HUMA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées
Témoignages du comité
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 31 janvier 2002
Á | 1155 |
La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby--Ajax)) |
Mme Carol Agócs (professeure, Département de science politique, Faculté des sciences sociales, University of Western Ontario) |
 | 1200 |
La présidente |
M. William Black (professeur, Université de la Colombie-Britannique) |
 | 1205 |
 | 1210 |
La présidente |
Mme Mary Margaret Dauphinee (conseillère en matière d'équité, Université Queen's) |
 | 1215 |
La présidente |
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ) |
 | 1220 |
Mme Carol Agócs |
M. William Black |
Mme Monique Guay |
Mme Mary Margaret Dauphinee |
 | 1225 |
La présidente |
Mme Carol Skelton (Saskatoon--Rosetown--Biggar, Alliance canadienne) |
M. William Black |
Mme Carol Skelton |
Mme Carol Agócs |
Mme Carol Skelton |
Mme Mary Margaret Dauphinee |
Mme Carol Skelton |
Mme Mary Margaret Dauphinee |
Mme Carol Skelton |
Mme Carol Agócs |
 | 1230 |
Mme Carol Skelton |
M. William Black |
Mrs. Skelton |
La présidente |
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.) |
M. William Black |
Mme Raymonde Folco |
 | 1235 |
M. William Black |
Mme Raymonde Folco |
La présidente |
Mr. William Black |
Mme Raymonde Folco |
La présidente |
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD) |
 | 1240 |
M. William Black |
Mme Mary Margaret Dauphinee |
Ms. Davies |
Mme Carole Agócs |
Mme Libby Davies |
Mme Mary Margaret Dauphinee |
La présidente |
M. William Black |
 | 1245 |
La présidente |
M. Alan Tonks (York-Sud--Weston, Lib.) |
Mme Mary Margaret Dauphinee |
Mr. Tonks |
La présidente |
M. Alan Tonks |
La présidente |
M. Larry Spencer (Regina--Lumsden--Lake Centre, Alliance canadienne) |
 | 1250 |
Mme Carol Agócs |
Mme Mary Margaret Dauphinee |
M. Larry Spencer |
Mme Carol Agócs |
M. William Black |
 | 1255 |
M. Larry Spencer |
M. William Black |
La présidente |
M. William Black |
La présidente |
Mme Mary Margaret Dauphinee |
La présidente |
M. Gurbax Malhi (Bramalea--Gore--Malton--Springdale, Lib.) |
M. William Black |
M. Gurbax Malhi |
M. William Black |
La présidente |
· | 1300 |
Mme Libby Davies |
Mme Carol Agócs |
Mme Libby Davies |
La présidente |
M. William Black |
Mme Mary Margaret Dauphinee |
Le président |
Mme Carol Skelton |
M. William Black |
Le président |
M. Larry Spencer |
Mme Carol Agócs |
M. Larry Spencer |
La présidente |
Mme Monique Guay |
· | 1305 |
La présidente |
CANADA
Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées |
|
l |
|
l |
|
Témoignages du comité
Le jeudi 31 janvier 2002
[Enregistrement électronique]
Á (1155)
[Traduction]
La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby--Ajax)): Il est temps que je déclare la séance ouverte et je tiens à remercier les témoins d'avoir fait preuve d'autant de patience.
Sans plus attendre, je vais céder la parole à nos témoins et tout d'abord, à Mme Carol Agócs, de l'University of Western Ontario. Nous avons également M. William Black, de l'Université de la Colombie-Britannique, et Mary Margaret Dauphinee, de l'Université Queen's.
Madame Agócs, la greffière m'indique que vous êtes la première à prendre la parole.
Mme Carol Agócs (professeure, Département de science politique, Faculté des sciences sociales, University of Western Ontario): Je vous sais gré de me donner la possibilité d'aider le comité dans ses délibérations concernant l'examen de la Loi sur l'équité en matière d'emploi et je serais heureuse de répondre à vos questions.
En tant que Canadienne, c'est pour moi un privilège de parler de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, car plusieurs pays s'en sont servis comme modèle en vue d'établir le fondement législatif d'un milieu de travail équitable pour tous et exempt de discrimination systémique. Parmi ces pays, notons l'Afrique du Sud, l'Irlande du Nord, l'Australie et les Pays-Bas.
À noter également que, tout au long de son histoire, notre législation fédérale sur l'équité en matière d'emploi a joui de l'appui actif des partis libéral, progressiste-conservateur et néo-démocrate, témoignage de sa vaste pertinence pour les Canadiens.
En ma qualité de chercheur, j'ai eu l'occasion de suivre l'évolution de l'équité en matière d'emploi au Canada depuis le début des années 80. La question qui revient sans cesse est celle de l'efficacité de la loi à réduire l'iniquité dans l'emploi pour les minorités visibles, les Autochtones, les personnes handicapées et les femmes de tous les groupes. Il est possible d'obtenir des réponses à partir des résultats de recherche dans les rapports des employeurs visés par la loi, y compris le gouvernement fédéral. D'autres sources d'information se retrouvent dans les études universitaires, dont ma propre recherche, et dans les travaux d'évaluation exécutés lors de précédents examens de la loi.
À la lecture de ces données, j'ai pu formuler quelques conclusions et suggestions que j'aimerais vous résumer. En règle générale, j'estime que la Loi sur l'équité en matière d'emploi repose sur une solide logique. Elle s'est révélée apte à cerner et à régler la discrimination systémique dans les grandes organisations qui emploient des membres du secteur fédéral ou sous réglementation fédérale.
La recherche effectuée au Canada et dans d'autres pays prouve que l'équité en emploi peut donner des résultats: elle parvient à réduire l'inégalité et les désavantages, notamment chez les femmes et les minorités visibles. Lorsque les employeurs décident de déceler et d'éliminer les obstacles discriminatoires et qu'ils prennent des mesures pour améliorer la représentation et satisfaire les besoins spéciaux, on assiste alors à une réduction de l'injustice, c'est-à-dire qu'on voit une diminution de l'écart de rémunération et certaines améliorations au sein des groupes sous-représentés aux lieux de travail et dans la direction.
Toutefois, il existe une variation entre l'esprit de la loi et ses résultats. Vous n'êtes pas sans savoir que nous avons encore, au Canada, des améliorations à réaliser dans la représentation, le maintien en poste, la rémunération et la promotion de carrière des Autochtones et des personnes handicapées. La représentation des femmes, exception faite des femmes autochtones et des femmes handicapées, a évolué, mais nous constatons qu'il existe toujours des ghettos d'emplois où se concentrent les femmes, alors qu'elles sont encore sous-représentées dans certains types d'emplois bien rénumérés. Quant aux minorités visibles, elles ont aussi amélioré leur représentation dans certains types d'emploi, mais tant les femmes que les minorités visibles continuent d'être faiblement représentées dans la haute direction. En outre, le désavantage salarial des groupes visés, comparativement aux hommes blancs physiquement aptes, semble se maintenir. En conclusion, nous n'avons pas encore établi au Canada un milieu de travail où existe l'égalité des chances et des résultats.
Pourquoi les résultats attendus de la Loi sur l'équité en matière d'emploi ne se sont-ils pas complètement matérialisés? Voici trois raisons possibles.
Premièrement, il y a un décalage entre la politique et la pratique. Souvent les employeurs n'appliquent pas entièrement la politique sur l'équité en emploi, ce qui empêche d'atteindre les résultats possibles et auxquels les décideurs s'attendaient peut-être en adoptant la législation. De toute évidence, une politique qui n'est pas appliquée ne peut produire de résultats. Le simple fait d'être couvert par l'équité en matière d'emploi ne suffit pas si l'employeur n'a pas à prendre des mesures d'atténuation de la discrimination. L'employeur doit être assujetti à des obligations redditionnelles précises concernant l'adaptation aux besoins des employés et la prise de dispositions en vue d'une conformité opportune aux exigences d'équité.
D'après les recherches, l'équité en matière d'emploi produit les meilleurs résultats lorsque les employeurs doivent fixer des objectifs pour la représentation des groupes désignés et prendre des mesures pour les atteindre, ce qu'ils font habituellement seulement lorsque le gouvernement surveille la situation et impose la conformité et qu'ils encourent de fortes sanctions s'ils n'affichent pas de résultats dans un laps de temps raisonnable, compte tenu de la conjoncture économique.
