J'ai maintenant quelques questions à poser au sujet des pratiques exemplaires.
Je vais peut-être m'adresser à Lise Martin en premier. Vous avez parlé du programme Walking the Path Together concernant les mesures de sécurité. Est-ce que cette initiative a abouti à une pratique exemplaire?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie aussi nos témoins de leur présence au comité aujourd'hui. Nous avons entendu de nombreux experts du domaine et un certain nombre de survivantes.
Je voudrais particulièrement souligner à quel point nous sommes heureux d'entendre celles d'entre vous qui sont aux premières lignes. J'ai fait partie pendant quelques années du conseil d'administration de notre refuge local pour femmes. J'ai donc pu constater en personne l'immense engagement dont vous faites preuve et la mesure dans laquelle notre société compte en permanence sur votre travail. Je vous remercie de votre dévouement. Nous vous sommes reconnaissants d'être venues nous faire profiter de votre expérience.
J'avais toute une série de questions à poser sur différents sujets, mais je crois que beaucoup d'entre nous, aussi bien dans cette salle que partout dans le pays, ont été choqués et attristés par le meurtre de Zahra Abdille et de ses enfants à Toronto, il y a quelques jours. Je me demande si vous pouvez, toutes trois, nous parler de votre expérience de cas semblables de femmes piégées dans des situations où elles n'ont accès ni à un logement ni à des services juridiques.
Même si nous avons des refuges qui font tout ce qu'ils peuvent, il y a beaucoup d'autres problèmes qui aggravent la victimisation des femmes, notamment dans les communautés d'immigrants et les communautés racialisées qui n'ont pas accès à des services adaptés. Comment pouvons-nous faire le lien entre ce qu'il faut faire pour affronter ces problèmes complexes et les mesures que nous voulons voir le gouvernement fédéral prendre à cet égard?
Madame Tygesen, vous pouvez peut-être commencer. Nous entendrons ensuite Mme Martin et Mme Ward.
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Je vais essayer de faire la synthèse de tout ce que vous avez demandé. Je suis au courant de ce qui s'est passé cette semaine à Toronto, mais je ne connais pas tous les détails. L'affaire est probablement très semblable à de nombreux autres cas de femmes qui rentrent chez elles. Les refuges prennent certaines mesures lorsqu'une femme revient au foyer familial, surtout si elle a des enfants. Dans ce cas, nous avertissons les services de protection de l'enfance quand la femme décide de rentrer. Elle peut avoir beaucoup de raisons de le faire. Bref, si elle décide de retourner à son foyer, nous en informons les services compétents pour qu'ils s'en occupent. Il y a beaucoup de cas de ce genre.
Nous en avons eu un à notre refuge. Bien sûr, aucun membre du personnel ne veut voir des incidents de ce genre. Peu importe tout ce qu'on a mis en place et tout ce qu'on a réalisé, peu importe les mesures de sécurité qu'on a prises et tout ce qu'on veut faire, si le partenaire veut tuer la femme, il va le faire. C'est la réalité. S'il est déterminé, il trouvera toujours un moyen.
Dans ce cas, beaucoup des systèmes en place ont laissé tomber cette femme. Nous avons un système judiciaire et un appareil policier. Il y a tous ces groupes différents qui travaillent parfois d'une façon très fragmentée, sans collaboration qui leur permette de se tenir au courant de ce qui se passe. On croit souvent que les travailleuses des refuges détestent les hommes, cherchent à les empêcher de voir leurs enfants et essaient de briser les familles. Ce n'est pas vrai. J'aurais bien voulu que les gens se renseignent mieux sur ce que nous faisons. Par conséquent, il est vraiment difficile pour nous d'essayer de travailler avec des gens qui pensent cela de nous. Nous n'exagérons pas lorsque nous disons à quelqu'un qu'une femme est en danger, lorsque nous appelons un organisme pour l'avertir qu'une femme court de grands risques, que nous nous inquiétons de telle et telle chose et que nous craignons une catastrophe. Cela s'est produit chez nous dans un cas particulier.