Il est par ailleurs avantageux, sur le plan des affaires, de voir à ce que toutes les entreprises visées soient sur un pied d'égalité, les exigences ayant été clairement énoncées et les conséquences bien comprises.
 (1200)
J'estime que la politique sur l'équité en emploi est fondamentalement avisée, mais que de légères révisions à la loi pourraient donner lieu à des arrangements plus aptes à responsabiliser les employeurs face à la mise en oeuvre de ladite politique.
Deuxièmement, les buts et exigences de l'équité en matière d'emploi sont mal compris et mal expliqués aux employeurs et à la population en général. Il faudrait donc des ressources pour que le gouvernement puisse réaliser un programme d'éducation publique afin de bien informer les employeurs, les syndicats et les autres intervenants sur l'équité en emploi et ses avantages. La réalisation de cet objectif ne nécessiterait pas de modifications à la loi, seulement une injection de ressources pour permettre à DRHC de fournir des services supplémentaires aux employeurs et à d'autres intéressés.
Troisièmement, nous savons que l'application de la loi doit devenir plus efficace pour éliminer les obstacles nuisant à la pleine participation des Autochtones et des personnes handicapées au secteur de l'emploi. Le règlement du problème de sous-représentation de ces groupes est difficile et exige des efforts plus circonscrits de la part des employeurs, des ressources accrues pour l'action gouvernementale et une meilleure collaboration avec les organismes sans but lucratif qui ont les connaissances et les relations communautaires voulues.
Une solution efficace serait d'encourager les partenariats entre les employeurs qui désirent embaucher et retenir des personnes handicapées ou des Autochtones et des organisations communautaires qui savent comment éliminer les obstacles. Souvent, ces dernières ne disposent pas des ressources qui leur permettraient de fournir aux employeurs l'aide dont ils ont besoin. Pareille collaboration ne nécessiterait aucun changement à la loi, seulement l'engagement de modestes ressources pour une initiative nouvelle.
En résumé, la Loi sur l'équité en matière d'emploi est une disposition bien fondée et nécessaire pour le Canada, en plus d'être un modèle pour d'autres pays progressistes qui partagent nos idées de justice.
Il y a trois grandes façons d'améliorer l'efficacité à l'application de la loi: premièrement, veiller à ce que les employeurs qui ne font pas suffisamment d'effort pour respecter l'objet de la loi en subissent les conséquences; deuxièmement, informer davantage les employeurs et le public; troisièmement, favoriser la collaboration entre les organisations communautaires, les employeurs, les syndicats et le gouvernement.
Développement des ressources humaines Canada et la Commission canadienne des droits de la personne, à qui incombe la tâche de mettre en pratique les valeurs et les principes de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, doivent disposer des ressources et des outils législatifs nécessaires pour rendre une bonne mesure législative aussi efficace qu'elle peut l'être en pratique.
Merci.
La présidente: Monsieur Black.
M. William Black (professeur, Université de la Colombie-Britannique): Merci beaucoup.
Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité à faire cet exposé aujourd'hui. J'ai été membre du comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne de 1999 à 2000 et je vais essentiellement m'attarder sur les conclusions et recommandations de ce comité, quand bien même je dois dire que je parle en mon nom propre aujourd'hui. Je suis particulièrement heureux de voir que la Commission procède à cette étude, car nous avions le mandat d'examiner la Loi sur les droits de la personne uniquement, et non la Loi sur l'équité en matière d'emploi, ce qui a provoqué une certaine frustration, car bien sûr, la Commission a des responsabilités en vertu des deux lois; nous avons donc été quelque peu limités, puisque nous n'avons pas pu examiner l'interaction entre les deux lois. Je suis donc très heureux de voir que le comité va avoir l'occasion d'examiner certaines des questions que nous n'avons pas pu examiner à fond.
Tout d'abord, je tiens à dire que selon nous, l'inégalité systémique continue de poser un problème très important au Canada. Plutôt que d'entrer dans les détails à ce sujet, je pourrais simplement dire que je souscris entièrement aux propos que vous venez juste d'entendre, tout en ajoutant que les consultations menées par le comité lors de ses déplacements dans tout le pays pour entendre divers groupes s'exprimer à ce sujet confirment les faits qui viennent de vous être présentés ainsi que ceux qui vous ont été transmis par DRHC et par la Commission des droits de la personne.
Il y a donc un problème qu'il faut résoudre. Je conviens que des progrès ont été faits, notamment en ce qui concerne l'égalité des femmes et des membres des minorités visibles. Ce processus indique, me semble-t-il, que la loi est valable, qu'elle peut atteindre des objectifs, mais que les résultats jusqu'à présent—je suis complètement d'accord à ce sujet—montrent qu'il reste beaucoup à faire.
Notre comité est également arrivé à la conclusion que la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Loi sur l'équité en matière d'emploi jouent chacune un rôle important. Je pense qu'il est probablement juste de dire que la Loi sur l'équité en matière d'emploi représente la première protection contre la discrimination systémique et la première façon de promouvoir l'équité en matière d'emploi, mais il reste que chacune de ces lois présente des avantages et des inconvénients. J'aimerais dire aujourd'hui que ces deux lois devraient être évaluées pour faire en sorte qu'elles fonctionnent de manière homogène et qu'elles se renforcent l'une l'autre.
Chacune a le même objectif, mais toutes deux ont recours à des stratégies très différentes pour l'atteindre, ces stratégies ayant leurs points forts et leurs points faibles. La stratégie prévue dans le cadre de la Loi canadienne sur les droits de la personne consiste à attendre qu'une plainte soit déposée à propos d'une discrimination passée. Une réparation est accordée seulement après qu'un tribunal arrive à la conclusion qu'un employeur s'est montré fautif et a violé la loi dans le passé. La Loi sur l'équité en matière d'emploi vise à corriger plusieurs points faibles de cette stratégie générale.
En premier lieu, les gens n'ont souvent pas accès à l'information dont ils ont besoin pour présenter une plainte. Si je suis une personne handicapée et que l'on me dit: «Désolé, vous n'avez pas eu l'emploi, car il y a des candidats plus qualifiés», je risque de ne pas avoir l'information voulue pour prouver que cette explication n'en est qu'une parmi tant d'autres. Par contre, si vous examinez tout le processus d'embauche sur une période de temps donnée, vous pouvez vous apercevoir que c'est ce qui arrive régulièrement aux personnes handicapées et que peut-être, un autre facteur intervient. Par conséquent, il arrive souvent que les plaintes ne soient jamais déposées.
Si elles le sont, le plaignant a beaucoup de travail à abattre. En théorie, c'est la Commission qui s'en charge, mais d'après la recherche que nous avons faite, les chances de succès sont, en pratique, très limitées à moins que le plaignant, qui est habituellement un organisme, continue de s'en occuper, et beaucoup d'organismes ne disposent tout simplement pas des ressources nécessaires pour le faire pendant plusieurs années, ce qui est souvent le temps qu'il faut investir.
 (1205)
Le troisième problème est attribuable au fait que la nécessité d'établir la faute met l'employeur sur la défensive plutôt que de l'inciter à collaborer pour trouver des solutions efficaces à la fois pour les groupes visés, les groupes protégés, et pour les employeurs
Enfin, notre étude a révélé que, même lorsqu'un cas de discrimination systémique a franchi toutes les étapes du système prévu par la Loi canadienne sur les droits de la personne, il n'y a souvent pas de suivi. En fait, le tout premier cas mettait en cause Action Travail de Femmes, qui nous a fait un exposé illustrant qu'après 14 ans, la réparation ordonnée par le tribunal n'avait pas encore été entièrement faite. Le fait de se fier uniquement à la Loi canadienne sur les droits de la personne pose donc de nombreux problèmes.
La Loi sur l'équité en matière d'emploi adopte une stratégie tout à fait opposée. Elle met l'accent sur la prévention de discrimination future plutôt que sur l'établissement d'une faute passée. Comme vous le savez, elle suppose au départ l'exécution d'enquêtes pour déterminer la composition de la population active et le taux de représentation au sein de celle-ci des groupes protégés. Si l'on constate que ces groupes n'obtiennent pas le pourcentage d'emplois auxquels on pourrait s'attendre en fonction du pourcentage de personnes compétentes pour occuper ces emplois, l'employeur doit en repérer les causes, examiner les obstacles qui engendrent cet état de fait et, enfin, élaborer des plans pour atteindre l'équité au fil des ans. On évite ainsi la nécessité de prouver qu'il y a eu faute. Cela signifie qu'on n'attend pas qu'une plainte soit déposée avant d'agir, et ce sont là d'énormes avantages.