Notre cliente s'était présentée au tribunal. Nous avions demandé aux responsables d'interdire temporairement l'accès à l'enfant jusqu'à ce qu'on ait pris des mesures pour calmer le père et apaiser sa colère. Ils n'ont pas écouté. L'homme a donc réussi à la trouver dans notre refuge. Lorsque cela se produit, nous sommes obligés de la déménager car elle n'est plus en sécurité chez nous. Souvent, l'homme retrouve la femme dans son refuge non parce qu'il a fait des recherches, mais parce que les autorités lui ont communiqué le renseignement.
Bref, au tribunal, un juge a décidé que l'homme avait le droit de savoir où son fils se trouvait et lui a donc donné notre adresse. Nous devons alors nous hâter de la déplacer et d'envoyer l'enfant dans une autre école. Ce sont les choses qui se produisent. La femme va donc dans un autre refuge et, encore une fois, le tribunal décide: « Non, il a un droit d'accès. Il peut venir chercher son enfant dans votre maison. » C'est exactement ce que l'homme a fait. Ensuite, il a tué sa femme à coups de poignard devant les enfants.
Vous pensez peut-être qu'il est maintenant en prison. Eh bien, il ne l'est plus. Il a été libéré après avoir purgé une peine de quatre ans. Je ne sais pas si quelque chose se fait dans les établissements fédéraux quand l'homme est en prison. Il est maintenant en liberté. Comment faire pour s'assurer que les femmes qu'il abordera seront en sécurité?
Au niveau provincial, nous avons les programmes d'intervention auprès des partenaires violents, mais ils n'ont fait l'objet d'aucune évaluation. Nous ne savons pas du tout si ces programmes qui coûtent très cher sont efficaces. Comment savoir s'ils marchent? Comment mesurer le résultat? Que faut-il faire dans ce cas?
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question. Je me suis probablement écartée un peu.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je voudrais vous remercier toutes trois non seulement de votre présence au comité aujourd'hui, mais de tout le travail que vous faites dans votre communauté pour aider les femmes et leurs enfants. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants. Vous nous avez donné beaucoup de renseignements utiles pour notre étude.
Lynn, je voudrais raconter à mes collègues de quelle façon je vous ai rencontrée et comment j'ai appris l'existence d'Armagh House. Au cours de la campagne électorale de 2011, j'ai frappé à la porte d'Armagh House en faisant ma tournée dans la circonscription, comme toute bonne candidate. Je voulais savoir qui vivait là et si les résidents comptaient voter. Je voulais leur parler. La personne qui a répondu à la porte a été très laconique et a refusé de me dire qui vivait là. J'ai trouvé cela étrange. C'était une si grande et belle maison. De toute évidence, il y avait des gens qui vivaient là. Je peux donc vous dire que vos gens sont vraiment très discrets…
Même si la maison se trouvait dans une rue d'un vieux quartier tout à fait ordinaire, elle était un peu à l'écart. Cela a piqué ma curiosité. Comme vous le savez, il n'y a pas de grande enseigne. Nous avons eu un entretien peu après, au cours duquel j'ai appris quel bon travail vous faites là. Je voulais vous remercier pour cela. Nous voilà ici, trois ans et demi plus tard. Maintenant que je sais ce qui se passe dans cette maison de seconde étape, je suis heureuse qu'elle existe et qu'elle aide des gens de votre communauté et de votre quartier. Merci encore pour tout votre travail.
J'avais beaucoup de questions à poser, mais je vais commencer par une chose très immédiate que vous faites très bien, je le sais. Il s'agit de votre objectif de renforcer la sécurité des femmes qui vivent à Armagh. Que faites-vous pour cela? Quel soutien leur offrez-vous? Qu'est-ce qui marche et qu'est-ce qui ne marche pas?
Je tiens à vous exprimer mes remerciements les plus sincères pour votre présence au comité aujourd'hui. Il y a une trentaine d'années, je travaillais dans le secteur est du centre-ville comme conseillère des jeunes et des familles autochtones. C'est quand l'une de mes protégées a été violée que j'ai décidé de devenir parent d'accueil. Je l'ai emmenée chez moi et, par la suite, j'ai accueilli sept autres enfants dans ma maison. Je voulais simplement vous donner une idée de mes antécédents.
Comme vous l'avez entendu, je ne dispose que de cinq minutes. J'aurais été enchantée de passer des heures avec vous. Mais, pour revenir à notre étude, nous avons tout juste effleuré la question du système judiciaire, qui est énorme à cause de sa complexité et de ses difficultés. J'ai eu affaire à ce système pour le compte des enfants, pour les faire sortir et pour beaucoup d'autres choses.