Par contre, la Loi canadienne sur les droits de la personne a deux avantages qu'il faut bien peser. D'une part, le fait de pouvoir déposer une plainte donne aux personnes lésées par l'iniquité un moyen d'amorcer le processus. Ces personnes n'ont aucun moyen de dire qu'il faudrait immédiatement soumettre tel employeur à une vérification aux termes de la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Rien n'est prévu pour la participation de la collectivité. Aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, on peut déposer une plainte. D'autre part, la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit un recours pour discrimination passée qui n'existe pas dans la Loi sur l'équité en matière d'emploi.
Pour toutes ces raisons, nous avons conclu que les deux lois étaient essentielles, que chacune avait ses propres avantages. Nous étions par contre préoccupés jusqu'à un certain point par les résultats obtenus jusque-là, et à nouveau je suis d'accord avec ce qui a été dit. Une source de préoccupation, entre autres, est la lente progression en vertu de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, en ce sens que les vérifications ne se sont pas effectuées aussi vite, en partie parce que tant d'employeurs ne se conformaient pas à la loi au moment de la première vérification.
Une deuxième source de préoccupation était l'effet des modifications qui ont été apportées à la Loi canadienne sur les droits de la personne à la suite de la dernière réforme de la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Ces modifications étaient en quelque sorte un compromis. En effet, en échange de certains changements apportés à la Loi sur l'équité en matière d'emploi, on inscrivait de nouvelles limites dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je pourrais en mentionner trois. Tout d'abord, vous ne pouvez pas vous servir des rapports produits aux termes de la Loi sur l'équité en matière d'emploi pour étayer votre plainte. Ensuite la Commission ne peut pas se servir de l'information réunie aux termes de la Loi sur l'équité en matière d'emploi lorsqu'elle traite une plainte en matière de droits de la personne et, enfin, si un employeur est visé par la Loi sur l'équité en matière d'emploi, le Tribunal des droits de la personne saisi d'une affaire en rapport avec la Loi canadienne sur les droits de la personne ne peut ordonner une réparation systémique.
Le hic, c'est que certains ont parfois perdu la protection que leur offrait la Loi canadienne sur les droits de la personne avant même que n'ait été menée peut-être une vérification au sens de Loi sur l'équité en matière d'emploi. Par conséquent, du moins pour une certaine période, ces personnes sont sans protection aucune. Je crois donc que ces modifications méritent de faire l'objet d'un nouvel examen, et notre groupe a recommandé que les nouvelles limites issues des modifications de 1995, dans le cadre de cet examen quinquennal, fassent à nouveau l'objet d'un examen.
 (1210)
Notre groupe n'estimait pas suffisant de simplement revenir à l'ancien système, qui reposait essentiellement sur l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Pour toutes les raisons que je vous ai données, ce système ne fonctionnait pas bien. Toutefois, nous estimions qu'il existait des moyens d'être équitable à l'égard des deux lois, en les réexaminant et en y apportant des modifications de manière à ce que les deux soient plus efficaces et mieux coordonnées.
Je vous remercie beaucoup.
La présidente: Madame Dauphinee.
Mme Mary Margaret Dauphinee (conseillère en matière d'équité, Université Queen's): Je vous suis très reconnaissante de m'avoir permis de participer à votre étude. Voilà 30 ans déjà que je travaille dans le domaine de l'équité et des droits de la personne et je ne me suis jamais lassée de vous dire à quel point cette loi a de l'importance pour nous tous. Elle en a autant pour les entreprises et le gouvernement que pour les groupes désignés et les spécialistes. Elle représente en réalité un énoncé de politique qui confirme l'engagement du Canada à l'égard de l'équité.
J'ai lu le rapport et le document de travail de la Commission canadienne des droits de la personne. Rassurez-vous, je ne vais pas vous répéter toute l'information qui s'y trouve. Pendant quelques instants tout à l'heure, j'ai cru que vous auriez pu avoir l'impression que nous nous étions concertés au préalable. Je vous assure que ce n'est pas le cas. Vous allez donc obtenir des informations nouvelles.
J'avoue qu'on a raison de demander que le libellé de la loi soit éclairci, surtout en ce qui concerne les normes. J'ai agi comme consultante lors de l'examen de l'équité en matière d'emploi fait par la Commission canadienne des droits de la personne. Il fallait que cet examen soit fait à l'extérieur, parce que c'est elle qui effectue les examens internes.
L'analyse typologique dont il est question dans le document, de même que l'analyse du système d'emploi, posaient problème. Ayant déjà participé à un examen en tant que personne de l'extérieur, je puis vous dire que les questions qui sont soulignées dans le document de travail sont valables.
Ce qui me préoccupe et m'intéresse est la reddition de comptes et l'exécution, l'information et les ressources. L'obligation de rendre des comptes n'est pas aussi claire qu'elle devrait l'être dans les lois actuellement, et il faudrait vraiment y voir.
Les dirigeants de nombreux organismes se déclarent en faveur du principe de l'équité, mais ils ignorent ce que cela signifie ou comment l'appliquer. Je ne puis vous dire combien d'organismes reçoivent la lettre de la Commission canadienne des droits de la personne ou du Programme des contrats fédéraux qui les désigne comme étant des organismes visés par l'équité. Nul ne sait où donner de la tête. On cherche des données et on tente de mettre en oeuvre le programme de manière à pouvoir rédiger ce rapport de 20 à 70 pages qui dit à quel point on agit de bonne foi.
Il faudrait prévoir dans les dispositions relatives à la reddition de comptes et à l'application de la loi quelque chose qui serait différent de la simple réaction au Programme des contrats fédéraux ou à la Commission canadienne des droits de la personne, en somme qui ne serait pas simplement corercitif. Nous leur faisons bon accueil quand ils se présentent parce que nous avons pleinement appliqué le principe d'équité en matière d'emploi tout le temps--chaque minute de chaque jour. Ils n'ont qu'à voir ce que nous avons fait, parce que nous avons vraiment appliqué le principe. Voilà ce qu'il faut viser dans la loi.
Cela nous amène directement à l'information, parce que la loi dit que nous sommes censés avoir une composante «Information» tant à la Commission canadienne des droits de la personne que dans le cadre du Programme des contrats fédéraux. Il est merveilleux d'obtenir des données et de l'information des deux organismes en tant que membres visés par la loi, mais quelle chance ce serait s'il existait un plan de marketing et de communications dans ces deux domaines qui ferait la promotion de l'équité en matière d'emploi dans le pays tout entier, même si nous ne sommes pas visés par la loi. Parlons-en et faisons circuler l'information. Il est question de marketing, alors vendons l'idée de l'équité en matière d'emploi.
Enfin, pour ce qui est des ressources, je sais à quel point il est difficile d'entendre sire que nous avons besoin de plus de ressources, mais c'est effectivement le cas, quand bien même ce ne serait que pour les communications, le plan de marketing de l'équité et toutes ces choses dont nous avons parlé. De quoi a-t-on besoin? La Commission canadienne des droits de la personne a admis qu'il faut trois ans pour traiter un dossier et de sept à neuf ans, dans le cadre du Programme des contrats fédéraux. Tout ce qu'elle demande, c'est qu'on fasse preuve de bonne foi. À mon avis, il faut faire plus que cela.
Je ne vais pas répéter ce qu'ont dit Carol et Bill, sauf de dire que je suis entièrement d'accord avec eux. Comme j'aimerais que nous ayons vraiment le temps d'en débattre, je vais m'arrêter ici.
 (1215)
La présidente: Je vous remercie beaucoup. Je sais que le comité vous en sera reconnaissant.
Les partis d'opposition se sont déjà entendus pour que Mme Guay soit la première à poser des questions. Elle a en effet un autre engagement qui l'obligera à nous quitter sous peu.
[Français]
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Merci, madame la présidente.
Je sais qu'on est limités dans le temps à cause du vote. On est désolés pour le vote parce que ça nous a enlevé une heure de travail.
L'information que vous nous apportez aujourd'hui est d'une extrême importance parce que vous êtes des spécialistes dans ce domaine. J'espère aussi que nous aurons d'autres documents pour nous aider à faire notre travail de révision de la Loi sur l'équité en matière d'emploi.
Vous savez tous qu'il n'y a qu'au Québec où il y a une loi sur l'équité en matière d'emploi et au gouvernement fédéral. Vous êtes des scientifiques, des personnages qui travaillez dans ce domaine depuis des années. Pouvez-vous me dire--et ce n'est pas pour faire de la petite politique, mais c'est vraiment pour faire une comparaison entre les deux lois--ce qui est bon dans l'une ou dans l'autre? Comment l'une pourrait-elle servir l'autre? N'y aurait-il pas des choses qu'on pourrait aller chercher dans la loi du Québec afin de les appliquer au niveau fédéral, et vice versa?
Entre autres, au Québec, nous faisons une campagne. Madame Dauphinee, vous parliez tout à l'heure de faire du marketing. On fait une campagne de recrutement présentement, une campagne médiatique très importante au Québec pour solliciter les gens afin qu'ils viennent postuler un emploi dans la fonction publique québécoise selon la Loi sur l'équité en matière d'emploi, Donc, on vise les handicapés, les ethnies, les femmes pour favoriser l'application de la loi. J'aimerais vous entendre là-dessus, et j'aurai une deuxième question par la suite.
 (1220)
[Traduction]
Mme Carol Agócs: Il se passe au Québec quelque chose de fort intéressant et d'important en termes d'information publique, en termes de niveau d'information publique et d'appui. J'ai été impressionnée par la force de l'appui public et par l'information qui circule. Je n'ai pas de véritables conclusions de recherche pour l'étayer, mais j'ai l'impression qu'une grande partie de la population de la province est d'accord avec le principe de l'équité.
La loi du Québec, dont j'avoue n'avoir qu'une connaissance limitée, me semble efficace pour le secteur public auquel elle s'applique, c'est-à-dire un secteur public élargi. Toutefois, ce que nous aimerions, c'est que l'impact ait une plus grande portée et que l'entreprise privée soit également incluse.
M. William Black: Oui. Je suis d'accord avec cela. Je crois que les deux ont des choses à nous apprendre. La loi du Québec est plus récente et, comme nous l'avons appris dans le cadre de notre expérience avec la loi fédérale, il faut parfois du temps pour en évaluer les forces et les faiblesses. Toutefois, je suis entièrement d'accord pour dire que cette loi établit une bonne norme de comparaison qui peut nous aider à repérer les forces et peut-être aussi les faiblesses de la Loi fédérale sur l'équité en matière d'emploi.
[Français]
Mme Monique Guay: Je suis d'accord avec vous aussi. Je pense qu'il y a des améliorations à apporter à la loi. Je suis très surprise de voir, entre autres, qu'il n'y a pas eu de poursuites. Seules des plaintes ont été déposées. Ça fait quand même longtemps que cette loi existe. Donc, quelque part, il y a des déficiences importantes. Ce n'est pas normal, s'il y a eu des injustices, que les gens ne puissent pas poursuivre. Il semble que ce soit extrêmement compliqué pour M. ou Mme Tout-le-Monde de poursuivre.
Je regarde aussi ici, à Ottawa. Les employés du Parlement et les employés de la Bibliothèque du Parlement ne sont pas visés par la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Je pense qu'à ce niveau, le gouvernement devrait prêcher par l'exemple et les inclure, et faire ses devoirs dans son propre territoire. Ce serait une première.
Ce sera tout, madame la présidente. Après, je vais les laisser parler.
Selon les statistiques du 1er avril 1999 sur l'emploi dans la fonction publique fédérale--je le soulignais à la dernière séance du comité, mais je tiens encore à le souligner--quand on regarde le progrès des femmes au niveau du travail dans la fonction publique, il y a eu une augmentation du nombre de femmes qui ont postulé des emplois, mais aussitôt qu'on arrive à un salaire de 45 000 $ et plus, il y a un méchant trou où ce sont des hommes. On n'arrive pas à augmenter le nombre de femmes cadres. Dans les postes dont le salaire va de 95 000 $ à 100 000 $, il y a 679 hommes pour 98 femmes. Alors, on a encore un gros, gros boulot à faire à ce niveau pour améliorer la situation. Et je ne parle pas de la situation des autochtones ni de celle des communautés culturelles. Alors, je pense qu'il y a un travail énorme à faire. Il faut essayer de trouver un moyen d'appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Il y a un équilibre qui ne se fait pas entre les deux et je pense que c'est là le problème. Essayons de corriger cela. Si vous avez des recommandations, essayons de corriger cela, maintenant qu'on a la chance de réviser la Loi sur l'équité en matière d'emploi.
[Traduction]
Mme Mary Margaret Dauphinee: J'en conviens. De plus, si vous regardez les chiffres, je ne crois pas que ce soit différent dans la plupart de nos organismes. Vous constaterez par ailleurs que ces femmes sont blanches. Les femmes qui font face à un double obstacle ne sont pas représentées comme elles le devraient au sein de ces groupes.
Naturellement, tout au long de ma carrière, j'ai parlé d'objectifs et d'échéanciers et comment des programmes d'équité en matière d'emploi ne sauraient s'en passer. Il est question aussi du court terme, de programmes d'action positive. Il faut qu'ils soient à court terme, qu'ils soient bien compris, qu'on en assure un suivi et qu'ils prennent fin.
Sans ces efforts supplémentaires--et les programmes d'action positive, comme on les appelle parfois dans la fonction publique fédérale--, je ne crois pas qu'on réalisera des percées. Il faut que les chefs d'entreprise et des autres secteurs sachent qu'ils peuvent créer des programmes d'action positive. Quand il est question de programmes d'action positive ou d'action affirmative à court terme, ils disent que c'est illégal. Cela prouve que nos communications, notre marketing, notre connaissance de la loi et des règles sont inexistants. Nous avons beaucoup de travail à faire.
 (1225)
La présidente: J'espère que vous allez pouvoir en parler plus longuement quand vous répondrez à une autre question, parce que vous avez nettement dépassé la limite de temps.
Les personnes à prendre la parole seront Mme Skelton, Mme Falco et, enfin, Mme Davies.
Mme Carol Skelton (Saskatoon--Rosetown--Biggar, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.
Je remercie beaucoup les témoins d'être venus ici ce matin. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants.
Les deux dames ont parlé de programmes de marketing. Seriez-vous d'accord avec cela, monsieur Black, et pourriez-vous me donner un exemple de programme de marketing amélioré qui vous plairait?
M. William Black: Ces personnes sont peut-être plus... Je suis l'avocat du groupe, mais tout le raisonnement sur lequel s'appuie la Loi sur l'équité en matière d'emploi est que les employeurs prendront des mesures pour cerner les problèmes et trouver leurs propres solutions.
Une partie du marketing consiste à convaincre les employeurs que cette question devrait avoir autant d'importance que d'autres exigences de la loi, autant d'importance que les règles de comptabilité, par exemple. Toutefois, il existe également de nombreux employeurs qui aimeraient se conformer à la Loi sur l'équité en matière d'emploi mais qui ignorent comment le faire. Une autre partie de la campagne d'information devrait consister à les aider à faire ce qu'ils veulent faire, en leur fournissant les connaissances ou les ressources qu'ils n'ont pas.
Mme Carol Skelton: L'une d'entre vous, mesdames, a-t-elle effectué des études pour savoir combien un programme comme celui-là coûterait et réunit de la documentation sur la façon dont le gouvernement ou un organisme pourrait le réaliser convenablement?
Mme Carol Agócs: Cela ne relève pas de ma sphère de compétence, malheureusement. Toutefois, il me semble qu'il existe au sein même de DRHC d'excellentes ressources pour faire précisément cela--établir le coût des principaux points à régler en matière d'information et de marketing, travailler de concert avec les organismes communautaires qui ont l'expertise voulue pour repérer les obstacles et nous dire pourquoi il n'y a pas plus d'Autochtones au sein de la population active ou de la fonction publique, par exemple. Je crois que nous disposons d'excellentes ressources pour le faire.
Mme Carol Skelton: Avez-vous des commentaires, Mary?