Diriez-vous que la situation a changé ou s'est améliorée dans les 30 dernières années? Y a-t-il des pratiques exemplaires? Pouvez-vous formuler quelques recommandations au sujet du système judiciaire pendant que vous êtes là? Après tout, nous sommes à Ottawa, c'est-à-dire là où nous pouvons peut-être réaliser des changements pour l'avenir.
Je vais commencer avec vous, Sharlene, parce que vous avez comme moi 30 ans d'expérience. C'est une question au sujet de laquelle nous pourrons peut-être échanger quelques réflexions plus tard.
Je vais vous donner un exemple. Il y a bien des années, nous avions l'habitude de sortir les femmes et les enfants de leur foyer. Il y a 10 ou 15 ans, la situation a changé, et c'est l'agresseur qui devait partir, en laissant la femme et les enfants à la maison. Est-ce que cela a modifié la situation? Est-ce une pratique exemplaire? Devons-nous faire un suivi à ce sujet, réaliser peut-être une étude pour déterminer de quelle façon les choses vont mieux?
La solution n'est peut-être pas de construire encore plus de refuges. Peut-être vaut-il mieux laisser les femmes en sécurité chez elle avec leurs enfants, si vous comprenez ce que je veux dire.
Qu'en pensez-vous?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je me sens obligée de vous expliquer ce qui vient de se passer parce que cela m'attriste vraiment quand un détail de procédure nous prive du temps que nous aurions autrement passé à discuter avec des témoins aussi intéressants que vous. Je voudrais m'en excuser et vous dire que ce n'était pas notre intention et que nous sommes très heureux de vous revoir parmi nous.
Beaucoup d'entre nous ici, des deux côtés de la table, ont consacré beaucoup de temps et d'efforts à la protection des femmes. Vous avez pu entendre Wai et quelques autres parler de leur travail.
Ma mère a ouvert l'un des premiers refuges pour femmes de l'Alberta. J'ai moi-même été membre fondatrice d'un centre d'aide aux victimes d'agression sexuelle. Nous avons tous travaillé dans ce domaine. Je comprends donc la frustration que je perçois dans votre voix parce que c'est un travail extrêmement ardu qui peut facilement vous user. Nous avons vu que le cycle de la violence se perpétue. Nous avions commencé à en parler dans les années 1970 lorsque ma mère avait ouvert un refuge. Que faut-il faire pour mettre fin à ce cycle?
C'est pour répondre à cette question que nous sommes ici aujourd'hui. Nous pouvons parler d'une multitude d'autres questions. Nous savons que les problèmes existent. Nous savons qu'ils sont vraiment difficiles à régler au jour le jour, mais ce que nous voulons vraiment réaliser — plusieurs d'entre vous l'ont mentionné, ce dont je suis enchantée — c'est trouver des moyens de changer les attitudes en matière de violence envers les femmes.
Voilà pourquoi nous sommes aujourd'hui à la recherche de pratiques exemplaires.
Lynn, j'ai été très intéressée lorsque je vous ai entendu parler brièvement du programme des chiens de thérapie, du programme des femmes autochtones ainsi que des outils dont vous vous servez en Alberta, comme l'outil d'évaluation du danger. J'espère avoir la possibilité de vous entendre toutes les trois au sujet de…
Lynn, pouvez-vous nous en dire davantage sur le programme des chiens de thérapie et sur quelques autres pratiques exemplaires? Je crois que Sharlene et Lise ont dit toutes deux que beaucoup de programmes sont réalisés un peu partout. Pour certains, le financement est renouvelé, mais pas pour d'autres. Souvent, c'est parce que nous ne savons pas ce qui marche et qu'il est très difficile pour les gens de déterminer où l'argent peut le mieux servir.
Nous cherchons aujourd'hui à trouver ce qu'il y a de mieux. Ainsi, si des programmes de ce genre sont proposés, nous saurons lesquels recommander parce qu'ils sont innovateurs ou changent les attitudes. Nous pourrons alors commencer à faire de vrais progrès.
Lynn, je vous prie de commencer. Nous entendrons ensuite Sharlene et Lise. Je vous remercie toutes les trois de votre contribution.