Mme Mary Margaret Dauphinee: Lorsque j'étais directrice du service de l'égalité d'accès à l'emploi pour la ville de Toronto, nous avons suscité une certaine consternation lorsque nous avons élaboré notre propre programme de respect des clauses non discriminatoires. Nous avons mené une campagne de marketing, beaucoup plus modeste que celle qui devrait être envisagée en l'occurrence, mais nous avons pu le faire dans les limites du financement qui nous avait été accordé. Je me ferai un plaisir de retrouver cette information pour vous et de vous la communiquer. Évidemment, à partir de cela, il vous faudrait multiplier par mille.
Mme Carol Skelton: Ce serait bien, si vous pouviez faire cela.
Mme Mary Margaret Dauphinee: Nous avons procédé de cette façon avec toutes les entreprises travaillant pour la ville de Toronto qui recevaient des subventions, de la même manière que vous le feriez, mais pour nous, à une échelle beaucoup plus petite. Nous avons émis les certificats, publié toutes les exigences, et ainsi de suite. Je pourrais sans doute fouiller dans les dossiers et communiquer cette information au comité, pour vous montrer comment nous nous y sommes pris.
Mme Carol Skelton: Cela serait très utile. Je l'apprécierais beaucoup.
Madame Agócs, au cours de votre allocution, vous avez parlé de sanctions convaincantes applicables aux contrevenants. Pouvez-vous m'expliquer ce que vous entendez par là, s'il vous plaît?
Mme Carol Agócs: La loi exige l'application de sanctions financières uniquement lorsque les rapports exigés n'ont pas été remis au gouvernement et non lorsque le plan d'équité en matière d'emploi de l'employeur n'a pas été mis en oeuvre. Je considère que c'est un problème. Certes, il importe de faire comprendre aux employeurs qu'ils doivent soumettre les rapports exigés puisque c'est à partir de là qu'un plan sera élaboré. Mais j'estime qu'il est tout aussi important d'inciter les employeurs à agir, à adhérer au plan qu'après tout ils ont contribué à élaborer en fonction de leur connaissance intime de l'entreprise et de leur situation. Je souhaiterais donc que l'on envisage d'imposer des sanctions aux entrepreneurs apathiques.
 (1230)
Mme Carol Skelton: Monsieur Black.
M. William Black: Je voudrais ajouter un argument que j'avais l'intention d'avancer tout à l'heure. La loi précise qu'il existe un Tribunal de l'équité en matière d'emploi. Si, après vérification, il s'avère qu'un employeur n'a pas respecté les directives du vérificateur, qu'il n'a pas respecté non plus celles de la commission, la commission peut renvoyer son cas au tribunal mais, pour reprendre les termes de la loi, uniquement «en dernier recours». Je suis tout à fait d'accord pour qu'on mette l'accent sur la conciliation et la collaboration avec les employeurs pour trouver des solutions. À mon avis, c'est sans contredit la marche à suivre. Mais pour ce qui est de la minorité des employeurs qui ne font peut-être pas tous les efforts voulus pour atteindre cet objectif, l'expression «en dernier recours» leur envoie peut-être un mauvais message en leur donnant à entendre qu'il n'y aura jamais de conséquences. Notre panel est d'avis que le comité devrait se pencher sur cette formulation.
Mme Carol Skelton: Merci.
[Français]
La présidente: Merci.
Madame Folco.
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Monsieur Black, votre présentation et la comparaison que vous venez de faire entre la Loi sur l'équité en emploi et la Loi canadienne sur les droits de la personne m'ont paru extrêmement intéressantes. Mais vous vous êtes arrêté juste au point où cela pouvait déboucher sur des suggestions. C'est-à-dire que vous avez fait la comparaison et nous avez dit que bien des choses pourraient être améliorées dans la relation entre ces deux lois. Je me demande si vous pourriez maintenant nous faire des suggestions.
[Traduction]
M. William Black: Je vous reviendrai volontiers là-dessus plus tard. Je n'ai pas récemment examiné la loi du Québec avec autant d'attention que j'aurais dû. Oh, vous parliez des deux mesures fédérales.
Mme Raymonde Folco: Je ne parlais pas du Québec.
 (1235)
M. William Black: Je pense qu'il y a certaines possibilités. Permettez-moi d'en citer quelques-unes, que la commission pourrait envisager.
Il y a d'abord la question de cette règle qui stipule qu'on ne peut jamais loger une plainte fondée sur les statistiques rendues publiques dans les rapports sur l'équité en matière d'emploi. Il arrive que ces statistiques ne constituent pas une forte indication de discrimination, et peut-être devrait-on prévoir un règlement précisant qu'il faut qu'il y ait une sous-représentation importante sur le plan statistique. Il me semble que dans certaines circonstances, ces statistiques pourraient logiquement donner lieu à une plainte. Je tiens à souligner que ces statistiques ne devraient pas servir à déceler les violations, mais simplement à amorcer le processus d'enquête.
Pour ce qui est des pouvoirs réparateurs prévus dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, il va de soi qu'il serait injuste pour les employeurs d'exiger d'eux une chose au titre de la Loi sur l'équité en matière d'emploi et une autre chose au titre de la Loi sur les droits de la personne. J'en conclus qu'il faut qu'il y ait coordination et qu'un message unique soit transmis aux employeurs. Parallèlement—je pense parler au nom de l'ensemble du panel à cet égard—, on ne saurait aller jusqu'à dire qu'il est impossible d'appliquer un remède systémique, du type de celui que vous auriez appliqué avant 1995 en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Autrement dit, même après que le Tribunal canadien des droits de la personne a conclu qu'il y a effectivement discrimination systémique, qu'elle est constante et qu'elle se perpétuera à l'avenir, le libellé actuel lui interdit de faire quoi que ce soit. Le tribunal ne peut donner l'ordre de prendre des mesures pour supprimer les effets de cette discrimination. À mon avis, c'est là un autre exemple où nous pourrions adopter une solution plus subtile et faire en sorte que le tribunal ne donne pas lieu à des mesures correctives incohérentes, mais qu'il y ait une action possible une fois qu'il est arrivé à une telle conclusion.
[Français]
Mme Raymonde Folco: Madame la présidente, il me semble que M. Black soulève un point important en abordant la question de la relation et de l'ajustement entre les deux lois. Est-ce que l'on ne pourrait pas demander qu'une analyse plus approfondie de cette relation soit faite? Les suggestions de M. Black pourraient nous fournir des éléments concrets qui serviraient aux recommandations que nous pourrions faire par rapport à la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Serait-il possible de mener une analyse plus approfondie qui mènerait à des suggestions et à des recommandations visant l'amélioration?
[Traduction]
La présidente: Monsieur Black, votre panel a-t-il rédigé des études que vous pourriez nous communiquer pour venir en aide à Mme Folco?
M. William Black: Nous avons quelques documents de recherche. Évidemment, notre panel n'existe plus, mais le ministère de la Justice aurait accès à ces documents.
Je dois cependant ajouter qu'il faudra sans doute faire d'autre travail précisément parce que notre mandat visait uniquement la Loi canadienne sur les droits de la personne. Nous étions quelque peu limités pour ce qui est de proposer des solutions à la Loi sur l'équité en matière d'emploi.
[Français]
Mme Raymonde Folco: Madame la présidente, je souhaiterais que l'on pousse plus loin cette analyse. Si cela pouvait se faire dès maintenant, on aurait des données ou de l'information qui nous mèneraient justement à des recommandations que l'on voudrait possiblement inclure dans notre rapport. Je pense que cela pourrait devenir un élément important de notre rapport.
Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Nous allons ensuite passer à Mme Davies.
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci beaucoup.
Je suis tout à fait d'accord avec les observations de Mme Folco. M. Black a très bien résumé le problème en disant qu'il doit y avoir une interaction harmonieuse entre la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Nous n'avons pas encore abordé cette perspective, et il serait sans doute très valable de le faire.
Premièrement, je tiens à vous remercier d'être venu aujourd'hui et j'aimerais que nous ayons plus de temps pour discuter de ces questions très importantes avec vous.
J'ai remarqué que vous avez mis l'accent sur deux choses. L'une d'elles était l'observance. Je pense que des problèmes sérieux se rattachent à l'observance—nous n'avons pas le temps d'en discuter en détail—, mais aussi aux ressources.
Madame la présidente, lorsque nous avons entendu les représentants du Conseil du Trésor, nous ne les avons malheureusement pas interrogés au sujet du niveau des ressources ou des budgets. Il est fort probable qu'à un moment donné, nous devrons nous pencher là-dessus et examiner les engagements budgétaires liés à la mise en oeuvre de ce programme, qu'il s'agisse du volet éducation, observance ou autre. J'espère qu'au besoin, nous pourrons rappeler les gens du Conseil du Trésor pour examiner les besoins en matière de budgets ou de ressources.
En fait, vous avez abordé la question qui m'intéresse dans votre mémoire. Il s'agit de cette grave lacune dans la loi qu'est l'absence de motifs multiples. La loi exige le respect de certaines clauses relativement à la représentation des divers groupes désignés, mais elle ne se penche pas sérieusement sur le cas de la sous-représentation, par exemple, des femmes qui sont aussi issues de minorités visibles, des femmes autochtones qui sont aussi handicapées ou des femmes handicapées. Il me semble que c'est là un aspect qui a été négligé.
J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet. Premièrement, en est-il question quelque part? Deuxièmement, considérez-vous que c'est un tel problème que nous devrions effectivement élargir la couverture pour qu'il soit bien clair que les problèmes de sous-représentation liés aux motifs multiples relèvent de l'application de la loi? C'est ma première question.
Voilà ma seconde question. Il me semble incroyable que cette loi si importante ne s'applique pas au Parlement proprement dit. Comme on le sait, c'est une situation très pertinente dans l'optique de la Loi canadienne sur les droits de la personne. En fait, on rapportait aujourd'hui dans le Quorum un cas lié à l'âge qui mettait en cause la Loi canadienne sur les droits de la personne. Veuillez partager avec nous toute opinion que vous avez à ce sujet également.
D'après vous, existe-t-il une raison valable justifiant que le Parlement, en tant qu'institution, ne soit pas visé, qu'il soit exempté de l'obligation d'assurer l'équité en matière d'emploi?
 (1240)
M. William Black: Notre panel a recommandé que les employés du Parlement soient assujettis à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Nous ne pouvions faire la même recommandation en ce qui a trait à la Loi sur l'équité en matière d'emploi, mais je suis sûr que si nous avions pu le faire, nous l'aurions fait.
Mme Mary Margaret Dauphinee: Nous avons rencontré le même problème avec les conseillers de l'Université de Toronto relativement à notre politique sur le harcèlement sexuel et nos différentes politiques sur l'équité. Il y a eu un vote et depuis, ils sont couverts par la loi.
Les enquêtes ont été effeftuées par des gens de l'extérieur et non par des gens de l'effectif. On a fait intervenir de l'extérieur une brochette d'avocats pour mener à bien les enquêtes.
Mme Libby Davies: Mais je ne parle pas uniquement des partis politiques. Il y a des milliers de personnes qui travaillent ici, qui occupent divers postes et je parle aussi des motifs multiples.
Mme Carole Agócs: Je pense que c'est très important. À mon avis, il serait très utile d'accorder plus d'importance aux motifs multiples dans les rapports qui sont produits annuellement aux termes de la loi. C'est une question à laquelle les employeurs doivent être plus sensibles qu''ils ne le sont à l'heure actuelle.
À mes yeux, la mise en oeuvre de la Loi sur l'équité en matière d'emploi est un exercice de résolution de problèmes. Au coeur de cet exercice se situe l'examen des systèmes d'emploi. Cet examen permet à l'employeur de découvrir quels obstacles peuvent expliquer pourquoi il n'y a pas davantage de femmes autochtones ou de femmes issues de minorités visiblesdans certains types de postes, et ainsi de suite. À ce stade, c'est un exercice très concret. Il s'agit d'identifier les obstacles et de voir comment ils entravent la participation égale d'un groupe en particulier.
Je pense que si, dans le cas de l'examen des systèmes d'emploi, on exigeait davantage de détails plus de précisions, cela serait utile pour identifier les besoins particuliers et les obstacles entourant les personnes doublement défavorisées.
Mme Libby Davies: Si j'ai bien compris, à l'heure actuelle—avec votre permission, madame la présidente—les données existent, mais les employeurs ne sont pas tenus de présenter un rapport sur les cas de motifs multiples. Certains d'entre eux le font peut-être, s'ils considèrent que c'est un problème, mais à ma connaissance, le système actuel ne l'exige pas. À mon avis, c'est une lacune importante dans la loi.
Mme Mary Margaret Dauphinee: Je pense que nous présentons des rapports sur les hommes et les femmes dans chacun des groupes désignés, de sorte que nous obtenons l'information de cette façon. Les données existent. Comme vous dites, c'est en partie l'examen des systèmes d'emploi qui détermine les mesures à prendre.
Je voudrais également répondre à votre question concernant le volet éducation. Vous avez dit souhaiter que le Conseil du Trésor vous fournisse des renseignements. Si vous preniez toutes les sommes consacrées à l'éducation et à la commercialisation par Ressources Humaines Canada dans d'autres domaines et que vous préleviez 1 p. 100 pour l'équité en matière d'emploi, nous serions très heureux.
La présidente: Monsieur Black, vous avez parlé de votre panel à plusieurs reprises, et je pense que les membres du comité seraient très intéressés à en savoir un peu plus long. Pourriez-vous nous décrire brièvement votre mandat?
M. William Black: Il s'agit plus précisément du Comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ce comité a été nommé par la ministre de la Justice et il a présenté son rapport en juin 2000. Il était présidé par l'ex-juge La Forest de la Cour suprême du Canada. Mes autres collègues étaient Harish Jain, spécialiste du commerce et Renée Dupuis, avocate à Québec et spécialiste des questions autochtones. Nous avons effectué une vaste recherche dont des résumés sont disponibles. Nous avons mené des consultations dans tout le pays auprès du patronat, des sydicats ainsi que de groupes représentant les femmes, les personnes handicapées, etc. Notre rapport s'attachait surtout à la Loi canadienne sur les droits de la personne et à une structure différente pour la commission, mais étant donné que la commission a des responsabilités aux termes de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, il en a aussi été question.
 (1245)
La présidente: Merci.
Je voulais que cela figure de compte rendu.
Monsieur Tonks.
M. Alan Tonks (York-Sud--Weston, Lib.): Merci, madame la présidente.
D'abord, je tiens à vous remercier d'être venus. J'ai dû assister pendant quelques instants à une autre réunion de comité. Si mes questions sont redondantes, je m'en excuse.
Mary, j'aimerais revenir à la question qu'a posée ma collègue Libby Davies, et au dernier commentaire que vous avez fait.
Je tiens d'abord à dire que je suis heureux de voir Mary. Lorsque je travaillais pour la ville de Toronto, elle y était aussi, sauf que nous assumions des tâches différentes. Je me souviens quand nous avons commencé à faire la promotion de l'équité en matière d'emploi sur le plan des salaires équitables, du respect des clauses antidiscriminatoires, de la parité salariale. Le gouvernement cherchait à s'assurer la collaboration de ceux avec qui il faisait affaire, à les amener à se conformer, non sans difficulté, à l'esprit de la loi sur l'équité en matière d'emploi. Mary a joué un rôle déterminant à ce chapitre, et je tiens à la remercier pour le leadership dont elle a fait preuve à l'époque.
Ma question est la suivante. Il me semble que, dans la plupart des entreprises et au gouvernement, la promotion de l'équité au sein des groupes désignés passe non pas par l'embauche de personnes non qualifiées, mais plutôt par la recherche de solutions permettant d'améliorer la situation de ces groupes afin qu'ils soient traités de façon équitable. La question posée par Mme Davies portait, je crois, sur les ressources dont nous disposons pour accroître ces pourcentages.
Nous semblons avoir des problèmes de ce côté-là. Vous avez dit que vous seriez très heureuse si vous pouviez faire passer ce chiffre à 1 p. 100. Prenons par exemple les fonds que nous allouons aux stratégies de développement du marché de travail, ainsi de suite. Est-ce le manque de ressources qui explique le fait que nous n'arrivons pas à atteindre les objectifs en matière de représentation des groupes désignés? Devrait-on fixer la barre à 1 p. 100, ou devrions nous recommander qu'un pourcentage des fonds alloués aux programmes soit consacré exclusivement aux groupes désignés? Quel est votre avis là-dessus? Je suis ouvert à toute suggestion.
Mme Mary Margaret Dauphinee: Je dois dire que toute injection de fonds permettant de promouvoir l'équité en matière d'emploi auprès des groupes désignés serait la bienvenue. Toutefois, il faudrait réfléchir davantage au pourcentage qui serait souhaitable. J'ai utilisé ce chiffre parce que nous nous disons, à l'université, que si nous pouvions obtenir même 0,5 p. 100 des fonds consacrés aux subventions, nous pourrions mettre sur pied un merveilleux programme d'équité en matière d'emploi. Un demi de 1 p. 100 serait suffisant pour mettre sur pied un tel programme.
Vous avez parlé d'éducation, de la nécessité de former les gens. J'ai toujours dit que c'est dans les salles d'accouchement des hôpitaux qu'il faudrait commencer à parler d'équité en matière d'emploi, sauf qu'on m'en a toujours interdit l'accès. Nous devons sensibiliser les jeunes à cette question le plus tôt possible, dès la maternelle, par exemple. C'est là que nous devons commencer. Si nous voulons former les jeunes pour qu'ils soient en mesure d'occuper les emplois de demain, les emplois d'aujourd'hui, nous devons alors promouvoir l'équité en emploi à tous les niveaux, peu importe l'âge des jeunes. J'avais l'habitude de dire que je faisais tout cela pour le bien de ma fille. Aujourd'hui, je dis que je le fais pour le bien de mes arrière-petits-enfants.
Mr. Alan Tonks: Merci.
La présidente: Monsieur Tonks, il vous reste encore un peu de temps.
M. Alan Tonks: Non, j'ai terminé, madame la présidente. Merci.
La présidente: Monsieur Spencer, et ensuite M. Malhi.
M. Larry Spencer (Regina--Lumsden--Lake Centre, Alliance canadienne): J'ai la tête qui tourne. Tout ce que j'entends, c'est que l'on concentre de plus en plus nos efforts là-dessus, ce qui provoque toujours chez moi des craintes, que ce soit à tort ou à raison. J'ai, cependant, quelques questions à poser à ce sujet.
Regardons les choses dans une perspective plus vaste. Des changements majeurs se sont produits dans le monde au cours des dernières années—ce qui, pour moi, correspond à tout juste 25 ans.
Une voix: Oh, oh!
M. Larry Spencer:L'apartheid n'existe plus. La ségrégation aux États-Unis a considérablement diminué, sauf que je n'irais pas jusqu'à dire qu'elle n'existe plus. On ne peut pas dire que les préjugés n'existent pas au Canada. On aime bien le prétendre, mais je pense que ce programme prouve le contraire. C'est pour cette raison qu'il a été créé, n'est-ce pas? Cependant, les choses se sont aussi améliorées dans l'ensemble.
Il y a une question à laquelle je n'ai pas de réponse; on peut simplement répondre par un oui ou par un non. Est-ce qu'un tel programme existe aux États-Unis? Est-ce que les progrès réalisés dans ces domaines sont attribuables à ce programme?
 (1250)
Mme Carol Agócs: L'expérience des États-Unis en matière d'action positive, qui est en fait leur version de l'équité en matière d'emploi, fait l'objet d'un grand nombre d'études. L'action positive, tout en étant différente de l'équité en matière d'emploi, s'attaque aux mêmes problèmes. D'après les preuves recueillies, le programme d'action positive aux États-Unis a contribué à améliorer la situation des femmes et des Noirs en favorisant leur intégration au marché du travail et, dans une certaine mesure, en leur permettant d'occuper des postes auxquels ils n'avaient pas accès dans le passé. Toutefois, il a fallu pour cela que le gouvernement consacre des ressources au programme et en assure l'application. Or, ces ressources et cet engagement ont disparu par suite des politiques adoptées au fil des ans aux États-Unis. Les études démontrent également que les résultats étaient pires, ou peu évidents, après le retrait de cet appui et de cet engagement.
Ce qu'il faut surtout retenir, c'est que les employeurs sont chargés de fixer des objectifs et de prendre des mesures en vue de les atteindre. C'est la-dessus que j'ai fondé les observations que j'ai faites plus tôt. Ces éléments de preuve sont, pour nous, très importants.
Mme Mary Margaret Dauphinee: Quand le président Reagan a proposé de supprimer le programme d'action positive aux États-Unis, 100 entreprises faisant partie des sociétés Fortune 500 l'ont enjoint de ne pas le faire. Elles ont constaté que le programme d'action positive avait contribué à accroître leur productivité, à promouvoir l'équité en milieu de travail et à diversifier leur main-d'oeuvre. Vous pouvez avoir accès à ces données, car Peter Robertson, qui est aujourd'hui décédé, faisait partie du groupe qui a rassemblé les entreprises membres des sociétés Fortune 500.
M. Larry Spencer: Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il est dans notre intérêt d'avoir une main-d'oeuvre diversifiée. C'est ce que nous visons. Nous ne voulons pas créer de vieilles cliques partout où nous allons.
L'Ontario a aboli, il y a environ six ans de cela, le programme d'équité en milieu de travail. Existe-t-il des données sur la situation qui existe en Ontario? S'est-elle améliorée ou détériorée?
Mme Carol Agócs: Nous sommes pas en mesure de répondre à votre question, puisqu'aucune donnée n'a été compilée depuis que la loi a été abrogée. Il n'y a pas de loi sur l'équité en matière d'emploi qui oblige les employeurs à compiler le genre de données qu'il nous faut pour répondre à votre question.
M. William Black: En effet, la loi en Ontario ayant été abrogée, les employeurs ne peuvent plus recueillir ce genre de données.
Je tiens à préciser que la Loi sur l'équité en matière d'emploi a ceci de positif: les rapports fournissent des données concrètes sur l'étendue des problèmes, en plus de cibler les secteurs qui posent ou non problème. Donc, ce n'est pas un comité parlementaire ou des gens comme nous qui vont affirmer qu'il existe un problème. Nous bénéficions de données annuelles qui permettent de cibler les secteurs qui posent problème. Cela veut dire que vous pouvez investir vos ressources là où il existe un problème réel. Il s'agit là d'un aspect très positif de la Loi sur l'équité en matière d'emploi.
 (1255)
M. Larry Spencer: Je voudrais poser une dernière question très simple. Est-ce que la Commission des droits de la personne a déjà été saisie d'un cas de discrimination à rebours? Quelqu'un s'est-il déjà plaint du fait que la loi le défavorisait?
M. William Black: Il y a déjà eu des plaintes dans le passé. Elles sont aujourd'hui moins évidentes, notamment parce que notre Constitution précise que l'équité a pour but d'éliminer les effets des actes discriminatoires posés dans le passé, de permettre à toute personne d'obtenir sa juste part d'emplois. La Constitution est très claire à ce sujet. La Cour suprême du Canada a déclaré, de façon très explicite, que cette mesure n'est pas discriminatoire si son objectif est de faire en sorte que tous aient accès à leur juste part d'emplois. Cet argument a eu un grand impact aux États-Unis, mais pas vraiment au Canada.
La présidente: Monsieur Black, vous avez parlé des données qui sont recueillies conformément aux exigences d'équité en matière d'emploi. Je sais que vous voudriez ajouter que ces données mettent en évidence les organisations et les entreprises qui dépassent les exigences de la loi.
M. William Black: Absolument. C'est ce que j'ai voulu dire quand j'ai précisé qu'elles vous permettent de cibler vos ressources. Quand elles respectent les exigences de la loi, on leur demande tout simplement si des progrès raisonnables ont été accomplis. Une fois les vérifications terminées, un processus complètement différent entre en jeu.
La présidente: Il est également important de mettre l'accent sur les entreprises qui ne respectent pas ces exigences, et de permettre aussi à celles qui les dépassent de mettre en valeur leurs meilleures pratiques. Je pense que cela sert d'encouragement aux autres.
Mme Mary Margaret Dauphinee: Ils le font en décernant des prix, par exemple.
La présidente: Oui, c'est très important.
Merci.
Monsieur Malhi.
M. Gurbax Malhi (Bramalea--Gore--Malton--Springdale, Lib.): Cette question m'intéresse au plus haut point et préoccupe beaucoup les députés de Toronto, Vancouver, Calgary et Winnipeg. Quelles mesures peut-on prendre pour modifier les normes fédérales dans la loi ou dans la politique d'équité en matière d'emploi, réduire les obstacles et ainsi permettre aux immigrants professionnels d'être agréés plus rapidement par leurs associations?
Ensuite, la Commission canadienne des droits de la personne est chargée d'assurer et de surveiller l'application de la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Pourrait-elle également surveiller les normes et les procédures d'agrément des associations professionnelles?
M. William Black: Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est un problème réel. Il y a des limites à ce que le gouvernement fédéral peut faire, parce que bon nombre des professions relèvent de la compétence des provinces. Voilà pourquoi je trouve dommage que la province de l'Ontario se soit retirée de ce secteur. Le gouvernement fédéral peut encourager un barreau à adopter certaines normes, mais légalement, il ne peut pas lui dire quelles normes appliquer. Toutefois, à mon avis, les lois provinciales sur les droits de la personne interdisent les pratiques qui ne sont pas justifiables, ce qui a pour effet d'exclure des personnes ou des qualifications acquises a l'étranger. Vous pourriez, comme solution, faire valoir vos droits en vertu de la Loi sur les droits de la personne de l'Ontario, de la Colombie-Britannique, ainsi de suite.
M. Gurbax Malhi: Que pensez-vous de l'idée d'avoir un organisme fédéral qui réglementerait toutes les associations? De cette façon, elles pourraient faire quelque chose et nous, on éviterait de blâmer les provinces qui, à leur tour, blâment le gouvernement fédéral.
M. William Black: Il faudrait poser la question aux avocats de droit constitutionnel du ministère de la Justice. Toutefois, je pense qu'il y a des limites à ce que peut faire le gouvernement fédéral, parce que bon nombre de ces pouvoirs relèvent, en vertu de la Constitution, des provinces. Je partage vos craintes et j'aimerais pouvoir vous donner une réponse plus positive, mais je pense qu'il y a des limites à ce qu'il peut faire.
La présidente: Nous devons arrêter à treize heures. Si le comité est d'accord, je vais autoriser chaque parti à poser une brève question.
Je vais commencer par Mme Davies—s'il-vous-plaît, soyez brève.
· (1300)
Mme Libby Davies: J'aimerais revenir à la question de M. Malhi. On en a également parlé mardi. Comme la Loi sur l'équité en matière d'emploi est fondée sur la disponibilité de la main-d'oeuvre, et comme il existe actuellement une règle qui exclut les non-Canadiens, on se retrouve dans une situation où la représentation des minorités visibles au sein de la fonction publique est, en fait, moins élevée que dans le secteur privé réglementé par le gouvernement fédéral. Leur représentation, dans le secteur privé, dépasse légèrement leur disponibilité sur le marché du travail. Or, leur représentation dans la fonction publique n'est que de 5, 5 p. 100. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Est-ce que le fait d'exclure les non-Canadiens constitue un facteur important? On ne tient pas compte de cet élément dans la disponibilité en matière de recrutement. D'après moi, cela a un impact sur le nombre de personnes qui peuvent présenter une demande d'emploi, et les chiffres dans ce domaine sont plutôt faibles. Ils devraient être deux fois plus élevés. Je me demande tout simplement si vous avez des commentaires là-dessus.
Mme Carol Agócs: Cela ressemble à un obstacle. Je ne pense pas qu'il existe des données qui permettent de démontrer dans quelle mesure il s'agit d'un obstacle. Il serait peut-être bon de se pencher là-dessus.
Mme Libby Davies: Il est intéressant de noter que le secteur privé, où cet obstacle n'existe sans doute pas, atteint les objectifs qu'il s'est fixés pour ce qui est des minorités visibles. On pourrait lui poser des questions à ce sujet.
La présidente: Monsieur Black.
M. William Black: Je tiens à préciser que la Cour suprême du Canada a déclaré inconstitutionnelle l'exigence selon laquelle il faut être un citoyen pour pratiquer le droit. Il y aurait peut-être lieu de voir si ces exigences en matière de citoyenneté sont vraiment nécessaires.
En ce qui a trait aux données, nous avons celles du dernier recensement. Il va nous permettre d'avoir accès à des données plus précises. Le comité pourrait se pencher sur la question de savoir comment nous pouvons faire meilleur usage de ces données, compte tenu des récentes tendances qui ont été observées en matière d'immigration. Nous éviterons ainsi de nous fonder sur des données périmées qui n'indiquent pas exactement combien de membres font partie de certains groupes, ainsi de suite.
Mme Mary Margaret Dauphinee: Cela vaut surtout pour les personnes handicapées. Il y a des études qui datent de 1991. On ne prévoit pas en faire une autre avant l'année prochaine, ce qui...
Le président: Madame Skelton.
Mme Carol Skelton: M. Spencer veut également poser une question.
La Loi sur l'équité en matière d'emploi est en vigueur depuis 1996. Or, est-elle en vigueur depuis assez longtemps pour vous permettre d'évaluer les changements apportés avec précision et de recommander de nouvelles modifications? Croyez-vous qu'elle devrait être modifiée?
M. William Black: Nous savons que certains changements s'imposent. Nous aurons encore plus de renseignements dans cinq ans, mais je pense que nous avons rassemblé suffisamment de données, surtout en ce qui concerne les ressources, l'éducation, ainsi de suite, pour être en mesure de proposer des changements.
Le président: Monsieur Spencer.
M. Larry Spencer: Je tiens tout simplement à dire qu'il est juste, d'un point de vue moral, que l'employeur applique les principes d'équité en matière d'emploi. Je suis d'accord avec cette façon de faire. N'oublions pas que nous entendons souvent dire que les valeurs morales ne peuvent être inculquées par voie législative. Or, c'est ce que nous faisons dans le cas des employeurs. Nous avons eu le courage de le faire dans ce cas-ci. Nous devrons également avoir le courage de le faire dans d'autres domaines.
Mme Carol Agócs : Nous encourageons les employeurs à s'occuper de la santé et de la sécurité de leurs employés. Cela revient, en partie, à prendre un engagement d'ordre moral envers la santé et le bien-être de ceux-ci.
M. Larry Spencer: Nous le faisons tout le temps, sauf que nous oublions à quel point les valeurs morales peuvent avoir une portée très vaste. Il est question de valeurs morales même les lois qui visent à punir les voleurs de banques.
[Français]
La présidente: Madame Guay.
Mme Monique Guay: Je suis tout à fait en désaccord avec mon collègue, malgré tout le respect que je lui dois. Je pense que favoriser l'emploi chez les femmes, ce n'est pas une question de moralité, c'est une question de justice et d'équité. C'est la même chose pour les minorités culturelles et pour les handicapés. Je ne partage pas du tout son opinion. Mais ça, c'est moi.
Je pense qu'on a fait un beau tour de table et toute suggestion que vous pourriez nous faire pour apporter des améliorations à la présente loi serait absolument nécessaire pour que nous puissions continuer le beau travail que nous faisons présentement. Il faut vraiment qu'on fasse une étude sur une façon plus facile d'appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Il faut faire le lien entre les deux.
Je terminerai en disant qu'on a révisé la partie II du Code canadien du travail sur la santé et la sécurité au travail, et on a augmenté certaines pénalités aux employeurs. Si on n'avait pas fait cela, ce n'est pas vrai que les employeurs auraient nécessairement augmenté la sécurité dans leur milieu de travail. On les force à faire des choses. Oui, c'est vrai. Ce n'est pas une question de moralité, c'est une question de sécurité, de santé et de bien-être des employés. Donc, c'est sûr que si on ne fait pas un effort dans ce sens-là, autant au niveau de l'équité en matière d'emploi qu'au niveau de la santé et de la sécurité ou à n'importe quel autre niveau, n'importe qui va faire n'importe quoi. Alors, je pense qu'il est important qu'on révise la loi, et je vous réitère la nécessité de nous envoyer, si vous en avez, de l'information, des suggestions.
Madame Dauphinee, vous avez beaucoup de suggestions. Envoyez-les nous au comité pour qu'on puisse travailler avec cela.
· (1305)
[Traduction]
La présidente: Merci.
Au nom du comité, je tiens à remercier nos trois témoins. Vous nous avez fourni des renseignements très utiles. Vous comptez de très nombreuses années d'expérience dans ce domaine. En fait, vous êtes des experts en la matière. Nous sommes heureux que vous ayez accepté de partager vos connaissances avec nous.
Vous voudrez peut-être suivre nos audiences sur la question. Si, à un moment donné, vous jugez nécessaire de faire une intervention, n'hésitez pas à communiquer avec nous. Nous accepterons volontiers de l'inclure dans nos délibérations.
Je vous remercie au nom de tous les membres du comité.
La séance est levée.